Place des topiques dans la douleur

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Transcript Place des topiques dans la douleur

Place des topiques
dans la douleur
26 août 2010 – St Gilles-les-Bains
Christophe Coppin
Le Guillaume – La Réunion
Qu’est-ce qu’un topique ?
• Médicament dont l’application externe
agit localement
• Du Grec topos : lieu
• Traitement percutané sans effraction de
la peau (différent par exemple de la
mésothérapie)
• Un ou plusieurs principes actifs et un
excipient vecteur du
franchissement cutané
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Intérêt des topiques
• Large utilisation au quotidien (traumatologie,
rhumatologie)
• Forte demande en médecine générale :
« Doctèr, na poin un pomad’ pou brossé ?»
• Automédication importante (une sur deux)
• Représentation populaire : « la pommade
miracle »
• Véhicule du massage (kinésithérapie)
• Lien au corps dans le rapport soignant
• Progrès : galéniques (douleurs
neuropathiques++) mais peu
d’études cliniques
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Avantage des topiques
• Facilité du traitement
• Utilisation sur la durée
• Peu d’effets indésirables (pic plasmatique
minime)
• Soin direct à la zone douloureuse
• Alternative utile à certains médicaments
(sujet âgé polymédiqué, insuffisance rénale)
• Bénéfices du massage
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Limites d’un topique
• Limité par définition à une action localisée
• Physiologie de l’absorption cutanée :
+ passage de la couche cornée
+ uniquement les molécules < 500 Da
+ excipient : véhicule du principe actif, doit être
aqueux et lipophile
+ variété intra et interindividuelle dans la
perméabilité de la peau (saine ou malade),
température cutanée
+ métabolisme enzymatique cutané modifiant
efficacité
• Intolérance (allergie, irritation)
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Déterminants de l’activité du
topique
• Caractéristiques physico-chimiques de
l’excipient : galéniques diverses =>
pommades, gels, baumes, patchs,
compresses imprégnés
• Activité propre aux principes actifs
• Localisations
• Conditions d’application (ex : pansement
occlusif)
• Facteurs liés au revêtement cutané
• Facteurs individuels : biologiques,
croyances
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Effets du massage
• Permet d’établir une relation soigné / soignant et de faciliter
l’adhésion du patient à la prise en charge pluridimensionnelle.
• Action antalgique fonction des techniques
utilisées.
• On lui reconnaît des effets :
+ mécaniques locaux sur les adhérences cutanées
+ sur les contractures musculaires, effet relaxant
+ circulatoires : intéressants, lorsque l’on sait que le seuil
d’excitabilité des nocicepteurs est abaissé en cas d’ischémie
+ mais l’effet antalgique principal : action sur les fibres
nerveuses de gros calibre Aβ, mise en jeu du gate control
+ ne pas sous-estimer l’effet
relationnel et psychologique
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Effets du massage
• Un piège classique de la prise en charge des
douloureux chroniques consiste à réduire la
prise en charge rééducative à ces seuls
massages, (multiplication des prescriptions de
kiné), peut alors renforcer le patient dans un
rôle passif et d’attente, ne permettant le
plus souvent pas de progrès fonctionnels
sensibles.
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Le topique => effet chaud ou
froid
la chaleur
a un effet antalgique par :
+ réduction des contractures musculaires,
+ amélioration de la circulation sanguine
+ le réchauffement cutané met en jeu le gate
control et favoriserait la sécrétion des
substances endogènes morphinomimétiques
• Le froid :
+action indirecte par vasoconstriction, réduisant
l’oedème et les réactions inflammatoires.
+action directe en
réduisant la vitesse de conduction
des fibres nerveuses de petit
calibre
•
9
Topiques musculaires
• Baumes musculaires : contiennent du
menthol (effet froid), du camphre, du
salicylate de méthyle, quelquefois du
capsicum (effet chaud), ou huiles
essentielles de girofle
+ chefs de file des topiques antalgiques en
automédication
+ efficacité peu étudiée et
remise en cause :
Revue Prescrire (avril 2006) :
déremboursements
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Topiques musculaires
Les crèmes ci-dessous, utilisées comme
traitement d'appoint des douleurs musculotendineuses, sont anciennes et leur efficacité n’est
pas solidement étayée.
En outre, les salicylates, l'idrocilamide, la
chlorproéthazine sont des substances à risque
d'hypersensibilisation.
– BAUME AROMA° crème (salicylate de méthyle + huiles essentielles de girofle
et de piment de la Jamaïque - Mayoly-Spindler) ;
– INONGAN° crème (salicylate de méthyle+ camphre -Fumouze) ;
– NEURIPLÈGE° crème (chlorproéthazine - Genévrier) ;
– SRILANE° crème (idrocilamide – Merck Lipha Santé).
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Autres topiques musculaires
•
• Baume du Tigre : onguent de la pharmacopée Chinoise
(origine Birmanie, 1870) Baume du Tigre rouge pour
douleurs musculaires, le blanc pour les céphalées.
Contient de l’huile de cannelier de Chine, du camphre de
la menthe, de l’eucalyptus, de l’huile de Cajeput et de
girofle (intolérance cutanée non exceptionnelle, majorée
par application de chaleur, bandage)
• Solution : ++ Synthol (composition modifiée en 2001,
retrait de l’hydrate de chloral / effet mutagène),
automédication++. Contient du lévomenthol et de l’acide
salicylique
• Patchs chauffants : Synthol Kiné (contient des agents
calorifiques (fer, charbon activé, eau).
• S’active au contact de l’air. Durée : 8h –
chaleur max en 20-30 mn
• Thermalisme : douches térébenthinées
(Dax), boues thermales
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Topiques AINS
• Très large utilisation (++ gels, crèmes, compresses
imprégnées)
• Peu d’études contrôlées
• Etude pharmacologique (1999 – Tegeder) :
+ compare pénétration au site d’application de 800
mg d’Ibuprofène oral / 16g Ibuprofène gel 5%
(mesure concentration à 25-30 mm de profondeur :
concentration 22X + imp pour le gel
• Délai Cmax très variable (2h à 23h)
• Dosage plasmatique : 10% de voie orale => moindre
toxicité
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Topiques AINS
• Etude efficacité dans la gonarthrose : (2007 – Rother et
coll.) :
Gel kétoprofène/placebo oral et celecoxib oral (100mg)/gel
placebo – 6 sem de traitement – efficacité des 2 AINS >
placebo
• Indications en rhumatologie : tendinites, lésions traumatiques
bénignes, lombalgies aigües, certaines localisations
arthrosiques
• Recommandations EULAR – 2003 : reprise de 9 études (1000
patients) : confirme efficacité > placebo dans la gonarthrose
(grade A)
• Recommandations EULAR – 2006 : même travail
méthodologique, conclut à efficacité > au placebo dans
arthrose digitale - traitement local en 1ère ligne dans
arthrose digitale minime à modérée et
si peu d’articulation impliquées
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Topiques AINS en pratique
• Efficacité démontrée, modérée
• 1ère intention arthrose des doigts et gonarthrose
sujet âgé
• AMM gonarthrose : seul le diclofénac
• AMM arthrose des doigts : Ibuprofène, Kétoprofène,
Diclofénac
• Risque iatrogène systémique très faible (attention
allergie)
• Intolérance cutanée, allergie, photosensibilité
(retrait du kétoprofène gel en janvier 2010, puis
réautorisé par Conseil d’Etat)
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Capsaïcine
• Alcaloïde découvert et isolé en 1816, nommé
capsaïcine 30 ans après
• Dihydrocapsaïcine isolé du piment en 1958 = principe
actif de capsicum
• Autres composés proches = famille des capsaïcinoïdes
• Capsaïcine : composé majoritaire du piment rouge (++
piment de Cayenne = poivre de Cayenne)
• Echelle de Scoville créée en 1912, mesure force des
piments. Simplifiée dans contexte culinaire
(0 pour poivron ,8 pour piment de
Cayenne ,9 pour le tabasco,
10 pour piment habanero)
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Capsaïcine, aspects
neurophysiologiques
• Effet médié par récepteurs vallinoïdes TRPV1
• Activation initiale (effet chaleur) puis saturation en
capsaïcine désensibilisent les nocicepteurs =>
dualité d’effet en fonction des doses (excitatrice,
sensibilisatrice, inflammatoire ou au contraire antiinflammatoire et analgésique)
• Désensibilisation liée à déplétion en substance P
=> sensation de piqûre et brûlure
• Capsaïcine peut être utilisé comme outil de
recherche sur la fonction des fibres C
• Serait plus efficace sur allodynie au
frottement et douleurs paroxystiques
que sur douleur continue
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Capsaïcine, efficacité clinique
• Travaux cliniques : concentration efficace =
0,025% à 0,075%
• Méta-analyse Mason L et al, 6 études (656
patients souffrant de douleurs neuropathiques)
bénéfice par application de capsaïcine à 0,075%
est de 40% / placebo. NNT pour obtenir 50% de
soulagement est de 5,7. 50% = effet indésirable
local avec 13% interruption de traitement
• Neuropathie diabétique (Chad 90, Scheffer 91)
• Zona (Bernstein 89, Watson 92)
• Efficacité moins probante dans les douleurs
musculo-squelettiques
• Des études négatives dans les polyneuropathies
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Capsaïcine en pratique
• Certaines pommades musculaires contiennent un
extrait huileux de capsaïcine = oléorésine de
capsicum (Kamol°)
• préparation magistrale : Solution de capsicum à
0,1% 25 g + Lano- Vaseline : 75 g (Total 100 g)
• Zostrix ( ATU) capsic crème
• Difficultés : brûlures à l ’application->coadministration de lidocaine ou Emla
• administration 4 fois / Jours pendant 6 semaines
• efficacité au bout de 2 à 4 semaines
• on peut réitérer le traitement
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Capsaïcine, le patch
• Autorisée dans l’union européenne : traitement des douleurs
neuropathiques non diabétiques, patchs à 8%
• Backonja et al (Lancet Neurol 2008): étude randomisée en
double aveugle – efficacité et tolérance patch capsaïcine 8%
sur DPZ – 402 patients dont groupe patch contrôle de 196
patients(dosé à 0,04%) application unique d’une heure avec
application prélable de crème lidocaïne 4%
+ 2 semaines après : diminution douleur -30% dans groupe
capsaïcine à 8%, -20% dans groupe contrôle
+ patients restant soulagés à 3 mois : P8%= 44%, 33% ds
groupe contrôle
• Efficacité très relative, effets secondaires locaux quasiconstants - AMM en France (mars 2010) = Qutenza°,
réservé à usage hospitalier
• Revue Prescrire avril 2010 : conclut à efficacité incertaine,
effets secondaires locaux, contraintes de manipulation (gants
nitriles), effets neurologiques à long terme non connus –
préférence aux emplâtres de lidocaïne
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Topiques anesthésiques
• La crème EMLA :
+ Emulsion d’un mélange huileux de deux
anesthésiques locaux en quantité égale,
prilocaïne et lidocaïne (125 mg)
+ Diffusion systémique est faible
+ Sur peau saine, absorption faible et
retardée
+ Métabolisation de la prilocaïne peut induire
une méthémoglobinémie
+ Présentation : tube de 5g,
ou patch
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Action analgésique de l’Emla
• Ne dépasse pas 5 mm de profondeur
• Application en couche épaisse sous pansement
occlusif type Tegaderm
• Début d’analgésie entre 30 et 60 mn
• Vitesse de pénétration dépend
• + épaisseur de la peau (+ rapide sur la face)
• + diffusion plus lente sur peau noire
• Pose de 2h diminue les
variations individuelles
(sauf chez nourrisson < à 3 mois)
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Tolérance et effets
secondaires de l’Emla
• Bonne tolérance cutanée
• Importante marge de sécurité
• Concentrations plasmatiques maximales (120
– 180 mn)
• Autorisé à partir de 1 mois (s’utilise avant
et chez le prématuré en respectant les
doses)
• Ne pas associer à des médicaments
méthémoglobinisants : sulfamides,
métoclopramide
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Indications de l’Emla
• Anesthésie locale cutanée ou muqueuse en
prévention des soins douloureux (ponctions,
biopsies, soins d’ulcères…)
• Douleurs post-zostériennes : (Stow, Glynn
89 – Attal 99) : réduit l’allodynie et
l’hyperalgésie. Indications limitées par
étendue de la zone douloureuse
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Nouveau patch va être
commercialisé en France :
•
•
•
•
Indication : anesthésie locale de la peau (++ponction veineuse)
Mélange lidocaïne et tétracaïne
Spécificité : comporte un système chauffant activé lorsqu’on ouvre
le patch : la peau est chauffée et les anesthésiques locaux
traversent la barrière cutanée plus rapidement. Anesthésie locale
obtenue en 20 à 30 minutes.
La différence par rapport à EMLA® est donc :
+ la vitesse d’action : intérêt pour la gestion des soins aux
urgences ;
+ la vasodilatation probable : enfants aux veines difficiles à voir
seront plus faciles à piquer.
+ La profondeur d’anesthésie serait de 5 à 7 mm, mais d’autres
études seront nécessaires pour le préciser. Des études sont prévues
chez les plus jeunes enfants.
L’ AMM est disponible pour l’enfant de plus de 3 ans, dans les
structures hospitalières.
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L’emplâtre de lidocaïne
(Versatis°)
• ATU de cohorte puis AMM en 2007 (est sur liste des
médicaments de pharmacie à usage intérieur, vente au
public possible
• 700 mg de lidocaïne contenu dans une base adhésive
aqueuse
• Compresse imprégnée de 10 X 14 cm
• Indiqué dans traitement symptomatique des DPZ
• Application 12h/24h – maxi 3 emplâtres en même temps
• Traitement évalué après 2-4 semaines
• Application sur peau saine (après cicatrisation des
vésicules de zona), poils coupés non rasés
• Non recommandé < à 18 ans
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Versatis vu par l’HAS
• Efficacité établie de Versatis par 2 études cliniques
en comparaison à placebo / allodynie de DPZ
• Pas de comparaison à autres médicaments
• Bonne tolérance
• Soulagement dans les études : faible (ASMR V)
• Impact attendu en santé public faible / AMM limitée
• Place dans stratégie thérapeutique à définir
Intérêt toutefois souligné pour patient âgé
polymédiqué
Nécessité études dans autres douleurs
neuropathiques notamment post-chirurgicales
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Topiques opioïdes
• Présence de récepteurs mu, kappa, delta sur
terminaisons nerveuses périphériques : apparaissent
qu’en cas d’inflammation
• Morphine topique est la plus étudiée
• Des études positives mais sur un faible nombre de
patients
• Utilisation : plaies ulcérées, ulcérations diabétiques,
artérielles, veineuses , débridement de plaie
• Appliqué sous forme de gel ou vaporisé
• Dose efficace non connue, peu d’effets indésirables
• Début d’action en qq mn, durée 7 à 24h
• Place à préciser par études plus puissantes
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Autres topiques
• Kétamine : (présence de récepteurs NMDA en
périphérie)
Etudes randomisées et contrôlée en cross-over :
effet marginal sur hyperalgésie, pas effet sur
allodynie
• Kétamine 4% + Lidocaïne 10%
• Antidépresseurs tricycliques : propriété stabilisatrice
de membrane en inhibant les canaux sodiques des
afférences primaires :
– Pas d’efficacité démontrée pour amitriptyline seule
– Etudes de McCleane (2000) efficacité de doxépine
3% ou en association avec capsaïcine 0,025%
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Autres topiques
• Guanéthidine transdermique 1% (Kein et
Trescot 94)
• Clonidine topique
• Cocaïne (4%) en anesthésie de muqueuse
ORL, en association à menthol et phénol
(liquide de Bonain) : attouchement du gg
sphénopalatin dans l’AVF
• Nitroglycérine, gabapentine, baclofène,
cannabinoïdes
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Finalement, quelle place pour
les topiques dans la douleur ?
• Le quotidien : « la médecine générale »
+ usage large en prescription et en
automédication des baumes et des topiques
AINS avec efficacité modeste sur des douleurs
légères à moyennes en aigu.
+ topiques analgésiques peu utilisés hormis
l’association lidocaïne-prilocaïne pour les
douleurs liés aux soins
• Quelques avancées dans la douleur
neuropathique : « mode du patch » mais place
encore à mieux préciser
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Pourtant des atouts
indéniables
• Neurophysiologiques :
+ les douleurs inflammatoires et neurologiques :
mis en jeu de médiateurs de l’inflammation
(histamine, bradykinine, prostaglandines,
leucotriènes), et de récepteurs de
neurotransmetteurs inhibiteurs (opioïdes,
adrénergiques, cholinergiques…)
• Pharmacodynamique :
+ concentration > sur site de douleur /agents
systémiques
+ faible absorption systémique (1 à 10%) soit
risque effets indésirables et interactions faibles
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les topiques sont donc :
• Une alternative possible ou des adjuvants
intéressants à la voie systémique
• Autres études nécessaires pour mieux les
intégrer dans des stratégies algologiques
validées
• « Pommades miracles » peut-être…
La douleur est multifactorielle donc,
Le seul topique ne fera pas tout…
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