Du garrot aux catécholamines

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Chapitre
84
Du garrot
aux catécholamines
Y. COICAUD1, S. PEREIRA2, J. BOURLET1, C. PERRICHOT 2,
E. MASSEZ1, A. BEUNECHE1, D. SAVARY3, A. LEVRAT 4
Points essentiels
■
Le diagnostic d’une hémorragie grave peut être difficile ; la sous-estimation de
sa gravité peut être fatale.
■
La prise en charge préhospitalière doit être la plus rapide possible, se limitant
au conditionnement du patient et à l’application des premières mesures
thérapeutiques spécifiques.
■
Le triage préhospitalier est primordial : le patient traumatisé sévère doit être
acheminé dans la mesure du possible sur un centre disposant d’un plateau
technique complet.
■
Une organisation régionale de type Trauma System semble requise pour
améliorer le pronostic des patients.
■
L’IDE prenant en charge ce type de patient doit être spécifiquement formé. De
l’étape préhospitalière à l’accueil en salle de déchocage, il est le binôme
incontournable du médecin trauma leader.
■
Un protocole de transfusion doit être élaboré dans chaque centre afin de ne
pas laisser de place à l’improvisation.
(1) IDE
Réanimation-Déchocage-SMUR 74, CH Annecy Genevois, 74374 Annecy-Pringy
Réanimation-Déchocage, CH Annecy Genevois, 74374 Annecy-Pringy
(3) Praticien hospitalier SAMU-SMUR 74, CH Annecy Genevois, 74374 Annecy-Pringy
(4) Praticien hospitalier Réanimation - Trauma System du RENAU, CH Annecy Genevois,
74374 Annecy-Pringy
Correspondance : Yann Coicaud, Service de Réanimation, 1, avenue de l’Hôpital,
CH Annecy Genevois, 74374 Annecy-Pringy. Tél. : 04 50 63 64 05 – Fax : 04 50 63 65 60
E-mail : [email protected]
(2) ASDE
DU GARROT AUX CATÉCHOLAMINES
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1. Définition du choc hémorragique
Le choc hémorragique est défini comme une hypoperfusion tissulaire aiguë par
diminution rapide de la masse sanguine circulante, entraînant une inadéquation
entre les apports et les besoins cellulaires en oxygène. Il s'ensuit une ischémie
cellulaire. Les cellules travaillent alors en anaérobiose, aboutissant à la production
de lactates avec apparition progressive d’une acidose.
Trois étapes physiopathologiques sont indispensables à connaître pour
comprendre les mécanismes du choc lors d’une spoliation sanguine. Une première
phase dite de compensation où l’organisme déclenche des mécanismes adaptatifs
afin de pallier à l’hypoperfusion tissulaire : la pression artérielle (PA) est alors
maintenue grâce à la tachycardie réflexe (phase sympatico-excitatrice). La phase
suivante, dite de décompensation est d’aggravation progressive avec l’apparition
d’une hypotension artérielle ; elle peut être d’évolution fatale sans traitement
(phase sympathico-inhibitrice : tachycardie, hypotension artérielle). Enfin, la
troisième étape est l’apparition de l’irréversibilité du choc, souvent létale, avec
bradycardie « paradoxale » (adaptative pour assurer le remplissage ventriculaire
gauche) témoin d’une hypovolémie extrême souvent annonciatrice du décès.
Le pronostic se fait donc en fonction de la durée et de la profondeur du choc. La
mortalité est élevée s’il n’est pas reconnu ou sous-estimé. L’hémorragie d’origine
traumatique peut être intériorisée ou extériorisée. La prise en charge et les moyens
déployés dépendent de son étiologie, cependant les objectifs thérapeutiques
jusqu’au contrôle macroscopique du saignement restent les mêmes avec trois
priorités :
– la correction de l'hypovolémie par un remplissage adapté et le recours aux
vasopresseurs ;
– la correction de l'anémie par la transfusion précoce ;
– la gestion de la coagulopathie.
La correction du choc hémorragique est une urgence absolue. Deux démarches
sont instaurées de façon simultanée : une démarche purement symptomatique
pour assurer la survie immédiate, et une démarche de diagnostic étiologique pour
une stratégie thérapeutique ciblée.
2. Stratégies actuelles de prise en charge du traumatisé grave
2.1. Réseau filière spécialisée – Notion de Trauma system
La classification de Vittel établie en 2002 permet une définition du patient
traumatisé grave, en s’appuyant à la fois sur des données cliniques, mais aussi
anamnestiques : type et cinétique de l’accident, circonstances particulières, terrain
à risque (1). Elle permet ainsi à l’équipe (para)médicale préhospitalière de définir
son patient comme « traumatisé grave » ; de cette catégorisation doit découler
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■ CHOC HÉMORRAGIQUE
des mesures de prise en charge et d’orientation spécifique selon la gravité par le
médecin régulateur (2). En effet, la première étape essentielle, va être l’orientation
du patient vers une structure de soins avec un plateau technique adéquat, même
si cette structure n’est pas le centre le plus proche. Ce raisonnement implique une
réflexion avec la création d’un réseau de soin formalisé ; depuis 2009 en France,
le TRENAU (Trauma System du Réseau Nord Alpin des Urgences) s’appuie sur une
démarche d’organisation des soins (3) :
– classement des établissements hospitaliers de la région par niveau, en fonction
des compétences et du plateau technique disponible.
– évaluation de la gravité des patients par grade permettant le triage
préhospitalier.
– mise en place de lignes téléphoniques régionales d’aide à la prise en charge.
– établissement de procédures communes de prise en charge.
– suivi qualitatif par établissement d’un registre, réunions périodiques régionales
des acteurs du réseau.
2.2. Objectifs hémodynamiques
En cas de choc, l’objectif est le maintien d’une PA systolique autour de 8090 mmHg (4). Ce concept dit d’hypotension permissive permet une réduction du
débit de l’hémorragie au niveau de la lésion vasculaire et évite aussi une
déstabilisation du caillot en voie de formation. Ainsi les recommandations
anglaises du NICE préconisent l’absence de tout remplissage préhospitalier tant
que le pouls radial reste perçu. Il conviendra d’être prudent chez le sujet agé (PA
systolique supérieure à 100 mmHg), car ce concept d’hypotension permissive peut
s’avérer néfaste en terme de perfusion d’organes.
En cas de traumatisme crânien grave (TCG) associé (Glasgow coma score 8), le
but est d’obtenir une PA moyenne supérieure à 80 mm Hg, afin d’assurer une
pression de perfusion cérébrale minimale efficace.
Le remplissage est assuré en première intention par l’apport de cristalloïdes, de
type sérum salé isotonique ; les solutions hypotoniques sont à proscrire en cas de
TCG (ex. : ringer lactate). Les colloïdes, eu égard de la littérature récente, ne
doivent être utilisés qu’en seconde intention, aux posologies recommandées (5).
Dans le traumatisme fermé, les solutions hypertoniques n’ont pas démontré de
supériorité en terme de morbi-mortalité qu’il y ait ou non un TCG associé.
La mise en place des vasopresseurs (noradrénaline) est justifiée en cas d’instabilité
persistante malgré l’apport de 1 000 ml de remplissage ; il est essentiel de
monitorer étroitement la PA et de poursuivre le concept d’hypotension permissive
durant la prise en charge initiale et ce jusqu’à la réalisation d’un geste
hémostatique. En effet, l’augmentation trop importante de la postcharge, liée à
l’utilisation excessive de vasoconstricteurs peut être délétère, notamment en cas
de dysfonction ventriculaire gauche associée.
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Le recours à la transfusion sanguine se doit d’être le plus précoce possible. En
intrahospitalier la mise en place d’un monitorage invasif par cathétérisme intraartériel permet une surveillance dynamique optimale, en particulier pour
l’évaluation de la réponse au remplissage. De même cette mesure continue de la
PA est indispensable très précocement chez le patient victime d’un TCG. Le suivi
de l’évolution de la fréquence cardiaque reste un élément primordial. Enfin, le
suivi biologique répété du taux de lactate et/ou de l’excès de base est fondamental
pour le pronostic (6).
Le contrôle hémodynamique permet de limiter l’hypoperfusion tissulaire et donc
l’acidose et les troubles de coagulation secondaires. Il s’agit avant tout d’assurer
une pression de perfusion minimale suffisante pour éviter les dysfonctions
d’organes qui sont à l’origine de la mortalité secondaire du traumatisé.
2.3. Le contrôle des sites hémorragiques : un prérequis indispensable
En cas de traumatisme fermé à forte cinétique, au même titre que le collier
cervical, la pose systématique d’une ceinture de contention pelvienne par les
premiers secouristes est indispensable dès la phase préhospitalière, avant même
l’arrivée d’une équipe médicale. En effet, en cas de fracture du bassin, de
diagnostic clinique souvent difficile, la contention va permettre de limiter
significativement le saignement pelvien. De même, la mise en traction d’une
fracture fémorale fermée ou non, est essentielle. Les saignements externes
doivent être aussi contenus : pansements compressifs et/ou sutures grossières de
rapprochement, garrot en cas de plaie artérielle d’un membre, contrôle d’une
épistaxis. Le retrait d’un objet pénétrant est proscrit en dehors d’un plateau
technique chirurgical, hors situations particulières.
2.4. Transfusion et mesures associées
– Phase préhospitalière : une procédure pour le départ primaire avec la valise de
transfusion d’urgence vitale doit être établie et appliquée pour tout patient
suspect de traumatisme sévère. En effet l’envoi différé par une équipe de renfort
est source de perte de temps ; cette situation doit rester exceptionnelle et dans
tous les cas ne doit jamais faire retarder le transfert sur le centre hospitalier de
niveau suffisant. En préhospitalier l’administration d’1 g d’acide tranexamique
(Exacyl® ) est effectuée par voie intraveineuse sur 10 minutes, et ce, afin de limiter
la transfusion et de réduire la mortalité (7) ;
– phase hospitalière : la transfusion lors d’une situation d’hémorragie grave doit
bénéficier d’une procédure écrite, avec un algorithme prédéfini (Figure 1).
En cas d’instabilité hémodynamique persistante malgré la prise en charge médicale
préhospitalière, un protocole de transfusion massive sera appliqué avant l’obtention
des résultats du bilan d’hémostase. Il comprend avec l’aide d’un accélérateurréchauffeur l’apport de concentrés de globules rouges (CGR), plasma frais congelé
(PFC) avec un ratio préétabli et de plaquettes. Les facteurs de coagulation
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■ CHOC HÉMORRAGIQUE
Figure 1 – Exemple de procédure transfusionnelle locale affichée en salle de déchocage.
spécifiques peuvent être proposés : administration précoce de fibrinogène en cas
d’altération en thromboélastographie, ou de concentrés prothrombiniques en cas
de prise d’anticoagulants de type AVK ou nouveaux anticoagulants. En dehors du
traumatisme crânien grave sous-antiagrégant, l’apport de plaquettes est rarement
nécessaire lors du premier wagon transfusionnel.
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Si le patient est stabilisé, une transfusion plus ciblée sera réalisée à l’aide de
moyens d’évaluation rapide de l’hémostase (techniques visco-élastiques ROTEM™
ou TEG™) ou avec les résultats des tests de coagulation standard. Du calcium est
systématiquement administré en cas de transfusion (environ 1 g tous les 4 CGR),
avec objectif de maintien d’une calcémie ionisée supérieure à 0,9 mmol/L. Une
seconde injection d’1 g d’acide tranexamique est faite en intrahospitalier.
2.5. Lutte contre l’hypothermie
Le monitorage précoce avec un objectif de maintien d’une température supérieure
à 34 °C doit être une priorité. En effet, outre ses effets en termes de dépression
myocardique, l’hypothermie va accroître les troubles de l’hémostase, en termes de
fonctionnalité des facteurs de la coagulation et des plaquettes (8). Cette lutte
contre la déperdition thermique et le réchauffement comporte :
– phase préhospitalière : rapidité d’extraction, retrait des vêtements mouillés,
vecteur de transport réchauffé avec patient enveloppé ;
– phase hospitalière : salle réchauffée, draps chauds, couvertures air pulsé
fenêtrées (pour permettre la pose des cathéters), solutés réchauffés à 40 °C à
l’étuve venant remplacer les solutés du préhospitalier ; l’utilisation du réchauffeur
transfuseur doit être systématique en cas de transfusion.
Une fois l’hémorragie contrôlée, l’hypothermie thérapeutique peut être
considérée en cas de TCG pour la neuroprotection.
3. Prise en charge préhospitalière : rapidité et efficacité
La prise en charge préhospitalière vise à réduire la mortalité, elle se veut efficace
et rapide.
La traumatologie grave est une discipline récente en France, pour laquelle les
acteurs ne sont pas encore tous formés. Pour être optimale, une formation initiale
et continue à la traumatologie grave se doit d’être réalisée : diplômes
universitaires spécialisés, relecture de dossiers, réunions de morbi-mortalité,
procédures régionales de réseau.
La connaissance des matériels et des protocoles de soins est indispensable, la
répartition des rôles au sein du trinôme médecin-infirmier-ambulancier est
préétablie.
3.1. Facteur temps
La rapidité de la prise en charge préhospitalière va permettre l’amélioration de la
survie en situation hémorragique grave (9). Il s’agit du concept prioritaire dont le
niveau de recommandation est le plus élevé dans les derniers référentiels
européens (10). L’organisation du travail entre équipes de secours en
préhospitalier, issues de formations différentes, doit être réfléchie en fonction des
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■ CHOC HÉMORRAGIQUE
spécificités de chaque région ; dans tous les cas, il s’agit de travailler sur le gain de
temps. Aussi le régulateur du SAMU est un maillon crucial sur l’utilisation et
l’optimisation des moyens (envoi anticipé de vecteurs héliportés pour transport
d’emblée sur un centre de niveau I), points réguliers sur la situation du
conditionnement et appel de l’équipe du déchocage receveur. Dans la mesure du
possible pour tout patient grave le bilan téléphonique du patient grave doit se
faire à 3 : équipe préhospitalière, régulation et médecin du déchocage du centre
de référence ; les discussions sur le conditionnement et l’orientation et la
préparation de la structure d’accueil en seront ainsi facilitées.
3.2. La mesure rapide de l’hémoglobine
Avec des mesures répétées pour apprécier la cinétique de la spoliation doit se faire
tôt, par un appareil de mesure de type Hémocue® localisé dans les véhicules de
secours. Attention une mesure normale n’élimine en aucun cas une hémorragie
massive en cours de constitution.
3.3. Ventilation
La protection des voies aériennes est fondamentale en cas de TCG avec troubles
de la vigilance ; en situation d’hémorragie sévère sans TCG associé, le recours à
l’intubation n’est pas une priorité ; en effet la procédure, outre son caractère
chronophage, peut être néfaste en conditions de remplissage insuffisant.
4. Rôle de l’infirmier dans la prise en charge
L’IDE détecte les signes inhérents à l’hémorragie et doit pouvoir alerter le médecin
trauma leader à tout instant. Son rôle n’est en effet pas que de « techniquer » le
patient, mais également d’analyser les données de surveillance clinique, puis
d’appliquer les protocoles adaptés. De la justesse de son action, de son analyse et
de ses transmissions dépendent les chances de survie de la victime.
Pour cela, les IDE bénéficient d’une formation spécifique aux stratégies de soins et
leurs connaissances sont régulièrement évaluées afin de ne pas laisser de place à
l’approximation, ou à la méconnaissance, néfaste pour l’efficacité.
4.1. Reconnaissance de la gravité
Dans toutes les situations, l’IDE reconnaît les symptômes d’une hémorragie grave,
d’abord par l’observation de l’état clinique du patient :
– neurologique: sensation de soif, agitation, angoisse, obnubilation voir coma ;
– respiratoire et cutanée : polypnée superficielle, cyanose des lèvres et des
extrémités, pâleur, augmentation du temps de recoloration, marbrures ;
– observation hémodynamique : tachycardie avec un pouls rapide et filant. La
prise du pouls se fait toujours sur les gros troncs artériels : carotidien ou fémoral.
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Au stade avancé du choc, il apparaît une bradycardie très rapidement extrême.
Enfin, la pression artérielle se maintient au départ puis lorsque le saignement
persiste, il apparaît une hypotension. Il faut toujours évoquer une autre cause de
choc (associée parfois) : un épanchement intrathoracique responsable d’un choc
dit « obstructif », ou bien d’une lésion médullaire responsable d’un choc d’origine
« spinal » par blocage du système sympathique.
Ainsi, il faut savoir que dans bon nombre de cas la perte sanguine est sous-estimée
du fait de paramètres vitaux rassurants. Les critères définis par l’ATLS permettent
d’évaluer les pertes sanguines en fonction de la variation des paramètres
vitaux (11).
Enfin, l’IDE prend en compte l’âge de la victime et son poids approximatif
(notamment chez l’enfant), ses antécédents et les traitements possibles
interférants avec une situation hémorragique (prise d’anticoagulants, prise
d’antihypertenseurs, etc.).
4.2. Mesures immédiates
La stratégie est standardisée et appliquée. Deux voies veineuses périphériques de
gros calibres sont posées afin d’initier le remplissage rapide, 2 mesures rapides de
l’hémoglobine rapidement effectuées, le monitorage (pression brassard,
fréquence cardiaque, SpO2 ) installé. L’IDE met le patient sous oxygénothérapie à
fort débit, même si la SpO2 semble correcte, compte tenu d’une dette potentielle
en oxygène.
Une contention pelvienne sera installée dès le dégagement du patient ; il existe
différents dispositifs dont le principe est le même : maintien de la fermeture de
l’anneau pelvien en positionnant et serrant la ceinture au niveau des deux grands
trochanters.
Le contrôle des sites hémorragiques extériorisés est réalisé sans perte de temps
(pansement compressif/hémostatique, agrafage rapide, tamponnement épistaxis).
Si les saignements sur les membres sont incontrôlés et ce, malgré compression
manuelle, l’utilisation du garrot peut être requise : l’heure de la pose y est inscrite
et son retrait s’effectuera sous contrôle chirurgical.
4.3. Gestion du temps
La prise en compte du facteur temps est une préoccupation première de l’IDE. Les
chances de survie du patient dépendent de sa rapidité d’arrivée dans la structure
d’accueil adaptée à son état. De ce fait, tout geste est notion de délai, la pose de
voie périphérique doit être chronométrée et limitée à deux essais maximum.
L’échec est accepté afin de respecter ce délai : la pose d’un cathéter intra-osseux
est alors effectuée. En dehors du prélèvement du groupe sanguin, un « bilan
sanguin complet» préhospitalier ne doit pas retarder la mise en route d’un
remplissage ; les résultats de ce bilan sont futiles, étant le reflet de l’état initial de
la victime et non celui de l’état à l’arrivée du patient dans la structure adaptée : Il
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■ CHOC HÉMORRAGIQUE
peut être faussement rassurant et entraîner un retard dans l’instauration des
traitements spécifiques des troubles de l’hémostase.
L’IDE et/ou l’ambulancier informent régulièrement le médecin du temps écoulé.
4.4. Transmissions IDE SMUR-IDE déchocage
Un contact téléphonique direct entre l’équipe SMUR et l’équipe d’accueil est
souhaitable avant l’arrivée : il permet ainsi d’optimiser l’accueil du traumatisé en
termes de ressources humaines et matérielles ; la perte de temps est limitée.
Les transmissions doivent être uniques (une seule relève trauma à la fois médicale
et paramédicale), concises et rapides (moins de 3 minutes).
À l’arrivée au déchocage, seules les précisions complémentaires sont fournies
(quantification remplissage/amines vasopressives…)
4.5. En intrahospitalier
L’IDE de déchocage maîtrise les notions de remplissage, hémodilution et
hypothermie.
Tout en se référant au médecin, il assure la gestion du remplissage vasculaire
(quantité et efficacité), la mise en place des amines vasopressives et la lutte contre
l’hypothermie. Le remplissage par cristalloïdes ne doit pas excéder 1 000 ml
(risque d’hémodilution), cette limite atteinte, les catécholamines sont instaurées.
Elles bénéficient d’une voie unique (sans soluté) afin de prévenir le risque de bolus
et favoriser leur bonne gestion.
Le protocole de transfusion massive est réalisé par un IDE de renfort (dédié
transfusion) par le biais de l’accélérateur-réchauffeur monté et purgé avant
l’arrivée du patient. Le non-respect des règles transfusionnelles (vérifications des
CGR) n’est en aucun cas justifié. L’autotransfusion, dans le cas des hémothorax
massifs est souhaitable si l’équipe maîtrise la technique. L’IDE évalue l’efficacité de
la prise en charge en observant l’évolution des signes cliniques et des données du
monitorage hémodynamique.
La préparation de l’assistance respiratoire est anticipée mais non prioritaire tant
que le patient tolère la situation, tant sur le plan conscience que ventilatoire car
l’induction séquence rapide abolit les mécanismes compensateurs mis en place
par l’organisme et risque d’aggraver le choc. L’apport d’oxygène est primordial
pour éviter de créer une dette majorée par la déglobulisation ; la surveillance de la
SpO2 peut être rendue difficile par l’hypothermie et/ou l’état de choc. Une SpO2
d’oreille pour les patients en ventilation spontanée est privilégiée ; pour les
patients ventilés, notamment en cas de TCG, la mesure du CO2 expiré est
systématique.
Le suivi de la température reste prioritaire, par mesure tympanique pour le patient
supérieur à 36 °C et par mise en place d’une température centrale dès lors qu’elle
se trouve inférieure à ce seuil.
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Références
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3.
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