Troubles de l’attention et héminégligence
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Transcript Troubles de l’attention et héminégligence
Troubles de l’attention et héminégligence
Geschwind (1982): l'hémisphère droit serait dominant
pour l'attention, c'est-à-dire pour un groupe de fonctions
en rapport avec la surveillance de l'environnement et la
prise de décision sur changements de l'attention tenant
compte de l'importance des stimuli pour la survie
attention, émotion, traitement des configurations spatiales
-toutes liées à cette fonction vitale de surveillance de
l'environnement, et toutes montrant une dominance de
l'hémisphère droit.
Cf. expériences Denenberg (1981) sur les rats avec lésions
droites montrant des troubles des apprentissages spatiaux.
Dominance avec des origines anciennes.
Dans la neuropsychologie de l'attention, un
phénomène dramatique et marquant est celui de
l'héminégligence.
Certaines lésions dans un hémisphère déterminent
la "perte" d'un hémichamp.
Cette observation est relativement paradoxale si on
tient compte du fait que chaque hémisphère semble
construire une représentation complète du monde.
Des lésions hémisphériques unilatérales peuvent
provoquer des phénomènes d'héminégligence.
— la destruction unilatérale du colliculus supérieur chez le
chien provoque une négligence visuelle controlatérale
(Sprague & Merkle, 1965);
— la destruction du colliculus inférieur chez le singe
provoque une négligence auditive contralatérale (DennyBrown, 1962).
Horenstein (1969) remarque "une prédilection constante
pour les événements qui ont lieu à la périphérie du champ
ipsilatéral à la lésion cérébrale".
Chez l'homme aussi, la négligence de la stimulation
controlatérale à l'hémisphère lésé est fréquente.
Son importance est très variable. Dans les cas extrêmes et
aigus, le patient peut négliger tout un côté du stimulus ou
de son corps, et dans les formes mineures il peut y avoir,
par exemple, "inattention" à l'un des côtés seulement
lorsque les deux côtés sont stimulés simultanément.
Les patients avec héminégligence peuvent ne pas
reconnaître les membres d'un côté de leur corps comme
étant les leurs.
Ils peuvent remarquer seulement les événements qui se
passent d'un côté et ne répondre qu'aux personnes qui
s'adressent à eux de ce même côté.
Quand ils dessinent une figure, ils peuvent omettre,
déformer ou placer incorrectement des parties d'un bras,
ou un œil ou une oreille.
Ils peuvent ne remarquer qu'un côté d'un livre ouvert ou
ne pas manger systématiquement ce qui se trouve d'un
côté de leur assiette.
Ils peuvent dévier la tête et les yeux constamment d'un
côté, et ne pas regarder de l'autre même sur demande ou
en poursuivant un objet.
Quand on leur demande de lever les bras, ils en lèvent un
seul.
Ils peuvent oublier de porter un gant, de placer un pied sur
le fauteuil roulant, ou de se raser la moitié du visage. Un
malade joueur d'échecs ignorait les pièces qui se
trouvaient d'un côté de l'échiquier et un chef d'orchestre
ignorait les musiciens qui se trouvaient d'un côté de
l'estrade (Friedland & Weinstein, 1977)
Ces phénomènes ne sont pas explicables seulement en
termes d'un déficit sensoriel ou moteur.
Des patients qui ont des déficits hémisensoriels ou une
hémiparésie sévères peuvent ne pas montrer
d'héminégligence (ex: hémianopsie sans négligence).
D'autre part, l'héminégligence peut se manifester en
l'absence d'une expérience sensorielle immédiat.
En effet, des patients étudiés par Bisiach, Capitani,
Luzzatti & Perani (1981), qui avaient bien connu la Place
de la Cathédrale de Milan avant leur maladie, ne
décrivaient correctement qu'un côté quand on leur
demandait d'imaginer la place vue de la cathédrale et que
l'autre côté quand on leur demandait d'imaginer la place
face à la cathédrale.
Les patients héminégligents sont souvent inconscients de
leurs déficits. Ils les nient, les minimisent ou confabulent à
leur propos.
Un patient interrogé sur son bras plégique dit qu'il souffre
juste d'un peu d'arthrite et qu'il ira bientôt mieux.
Un autre dit qu'il était dans une voiture ouverte en hiver et
que son côté droit gelait ; il a essayé d'appeler le chauffeur
pour qu'il s'arrête mais le chauffeur ne l'a pas entendu à
cause du bruit du moteur.
Le côté affecté du corps peut aussi être représenté
symboliquement dans des figures de style, comme la
métaphore ou l'argot ("un morceau de chair morte", "bête
Jimmy") ; un patient appelle le "Veterans Administration
Hospital" "Veterans Armless Hospital" et persiste dans
son erreur.
Une autre caractéristique importante de l'héminégligence
est qu'elle est souvent sélective.
Le patient peut oublier de mettre un gant à une main alors
qu'il vient de l'utiliser pour mettre l’autre gant à l'autre
main.
L'héminégligence n'est pas totale non plus. Les patients
peuvent marcher sans heurter les objets ou les gens.
En lisant un mot, ils omettent une partie de telle sorte que
le résultat reste significatif : par exemple, devant "clever"
ils peuvent lire "lever" ou "ever" mais jamais "ver".
L'héminégligence est plus fréquemment associée à des
lésions d'apparition rapide et elle est souvent transitoire;
ses manifestations les plus apparentes ne subsistent que
quelques semaines.
Deux types de théories sur les origines de
l’héminégligence:
Le premier groupe de théories envisage
l'héminégligence comme un résultat de l'altération
de systèmes attentionnels.
Le second suppose que la négligence est un déficit
impliquant une représentation mutilée de l'espace.
Pour Kinsbourne, les processus cérébraux sont organisés
dans des systèmes opposables, et une atteinte unilatérale
provoque un déséquilibre.
Ce déséquilibre n'a pas lieu lorsque les deux systèmes sont
atteints dans les mêmes composantes et à peu près au
même degré, ou lorsque -c'est le cas de
l'hémisphérectomie- des mécanismes compensatoires se
seraient développés dans le cortex restant.
Ces mécanismes compensatoires auraient moins de chance
de se manifester lorsque les régions cérébrales qui les
assuraient précédemment restent présentes.
Supposons qu'un animal a une lésion cérébrale unilatérale.
La balance d'activation hémisphérique est déséquilibrée et
favorise l'orientation vers le côté controlatéral à
l'hémisphère intact.
Confronté, par exemple, à une bande de stimulation,
l'animal va s'orienter vers un côté de cette bande et non
vers son centre. Et si, au lieu d'être confronté à une bande
de stimulation, l'animal est entouré de stimulation de tous
les côtés, l'orientation systématique et continue vers un
côté va produire un mouvement circulaire.
Ce comportement-ci, dit de "mouvement circulaire", a été
effectivement observé en cas de lésion unilatérale chez
beaucoup d'espèces, depuis l'escargot jusqu'à des
vertébrés supérieurs.
Chez l'individu qui a une lésion unilatérale produisant une
négligence, l'orientation qui est sous le contrôle de
l'hémisphère lésé se trouve diminuée, affaiblie, et la
résultante est une orientation déviée dans le sens
controlatéral au côté intact.
Exemple: la direction du regard résulte d'influences
opposées programmées par les hémisphères
On peut le voir par l'anesthésie temporaire d'un
hémisphère à travers l'injection intracarotidienne
d'amytal de sodium (Wada & Rasmussen, 1960).
L'inactivation aiguë d'un hémisphère provoque une
déviation soudaine et extrême du regard vers le côté de
l'anesthésie. Chacun des hémisphères exerçant
normalement une influence opposée, lorsque l'un est rendu
inactif, l'autre se manifeste complètement.
L'existence dans les hémisphères de centres qui contrôlent
des orientations opposées permet de comprendre pourquoi
une lésion ou une ablation bilatérale peut être moins
perturbatrice qu'une lésion ou une ablation unilatérale, en
particulier quand il s'agit d'habiletés impliquant les deux
côtés du corps.
Bard (1937) : un singe peut perdre l'habileté de sautiller
après une ablation unilatérale mais la récupérer après
l'ablation du territoire controlatéral ;
Denny-Brown & Butterell (1948) : on peut, après une
hémiplégie provoquée par une ablation dans le cortex
précentral, obtenir un meilleur usage des membres si on
refait l'ablation de l'autre côté.
Dans l'héminégligence, ce qui est supprimé n'est pas une
partie de l'espace dans l'absolu mais, par exemple, celui de
deux stimuli qui se trouve le plus du mauvais côté, même si
tous les deux sont présentés dans la partie de l'espace
ipsilatérale à la lésion.
Par exemple, lors de la reconnaissance d'une série de
quatre lettres présentées autour du point de fixation, les
patients qui avaient des lésions gauches reproduisaient
mieux les items les plus à gauche, comme les sujets
normaux, et les patients qui avaient des lésions droites
reproduisaient mieux les items les plus à droite.
Ce patron de résultats était aussi observé lorsque la série
de lettres était présentée entièrement dans l'hémichamp
ipsilatéral à la lésion. C'est donc la position relative dans
l'espace qui détermine ce qui est ignoré et ce qui ne l'est
pas, plutôt que la localisation absolue.
Chez des patients avec une extinction du côté gauche, en
cas de stimulation simultanée à droite, on a montré que
l'information présentée dans l'hémichamp gauche n'est
pas perdue mais peut être retrouvée dans certaines
conditions de réponse et de stimulation.
En effet, lorsque le sujet est forcé de deviner quel était le
stimulus présenté à gauche parmi plusieurs choix, il le fait
très au-dessus du niveau du hasard, bien qu'il puisse
déclarer ne pas l'avoir vu (Volpe et al., 1979).
Ce type de patients peut réussir une identification correcte
du dessin d'un objet présenté à travers le point de fixation
même lorsque ce dessin est tel que l'identification est
pratiquement impossible sur la base uniquement de
l'information de l'hémichamp droit (Deutsch et al., 1980).
Au niveau anatomique, l'héminégligence est généralement
associée à une atteinte assez étendue de la région pariétale
ou pariéto-occipitale.
Une autre caractéristique anatomique, qui est
vraisemblablement essentielle pour la compréhension de
beaucoup de manifestations d'héminégligence, est que
l'héminégligence est plus fréquente, plus sévère et plus
durable à la suite d'une atteinte de l'hémisphère droit que
d'une atteinte de l'hémisphère gauche.
Posner a cherché à relier le syndrome d’héminégligence
aux théories cognitives de l’attention.
Il a proposé que les difficultés des patients ne concernent
pas tant les déplacements attentionnels en direction du
côté lésé de l’espace que ceux qui s’éloignent du côté intact.
Les patients de Posner et al. pouvaient surmonter leur
difficulté lorsqu’on leur fournissait un indice (valide) qui
leur indiquait de déplacer leur attention vers le côté lésé.
Kartsounis & Warrington (1989) vont dans le même sens.
Ils ont décrit un patient dont l’héminégligence était
déterminée par la configuration de stimuli visuels: bien
que présentant une héminégligence sévère, par exemple en
description d’images, celle-ci disparaissait lorsqu’on lui
montrait une image impliquant une interaction entre
plusieurs éléments (par exemple, deux femmes en train de
discuter), même si les éléments étaient distants les uns des
autres.
Les auteurs ont proposé que certains stimuli, lorsqu’ils
étaient présentés du côté intact de l’espace, pouvaient
diriger l’attention du sujet et la guider vers le côté gauche,
normalement négligé.
L’héminégligence comme trouble de la
représentation spatiale
Les approches représentationnelles de l’héminégligence
postulent la reconstruction mentale d’une carte centrale de
l’espace, directement analogue à l’expérience sensible.
Le phénomène de l’héminégligence traduirait une
distorsion de cette carte centrale des informations
spatiales.
De Renzi, Faglioni & Scotti (1970) : l’héminégligence
consisterait en un trouble de la représentation des choses
d’un côté de l’espace.
Ils ont utilisé un labyrinthe tactile dans lequel une bille est
placée dans l’une de quatre positions, le sujet disposant en
tout de huit essais.
Le labyrinthe était placé derrière un rideau et le sujet
devait chercher la bille en bougeant un index le long des
allées du labyrinthe.
Les sujets atteints de lésion postérieure, cherchant
toujours avec la main ipsilatérale à la lésion, trouvaient la
bille aussi vite que les sujets contrôles si celle-ci se trouvait
du côté ipsilatéral; par contre, si elle se trouvait du côté
controlatéral à la lésion, ils étaient significativement plus
lents.
Dans cette tâche de labyrinthe tactile, le sujet doit compter
sur son souvenir de la conformation du labyrinthe et des
zones déjà explorées pour parvenir à une bonne stratégie
d’inspection, ce qui signifie que l’aptitude spatiale
demandée pour la tâche tactile est une représentation et
non une perception de l’espace.
Bisiach, Luzzatti & Perani (1979):
les patients, atteints de lésions droites et manifestant une
héminégligence clinique, devaient regarder des formes,
ressemblant à des nuages, qui passaient rapidement
derrière une fente étroite et décider si elles étaient
identiques ou différentes.
Les formes mettaient deux secondes pour passer derrière
la fente et il y avait entre elles un intervalle d’une seconde.
Les taux de réussite n’étaient pas très élevés, même pour
les sujets contrôles (environ 47.5% de détection des
différences).
Contrairement aux sujets contrôles, les cérébro-lésés
détectaient les différences significativement moins bien
lorsque celles-ci étaient du côté gauche (34%) que du côté
droit (44%).
Comme les stimuli passent continuellement derrière une
fente verticale, une explication en termes de troubles
attentionnels peut être exclue.
Bisiach et al. ont soutenu que pour voir un nuage bouger
dans ces circonstances, il faut réaliser une conversion
d’une dimension temporelle en une représentation spatiale.
Ils suggéraient que le côté gauche de cette représentation
peut jusqu’à un certain point s’estomper dans
l’héminégligence.
Par ailleurs, Bisiach et ses collaborateurs ont montré que
l’héminégligence n’est pas limitée aux représentations
perceptives (Bisiach & Luzzatti, 1978; Bisiach, Capitani,
Luzzatti & Perani; 1981).
Cf. l’observation de patients qui avaient bien connu la
place de la cathédrale de Milan avant leur maladie et qui
n’en décrivaient correctement qu’un côté quand on leur
demandait d’imaginer la place vue dos à la cathédrale, et
ne décrivaient que l’autre côté quand on leur demandait
d’imaginer la place vue face à la cathédrale!
L’héminégligence observée ici est donc une héminégligence
de l’espace imaginé, récupéré de la mémoire, et non
seulement de l’espace immédiat.
Cependant,
lorsqu’on demandait explicitement aux patients de décrire
le côté gauche de la place quand on la regardait d’un point
particulier et ensuite de décrire le côté droit (situation de
rappel indicé),
la négligence ne se produisait pas.
Ceci pourrait montrer que la négligence se produit à cause
d’un défaut dans le mécanisme qui explore la partie
gauche d’un “écran intérieur” pour retrouver
l’information et non à cause de l’altération de la
représentation en elle-même
(Baddeley & Lieberman, 1980; Sunderland, 1984).
Les théories attentionnelles et représentationnelles de
l’héminégligence ne sont pas nécessairement en conflit.
Plusieurs théories de l’imagerie visuelle font intervenir un
système de contrôle attentionnel visuo-spatial qui aurait
un effet non seulement sur l’imagerie mais aussi sur la
perception elle-même.
Par ailleurs, il n’est pas certain que ces théories
cherchent à expliquer les déficits du même groupe de
patients.
En réalité, l’héminégligence ne doit plus être considérée
comme un syndrome unitaire mais doit être fractionné,
comme cela a été fait pour les syndromes cliniques tels que
l’aphasie et la dyslexie.
Gainotti et al. (1986) : les troubles de la recherche visuelle
peuvent avoir au moins deux origines.
Les patients peuvent négliger une partie du stimulus
présenté en vision centrale, ou bien présenter un biais de la
recherche elle-même.
Examen des patients dans des tâches qui exigent
soit une recherche visuelle (détection d’un animal-cible
dans un ensemble désordonné d’animaux)
soit la sélection d’items d’un stimulus complexe présenté
en vision centrale (détection de diverses cibles dans un
ensemble de figures superposées).
Les patients avec lésion gauche, aussi bien que ceux avec
lésion droite, ont montré une négligence des stimuli
controlatéraux dans la tâche de recherche
(tous les sujets héminégligents “ratent” plus souvent la
cible que les normaux lorsque celle-ci doit être cherchée du
côté controlatéral à la lésion, alors qu’ils ne diffèrent pas
des normaux lorsque la cible est présentée au côté
ipsilatéral),
mais seuls les patients avec lésion droite ont omis les
stimuli controlatéraux dans la tâche de sélection.
Les processus attentionnels ne sont donc pas les mêmes
suivant que l’on doive détecter les stimuli en vision
centrale ou à travers tout le champ visuel.
Les déficits dans la tâche de recherche reflètent
probablement l’atteinte des mécanismes attentionnels
“exogènes” qui permettent de détecter les cibles dans les
régions périphériques et de réorienter l’attention.
Par contre, les déficits dans la tâche de sélection centrale
reflèteraient l’atteinte des mécanismes “endogènes” qui
sélectionnent les stimuli qui se trouvent d’un côté de
l’espace.
Enfin, l’héminégligence peut aussi être observée dans
d’autres modalités que la modalité visuelle.
Il reste à déterminer si le système attentionnel spatial est
spécifique pour chaque modalité du stimulus, ou si, au
contraire, il s'agit d'un système attentionnel multimodal
dont l'atteinte au travers du lobe pariétal, affecte
l'attention au travers des différentes modalités.
Quel est le niveau de traitement atteint par l'information
présentée dans l’hémichamp négligé même si celle-ci n'est
pas consciemment disponible?
Audet, Bub & Lecours (1991) montrèrent que le sujet
héminégligent répondait beaucoup plus rapidement à une
lettre-cible présentée en vision centrale si la même lettre
était présentée dans l'hémichamp négligé.
Ce fait suggère qu'une certaine information sur l'identité
physique du stimulus présenté du côté négligé est traitée et
peut même influencer implicitement la performance.
Volpe, Le Doux & Gazzaniga (1979) : sujets atteints d'une
tumeur pariétale droite et présentant une extinction du
côté gauche
Ils étaient capables de juger si deux stimuli visuels
présentés simultanément, l’un à gauche et l'autre à droite,
étaient identiques ou différents, alors qu'ils n'étaient pas
capables de rapporter l'identité du stimulus présenté dans
l'hémichamp gauche.
Le jugement même/différent serait basé sur une
connaissance implicite du stimulus présenté du côté
négligé.
Le niveau de traitement qui permet d'effectuer le
jugement même/différent n'est apparemment pas suffisant
pour permettre une description verbale consciente.
L'étude de Volpe et al. ne précise pas le niveau de
représentation atteint.
Berti, Allport, Driver, Dienes & Oxbury (1992) : un de leur
patients était capable de réaliser une tâche d’appariement
même/différent de noms d’objets dans laquelle les
photographies d’objets, aux essais “même”, pouvaient soit
être physiquement identiques, soit représenter le même
objet mais vu sous un autre angle, soit des objets
physiquement différents portant le même nom.
On peut dès lors supposer que les stimuli de l’hémiespace
“éteint” ont atteint un niveau de représentation catégoriel.
Autre explication : il est possible que les stimuli
contralésionnels aient été partiellement activés.
En d’autres termes, le stimulus ipsilatéral pourrait
“amorcer” le stimulus controlatéral, suffisamment pour
générer de bonnes performances d’appariement
même/différent même si l’amorçage n’est pas suffisant
pour permettre leur identification.
Le traitement du stimulus sur lequel la tâche doit être
effectuée sera dès lors plus rapide puisque le premier
stimulus aura déjà activé une part de sa représentation.
Dans le cas de l'expérience de Berti et al., quand deux
stimuli sont les mêmes, l'objet présenté du côté intact va
entraîner un bénéfice dû à l'amorçage sur le stimulus
présenté du côté éteint.
Par contre, quand les deux stimuli sont différents, ils n'ont
aucun lien permettant l'amorçage et les sujets
effectueraient dès lors une décision par défaut.
Une manière d’éviter l’amorçage entre stimuli ipsi- et
contro-latéraux est d’utiliser des présentations successives
des stimuli plutôt que simultanées.
Fuentes & Humphreys (1996) : tâche dans laquelle les
patients devaient apparier des stimuli successifs présentés
au point de fixation, sur base de l’identité de lettre.
Ces lettres-cibles pouvaient être accompagnées soit par
deux signes +, soit par un signe + et une lettre (le
distracteur), apparaissant à droite ou à gauche de la cible.
Le premier ensemble de chaque essai était l’amorce, le
second la sonde (probe).
Dans les conditions critiques, le distracteur de l’ensembleamorce devenait la cible de l’ensemble-sonde.
Ceci permettait de mesurer les effets d’un distracteuramorce présenté soit du côté ipsi- soit du côté controlésionnel, aux réponses à une cible subséquente.
Essais “même”:
(1) “même” neutre: + A + -> + A +
(2) distracteur différent, gauche: M A + -> T A +
(3) distracteur différent, droit: + A M -> + A T
Le contraste entre chaque condition de distracteur
et la condition neutre permet d'examiner l’interférence
éventuelle d’un distracteur gauche ou droit en réponse à
la cible centrale.
Essais “différent” :
(1) “différent” neutre: + A + -> + M +
(2) répétition ignorée, gauche: M A + -> T M +
(3) répétition ignorée, droite: + A M -> + M T
(4) distracteur différent, gauche: M A + -> L T +
(5) distracteur différent, droite:+ A M -> + T L
Le contraste entre les conditions “répétition
ignorée” et les conditions “distracteurs différents”
permet d’examiner s’il y a de l’amorçage négatif (cf.
Tipper, 1985).
Les sujets normaux montrent à la fois de l’interférence des
lettres distractrices présentées simultanément (aux essais
“même”) et des effets d’amorçage négatifs (aux essais
“différent”)
Chez le patient présentant une extinction gauche, un
priming négatif “normal” était observé dans la condition
“répétition ignorée” lorsque les distracteurs de droite
devenaient les cibles, mais on observait un amorçage
positif des distracteurs de gauche
En d’autres termes, par rapport à la situation où un
distracteur différent était dans son champ gauche, les
temps de réaction étaient plus courts lorsque les
distracteurs gauche de l’amorce devenaient les cibles
Il semble donc que ce patient traite inconsciemment les
distracteurs de gauche, mais ne peut pas leur appliquer un
processus d’inhibition, car l’inhibition dépendrait de
l’attention visuelle consciente.
Ces données suggèrent qu’il pourrait y avoir un traitement
relativement poussé des stimuli en cas d’extinction (ou
d’héminégligence) visuelle, dans ce cas-ci jusqu’au niveau
d’identité abstraite des lettres.
L’amorçage est fort utilisé dans les études sur le traitement
inconscient des stimuli, que ce soit chez les sujets toutvenant ou chez les cérébro-lésés.
Traitement abstrait, catégoriel, des stimuli négligés:
Berti & Rizzolati (1992) ont demandé à des patients de
catégoriser en “fruit” ou “animal” des stimuli présentés à
droite, qui avaient été précédés par une amorce présentée
dans l’hémichamp gauche (controlésionnel), qui soit était
identique soit appartenait à la même catégorie sémantique
(animal ou fruit; ex: poule-canard).
Dans les deux cas de congruence, temps de réaction plus
courts que dans la situation non-congruente.
McGlinchey et al.(1992) : tâche d'amorçage dans laquelle
les sujets devaient effectuer une décision lexicale sur une
suite de lettres présentées en vision centrale (ex: NEZ). La
cible était précédée d'une amorce présentée en vision
périphérique.
Cette amorce avait (ex: YEUX) ou non (ex: ANCRE) un
lien sémantique avec la cible.
Il y a eu un effet de facilitation quand l'amorce et la cible
étaient liées sémantiquement (les temps de réponse sur la
cible étaient significativement diminués), de taille
comparable pour les amorces gauche et droite.
Il y avait aussi une tâche contrôle consistant en une
discrimination des stimuli présentés.
Cette tâche nécessite une prise de conscience du stimulus et
permet dès lors de s'assurer que l'amorce n'a pas été
consciemment identifiée et que si un effet sémantique
apparaît, il n'est pas dû à un traitement explicite de
l'amorce.
Or, les amorces n’ont pas été rapportées dans la tâche de
discrimination.
Il semble donc que l'information présentée dans
l'hémichamp négligé puisse être traitée à un niveau
sémantique sans prise de conscience.
Troubles du langage
Classification de Wernicke-Lichteim (1885)
Parole Répétition Compréhension Dénomination
Aphasie
Globale
Broca
Transc.
motrice
Wernicke
Transc.
sensorielle
Conduction
Anomique
Non-flu
idem
—
—
—
+
—
—
idem
+
+
—
Flu
—
—
—
idem
idem
idem
+
—
+
—
+
+
—
—
—
Fluence de la parole spontanée
Aphasie non fluente Aphasie fluente
Débit
Effort
Articulation
Longueur
des phrases
Prosodie
Caractéristiques
du lexique
Paraphasies
réduit (-50 mots/m) normal (100-200)
important
normal
disarthrie
normal
courtes (1-2 mots)
dysprosodie
excès de substantifs
rares (phonologiques)
normal (5-8)
normal
réduction
fréquentes
(tous types)
Broca:
débit lent;
peu de parole, produite avec effort et de manière
dysprosodique et agrammatique (mots fonctionnels
et morphèmes liés - flexionnels et dérivationnels manquent dans des contextes obligatoires.
Paraphasies phonétiques, phonémiques et
"verbales" dans la parole spontanée et dans la
répétition.
Compréhension du langage adéquate à des fins
conversationnelles courantes,
bien qu'un testing plus fouillé révèle des déficits.
Wernicke
Parole spontanée sans effort mais contaminée, ainsi
que la répétition, par des paraphasies phonémiques et
sémantiques.
Variété de constructions grammaticales, bien que les
structures soient souvent combinées d'une manière
chaotique et qu’il y ait de mauvais choix dans l'usage
des mots fonctionnels et des morphèmes liés
(paragrammatismes).
Dans les cas extrêmes, la combinaison du
paragrammatisme et de la paraphasie résulte en un
jargon inintelligible.
Beaucoup de patients semblent inconscients de leurs
troubles (anosognosie) au moins à l'état aigu.
A l'état aigu aussi, beaucoup de patients montrent un
désordre de compréhension sévère.
Chez certains, la compréhension est récupérée plus
rapidement que le déficit de production, ce qui fait que
beaucoup d'auteurs ne considèrent pas le déficit sévère
de compréhension comme une caractéristique du
syndrome.
Aphasie transcorticale sensorielle:
lésion entre le traitement phonologique et le traitement
conceptuel —> mauvaise compréhension mais
(contrairement à Wernicke) capacité de répétition
Aphasie transcorticale motrice:
lésion entre le système conceptuel et l’aire de Broca —
> bonne compréhension mais (contrairement à Broca)
bonne répétition
Répétition
Une mauvaise répétition est généralement associée à une
lésion de la région périsylvienne gauche.
La répétition est affectée dans l’aphasie de conduction
mais préservée dans les aphasies transcorticales.
L'aphasie de conduction est classiquement associée à une
lésion des fibres arquées qui transmettent l'analyse de la
parole de l'aire de Wernicke à l'aire de Broca (où se
trouvent les représentations motrices).
Le déficit de la répétition dans l’aphasie de conduction
résulterait de l'absence de transmission de l'information
auditive ou phonologique décodée dans l'analyseur de la
parole situé dans la région postérieure vers la région
antérieure où se fait l'encodage (Albert, Goodglass, Helm,
Rubens & Alexander, 1981).
L'information transmise serait donc phonologique.
Effectivement, les paraphasies phonologiques sont
fréquentes (p. ex. "Nelson Rockefeller” > “Nelson
Nockenfellen, I mean Relso Rickenfollow. I mean, Felso
Knockerfelson », cf. Albert et al).
Mais il y a aussi des paraphasies sémantiques, par exemple
dans la répétition de mots isolés (“buffet” > “divan” ;
“chaussure” > “soulier” ; “neveu” > “père, ..., mère” ;
“collège” > “ah, oui, ... apprendre”).
La répétition est préservée dans le syndrome d'isolation,
où la région périsylvienne est déconnectée de toutes les
aires corticales qui servent des fonctions conceptuelles et
sémantiques (perte totale de la compréhension verbale et
de l'expression spontanée).
Whitaker (1976) : le patient avait une répétition excellente,
il répétait aussi bien les phrases bien formées que les
phrases sémantiquement anormales. Cependant, il
corrigeait la phrase lorsqu'elle contenait des erreurs
morphologiques mineures (“Can you told me your name
?” > “tell”), ou des changements de l'ordre des mots (“I
have hair grey” > “grey hair”).
Autre exemple: le cas de Davis, Foldi, Gardner & Zurif
(1978) (“The boy gave she a present” > “gave her”). Donc,
la mémoire acoustique n'est pas le seul élément impliqué
dans les capacités de rétention de tels patients.
Les batteries de tests d'aphasie ne peuvent pas fournir les
données nécessaires à une interprétation complète de la
performance linguistique de chaque patient.
Par exemple, la vaste majorité des patients aphasiques ont
un déficit de nomination.
Les tests, comme le Boston Naming Test, présentent une
série de dessins dont les noms varient en fréquence ; le
nombre d'erreurs et la latence de la réponse donnent une
mesure de la difficulté anomique par rapport à différents
groupes contrôles.
Cependant, un simple score ne nous dit pas tout ce que
nous devrions savoir sur l'anomie du patient. L'atteinte
peut être sémantique, lexicale, morphologique ou
phonologique.
On peut, par exemple, tester la compréhension violon >
c'est un instrument musical (circonlocution) ou soulier >
indique son pied (pantomime).
On peut faire des interrogations plus détaillées ; par
exemple, lesquels sont plus similaires ; un violon et un
violoncelle, ou un violon et une trompette ?
On peut faire des tâches de classification de dessins
d'objets.
On peut vérifier si le patient peut apparier un dessin avec
son nom prononcé oralement, parmi une liste qui contient
à la fois des distracteurs phonologiques et sémantiques. On
peut aussi tester des effets d'amorçage sémantique et
phonologique.
La déficience anomique ne peut être décrite seulement en
calculant un score de dénomination
Anomie spécifique de catégorie:
Yamadori & Albert (1973) : cas où la nomination d'objets
d'extérieur (église, voiture) était préservée comparée avec
celle d'objets d'intérieur (porte lampe). Dans cette
catégorie, il y avait plus de difficultés avec les items
communs à beaucoup de pièces (chaise, table) qu'avec des
objets spécifiques à une pièce (par exemple à la salle de
bains).
Dennis (1976) : cas de déficit sélectif pour la nomination de
parties du corps. Mais McKenna & Warrington (1978): cas
de préservation sélective
Un autre cas décrit par McKenna & Warrington
présentait une perturbation sélective de la nomination de
personnalités connues par rapport à la nomination
d'édifices célèbres qui ont des noms propres (Tour Eiffel,
Parthenon).
Ce déficit n'était pas secondaire à une prosopagnosie
(photo d'Edward Heath : "conservateur, était 1er Ministre,
vient de la Côte Sud, organiste").
Warrington & McCarthy (1983) et Warrington & Shallice
(1984) : des cas de patients meilleurs pour nommer des
objets inanimés que des êtres vivants ou des aliments.
Hart, Berndt & Caramazza (1985) : cas de déficit sélectif
pour nommer les fruits et les légumes: pouvait nommer
“abacus” et “sphinx”, mais pas “pêche” et “orange”.
Atteintes de la connaissance sémantique
JC, cas de démence dégénérative (Hodges et al., 1995), naming:
horse
dog
cow
pig
deer
rabbit
mouse
monkey
bear
lion
9/91
+
+
+
+
+
+
cat
pig
dog
dog
3/92
+
+
+
on farms
horse
cat
cat
cat
big animal
dog
9/92
+
+
+
horse
cow
cat
cat
boy
dog
dog
3/93
+
cat
animal
horse
vehicle
cat
animal
animal
dog
animal
Détérioration progressive du système sémantique:
tendance à perdre l’information spécifique, et à la fin aussi
la connaissance de base
WLP, Schwartz et al. (1979)
appariement de dessins avec des mots écrits :
Mois
3
15
24
27
Total d’erreurs (%) Choix du distracteur sémantique (%E)
39
44
55
65
85
90
74
61
Cas de préservation relative des concepts abstraits
AB, démence (Warrington, 1975)
Supplication Making a serious request for help
Geese
An anmal but I’ve forgotten precisely
SBY, amnésie et trouble sémantique dues à lésion temporale par
encéphalite (Warrington & Shallice, 1984)
Caution
To be careful how you do something
Ink
Food - you put on top of food you are eating - a liquid
DM, hipométabolisme infero-temporal antérieure, bilatéral, plus
prononcé à gauche (Breedin et al., 1994)
Opinion
Your concept or perspective
Cheese
Something sweet to eat
FB, amnésie et trouble sémantique dues à lésion temporale par
encéphalite (Sirigu et al., 1991)
Culture
A way to learn life’s customs, it varies from country to
country
Duck
A small animal with four legs
DRN, atrophie temporale plus importante à gauche (Cipolotti &
Warrington, 1995)
Free
Not restricted by anything
Leopard Some sort of animal… it is small like an insect… I think it
flies
Illustrations de l’approche cognitive de la
neuropsychologie du langage
(cf. diapo 73 de 1-1)
Production de mots parlés
La tâche de dénomination d'objet implique qu'on
reconnaisse l'objet, donc l’accès à des représentations
sémantiques, et ensuite au système qui emmagasine les
prononciations des mots: "lexique de sortie pour la
parole" (“speech output lexicon”).
A partir de ce lexique, il faut activer les représentations de
phonèmes qui interviennent dans la programmation de la
réponse.
Système
sémantique
Lexique phonologique
de sortie
« Buffer » des
unités phonologiques
Si ces trois composantes (représentations sémantiques,
lexique de sortie pour la parole, et représentations
phonémiques) existent effectivement,
on peut s’attendre à trouver différents types de déficit dus
à des atteintes sélectives de ces composantes.
C'est ce qui semble ressortir de l'examen des différents
types d'anomie.
Anomies dues au niveau sémantique:
Anomies limitées à certaines catégories sémantiques:
Warrington & Shallice (1984): J.B.R. dénommait
beaucoup mieux des dessins d'objets inanimés
qu'animés, et le trouble s'étendait à la
compréhension des noms parlés correspondants.
Il y aurait donc une dégradation des représentations
sémantiques de certaines catégories d'objets ou
concepts.
M.D. (Hart et al, 1985): présentait aussi des troubles
limités à certaines catégories mais pouvait
comprendre les noms des choses qu'il était incapable
de dénommer. Les représentations sémantiques ne
seraient pas affectées, mais bien l'accès à ces
représentations.
Chez d'autres patients, les difficultés de dénomination
atteignent l'ensemble des catégories.
Howard & Orchard-Lisle (1984): J.C.U. faisait
beaucoup d'erreurs sémantiques dans la
dénomination sous incitation (si on lui présentait le
dessin d'un tigre et qu'on lui disait "l" comme
phonème initial, elle répondait “lion”). L'information
sémantique dont elle disposait était insuffisante pour
spécifier le nom exact de la cible, de telle sorte que les
noms des associés sémantiques dans le lexique de
sortie étaient aussi activés.
Anomies sans trouble sémantique:
Kay & Ellis (1987): La parole de E.S.T. était très
limitée pour les noms d'objets et d'actions. Utilisait
des circonlocutions. Grandes difficultés de
dénomination mais une bonne compréhension des
mots parlés. Parfait dans les tâches de classement
sémantique. La source de son anomie n'est donc pas
dans le système sémantique. Dans les tâches de
dénomination, faisait surtout des approximations
phonologiques, et sa performance peut être prédite
par la fréquence d'usage des mots. Donc, déficit dans
l'activation des unités dans le lexique de sortie pour
la parole.
Le fait qu'il puisse à certaines séances retrouver des mots
qu'il ne retrouve pas à d'autre séances suggère que ce
ne sont pas les unités elles-mêmes qui sont atteintes.
La quantité d'information provenant du système
sémantique serait suffisante pour activer les unités
des mots dont le seuil d'activation est habituellement
bas (mots à haute fréquence) mais pas les autres. Une
activation à la limite de l'identification peut conduire
à l'activation de certains phonèmes mais pas de tous,
provoquant ainsi l'occurrence d'approximations
phonologiques.
La jargonaphasie neologistique
Dans ce type d'aphasie de Wernicke, approximations
phonologiques très fréquentes et net effet de
fréquence dans la parole spontanée.
Ellis et al. (1983): chez R.D., bonne compréhension
des mots écrits et des dessins, ce qui permet d'écarter
l’idée d'un trouble sémantique.
Chez certains, la proportion de néologismes est telle
que la parole devient inintelligible.
Le fait que les approximations phonologiques
s'étendent à la parole spontanée peut être lié à leurs
difficultés de compréhension de la parole. Ils seraient
incapables de surveiller la précision phonologique de
leurs productions verbales.
L'anosognosie souvent constatée pourrait y jouer
également un rôle.
Le jargonaphasique respecte généralement les règles de
dérivation morphologique.
Le morphème de base peut être déviant mais
l'affixation est correcte. De même, la prononciation
des mots affixés est adaptée de manière à
correspondre à la nouvelle racine.
L'examen des formes affixées produites par le
jargonaphasique permet donc de penser que ce qui
est récupéré du lexique de sortie ce sont les racines, et
qu'ensuite les affixes sont ajoutés et adaptés.
La recherche dans le lexique de sortie est perturbée,
mais les processus de l'affixation restent intacts.
—> A un certain niveau du processus de
planification de la parole, les racines et les affixes
sont représentés séparément.
Les différents types d'erreurs de dénomination des
aphasiques peuvent se retrouver chez les normaux,
d'une manière occasionnelle et sous l'influence de
fatigue, stress et autres facteurs (cf. observations de
Freud, dans "Sur l'Aphasie", 1891).
Il peut y avoir des perturbations fonctionnelles de
l'activation de l'information dans ou entre les
différents systèmes, sans atteinte organique.
L'articulation elle-même peut être perturbée, dans
certaines formes d'aphasie,
comme par exemple dans le syndrome de
désintégration phonétique
(Alajouanine, Ombredane & Durand,1939).
La reconnaissance des mots parlés
Implique un traitement initial par un système
d'analyse auditive (ou phonétique) et l'appariement
avec l'unité correspondante dans un lexique auditif
(ou phonologique) d'entrée.
L'activation de cette unité entraîne l'activation de la
représentation de la signification du mot dans le
système sémantique.
Entre le lexique d'entrée et le système sémantique les
influences ont lieu dans les deux sens. Ceci permet au
contexte sémantique d'affecter l'identification des
mots.
Analyse
auditive/phonologique
Lexique phonologique
d’entrée
Lexique orthographique d’entrée
Système
sémantique
Lexique phonologique
de sortie
« Buffer » des
unités phonologiques
Lexique
orthographique
de sortie
La répétition d'un mot peut avoir lieu de trois manières:
soit en passant par le lexique d'entrée, par le système
sémantique, et de là retrouvant le système de
production (lexique de sortie et représentations
phonémiques);
soit en court-circuitant le système sémantique, c'està-dire en passant directement du lexique d'entrée au
lexique de sortie;
soit encore en court-circuitant les deux lexiques (ce
qui doit être le cas pour les non-mots et les mots
inconnus) et en passant directement du système
d'analyse auditive au niveau phonémique.
McCarthy & Warrington (1984) : O.R.F. illustre la
séparation de ces voies.
Répétait beaucoup mieux les mots que les non-mots ;
la connexion directe entre le système d'analyse
auditive et le niveau phonémique devait donc être
atteinte.
Les deux autres routes n'étaient pas tout à fait
intactes non plus, puisque la répétition des mots était
loin d'être parfaite.
Le fait que la répétition était facilitée par le contexte
sémantique suggère que la route sémantique était
utilisée.
Surdité verbale pure
Hemphill & Stengel (1940): patient qui ne pouvait
plus comprendre ni répéter la parole d'autrui, alors
que l'audiométrie était bonne.
Parlait, lisait et écrivait correctement, mais se
plaignait que ce que les autres disaient n'avait plus
de sens.
Klein & Harper (1956) ont décrit un patient du
même type. Disait qu'il pouvait entendre tout, même
la chute d'une feuille, mais que les sons de la parole
se mélangeaient les uns avec les autres et semblaient
venir de loin. Pouvait discriminer des accents et
répéter correctement des voyelles isolées mais pas les
autres sons de la parole.
Ces patients parfois comprennent les questions si on les
leur répète très lentement plusieurs fois, et ont une
plus grande facilité à répéter des voyelles isolées.
La capacité à faire des discriminations temporelles
fines serait-elle en cause? Ces discriminations sont
nécessaires lorsque la parole est présentée à un taux
normal ou pour les sons caractérisés par des
variations rapides telles que les consonnes.
Certaines études ont révélé des déficits pour des sons
non-verbaux lorsque les tâches impliquaient
également des discriminations temporelles très fines.
Ainsi, le seuil de fusion de deux clics était
anormalement élevé chez les patients étudiés par
Albert & Bear (1974) et par Auerbach et al (1982).
L'information extraite à partir des mouvements de la
bouche et des lèvres permet d'améliorer la
compréhension chez ces patients.
L'atteinte ne semble donc pas se situer au niveau du
processus de perception qui intègre normalement ces
informations. De même, la présentation de mots en
contexte facilite largement leur identification.
En résumé:
Il semble que ces patients essaient d'extraire de
l'information à partir d'un signal auditif dégradé.
Le site de leur déficit est très clairement le système
d'analyse auditive.
Surdité de signification:
Bramwell (1897): patiente présentant grande
difficulté à comprendre ce qu'on lui disait ; il ne
s'agissait pas d'une surdité verbale puisqu'elle était
capable de répéter correctement.
Aucun problème au niveau de la parole spontanée,
lisait et écrivait bien. C'est en écrivant ce qu'on lui
disait qu'elle pouvait arriver à comprendre les
messages verbaux d'autrui.
Dans la surdité de signification,
la répétition est correcte —> le système d'analyse
auditive est intact;
la compréhension des mots présentés par écrit est
bonne —> les représentations sémantiques sont
intactes,
la parole spontanée est préservée —> le lexique de
sortie n'est pas atteint.
Est-ce que le déficit se situe au niveau du lexique
d'entrée? Non, puisque l'écriture sous dictée, qui
implique des représentations auditives ou
phonologiques des mots, est également bonne.
La surdité de signification résulterait d'une
disconnexion partielle ou complète entre le lexique
d'entrée et le système sémantique.
Agnosie phonologique auditive:
Beauvois et al. (1980) : patiente avait des difficultés à
comprendre le langage parlé lorsqu'il s'agissait de
nouveaux termes scientifiques ou techniques, ou les
noms nouveaux de personnes et de villes.
Elle n'avait aucun problème pour les noms familiers.
La répétition et l'écriture de non-mots étaient aussi
pauvres.
Son déficit doit donc être localisé au niveau de la
route directe entre l'analyse auditive et le niveau
phonémique de sortie.
L’écriture
La conception traditionnelle de l'écriture, dite de
"médiation phonologique", prétend que le mot est
mentalement coupé en sons individuels, représentés
par des lettres, lesquelles sont ensuite intégrées dans
le patron écrit du mot.
Les données de la neuropsychologie, entre autres,
montrent qu'on peut écrire des mots sans passer par
leur forme parlée.
Analyse
visuelle/orthographique
Système
sémantique
Lexique
phonologique
de sortie
« Buffer » des
unités phonologiques
Lexique
orthographique
de sortie
Conversion
phonographique
Conversion
graphophonologi
que
(contrôlée)
« Buffer » des
unités graphémiques
Levine et al. (1982) : E.B. est devenu complètement muet
après un accident cérébral mais a conservé de bonnes
capacités de lecture et de compréhension de la parole.
Incapable de faire des jugements de rime ou
d'apparier des mots parlés et écrits.
Pourtant, il était très bon en écriture.
Bub et Kertesz (1982) : M.H., elle aussi, écrivait
correctement les noms des objets sans pouvoir les
nommer. Pouvait répéter des non-mots mais ne
pouvait pas les écrire.
L'écriture de non-mots implique une décomposition
en sons constituants. Donc, il faut rendre compte
autrement de sa capacité à écrire des mots.
Enfin, Shallice (1981) : un cas de dysgraphie phonologique
P.R. avait une compréhension et une production de la
parole normales, et une lecture rapide et de très bon
niveau;
il écrivait laborieusement, étant surtout affecté pour
les mots plus rares, pour lesquels il atteignait tout de
même environ 80 % d'orthographes correctes.
C 'est pour les non-mots qu'il était manifestement
déficient, et il ne savait pas non plus écrire des lettres
quand on lui en donnait les sons correspondants.
Etant donné qu'il pouvait répéter des non-mots, il
s’agit d'un trouble spécifique de l'écriture des nonmots.
Faut-il distinguer deux lexiques de sortie, un phonologique
et un graphémique?
Il y a des patients qui sont clairement anomiques au
niveau de la parole et qui ont beaucoup moins de
problèmes de recherche du mot dans l'écriture.
Cela n'est pas compatible avec l'idée d'un seul
lexique de sortie.
Il est probable que chaque unité dans le lexique de
sortie graphémique reçoive de l'activation provenant
des unités correspondantes dans le lexique de sortie
pour la parole. Ceci est suggéré par l'occurrence
d'erreurs qui sont des homophones.
D'autre part, il y a des patients qui peuvent écrire des mots
dont ils ne connaissent pas le son. Donc, l'activation
des unités du lexique graphémique peut avoir lieu
aussi directement à partir du système sémantique.
Enfin, on peut assembler l'écriture de mots non
familiers ou de non-mots en utilisant des procédures
de transcodage des formes phonémiques en formes
graphémiques. L'utilisation des règles de conversion
phonème-graphème est aussi utilisable pour des mots
connus mais mène à des erreurs lorsque
l'orthographe est irrégulière.
Interprétation des troubles:
E.B. a probablement perdu l'utilisation de son
lexique de sortie pour la parole et des représentations
phonémiques de sortie mais a maintenu toutes les
autres composantes.
M.H. a probablement un trouble dans l'activation du
lexique de sortie pour la parole à partir du système
sémantique, mais l'activation des unités du lexique
graphémique à partir du système sémantique est
relativement intacte. Il faut supposer en outre que la
conversion phonème-graphème est atteinte.
P.R. a une atteinte pure du système de conversion
phonème-graphème.
Dysgraphiques profonds : beaucoup d'erreurs
sémantiques —> à la fois trouble entre le système
sémantique et le lexique de sortie graphémique, et
trouble dans la conversion phonème-graphème.
Dysgraphiques de surface (cf. cas R.G., décrit par
Beauvois & Dérouesné, 1981) : la conversion
graphème-phonème reste intacte, ce qui permet
d'écrire des non-mots ainsi que des mots particuliers,
mais la récupération de l'orthographe à partir du
lexique graphémique de sortie est largement atteinte,
ce qui entraîne des performances très pauvres pour
les mots irréguliers.
Principaux troubles de la lecture:
— Dyslexie de surface
— Dyslexie phonologique
— Dyslexie profonde
The neural basis of written word
identification
(cf. Cours d’Introduction à la Psycholinguistique)
Some brain areas respond more to letters than to
digits or faces (Allison et al., 1994; Polk et al.,
2002).
Discrimination between letters and pseudo-letters
is associated to the activity of Brodmann area 37 in
the left hemisphere (Garrett et al., 2000).
This area of the extrastriate cortex is lateral to an
area called “visual word form area” (Warrington &
Shallice, 1980), which is activated by orthographic
sequences.
Dehaene and Cohen proposed that visual lexical
forms and more generally orthographic forms are
represented in a region of the left fusiform gyrus
defined by the Talairach coordinates x=-43, y=-54
and z=-12.
The activation of the visual word form area takes
place from 150 to 200 milliseconds after the onset of
the letter sequence exposure (e.g., Tarkianene et al.,
1999).
1. The visual word form area is activated by both
words and pseudo-words, but not by strings of
consonants like “xjpqt” (Dehaene et al., 2002;
Petersen et al., 1990).
Thus, it is concerned by the processing of letters as
such, but only by legal, phonotactically acceptable
structures of letters.
2. The VWFA area is not activated by the auditory
presentation of words and pseudo-words (Dehaene
et al., 2002),
Thus, it seems that it is not part of a purely
phonological system.
3. Physical modifications such as case (AGE – age aGe) or font (age) do not affect the amplitude of its
activation (Polk & Farah, 2002; Dehaene et al.,
2001).
This suggests that the knowledge represented in
this area is not the knowledge of a physical form
but of an abstract linguistic structure.
4. Its activation occurs even when, using masking
techniques, the subject is unable to recognize the
word presented (Dehaene et al., 2001).
This suggests that the processing carried out in this
area is not, or not necessarily, conscious.
Our word identification system has to compute an
invariant representation from the visual input.
It has to discard irrelevant variations such as
differences in case or font or size (eight – EIGHT),
and maintain very small details (eight – sight) that
support different pronunciations and meanings.
This functional specialization of the reading system
results implies that some visual neurons respond to
“A” and “a” in the same way, but differently to “a”
and “e”.
These neurons tend to be grouped together in some
fixed regions of the visual cortex.
This is reproducible localization.
Thus, “whenever subjects read a word, a
reproducible portion of the left occipito-temporal
sulcus is activated and hosts functionally
specialized circuits for letter and word recognition”
(Cohen and Dehaene, 2004).
The regional selectivity for word recognition is
probably more relative than absolute, with some
intermixing of selective groups of neurons, or with
groups of neurons showing different degrees of
responsiveness to different classes of stimuli.
Dehaene et al. (2004):
at least three functionally different subareas.
In the posterior subpart of the the mid-fusiform
cortex, bilateral priming (reduction of activity) in
the response to repetition of letters at the same
absolute location, regardless of whether they were
presented in the same word (reflet – REFLET)
or in an anagram
(*r e f l e t
TREFLE*).
This seems to be a subarea of letter detection.
In a somewhat more anterior subarea of the left
hemisphere,
priming was similar when the same word was
repeated, even when shifted by one letter location (r
eflet*
*REFLET),
and when a word was followed by its anagram
(reflet – TREFLE).
Thus, letters, or fragments of words, are
represented in this area independently of location.
Finally, in an even more anterior subarea,
priming tended to be larger for same words than
for anagrams.
This subarea may be involved in word coding.
Polk and Farah (1998):
functional specialization can be altered by late
experience, at adult age.
The categorization effect (detecting a letter faster
when presented among digits than when presented
among letters)
was absent in Canadian postal workers who are
constantly exposed to mixtures of letters and digits.
Shaywitz et al. (2002): positive correlation between
amplitude of activation of left mid-fusiform and
level of performance in tests of phonological
decoding in individuals aged 7 to 18 years, even
when age was taken into account.
Temple et al. (2003): a phonological remediation
program led to increased activity in regions
including visual word form area
in a group of children who presented dyslexia.