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La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 38-39, 22 Septembre 2014, 2270
Le rôle central du décompte général et définitif dans le règlement des relations
contractuelles entre le maître de l'ouvrage et le titulaire de marché public de
travaux ou de maîtrise d'oeuvre
Commentaire par Muriel Fayat
avocat
Sommaire
Les principes d'unicité et d'intangibilité du décompte général et définitif sont réaffirmés par le Conseil d'État pour rejeter
la demande d'indemnisation d'un maître de l'ouvrage même en cas de contestation par le titulaire des sommes inscrites au
décompte général et malgré l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle, dès lors que le chiffrage du préjudice
ne figure pas dans le décompte. À l'heure où le décompte général et définitif peut désormais être implicite, les maîtres de
l'ouvrage devront prendre le plus grand soin lors de son établissement qui marque la fin des relations contractuelles et
conditionne la recevabilité des réclamations ultérieures des parties.
CE, 6 nov. 2013, n° 361837, Région d'Auvergne : JurisData n° 2013-024906
(...)
o 1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la région Auvergne a confié la
maîtrise d'oeuvre des travaux de construction du centre européen du volcanisme, dénommé « Vulcania », à un
groupement composé notamment de M. A. B., architecte, de la SELARL Atelier 4 et du bureau d'études techniques
ITC ; que le 9 août 2000, une dalle formant la couverture d'une future salle d'exposition de l'un des bâtiments s'est
effondrée lors d'une opération de remblaiement ; que la région Auvergne se pourvoit en cassation contre l'arrêt par
lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand
condamnant les maîtres d'oeuvre à lui verser solidairement une somme de 1 102 784,41 euros et a rejeté sa
demande d'indemnisation des préjudices résultant des travaux de confortement de l'ouvrage, de la perturbation du
chantier et des retards qui en sont la conséquence ;
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o 2. Considérant, en premier lieu, que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de
travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de
l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; que
l'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même
lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales ; qu'il revient notamment aux parties d'y mentionner les
conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des
malfaçons dont est responsable le titulaire ; qu'après la transmission au titulaire du marché du décompte général
qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des
sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure
juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte
général ; qu'il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par
le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves ;
o 3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir rappelé les
stipulations du cahier des clauses administratives générales « prestations intellectuelles » applicable au marché, aux
termes desquelles la personne responsable du marché arrête le montant du décompte et notifie le décompte retenu
au... ;
o 4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1269 du Code de procédure civile : « Aucune
demande en révision de compte n'est recevable, sauf si elle est présentée en vue d'un redressement en cas d'erreur,
d'omission ou de présentation inexacte » ; qu'en énonçant que la région Auvergne ne pouvait utilement se prévaloir
de cette disposition pour réclamer une indemnisation au titre des préjudices subis du fait de l'effondrement de la
dalle au cours des travaux dès lors que le décompte qu'elle a signé n'était entaché d'aucune erreur matérielle, la cour
administrative d'appel n'a pas commis l'erreur de droit alléguée ni dénaturé les faits de l'espèce ;
o 5. Considérant, en troisième lieu, que si la région Auvergne fait valoir que le maître d'ouvrage peut rechercher la
responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre pour les fautes commises dans l'établissement du décompte
général et définitif des marchés de travaux, une telle action n'est possible que si le marché de maîtrise d'oeuvre n'a
pas lui-même donné lieu à l'établissement par le maître d'ouvrage d'un décompte général notifié aux titulaires en
l'absence de toute prise en compte desdites fautes ; qu'ainsi qu'il a été dit, la région Auvergne a notifié le 5 juillet
2006 le décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre sans y inclure aucune somme relative aux fautes
commises dans l'établissement du décompte général et définitif des marchés de travaux ; que, par suite, le moyen ne
peut qu'être écarté ;
o 6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la région Auvergne n'est pas fondée à demander l'annulation de
l'arrêt attaqué ; que son pourvoi doit donc être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions
de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
o 7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur
le même fondement par la SELARL Atelier 4 et M. B, le bureau d'études techniques ITC, le GIE Ceten Apave, la
société Spie-Batignolles Sud-Est et la société Bureau Veritas ; (...)
Note :
Le décompte général et définitif est devenu, au cours des dernières années, un document essentiel de la fin des relations
contractuelles. S'il est clair que ce document a désormais une ampleur plus large que la réception, il est nécessaire de
préciser les modalités et les effets de son établissement.
Par un arrêt en date du 6 novembre 2013, Région Auvergne, le Conseil d'État apporte d'utiles précisions qui ne
manqueront pas d'attirer l'attention des maîtres d'ouvrage.
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En l'espèce, la région Auvergne avait confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction du centre européen du
volcanisme à Saint-Ours-les-Roches dans le Puy-de-Dôme à un groupement composé notamment d'un architecte et d'un
bureau d'études. Le complexe, plus connu sous le nom de Vulcania, est composé de plusieurs salles d'exposition. L'une
d'elle a vu sa couverture s'effondrer le 9 août 2000 lors d'une opération de remblaiement.
Afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice, la région Auvergne a engagé une action contractuelle à l'encontre de
différents intervenants sur le chantier et notamment des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre à qui elle
reprochait de ne pas lui avoir conseillé d'inscrire aux décomptes des titulaires du marché de travaux les coûts engendrés
par l'effondrement de la dalle.
Malgré ce litige, la région a notifié le décompte général aux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre le 5 juillet
2006 sans faire état des poursuites en cours et partant, sans chiffrer un quelconque préjudice afférent à l'effondrement
du toit d'une des salles d'exposition.
Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a partiellement fait droit aux prétentions de la région par jugement en
date du 31 décembre 2010 en condamnant solidairement les maîtres d'oeuvre au paiement de la somme de
1 102 784,41 euros. La région et le groupement de maîtrise d'oeuvre ont tous deux fait appel de cette décision.
Par un arrêt en date du 21 juin 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal
administratif. Elle a en effet jugé que le fait que la région Auvergne ait « notifié le 5 juillet 2006 le décompte général du
marché de maîtrise d'oeuvre, sans y inclure des sommes en litige, et sans émettre aucune réserve, alors qu'elle
connaissait à cette date le préjudice résultant pour elle de l'effondrement de la dalle » l'empêchait de rechercher la
responsabilité contractuelle des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre.
Ce faisant, la cour administrative d'appel a décidé que le décompte général, une fois notifié, avait à l'égard du maître de
l'ouvrage un effet définitif. En d'autres termes, le décompte général, bien que non encore définitif, est opposable au
maître de l'ouvrage dans la mesure où celui-ci l'a notifié et s'en est dessaisi. La région Auvergne contestait cette
interprétation. Elle soutenait que les réserves apposées par le mandataire du groupement, quand bien même elle portait
sur un autre aspect du marché, avait pour effet de ne pas conférer de caractère définitif au décompte général.
Le Conseil d'État n'a pas suivi cette interprétation et a jugé qu'après « la transmission au titulaire du marché du
décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations
contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une
procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au
décompte général ».
Dans la lignée de sa jurisprudence, une place toujours plus centrale est reconnue par le juge administratif à
l'établissement du décompte général et définitif dans le règlement des relations contractuelles entre un maître de
l'ouvrage et le titulaire du marché (1). Cette extension n'est pas sans poser quelques difficultés pour les maîtres
d'ouvrage et nécessite de leur part la plus grande vigilance (2).
1. Le décompte général et définitif prévaut sur la réception des travaux
Le Conseil d'État a engagé depuis 2007 un mouvement jurisprudentiel visant à conférer au décompte général et définitif
un rôle déterminant pour clore les relations contractuelles dans le cadre des marchés publics.
A. - L'effet extinctif du décompte général et définitif dans le cadre d'un marché public
Dans un considérant de principe de son arrêt Centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer du 6 avril 2007 (CE, 6 avr. 2007,
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n° 264490 : JurisData n° 2007-071731 ; Rec. CE 2007, p. 163 ; Contrats-Marchés publ. 2007, comm. 173, note J.-P.
Pietri), le Conseil d'État avait dit « que seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour
conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation » au regard des droits et obligations financiers nés de
l'exécution du marché. Le décompte général et définitif a ainsi acquis un rôle plus important dans la fin des relations
contractuelles que la réception. L'établissement du décompte général et définitif conditionne en effet les réclamations
ultérieures.
Cette place centrale a été réaffirmée par le Conseil d'État récemment. Dans un arrêt du 20 mars 2013, Centre hospitalier
de Versailles (CE, 20 mars 2013, n° 357636 : JurisData n° 2013-004913 ; JCP A 2013, 2342 ; Contrats-Marchés publ.
2013, comm. 135, note P. Devillers), il a jugé que les réserves non levées par le titulaire du marché qui n'étaient pas
mentionnées dans le décompte général et définitif n'ouvraient au maître de l'ouvrage aucun droit pour imputer au
cocontractant le coût des travaux permettant la levée des réserves. En effet, l'unicité du décompte faisait obstacle à ce
que le maître de l'ouvrage ait des droits non prévus par ce document. Le Conseil d'État réaffirme un principe déjà établi
dans son arrêt du 11 juillet 2008, Société des constructions industrielles de la Méditerranée (CE, 11 juill. 2008,
n° 281070 : JurisData n° 2008-074019), où il avait jugé que « les réclamations formulées antérieurement et qui n'ont
pas encore fait l'objet d'un règlement définitif » doivent être reprises dans un mémoire en réclamation. À défaut, même
si une procédure est en cours, le décompte général et définitif supprime les réclamations des sommes restant à régler.
Ces solutions s'expliquent par les deux principes qui gouvernent le décompte général et définitif : l'unicité et
l'intangibilité. En premier lieu, le décompte général et définitif est intangible, il doit donc réunir « l'ensemble des
opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics » comme le précise le Conseil d'État dans
l'arrêt commenté.
En second lieu, le décompte général et définitif est intangible. Son établissement fixe de manière irréversible les
obligations et les droits des parties à l'issue de leurs relations contractuelles et ce, définitivement.
La montée en puissance de ces deux principes s'illustre dans la décision commentée. Ils font l'objet d'une application
particulièrement forte, qui accroit encore l'importance de l'établissement du décompte général et définitif.
Par l'arrêt commenté, le Conseil d'État précise les effets du décompte général et définitif à l'égard du maître de l'ouvrage
en donnant une rigueur particulière au principe d'intangibilité et en faisant application de celui d'unicité.
B. - L'intangibilité et l'unicité du décompte général et définitif
En réalité, la question posée au Conseil d'État était essentiellement une question d'ordre chronologique : à quel moment
se cristallisent les droits et obligations reconnus au maître de l'ouvrage ? Deux solutions étaient possibles. Soit, les
droits et obligations du maître d'ouvrage était fixé au moment de la notification par ce dernier du décompte général au
titulaire, soit au moment de la signature par le titulaire du décompte général qui, par cette opération, devient définitif à
l'égard de toutes les parties.
En principe, le Conseil d'État estimait que « l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de
travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de
l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties » (par ex. : CE, 8 déc.
1961, n° 44994, Société Nouvelle compagnie générale de travaux).
Il était raisonnable de penser, comme le soutenait en l'espèce la région Auvergne, que c'est bien le décompte définitif
qui détermine les droits et obligations des parties.
Le Conseil d'État n'a pas suivi cette position. Il juge qu'« après la transmission au titulaire du marché du décompte
général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles,
des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure
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juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte
général ; qu'il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le
maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves ».
La notification au titulaire du décompte général est donc le moment clef de la fixation des droits et obligations du maître
de l'ouvrage. Pour autant, le titulaire est libre de signer ce décompte avec ou sans réserve et partant, de déterminer les
aspects du marché qui doivent encore être en débat.
Le maître de l'ouvrage doit donc porter une attention particulière au contenu de son décompte général puisqu'une fois
qu'il s'en est dessaisi, il ne lui est plus loisible de le modifier. En l'espèce, la région Auvergne n'avait pas inclus, dans
son décompte général, les sommes relatives aux conséquences de l'effondrement de la couverture d'une des salles
d'exposition. Par son arrêt, le Conseil d'État précise « qu'il revient notamment aux parties d'y mentionner les
conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons
dont est responsable le titulaire ». Plus largement, l'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché
doivent y être inclues. Il est possible d'ajouter à la liste, qui n'est pas limitative, les préjudices résultant des travaux
supplémentaires (CE, 6 avr. 2007, n° 264490, Boulogne-sur-Mer : JurisData n° 2007-071731 ; Rec. CE 2007, p. 163 ;
JCP G 2007, act. 181) ou encore les pénalités de retard (CAA Lyon, 5 mai 2011, n° 09LY01900, Agence Laurent Bensac
Architectes : JurisData n° 2011-012132).
Le Conseil d'État, par la solution dégagée en l'espèce, ne fait que tirer toutes les conséquences des principes d'unicité et
d'intangibilité. Le décompte général ayant pour objet de fixer les droits et obligations des parties à l'issue des relations
contractuelles, son établissement ne laisse en principe pas de marge d'appréciation au maître de l'ouvrage. Le décompte
se doit d'être général et définitif. Dès lors, une fois que le maître de l'ouvrage le notifie, le document doit être réputé
complet, sous réserves des divergences d'interprétation que ne manquera pas de soulever le titulaire du marché.
D'ailleurs, cette solution était en germe dans l'arrêt Centre hospitalier de Versailles puisque le Conseil d'État avait jugé
que « si le maître d'ouvrage notifie le décompte général d'un marché public de travaux alors même que des réserves
relatives à l'état de l'ouvrage achevé n'ont pas été levées et qu'il n'est pas fait état des sommes correspondant à la
réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves au sein de ce décompte, le caractère définitif de ce dernier a
pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes, même si un litige est en cours devant le juge
administratif ». Il laissait déjà entendre que la notification du décompte général est plus importante pour le maître de
l'ouvrage que sa signature par le titulaire.
Le Conseil d'État le confirme clairement dans la décision commentée et oblige les maîtres d'ouvrage à une particulière
vigilance dans l'établissement du décompte général.
2. Les enjeux pour la maîtrise d'ouvrage
Il pèse sur le maître de l'ouvrage une obligation de résultat dans l'établissement du décompte général. La situation, si
elle est logique, peut sembler particulièrement rude en l'espèce puisque le Conseil d'État l'applique à un marché public
de maîtrise d'oeuvre où le maître de l'ouvrage n'avait précisément pas de maître d'oeuvre pour le conseiller. Ce faisant, il
applique indifféremment les principes rappelés précédemment tant aux marchés publics de travaux que de prestations
intellectuelles.
A. - L'obligation de résultat pour le maître d'ouvrage dans l'établissement du décompte
Cette absence de conseil auprès du maître de l'ouvrage pose plus généralement la question de l'évaluation des préjudices
à laquelle aurait dû s'atteler la région Auvergne. En effet, le Conseil d'État constate qu'« aucune somme relative aux
fautes commises dans l'établissement du décompte général et définitif des marchés de travaux » n'ont été inclues dans le
décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre.
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Les interrogations (F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Le décompte définitif du marché et la fin des relations
contractuelles : Contrats-Marchés publ. 2013, repère 5) concernant les sommes relatives aux fautes commises, déjà
présentes à la lecture de l'arrêt Centre hospitalier de Versailles demeurent : quid si le maître de l'ouvrage ne peut
chiffrer le montant exact de son préjudice ? Doit-il surévaluer celui-ci, au risque de fausser le décompte général, pour
forcer le maître d'oeuvre à apposer des réserves et faire obstacle au caractère intangible du décompte ? Le décompte
général, qui est normalement un document comptable censé fixer la fin des relations contractuelles, devient un véritable
enjeu stratégique qu'il convient de ne pas négliger.
L'enjeu est d'autant plus prégnant que, comme le rappelle le Conseil d'État dans son arrêt, les dérogations au principe
d'intangibilité du décompte général ne sont qu'au nombre de deux.
Ainsi, il précise que « le maître d'ouvrage ne peut réclamer [...] des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte »
mais qu'il peut en aller autrement « s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à
l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves ». Le décompte général et définitif, quand il fait état de réserves de la
part du titulaire, laisse donc une opportunité au maître de l'ouvrage de réclamer des sommes dont il n'a pas fait état dans
le décompte dans la mesure où il existe, classiquement, un « lien » (CE, 22 oct. 1965, n° 58876, Commune de
Saint-Lary c/ Société technique industrielle de matériel d'entreprise).
Pour autant, est-il permis au maître de l'ouvrage, ayant pris acte des réserves du titulaire, de réclamer des sommes plus
importantes que celles initialement inscrites au décompte général et définitif ou est-il lié par ses écritures ? En l'absence
de réponse claire de la jurisprudence, les maîtres d'ouvrage devront sans doute se montrer prudent et évaluer leurs
préjudices en prenant en compte cet aléa potentiel.
La seconde dérogation, de nature bien différente, est celle prévue à l'article 1269 du Code de procédure civile. Cet
article dispose que : « aucune demande en révision de compte n'est recevable, sauf si elle est présentée en vue d'un
redressement en cas d'erreur, d'omission ou de présentation inexacte. ». Il s'agit de rectifier une erreur matérielle. Le
Conseil d'État confirme la position de la cour administrative d'appel de Lyon qui a écarté les prétentions de la région
Auvergne sur ce point en notant que « le décompte qu'elle a signé n'était entaché d'aucune erreur matérielle ».
Sur le fond donc, seule l'incertitude matérialisée par des réserves permet, une remise en cause du caractère intangible du
décompte général et définitif. C'est dire l'importance pour le maître de l'ouvrage d'établir précisément le décompte
général.
En l'espèce, le Conseil d'État constate l'absence de réserves ayant un lien avec l'effondrement de la couverture de la salle
d'exposition tout comme l'absence d'erreur matérielle dans le décompte général et définitif. Il ne peut donc que rejeter
les prétentions de la région Auvergne et confirmer l'arrêt de la cour administrative de Lyon.
Pour le maître de l'ouvrage, l'attention portée sur la notification du décompte général doit être d'autant plus accrue que
dans le cadre des marchés publics de travaux, le nouveau Cahier des clauses administratives générales (CCAG) permet
désormais l'établissement d'un décompte général et définitif tacite.
B. - La menace d'un décompte général et définitif implicite
L'arrêté du 3 mars 2014 a en effet modifié les articles 13.3 et 13.4 du CCAG Travaux. Cette modification est entrée en
vigueur depuis le 1er avril 2014. L'article 13.4.4 du CCAG stipule désormais qu'en cas d'inaction du pouvoir
adjudicateur, le titulaire adresse au représentant du pouvoir adjudicateur un projet de décompte général, avec copie au
maître d'oeuvre. Si dans un délai de 10 jours à compter de la réception du projet établi par le titulaire, le représentant du
pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire un décompte général, le projet du titulaire devient définitif.
Il convient toutefois de relativiser ces règles dans la mesure où, en principe, le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre
sont toujours liés contractuellement au moment de l'établissement du décompte général et définitif du marché de
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travaux, dès lors, le maître d'oeuvre, informé de la situation, ne pourrait laisser s'établir tacitement un décompte général
ne respectant pas les intérêts du maître de l'ouvrage. Sa responsabilité pour défaut de conseil pourrait être mise en jeu.
La menace d'un décompte général et définitif implicite aura au moins pour effet d'empêcher le pouvoir adjudicateur
d'adopter une attitude dilatoire lors de la notification du décompte général. En un sens, elle rassure la doctrine qui
pouvait penser que ce comportement serait la règle à la suite de l'arrêt Centre hospitalier de Versailles (F. Linditch,
Effet extinctif sur les réserves du décompte général et définitif : JCP A 2013, 2342).
Contrats / Marchés publics. - Décompte général et définitif
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