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DEPRESSION de l’ENFANT et de l’ADOLESCENT Dr Emmanuel JAUNAY Chef de Clinique de Pédopsychiatrie Service du Pr Cohen Pitié-Salpêtrière DEPRESSION DE L’ENFANT (1) généralités • Longtemps niée, actuellement objet d’un intérêt croissant • R. Spitz : « dépression anaclitique » ou hospitalisme chez des nourrissons séparés de leur mère : pleurnichements puis indifférence puis régression, développement de troubles somatiques • Prévalence : 0,5 % à 3 % • Difficultés diagnostiques liées aux définitions et outils d’évaluation • Existence de perte ou de séparation (surtout entre 6 mois et 5 ans) • Influence de l’environnement familial, antécédents de dépression chez les parents • Enfants victimes de maltraitance, carence parentale • Maladie physique chronique de l’enfant DEPRESSION DE L’ENFANT (2) clinique • Souvent après un deuil ou une perte (séparation des parents, déménagement, décès d’un animal domestique,…) • Apparition progressive • Modification du comportement notable – – – – – – – Ralentissement psychomoteur, inhibition Enfant « trop sage », indifférent, « absent » Ou bien agitation, difficultés d’attention Moments de repli Crises de colère, auto/hétéroagressivité Manque d’intérêt, arrêt des activités ludiques ou culturelles Sentiment d’ennui DEPRESSION DE L’ENFANT (3) clinique (suite) – – – – – Perte de l’estime de soi : « je suis nul », « je n’y arrive pas »,… Sentiment de perte d’amour Culpabilité Evitement, refus du travail scolaire, échec scolaire Troubles somatiques : troubles de l’appétit (anorexie), troubles du sommeil (cauchemars, peurs,..), maux de ventre, céphalées – Blessures accidentelles, et absence de plaintes – Anxiété – Idées de mort ou de suicide; mises en danger • Conjonction de ces signes, permanence dans le temps, modification comportementale nette DEPRESSION DE L’ENFANT (4) évolution • Risque suicidaire • Conduites d’addiction à l’adolescence • Troubles des conduites : antisociales, délinquantes (fugues, vol,…) • Désadaptation scolaire et sociale • Risque accru de dépression à l’adolescence DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (1) généralités • Problématiques de l’adolescence : séparation, rupture des liens, perte / fragilité narcissique / agressivité, ambivalence / oscillations thymiques, affects dépressifs, ennui, morosité • Prévalence : 5 à 10 % • Hétérogénéité et particularités de la symptomatologie dépressive à l’adolescence • Même noyau dur, mais expressions différentes DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (2) clinique • Ralentissement psycho-moteur : moteur et idéique (expression verbale, sentiment de temps long, bradypsychie,…) ; ou agitation motrice • Inhibition intellectuelle, troubles de la concentration • Asthénie ou perte d’énergie • Tristesse de l’humeur; ou irritabilité • Désintérêt et perte de plaisir • Cognitions négatives, auto dévalorisation, culpabilité • Signes physiques : troubles de l’appétit (anorexie, plus rarement hyperphagie), troubles du sommeil • Idées suicidaires / risque de passage à l’acte suicidaire DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (3) formes cliniques • Signes psychotiques : syndrome délirant • Ralentissement psycho-moteur peut être remplacé par recherche de stimulation, hyperactivité, hypersexualité • Expression verbale et agie de la colère • Plaintes somatiques • Passages à l’acte, éventuellement répétés DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (4) environnement familial • Rôle déclenchant de certains événements de vie : décès, alcoolisme, sévices physiques ou sexuels, désaccord conjugal, divorce, attitudes de contrôle excessif entravant le souhait de séparation de l’adolescent • Rôle protecteur si épisode dépressif lié à une rupture sentimentale, à un échec scolaire ou professionnel • Recherche d’antécédents familiaux (facteurs génétiques, mouvements identificatoires) DEPRESSION DE L’ADOLESCENT (5) évolution • RISQUE SUICIDAIRE • Conséquences psycho-sociales : problèmes familiaux, difficultés scolaires, retrait vis-à-vis des pairs • Troubles anxieux, troubles des conduites / addictions • Risque de récidives • Évolution vers une maladie maniaco-dépressive dans 20 à 30 % des cas • Mode d’entrée dans la schizophrénie CONDUITES SUICIDAIRES (1) épidémiologie Suicide • • • • • Issue fatale d’un acte délibéré pour provoquer sa propre mort 2ème cause de décès des moins de 25 ans / 1000 décès par an (15-25) 3 hommes pour 1 femme Pathologie psychiatrique dans 94 % des cas Pendaisons, armes à feu Tentative de suicide : échec d’un suicide • 40 000 par an (15-25) / 3 femmes pour un homme • Récidive : 30 à 50 % de récidives dans les 12 à 18 mois • Absorption orale médicamenteuse, phlébotomie Equivalents suicidaires : mise en péril de la vie de manière inconsciente CONDUITES SUICIDAIRES (2) enfant • Tentatives de suicide plus rares chez l’enfant de moins de 12 ans (10 % de l’ensemble des tentatives de suicide enfants et adolescents) • Sex ratio égal à 1 • Moyen utilisé souvent brutal • Contexte familial souvent difficile : décès, violences, maladies, ruptures, antécédents de troubles psychiatriques (tentatives de suicide auxquelles l’enfant a assisté ou a entendu parler) • Vécu de honte, lié par exemple à des abus sexuels • Vécu d’épuisement, lié à un contexte familial difficile • Désir de punition, lié à des exigences familiales ou à une rigidité du milieu familial • Troubles mentaux : dépression de l’enfant, structures limites ou psychotiques • Nécessité d’hospitalisation CONDUITES SUICIDAIRES (3) adolescent Caractéristiques retrouvées : • Caractéristiques familiales : familles séparées, antécédents de troubles psychiatriques, abus sexuels (inceste) • Facteurs sociaux : adolescents migrants • Facteurs individuels : problèmes de santé, maladies chroniques, comportements agressifs ou de délinquance, consommation de produits toxiques, échecs scolaires, sexe masculin • Evénements de vie négatifs : conflits, abus sexuels, échecs scolaires,… CONDUITES SUICIDAIRES (4) adolescent Abord psychopathologique : • « court-circuit » dans les possibilités d’élaboration psychique • Différents sens : fuite, deuil, châtiment, crime, vengeance, appel, sacrifice, ordalie ou jeu • Tentatives de suicide et suicide associés à une étiologie psychiatrique : – Épisode dépressif majeur ou dépression grave – Dépression mélancolique – Schizophrénie (au cours d’un épisode délirant, ou au décours de celui-ci au moment où prise de conscience) – Troubles de la personnalité, conduites d’addictions,… Prise en charge de la DEPRESSION DE L’ENFANT / ADOLESCENT • Prévention • Valeur thérapeutique de la reconnaissance de la dépression • Thérapies : d’inspiration psychanalytique, de soutien, psychodrame psychanalytique, thérapies familiales • Interventions sur l’environnement : guidance parentale, hospitalisation temps plein, internat, prises en charge à temps partiel (HDJ), placement familial spécialisé • Hospitalisation : idées suicidaires, environnement peu fiable • Aide aux parents • Traitement médicamenteux : antidépresseurs (rares études, pas de preuve d’une efficacité par rapport au placebo), thymorégulateurs