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Mercuriale 2013 / 30 04 2014
Ministère public
AUDIENCE SOLENNELLE
DU 30 AVRIL 2014
___
Discours prononcé par
Monsieur Pierre VAN HERZELE
Procureur financier
près la Chambre régionale des comptes
d’Ile-de-France
6, Cours des Roches - Noisiel - BP 187 - 77315 MARNE-LA-VALLÉE Cedex 2
Tél. : 01 64 80 88 88 - Fax. : 01 64 80 87 04
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Monsieur le Premier Président de la Cour des comptes,
Monsieur le Procureur général près la Cour des comptes,
Madame le Procureur général près la Cour des comptes honoraire,
Monsieur le Ministre,
Madame la Préfète de la Seine-et-Marne,
Monsieur le Préfet de région,
Monsieur le Préfet de police,
Messieurs les Préfets et membres du corps préfectoral,
Madame et Messieurs les Parlementaires et élus du ressort,
Mesdames et Messieurs les Premiers Présidents, présidents, Procureurs de la République et
magistrats des Hautes juridictions, Cours, chambres et Tribunaux qui honorent cette audience ;
Monsieur le Recteur ;
Monsieur le Directeur régional des finances publiques, Mesdames et Messieurs les Directeurs
départementaux des finances publiques et Receveurs des finances ;
Mesdames et Messieurs les Présidents, Directeurs et officiers ;
Chers collègues de la Cour et des chambres régionales des comptes,
Mesdames et Messieurs,
Au nom du ministère public, je m’associe à M. le président de la chambre régionale des comptes
d’Ile-de-France et de la chambre territoriale des comptes de Saint-Pierre-et-Miquelon, pour vous
remercier de consacrer quelques heures de votre temps précieux, à cette audience solennelle qui
constitue, pour toute juridiction, un rendez-vous majeur.
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Le plus difficile, en commençant une Mercuriale, est de trouver la bonne ouverture, celle qui
sollicite l’attention sur un bilan, par nature aride. L’année dernière, je citais à cette fin une des
célèbres mercuriales que le Chancelier d’Aguesseau adressait à ses collègues du Parlement de Paris,
alors qu’il occupait les fonctions de Procureur général, pour leur rappeler qu’eux-mêmes sont jugés
par le public qui assiste aux audiences. Pardonnez-moi cette facilité, mais je m’autorise à nouveau à
solliciter ce brillant esprit du siècle des lumières qui affirmait : « L'esprit le plus pénétrant a besoin
du secours du temps pour s'assurer, par ses secondes pensées, de la justice des premières. » Voilà
bien la finalité de la mercuriale : revenir avec le recul du temps sur une année d’activité pour
s’assurer, par une seconde pensée de la justesse des prévisions et de l’organisation mise en place, ne
pas ignorer les erreurs, en tirer des enseignements pour le futur.
Le chancelier savait que le regard du public sur ses juges avait besoin de soutien et qu’il pouvait
être utilement éclairé par la vigilance du ministère public, magistrature vouée au respect de la loi et
au bon fonctionnement des juridictions auprès desquelles il est placé.
Sans prétendre rivaliser avec celles de Monsieur d’Aguesseau, je vais vous présenter une
Mercuriale qui, je l’espère, vous donnera une image exacte de l’activité de la chambre au cours de
l’année 2013 et, mieux encore, saura éveiller votre curiosité.
Comme les années précédentes, les informations essentielles figurent sur la plaquette qui vous a été
distribuée, je vous épargnerai donc une énumération stérile de statistiques pour me consacrer à
l’essentiel, c'est-à-dire l’appréciation qui peut en être faite et, surtout, les explications que vous êtes
en droit d’attendre.
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Après avoir présenté les évolutions du ressort et de l’organisation de la juridiction au cours de
l’année écoulée, je rendrai compte successivement des trois grandes compétences qu’exerce la
chambre :
• En premier lieu j’évoquerai donc : le contrôle juridictionnel des comptes ;
• En second lieu : l’examen de la gestion des collectivités locales et celle des organismes de
droit privé placés sous leur contrôle ou qui bénéficient de leur financement ;
• Et enfin le contrôle budgétaire.
Je terminerai, comme à l’accoutumée, par quelques indications relatives à l’activité du ministère
public lui-même.
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Les caractéristiques exceptionnelles du ressort de la chambre sont bien connues. Ce n’est
probablement pas ce à quoi votre auditoire va penser spontanément, mais n’oublions pas, tout
d’abord, le particularisme pour le moins « excentré » de Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire séparé
du siège de la juridiction par environ 4 300 kilomètres d’océan, 4 heures de décalage horaire et …
par de multiples articles du code des juridictions financières spécifiques. L’exercice de nos
contrôles dans ce contexte n’est pas sans présenter quelques difficultés pratiques sans rapport avec
la taille des 8 organismes relevant de la compétence de la juridiction, situés sur ce territoire
comptant un peu plus de 6 300 habitants.
Mais le ressort de la chambre, c’est évidemment, au premier chef, l’Ile-de-France dont chacun
connaît le poids prépondérant dans l’économie nationale, comme dans la gestion publique. Les
chiffres sont connus : la région réalise plus de 21 % des dépenses des administrations publiques
locales de métropole et plus de 15 % de la formation brute de capital fixe. Avec près de 12 millions
d’habitants et 5,5 millions d’emplois, l’Ile-de-France est un pôle économique de classe mondiale,
mais elle est également affectée de nombreuses faiblesses en matière de logement, de transports,
d’environnement, de mixité sociale et de déséquilibres territoriaux. Ce sont d’ailleurs ces faiblesses
qui motivent pour partie la réforme de l’organisation institutionnelle du « grand Paris » engagée
depuis peu.
En raison même de l’importance de son ressort, la chambre est naturellement confrontée à des
problèmes particuliers, au premier rang desquels le volume considérable des masses financières
contrôlables. En 2013, les seules recettes de fonctionnement des organismes relevant de sa
compétence directe se sont élevées à plus de 48 milliards d’euros.
Comme l’indique la plaquette qui est entre vos mains, pour remplir ses missions sur ce ressort
financier si vaste, la chambre disposait, au 31 décembre dernier, de 45 magistrats (sur un effectif
théorique de 52) dont 39 conseillers et premiers conseillers. Ces derniers constituent l’effectif des
magistrats chargés d’instruire les contrôles, secondés par les assistants de vérification, au nombre de
46 à la même date (sur un effectif théorique de 49).
Inutile de préciser que la disproportion entre cet effectif et la matière contrôlable impose des choix
drastiques.
J’ai déjà évoqué lors de la précédente mercuriale la loi du 13 décembre 2011 relative à la
répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, laquelle
semblait devoir modifier sensiblement la situation en la matière. En effet, son article 39 a relevé
sensiblement les seuils démographiques et financiers qui déterminent la compétence des chambres
régionales des comptes. En 2012, environ 4 200 comptes avaient été produits à la chambre. En
2013, ils se sont réduits à 2 499. Pour autant, l’impact de cette réforme est resté très mesuré.
Tout d’abord, la concentration financière des organismes est telle que certains, en raison de leur
taille exceptionnelle, nécessitent un contrôle quasi-permanent sur des thèmes successifs, à l’instar
de la pratique de la Cour des comptes vis-à-vis de l’Etat. Tel est, par exemple le cas de l’Assistance
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publique – Hôpitaux de Paris, de la ville et du département de Paris qui, avec le Syndicat des
transports en Ile-de-France représentent à eux seuls près d’un tiers des budgets relevant de la
compétence de la chambre. Par ailleurs les organismes que nous qualifions de « financièrement
significatifs » restent, en dépit de la concentration que je soulignais, au nombre de 259. Constituent
des organismes significatifs, pour l’essentiel, les collectivités qui cumulent plus de 80 % de la
masse financière contrôlable, auxquelles nous ajoutons certaines structures dont les produits de
fonctionnement sont supérieurs à 5 millions d’euros - en réalité souvent plusieurs centaines de
millions d’euros. Chacun d’eux est une priorité de contrôle, mais leur nombre représente plus de 6
fois l’effectif des magistrats rapporteurs de la chambre.
L’impact de la loi du 13 décembre 2011 est donc limité pour l’Ile-de-France, la chambre
concentrant déjà, depuis longtemps, l’essentiel de ses interventions sur les collectivités et
organismes les plus importants. Seul changement très perceptible : la quasi-disparition du contrôle
des établissements publics locaux d’enseignement, la chambre ne conservant sous sa compétence
que 43 établissements sur les 1357 qui relevaient d’elle en 2012.
Ces quelques données démontrent à quel point la « marge de manœuvre » de la chambre dans le
choix des entités à contrôler et le budget temps à allouer à chacune d’elles reste contrainte. C’est
l’une des raisons qui a motivé la recherche d’une nouvelle organisation de la chambre elle-même.
J’avais indiqué lors de la précédente audience solennelle que des changements importants avaient
été engagés dans la répartition des compétences des différentes sections et que j’espérais vous en
rendre compte en 2014. Les modifications effectivement réalisées, qui ont pris effet en partie en
2013 mais surtout depuis le 1er mars dernier, ont été beaucoup plus importantes que je pouvais
l’envisager en février 2013. Je laisse le privilège à Monsieur le Président de vous en exposer le
détail dans un instant.
La mise en œuvre de la nouvelle organisation est trop récente pour pouvoir en apprécier les effets.
Comme toute organisation elle devra probablement être adaptée au vu de l’expérience, comme
l’aurait vraisemblablement conseillé le Chancelier d’Aguesseau. Ainsi que je l’avais relevé en 2013
lors des réflexions préalable à la réorganisation, et comme je vous en ai fait part récemment,
Monsieur le président, le ministère public souhaiterait une évolution sur un point : que la formation
délibérante la plus importante de la juridiction, la formation de chambre restreinte, retrouve une
compétence bien définie qu’elle a aujourd’hui perdue.
S’agissant de l’effectif global de la juridiction, il était de 128 au 31 décembre, en diminution de 5
personnes par rapport à 2012. 2 postes de magistrats étaient vacants à cette date et 3 postes d’agents
administratifs.
Une fois de plus, je dois souligner que cette relative stabilité apparente cache, notamment pour les
magistrats, une très grande rotation des effectifs qui s’amplifie et semble avoir atteint aujourd’hui
un niveau limite pour assurer l’intégration des nouveaux arrivants et préserver la continuité des
travaux. Tout nouvel arrivant faisant l’objet d’un réquisitoire du ministère public, il suffit pour
mesurer le phénomène de rappeler qu’en 2013, le ministère public a requis 11 fois la chambre
d’installer un nouveau magistrat. Vous l’avez compris, les mouvements ont donc touché près d’un
quart de l’effectif des magistrats.
Le ministère public n’a pas échappé à ce phénomène puisque, comme en 2011, et comme en 2012,
il a assuré ses fonctions au cours du premier et des deux derniers mois de l’année 2013 avec 2
procureurs au lieu de 3. Je me réjouis d’avoir retrouvé depuis quelques semaines un effectif complet
avec l’arrivée de Dominique Walle, aujourd’hui à mes côtés, qui a rejoint Laurence GoutardChamoux, elle-même installée lors de la précédente audience solennelle en février 2013. Permettezmoi, cette fois, de paraphraser le grand Corneille pour estimer que, pour les âmes bien nées du
ministère public aussi, il est préférable que la valeur n’attende point le nombre des années.
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J’en viens maintenant à l’examen des différentes compétences de la chambre
Le jugement des comptes est la seule compétence de la chambre exercée en forme
juridictionnelle. Fonction « historique » des juridictions financières, c’est également celle qui
connaît depuis quelques années les plus importants changements légaux tant en ce qui concerne la
procédure que le fond.
Il s’agit d’examiner les comptes des comptables publics afin de vérifier que ceux-ci ont
effectivement réalisé les contrôles qu’ils doivent effectuer sur les recettes et les dépenses et, s’il
résulte de cet examen qu’il y a eu des manquements à ces contrôles, d’infliger une sanction
pécuniaire au comptable public qui a pris en charge l’opération.
Lors des précédentes séances solennelles, j’avais présenté la réforme de la procédure du jugement
des comptes opérée par la loi du 28 octobre 2008. J’en avais souligné les effets positifs : le contrôle
des comptes, où l’aspect quantitatif a longtemps été privilégié, a pris la forme d’un contrôle sélectif
fondé sur une approche qualitative. Ainsi, alors que jusqu’en 2008 la chambre émettait en moyenne
plus de 1300 décisions juridictionnelles chaque année, ce nombre est descendu en dessous de 300
en 2012. En revanche, alors que les jugements prononçant au moins une charge à l’encontre du
comptable représentaient moins de 2 % des décisions, ce pourcentage s’est élevé à environ 30 %.
Moins de contrôles donc, mais des contrôles plus ciblés, plus approfondis, et par suite, un nombre et
un taux de sanctions beaucoup plus élevés.
A la réforme de 2008, qui concernait principalement la procédure, s’est ajoutée celle, plus
fondamentale encore, de la loi du 28 décembre 2011 qui a réformé la responsabilité personnelle et
pécuniaire des comptables publics. Comme je l’avais envisagé l’année dernière, ce texte impliquait
d’importants changements dans la conduite de l’instruction et de la procédure contradictoire qui
risquaient d’avoir des conséquences sur la durée de la procédure. L’année 2013, première année de
mise en œuvre effective de la loi a confirmé mes craintes en la matière.
En effet, jusqu’à cette réforme, sauf le cas très exceptionnel des circonstances de force majeure, le
juge des comptes n’avait qu’une seule question à trancher pour se prononcer : l’opération ou
l’écriture comptable est-elle régulière, ce qui se démontre par l’existence de pièces établissant si le
comptable a (ou n’a pas) correctement réalisé les contrôles ou les actions qui lui incombent. Une
seule sanction pouvait être prononcée : le débet, dont le montant était égal à celui de l’opération
irrégulière.
Aujourd’hui, plusieurs questions nouvelles s’ajoutent à ce premier point :
• Il est tout d’abord nécessaire de démontrer l’existence ou l’absence du préjudice financier
pour la collectivité ou l’organisme concerné. Mais cela ne suffit pas. Il faut en outre établir
que ce préjudice ait été causé par le manquement du comptable à ses obligations. Ce n’est
que si la réponse à ces deux questions est positive qu’un débet est prononcé comme par le
passé. En revanche, si une seule des réponses est négative, le comptable encourt une
nouvelle sanction : une « somme » fixée par le juge des comptes.
• Ensuite, la « somme » infligée en l’absence de préjudice étant modulable dans la limite d’un
plafond réglementaire. la juridiction doit en fixer le montant « en tenant compte des
circonstances de l’espèce », circonstances qu’il appartient aux comptables de faire valoir, à
l’ordonnateur et au ministère public de contredire, au rapporteur d’instruire, et à la chambre
d’apprécier.
• Enfin, le débet prononcé s’il y a préjudice peut toujours faire l’objet d’une remise gracieuse
par le ministre des finances, mais elle ne peut être totale car la loi impose de laisser à la
charge du comptable un montant minimal égal au double de celui de la « somme » qui aurait
été infligée s’il n’y avait pas eu de préjudice. La loi ajoute cependant des exceptions : en
particulier, la remise totale reste possible lorsque l’irrégularité porte sur un paiement faisant
l’objet d’un dispositif de contrôle sélectif de la dépense. Dans ce dernier cas, le respect par
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le comptable des règles du contrôle sélectif est soumis à « l’appréciation du juge des
comptes » ; ce qui implique qu’il se prononce sur ce point dans le jugement.
Evidemment, instruire de manière contradictoire toutes ces questions réclame des investigations
beaucoup plus longues que par le passé. Les rapports d’instruction, comme les conclusions, doivent
être beaucoup plus argumentés et développés. L’utilisation de notions jusqu’ici étrangères au droit
de la comptabilité publique, comme celles de « préjudice » ou de « circonstances de l’espèce », la
nécessité de prévoir des solutions alternatives requièrent des réflexions plus approfondies.
L’alourdissement de la procédure est perceptible au travers des statistiques. Si, en 2013, 143
rapports de contrôle avant réquisitions ont été déposés (il y en avait eu 169 en 2012), les rapports
consécutifs à un réquisitoire n’ont été qu’au nombre de 20.
Cette complexité a notamment motivé début 2013 le regroupement au sein d’une section unique de
la chambre de la totalité des procédures de jugement des comptes. Cela n’a pas suffi. Le bilan 2013
de la chambre en matière juridictionnelle montre une dégradation sensible amorcée en 2012.
L’année 2011 qui a précédé la réforme, avait été très productive avec 96 jugements de débet
représentant un montant total d’opérations irrégulières de plus de 4 M€. A la fin de 2012 un
ralentissement avait été observé, la chambre ayant rendu au total 52 jugements dont 28 avaient
prononcé 45 débets représentant un montant total d’opérations irrégulières de 1,9 M€. Comme je
l’expliquais l’année dernière, cette diminution pouvait s’expliquer par le fait que la loi du 28
décembre 2011, théoriquement applicable dès le 1er juillet 2012, n’a pu être mise en œuvre avant un
décret du 10 décembre 2012 qui a fixé le plafond de la somme qui peut être infligée à un comptable
en cas d’absence de préjudice. La chambre ne pouvait délibérer avant la publication de ce texte.
Mais ce n’était là qu’une explication partielle car cette évolution s’est confirmée en 2013 : 35
jugements ont été rendus, dont 24 ont prononcé des sanctions pécuniaires. Certes, 151 ordonnances
ont été signées dans le même temps, mais force est de constater qu’en 2 ans le nombre de jugements
de condamnation est passé de 96 à 24. Le montant des débets prononcés reste élevé (3,6 M€), mais
ce n’est pas là le plus important.
Dans ce contexte, l’activité en amont doit être mesurée. Les 32 rapports de contrôle comportant des
propositions de charges ont donné lieu à 29 réquisitoires, soit plus de 90 %. Il n’y a donc pas de
« relâchement » du ministère public par rapport aux anomalies soulevées qui, 9 fois sur 10 sont
poursuivies, mais une diminution sensible du nombre de rapports déposés.
Par ailleurs, le délai d’instruction des réquisitoires semble s’allonger. En 2013, sur les 35 jugements
prononcés, 6 seulement ont porté sur des affaires ayant fait l’objet d’un réquisitoire postérieur au 1er
juillet 2012. Le stock de réquisitoires en attente de dépôt de rapport s’élève à 28 procédures.
La rotation des effectifs de magistrats et d’assistants de vérification que j’ai évoquée
précédemment, avec son cortège de réattributions de dossiers, a sa part dans cette évolution, comme
la complexité beaucoup plus grande du jugement des comptes. Le ministère public constate
quotidiennement, en effet, les difficultés que rencontrent les nouveaux magistrats qui nous font le
plaisir de nous consulter, pour réaliser une instruction complète et parfaitement contradictoire dans
le nouveau contexte légal en l’absence de jurisprudence stabilisée. Quoi qu’il en soit, un effort
particulier devra être fourni si la chambre d’Ile-de-France veut conserver une activité
juridictionnelle significative, ce que le ministère public souhaite vivement.
Même si les principes fondamentaux du droit de la comptabilité publique, lesquels postulent
notamment la responsabilité des comptables publics dès le premier euro, n’ont pas changé, le
Conseil d’Etat veillant soigneusement à leur préservation, la complexité même du contrôle
juridictionnel commande, là aussi, de faire des choix et d’utiliser cette compétence essentielle des
juridictions financières avec la plus grande efficacité possible. Cela implique de rapprocher ce
contrôle des enjeux de gestion et d’économie, de concentrer le contrôle sur les opérations
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significatives pour les finances des collectivités et la qualité de leurs comptes. C’est possible et, je
le crois, souhaitable.
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J’en viens maintenant à l’examen de la gestion. En ce domaine, le cadre juridique est marqué par
la continuité et vous allez évoquer dans un instant, M. le président, les enjeux en la matière. Je serai
donc beaucoup plus bref.
La chambre d’Ile-de-France consacre la plus grande part de ses moyens à l’exercice de cette
compétence que le législateur a encadrée par une procédure contradictoire rigoureuse et qui consiste
à adresser aux organismes contrôlés des observations et, aujourd’hui, des recommandations qui font
l’objet d’un débat devant l’organe délibérant. Comme la Cour des comptes, la Chambre régionale
des comptes d’Ile-de-France a mis en place un processus de suivi de ses recommandations. Celui-ci
devrait être encore renforcé si le projet de loi de clarification de l’organisation territoriale de la
République, actuellement en cours d’élaboration, était adopté.
Même si beaucoup reste à faire, notamment en matière de délais, comme vous allez l’exposer, M. le
Président, La chambre s’est mobilisée pour améliorer son action dans ce domaine, notamment le
volume de sa production. Les premiers résultats sont encourageants : 70 rapports d’observations ont
été communiqués en 2013 contre 57 en 2012. Vous savez combien le ministère public a insisté pour
que les instruments permettant un meilleur ciblage et un meilleur pilotage des contrôles soient
utilisés en complément de la programmation annuelle.
C’est dans l’exercice du contrôle de gestion que les spécificités de la région Ile-de-France pèsent de
tout leur poids. On le constate notamment au travers de la contribution de la chambre aux travaux
communs avec la Cour et d’autres chambres des comptes : 46 des examens de gestion menés en
2013 l’ont été dans le cadre de 16 enquêtes nationales et d’une enquête régionale. Par ailleurs, il est
aisé de comprendre que, par exemple, l’analyse financière ou le contrôle de la commande publique
d’entités dont les dépenses s’élèvent parfois à plusieurs centaines de millions d’euros suppose des
compétences et des diligences supérieures à la norme.
Pour conclure, il n’est pas inutile de rappeler que c’est l’examen de la gestion qui donne le plus
souvent lieu à des communications aux autorités administratives ou à des signalements d’infractions
pénales à l’autorité judiciaire, celle-ci conservant toutefois l’opportunité des poursuites.
En 2013, 15 communications ont ainsi été adressées : 2 par vous, M. le président et 13 via le
ministère public. Parmi ces dernières, 3 étaient destinées à des administrations centrales de l’Etat à
qui elles ont été transmises par le parquet général de la Cour des comptes. Enfin, le parquet de la
chambre a adressé 3 signalements aux procureurs de la République du ressort.
Depuis la fin 2013, sous l’impulsion de M. le Procureur général, le ministère public de la chambre a
d’ailleurs entrepris de développer et d’enrichir ses échanges avec les parquets judiciaires afin,
notamment, de renforcer et de coordonner l’action de nos juridictions respectives en matière de la
maitrise des risques liés à la probité dans l’emploi des fonds publics qui constitue un des quatre
axes stratégiques des travaux de la Cour des comptes. Moins que jamais, dans le contexte de
difficultés économiques et de raréfaction des ressources financières que connaît notre pays, les
juridictions financières ne peuvent se désintéresser de cette exigence fondamentale de l’Etat de
droit.
*
*
Le contrôle budgétaire confie à la chambre le rôle de formuler des avis qui ont pour objet de
garantir plusieurs principes essentiels des finances publiques :
• Le principe d’annualité qui oblige toute collectivité à adopter un budget qui autorise les
dépenses et les recettes de la collectivité pour l’exercice.
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• Les principes d’unité, d’universalité et de sincérité qui supposent que toutes les recettes et
dépenses de la personne publique soient effectivement inscrites au budget et qu’elles soient
évaluées de manière sincère et exacte.
• Le principe d’équilibre, qui implique que les recettes du budget couvrent l’intégralité des
dépenses qui y sont prévues, mais aussi que le remboursement du capital des emprunts soit
assuré par des ressources propres afin d’éviter que ce remboursement soit financé par de
nouveaux emprunts. En clair, il s’agit d’empêcher la « cavalerie » budgétaire. Enfin,
l’équilibre et la sincérité budgétaire exigent que, lorsqu’un déficit significatif apparaît à la
fin d’un exercice, les mesures correctrices soient adoptées dès le budget suivant.
Pour faire respecter ces normes, contrairement au jugement des comptes et à l’examen de la gestion,
la chambre n’intervient pas d’office. Elle est tributaire de saisines formées par les préfets ou, dans
certains cas, par des personnes privées ou publiques qui ont intérêt à voir une dépense obligatoire
inscrite au budget d’une collectivité. Il s’agit donc d’une activité non programmée, les fluctuations
du nombre des saisines et de leur typologie étant indépendantes de la chambre et, surtout
imprévisibles.
En 2013, la chambre a été saisie 27 fois, ce qui manifeste une relative stabilité par rapport à 2012
(25 saisines). 29 avis ont été rendus. Il y en avait eu 26 en 2012.
S’agissant des différentes catégories de procédure budgétaire, les fluctuations observées sont trop
faibles pour en tirer une quelconque conclusion. Tout au plus peut-on noter que les saisines pour
budget en déséquilibre ont été les plus nombreuses avec 11 saisines préfectorales. Il y en avait eu 6
en 2012. Cette évolution n’est pas particulièrement significative, surtout si l’on rappelle que 10
saisines équivalentes avaient été enregistrées en 2011 et 17 en 2010.
Particularité de l’année 2013 : la chambre a été saisie à deux reprises dans le cadre du dispositif
d’aide aux collectivités locales ayant souscrit des emprunts structurés mis en place par l’article 4 de
la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012. L’année 2013 restera
la seule à connaître de cette procédure, laquelle, à proprement parler, n’est pas une procédure
budgétaire, mais ses modalités de traitement s’y apparentent, car le dispositif a été modifié par la loi
de finances pour 2014 et ne prévoit plus d’avis de la chambre préalable à l’octroi de l’aide de l’Etat.
Il est vrai que, dans les deux cas, qui concernaient le département de la Seine-Saint-Denis et la
commune d’Asnières-sur-Seine, la chambre a émis, sur conclusions conformes du ministère public,
un avis négatif sur l’octroi de cette aide. Dans les deux affaires, en effet, les emprunts toxiques, bien
réels et comportant effectivement d’importants risques pour les collectivités, faisaient l’objet de
contentieux devant les juridictions judiciaires. Ces contentieux constituaient un obstacle à la
renégociation des contrats, tant que le juge ne s’était pas prononcé. Or l’aide de l’Etat avait
précisément pour objet de permettre ces renégociations et d’en alléger le coût. En dépit de son avis
défavorable, la chambre a appris – elle n’en a pas été informée - que les deux collectivités ont
bénéficié de l’aide financière de l’Etat pour une renégociation de prêts qui, a priori, ne pouvait avoir
lieu.
*
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Je conclurai cette MERCURIALE, par quelques brèves informations sur l’activité propre du
ministère public que j’ai l’honneur de diriger.
Le parquet de la chambre d’Ile-de-France est une structure modeste puisqu’il compte trois
magistrats, une assistante de vérification et deux assistantes administratives. En 2013, il a rendu :
341 conclusions, 77 réquisitoires, dont 29 pour mettre en jeu la responsabilité d’un comptable
public, et 26 avis obligatoires. Selon les données fournies par le greffe, le délai moyen de
production des conclusions, calculé à partir de la date de dépôt des rapports a été de 27 jours.
Plus de 180 communications ou correspondances ont été envoyées à des autorités publiques dans le
ressort de la juridiction, dont 13 à la demande de la chambre et, comme je l’ai déjà indiqué, 3
signalements à l’autorité judiciaire. Les procureurs financiers ont, enfin, participé à une soixantaine
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de séances de délibéré ou d’audition, de réunions de direction ou comités internes de la chambre,
dont 22 audiences publiques.
Ce panorama lapidaire n’épuise pas, loin s’en faut, l’activité du parquet de la chambre puisque ses
membres sont régulièrement désignés par M. le Procureur général pour travailler au sein de groupes
associant diverses administrations. Ce fut notamment le cas en 2013 avec le ministère de la justice
et avec la direction générale des finances publiques.
Je remercie mes collègues du parquet qui font face à l’ensemble de ces obligations. En à peine plus
d’une année, Laurence Goutard-Chamoux est devenue un procureur accompli, apte à diriger un
ministère public et Dominique Walle a déjà témoigné, en quelques semaines, d’une énergie
communicative qui augure bien de l’avenir. Enfin, l’efficacité du parquet serait réduite à peu de
choses s’il ne comptait pas dans ses rangs Catherine Charrier, assistante de vérification, Corinne
Bourgis et Lydie Sellès, assistantes administratives qui assurent avec rigueur, compétence et
dynamisme une part de plus en plus lourde de la charge de travail du ministère public. Et ce n’est
pas là un compliment de circonstances.
Merci beaucoup de votre attention.
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