CHIMIOTHÉRAPIE ANTICANCÉREUSE NOTIONS DE BASE T. CONROY Octobre 2002

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Transcript CHIMIOTHÉRAPIE ANTICANCÉREUSE NOTIONS DE BASE T. CONROY Octobre 2002

CHIMIOTHÉRAPIE ANTICANCÉREUSE
NOTIONS DE BASE
T. CONROY
Octobre 2002
Plan
1 - Principes, mode d ’action
2 - Indications et contre-indications
3 - Modalités de prescription
4 - Toxicités
5 - Perspectives
1 - La chimiothérapie anti-cancéreuse :
principes et mode d ’action
- Traitement général visant à détruire les cellules
cancéreuses quelque soit leur localisation
- Utilisation croissante
- Pratique actuelle fondée sur les résultats des essais
thérapeutiques
- Oncologie médicale : spécialité à part entière
depuis 1988
- Exercice pluridisciplinaire
- Développements majeurs attendus
Historique
- 1943 : bombardement du port de Bari
explosion du SS John Harvey, contenant
100 tonnes de gaz moutarde
600 rescapés brûlés : leucopénie, conjonctivite,
ulcérations digestives
- 1947 : publication du Colonel Stewart Alexander
- Etudes de Karnofsky, Burchenal et Rhoads :
Développement et screening des moutardes à l ’azote
Source de médicaments anticancéreux
- Produits naturels : extraits d ’écorces d ’arbres,
de feuilles, de lianes, de fleurs,
de moisissures
exemples : dérivés de la podophylline
streptomyces : anthracyclines, bléomycine
- Anticancéreux de synthèse :
platines, nitrosourées, antimétabolites
- Hémisynthèse : alcaloïdes de la pervenche, taxanes
Les cibles de la chimiothérapie
- La synthèse des molécules de l ’ADN
- Les enzymes de la synthèse de l ’ADN
- L ’ADN lui-même
- Les micro-tubules
- L ’ARN
- La membrane plasmique
Notions de cures
- Le principe de la chimiothérapie est la destruction non
spécifique des cellules engagées dans le cycle cellulaire :
. les cellules normales vont se renouveler
rapidement
. les cellules cancéreuses, plus fragiles,
se régénèrent plus lentement ou meurent
- Les médicaments de chimiothérapie sont réintroduits
périodiquement
. au moment où les cellules normales se sont
reconstituées
. avant que les cellules cancéreuses ne se soient
multipliées
- La périodicité varie en fonction des médicaments et des
associations : 7, 14, 21, 28, 35, 42 jours
Phénomènes de résistance
Ils expliquent les limites de l ’efficacité de la chimiothérapie
on distingue :
- résistance primaire : présente avant toute chimiothérapie
Ex : cancers du rein ou de la thyroïde
- résistance secondaire : acquise pendant la
chimiothérapie
Ex : cancers mammaires et colorectaux
2 - Indications de la chimiothérapie
Chimiothérapie à visée curative
- Chimiothérapie exclusive ou prédominante
- La chimiothérapie est le temps majeur du traitement :
elle est indispensable pour obtenir la guérison
- le malade n ’a pas réellement le choix (mort ou guérison
possible)
- acceptation d ’une certaine toxicité : l ’enjeu
est la guérison, impossible à obtenir autrement
- ex : leucémies, lymphomes, tumeurs testiculaires,
choriocarcinomes placentaires, tumeurs
embryonnaires, tumeurs de l ’enfant
Chimiothérapie curative
Prendre tous
les risques
nécessaires
Survie avec
chimiothérapie
60 - 100 %
Survie sans
chimiothérapie
0%
Se donner les moyens
d ’assumer ces risques
Chimiothérapie à visée curative
- Chimiothérapie en situation métastatique
Les possibilités de guérison sont exceptionnelles.
Elle comporte un risque de prescription par excès, basée
sur des espoirs infondés.
Une localisation particulière où la guérison doit être
l ’objectif à atteindre : cancer du testicule
- Association radio-chimiothérapie
Principe : potentialisation de l ’efficacité de chaque
méthode par l ’autre
Augmentation de l ’efficacité sans toxicité rédhibitoire
Radiochimiothérapie : indications
• Radiochimiothérapie exclusive :
-
cancer de l ’oesophage
-
cancer ORL
-
cancer de la vessie
-
cancer de l ’anus
-
cancer bronchique non à petites cellules
-
cancer du col utérin
-
récidives locales de cancer du sein
Agents radiosensibilisants
- Cisplatine
- 5 Fluorouracile
- Etoposide
- Vinorelbine
- Gemcitabine
- Taxoïdes
- Hydroxyurée
Chimiothérapie première
ou néoadjuvante
- Administrée avant le traitement loco-régional de la
tumeur primitive pour une maladie localisée curable
- Buts :
Augmenter la survie
exemples : ostéosarcome, cancer du cavum
- Permettre une chirurgie moins mutilante avec
conservation d ’organe
exemples : cancers du sein, larynx, hypopharynx
- Efficacité évaluée par la régression tumorale
Chimiothérapie adjuvante (de précaution)
- Réalisée à la suite d ’une chirurgie ou d ’une
radiothérapie à visée curative (pas de résidus après
traitement loco-régional)
- Utile (données statistiques de groupe), mais impossible
d ’affirmer qu ’elle est indispensable pour un malade
donné
- Le malade est confronté à un vrai choix :
bénéfice possible si chimiothérapie
mais pas forcément
perte de chance en son absence
Chimiothérapie adjuvante (suite)
- La toxicité doit être la plus réduite possible
- certains patients pourtant guéris vont recevoir la
chimiothérapie
exemples : cancer du sein, colorectaux,
cancer de l ’ovaire sans résidus, etc ...
Chimiothérapie adjuvante
Amélioration
statistique du
pronostic
Survie avec
chimiothérapie
60 %
Survie sans
chimiothérapie
50 %
Ne pas prendre
de risque
Chimiothérapie palliative
- Envisagée en cas :
. d ’une récidive locorégionale
. ou de métastases
incurables
- Vise à :
. améliorer la qualité de vie +++
. faire régresser les symptômes
. obtenir la régression des lésions/métastases
. prolonger la survie
- Complétée si possible par d ’autres thérapeutiques
en cas d ’efficacité
Chimiothérapie palliative (2)
- Indication :
basée sur la recherche d ’un compromis entre :
. les effets positifs attendus bien qu ’une partie
des malades ne répondra pas au traitement
. les effets toxiques peuvent concerner tous les
patients
- Le malade a le choix : importance du dialogue avec le
médecin
Contre-indications
- Absence d ’indication :
. cancers curables par d ’autres méthodes
. cancers connus comme chimiorésistants :
cancers de la thyroïde, du rein, de la surrénale
. cancer d ’évolution lente
- Contre-indications liées au malade :
. dégradation de l ’état général (échelle OMS)
. tares majeures
. (grossesse)
- Contre-indications liées aux traitements antérieurs,
contre-indications relatives le plus souvent
Limitation des conditions de vie
• Evaluée par l ’échelle OMS :
0 - Capable d ’une activité identique à celle précédant
la maladie sans aucune restriction.
1 - Activité physique diminuée, mais ambulatoire
et capable de mener un travail.
2 - Ambulatoire et capable de prendre soin de soi ;
incapable de travailler. Alité moins de 50 %
de son temps.
3 - Capable seulement de quelques soins, alité
ou en chaise plus de 50 % du temps.
4 - Incapable de prendre soin de lui-même ; alité
ou en chaise en permanence.
3 - Prescription de la chimiothérapie
- Preuve histologique formelle
- Bilan d ’extension complet
- Information du patient +++
- Conservation de sperme/contraception
- Bilan biologique avant chaque cure
- Appréciation du capital veineux : site implantable
souvent nécessaire
- Remise en état dentaire
- Interrogatoire, examen clinique avant chaque cure
Prescription de la chimiothérapie (2)
- Patient informé des objectifs, résultats attendus,
modalités et complications
- Protocole thérapeutique clairement défini
- Recherche de contre-indications et d ’interactions
médicamenteuses
- Adaptation des doses si toxicité
- Bilan d ’efficacité thérapeutique par examen clinique et
imagerie (tous les 2 mois si tumeur et/ou métastases en
place)
Voies d ’administration
- Veineuse :
. bolus (IVD)
. perfusion continue
. par veine périphérique
. ou par voie veineuse centrale tunnellisée
+/- site implantable sous-cutané
- Orale
- Intraartérielle
- Intraportale
- Intrathécale
- Intracavitaire : plèvre, péritoine
Chimioprotecteurs
Médicaments susceptibles de réduire la toxicité de la
chimiothérapie sur les cellules normales
- Générateurs de fonctions thiol :
. mesna
. amifostine
. glutathion
- Capteurs de radicaux libres :
. dexrazoxane
Interactions médicamenteuses
donnant lieu à des contre-indications formelles :
. vaccins vivants : variole, polio buccal, rubéole,
rougeole, fièvre jaune, BCG
. cyclosporine
. avec le 5-FU : noramidopyrine
. avec le méthotrexate : aspirine, AINS, etc …
(déplacement protéique)
. avec le cisplatine : aminosides
La prescription de la chimiothérapie
- Prescription médicale
- Pas de restriction légale d ’exercice
- La plupart des anticancéreux sont réservés à l ’usage
hospitalier
- Prescription parfois restreinte à certaines qualifications
de prescripteurs ou à des prescripteurs exerçant dans
certains services spécialisés
La prescription de la chimiothérapie
- Différents prescripteurs :
. médecins qualifiés en oncologie médicale
. médecins spécialistes compétents en cancérologie
et qualifiés en radiothérapie ou en spécialité
- Pas de réglementation particulière pour les médecins
spécialistes non compétents en cancérologie
La prescription de la chimiothérapie
- Eléments obligatoires :
. identification, poids, taille, surface corporelle
. protocole, numéro de cure, nom des médicaments
. doses unitaires et calculées
. dates, modes et voies d ’administration
. surveillance
. justifications de modifications de doses ou délais
. hydratation si nécessaire
. antiémétiques ou autres médicaments associés
La prescription de la chimiothérapie
- Nouvelle cure :
. examen clinique
. vérification des tolérances clinique et biologique
. contrôle des constantes biologiques et autres
examens nécessaires selon le médicament utilisé
. disparition des signes de toxicité éventuelle
La prescription de la chimiothérapie
- Information des patients +++
- Explication claire et loyale adaptée à la demande
du patient : meilleure tolérance et observance
- Remettre au patient un exemplaire de l ’ordonnance
de chimiothérapie et d ’éventuelles fiches de
recommandations
- Numéro de téléphone à appeler en cas d ’urgence
La préparation de la chimiothérapie
- Vérification de l ’ordonnance par le pharmacien
- Unité centralisée de chimiothérapie :
assurance de qualité de préparation
et protection du personnel
- Informatique : outil précieux d ’aide et de sécurité
pour le suivi des préparations
L ’administration de la chimiothérapie
- Médecin : garant de la prescription
- Délégation des gestes techniques
au personnel infirmier
- Nécessité d ’une formation théorique et pratique
du personnel infirmier
L ’administration de la chimiothérapie
- Abord veineux de qualité
- Surveillance et enregistrement de tout évènement
- Validation de l ’administration de la chimiothérapie
par l ’infirmière
- Pas de réglementation concernant les excréta
Suivi de la chimiothérapie
- Objectifs :
Tolérance du traitement
Traitement des complications
Résultats thérapeutiques
Suivi de la chimiothérapie
- Information du médecin traitant sur la maladie, le
protocole thérapeutique, les éléments de surveillance,
les toxicités et la conduite à tenir
- Prescription d ’examens de surveillance
- Cotation des toxicités selon les grades OMS ou NCI :
réduction de doses ?
- Conditions de vie selon les échelles OMS ou Karnofsky
- Questionnaires de qualité de vie
- Evaluation de l ’efficacité thérapeutique :
critères RECIST
- Décision de poursuite ou d ’arrêt du traitement
Conditions nécessaires à la réalisation
d ’une chimiothérapie
- Centre spécialisé :
. personnel médical et paramédical entraîné
(maîtrise technique et psychologique)
. environnement technique de pointe
. pluridisciplinarité
- Intégration du médecin traitant et de l ’infirmière
à la prise en charge :
. compte-rendu écrit
. certaines chimiothérapies faisables à domicile
- Mesures d ’accompagnement :
. soutien psychologique du malade et de la famille
. prise en charge sociale
Discussion d ’un protocole
Devant un malade, quels sont les éléments qui font opter
pour un traitement plutôt que pour un autre ?
- Les données établies par rapport à son cas : essais
thérapeutiques, Standards Options et
Recommandations, conférences de consensus,
métaanalyses
- Discussion pluridisciplinaire : pas de décision solitaire
- Particularités du malade : âge, état général,
antécédents
- Avis du malade, primordial : souhaits particuliers et
choix individuel, notion d ’acceptabilité d ’un traitement
Déroulement d ’un traitement
Conditions
d ’accueil
Hôpital :
. jour
. semaine
. classique
Infirmières formées
Laboratoire Imagerie
Autres personnels
Conditions
de suivi
Secrétariat
Suivi des NFS
Téléphone-Fax
Généraliste informé
Accueil des aplasies
Transfusions
Service d ’urgence
Intégration
pluridisciplinaire
Equipe de dialogue
Anatomie pathologique
Chirurgie
Radiothérapie
Médecine
Soins de support
Domicile
Projet de soin
Programmation - Sécurité - Accréditation
4 - Toxicités
Pourquoi la chimiothérapie est-elle toxique ?
- Non spécificité d ’action : la chimiothérapie bloque la
multiplication des cellules engagées dans le cycle
cellulaire
. cellules tumorales
. cellules des tissus à renouvellement rapide
- Certains médicaments ont une toxicité spécifique
sur certains types cellulaires
. cellules tubulaires rénales et cisplatine
. cellules vésicales et ifosfamide
. cellules myocardiques et anthracyclines
. cellules pulmonaires et bléomycine
Toxicité hématologique : neutropénie
- Neutropénie sévère : neutrophiles < 500/mm3
- Débute en moyenne au 7ème jour
- Nadir vers le 10ème jour
- Récupération
- 4 facteurs :
. médicaments
. doses
. durée d ’exposition
. réserves hématologiques
Fièvre après chimiothérapie
- Alerte +++ si température > 38°5
ou 38° plus de 3 heures
- Faire une numération formule avec plaquettes
en urgence
- Si PNN > 500/mm3
si infection : antibiothérapie simple
- Si PNN < 500/mm3 = neutropénie fébrile
URGENCE VRAIE
HOSPITALISATION rapide
risque de choc septique
Facteurs de croissance hématopoïétiques
- Limitent la durée de la neutropénie
- N ’augmentent pas l ’efficacité thérapeutique
- Utiles en prophylaxie primaire ou secondaire
. si antécédent de neutropénie fébrile (NF)
. risque de NF > 40 %
. tumeur hautement chimiosensible
- Pas d ’efficacité « curative » si neutropénie fébrile
- exemples : Neupogen®, Granocyte®, Leucomax®
en SC à domicile (risque de douleurs osseuses,
surveillance de l ’hémogramme)
Thrombopénies
- Même mécanismes que pour les leucopénies
- Certains médicaments - Doses fortes
- Risques :
. purpura
. gingivorragies
. hémorragies extériorisées
. hémorragies cérébro-méningées
- Risques mineurs jusqu ’à 20 000/mm3 (sauf si fièvre)
- Risques majeurs en-dessous de 10 000/mm3
- Importance de la courbe d ’évolution +++ jusqu ’à la
date présumée du nadir (vers le 10ème jour)
Conduite à tenir
- S ’il n ’existe aucun signe et si numération plaquettaire
non inquiétants :
. repos
. surveillance
- Sinon : transfusion de plaquettes
. risque d ’auto-immunisation
. efficacité transitoire (48 heures maxi)
. répétition fréquente si aplasie profonde
. risque d ’immunisation par transfusion de GB
. éviter de transfuser inutilement
Anémie
Distinguer les anémies
- Anémie des sels de platine :
. atteinte médullaire directe, mais aussi
. insuffisance rénale modeste
. déficit de fabrication de l ’érythropoïétine
. discuter l ’indication de l ’EPO si Hb < 8-9 g
- Autres médicaments :
. atteinte médullaire directe
. prescription d ’EPO moins efficace
. transfusions de GR si besoin
Vomissements
- Le symptôme le plus redouté des malades
- Quasi-constants pour certains médicaments :
cisplatine, oxaliplatine, chlorméthine
- Obstacle potentiel à la poursuite du traitement
- Facteurs de risque bien connus (protocole, patient)
- Rechercher une protection antiémétique maximale
dès la première cure
- Vomissements aigus : sétrons + corticoïdes
- Vomissements retardés : métoclopramide + corticoïdes
- Vomissements anticipés : anxiolytiques
Alopécie
Quasi-constante
Fréquente
Occasionnelle
adriamycine
ifosfamide
5-FU
cyclophosphamide
épirubicine
cisplatine
étoposide
méchloréthamine
vinorelbine
cérubidine
vindésine
chlorambucil
paclitaxel
irinotecan
oxaliplatine
Alopécie
- Très redoutée par la majorité des malades
. femmes surtout
- Rassurer sur le caractère transitoire
- Proposer le port du casque réfrigérant
. sauf exceptions des métastases osseuses
du crâne et des lymphomes
. sauf médicaments à demi-vie longue
- Insister sur l ’esthétique, la discrétion des perruques
actuelles et la repousse ad integrum
5 - Perspectives
- Partage de décisions médecin/malade
- Besoin d ’oncologues :
. postes non pourvus
. vieillissement de la population
. spécificités des traitements
- Nombreux nouveaux agents anticancéreux
Perspectives (2)
- Nouvelles cibles :
. inhibiteurs de la transduction du signal
. inhibiteurs des métalloprotéinases matricielles
. inhibiteurs des protéines codées par les
oncogènes
. inhibiteurs du cycle cellulaire
. inducteurs de l ’apoptose
. inhibiteurs de l ’angiogenèse
Conclusion
- L ’indication, la prescription, la préparation, l ’exécution
et le suivi d ’une chimiothérapie nécessitent des
critères de qualité
- Compétence et expérience de tous les intervenants
- Approche multidisciplinaire de la maladie pour une
prise en charge optimale