Les Métamorphoses

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Transcript Les Métamorphoses

LA METAMORPHOSE
Apollon et Daphné
Redécouverte et Reconnaissance du modèle
classique à l’époque baroque
Par Sara Baldo
Objectif :
Comprendre comment et pourquoi le Baroque revisite
la culture classique
Méthode de travail :
Analyse et interprétation de l’oeuvre littéraire d’Ovide
Analyse et interprétation de la sculpture du Bernin;
Confrontation entre les deux oeuvres.
Apollon et Daphné
Modèle Classique:
Publius Ovidius Naso
Modèle Baroque :
Gian Lorenzo Bernini
Oeuvre littéraire
Sculpture
Confrontation
Conclusion
Les personnages
Apollon:
Divinité de l’ancienne religion grecque, dieu des arts, de la musique, de la
prophétie et de la lumière du jour. Il fut intégré dans le panthéon romain.
Né de Zeus et de Leto il était un archer qui avec son arme pouvait infliger
de terribles épidémies de peste aux peuples qui s’opposaient à lui.
Daphné:
Nymphe de la mythologie grecque et fille du dieu éponyme du fleuve
Pénée en Thessalie et de la Terre mère Gaia. Son nom vient du laurier en
quoi Gaia la transforma pour la sauver d’Apollon. Elle est le symbole de la
chasteté et de la vertu.
Ovide
Publius Ovidius Naso naquit en 43 avtJ_C à Sulmone dans les Abruzzes et
mourrut nen 17 ou 18 ap-J-C à Tomi en
“Roumanie”.
Entre 2 et 8 ap J-C composa un poème
épique mythologique Les Métamorphoses
où il ne célèbre pas les mythes
traditionnels mais raconte le changement
de toute chose.
Ovide, Gabor, 1905
L’oeuvre
Les Métamorphoses sont composés de 15 livres que l’on peut
subdivisés en 3 tomes : l’histoire de Dieux (livres VI-XI); l’histoire de
héros (livres VI-XI); l’histoire de personnages légendaires de la
Rome archaïque.
A la base de ces poèmes se retrouve le principe stoïcien et
pythagoricien de la transformation universelle puisque les hommes ou
les créatures mythiques se changent en éléments naturels, animés ou
inanimés.
Omnia mutantur, nihil interit.
Tout change, rien ne meurt.
Le style
Ovide utilise un style narratif permettant la conjugaison de la
mythologie et de la vie quotidienne par l’utilisation de divers registres
(changements de tons, brusques montées épiques, chute jusqu’au
niveau élégiaque-pastoral).
Les vers des Métamorphoses sont changeants et jouent sur la
dérision : renoncement à la perspective omnisciente et
impersonnelle de l’épique pour laisser place aux commentaires du
poète et solliciter le lecteur pour partager son détachement et son
ironie.
Les Métamorphoses, livre I,vv548-552
Vix prece finitā torpor gravis occupat artūs:
mollia cinguntur tenui praecordia libro,
in frondem crinēs, in ramos bracchia crescunt;
pes modo tam velox pigris radicibus haeret,
ora cacumen habet: remanet nitor unus in illa.
A peine achevait-elle sa prière, que Daphné sent ses membres s’engourdir ;
une fine écorce enveloppe sa poitrine délicate ;
ses cheveux se changent en feuillage, ses bras s’allongent en rameaux ;
ses pieds, tout à l’heure si rapides, prennent racine et s’attachent à la terre ;
la cime d’un arbre couronne sa tête ;
il ne reste plus d’elle-même que l’éclat de sa beauté passée.
Analisi
Analyse
Dans ses vers Ovide explique le processus de la métamorphose de Daphnée
qui commence par sentir un torpor gravis dans tout son corps :
Poitrine
Ecorce
Cheveux
Feuilles
Bras
Branches
Pieds
Racine
Visage
Cime d’un arbre
Daphné subit une transformation totale du corps, seule lui reste sa beauté.
Oeuvre littéraire:
Les Métamorphoses, livre I,553-556
Hanc quoque Phoebus amat positāque in stipite dextrā
sentit adhuc trepidare novo sub cortice pectus
conplexusque suis ramos ut membra lacertis
oscula dat ligno; refugit tamen oscula lignum.
Apollon l'aime encore; il serre la tige de sa main, et sous sa nouvelle
écorce il sent palpiter un cœur. Il embrasse ses rameaux; il les
couvre de baisers, que l'arbre paraît refuser encore.
Analisi
Analyse
Apollon (Phoebus) ne renonce même pas après la transformation de Daphné.
Il sent encore son coeur qui bat sous la poitrine d’écorce (trepidare sub cortice
pectus), il embrasse et couvre de baisés le bois, mais Daphné bien que
transformée en laurier continue à repousser les avances d’Apollon.
Oscula
indiquent le grand amour que porte Apollon à Daphné
Refugit
indique la distance que Daphné veut garder avec le dieu,
puisqu’elle désire garder sa virginité et sa pureté
Oeuvre littéraire :
Les Métamorphoses, livre I,557-561
Cui deus «at quoniam coniunx mea non potes esse
arbor eris certe» dixit «mea. Semper habebunt
te coma, te citharae, te nostrae, laure, pharetrae.
Tu ducibus Latiis aderis, cum laeta triumphum
vox canet et visent longās Capitolia pompās.
"Eh bien ! dit le dieu, puisque tu ne peux plus être mon épouse, tu seras du moins
l'arbre d'Apollon. Le laurier ornera désormais mes cheveux, ma lyre et mon carquois :
il parera le front des guerriers du Latium, lorsque des chants d'allégresse célébreront
leur triomphe et les suivront en pompe au Capitole
Analisi
Analyse
Arbor mea
Apollon désormais conscient de l’impossibilité de s’unir
à Daphné la prendra comme son arbre symbole.
Te, te, te, Tu… Laure
ces répétitions en même temps que le vocatif
Laure mettent en évidence le grand amour qu’Apollon ressent pour l’arbre :
tout ce que Daphné est devenue sera à Apollon.
Laure
“Laurier” (en grec “dafne”), plante de la métamorphose et de
l’illumination. Le laurier était le symbole de la sagesse divine, de
l’abondance, de la fertilité, du bien-être. Les anciens romains en avaient fait
le symbole de la gloire et de la victoire. Ils couronnés avec des lauriers la
tête des poètes et des généraux victorieux.
Oeuvre littéraire :
Les Métamorphoses, livre I,562-567
Postibus Augustīs eadem fidissima custos
ante forēs stabīs mediamque tuebere quercum,
utque meum intonsīs caput est iuvenale capillīs,
tu quoque perpetuōs semper gere frondis honorēs».
Finierat Paean: factis modo laurea ramis
adnuit utque caput visa est agitasse cacumen.
« Tes rameaux, unis à ceux du chêne, protégeront l'entrée du palais des Césars; et,
comme mes cheveux ne doivent jamais sentir les outrages du temps, tes feuilles aussi
conserveront une éternelle verdure. »
Il dit; et le laurier, inclinant ses rameaux, parut témoigner sa reconnaissance, et sa tête
fut agitée d'un léger frémissement.
Analisi
Analyse
Postibus Augustīs
lors de la séance du Sénat durant laquelle le titre
d’Auguste fut accordé à Octave (janvier 27 avt J-C) il fut décidé que sur la porte
de sa maison serait apposé la couronne civique (en feuilles de chêne) et que les
montants de la porte seraient ornés de lauriers.
Paean
de la santé.
Pean est un épithète d’Apollon qui l’associe au dieu archaïque
Fidissima custos, semper gere frondis
avec ces deux expresssions
Ovide souligne encore la force de l’amour d’Apollon pour Daphné -devenue
gardienne de la maison de l’empereur- tandis que la permanence de la verdure
du laurier symbolise la jeunesse et le bien-être.
Adnuit, agitasse
ce sont des verbes qui renforcent l’idée de vitalité
associée à Daphné et qui expriment la reconnaissance de l’initiative d’Apollon de
l’honorer ainsi.
Gian Lorenzo Bernini
Le Bernin naquit le 7 décembre 1598 à Naples et
mourût le 28 novembre 1680 à Rome.
Architecte, sculpteur, peintre, metteur en scène et
auteur de théâtre, il est considéré comme l’un des
plus grands représentants de l’art baroque.
Il exprime au travers de ses œuvres les canons
baroques : nouvelle conception de l’espace et de la
nature, effets suggestifs du clair-obscur, expressivité
et théâtralisation dans la mise en scène.
Autoportrait,G. L. Bernini,
huile sur toile, Galerie
Borghese, Rome,1623
Oeuvre sculptée
Apollon et Daphné,
G. L. Bernini, Galerie
Borghese, Rome,
1621-1623
En 1621 le cardinal Scipione Borghese
qui a le projet ambitieux de réactualiser
les mythes antiques offrit au Bernin la
possibilité de s’essayer à la figuration,
difficile, du thème de la métamorphose si
souvent traité en littérature.
Apollon et Daphné,
détail, G. L. Bernini,
Galerie Borghese, Rome,
1621-1623
Le Bernin interprète avec sensibilité le
sujet mythologique comme l’avait abordé
Ovide.
Il choisit de représenter le moment où
Apollon atteint Daphné et où celle-ci
commence à se transformer en laurier.
Cette image de grande intensité fut
réalisée au travers d’une “synthèse” de
valeurs expressives.
L’artiste donne, aux formes
naturelles des corps saisis au
moment ou l’action s’accomplit, la
beauté classique ou on peut
retrouver l’influence de l’hellénisme
et en même temps la sensualité
morbide et enveloppante du
baroque.
Le dynamisme de la scène se
développe à plusieurs niveaux. Au
mouvement intense de l’action est
associée l’expression des émotions
des personnages. Tout ceci créé
cette extraordinaire « magie » de la
métamorphose.
Apollon et Daphné, détail, G. L. Bernini,
Galerie Borghese, Rome, 1621-1623
La vitesse est représentée avec une
grande efficacité : Apollon semble être
entraîné par sa course ; le corps nu met en
évidence les muscles en tension, pendant
qu’il effectue une rotation et se
déséquilibre en avant pour stopper
Daphné.
Son manteau semble glisser, gonflé par le
vent, avec une légèreté qui figée dans le
marbre apparaît incroyable.
L’unique point d’appui sur la terre est la
jambe droite tandis que la gauche est
encore soulevée, coordonnée avec le bras
droit, ce qui accentue l’expression du
mouvement de la course.
Apollon et Daphné, détail, G.
L. Bernini, Galerie Borghese,
Rome, 1621-1623
Daphné, encore engagée dans sa course, freine brusquement, se cambre en
arrière, en tournant le buste et écartant les bras vers le haut. L’arc décrit par son
corps contrebalance l’impulsion d’Apollon.
Dans la représentation complète de l’action on peut voir aussi un dynamisme
psychologique des sentiments : l’expression d’Apollon semble à la fois étonnée et
déçue ; le visage de Daphné est marqué par la terreur et l’angoisse avec la
bouche ouverte en hurlant.
Apollon et Daphné,
détails, G. L. Bernini,
Galerie Borghese,
Rome, 1621-1623
La transformation se fait avec beaucoup de naturel. On voit les racines sortir des pieds
de Daphné et les feuilles naître de ses mains et de ses cheveux. Le Bernin arrive à
rendre les différences de matières (morbidité, dureté, rugosité, poli) au travers du
réalisme et de la précision.
Le schéma de la composition est
déterminé par les deux arcs qui,
associés, dessinent une spirale.
Le Bernin arrive de façon surprenante
à résoudre le problème du poids et du
fonctionnement statique des masses
du marbre si complexes et tendues
vers l’extérieur.
L’équilibre est obtenu grâce à
l’extension des bras, des jambes et des
cheveux dans l’espace, comme si les
deux figures étaient suspendues dans
le vide.
Apollon et Daphné, détail, G. L.
Bernini, Galerie Borghese, Rome,
1621-1623
Conclusion:
• Le Bernin réussit à moderniser le mythe d’Apollon et de daphné
raconté par Ovide en gardant dans son œuvre la beauté classique, la
perfection des corps divins en y ajoutant la morbide et enveloppante
sensualité baroque.
• Le mythe a une signification morale que l’on peut interpréter au travers
d’une clef de lecture chrétienne : d’ailleurs la sculpture était exposé dans
la demeure du cardinal Borghese. Cette interprétation allégorique fut
exprimée par les deux vers de Maffeo Barberini inscrits sur le socle de la
statue :
« Quisquis amans sequitur fugitivae gaudia formae fronde manus implet
baccas seu carpit amaras.
= Celui qui aime suivre les formes fugaces du divertissement / finit par
se retrouver avec des feuilles et des baies amères ».
• Dans la sculpture sont associés l’équilibre statique du classicisme et la
forme en spirale des deux corps propre au baroque. Il s’agit donc d’une
relecture baroque de la beauté classique au travers du thème de la
merveille et de celui de la stupeur.