La division socio sexuée des savoirs à l’école

Nicole Mosconi Professeur émérite à Paris X-Nanterre Centre de recherche Education et Formation (CREF)

« Et puisque la femme est la raison première du péché, l ’ arme du démon, la cause de l ’ expulsion de l ’ homme du Paradis et de la destruction de l ’ ancienne Loi, et puisqu ’ en conséquence, il faut éviter soigneusement tout commerce avec elle, nous défendons et interdisons expressément que quiconque se permette d ’ introduire quelque femme que ce soit, fût-ce la plus honnête, dans la dite université. » (Décret de l’Université de Bologne, 1377).

Camille Sée « Il ne s ’ agit pas de préparer les jeunes filles à être savantes.

t Leur mission dans le monde n ’ est pas de faire faire de nouveaux progrès aux mathématiques et à la chimie, ni de rivaliser avec Madame Dacier (érudite du XVIIè siècle). Ce n ’ est pas pour les exceptions que les lycées et les collèges de jeunes filles ont été fondés ; ils ont été fondés pour faire de bonnes épouses et de bonnes mères, de bonnes maîtresses de maison, sachant à la fois plaire à leur mari, instruire leurs enfants, gouverner leur maison avec économie et répandre autour d ’ elles les bons sentiments et le bien-être » (Lycées et collèges de jeunes filles. Recueil de documents, lois, décrets, arrêtés, 1888, Avant-propos)

PLAN

• La perspective de genre en éducation • Curriculum caché et transmission des savoirs • Le mythe des savoirs « masculins » et « féminins »

La perspective de genre en éducation

Le genre est un « système social dans lequel les groupes de sexe sont dans un rapport de pouvoir, l’un (les garçons/hommes) dominant l’autre (les filles/femmes)

Le genre

• • • Le sexe d’état civil se distingue de la sexuation biologique qui n’est pas dichotomique Le féminin et le masculin sont des constructions sociales Ce sont des normes de sexe

Sexisme

• Le sexisme est facteur, comme le racisme, de discrimination, dévalorisation.

de subordination et de • Il touche l ’ ensemble des institutions (socio politiques, économiques, juridiques, symboliques) et des individuels et collectifs qui comportements femmes.

perpétuent et légitiment le pouvoir des hommes sur les

Stéréotypes et stéréotypes de sexe ou sexistes

Le

stéréotype

est un ensemble de croyances rigides voire caricaturales, concernant un groupe social, qui sert à un groupe dominant à catégoriser un groupe dominé.

Les stéréotypes de sexe

: ce sont ces croyances concernant les groupes de sexe masculin et féminin qui contribuent à créer des différences entre les sexes et aussi - et surtout à les hiérarchiser, conformément à l ’ ordre social inégal des sexes (Marie-Claude Hurtig et Marie-France Pichevin)

Les effets des stéréotypes de sexe

Les stéréotypes de sexe « orientent et altèrent le regard sur autrui, les jugements, les interprétations, les attentes, les conduites » aussi. Ces effets se produisent sans que le sujet en ait une conscience claire, c Pichevin, 1995, in ’ est la « cognition sociale implicite » (Marie-France

La place des femmes,

Éd.

La Découverte)

Genre et savoirs disciplinaires

• • • • La notion de curriculum caché Le curriculum caché dans les programmes Les savoirs que l’école ne transmet pas Savoirs « masculins », savoirs « féminins »

1)La notion de curriculum caché

• • • Curriculum formel Curriculum réel Curriculum caché: désigne la différence entre les contenus, les finalités, les s ’ objectifs prescrits acquièrent à l ’ Le

curriculum

et «

caché ou latent

ces choses qui école (savoirs, compétences, représentations, rôles, valeurs) sans jamais figurer dans les programmes officiels ou explicites » sans que personne ne veuille les enseigner.

FORQUIN Jean-Claude, 1985, «L contenus et programmes d ’ ’ approche sociologique des enseignement», Perspectives Documentaires en Sciences de l ’ Éducation, n ° 5, p.31-70.

2) Le curriculum caché dans les contenus d ’ enseignement •

Le masculinisme

: "ce particularisme qui non seulement n ’ envisage que l ’ histoire ou la vie sociale des hommes mais encore double cette limitation d ’ une affirmation (il n ’ y a qu ’ eux qui comptent et leur point de vue) » Michèle Le Doeuff,

L

’

étude et le rouet,

Le Seuil (p.55).

le curriculum caché :

• Les « grands hommes » • Le génie est masculin • Les femmes sont invisibles • Conséquences sur les filles… • et les garçons.

3) Les savoirs que l’école ne diffuse pas

• • • Absence des savoirs critiques sur les inégalités de sexes « on n’apprend pas des femmes ce qu’il faut penser des femmes » Michèle le Doeuff, Le sexe du savoir conforter l’ordre sexué ou penser par soi même

III Les mythes des savoirs masculins et féminins

• • • • Connaissances et savoirs Savoirs « pour les filles », savoirs « pour les garçons » Filières masculines et féminines L’efficace de l’imaginaire collectif

III Genre et classe dans les orientations scolaires et professionnelles • • • • Classes et filières À l’intérieur des types d’établissement: les effets du genre La division socio sexuée des savoirs et des compétences Le fonctionnement socio sexué du marché du travail

La division socio-sexuée des savoirs

 les rapports sociaux de sexe déterminent quelles fonctions sociales et quels savoirs sont assignés aux individus de classe et de sexe différents, quels sont ceux qui sont pour eux légitimes ou interdits.

Division socio-sexuée du marché du travail

– Ségrégation entre emplois dits féminins et masculins – Division horizontale et verticale entre les sexes et « plafond de verre » – Salaires des femmes inférieurs de 20% à ceux des hommes – Inégalité de la division du travail domestique et éducatif entre les sexes

Convention pour l’égalité des filles et des garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2013 2018 • • • 1 -

Pour la transmission

les filles et les garçons des valeurs d’égalité entre 2 -

le renforcement

de l’éducation au respect mutuel et à l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes 3 –

l’engagement

pour une mixité plus forte des filières de formation et à tous les niveaux d’étude

Conclusion

• • • • • Les inégalités n’existent pas seulement sur le marché du travail mais dans l’école aussi Elles sont plus fortes dans les filières directement professionnalisantes Elles sont liées à la socialisation familiale et scolaire Elles sont liées aussi aux savoirs transmis L’éducation Nationale est en contradiction avec elle même: ses programmes contredisent l’égalité des sexes qu’elle prône par ailleurs.

Les recherches sur les inégalités de sexe

• 1989: Nicole Mosconi,

La mixité dans l

’

enseignement secondaire : un faux-semblant ?

• 1990, Marie-Duru-Bellat :

L

’

école des filles

• 1991, Baudelot-Establet :

Allez les filles!

• 1994, Georges Félouzis :

Le collège au quotidien

• • 1994, Gilles Moreau,

Filles et garçons au lycée professionnel

1994 Nicole Mosconi, Femmes et savoir • 1996, Claude Zaidman,

La mixité à l

’

école primaire

• 1998, Michèle Le Doeuff,

Le sexe du savoir