Sociolinguistique: contexte épistémologique, définition, objet d*étude,

Download Report

Transcript Sociolinguistique: contexte épistémologique, définition, objet d*étude,

SOCIOLINGUISTIQUE:
CONTEXTE
ÉPISTÉMOLOGIQUE,
DÉFINITION, OBJET
D’ÉTUDE
1. La naissance de la
sociolinguistique:
Contexte épistémologique
La sociolinguistique “ a émergé de la
critique salutaire d’une certaine linguistique
structurale enfermée dans une interprétation
doctrinaire du Cours de linguistique
générale de Ferdinand de Saussure ” (Boyer,
2001, p.7), et on peut dater cette naissance
au début des années 1960 (on notera que
cela correspond à la naissance de la
Pragmatique)
Nous avons vu qu’avec F. de Saussure, la
linguistique générale a gagné son autonomie en
tant que science spécifique. Elle n’y est toutefois
parvenue qu’au prix d’un réductionnisme
considérable,
ne
s’intéressant
qu’au
fonctionnement de la “ langue ” (envisagée
comme un système de signes) et abandonnant
l’étude de la “ parole ” aux psychologues, aux
philosophes ou aux sociologues. Avant que
n’apparaissent les premiers travaux de la
Pragmatique, cette linguistique a exclu de son
étude les situations réelles d’échanges verbaux.
Nous avons vu combien cette linguistique
a sur-simplifié la question de la
signification ou du sens, en la
subordonnant aux explications du
fonctionnement de la langue. Jusqu’il y a
à peine 35 ans, tout semble s’être passé
comme s’il fallait clairement dissocier
l’étude du fonctionnement des éléments
linguistiques de l’étude des fonctions du
langage.
Cette priorité accordée à la langue (plutôt qu’à la
parole), ou à la compétence (plutôt qu’à la
performance) ira même jusqu’à engendrer un curieux
personnage, générique, mais inexistant : le “
locuteur/auditeur idéal ”.
“ La dichotomie saussurienne entre langue et parole
renvoie la variabilité hors des limites du système,
seul descriptible, seul digne de l’attention du
linguiste. Le champ du sujet parlant et de la
modification permanente des usages est reconnu
existant, mais c’est un champ hors les murs. La
science [= la linguistique “ proprement ” dite] fonde
son objet en s’abstrayant du réel non homogène . . . ”
(Lafont, 1983, p.11).
En contestant la validité d’un
structuralisme
réducteur
(qui
ne
s’intéresse qu’à la langue proprement
dite,
envisagée
comme
système
homogène), la sociolinguistique invite à
un autre regard sur le langage, ouvrant la
porte à “ un structuralisme de la
diversité, de la variation ” qui sont des
dimensions incontournables de la parole
(Boyer, 2001, p.11).
2. L’OPPOSITION ENTRE
LA LINGUISTIQUE
STRUCTURALISTE ET LA
SOCIOLINGUISTIQUE
2.1 linguistique interne
vs. externe
La linguistique interne,
approche associée à la
grammaire traditionnelle
structuraliste, étudie le
comportement
linguistique en lui-même
et pour lui- même,
indépendamment
de
comportements
/
pratiques d’un autre
type.
La linguistique externe,
qui
correspond
à
l’approche
sociolinguistique,
étudie le comportement
linguistique en tant
qu’il s’inscrit dans une
pratique d’un autre
ordre
(social,
psychologique).
En adoptant le point de
vue interne, nous dirons
que, dans une langue
donnée, il y a des choses
« qui se disent » et « qui
ne se disent pas ». On
tente de décrire comment
il
faut
parler
correctement et donner
une image claire du
fonctionnement
du
système.
Ainsi dans,
(1) Jean a décidé de lui parler.
(2) Jean décider lui parler.
(3) Du coup, il a décidé de lui parler, Jean.
L’énoncé-exemple (1) sera considéré comme
correcte, à la différence des énoncés (2) et
(3).
En adoptant le point de vue externe, nous
associerons plutôt des énoncés à des
situations de communications particulières.
Les énoncés (2) et (3) seront jugés adéquats
dans des contextes particuliers, notamment
dans le cas d’une maîtrise insuffisante de la
langue par un étranger (2) ou dans le cas de
la communication orale spontanée en face-àface (3).
2.2 Linguistique de
bureau vs. linguistique de
terrain
La
linguistique
de
bureau
(approche
traditionnelle structuraliste) étudie la compétence
linguistique. Elle travaille souvent sur des
énoncés fictifs, empruntés au corpus littéraire ou
fabriqués ad hoc par le chercheur lui-même.
La
linguistique
de
terrain
(approche
sociolinguistique) travaille sur un corpus. Ce
dernier est défini comme un ensemble des faits
collectés, recueillis grâce à une enquête menée
selon de règles établies empiriquement et
conduite grâce aux techniques de l’observation
directe, du questionnaire et le l’entretien.
Objet d’étude de la
sociolinguistique
La sociolinguistique se
situe entre la linguistique et
la sociologie et se donne
pour objectif d’étudier le
rapport entre la langue et la
société. Elle s’intéresse à
tout ce qui, dans la langue,
est tributaire du social, tout
ce qui dans la langue se
règle socialement.
Quelques sphères d’intérêt de la
sociolinguistique :
- la présence des mots anglais
(étrangers) en français,
- la langue des jeunes,
- les façons dont les gens
s’interpellent,
se
quittent,
s’interrompent
(
dans
une
conversation)
- comment la parole circule-t-elle
- les manières d’articuler (les
accents),
- les différences entre la langue écrite
et parlée,
- les erreurs qu’on commet, etc.
Définition de la
sociolinguistique
La sociolinguistique étudie les
fonctions et les usages du langage
dans la société, la maitrise de la
langue, les contacts des langues,
les
jugements
que
les
communautés linguistiques portent
sur leur langue, la planification et
la standardisation linguistiques.
Elle se donne pour tâche de
décrire les différentes variétés qui
coexistent
au
sein
d’une
communauté linguistique en les
mettant en
rapport avec les
structures sociales.
Elle étudie le langage, considéré
comme une activité socialement
localisée, et dont l’étude se mène
sur le terrain.
Cela signifie que l’activité du
sociolinguiste est essentiellement
un travail d’enquête auprès des
usagers de la langue : il les
interroge, les écoute, les observe en
ayant l’usage langagier comme
perspective centrale. Ceci n’est
pourtant pas suffisant car pourrait
laisser croire qu’il n’est alors
question que de description. Pour
être complet, il faut ajouter à la
phase descriptive (indispensable) un
élément essentiel de la phase
interprétative
des
données/observables recueillis
La sociolinguistique étudie la
langue en contexte. On
entend par « contexte » la
situation de communication
immédiate. C’est seulement
en présence d’un auditeur et
en fonction de ses réactions
qu’un sujet parlant décide
d’utiliser telle ou telle forme
de langage pour lui faire
comprendre ses intentions.
Elle étudie aussi l es
connaissances partagées, les
croyances, les intentions, les
présupposés, les inférences, les
actions
non
verbales
significatives
qui,
accompagnent le discours, les
relations existant entre le
locuteur et l’auditeur, tout cela
influence le choix des moyens
linguistiques employés par le
locuteur.
La méthodologie de
la sociolinguistique
La sociolinguistique n’a
pas
développé
de
méthodologie originale.
Elle utilise les méthodes
de la sociologie :
l’observation directe, le
questionnaire
et
l’entretien.
Pour mener avec succès une
enquête
de
terrain
en
sociolinguistique,
l’enquêteur
doit :
- disposer d’une solide culture
linguistique,
- être entrainé aux méthodes
d’enquête,
- avoir une connaissance intime
du système du parler qu’il veut
étudier,
- être capable de s’en servir
normalement,
- opérer sur un territoire restreint de
la localité dont il connaît bien le
parler,
- être accepté par la communauté,
- choisir des témoins représentatifs,
nés dans la localité, parlant
normalement l’idiome, sans vices
d’articulation, avec une souplesse
d’esprit pour s’adapter aux
nécessités d’enquête, n’ayant pas
séjourné trop longtemps hors de
chez eux.
Les domaines de la
sociolinguistique
Dans ses écrits antérieurs à ceux
de Henri Boyer, Jean-Baptiste
Marcellesi rappelle les propos
de Michael Halliday établissant
15
secteurs
dans
la
sociolinguistique :
« Aussi comprend-on que Halliday ait
pu définir au XIe congrès des
linguistes (1972) 15 secteurs dans la
sociolinguistique :
1) macrosociologie du langage et
démographie linguistique;
2)
diglossie,
multilinguisme,
multidialectalisme ;
3) planification, développement et
standardisation linguistiques ;
4) phénomènes de pidginisation et de
créolisation ;
5) dialectologie sociale et description
des variétés non standard ;
6) sociolinguistique et éducation ;
7) ethnographie de la parole ;
8) registres et répertoires verbaux,
passage d'un code à l'autre ;
9) facteurs sociaux du changement
phonologique et grammatical ;
10)
langage,
socialisation
et
transmission culturelle ;
11) approches sociolinguistiques du
développement
linguistique
de
l'enfant;
12) théories fonctionnelles du
système linguistique ;
13) relativité linguistique;
14)
linguistique
ethnométhodologique;
15) théorie du texte. »