conscience-et-inconscient-2013

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Peut-on tout savoir de soi ?
Conscience de soi
et
Inconscient
Problème :
par la conscience que j’ai de moi-même spontanément ou que je peux
prendre de moi-même (par un par un effort, une enquête) , puis-je me
connaître entièrement ?
N’y a-t-il pas une part irréductiblement inconsciente de moi-même ?
I- la conscience : un terme équivoque
Expressions :
-reprendre conscience = reprendre connaissance ; revenir à la conscience ; être
inconscient : avoir perdu connaissance
-être conscient de quelque chose ; prendre conscience de quelque chose : « j’ai pris
conscience de cela en vieillissant";
être inconscient des conséquences de ses actes : « il est totalement inconscient du
danger » ;
-être conscient de ce qui nous arrive, conscient de soi
-avoir quelque chose sur la conscience ; avoir (ou se donner) bonne conscience ; avoir
mauvaise conscience ; agir par acquis de conscience ; soulager sa conscience ; la
conscience professionnelle ; examen de conscience ; écouter la voix de sa conscience ;
→les mots conscience, conscients sont très équivoques
1- la conscience morale
1ère distinction :
Conscience morale ≠ Conscience ‘en général’
Conscience (morale ): perception actuelle des principes moraux à suivre et capacité
de juger une action selon ces principes.
Il n’ a pas de conscience ; j’ai bonne conscience; agis selon ta conscience…
→ historiquement, c’est le premier sens du mot
Étymologie : "cum-scientia", « avec science, savoir » = "accompagné de savoir" :
en fait d’un savoir moral
Mais le sens s’est élargi…
2- la conscience sensible ou « spontanée »
a- en un sens, toute perception sensorielle est conscience de l’environnement
• « être conscient » (intransitif) : avoir les sens en éveil (≠ comas profond)
• La conscience désigne alors la capacité à percevoir le monde environnant
• pour les éthologues, tout système vivant doté d’organes sensoriels et capable
d’interagir avec le monde environnant peut être qualifié de « conscient ».
Ex : Jacob von Uexküll, Mondes
animaux et monde humain
Von Uexkull, père de l’éthologie
Par la perception, l’animal est conscient
de son environnement (pour la tique :
l’odeur des glandes sudoripares des
mammifères), une donnée tactile (peau
fine); la lumière, la chaleur)
Descartes : la « perception »
animale n’est qu’une réaction
mécanique : l’animal est
comme une machine, il n’a
pas de conscience.
b- le « ce que ça fait que de… « : l’expérience consciente
• est-ce une conduite simplement automatique ?
peut-être qu’il n’y a pas de choix;
mais ca peut faire quelque chose à l’animal de percevoir.
Thomas Nagel et l’echo-localisation de la chauve-souris :
un certain ressenti (qualia)
• extension de la conscience spontanée (= conscience immédiate de nos
expériences) :
Si l’on comprend la conscience dans le sens du ressenti de l’expérience subjective,
Elle ne se réduit pas à la conscience sensorielle : il faut ajouter d’autres états mentaux,
(au moins chez l’homme )
j’évoque un souvenir,
je m’imagine un avenir
je résous un problème pratique
→ toutes les expériences dont je sens ou je sais que je les vis sont en ce
sens conscientes
John Locke
David Chalmers
3- la conscience intentionnelle et un de ses paradoxes : la conscience comme
croyance et la conscience comme savoir
• le sujet est généralement conscient des objets de ses représentations
mentales
Ici l’adjectif conscient et le substantif conscience réclame un complément: : de
quelque chose
= l’intentionalité (Husserl)
•forme de conscience plus élaborée que la seule conscience sensible.
Ne concerne sans doute pas les animaux les plus primitifs (ex : la tique n’a pas
conscience du chevreuil)
•cet usage du mot entraîne un paradoxe, selon qu’on se place du point de vue du
sujet ou d’un point de vue objectif
Ex : « Du son point de vue (point de vue de sa conscience) Quichotte a affaire à
des géants. Il n’a pas conscience qu’il a affaire à des moulins à vents »
→ conscience signifie
ou toute représentation consciente (vraie ou fausse)
ou seulement les représentations vraies, le savoir
Conscience signifie ou le point de vue subjectif
ou la vérité
4- la conscience de soi
L’intentionalité peut porter sur soi : le sujet peut aussi penser à lui-même :
•se percevoir, lui ou son image et de se reconnaître, savoir que c’est lui
(animaux intelligents)
• parler de lui-même en 1ère personne (je/nous)
• se faire une idée de ce qui le caractérise, de ce qu’il est
- physiquement
→ cf. pratique de l’autoportrait (ex : Rembrandt)
-« moralement »« , psychologiquement
… dans nos actions
… nos comportements sociaux
… dans notre intériorité - pratique de l’introspection (intra- spicere : regarder à
l’intérieur)
→ cf. pratique de l’autobiographie (ex: Rousseau, les confessions)
Quelques autoportraits de Rembrandt (1606-1669)
1627
1628
1640
1633
1667
La prise de conscience de soi : l’histoire d’Œdipe
-Devenu Roi de Thèbes, la ville est maudite par les dieux parce que le
meurtrier de Laïos, l’ancien roi, court toujours.
- Œdipe enquête
- Découvre que
→ celui qu’il croyait être (le fils du roi de Corinthe)
il ne l’est pas
→ celui qu’il pourchassait, le meurtrier de Laïos,
c’était lui-même
Œdipe et le sphinx, Ingres (1808)
• La conscience de soi crée un décalage de soi à soi.
Prendre conscience de ce que je suis/ de qui je suis
Me fait prendre conscience de ce que je suis /de celui que je voudrais être
Ex : Augustin, sa vocation religieuse et sa conversion
(Confessions)
Botticelli, Augustin dans son cabinet de travail
Mais avant même la question de la volonté (qui je veux devenir),
Est-ce que j’ai conscience de ce que je suis ?
La conscience que j’ai de moi-même
- n’est-elle pas superficielle ?
- n’est-elle pas en partie erronée, voire illusoire ?
Exercice : Travail de distinction des
différents sens de la notion d’inconscient.
-« Tu es inconscient ! »
-« J’ai retrouvé Roger inconscient
sous la table du salon »
-« Il tapait inconsciemment avec ses
doigts les accoudoirs du fauteuil »
-« Il désirait inconsciemment échoué
à son examen, c’est pourquoi il n’a
pas entendu son réveil ce matin-là.
II. L’inconscient potentiellement conscient
• distinction :
l’inconscience : qualifie l’état du
sujet qui n’est pas conscient
… de son environnement
… d’un danger
… qu’il agit mal (conscience
morale)
l’inconscient : désigne les phénomènes
═
eux-mêmes qui sont inconscients, qui ne
sont pas connus du sujet
1-les mécanismes du cerveau échappent à la conscience spontanée
• histoire : on a découvert que le cerveau était le véhicule principal de la pensée
•les mécanismes cérébraux échappent tout à fait à la conscience spontanée
• ils peuvent être l’objet d’une conscience d’objet informée par la science
• mais restent pour l’instant l’objet d’une connaissance générique
2- les opérations mentales du sujet sont en partie inconscientes
• la perception : exemple de l’audition (Leibniz); Chalmers
• les étapes d’un raisonnement ou d’une remémoration (Joëlle Proust)
admirer la couleur du coucher de soleil → perception consciente du rouge
s’arrêter au feu rouge → perception souvent inconsciente
point de vue de David Chalmers et des sciences cognitives
cf. Joëlle Proust in
http://www.dailymotion.com/video/xgewdw_les-sciences-de-l-esprit-2_tech
Un point sur la conception de Bergson
« Quelque idée qu’on se fasse de la conscience
de soi, telle qu’elle apparaîtrait si elle
s’exerçait sans entraves, on ne saurait
contester que, chez un être qui accomplit des
fonctions corporelles, la conscience ait
surtout pour rôle de présider à l’action et
d’éclairer un choix. Elle projette donc sa
lumière sur les antécédents immédiats de la
décision et sur tous ceux des souvenirs passés
qui peuvent s’organiser utilement avec eux ; le
reste demeure dans l’ombre ».
Matière et Mémoire, p. 156.
Henri Bergson, 1859-1941
(Thèse de Bergson) la conscience
est la part de l’esprit intéressée à
l’action et au présent. La part
laissée dans l’ombre peut être
considérée comme inconsciente.
« Conscient »
= données actuellement
utiles au sujet
(Définition) « Sont inconscientes
les données que je connais sans
en avoir besoin mais que je
pourrais
retrouver
si
elles
m'étaient utiles ».
« Inconscient »
= données actuellement inutiles au sujet
esprit
3- les traits mentaux durables du sujet sont en partie inconnus de lui :
• des idées
• des traits comportementaux
• des désirs et sentiments
4- progresser dans la connaissance de soi :
• ce à quoi on n’a pas accès directement par la conscience de soi, on peut y
avoir souvent accès indirectement, par apprentissage :
.. par l’auto-observation et l’auto-interprétation de nos manières d’agir en
situation
.. Par l’effort de remémoration et de synthèse
.. Par l’écoute de ce que les autres disent de nous
.
Apprendre à se connaître est très difficile [...] et un très grand plaisir en même
temps (quel plaisir de se connaître !) ; mais nous ne pouvons pas nous
contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes : ce qui le prouve, ce sont les
reproches que nous adressons à d'autres, sans nous rendre compte que nous
commettons les mêmes erreurs, aveuglés que nous sommes, pour beaucoup
d'entre nous, par l'indulgence et la passion qui nous empêchent de juger
correctement. Par conséquent, à la façon dont nous regardons dans un miroir
quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre à nous
connaître, c'est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous
découvrir, puisqu'un ami est un autre soi-même. Concluons : la connaissance de
soi est un plaisir qui n'est pas possible sans la présence de quelqu'un d'autre qui
soit notre ami ; l'homme qui se suffit à soi-même aurait donc besoin d'amitié pour
apprendre à se connaître soi-même.
ARISTOTE, La Grande Morale, II, 15
• tout cela suppose disposer d’une maîtrise du vocabulaire (ex : voca. des passions)
qui nous permettra
- d’exprimer ce que nous pensons être
- et même de penser ce que nous sommes
conscience de soi suppose une maîtrise de concepts capables de nous décrire
III- L’hypothèse d’un inconscient refoulé
« Dans le cours des siècles, la science a infligé à l’égoïsme naïf
de l’humanité deux graves démentis. La première fois, ce fut
lorsqu’elle a montré que la Terre, loin d’être le centre de
l’Univers, ne forme qu’une parcelle insignifiante du système
cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la
grandeur. Cette première démonstration se rattache pour
nous au nom de Copernic, bien que la science alexandrine
ait déjà annoncé quelque chose de semblable. Le second
démenti fut infligé à l’humanité par la recherche biologique,
lorsqu’elle réduisit à rien les prétentions de l’homme à une
place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa
descendance du règne animal et en montrant
l’indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière
révolution s’est accomplie de nos jours, à la suite des travaux
de Ch. Darwin, de Wallace et de leurs prédécesseurs, travaux
qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des
contemporains. Un troisième démenti sera infligé à la
mégalomanie humaine par la recherche psychologique de
nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est
seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est
réduit à se contenter de renseignements rares et
fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa
conscience, dans sa vie psychique. »
Sigmund Freud, Introduction à la Psychanalyse
Les 3 grandes blessures narcissiques dans l’histoire de l’humanité
selon F. :
la Terre n’est pas au centre de l’univers
L’homme n’est pas au sommet des espèces vivantes
L’homme n’est pas maître dans son propre esprit
1- Le problème initial : Comment expliquer et soigner « l’hystérie » ?
Hystérie : trouble nerveux
reconnu dès l’antiquité et
resté mystérieux, aux
manifestations très
diverses, des crises de
convulsions aux
hallucinations et aux
paralysies sans cause
organique apparente.
Hypothèses jusqu’alors :
-possession démoniaque
-Simulation
- etc.
Brouillet, Une leçon de Charcot à la Salpêtrière, 1887
Le cas Elisabeth
- Les symptômes
- l’hypothèse « traumatique »
et la résistance
Pour tenter d’expliquer la pathologie, il faut faire
l’hypothèse de l’existence de représentations
inconscientes
(d’événements
oubliés
traumatiques, de « réminiscences ») qui
occasionneraient certains effets pathologiques.
La psychanalyse n’a pour simplement pour but de fournir une explication
théorique de l’hystérie ou des névroses.
Elle a aussi une visée essentiellement thérapeutique.
Comment guérir quelqu’un qui présente des symptômes hystériques?
Le symptôme hystérique
peut disparaître si on en
découvre la cause.
- L’origine des névroses : le retour du refoulé sous une forme substitutive
« L’examen d’autres malades hystériques et d’autres névrosés nous conduit à la conviction
qu’ils n’ont pas réussi à refouler l’idée à laquelle est liée leur désir insupportable. Ils l’ont bien
chassée de leur conscience et de leur mémoire, et se sont épargné, apparemment, une
grande somme de souffrances, mais le désir refoulé continue à subsister dans l’inconscient ; il
guette une occasion de se manifester et il réapparaît bientôt à la lumière, mais sous un
déguisement qui le rend méconnaissable ; en d’autres termes, l’idée refoulée est remplacée
dans la conscience par une autre qui lui sert de substitut, d’ersatz, et à laquelle viennent
s’attacher toutes les impressions de malaise que l’on croyait avoir écartées par le
refoulement ». Cinq leçons sur la psychanalyse, 1909.
(Exemple) Le personnage
de Terry dans le film de
Charles Chaplin, Les feux
de la Rampe (1952), voir
aussi le cas « Elisabeth »
rapporté par Freud (Cf.
manuel, p. 32)
Comment faire remonter à la surface, à la conscience ce qui cause le trouble et est
justement inconscient?
Freud va utiliser successivement deux méthodes : l'hypnose et le travail d'analyse
(Cette dernière marque le début de la psychanalyse).
(1) L’hypnose permettait de se
procurer un accès direct aux
représentations refoulées, cause
des symptômes.
(Méthode dite « cathartique »)
(2) La méthode
associations libres.
des
L'idée de Freud, c'est celle
de
l'existence
d'un
déterminisme psychique.
C'est par le biais de ses pensées, souvenirs ou fantasmes racontés par le patient
que Freud espère, par interprétation, accéder aux représentations inconscientes
qui perturbent la vie psychique de ses patients.
Le test de Rorschah ou
psychodiagnostik est un outil
d’évaluation psychologique
de type projectif élaboré par
le psychiatre et psychanalyste
Hermann Rorschach en 1921.
Il consiste en une série de
planches sur lesquelles sont
dessinées
des
taches
symétriques et qui sont
proposées
à
la
libre
interprétation de la personne
évaluée. Les réponses fournies
serviront
à
évaluer
sa
personnalité.
Le travail du psychanalyste est donc de
faire revenir à la conscience les
éléments refoulés à l’origine du trouble
afin que le patient s’en rende maître et
puisse les réintégrer à sa conscience
L’obstacle majeur : la « résistance »
« La découverte de la sexualité infantile et
la réduction des symptômes névrotiques à
des composantes instinctives érotiques
nous ont conduits à quelques formules
inattendues sur l’essence et les tendances
des névroses. Nous voyons que les
hommes tombent malades quand, par
suite d’obstacles extérieurs ou d’une
adaptation insuffisante, la satisfaction de
leurs besoins érotiques leur est refusée
dans la réalité. Nous voyons alors qu’ils se
réfugient dans la maladie, afin de pouvoir,
grâce à elle, obtenir les plaisirs que la vie
leur refuse. (…) La fuite hors de la réalité
pénible ne va jamais sans provoquer un
certain bien-être, même lorsqu’elle aboutit
à l’état que nous appelons maladie parce
qu’il est préjudiciable aux conditions
générales de l’existence ». Freud, Cinq
leçons sur la psychanalyse, pp. 59-60.
2- généralisation à toutes les névroses :
La psychanalyse : école de psychologie clinique
psychanalyste; psychologue; psychothérapeute; psychiatre
La psychanalyse va expliquer ainsi toutes les névroses : affections caractérisée par des
troubles affectifs et émotionnelles (angoisse, obsessions, phobies, etc.) dont le sujet est
conscient mais dont il ne peut pas se débarrasser.
Or, selon Freud, nous sommes tous névrosés à un certain degré.
Sa théorie a donc une portée universelle.
3-une nouvelle
l’Inconscient
conception
de
(Thèse soutenue) L’inconscient est
radicalement
distinct
de
la
conscience ; c’est une part de l’esprit
dont les pouvoirs et les effets sur la
conduite humaine sont égaux, voire
supérieurs, à ceux de la conscience.
conscience
« Le psychique ne coïncide
pas en toi avec le conscient
: qu'une chose se passe
dans ton âme ou que tu en
sois de plus averti, voilà qui
n'est pas la même chose.
inconscient
La structure de l’esprit
MOI
• Le moi : ensemble des représentations mentales
dont nous avons conscience.
Fonctionnement : a pour but que l’individu s’adapte
aux contraintes du réel, naturel et social. Donc
soumis au « principe de réalité »
SURMOI
• Le surmoi : constitué par l’ensemble des interdits
sociaux intériorisés par l’individu.
Double face : censure / Idéal du moi.
ça
• L’inconscient ou le « ça » : l’ensemble des pulsions
qui constituent l’être humain et qui vont être
refoulées. « Pulsions » : tendances provenant du corps
et qui cherchent à se satisfaire par n’importe quel
moyen. Sont soumises au « principe de plaisir ».
4- les pulsions sexuelles et le complexe d’Oedipe
Quelles sont les tendances
refoulées que l’on retrouve
dans l’inconscient?
« Il s’agit presque toujours de
tendances sexuelles »
Chez Freud, c’est dans le
« complexe d’Œdipe » que se
règle dès la petite enfance la
prohibition de l’inceste.
« A cette époque, l’homme se trouve
devant une grande tâche qui consiste à se
détacher des parents, et c’est seulement
après avoir rempli cette tâche qu’il pourra
cesser d’être un enfant pour devenir un
membre de la collectivité sociale. La tâche
du fils consiste à détacher de sa mère ses
désirs libidineux pour les reporter sur un
objet réel étranger, à se réconcilier avec
son père, s’il lui a gardé une certaine
hostilité, ou à s’émanciper de sa tyrannie
lorsque, par réaction contre sa révolté
enfantine, il est devenu son esclave soumis.
Ces tâches s’imposent à tous et à chacun,
et leur accomplissement réussit rarement
d’une façon idéale, c’est-à-dire avec une
correction
psychologique et
sociale
parfaite. Les névrotiques, eux, échouent
totalement à ces tâches. C’est en ce sens
que le complexe d’Œdipe peut être
considéré comme le noyau des névroses ».
Ingres, Œdipe et le Sphinx, 1808, Musée du Louvre
5- la théorie freudienne est-elle justifiée ?
On nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychique inconscient et de travailler
scientifiquement avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que l'hypothèse de l'inconscient est
nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l'existence de l'inconscient. Elle est
nécessaire, parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez
l'homme sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être
expliqués, présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience. Ces
actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez l'homme sain, et tout ce qu'on appelle
symptômes psychiques et phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la
plus personnelle nous met en présence d'idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l'origine
et de résultats de pensée dont l'élaboration nous est demeurée cachée. Tous ces actes conscients
demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous obstinons à prétendre qu'il faut bien percevoir
par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d'actes psychiques ; mais ils s'ordonnent dans un
ensemble dont on peut montrer la cohérence, si nous interpolons les actes inconscients inférés. Or, nous
trouvons dans ce gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d'aller au-delà de
l'expérience immédiate. Et s'il s'avère de plus que nous pouvons fonder sur l'hypothèse de l'inconscient
une pratique couronnée de succès, par laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours
des processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve incontestable de l'existence de
ce dont nous avons fait l'hypothèse. L'on doit donc se ranger à l'avis que ce n'est qu'au prix d'une
prétention intenable que l'on peut exiger que tout ce qui se produit dans le domaine psychique doive
aussi être connu de la conscience. On peut aller plus loin, et avancer, pour étayer la thèse d’un état
psychique inconscient, que la conscience ne comporte à chaque moment qu’un contenu minime si bien
que, mis à part celui-ci, la plus grande partie de ce que nous nommons connaissance consciente se trouve
nécessairement, pendant les plus longues périodes en état de latence, donc dans un état d’inconscience
psychique. Si l’on tenait compte de l’existence de tous nos souvenirs latents, il deviendrait parfaitement
inconcevable de contester l’inconscient .
Freud, Métapsychologie (1915)
Egon Schiele, Mère et enfant, 1910
Egon Schiele, Femme assise à la jambe
repliée, 1917
Gustav Klimt, La jeune
fille, 1912-13
6-« Les rêves : la « voie royale » vers l’inconscient »
« L’interprétation des rêves est la voie royale qui mène à la connaissance de
l’inconscient », 1900, L’interprétation des Rêves.
René Magritte, Le Libérateur
S. Dali, Une seconde avant le réveil d'un rêve causé par
le vol d'une abeille autour d'une grenade, 1944
Processus de formation du rêve :
Lorsque l’on dort, notre conscience n’est plus aussi
vigilante qu’à l’état de veille.
-La censure est donc plus facile à contourner
-mais la conscience n’est jamais tout à fait absente
(preuve: on peut être réveillé par le réveil):
l’inconscient doit donc déguiser les désirs qu’il veut
faire passer.
Pour Freud, donc, « le rêve est la satisfaction
inconsciente et déguisée d’un désir refoulé ».
Dévoiler la signification du rêve réclame donc un
effort d’interprétation
Production du rêve par
déformation/travestissement
La condensation
Le déplacement
La figuration ou le
symbolisme
Contenu latent :
pensées, désirs
inconscients
Contenu manifeste : le
rêve tel que s’en souvient
le rêveur
Travail d’interprétation du rêve
Interprétation : opération intellectuelle visant à dévoiler le sens caché d’un fait
humain signifiant (action, message, œuvre d’art, …)
(exception : « interprétation libre » : dans un contexte artistique ou littéraire,
interprétation où la subjectivité de l’interprète prévaut sur l’objectivité de
l’interprétation).
Problème : peut-on être objectif dans la mesure où le sens (de l’action, du rêve, etc.)
ne s’observe pas comme un fait objectif ?
Réponse :
Une interprétation peut être plus ou moins arbitraire.
-s’appuyer sur des règles
- justifier l’adoption de ces règles (par l’expérience, par l’autorité, …)
Hitchcock, La maison du docteur
Edwardes (Spellbound)
Constance, médecin dans un asile
d’aliénés, tombe amoureuse du
nouveau directeur. Cependant, elle
s’aperçoit rapidement que l’homme
qu’elle aime est en réalité un malade
mental qui se fait passer pour le Dr.
Edwardes. Quand il prend conscience
de son amnésie, il croit avoir tué le
véritable docteur et s’enfuit de la
clinique.
Constance le retrouve et le cache
chez son vieux professeur qui va
analyser les rêves du malade et
trouver l’origine de son déséquilibre.
3. Limites et critiques de l’hypothèse de l’inconscient
a-s’agit-il d’une théorie scientifique ?
• la théorie n’est pas suffisamment
vérifiée.
Guérison ≠ preuve
• la théorie n’est pas falsifiable
b- l’Inconscient : un sujet dans le sujet qui
expliquerait ce que fait ce dernier ? Un mythe.
1ère erreur : croire qu’il y a un sujet partout où il y a
un nom. Sophisme.
Œdipe désire s’unir avec sa mère sans le savoir
Œdipe désire s’unir avec sa mère inconsciemment
L’inconscient d’Œdipe désire qu’il s’unisse à sa mère.
2ème erreur : croire qu’on explique quelque chose
alors qu’on ne fait que continuer la description de
cette chose
Œdipe va s’unir à sa mère, parce que son Inconscient
le veut.
Freud dirait : « Œdipe est en proie à des troubles
névrotiques parce qu’en lui s’affrontent deux forces
antagonistes : son Inconscient est amoureux de sa
mère / son Surmoi le lui interdit. »
Les sentiments du sujet s’expliquerait par l’action
conflictuelle de deux sujets ou forces concurrents.
= mythe.
Wittgenstein retraduirait :
Œdipe est troublé en ce que d’un côté il désire sa
mère inconsciemment, et de l’autre il refuse
l’inceste.
= ici il n’existe qu’un sujet, Oedipe
Ces critiques valent pour la conscience :
• le risque de substantification :
« il a repris conscience » ≠ il a retrouvé quelque chose qu’on appelle la conscience
« l’homme a conscience de soi » ≠ il a en lui quelque chose qu’on appelle …
« ma conscience me dit que cela est mal » ≠
• le sophisme de l’explication :
« l’homme est capable de faire le bien parce qu’il a en lui une conscience morale »
Vaut pour tous les phénomènes mentaux
la pensée, le désir, le sentiment, l’émotion, etc.
« Le désir m’a poussé dans la mauvaise pente »
« C’est l’amour qui me fait agir ainsi »
« la peur me hantait continuellement, parfois en sommeil, elle se réveillait et ne me lâchait
plus »
• contre la substantification :
On peut utiliser ces expressions, ces mots, mais il ne faut pas perdre de vue qu’il ne
s’agit là que d’abréviations.
On peut remplacer le substantif par un adjectif ou un adverbe.
Dans ce cas, il n’y a qu’un sujet : la personne. Tous les phénomènes mentaux sont des
propriétés de la personne ou de ses actions.
• contre la pseudo-explication :
Il faut cesser de croire expliquer quelque chose là où on n’explique rien.
« Mais pourquoi fait-il cela ? Parce qu’il est l’amour le fait agir ainsi »
Cela doit s’entendre au sens où l’on découvre un aspect de la réalité qu’on n’avait pas
encore vu, et qui permet d’éclairer la réalité qu’on n’avait vu en l’(intégrant dans un
ensemble plus large.
« Parce qu’il est amoureux » : son acte est un acte amoureux.
On n’est pas là en train de montrer une cause différente de ce qu’on est en train de
décrire.
Qu’est-ce que l’amour ?
« en disant que quelqu’un fait quelque chose par amour, je n’explique pas son geste, au
sens d’une explication théorique (par laquelle on rend compte d’un fait en montrant sa
cause, un autre fait indépendant du premier, mais pourtant lié au premier, qui est son
effet, sa conséquence), j’en complète la description.
Je peux bien dire que quelqu’un écrit des lettres, porte une certaine photo sur son cœur,
et sursaute chaque fois que le téléphone sonne parce qu’il est amoureux. Pourtant, je n’ai
pas expliqué ici un fait (les lettres, la photos, etc.) par un autre fait (l’amour). Être
amoureux consiste précisément à faire des choses de ce genre et d’autres encore, ce n’est
pas un fait distinct que l’on pourrait isoler pour lui-même. Bien entendu, que cet amour
soit conscient ou inconscient ne change rien à l’affaire. »