La Nostalgie et la culture populaire

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Transcript La Nostalgie et la culture populaire

La nostalgie: inventer le passé
http://www.savagechickens.com/images/chicken80stv.jpg
Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-15
http://imgs.xkcd.com/comics/nostalgia.png
Du héros nostalgique à la nostalgie comique d’aujourd’hui
Comment est-ce possible que la
nostalgie s’est transformée du mal
du pays d’Ulysse, qui pendant 10
ans subit des épreuves d’héros pour
retrouver sa femme et son royaume
(ici, il tue les prétendants qui ont
voulu marier la présumée veuve
Pénélope pour saisir le trône
d’Ithaque) ….
… en désir de jouer avec les poupées de caractères
de bandes dessinées de son enfance? Ici, après le
succès l’émission Seinfeld (1989-98), que la critique
déclare ‘révolutionnaire’, American Express tourne
deux petits films qui jouent sur le rapport de Jerry à
son passé qui est devenu sa marque de commerce : il
fait continuellement référence non seulement à sa
jeunesse, mais à la culture pop de sa jeunesse.
La nostalgie est une condition particulière qui cherche à tracer un lien au passé; par
contre, la culture pop existe dans un espace atemporel. Est-ce possible que les deux soient
liés? Le passé, dans un régime traditionnel, est un domaine où les technologies de
gouvernance véhiculent le pouvoir sur les individus en métaphorisant le temps et l’espace
pour créer un lien entre l’espace du quotidien et le temps étatique. Ce n’est pas l’histoire
sous forme d’un récit monolithique, mais la réglementation de l’espace qui oblige
l’individu de contrôler son utilisation du temps mène à des formes de rationalité tout à
fait cohérentes avec les dynamiques du marché et de la politique formelle.
Will nostalgia destroy pop culture?
From "Mad Men" to Adele, pop culture
is increasingly obsessed with the past.
An expert explains why that's bad
L’illustration qui
accompagne l’article:
Simon Le Bon (pas
identifié dans l’article),
Duran Duran
http://media.salon.com/2011/08/will_nostal
gia_destroy_pop_culture-460x307.jpg
“This endless regurgitation of the familiar is dulling and vaguely depressing. It’s nice to think there’s a future for
music, for example, and that people will do things that later generations can work with and take somewhere. I think if
the preponderance of the music scene is based around recycling and revivalism, then it’s like bad farming. Basic
common sense in farming is that you sow as well as reap. If you’re just reaping from the past, you’re not really giving
anything back. Of course, music and culture don’t necessarily work in the way farming does, and ideas don’t get
exhausted in the same way natural resources do, but I think it’s important for the ongoing project of music to at least
try to come up with things that have never been done before. Young musicians, in particular, seem to be way more
fascinated by the past than the future. That’s my main worry: Where is it going? Is this a practice that is infinitely
sustainable? At this point, we’re well into the ’90s revival, and then it will be time for the naughties revival. It just
seems a bit boring that that’s just how it’s going to proceed.” - Simon Reynolds, 5-08-2011, consulté l2 2-03-2012
http://www.salon.com/2011/08/05/retromania_simon_reynolds_interview/
L’invention de l’histoire
Système bilatéral de l’Europe occidentale (typique des tribus et États de la région): deux
parentèles égocentriques qui se chevauchent partiellement; elles sont définies en utilisant les
grands-parents comme point de départ pour tracer la filiation. L’ambigüité (les doubles identités)
qui en résulte est une faiblesse qui est contournée en mettant en scène la fiction qu’il existe deux
temps, le passé «bilatéral» et le futur «linéaire»; chaque mariage est censé, selon cette logique,
fonder un lignage exclusif dont l’identité est transmise par l’homme.
La nostalgie et le passé
La nostalgie est une instance particulière du
passé. Normalement, on est nostalgique pour
un passé assez récent, soit un passé vécu
personnellement ou par une personne avec
laquelle nous partageons un lien. Donc, il est
possible qu’une personne ait la nostalgie pour
la Belle Époque, traçant un lien à sa grandmère qui, à son tour, a passé sa jeunesse en
écoutant les histoires de sa grand-mère.
Cependant, on ne peut ressentir de la nostalgie
pour l’Empire romain; on ne peut établir aucun
lien personnel avec cette époque. La nostalgie,
donc, est un rapport au passé qui est
personnalisé. Dans un contexte où les États
occidentaux utilisent le contrôle de la
dimension temporelle pour imposer leur
hégémonie sur leurs citoyens, cette
personnalisation est un indice puissant que les
personnes veulent contester le contrôle de cette
dimension. Le passé consiste de
représentations: il faut donc comprendre les
règles de composition esthétique.
http://www.thejournal.org/studylibrary/maps/wolf-nursing-founders-of-roman-empire.jpg
http://pastreunited.com/sitebuildercontent/sit
ebuilderpictures/web_C217_LaBelleEpoque.jpg
Le temps et l’espace
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1a) établir des usages prescrits de l’espace («zonage»); ceci oblige les personnes à faire une navette
liant les zones résidentielles, de travail, et de loisir;
1b) le zonage localise les magasins alimentaires et réglemente le temps nécessaire pour les emplettes;
1c) ) règlementer les horaires des magasins et donc définir les habitudes d’achat;
2a) établir, initialement en collaboration avec les propriétaires d’usines et, aujourd’hui, règlementer la
«tradition» qui fixe les horaires de travail et des écoles;
2b) ceci va déterminer les horaires de l’intimité – quand les personnes mangent ensemble, etc.;
3) établir le nombre de jours ou même les périodes de vacances (ce qui oblige les personnes à prendre
des décisions de «rester à la maison» ou de voyager);
4) standardiser les unités utilisées pour établir le temps; les fuseaux horaires standards ont émergé
uniquement au 19e siècle; ceci en partie contribue à définir les frontières du «Nous» en sabotant les
temps «locaux»
5) au 19e siècle, définir des standards d’hygiène qui
obligeaient les personnes à établir certaines habitudes
règlementées selon un horaire (se laver, s’habiller, etc.);
6) établir, par un système de musées, ce qui constitue «le
passé» et donc limiter le matériel symbolique avec lequel les
personnes construisent le passé;
7) règlementer les moyens de transport public (nombre,
fréquence, parcours) et donc les horaires de déplacement
8) les régimes postmodernes et néolibéraux, qui oeuvrent à
déraciner l’individu de la communauté et de la tradition,
mettent l’emphase sur le présent en organisant la vie culturelle
autour de festivals, qui, par leur nature, sont épisodiques.
http://blog.busbank.com/wp-content/uploads/2011/04/2622642562_e8abe3d5de.jpg
Festival du Jazz, Montréal
Bien entendu, la nostalgie ne se limite pas à une lutte entre le citoyen et l’État pour établir le contrôle du
passé. Le passé a dominé et même déplacé les autres qualités de la nostalgie seulement vers la fin du 19 e
siècle quand les États-nations principaux de l’Occident (Angleterre, La France et l’Allemagne) ont réorienté
leurs technologies de gouvernance vers l’hégémonie (dans le sens gramscien; voir le PPT Introduction pour
la discussion de ce concept), poussant leurs citoyens, peut-être involontairement, vers la danse complexe de
complicité et de résistance qui a défini l’équilibre politique de la classe moyenne pendant un siècle et demi.
Avant, la nostalgie est connue sous la forme de mal du pays, une manifestation médicale (en fait, psychique
ou psychologique, on dirait aujourd’hui) de la mélancolie dominée par les sentiments qui entouraient
l’enfance de l’individu, et qui sont donc projetés sur les lieux liés aux souvenirs.
René Magritte,
Le mal du pays, 1941
http://thewordguy.files.wordpres
s.com/2010/03/nostalgia1.gif
http://temperance.xiv.free
.fr/wp-content/uploads/20
10/02/Le-mal-du-pays.jpg
Mélancolie, la «bile noire», liée au
concept grec des humeurs censées
contrôler les conditions biopsychiques des
êtres humains. Notez que la bile noire est
déjà associée à la terre, selon Hippocrate.
La nostalgie du «pays» typique de la
modernité occidentale était donc déjà
métaphoriquement projetée sur le lieu par
une théorie du corps et de la psyché
totalement différente des interprétations
ultérieures qui appuyait l’idée du mal du
pays. La nostalgie est donc une attitude
complexe et un engagement vers le lieu
qui, comme un caméléon, s’adapte à et se
manifeste selon les conditions politicosociologiques locales. La nostalgie est
donc une réponse individuelle aux
tentatives étatiques de contrôler le passé.
Il n’y a pas de lutte pour le passé, il s’agit
plutôt d’une invention d’un passé
parallèle.
http://upload.wikimedia.org/
wikipedia/commons/c/c4/Four_elements_french.png
Le passé et la perspective
La culture populaire ne semble pas avoir
un passé historique; ses éléments ne se
réfèrent pas à une tradition, mais plutôt à
la mémoire, ce qui suggère que la culture
populaire a un passé d’une trentaine
d’années – des souvenirs et des mémoires.
Souvent, ces mémoires et souvenirs
prennent une forme hautement ritualisée
qui les identifie immédiatement comme
des souvenirs individualisés faisant
partie du domaine intime et non public.
Ces souvenirs sont donc isolés des forces
et dynamiques propres à la «grande»
histoire officielle de la communauté. Les
partager est un geste d’intimité.
http://media-cdn.tripadvisor.com/media/photo-s/01/1d/5c/54/memories-for-a-lifetime.jpg
Ici, on voit une photo typique qui évoque des souvenirs, le passé individualisé; l’effet
nostalgie fonctionne en personnalisant de scènes « officielles ». Ici, l’effet nostalgique
se produit en annulant les traits reconnaissables des personnes, en créant une mise en
scène où elles sont dominées par l’arrière-plan qui sert de contexte.
Une « vraie » photo carte-postale; Bavaria
Le pyramide de Caius Cestus, Rome, érigé
en 12 a.J.-C. Voici le texte qui accompagne
la photo sur le site WEB:
« It’s a wonderful place, with extra interest
granted by the fact that it’s loomed over by
Caius Cestius’s pyramid, built after his death
in 12BC. He had a thing for Egypt. His
slaves built it in 330 days, apparently. He
freed them on his death; whether they built it
when still ‘under contract’ I don’t know (and
can’t be bothered to Google just yet). Beside
the pyramid is a little cat sanctuary, and a
couple of little feline charmers accompanied
us on part of our stroll. »
Den%26sa%3DN%26rls%3Dcom.microsoft:fr-ca:IESearchBox%26rlz%3D1I7ADRA_fr%26tbm%3Disch&um=1&itbs=1 (25-10-2011)
http://farm7.static.flickr.com/6141/6096711327_5f337c2e79.jpg
Pyramide de Cestus, selon une carte postale « officielle »; notez que la madame
qui a pris la photo précédente pour illustrer son voyage (sur le Web,
naturellement) n’a aucunement réussi a communiquer son aspect monumentale,
comme cette photo tente de faire. Ses choix esthétiques ont laissé la porte
ouverte pour le sémiopouvoir de la madame devienne le vrai sujet.
http://www.cogop.org/files/
Departments/General%
20Overseer/Misc%20Photos/
Articles/Snapshots/Snapshots-1.jpg
http://homepages.tesco.ne
t/ian.cox99/Vermeer%20%2
0Girl%20with%20a%20P
earl%20Earring%20(1665
).jpg
La jeune fille à la perle, Vermeer, 1667;
l’arrière-plan traditionnel est éliminé, ou
plutôt projeté sur le visage de la jeune
fille. Ceci transforme cette image en
objet esthétique pure; sans le dialogue
traditionnel arrière-plan avant plan
(contexte-texte), on ne peut projeter de
l’information pour transformer l’image
en véhicule de la nostalgie. En tout cas,
l’âge de cette image est trop bien connu
pour qu’elle fasse partie d’un
engagement nostalgique.
Comme dans la photo du couple devant le château,
l’effet nostalgie peut être crée par l’élimination des
traces de l’individualité. Ou, paradoxalement,
comme dans l’instantané en haut, par l’élimination
de toute l’information de l’arrière-plan qui
donneraient des indices du lieu ou du temps. La
nostalgie est donc une condition existentielle
fortement ritualisée et signalée par l’adoption d’une
composition visuelle où le sujet est débalancé vis-àvis de son contexte (soit il n’y en a pas, soit il y en a
trop).
Puisque l’espace nostalgique est évocateur du
passé récent et donc, métaphoriquement, de la
mémoire individuelle (un effet renforcé par les
règles de composition de l’image nostalgique,
qui réaménagent le rapport proche-loin), l’image
métaphore du passé individuel peut devenir
facilement une métonymie de toutes les
émotions qui soulignent l’individualité: c’est
une autre manifestation de nostalgie, la
sentimentalité. À droite, une image qui brouille
le dialogue normale entre arrière et avant plan.
http://evantart.files.wordpress.com/2011/02/poppy-fields-nostalgicwalk-pastel.jpg?w=614&h=422
Autrement dit, le déséquilibre entre sujet et
contexte permet au spectateur de définir le
rapport du sujet à son contexte comme il le
souhaite. La nostalgie est une opération
hautement personnalisée et active. C’est une
intervention temporelle de la part de
l’individu, qui affirme son agir dans le
temps-souvenir contre le pouvoir temporel
monolithique (le temps-histoire) de l’État.
http://5c.img.v4.skyrock.net/5c2/tiny-jo/pics/2533140261_small_1.jpg
La géométrie visuelle et privilégier l’agir
Comment agit l’espace pour évoquer un temps particulier? Pour
comprendre, il faut connaitre les règles de perspective et de la
composition des images. Depuis 500 ans les cultures occidentales
utilisent un régime visuel à la quasi-exclusion de toutes autres
géométries du visuel. Ce système est désormais normalisé et somatisé.
La perspective centrale (ou «linéaire») expérimentée et perfectionnée
par Filippo Brunelleschi en c.1425, pour la première fois transforme
les images définies par les 4 bords des deux dimensions principales
(X, Y) en un simulacre de cube ayant trois dimensions et six faces;
l’utilisation d’un point de convergence centrale situé à la face
antérieure du cube imaginaire en effet met en relief la face qui
représente l’avant-scène et donc privilégie la position spatiale et
sémiotique-existentielle du spectateur vis-à-vis de l’image.
À la Renaissance, l’utilisation d’édifices et d’autres
éléments architecturaux devient rapidement la marque de
commerce de la nouvelle perspective, comme si l’artiste
voulait à tout prix proclamer son adhésion aux nouvelles
règles esthétiques des proportions naturelles.
Les raisons pour cette invention sont complexes (voir le PPT La Perspective et la leçon Les origines du
Romantisme et la grande famine de 1315); ce qui est pertinent est que organisation géométrique des composants
d’une image déclenche un dialogue silencieux entre l’arrière-plan et l’avant-plan, entre les composants d’apparence
«petite» et les composants grands, entre le loin et le proche: c’est le spectateur le vrai sujet des images qui adoptent
cette géométrie désormais standardisée et somatisée, mais son agir rehaussé converge avec l’idéologie de la
souveraineté étatique, qui se légitime par son contrôle du territoire. Ceci déclenche une lutte sémiotique autour de
la question de l’espace.
L’agir nostalgique
Donc, la géométrie traditionnelle des composants d’une image dans ce régime déclenche un dialogue
entre « proche » et « loin », qui met le spectateur au vrai point central de l’image. Le spectateur
apparemment joue un rôle primordial, mais doit adhérer à la géométrie rigide de cette forme de
perspective, qui le mène à la même rationalité de la distance que le zonage: l’individu est
prétendument central, mais c’est la géométrie rigide de la perspective centrale qui l’amène à cette
position.
Par contre, l’image nostalgique exagère soit l’avant-plan, soit l’arrière-plan, brisant ainsi les rapports
spatiaux normalisés. Le spectateur ne peut interpréter l’image sinon avec l’information fournie par la
personne qui la présente. En fait, l’image nostalgique passe du visuel au verbal.
En plaçant le sujet hors contexte (ou en faisant
dominer le contexte [un arrière-plan pour
un écran, à droite], qui annule le sujet
humain, soit en l’éliminant par le gros
plan), ce genre d’image devient
nostalgique parce qu’elle oblige la
personne qui la visionne à réintroduire,
inconsciemment, l’équilibre entre e
contexte et sujet. Les photos nostalgiques
déclenchent la construction du texte,
contexte et sous-texte; c’est une forme de
sémiopouvoir individuel.
http://microentrys.files.wordpress.com/2009/03/abstract_27.jpg
Le discours « nostalgique »
•
•
«Nineteen-eleven,» she said, « Wait until you see the snow …»
She kept talking. It was the worst kind of snapshot monologue, giving the
background of each blurred person and each indistinct object; and describing, in
minute detail, things that weren’t shown in the pictures.
http://kristenicole2.files.wordpress.com/2009/12/hiding-in-closet.png
p.103, My Secret History, Paul Theroux, 1989
Dans ce cas, la torture psychologique du monologue
ennuyeux est pire, car le protagoniste le subit
involontairement, de la part de la propriétaire de
l’appartement de sa copine lors qu’il est caché dans
le garde-robe de celle-ci (dans le roman, nous
sommes au début des années 1960s).
Le même
effet peut se
produire sans
la nostalgie
(sans la
dimension
temporelle):
http://profalbrecht.files.wo
rdpress.com/2011/10/dilbe
rt_powerpoint.jpg?w=500
http://stuffthathappens.googlecode.com/svn-history/r6/trunk/clipart/boring-slideshow.png
Bref, la nostalgie a son propre régime visuel, basé sur le déracinement du sujet: soit en
élargissant le sujet humain, soit, le réduisant à tel point qu’il est méconnaissable. Dans
les deux cas, le dialogue normal du proche ou du loin est interrompu, et donc permet au
raconteur de projeter le contenu qu’il veut et donc devenir, dans son imaginaire, le
maitre du temps.
Il existe également la «nostalgie
structurale», c.-à-d., la nostalgie collective
et non individuelle, telle que définie par
Michael Herzfeld (Cultural Intimacy,
1996), où les communautés tentent de
résoudre la tension sémiotique (et
sémantique) entre la présentation idéalisée
du Nous et le non-dit collectif (par
exemple, aux États-Unis, entre la fierté
nationale de la «conquête» mythique de
l’Ouest et le génocide collectif des
peuples autochtones qui la rendu
possible). Selon Herzfeld, quelques
http://www.cometoevergreen.com/wp-content/u
ploads/2008/07/buffalobillwildwest-lrg.jpg
http://images2.layoutsparks.com/
1/226207/cowboy-wild-west-rodeo.jpg
métaphores de l’individu et du social, telles que le corps, la famille,
de la communauté, sont manipulées pour les transformer de
métaphores simples en métonymies polysémiques de l’imaginaire,
où se forge l’identité collective.
La nostalgie du jeu
Cette collection de jouets (du site
4chan, sous la rubrique
«nostalgie») des années 1980
représente la nostalgie
postmoderne, car les jouets sont
une des catégories qui peut
déclencher le voyage nostalgique
postmoderne; on les touche, on
les manipule, on les utilise pour
créer un petit univers individuel.
Notez qu’aucun jeu collectif n’a
cet effet. Par exemple, les jouets
avaient précisément cet effet sur
Jerry Seinfeld (voir l’épisode no.
162), qui était également un
maniaque du BD Superman).
http://pagesperso-orange.fr/prof.danglais/a
nimations/superman/supermanseinfeld.jpg
Ici, ce meme est exploité par la compagnie
American Express, qui a basé sa campagne
publicitaire des années 1990 sur Seinfeld,
grand admirateur de bandes dessinées.
«Unfinished Business»*
Pour plusieurs émigrants, le Canada et les États-Unis représentent un genre de paradis où
les individus sont à l'abri des pires offenses à la personne imaginable, et même certaines
moins graves: l’esclavage sexuel, la discrimination raciale, la marginalisation sociale, des
institutions publiques qui ne fournissent aucun service sans le pot de vin, impossibilité
d’avancement social, restrictions géographiques sur la résidence, etc.
Selon Statistique Canada, un tiers des hommes arrivés au Canada entre 18-45 ans quittent le pays dans
les 20 ans qui suivent leur arrivée (http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/060301/dq060301beng.htm [cliquez], 19-10-2010). Au Québec, 51,000+ immigrants sont arrivés entre 1-07-2009 et 3006-2010, et 3,600+ ont quitté la province (http://www40.statcan.gc.ca/l01/cst01/demo33b-eng.htm, 1910-2010 [cliquez]) dans la même période.
http://www.myfreewallpapers.net/music
/wallpapers/pink-floyd-the-wall.jpg
Quand les personnes immigrent, ils laissent derrière eux du «unfinished
business»: des engagements, des parties de leur psyché, de leurs émotions.
Les émigrants qui arrivent de pays où les institutions
publiques fonctionnent mal ou menacent la qualité de
vie ont tendance à s’investir dans l’amitié et dans
l’intime comme tampon protecteur. Souvent, ils ne
peuvent recréer ces sentiments dans le pays d’accueil
http://www.quitterlequebec.com/
«efficace».
images/fans/drapeau_old.jpg
http://www.youtube.com/watch?v=M_bvT-DGcWw
[cliquez]
Ce drapeau n’est pas une blague: il se trouve sur le site:
http://www.quitterlequebec.com/ [cliquez]
* Merci à Angelica Higuera (doctorand, U. de Montréal), qui m’a rappelé cette tournure de phrase utilisée dans de
plusieurs titres de livres et de films.
Ceci déclenche une forme de nostalgie («nostalgia narratives»), dont la distance géographique permet
la mythification du passé. Ceci est un processus bien connu. Ce qui n’est souvent pas précisé dans ce
modèle d’«intégration» est l’effet sur les enfants d’émigrants. Fréquemment, ces jeunes ne partagent
pas la vision de la soi-disant «tradition» de leurs parents, ce qui peut créer de difficultés et de tensions
au sein de la famille, qui devient un lieu de lutte et de tensions, car, selon la «tradition» (soit de la
culture de source, soit de l’idéologie dominante de la culture d’accueil qui veut orientaliser l’Autre),
elle est censée d’agir de tampon contre les pressions qui entourent l’«intégration». La nostalgie nourrit
les clivages générationnels indicibles, qui sont mises en place par la nostalgie des parents.
http://4.bp.blogspo
t.com/_QfVWU-2pVL4/S
oc2ewBnawI/AAAAAAAA
HzU/Y5I6BegwFZw/s160
0/070201picoftheday.jpg
http://euobserver.com/onm/media/file3/1512YT.png
Avec ceci, je ne veux suggérer que les enfants s’adaptent et les parents non.
Souvent, les enfants aux prises avec les clivages et les tensions au sein de la
famille vont se réfugier dans une version mythifiée et hyperpolitisée de la
nostalgie des parents. Les deux réponses, des parents et des enfants, sont
souvent mal interprétées par les membres de la société d’accueil.
La condition postmoderne et le temps:
Quelques traits souvent cités pour
«expliquer» la condition postmoderne:
•
Frontières poreuses? (disparition de centres
traditionnels qui définissent le cœur d'une
culture). Sans centre, moins de contrôle des
frontières culturelles et plus de pénétration par
«d’autres» cultures
•
Rapidité des échanges? (les technologies de
communication offrent la possibilité de créer
de réseaux étendus). L’établissement d’un
nouveau système mondial basé sur le libreéchange, ajouté à la simplification du contenu
des productions culturelles, mène à une
augmentation considérable de la fréquence des
échanges.
•
Des visages postmodernes
http://2.bp.blogspot.com/_7ND9xW_1s6o/Sex4HyyYouI/
AAAAAAAADs4/90jmLF1C0ek/s400/postmodern+faces.jpg
Élargissement de la gamme des produits
échangés (de la marchandise à l'image)?
Aujourd’hui, ce n’est pas uniquement les
marchandises traditionnelles qui sont
échangées, mais aussi des «productions
culturelles» -- images, films, modes, etc.
http://brainofdtrain.files.wordpress.com/2008/02/postmodern-1.jpg
Les personnes vs. les objets
Les souvenirs classiques du passé captés par des photographies montrent des personnes, certes,
mais de façon particulière, comme j’ai dit: soit elles sont à peine reconnaissables, soit elles
dominent l’arrière-plan informatif au point de l’éliminer. L’accès au passé dans le contexte
postmoderne est beaucoup plus complexe, et ce n’est pas surprenant que les personnes qui
vivent sous des régimes dominés par une orientation néolibérale vont accéder le passé plus
facilement par le biais des objets et des personnages imaginaires, tels qu’incarnés par les BD.
La nostalgie postmoderne peut s’exprimer surtout par des objets et non par l’image de
personnes.
http://www.lifeiscarbon.com/weblog/images/2008/05/16/w1.jpg
http://www.nolaframing.com/
images/NostalgicNewOrleans.JPG
http://www.nostalgic-designs.com/
acatalog/portebello_nostalgic_03.jpg
La nostalgie et les objets:
http://www.youtube.com/watch?v=7s4Ul3UquBU
Trois moments dans l’évolution de la nostalgie (gauche à droit): classique (personnes dominées par l’arrière-plan); postindustrielle, mais
néanmoins moderne (dominée par des signes d’objets, mais ni par les objets ni par les personnes); postmoderne (véhiculée par les signes
d’un monde imaginaire et même ironique; ici, par des personnes transformées en incarnations des styles emo et scene, qui sont des
commentaires ironiques sur les années 1980 et 1960, respectivement). À différence du voyage nostalgique de la modernité à la recherche
du Nous projeté sur l’Autre , la nostalgie postmoderne tente d’établir le Nous en faisant des commentaires autoréférentiels.
La nouvelle gouvernance et le temps
•
•
•
•
•
•
•
Changement à la gouvernance: nouvelles formes
du capital, nouveau rapport aux classes
marginales, nouvelle rationalité (qui contribue à la
plus-value de l‘État pour soulager sa crise
financière).
1) Le résultat est un abandon réciproque des
identités appuyées par l'idéologie étatique et
standardisées par la normalisation.
2) Émergence de la postmodernité parmi la classe
moyenne des banlieues américaines.
3 phases à l’individualisation:
a) par la consommation de marchandises – années
1950
b) par la corporalité et la sexualité – années 1965+
c) par la consommation de produits culturels –
années 1980+. Cette dernière phase est isolée du
temps étatique car elle ne dépend aucunement sur
les marchandises, qui, implicitement, portent
toujours de traces du contrôle hégémonique du
temps; p.e., les prix de marchandises chinoises.
Harold Lloyd, Safety Last, 1923
http://www.20th.ch/horloge_Harold_Lloyd.jpg
La gouvernance et le temps:
trois régimes
Pré-moderne
Moderne
Postmoderne
Passé
Présent
Futur
+
(valorisation,
idéalisation et
mythification)
(changeant, incertain)
(futur incertain)
(dévalorisation et
diabolisation;
primitivisme et
orientalisme)
+
(progrès, stabilité)
+
(utopisme)
(passé non pertinent)
+
(transformation
infinie du Soi [liquid
selves de Baumant;
swift selves de
McCrackern]; voir
Espace et Temps)
(futur négatif)
Le temps de la culture populaire
Les éléments qui composent ce
que nous appelons la culture
populaire sont dégarnis de leur
dimension temporelle, ceci pour
les simplifier afin qu’ils puissent
être plus facilement combinés en
des ensembles nouveaux et
novateurs (créant l’impression
que nous sommes tous de petits
génies, maitres de nos domaines).
Sans passé, ces éléments
deviennent autoréférentiels,
permettant de fusionner le texte et
le sous-texte, créant un lieu
dominé par le contexte, qui est
une projection du sémiopouvoir
individuel. Le résultat est que ces
composants de la culture
populaire, comme les éléments
qui définissent le passé
individualisé des souvenirs, se
prêtent facilement à une opération
nostalgique.
http://f9.img.v4.skyrock.net/f9b/leparrainitalia/pics/2103518293_small_1.jpg
Les composants atemporels de la culture populaire
Étant donné que le contrôle du temps est un des moyens
principaux utilisés par les États pour établir l’hégémonie sur
leurs citoyens (voir le dossier Mode et pouvoir), contester
ce contrôle devient une question urgente pour les individus
déracinés des contextes locaux par la mondialisation. Le
contrôle individuel du temps devient une façon de renforcer
l’agir vis-à-vis l’hégémonie étatique et néolibérale.
Quand les personnes insistent que les composants de la
«culture» (populaire) n’ont pas de dimension temporelle, en
contraste aux composants de l’histoire «officielle» et
traditionnelle qui son imbibés d’une linéarité étroite par les
politiques culturelles de l’État, elles s’engagent dans une
tentative de diminuer le pouvoir de l’État et d’augmenter
leur propre pouvoir. (Malheureusement, ceci ne fait que
renforcer le néolibéralisme étatique, qui veut transformer
chaque citoyen en entité totalement autonome pour le
soumettre aux dynamiques du marché). Ces tentatives sont
en fait à l’origine de la culture postmoderne (voir le PPT Le
design moderne).
L’espace atemporel et l’innovation: le recyclage
«You have just entered the very heart, soul,
and life force of the internet. this is a place
beyond sanity, wild and untamed. there is
nothing new here. "new" content on 4chan
is not found; it is created from old material.
every interesting, offensive, shocking, or
debate inspiring topic youve seen
elsewhere has been posted here ad
infinitum. we are the reason for "not safe
for work".»
Mon emphase.
(http://www.urbandictionary.com/define.php?term=4chan; 12-08-2009)
http://iyokobat.files.wordpress.com/2009/04/picture-jetsons-gerry-dvorak.jpg
The Jetsons, le futur (2062) imaginé en 1962. Notez que le chien Astro est le pont entre Maynard G. Krebs
(voir PPT Ironie) des années 1950 et Scooby-Doo des années 1970 L’émission est toujours disponible sur
certaines chaines. Comme The Flintstones de la même époque présentait la banlieue avec une technologie de
l’Age de Pierre, le « futur » des Jetsons présente la même image avec une technologie futuriste (mais avec rien
de nouveau: la technologie de 1960 est améliorée, pas transformée. La bonne Rosie the Robot (basée sur un
caractère de l’émission Hazel des années 1950 et sur le personnage Rosie de Riveter de la 2 e Guerre mondiale)
apparait en Robot Chicken (2007, dans un épisode basé sur I, Robot) et Futurama (2006).
Les I-Pod comme machines temporelles
La pratique de télécharger la musique en format
MP-3 permet aux personnes de vivre dans un
monde instantané, dont les paramètres sont
continuellement reformulés pour définir un
présent éternel: on change nos sélections
fréquemment et, donc, en accélérant la fréquence
avec laquelle on est présenté avec de nouveaux
menus, on se distance du passé; c’est le simulacre
de la maitrise de la dimension temporelle. Cette
fréquence souligne l’aspect de consommer ce
produit culturel et donc le transforme en
marchandise. C’est l’acte de changer et non
l’appréciation des qualités esthétiques de la
composition ou de la performance qui comptent.
La musique, donc, comme d’autres composants
typiques de la culture populaire, se démocratise.
Ceci favorise le pouvoir individuel, l’agir, qui
devient le sémiopouvoir.
http://vivanedflanders.files.wordpress.com/2008/04/ipod-big.jpg
L’étrange histoire de Dancing Matt
2005
http://img.photobucket.comalbumsv
323trueneutralBlogDancingMatt.jpg
2008
http://travel.ninemsn.com.au/img/article/dancingmatt/dancing-matt.jpg
Dancing Matt est un ensemble de vidéos virales présenté sur YouTube.
Matthew Harding, jeune informaticien américain, part en voyage autour
du monde en 2005 et crée un Blogue pour rester en contact avec ses
proches. À chaque lieu visité, il se fait photographié interprétant une
petite danse naïve. Ces vidéos deviennent rapidement un objet de culte,
avec des dizaines de millions de spectateurs. Avec une commandite du
fabricant de la gomme à mastiquer Stride, il part en 2e voyage l’année
suivante et, enfin, un 3e voyage en 2008. La danse universelle transforme
chaque scène en nostalgie instantanée: c’est une nouvelle forme de
tourisme, où le sujet et le contexte interprétatif sont construits.
http://www.youtube.com/watch?v=zlfKdbWwruY
2008
http://images.huffingtonpost.com/gen/
27164/thumbs/s-DANCING-MATT-large.jpg
Image nostalgique, image esthétique
Lors de son 3e voyage, en 2008, il visite 42 pays en 14 mois, mais cette fois, il se fait reprendre entouré de
personnes qui ont voulu se joindre à son projet. Le tout est organisé avec précision avant son départ. Les
participants signent des feuilles de consentement, sauf en Afrique et d’autres zones tierces mondiales; pour
contourner les problèmes potentiels, l’équipe le reprend entouré d’enfants dans ces zones (il explique tout
ceci à l’occasion d’une conférence placée sur YouTube). Le vidéo de 2008 apparait (comme les autres, sous
le nom «Where the Hell is Matt?», une référence au jeu vidéo «Where in the World is Carmen Sandiego»,
et aux livres devenus meme sur l’internet, «Where’s Waldo?»), avec une chanson composée pour
l’occasion. La lyrique est d’une poésie bengalie chantée par Palbasha Siddique, une jeune Bengalie
immigrée aux États-Unis.
http://www.youtube.com/watch?v=bNF_P281Uu4&feature=related
Notez la différence d’encadrement et de perspective
quand on compare les voyages de 2006 et de 2008. Seul,
l’expérience du voyage était un engin pour la production
de la nostalgie; on voit Matt dominé par
l’environnement. Dans ses voyages ultérieurs, entourées
de personnes, les images orientent le spectateur vers la
connexion, le lien, le présent. L’image nostalgique
classique du premier voyage exige qu’on y injecte de la
signification supplémentaire pour construire la
dimension du souvenir; l’énergie des danseurs
transforme l’image postmoderne de 2008 en ensemble
hermétique: le présent éternel.
2006
http://media.canada.com/2de3e3f6-b472-4835-9142
-3ead50913788/TRAVEL%20HARDING243.jpg
Le lieu et le romantisme
La nostalgie commence à se faire notée comme une
condition psychique et existentielle au 18e et
surtout au 19e siècle, le moment où le romantisme
domine et politise plusieurs manifestations de
l’attachement au lieu. Autrement dit, il est avant
tout un désir pour un lieu lointain, quand le destin a
séparé une personne de son lieu d’origine ou de
résidence. C’est seulement plus tard que la
condition acquiert sa signification d’un
attachement à un temps idéalisé.
http://www.indiabroadband.net/blogs/just4kix/attachments/11d
248280764-my-train-journeys-part-iv-nostalgic-deccan-queen-dq003.jpg
La nostalgie est donc liée au concept du voyage, dans
l’espace et puis dans le temps. Le train souvent
symbolise ce voyage nostalgique, car il est aussi
signe du passé et du voyage aux rythmes lents, pour
savourer les images qui nous séparent de notre
destination.
l
http://lentusinumbra.free.fr/blog/wordpress/wp-content/nostalgie.jpg
Le voyage «initiatique»
Le voyage, dans un régime moderne, évoque la découverte et
l’initiation. Le passage à un autre lieu symbolise le passage à une autre
condition de vie, à un autre temps. Évidemment, ces deux dimensions
peuvent être combinées pour définir le voyage initiatique, un voyage de
découvert du Soi (semblable au bildungsroman, dont Les souffrances
du jeune Werther [1774] de Goethe devient le prototype) à travers la
rencontre avec l’autre (qui, pour Goethe, n’était pas l’Autre
anthropologique et exotique). La culture de l’Autre sous les régimes
modernes propose un lien entre la distance et le temps: plus le
voyageur se distance du cœur symbolique de sa civilisation, plus il
recule dans le temps. Le sauvage éloigné est censé être ancestral, une
représentation figée du passé. Voir, p.e., Au cœur des ténèbres de
Joseph Conrad (1899), inspiration pour le film culte Apocalyse Now.
http://www.africamaat.com/IMG/jpg/Tintin_au_congo.jpg
En fait, l’illustration
est de Goethe en Italie,
par Tischbein (1787),
et ne représente pas le
jeune Werther. Mais,
pour le poète, son
voyage en Campagne
était une découverte
spirituelle qui inspira
le mouvement
romantique.
http://stereotypeandsociety.typepad.com/stereotypeand
society/images/2007/07/23/tin_tin_in_congo1.jpg
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/45/Johann_Heinrich_Wilhelm_Tischbein_007.jpg
Le temps nostalgique est peu profond
La nostalgie est signalée par le désir du
voyage et de son appareil sémiotique, mais
toujours à l’intérieur du cadre dont les
frontières sont tracées par la temporalité des
souvenirs personnalisés et non par l’histoire;
l’effet nostalgie généralement ne s’étend pas
au-delà d’une génération. Il faut avoir un
contact avec l’objet, même de façon indirecte
(la nostalgie peut cibler quelque objet de la
génération de nos (vos!) parents). Ce contact
rapproché avec l’objet facilite la domination
et l’appropriation de l’objet, en contraste avec
la qualité impersonnelle de l’histoire
officielle, dont le but est de tracer les
contours de l’hégémonie censée intégrer les
personnes.
http://blogsimages.skynet.be/images_v2/002/526/884/20060606/dyn001
_original_550_413_jpeg_2526884_bb8e7fa9d4663ea5cd13b17d24e78d9e.jpg
La sémiotique du voyage est l’équivalent, dans la géographie de l’imaginaire, de la taille
réduite des images de personnes protagonistes des photos nostalgiques. Le voyage
nostalgique d’aujourd’hui se distingue du voyage initiatique typique de la modernité.
Le passé photographié
Batteries - CR2 Lithium Batteries (4 @ $7 ea) - $28
Film - ISO 100 24 exposure (52 rolls @ $2 ea) - $104
Developing - developing 4x6 prints (52 rolls @ $2 ea) - $104
Total cost - $236
Pellicule classique:
Digitale:
http://www.guidetofilmphotography.
com/photos/35mm-film.jpg
Developing - 4x6 prints (1,248 prints @ $.10 ea) - $125
Total cost - $125
http://photography.about.com/od/filmvsdigital/qt/CostComparision.htm; 19-10-2010
http://technofriends.in/vaibhav/wordpress
¸/wp-content/uploads/2009/08/digital-camera
-memory-cards.jpg
Pour comparer, les données tiennent pour acquis que les
photos seront imprimées, mais la majorité des utilisateurs
laissent leurs photos en format digital sur l’ordinateur. Les
personnes ont donc tendance à faire des milliers de photos
pour les conserver en format digital sans les imprimer,
comparé aux photos sur pellicule, qui doivent être imprimées.
Cela signifie que les personnes souvent prennent des
douzaines ou même des centaines de cliches de chaque
évènement, comparé aux quelques photos souvenirs typiques
de la vieille technologie. Cette hypermultiplication des images du moment présent dans un sens augmente le
moment présent pour éclipser le passé. Ces images ne sont plus un souvenir; en fait, les personnes, surtout les
jeunes, typiquement les consultent immédiatement après l’occasion et jamais plus.http://www.imagevanuatu.com/wed%20test%20no1.jpg
«Again, this weekend, she goes up to see him for the whole weekend without telling me. I found out after pics of
her were uploaded to facebook by the ex boyfriends friend.» - d’un blogue consulté le 20-1-2010
La fin de la nostalgie?
Le nouveau système mondial,
qui prétend avoir redéfini
autant les frontières du Soi que
les frontières géographiques, a
redimensionné le voyage
initiatique, car l’Autre est
aujourd’hui fusionné avec le
Nous par un ensemble de liens
complexes et surtout par la
nouvelle culture pop
mondialisée, qui ignore les
frontières nationales. Les
polarités public-privé, procheloin, état-citoyen, qui
dominaient la modernité n’ont
plus de points de repère dans la
culture postmoderne.
http://www.nyartbeat.com/nyablog/wp-content/uploads/2008/04/alyssa-nostalgia-518.jpg
La nostalgie et l’ironie:
http://www.youtube.com/watch?v=9eUMRhnnFhg&feature=related
Paradoxalement, l’élimination du passé comme catégorie définitoire du présent et l’omniprésence
géographique de la culture pop contemporaine ont transformé la nostalgie. Jadis, une personne se
recréait un passé « anti-étatique » grâce à la nostalgie. Mais aujourd’hui le passé n’est plus une
catégorie active pour construire le Soi social. La nostalgie qui cherchait d’individualiser le temps s’est
renversée: aujourd’hui, ce désir se manifeste par la création de réseaux sociaux hyperfournis de photos
de fêtes et de lieux visités ensembles. La nostalgie semble vouée à disparaitre, remplacé par le
recyclage, où les objets du passé vivent dans un imaginaire sans temps.
Sommes-nous dans un régime totalement nouveau?
Plusieurs chercheurs parlent de
«rupture» en comparant la
postmodernité et la modernité
classique. Il y a-t-il vraiment eu une
rupture entre ces deux régimes? Pas
vraiment. Les personnes ont toujours
utilisé le passé pour s’intégrer ou pour
se distancier des centres du pouvoir;
généralement, elles adoptent les deux
stratégies, qui ne rentrent pas en conflit,
car le capital acquis par la maitrise du
passé est mis-en-scène en des espaces
différents. La différence est que les
luttes pour le passé se sont
personnalisées avec l’affaiblissement
des narrations-maitre (Lyotard). La
nostalgie humanise le passé et le
redéfinit envers agir individuel. À
différence d’idéalisation officielle du
passé de la part des États, la nostalgie
offre la possibilité de construire un
passé individualisé, avec des éléments
tirés de l’espace intime. Souvent, ces
récits personnalisés ne sont pas
forcément flatteurs; leur puissance n’est
pas liée à leur contenu doré, mais au
fait qu’ils sont construits par l’individu
et non par l’État.
http://www.dvdrama.com/image
scrit2/l/a/_/la_rupture_haut.jpg
http://blog.modernmechanix.com/mags/qf/c/
PopularScience/9-1950/lrg_rupture.jpg
La vraie rupture existe uniquement dans les théories des
anthropologues désireux d’établir leurs nouvelles théories
postmodernistes de la postmodernité. Jadis, ils étaient
aveuglés à l’appropriation du temps de la part des individus,
car ils étaient plus préoccupés par la question de stabilité
sociale et donc la façon dont une structure clé se reproduisait
intacte d’une génération à l’autre. Ils se contraient sur les
idéologies de leurs sujets, des modèles assainis et cohérents
projetés dans l’imaginaire, parce que ceux-ci, étant plus
cohérents, se conjuguaient plus facilement avec l’idée de la
stabilité et de sa reproduction. Dans la «vraie» vie, les
personnes ont toujours contesté le contrôle du temps. La
question est: quel temps, le présent/futur (postmoderne) ou le
passé (moderne)?