Sociolinguistique interactionnelle, savoirs sociaux, formation

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Transcript Sociolinguistique interactionnelle, savoirs sociaux, formation

Notions et approches de la
sociolinguistique interactionnelle :
quelles pistes de formation?
Cyril Trimaille,
Lidilem
Université Grenoble III
introduction
Présentation : recherches sociolinguistiques
ethnographiques sur les pratiques langagières
adolescentes
Objectifs de la séance
• Mettre en œuvre une démarche interprétative,
• réfléchir aux ressorts de la perception/
compréhension des énoncés et au sens que
les acteurs donnent aux situations et aux
échanges
• aborder quelques notions et concepts
Introduction 2
Sociolinguistique interactionnelle :
• Approche qualitative, plutôt compréhensive
qui a pour objet les relations entre :
– La diversité des langues dans les situations de
contacts ainsi que l’hétérogénéité/variation
langagière (contextes monolingue ou plurilingue)
et
– Les activités d’interprétation des sujets et leurs
stratégies discursives
Sociolinguistique interactionnelle de
John J. Gumperz (1989 en fr.)
Principes et méthodes :
• Travail sur corpus ouvert de « rencontres
clés », socialement significatives
• Analyse multi-niveaux
• Analyse des malentendus communicationnels notamment dans les interactions
interculturelles
Sociolinguistique interactionnelle
• Pour J. Gumperz l’interprétation des activités
langagières est rendue possible par un système de
croyances et de représentations fondé et sur des
attentes stéréotypées de co-occurence entre des
situations, des contenus et des formes ou style de
messages
Ex: si j’étais arrivé en disant ‘salut ça roule’…?
=> Incongruité, intervenant pas sérieux…
• D’où l’importance des indices de contextualisation,
qui indiquent quel type d’activité est en cours, et
comment comprendre ce qui est dit (ou pas!)
Indices de contextualisation 1
• “ Les caractéristiques superficielles de la
forme du message constituent l’outil par
lequel les locuteurs signalent et les
allocutaires interprètent la nature de
l’activité en cours, la manière dont le
contenu sémantique doit être compris et la
manière dont chaque énoncé se rapporte
à ce qui précède ou à ce qui suit ”
(Gumperz, 1989, Engager la conversation, Minuit,
p. 28).
Indices de contextualisation 2
Traits de surface qui permettent d’orienter le processus
d’interprétation
peuvent être de nature très diverse :
- termes d’adresse (tu /vous, M./Mme prénom…)
- les séquences d’ouverture (bonjour/salut/wesh),
- les choix lexicaux (standard vs ‘non standard’)
- tout ce qui est du domaine non verbal (prosodie, gestes,
mimiques, regards, postures)
 que nous traitons la plupart du temps sans même nous
en apercevoir !
 mais que parfois nous interprétons de façon inadéquate
Une interaction : quez aco?
À vos exemples et définitions…
Exemples d’interaction
• Se croiser dans la rue sans percuter les
passants que l’on croise
• Se tenir la main, s’embrasser
• Une interaction verbale : échanger des paroles
oralement, ou par écrit, de façon synchrone
(téléphone, tchat), asynchrone (lettres, mail,
forum)
• Être engagé dans une interaction pédagogique
ternaire (sollicitation/réponse/feedback)
• etc…
Définition de Goffman (1973 : 23)
• L’interaction en face à face = « l’influence
réciproque que les partenaires exercent
sur leurs actions respectives lorsqu’ils
sont en présence physique immédiate les
uns des autres »
• une interaction, = ensemble de
l’interaction qui se produit en une
occasion de co-présence continue les uns
des autres = rencontre.
Fonctions et effets 1
Les interactions
> ont pour origine l’existence de liens sociaux,
plus ou moins privilégiés, entre les individus, et
> ont pour fonction de confirmer l’existence de ce
lien (« bonjour » « ça va ») et donc de « faire
société », dans un sens plus ou moins large
> Pour les enseignants et élèves elles sont
l’instrument des apprentissages, de la vie en
groupe et de la régulation sociale
 Étudier les interactions = moyen de « lire » la
société, ses règles et hiérarchies, sa
reproduction...
Fonctions et effets 2
• Les interactions (verbales) contribuent à façonner
le monde social, les identités individuelles et
collectives, y compris les identités ethniques ou de
genre (on devient/apprend à être garçon/fille)
• elles sont, avec le langage, vecteurs de
socialisation.
+ généralement : elles sont le lieu où se transmettent,
s’inculquent se transforment (?) les idéologies, les
représentations et attitudes, les normes et les
valeurs
• Elles sont donc aussi vecteurs d’influence sociale
et de contrôle social
A vous de jouer…
Contexte de cette rencontre:
• Un centre Social > un projet « Image »
– élaboration d’un questionnaire écrit et
négocié en vue d’une enquête sur le
quartier
– réalisation par les pré-ados d’interviews
sorte de «vidéo-trottoir»
 Objectifs :
• Prendre conscience de l’image que l’on donne/
que l’on nous donne
• observer et élargir la gamme des situations de
communication des adolescents (avec adultes
Aimez-vous les fricasses? 1
14.C
15.X
16.I1
17.X
18.I1
19.K
20.I1
comment vous vous déplacez dans le quartier
ah c’est facile
euh à pieds en voiture
et en vélo
non avec deux enfants dur / après
aimez-vous : les fricasses (rires de X)
21.K
22.I1
23.K
24.I1
ça c’est une question / aimez-vous les fricasses 
no sé lo que es
HEIN 
j(e) te réponds aussi compréhensible que toi tu me
poses la question / j(e) comprends pas / tu
comprends pas ma réponse
(silence, sourire crispé et gêné, regard circulaire à la recherche
d’un contact oculaire) was ist das
Aimez-vous les fricasses? 2
25.
26.
K
I1
AIMEZ-vous les fricasses (plus lent et articulé)
ah : : les flicasses (moue dégoutée) ah les
policiers (rires de tous)
27.
N
non les FRIcasses c’est des + c’est quelque
chose qu’on trouve au kebab de la
nourriture
quoi
28.
?
c’est des sandwiches
29.
I1
j(e) connais pas
30.
N
ah domma:ge
31.
E
c’est comme un p(e)tit kebab en fait
32.
C/J
je pourrais filmer
33.
N
[nã] (non)
34.
M
elle connait pas donc
35.
I1
j(e) connais pas / après
que se passe-t-il?
• Malentendu en apparence linguistique, mais
aussi communicatif et « culturel »
• Assignation d’une incapacité et/ou d’une
absence de volonté d’adaptation
communicative
• Sentiment d’atteinte de la face de l’adulte
• Deux alternances codiques «opacifiantes»
• «Leçon» par atteinte à la face de Kader
 Désengagement de l’activité de Kader qui
endosse l’identité assignée
Le malentendu sur « fricasse »
• Quels éléments co-occurrents ont pu amener
l’interviewée à adopter cette stratégie
interactionnelle?
• 2 énoncés assez anodins de K
• Son apparence (phénotype, taille)?
• La méconnaissance d’un mot…?
• Image sociale de K et de certains jeunes?
•  K perçu comme crypteur, énoncé divergent :
effet de halo?/préjugés?
• Perception d’une atteinte à sa face
NB: pour une analyse détaillée de cette interaction, voire Trimaille 2003
La face, concept central de Goffman
« Valeur sociale positive qu’une personne
revendique effectivement à travers la ligne d’action
que les autres supposent qu’elle a adoptée au cours
d’un contact particulier » (Goffman, 1974, Minuit, p.
9)
« perdre la face ou faire bonne figure » :
• Image de soi confirmée, on garde la face 
indifférence
• Image de soi améliorée  satisfaction, bien être
• Image non assurée  malaise, blessure de l’amourpropre
Face: reformulation
• « l’identité que chaque personne doit
revendiquer dans une situation donnée, de
manière à se comporter conformément aux
attentes des gens, qui sont des attentes
normatives sociales, exprimant ce que c’est
que se comporter normalement dans telle ou
telle situation. […] La face se présente donc
comme la valorisation sociale de la personne
pour autant que celle-ci se conduit
normalement.»
(Bonicco, 2007:36) :
http://edph.univ-paris1.fr/phs1/bonicco.pdf
Autres notions en jeu
Attribution causale
Inférence par laquelle nous expliquons les
événements du monde social qui nous entoure (et
plus particulièrement les comportements, que ce
soit les siens ou ceux d’autrui
Erreur fondamentale d’attribution
Tendance à surestimer l’importance des facteurs
internes au détriment des facteurs externes
lorsqu’on explique le comportement d’autrui.
Théorie de l’accommodation
(Giles et collaborateurs)
• Convergence => Réduction des
différences entre interlocuteurs
•
• Divergence => Accroissement des
différences entre interlocuteurs (par
changement de langue par exemple)
• Status quo : pas de mouvement particulier
Merci!
biblio
Bonicco, C. 2007, Goffman et l’ordre de l’interaction, Un exemple de sociologie compréhensive,
Philosorbonne n°1/Année 2006-07, p 31-48, Disponible en ligne : http://edph.univparis1.fr/phs1/phs1.html (consulté le 2 mai 2011).
Gumperz, J. 1989, Engager la conversation. Introduction à la sociolinguistique interactionnelle, Paris,
Minuit.
Goffman, E. 1973, La mise en scène de la vie quotidienne (T.1 : La présentation de soi), Paris Minuit.
Goffman, E. 1974, Les rites d’interaction, Paris, Minuit.
Trimaille, C. 2003, “Variations et marques d’adaptation dans les pratiques langagières de préadolescents dans le cadre d’activités promues par un centre socioculturel et ailleurs”, Cahiers du
français contemporain, n°8, 131-161.