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LIN1720 cours 10
Ontogénèse du langage:
acquisition et développement
du langage chez l’enfant
Dr Hélène Knoerr
ILOB, Université d’Ottawa
Définitions
• Acquisition - processus ou mode naturel par lequel
un apprenant s’approprie des connaissances ou une
langue. Processus d'appropriation naturel sous forme
d'une construction langagière inconsciente et
implicite par le seul bain linguisitique en se focalisant
sur le sens
• Apprentissage - processus guidé en milieu
institutionnel (scolaire ou professionnel) sous une
forme artificielle, consciente et explicite qui
impliquerait une focalisation sur la forme.
Définitions
• Krashen (linguiste et méthodologue américain, The Natural
Approach, 1983): modèle du moniteur
• l'acquisition: processus de construction créative d'un
système/d'une langue selon une série d'étapes communes à
tous les apprenants de la même LE. C'est donc un processus
inconscient qui résulte de l'application de stratégies
universelles comme le démontre l'ordre naturel de
l'acquisition de certains aspects grammaticaux par les adultes et
les enfants.
• l'apprentissage: processus conscient d'intériorisation de
règles explicites. D'après Krashen, l'apprentissage s'explique
par l'intervention d'un moniteur qui apparait lorsque l'apprenant
centre son attention sur la forme et non par sur le contenu
(pas de contraintes temporelles pour la production). Dans
ces situations qui ne sont pas en temps réel, les apprenants
produisent des erreurs plus irrégulières et l'ordre universel
n'est pas si net. (Gema Sanz Espinar, 2006)
Universalité de l’acquisition du
langage
• Dès les 2-3 premiers mois de vie, voire dès la naissance, on
observe chez l’enfant une préférence pour la parole comparée à
des bruits et des traitements différents de la parole et de la
musique (latéralisation hémisphérique)
• Les bébés de trois mois sont attentifs à la parole naturelle et la
traitent plutôt dans l’hémisphère gauche (Dehaene-Lambertz et
al., 2002).
• La parole a un statut spécial pour l’enfant.
• Étymologie: latin « in-fans » (in privatif et fan = parler): enfant =
celui qui ne parle pas.
– infans/ puer, infant/ child
– deux termes, deux âges: celui du non parlant et celui du
parlant.
Universalité de l’acquisition du
langage
 Un enfant acquiert la maîtrise native de sa première
langue (ou de ses premières langues) en quelques
années.
 Cet apprentissage se fait sans intervention d'un
spécialiste de l'enseignement du langage: c'est
l'insertion de l'enfant dans la communication avec
son entourage qui active cette capacité à produire un
nombre infini d'énoncés à partir de moyens finis.
 Les conditions d'acquisition peuvent varier d'une
manière extrême, mais tous les locuteurs d'une
langue donnée arrivent à un stade de compétence
qui leur permet - en règle générale - de se
comprendre immédiatement.
Universalité de l’acquisition du
langage
• L'acquisition du langage obéit à une chronologie étonnamment
uniforme à travers les langues
– le babillage
– les phrases à un mot,
– les phrases à deux mots,
– l'explosion linguistique,
– l'apparition de certaines constructions spécifiques à certains
moments (la négation, la présence de marques
morphologiques, d'éléments fonctionnels etc. suivent un
"calendrier universel" largement invariable).
• Le cadre universel n'empêche cependant pas l'apparition de
variations multiples d'un individu à l'autre
Théories de l'acquisition du langage
• Avant 1975: optique culturelle
– Le langage comme phénomène social
– L’homme est un être de culture entièrement façonné par la
société, l’expérience, l’apprentissage
• Après 1975: optique cognitiviste
– Le langage comme phénomène mental
– L’esprit humain est un programme interne de traitement de
l’information guidé par une logique interne
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Créationnistes
– Empiristes
– Behavioristes
– Innéistes
– Constructivistes
– Interactionnistes
– Cognitivistes
– Connexionnistes
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Créationnistes
– Le langage est un don de Dieu
• Le roi Frédéric de Prusse
– Mark Baker (2001): les principes et paramètres chomskyens
n’ont pas d’origine biologique ou sociale mais une origine
divine
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Empiristes
– la pensée fonctionne par enregistrement des données de
l’expérience
– Le langage apparait grâce à une bonne perception auditive
et à l’imitation
– «bain de langage» : placer l’enfant en présence de parole,
bain dans lequel il apprend de façon naturelle en imitant.
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Behavioristes (Skinner, 1904-1990)
– Reuchlin (1986) définit le comportement verbal comme une
variété de comportements ayant un effet sur l’environnement
qui exerce à son tour un effet sur le sujet
– langage = mécanisme de « conditionnement opérant »,
apprentissage associatif entre la réponse au stimulus et la
présentation du renforçateur
– le langage n'est pas foncièrement différent des autres
facultés humaines
– accent sur les comportements d'imitation
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Innéistes (Chomsky)
– L’enfant dispose d’aptitudes innées pour le langage: le LAD
(dispositif d’acquisition du langage)
– Tout être humain possède une capacité innée à décrypter et
à comprendre un code langagier grâce à une fonction
intellectuelle spécifique.
– Il n'y a pas plusieurs systèmes distincts mais une seule et
unique "grammaire universelle" comportant des universaux
de la langue (phrases, syntagmes nominaux ou verbaux)
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Constructivistes (Piaget)
– Le langage « se développe à travers des systèmes
successifs dont chacun possède une cohérence suffisante
pour fonctionner à son propre niveau ».
– Pas de système distinct d’acquisition du langage : « la
caractéristique spécifique de l’homme n’est pas le langage,
mais la disposition de structures cognitives, dont dépend
l’émergence du langage ».
– Apprentissage par manipulation
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Constructivistes (Piaget): 4 stades de développement:
• stade sensorimoteur: de la naissance à environ 2 ans. Le
contact de l’enfant avec le monde qui l’entoure dépend de ses
mouvements et sensations.
• stade pré-opératoire: de 2 ans à 6 - 7 ans. L’enfant devient
capable de penser en termes symboliques, de se représenter
des choses à partir de mots ou de symboles (avènement du
langage).
• stade des opérations concrètes: de 6 - 7 ans à 11-12 ans.
L’enfant devient capable d’envisager des événements qui
surviennent en dehors de sa propre vie, de conceptualiser et
de créer des raisonnements logiques.
• stade des opérations formelles: de 11-12 ans à 15 ans.
Capacités de faire des raisonnements hypothético-déductifs,
d’établir des relations abstraites, de réfléchir sur des
probabilités et sur des questions morales.
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Interactionnistes (Vygotsky)
– Dimension sociale : “la vraie direction du développement ne
va pas de l'individuel au social, mais du social à l'individuel ”
– Le rôle des interactions est essentiel: L’enfant commence à
développer ses capacités en présence des autres, et l’adulte
joue un rôle de médiateur dans le rapport de l’enfant à son
environnement. C’est l’intervention de l’adulte qui lui permet
de construire et d’intérioriser le sens des situations vécues
et de réduire l’écart existant entre ce qu’il peut faire à l’aide
de son entourage et ce qu’il peut réaliser seul
– " zone proximale de développement " : ce qu'un enfant sait
faire aujourd'hui en collaboration avec un adulte, il saura le
faire tout seul demain.
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Interactionnistes (Bruner)
– Le langage est un des instruments de construction de
l’abstraction
– L'adulte accorde son discours avec celui de l'enfant dans le
cadre d'une interaction et sert de support à l'apprentissage
– Language Acquisition Support System (LASS)
– L’interaction entre le LAD et le LASS rend possible
l'acquisition du langage.
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Cognitivistes (Fodor)
– cognition = manipulation de représentations symboliques
– modèle caractéristique de l'intelligence artificielle
– la pensée humaine procède de la même façon qu'un
programme informatique: elle combine des opérations
logiques en série effectuées sur des symboles abstraits
(langage formel)
Théories de l'acquisition du langage
• Perspectives théoriques
– Connexionnistes
– L’individu construit le monde par l’intermédiaire de ses
expériences, à partir d’une mise en relation de réseaux de
neurones
– Système cognitif construit à partir de composants simples
susceptibles de se relier entre eux par des connexions
parallèles
Théories de l'acquisition du langage
Stades de développement
Stades de développement
•
•
PERCEPTION
– DISCRIMINATION : sons de la langue maternelle / sons d’autres langues
– CATEGORISATION : constituer des classes de phonèmes
– SEGMENTATION : du continuum sonore pour repérer les phonèmes
PRODUCTION:
– 0-2 mois : sons végétatif-réflexes, apprentissage de l’occlusion du larynx
– 2-3 mois : apparition des consonnes et début de l’alternance ouverturefermeture du canal phonatoire
– 4-5 mois: voyelles, contours intonatifs (maîtrise des cordes vocales)
– 5-6 mois : babillage non duplicatif: successions des consonnes et voyelles,
maîtrise de l’alternance ouverture-fermeture du canal phonatoire
– 7-8 mois: babillage duplicatif: combinaisons de consonnes-voyelles
– 9-12 mois: babillage varié
– Dès l’apparition du babillage on retrouve un certain nombre de
caractéristiques de la langue maternelle.
Stades de développement
4 stades de développement dans l'acquisition du
langage chez l’enfant
• stade prélinguistique : 2 étapes:
– babillage (de 4 - 6 mois à 12 mois): le bébé essaie de faire
des sons.
– premier mot (4 - 6 mois à 12 ou 18 mois): le bébé nuance
ses productions sonores, priorise les sons de la langue (ou
des langues) qui l'entoure. Il modifie ses productions selon
le contexte social. Il perd peu à peu la capacité de distinguer
les sons étrangers des sons de sa propre langue.
• stade holophrastique (18 mois à 24 mois), l'enfant s'exprime par
mots isolés. Il est probable que l'énonciation soit simplement
l'expression de l'émotivité créée par la vision de l'objet plutôt
que le résultat d'un énoncé mal complété.
Stades de développement
4 stades de développement dans l'acquisition du
langage chez l'enfant
• stade syntaxique (de 2 à 5 ans) acquisition de la syntaxe.
L'enfant acquiert la syntaxe par l'analyse de la régularité des
structures qu'il entend, et non par imitation, par règles explicites
ou par répétition.
– les erreurs produites sont très régulières
– surgénéralisation: "il a metté" au lieu de "il a mis", “il a
prendu” au lieu de “il a pris”, “il a ouvrí” au lieu de “il a
ouvert”
• stade avancé (5 ans et plus) acquisition des fonctions les plus
fines du langage: formes passives, inversions verbales, etc.
Adaptation de la formulation au contexte. La prononciation se
rafine, notamment quant aux liquides /R/ et /l/.
Avant la naissance
• Le système auditif du foetus est fonctionnel vers la 25ème
semaine et ressemble à celui d’un adulte vers la 35ème
semaine
• Le foetus entend les voix (uniquement les basses fréquences)
• Il peut traiter les sons de la parole et en extraire les
caractéristiques invariantes au travers du liquide amniotique
• Il réagit au changement d’ordre de deux syllabes
Avant la naissance
Lecanuet (1995)
Présentation d’une série de 16 dissyllabes à des fœtus de 36 à 40 semaines
/BA BI/
Habituation
Introduction d’une nouvelle cible /BI BA/
Résultat : décélération du rythme cardiaque du fœtus en état de sommeil
calme lorsqu’on introduit un nouveau son
De Casper et Spence (1986) : la poésie selon le fœtus
Des futures mamans enceintes de 33 semaines ont lu un poème à leurs bébés
durant 4 semaines. Au bout de 4 semaines on fait écouter en alternance
aux fœtus le poème connu et un poème qu’ils n’avaient jamais entendu
auparavant
Résultat : décélération du rythme cardiaque pour le poème familier/ aucune
variation pour le poème inconnu
À la naissance
Immaturité du conduit vocal
L’apprentissage de la parole est lié à un processus de maturation et d’organisation des organes
articulatoires.
À la naissance
• Parler =coordonner plus de 100 muscles pour les mouvements du
larynx, de la glotte, du voile du palais, de la mâchoire, des lèvres, de la
langue, avec un débit de 15 phonèmes par seconde
• Le conduit vocal du nouveau-né ne permet pas de produire des sons
articulés car il ressemble à celui des primates non-humains
– Pinker : « Le larynx monte comme un périscope et s’engage dans le
passage nasal, forçant l’enfant à respirer par le nez et rendant
possible pour lui de respirer et boire en même temps ».
• Le pharynx du nourrisson est proportionnellement plus court que celui
de l’adulte, sa cavité orale est plus grande; la masse de la langue est
située plus en avant, remplit la bouche, ce qui limite sa possibilité de
mouvement.
• Le nouveau-né peut produire des sons végétatifs: cris, pleurs
À la naissance
•
•
•
•
•
Le codage de la parole dans le format de la langue maternelle est une des
premières étapes de l’acquisition de la langue.
Ce codage, ou filtre, présent dès la naissance, permet au nouveau-né de
classifier grossièrement les langues suivant leurs caractéristiques mélodiques et
rythmiques.
– Des nouveau-nés français de 4 jours discriminent des phrases anglaises de
phrases japonaises.
Cette classification des langues est imparfaite
– elle ne leur permet pas de distinguer ces mêmes phrases anglaises de
phrases hollandaises, dont les caractéristiques prosodiques sont trop
proches pour être distinguées sur ce seul paramètre.
L’analyse prosodique de la parole permet aux nouveau-nés de se former
rapidement une première représentation de leur langue maternelle, qui les
amène à réagir différemment à des phrases selon qu’elles appartiennent à leur
langue maternelle ou pas.
– Ils s’orientent plus vite vers un haut-parleur diffusant des phrases de leur
langue maternelle que vers celui diffusant des phrases d’une langue
étrangère
Dès les premières semaines, les nourrissons reconnaissent que les phrases
qu’ils entendent appartiennent à un même ensemble, leur langue maternelle.
0 à 4 mois
• À quelques jours le nourrisson distingue les sons de la langue
parlée dans son environnement des autres langues.
• Tous les bébés (humains) de la terre ont les capacités de
prononcer tous les sons langagiers répertoriés.
• L'ordre d'acquisition de ces sons est semblable pour tous les
bébés. Tendance universelle: /a/ plutôt que /i//u/
• Identifie la voix de sa mère
0 à 4 mois: Production
Esling et al. (2004): le nouveau-né apprend à contrôler le larynx et
le pharynx.
• Apprentissage de l’occlusion dans le pharynx
• Mise en place d’un contrôle de plus en plus fin de la phonation
• Dans les six premier mois, l’enfant apprend à varier, au niveau
de la glotte, la hauteur tonale, la sonorité et le souffle
• Les vocalisations avant 6 mois : voyelles isolées + nasalisation,
coups de glotte
• Hypothèse: contrôle de la zone pharynx/larynx universelle à la
naissance, puis disparition lorsque la langue ne possède pas
ces lieux d’articulation
0 à 4 mois: Perception
Contrastes discriminés:
• Voisement (b-p)
• Lieu d’articulation (b-d)
• Mode d’articulation (b-m)
• Liquides (l-r)
• Glissantes (j-w)
• Fricatives: les résultats sont très controversés
• Voyelles (a-i-u sont discriminées dès la naissance)
Discrimination des contrastes non pertinents dans la langue.
• Capacité universelle permettant aux êtres humains, dès la
naissance, de discriminer tout type de contraste (???)
phonétique de toute langue naturelle.
• Best (1994): capacité générale: hiérarchie perceptive des
contrastes (certains contrastes sont plus saillants que d’autres)
0 à 4 mois: Perception
Heimas et al., 1971: voisement (contraste progressif du VOT)
6-9 mois: Perception
• Accroissement de la connaissance des règles phonotactiques
de leur langue (successions de phonèmes à l’intérieur des
mots)
– en français, aucun mot ne comporte la succession «mk» (mais
possible en hollandais)
• P. Jusczyck: des nourrissons de 7 mois repèrent la répétition de
formes sonores, correspondant à des mots, dans des énoncés,
– Les nourrissons exposés à une dizaine de répétitions d’un mot
préfèrent ensuite écouter des phrases où ce mot apparaît que des
phrases sans ce mot.
– Ils sont capables de mémoriser ces formes acoustiques. Après
avoir écouté une demi-heure d’histoire pendant 10 jours, des
nourrissons de 8 mois préfèrent écouter, 15 jours plus tard, des
listes de mots extraits de ces histoires plutôt que des listes de mots
qu’ils n’avaient jamais entendus.
• Les nourrissons sont capables de stocker des formes
acoustiques fréquentes indépendamment de leur sens.
6-9 mois: Perception
• Importance de la prosodie pour la détermination des unités fonctionnelles
de la langue
– repérage permettant le découpage des unités les plus larges
(phrases, propositions, syntagmes) vers les unités les plus petites
(mots).
– délimitation des unités lexicales
• Langues à accent fixe
• Langues à ton
• Sensibilité aux consonnes
• L’enfant sait quelles sont les chaînes de phonèmes les plus probables au
début des mots, par exemple en français /fr/ est un début de mot
possible mais pas /kn/.
6-9 mois: Perception
• Jusczyk (1993): à partir de 7-8 mois, les enfants se servent des schémas
accentuels des mots pour la segmentation
– si les nourissons sont exposés à «king», «kingdom» présenté ensuite
n’entraîne aucune préférence, démontrant qu’ils ont correctement
isolé le mot «king».
• 8 mois: le bébé est capable de diviser une phrase en ses sous-éléments
en utilisant des indices prosodiques.
– il préfère écouter des phrases avec un silence entre le sujet et le
verbe (frontière naturelle) qu’entre le verbe et le C.O (pas une
frontière naturelle).
– Il a appris le schéma accentuel des mots de sa langue (ex: en
anglais, syllabe forte suivie d’une syllabe faible)
6-10 mois: Production
• À partir de 6 mois, babillage canonique (reduplicated babbling); pas
de caractère référentiel, suites répétitives de syllabes : /ba, ba, ba/, /dae
dae dae/, /be be be/
• Progression linéaire jusqu’à l’âge de 10 mois, indépendamment du
milieu socio-économique, mono- ou bilinguisme
• le plus souvent labiales et dentales /p, b, t, d, m, n/ ; parfois vélaires /g,
k/ : plus de 80% des consonnes en début de babillage
• Les consonnes présentes dans le babillage sont celles qu’on retrouve
dans le plus de langues
• combinées avec /a/, /o/, /ae/ ; les autres voyelles sont relativement
rares dans les productions
• Ex : production du bébé de 8 mois (Grégoire) : /pa pa/, /ta ta ta/, /de de
de / /emamwa/, /aba abwou/, /go agou ga/, /go agé eka/
– Suites VCV fréquentes : /aba/, /aedae/, /éka/
– Syllabes fermées : rares : /dat/, /bam/
6-10 mois: Production
• 7-8 mois: les premières syllabes
• Tendances universelles: bilabiales, voyelles ouvertes ou
centrales (rareté des voyelles fermées)
• Indices visuels (bilabiales)
• Structure syllabique CVCV
• 9-10 mois : babillage panaché» (variegated) plus complexe, se
rapproche des syllabes de la langue native : alternance de
segments consonantiques plutôt que duplication
• Changements dans les voyelles : /i/ et /u/ (voyelles fermées)
sont les plus difficiles à prononcer à cause de la configuration
du tractus vocal
6-10 mois: Production
• Dès 8 mois: Caractéristiques rythmiques, contours d’intonation, type de
phonation, qui reflètent des caractéristiques de la langue
• Présence d’un accent dès l’âge de 8 mois
– identifier parmi différents échantillons ceux appartenant à des
enfants de leur propre communauté linguistique
– Paires d’échantillons de babillage d’enfants de 8 mois, français,
arabes cantonais : choix (quel est, parmi deux, le babillage du
bébé français?) correct à plus de 70%
10 mois et plus
• Début de la 2ème année: intonation et propriétés métriques
spécifiques plus nettes, début de la production de tons lexicaux
• Dès 10-12 mois les enfants commencent à utiliser l’intonation
dans un but de communication
• La proportion augmente considérablement entre 12 et 14 mois
lorsque l’enfant produit une variété de consonnes sur un patron
intonatoire de la phrase; la production des mots commence et
l’enfant essaye d’imiter un grand nombre de patrons intonatoires
différents : sorte de laboratoire où s’effectue une préparation à
la production des sons de la langue avec leur spécificité
articulatoire
10 mois et plus
• Changements des capacités de traitement: spécialisation des
caractéristiques de la langue environnante.
• Perte progressive des contrastes absents de la langue
environnante.
– Werker & Tees (1984): à 12 mois les enfants anglais ne
perçoivent plus les contrastes Hindi et Thompson (Colombie
Britannique) qu’ils percevaient à 6 mois
10 mois et plus
• Les bébés de 10 mois ont déjà sélectionné un répertoire de consonnes
qui reflète la composition du répertoire de la langue de l’environnement
• Dès l’âge de 10 mois, les bébés français produisent plus de labiales
que les bébés japonais ou suédois
– Enregistrement de bébés français, américains, japonais, suédois de
dix mois (0 mots) à 16-19 mois (25 mots)
– Analyse de la distribution des consonnes en fonction du lieu
d’articulation (labiales, dentales, vélaires) et selon le mode
(plosives, fricatives, nasales, liquides)
• Tendances générales universelles liées à la physiologie de l’appareil
articulatoire
– Pourcentage important des consonnes labiales et dentales
– Prépondérance des occlusives
– Rareté des fricatives et des liquides /l/ et /r/
Rôle de la motricité dans le babillage (MacNeilage & Davis,
1995, 2000)
• Théorie « Frame/Content » d’évolution de la parole : rôle central de
l’alternance consonne-voyelle, s’explique par le mouvement simple
d’ouverture et de fermeture de la mâchoire
– Les consonnes et les voyelles requièrent des mouvements
mandibulaires incompatibles: conduit ouvert pendant la phonation :
voyelles; conduit vocal relativement fermé : consonnes
– L’oscillation mandibulaire fournirait le «cadre» («frame»)
articulatoire, dont le contenu («content») serait donné par les
mouvements de la langue
– Frame: mouvement basique de la
production de la parole,
ouverture/fermeture de l’axe
mandibulaire.
– Content: contrôle plus fin des
mouvements de la langue et
de sa position
Rôle de la motricité dans le babillage (MacNeilage & Davis,
1995, 2000)
• Perspective darwinienne, neurobiologique
– L’oscillation mandibulaire pour la parole a un précurseur (il y a 200
millions d’années) sous la forme d’oscillations mandibulaire pour
des buts d’ingestion (mastiquer, sucer, lécher); ce comportement a
été utilisé pour la communication visuo-spatiale chez les primates
pré-humains et finalement associé à la phonation pour former les
protosyllabes chez les hominidés
Le langage chez l’enfant sourd
•
•
•
•
Un enfant sourd ne peut, parce qu’il n’a pas accès au monde sonore,
se construire ni construire sa vision du monde dans la modalité audioorale. Il est exceptionnel qu’un enfant sourd acquière une compétence
dans la forme orale d’une langue vocale.
Mais un enfant sourd acquiert une LS de manière tout à fait aisée et
naturelle et selon les mêmes étapes que celles de l’acquisition d’une
langue vocale par un enfant entendant ; seule l’acquisition d’une LS
permet à l’enfant sourd un développement cognitif comparable à celui
de l’enfant entendant.
Si la LS est la seule langue naturelle de l’enfant sourd, elle n’est sa
langue maternelle que dans un très petit nombre de cas: alors
qu’habituellement ce sont les parents qui transmettent leur langue à
leurs enfants (et, donc, leur culture et leur vision du monde), 95% des
enfants sourds ont des parents entendants, non locuteurs de la LS
Cette langue, qui est pourtant la sienne et la seule qui puisse lui
assurer un plein développement cognitif et une pleine interaction avec
le monde, sera donc le plus souvent absente des premières
interactions de l’enfant sourd avec ses parents.
Le langage chez l’enfant sourd
• Jusqu’à l’âge de 5-6 mois, les bébés sourds congénitaux
vocalisent comme les bébés entendants
• À 7 mois, les vocalisations des bébés sourds diminuent, et les
bébés ne produisent pas de babillage canonique
• Après un an, les bébés sourds commencent à produire un
babillage canonique, surtout constitué de bilabiales (visibles)
• (Oller et al.)
Bases cérébrales et contraintes
biologiques du langage
• Existe-t-il une période critique pour ces apprentissages ?
• La spécialisation hémisphérique gauche pour le traitement
linguistique est-elle présente dès la naissance ou se développet-elle au cours de l’acquisition de la langue maternelle?
Période critique
•
•
•
•
Le cerveau d'un nouveau-né se compose de beaucoup plus de
neurones et de synapses qu'il n'en aura jamais besoin.
– structure du cerveau l'adulte = résultat du renforcement des
synapses régulièrement utilisées et de l'élimination des neurones et
des synapses inutilisés
– processus semblable au câblage d'un ordinateur.
Eric Lenneberg (neuropsychologue, Fondations biologiques du
langage, 1967): la capacité d’acquérir le langage est innée et, comme
beaucoup de mécanismes innés, limitée dans le temps.
Période critique pour le langage entre 6 mois et 3 ans
Cette longue maturation post-natale, plus longue que chez n'importe
quelle espèce, permet aux structures cérébrales de se développer tout
en étant modulées par l'interaction avec le monde extérieur: le langage
ne va se développer normalement que si l'enfant est exposé pendant
cette période à une ambiance linguistique normale
Période critique – le cas des enfants sauvages
• Genie (1957) élevée jusqu’à l’âge de 13 ans par des parents
perturbés, dans des conditions de privation de langage quasitotale.
– Malgré des cours de langue ultérieurs soutenus, elle ne put
atteindre qu’un niveau de communication rudimentaire
– Langage d’un enfant de 2 ans (syntaxe…)
• Victor, l'enfant sauvage de l'Aveyron (1797), décrit par le
docteur Itard qui a tenté d'effectuer une rééducation comme
pour un enfant sourd, sans grands résultats ;
• Amala et Kamala, les fillettes-louves, décrites par le révérend
Singh et le Dr Sarbadhicari qui les ont prises en charge de
manière intuitive, sans pouvoir leur apprendre véritablement à
parler.
 période critique pour l’acquisition du langage
Période critique – le cas des enfants sauvages
• Une année après sa libération, langage d'un enfant normal
d'entre 18 et 20 mois.
– distingue noms au singulier / au pluriel
– distingue phrases positives / négatives.
– produit des phrases de deux ou trois mots
• enfant normal à ce stade de développement langagier →
explosion linguistique
• Mais pas pour Genie.
• Quatre ans plus tard elle n'avait toujours pas maîtrisé la
négation - elle en était encore à l'étape où l'enfant produit 'No +
Vb + Objet. Et si elle comprenait des questions 'WH-, elle n'était
pas capable de les produire correctement.
• Elle ne maîtrisait pas la capacité de réorganiser la phrase sousjacente (Chomsky)
Période critique – le cas du bilinguisme
• L’âge d’apprentissage apparaît comme un facteur essentiel
déterminant les performances dans la seconde langue.
• Plus l’apprentissage est précoce, meilleures sont les
performances [20, 21].
– des adultes bilingues catalans-espagnols, éduqués dans les
deux langues depuis au moins l’âge de six ans, ne
possèdent pas les mêmes catégories phonétiques suivant la
langue de leur entourage dans les premières années de vie.
– les sujets d’origine espagnole ne discriminent pas «é» de
«è», contrairement aux Catalans [23]
Période critique – le cas du bilinguisme
– Weber-Fox et Neville : tous les
aspects du langage ne sont pas
également sensibles à l’âge
d’apprentissage
– l’adulte n’a aucun mal à
apprendre de nouveaux mots,
alors qu’il fait de nombreuses
erreurs grammaticales en L2
même après des années de
pratique.
– Johnson et Newport ont testé
des immigrés chinois aux ÉtatsUnis → leur compétence en
anglais ne dépend pas de la
durée de leur séjour mais de
l’âge de leur arrivée
Période critique – le cas du bilinguisme
– études chez les bilingues → un certain nombre de
paramètres linguistiques, comme la phonétique, ne sont
vraiment acquis que si l’exposition à la langue est très
précoce.
– études chez l’adulte → différents modules linguistiques,
avec des contraintes cérébrales fortes et des périodes
critiques différentes → importance des étapes perceptives
de la première année de vie.
Spécialisation hémisphérique
Spécialisation hémisphérique
• Dès les 2-3 premiers mois de vie, voire dès la naissance
– préférence pour la parole par rapport aux bruits (Columbo &
Bundy, 1983)
– traitements différents (latéralisation hémisphérique) de la
parole et de la musique (Bertoncini et al., 1989 ; Best, 1988 ;
Entus, 1977).
• Les bébés de trois mois sont attentifs à la parole naturelle et la
traitent plutôt dans l’hémisphère gauche (Dehaene-Lambertz et
al., 2002).
Spécialisation hémisphérique
• Dehaene-Lambertz (1997):
– indices électrophysiologiques chez
les nourrissons (technique des
potentiels évoqués pour la parole
entendue)
– spécialisation hémisphérique
gauche pour le langage oral, dès la
naissance
– les nourrissons utilisent les mêmes
régions cérébrales que les adultes,
alors qu’ils sont loin de leur niveau
de compétences.
– implication plus importante de
l'hémisphère gauche qui suggère
fortement l'existence d'un biais
génétique dans l'organisation des
aires cérébrales du langage.
En résumé...
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Acquisition/ apprentissage
Les diverses théories de l’acquisition
Les stades de développement du langage: universaux
Universaux en perception:
– codage de la parole dans le format de la LM à la naissance
– contrôle de la zone pharynx/ larynx à la naissance
– discrimination des contrastes phonétiques à la naissance
• Importance de la prosodie (détermination des unités, dès 7 mois)
• Universaux en production:
– Voyelles et consonnes préférées
– Structures syllabiques préférées
– Accent, caractéristiques rythmiques et intonatives
• Spécialisation des caractéristiques de la langue environnante: perte des
capacités non activées dès 10-12 mois
• Période critique (Lenneberg)
Références (quelques)
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Références (quelques)
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