médecine légale et chirurgie pendant la Grande Guerre
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Transcript médecine légale et chirurgie pendant la Grande Guerre
L’arme terrible. La naissance de la balistique lésionnelle sur
les champs de bataille: d’Eugène Doyen (1859-1916) aux
chirurgiens et médecins légistes de la Grande Guerre
Plan de la communication
Introduction
1) Pour une définition de la balistique lésionnelle
2) L’effet vulnérant des projectiles: l’état des
connaissances des plaies de guerre avant 1914
3)Armement, chirurgie et médecine légale en
1914-1918
4)Guerre chimique
Conclusions
Introduction
• 1914-1918: pour un âge de la violence
corporelle
• Concept de brutalisation (G. Mosse): caractère
effroyable des traumatismes observés par les
médecins
• Effets particulièrement destructeurs de
l’armement moderne: projectiles puissants
• Déshumanisation des corps sur les champs de
bataille
1/ Pour une définition de la balistique
lésionnelle
Une science expérimentale….
Branche de la criminalistique qui étudie les armes
à feu, les munitions et leurs éléments constitutifs,
ainsi que leur interaction avec la cible (causes et
conséquences du tir)
3 domaines: balistique intérieure, balistique
extérieure et balistique terminale
Balistique terminale (wound ballistics) lorsque la
cible est organisme, mort ou vivant.
I.P.V. = interaction projectile/tissus vivants.
Repose sur l’observation de cas réels
(homicides/suicides) et sur des cas simulés
La simulation
Phase expérimentale pour
comprendre effets du
projectile sur la cible:
couple arme/munition et
distance de tir
Gélatine à 10%-20%
conditionnées en blocs (25
cm X 25 cm x 50 cm)
On parle de simulants:
gélatine pour imiter tissus
vivants (viscères, masse
musculaire)
Comprendre le
comportement du projectile
Un projectile peut…. basculer
… se déformer
… se fragmenter
Distance de tir
Distance séparant bouche du canon de la cible
Projectile propulsé par des gaz chauds dans
lesquels sont présents fumée et grains de poudre
imbrûlés
Au moment de l’impact avec le cible, ces
éléments se déposent autour de l’OE créant un
tatouage différent selon les distances de tir
4 distances de tir: à bout touchant, à bout
portant, à courte distance (3-12 m), à distance
(>12 m)
Profil lésionnel
Les composantes de l’IPV
2)Effets vulnérants du projectile: l’état
des connaissances avant 1914
Guerre franco-prussienne (1870-1871)
Armes et munitions nouvelles… pour
une nouvelle stratégie militaire….
Armement
Fusil Chassepot (11 mm) à poudre noire en 1866,
percussion à aiguille (= Dreyse): arme rayée
Munitions: cartouche Chassepot. Cartouche
combustible en papier revêtu d’une gaze de soie
vernie.
Forme cylindro-ogivale
Forte charge de poudre = vitesse initiale élevée
(375 m/s), effet gyroscopique du projectile
Balle explosive
Conséquences
L’arme et sa munition
Eugène Doyen (1959-1916): un
chirurgien expérimentateur
Réalise des tirs sur cadavres
pour comprendre le
comportement des projectiles
Teste systématiquement des
calibres variés de la munition
aiguille jusqu’au projectile de
12,5 mm pour établir
l’opposition entre le caractère
perforant et la puissance d’arrêt
ainsi que les différents types
d’effet vulnérant.
Il utilisa la photographie et le
cinématographie pour analyser
les vitesses initiales de ces
différents projectiles.
Ses observations
Il observe, en particulier dans les lignes allemandes,
des blessures inconnues jusque là: éclatements des
organes creux, plaies béantes de la cuisse et des bras,
balles entièrement fragmentées
Gravité des lésions est due à la vitesse initiale de la
balle du Chassepot (375 m/s) et de son mouvement de
rotation très rapide
Nouveaux projectiles cumulent effets de commotion
foudroyante avec des effets nouveaux d’éclatement
Prépondérance de la vitesse sur la masse (EC= mv2/2)
Le bilan de la guerre
La guerre de 1870/1871 en chiffres
90% blessures par balles
9% par obus
Quelques chiffres: Gravelotte 135.0000
Français et 95.000 Allemands, il y eut côté
français 1367 morts et 15994 blessés. Du côté
allemand, 4449 morts et 16138 blessés.
Armée allemande vaccinée, beaucoup de
maladies infectieuses (typhoïde)
3/Armement, chirurgie et médecine
légale en 1914-1918
Les médecins en Guerre
Général Edmond Delorme
(1847-1929)
Professeur titulaire de clinique chirurgicale et de
chirurgie d’armée à l’Hôpital du Val-de-Grâce.
Création de salles d’opération, instauration de
protocoles aseptiques (lavage des mains au savon),
instruments chirurgicaux sont bouillis dans eau
brûlante, préconisation de pansements iodoformés.
Pionnier de la chirurgie thoracique et du péricarde
(inventeur de la décortication pulmonaire)
À l’origine de la doctrine chirurgicale qui attribue
l’importance aux formations chirurgicales situées à
l’arrière.
De nouvelles armes, de nouvelles
blessures
utilisation de
baïonnettes pendant la
guerre de Thrace:
blessures aux effets
vulnérants terribles
Balles d’infanterie:
balles explosives ou
balles dum-dum (autoexpansives)
L’abstentionnisme sur les champs de
bataille
Conseils aux chirurgiens
(1914): théorie de
l’abstentionnisme
opératoire
Théorie fondée sur les
expériences des conflits
antérieurs
Technique de
l’empaquetageévacuation
Le professeur Jacques Ambroise Montprofit,
(1857-1922) et l’enseignement de la guerre des
Balkans
Son enseignement (1913)
Importance du pansement individuel
accompagné de la teinture d’iode.
Respect de l’aseptie
Abstention de toute intervention dans la plaie
(exploration, tamponnement dans les trajets
de projectiles)
Théorie de la balle humanitaire: observations
sur les blessures par balles de petit calibre!!!
Théodore Weiss (1852-1942)
• Contribution
fondamentale à la
préparation des
chirurgiens du front
• 2 ouvrages de références:
• Les blessures de guerre
par les armes modernes
et leur traitement (1912)
• Les leçons sanitaires de la
guerre des Balkans (1913)
Caractéristiques de la Guerre de 14-18:
conséquences sur les blessures rencontrées
Armement
Évolution significative des agents vulnérants:
la balle de fusil n’est plus l’agent vulnérant le
plus commun
Apparition de nouvelles armes: le rôle de
l’artillerie et des mitrailleuses
Plaies par armes blanches demeurent
proportionnellement en faible nombre
pendant toute la durée de la guerre
Fusil Lebel
Modèle 1886, M 93,
chargement tubulaire
sous le canon, 8 balles
Munition: 1886 D 700
m/s, calibre 8 mm
Fusil et mousqueton Berthier
Lame chargeuse 3/5 coups. Munition 8mm Lebel
Les munitions
Formes et conséquences des balles
Balle bi-ogivale pointue monobloc en laiton à
90% de cuivre
3 gr. poudre BN-3F. Poids: 12, 8 gr. Vitesse= 700
m/s
Première fois que la vitesse du son est doublée.
Première balle militaire pointue et blindée
Projectiles blindés, capacité importante de
pénétration
Effets explosifs sur les organes creux et effets de
cavitation sur les chairs à courte distance
Projectiles
Infanterie demeure l’arme principale pendant
toute la guerre. Initialement elle est munie de
fusils.
Depuis 1870, adoption de la poudre sans
fumée et chargement semi-automatique des
fusils Lebel de 8 mm (modèle 1886-1983) et
Mauser de 7, 9 mm (modèle 1888).
Effets explosifs des balles tirées à courte
distance
Rôle de l’artillerie et des mitrailleuses
Les deux grandes armes de domination de la
guerre de 1914-1918
Deux démarches: recherche de légèreté et de
maniabilité pour les mitrailleuses, course au
gros calibre et aux canons lourds dans
l’artillerie
« La rafale de mitrailleuses est la seule à
n’épargner littéralement personne » (M.
Bloch, L’étrange défaite)
Mitrailleuses
Mitrailleuses en dotation
Allemagne: mitrailleuse Maxime
France: modèle Saint-Etienne 1907,
mitrailleuses Hotchkiss 14, Colt, Vickers
Caractéristiques techniques
Premières mitrailleuses sont mises au point
par les Américains en 1884: la Maxim
Possibilités techniques des mitrailleuses:
cadence de tir = 400/600 coups par minute
Contraintes: échauffement chronique des
machines requiert systèmes complexes de
refroidissement; arme encombrante (40/60
kg)
Recherche de maniabilité et de légèreté
… Les obus….
Les obus à balles
Munitions principales de
l'artillerie de campagne.
Destinés à exploser au-dessus
des formations ennemies par
l'usage d'un mécanisme de
mise à feu spécifique (fusée à
temps) , ils dispersaient une
gerbe mortelle de fragments
et de balles tout en
produisant un nuage de
fumée qui permettait aux
artilleurs de régler leur tir.
On distingue les obus à
mitraille, et les obus à charge
arrière, plus modernes.
Analyse des blessures
blessures classées selon leur gravité et par
zone anatomique
Blessures par armes blanches (sabre,
baïonnette)
Blessures par balles: couple arme/munition,
balles rondes, cylindro-coniques, cylindroogivales, dum-dum, balles pointues
Composantes de balles: plomb durci, laiton,
acier, diamètre, schéma de la balle
Obus explosifs
Les obus explosifs et de
rupture ont été conçus
pour se détruire en
heurtant leur cible (ou en
vol pour certains obus
explosifs) sous l'action
d'une forte charge
explosive interne. Leurs
parois épaisses
fournissaient des éclats
destructeurs, et l'explosion
de la charge un effet de
choc beaucoup plus
important que celui des
obus à fragmentation.
Les crapouillots (obusiers légers)
Adaptation du vieux mortier
Louis-Philippe (Plevna et
Sébastopol) et du petit
mortier 58 tonnes Duquesne
Utilisé la première fois en
1915
Par la suite multiplication
des mortiers de 150, de 240,
de 340, susceptibles
d’envoyer 195 kg d’explosif
Entre 70 et 80% des blessures de la Grande
Guerre sont infligées par les obus
Les gueules cassées
L’artillerie: les canons
Fusil-mitrailleur Chauchat (1915)
Les blessures….
Plaies à OE de petite taille: mitrailleuses ou fusils
Éclats d’obus, de grenade ou balles mitrailleuse à courte distance
= plaies irrégulières, orifices béants, tissus contusionnés, déchirés.
Muscles broyés, perte de substance. Saignement abondants
par armes blanches
lésions d’enfouissement et d’ensevelissement
lésions dues au déplacement d’air (explosions de mines,
explosions en milieu confiné…)
lésions cutanées, manifestations pulmonaires, oculaires et
générales dues aux gaz toxiques (hyperite ou gaz moutarde)
intoxications par l’oxyde de carbone
brûlures en particulier dues aux lance-flammes et au phosphore
… et le polyblessé
La chirurgie
Bactériologie des plaies de guerre
Travaux de Policard et Philip sur l’anatomie
pathologique de la plaie de guerre.
Étude des différents germes pathogènes;
certains sont à Gram + et d’autres à Gram –
Importance des streptocoques, des
staphylocoques et d’Escherichia Coli
Rôle des leucocytes, des réactions
humorales////
Gangrène gazeuse
La gangrène gazeuse est due à l’action d’une flore tellurique
(flore tellurique de Veillon), renfermant de très nombreux
germes qui ont été décrits pendant le Premier conflit
mondial.
Germe sporulés et germes non-sporulés (bacille perfigens,
vibrion septique de Pasteur, bacilles sporogens, bellonensis,
putrificus….)
Ces germes secrètent des toxines entraînant des lésions
tissulaires.
Classiquement, la gangrène gazeuse est une infection des
parties molles, notamment des muscle. Contamination par
la terre, par les fibres vestimentaires….
Chirurgie orthopédique
Fixateurs
Amputations
La radiologie pour la localisation et
l’extraction des projectiles
Chirurgie maxillo-faciale
Médecine légale au service des
Tribunaux militaires
Les médecins légistes participent activement
aux séances des Tribunaux militaires statuant
du destin des automutilés, rédaction
d’expertises balistiques (distances de tirs,
couple armes/munitions….)
Importance des mutineries en 1917
Expertises réalisées aussi sur les cadavres
intoxiqués au gaz
3/ Guerre chimique
Les familles des gaz de combat
Irritants: lacrymogènes et sternutatoires
Caustiques: substances qui s’attaquent à
l’appareil respiratoire et qui sont responsables
de la majorité des décès pendant la Grande
Guerre (chlore, brome, phosgène…)
Vésicants: hypérite, sulfure d’éthyle dichlore
Toxiques généraux: agissent sur la muqueuse
pulmonaire
Les protections
Conclusions
Importance d’une approche pluridisciplinaire
pour comprendre les relations entre médecine et
armement pendant les guerres
Essayer de se débarrasser de nos œillères
modernes pour comprendre une société dont les
valeurs constitutives étaient très différentes que
les nôtres
Comprendre et restituer les faits à l’aune des
connaissances médicales, chirurgicales actuelles.
Apparition de techniques chirurgicales nouvelles
coïncide avec la brutalisation des masses (Mosse)
Merci de votre attention
Bérangère Soustre de Condat
(Ph.D, MS),
Anthropologue médico-légal Chercheur associé
(Université d’Aix-Marseille, Laboratoire
Telemme, UMR 6570)
http://www.berangere-soustre-de-condat.com
[email protected]
http://www.atelier-mosesu.com