Introduction à la Neuropsychologie 2006 - 2007 Lectures conseillées: Jamie Ward, The Student’s Guide to Cognitive Neuroscience, Hove: Psychology Press, 2006 Laurent Cohen, L’Homme.
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Introduction à la Neuropsychologie 2006 - 2007
Lectures conseillées:
Jamie Ward,
The Student’s Guide to Cognitive Neuroscience
, Hove: Psychology Press, 2006 Laurent Cohen,
L’Homme Thermomètre
, Paris: Odile Jacob, 2004
Distinctions entre disciplines ou approches:
Neuropsychologie Neuropsychologie cognitive Neuropsychologie clinique Neuroscience cognitive Neuroimagerie cérébrale et fonctionnelle Science cognitive
Neuroscience cognitive: explique (ou décrit?) la cognition en termes de mécanismes cérébraux un pont entre la science cognitive et la psychologie cognitive, d’un côté, et la biologie et la neuroscience, de l ’ autre
Cognitive Neuroscience Biology and Neuroscience Cognitive science and Cognitive psychology
La neuroscience cognitive s’est construite sur la base de progrès méthodologiques qui permettent l’étude du cerveau de manière sûre (d é ontologiquement acceptable) en laboratoire Evolution intéressante: EEG - ERP - MEG Neuropsychologie cognitive: approche consistant à utiliser des patients présentant des lésions cérébrales pour élaborer et distinguer entre des théories de la cognition normale Dans les années 1970 et 1990: partie de la psychologie cognitive Aujourd’hui: partie de la neuroscience cognitive
Fondements historiques de la psychologie cognitive moderne: l’approche du traitement de l’information (à partir des années 1950) et le métaphore “ordinateur” du psychisme (“mind”) —> biais fonctionnaliste et computationnaliste Débat entre autonomie et modularité versus traitement en parallèle et interactivité Implémentation de modèles computationnels au moyen de réseaux neuraux (“neural networks”) connexionnistes ou de traitement distribué en parallèles (traitement ou représentation?) : approche PDP (nœuds et connexions) —> Science cognitive: sens large et sens restreint
Les connexions bidirectionnelles sont la règle plutôt que l ’ exception dans les connexions entre les diff é rentes aires du cerveau I’inactivation d’une aire centrale sensible au mouvement (MT) réduit la sensibilité au mouvement dans les aires visuelles V1 et V2 —> MT renvoie de l’information vers des aires de niveau plus bas Les contours illusoires dans les figures de Kanizsa activent des neurones sensibles aux bords dans V1 et V2 - cet effet est plus tardif que l’activation directe « bottom-up » de ces neurones qui a lieu pour des bords réels, comme si elle résultait de processus interactifs distribués sur plusieurs aires visuelles (Lee et al., PNAS, 2001, 98, 1907-1977) Synesthésie: un extrême d systèmes sensoriels ’ une spectre de connectivité sensorielle—> variabilité dans la modularité et l’interconnexion entre les
Est-ce que la neuroscience cognitive est en train de se substituer à la psychologie cognitive? Est-ce que le cerveau peut expliquer le psychisme?
Est-ce que le rôle de la psychologie est tout simplement de proposer des th é ories et des expériences à la neuroscience cognitive?
Coltheart, Harley : les modèles de traitement de l’information ne font pas des assertions sur le cerveau La localisation ne nous informe pas sur la nature et les mécanismes du traitement cognitif La neuro-imagerie ne doit-elle tester que des théories déjà formalisées dans des modèles computationnels?
Coltheart (2006): « What has functional neuroimaging told us about the mind (so far)? », Cortex, 42, 323-331 « I’ll claim that no functional neuroimaging research to date has yielded data that can be used to distinguish between competing psychological theories » Réponses par: Henson, Caplan & Chen, Cappa, Umiltà, Vallar, Seron & Fias, Schutter et al., Jonides et al., Jack et al. (opposés) Favorable: Page + Harley (2004) « If only (it were so) that penetrating the skull brings into view not the brain but the mind » (Ian McEwa, Saturday)
La psychologie cognitive est nécessaire pour permettre à la neuroscience cognitive de formuler les questions de recherche appropriées Par exemple, est-ce que la reconnaissance visuelle des mots implique le calcul d’une représentation indépendante de la casse?
Dehaene et al. (2001): TRs et IRMf - tâche: décider si le deuxième mot désigne un objet animé ou inanimé (le premier n’est pas identifié consciemment, car il est masqué - néanmoins, les TRs sont plus rapides pour le deuxième mot lorsqu’il est le même que le premier, et ceci indépendamment de la casse) Ceci est aussi montré par l’activation observée dans le gyrus fusiforme gauche
Contributions de la neuro-imagerie fonctionnelle en psychologie cognitive
— Résoudre d’éventuelles ambiguïtés des mesures comportementales — Aider à décomposer les tâches cognitives en sous composantes (si, lors de l’exécution de deux tâches, on observe deux activations cérébrales distinctes, on peut en conclure qu’elles impliquent des mécanismes différents - mais l’inférence inverse ne peut pas être faite: si on observe la même activation on ne peut conclure que le mécanisme est le même)
Comment un objet mental (par exemple, un mot écrit) est-il codé? - comme une suite de lettres, de bigrammes, une structure linguistique?
Même questionnement pour des visages, des objets, des gestes, des intentions, le sens des mots, etc.
Autrement dit: Comment deux objets mentaux se ressemblent ou se distinguent? Sont-ils codés à des niveaux d’abstraction différents?
On peut y répondre, par exemple, via la méthode d’adaptation
Il semble que l’immense majorité des régions corticales montrent des effets d’adaptation L’adaptation serait un phénomène synaptique, reflétant les entrées du neurone, qui peuvent provenir du niveau précédent ou de sa population de neurones L’adaptation en IRMf (moyennée sur une population de neurones) montre un bon degré de sélectivité Problème: possibilité de facteurs attentionnels (moindre attention au fur et à mesure de la répétition) ou stratégiques —> S. Dehaene propose d’utiliser l’amorçage inconscient
Neuropsychologie cognitive et neuropsychologie clinique
Objet de la
neuropsychologie clinique
: identifier, comprendre et traiter les déficits psychologiques présentés par les patients qui souffrent de désordres neurologiques (en particulier les déficits provoqués par lésion cérébrale).
Deux volets: (1) diagnostic; (2) intervention thérapeutique et rééducation.
Objet de la neuropsychologie cognitive:
la compréhension des processus cognitifs normaux en relation avec la structure cérébrale (à partir de l’étude de patients présentant un dommage cérébral) La pathologie est une source d'information riche et importante: l'une des meilleures manières d'étudier la structure et le fonctionnement normal du système cognitif est d'analyser ce qui se passe quand certaines de ses composantes sont perturbées ou détruites
La neuropsychologie cognitive fait partie des neurosciences cognitives qui étudient comment le cerveau (système physique dont l’activité résulte de réactions électrochimiques) est organisé, comment cette organisation permet le traitement de l’information, de manière plus générale comment elle permet l’activité mentale, et comment ce traitement d’information conduit au comportement
Relations entre le cerveau et le système mental (« mind-body problem »)
Dualisme psychophysique: parallèles ou synchrones; l’un influence l’autre; interactionnisme (Descartes, Eccles et Popper) Monisme psychophysique — tout est mental (Berkeley, Hegel) — le mental n’existe pas ou ne peut pas être étudié (Watson, Quine) — manifestations d ’ une entité unique (Spinoza, W. James, B. Russell) — le psychisme est un produit du cerveau: a. Matérialisme réductionniste b. Matérialisme émergentiste
Relations de causalité entre les niveaux d’organisation et les formes d’activité du cerveau / psychisme
•
Niveaux d’organisation Formes d’activité du cerveau/psychisme
•
Organisation fonctionnelle (cognitive) Traitement de l’information
•
Organisation cérébrale Activité éléctrochimique Flèche en pointillé: relation de causalité qui concerne la phylogénèse
Histoire des connaissances sur le cerveau :
2.500 ans avant Jésus Christ - Imhotep, médecin égyptien, aurait observé 48 cas de pertes fonctionnelles en rapport avec des lésions du cerveau ou de la moelle épinière 430-350 avant Jésus Christ - Hippocrate, médecin grec, affirme que le cerveau est responsable pour les comportements, et remarque la relation entre certaines lésions du cerveau et les troubles du langage ainsi qu’avec l’hémiplégie
2 ème siècle après Jésus Christ - Galène, médecin grec écrit que les nerfs sont responsables du mouvement et qu’ils ont leur origine dans le cerveau et la moelle épinière ; il pense aussi que les nerfs distillent des « esprits animaux », stockés dans des ventricules (des espaces vides) à l’intérieur du cerveau ; c’est ainsi qu’ils provoquent le mouvement.
354-430 après Jésus Christ : Saint Augustin, (philosophe et théologien chrétien) place l'esprit au sein du cerveau, dans les ventricules.
16 ème siècle - André Vésale (médecin flamand) écrit un important traité d’anatomie du cerveau, beaucoup plus correct que les anciennes descriptions 1 ère moitié du 17 ème siècle - Descartes maintient l’idée des esprits animaux stockés dans les ventricules cérébraux; attribue le contrôle des actions à la glande pinéale 1667 - F. Glisson (médecin et anatomiste britannique) : la contraction d’un muscle n’entraîne pas d’augmentation de son volume —> les nerfs ne sont pas parcourus par des fluides milieu du 18 ème - Alexander Monro (anatomiste et chirurgien) : un nerf ligaturé ne gonfle pas en amont de la constriction —> les nerfs sont des cordons pleins
Depuis Descartes (3 siècles et demi): Différenciation des fonctions périphériques: L’activité électrique dans le système nerveux progresse dans un seul sens —> distinction anatomique et fonctionnelle entre nerfs sensoriels et nerfs moteurs Différenciation des fonctions mentales ou cognitives: La philosophie des facultés (Th. Reid) et la phrénologie de F.J. Gall —> le débat entre « localisationnistes » et holistiques (l’équipotentialité)
début du 19 ème siècle - Franz Joseph Gall propose l’idée d’une relation entre fonctions cognitives et régions du cerveau, et que les différentes « facultés » ont des sièges bien localisés dans le cerveau, plus précisément dans le cortex cérébral; na î t l’idée d’une spécialisation de certaines aires cérébrales pour certaines fonctions 1826 - Johannes Müller (physiologiste) montre que les nerfs transmettent une impulsion nerveuse, électrique à peu près à la même époque - Charles Bell (anatomiste écossais) et François Magendie (physiologiste français) associent les nerfs sensoriels et les nerfs moteurs, respectivement, aux racines dorsales et ventrales de la moelle épinière
1838 - Müller affirme que le fait que le cerveau distingue entre un son et une lumière est lié à la localisation dans le cerveau où arrivent les impulsions 1854 - Louis Gratiolet propose la division du cerveau en 4 lobes 1861 - Broca (chirurgien et anthropologue français) examine le cerveau de monsieur Leborgne, qui avait une perte quasi complète du langage et constate que ce patient aphasique avait une lésion dans la partie postérieure du lobe temporal de l’hémisphère gauche 1870 - Gustav Fritsch et Eduard Hitzig (médecins allemands) développent la même idée que Müller ci-dessus en ce qui concerne l’origine cérébrale des mouvements
1871 - Julius Bernstein (électrophysiologiste allemand) montre que ce qui est propagé dans le système nerveux est une charge électrique négative 1874 - Wernicke (neurologue allemand) observe qu’une lésion dans la zone supérieure du lobe temporal de l’hémisphère gauche est associée à des difficultés dans la compréhension du langage
1875 - Richard Caton (médecin britannique) démontre pour la première fois, sur des animaux, l’existence d’une activité électrique dans le cerveau liée à l’activité mentale 1879 - Sir Mac Ewen, chirurgien, opère avec succès une tumeur cérébrale dont il avait établi lui-même la localisation : c’est le début de la neurochirurgie
entre 1888 et 1895 - Santiago Ramon y Cajal (neurophysiologiste espagnol) propose la théorie des neurones : il montre que le tissu cérébral est constitué de cellules (les «neurones») qui, contrairement à celles des autres tissus vivants, sont libres et séparées par de fins espaces, et il émet l'hypothèse d'un mode de communication chimique entre ces cellules. Il a reçu pour cela le Prix Nobel en 1906 1909 - Korbinian Brodmann (neurologue allemand) établit une carte des aires du cerveau, en donnant un numéro différent à chaque aire. Cette numérotation est encore une référence aujourd’hui
1922 - Ralph Lillie (neurophysiologiste américain) met en évidence le mécanisme de la conduction de l’impulsion nerveuse le long du nerf 1929 - Hans Berger (psychiatre allemand) fait les premiers enregistrements d’électroencéphalogrammes 1930 - Découverte des isotopes (éléments radioactifs, instables, qui émettent des positons), sans cette découverte il n’aurait pas été possible, plus tard, d’inventer la TEP 1932 - Ch. Sherrington (neurophysiologiste) reçoit le prix Nobel de médecine (avec E. D. Adrian) pour leur travail sur les neurones. Sherrington donna le nom de « synapse » à l’espace de communication entre les neurones
1935 - Stroop (psychologue américain) rapporte un effet qui démontré le caractère irrépressible de la lecture 1936 - découverte des propriétés magnétiques de l’hémoglobine, dans le sang ; sans cette découverte, il n’aurait pas été possible, plus tard, d’inventer l’IRM 1936 - Egas Moniz, neuropsychiatre, reçoit le Prix Nobel pour avoir développé la psychochirurgie : il a fait opérer des patients psychiatriques (lobotomies frontales) afin d’améliorer leur état mental ; les résultats ont eu des conséquences indésirables (apathie, forte diminution de la réactivité et de l’intelligence). Il faut distinguer la psychochirurgie de la neurochirurgie, qui peut être nécessaire, par exemple, en cas de tumeur ou de crainte de rupture d’anévrisme
1937 - Le neuroanatomiste Papez met en évidence un ensemble de structures que sera appelé « circuit de Papez » et dont on montrera plus tard qu’il intervient dans la consolidation des souvenirs 1947 - démonstration de l’existence des synapses, grâce à la microscopie électronique inventée par Ernst Ruska (prix Nobel de physique en 1986) et Max Knoll, physiciens allemands. Le travail sur les synapses fut récompensé par un prix Nobel donné à Eccles, Huxley et Hodgkin en 1963 1950 - Penfield et Rasmussen (neurologues à l’Institut Neurologique de Montréal) établissent la carte fonctionnelle du cortex moteur et dessinent l’homunculus moteur
1960 - Hubel et Wiesel, psychophysiologistes américains, reçoivent le Prix Nobel de Médecine pour avoir mis en évidence les propriétés fonctionnelles des neurones du cortex visuel 1960 - Première technique de cartographie du débit sanguin cérébral chez l’animal vivant par l’équipe de Lou Sokollof aux EUA (en injectant un traceur radioactif). L’animal est euthanasié dans les minutes qui suivent l’expérience, son cerveau découpé en tranches fines qui sont déposées sur des plaques photographiques afin de mesurer la quantité locale de radioactivité
1960 - Début des études sur les sujets humains commissurotomisés, aussi appelés sujets à cerveau divisé On découvre que les deux hémisphères travaillent ensemble. Leurs interactions sont assurées par des connexions inter-hémisphériques, dont la plus importante est le corps calleux. Cette structure neurale permet donc le passage de l’information d’un hémisphère à l’autre : ainsi, un patient chez qui l’on a coupé le corps calleux aura de grandes difficultés à coordonner les mouvements précis des deux mains
1961 - David Ingvar et ses collègues ont pu utiliser un gaz radioactif, le Xénon 133, chez l’homme, de manière inoffensive, et recueillir une image de l’activation moyenne du cerveau pendant quelques minutes
à partir du milieu des années 1960 - grand développement de la psychologie cognitive expérimentale, conduisant à l’analyse fine des composantes de l’activité cognitive ; les modèles théoriques élaborés ont par la suite été utilisés dans les études sur le fonctionnement du cerveau à partir de 1970 - reprise intensive des études de patients individuels, qui montrent une perte ou diminution d’une capacité bien précise. Ces études se basent sur des modèles théoriques de la capacité en question et essayent de mettre en évidence des « doubles dissociations ». Par exemple, alors qu’un patient qui peut lire un mot irrégulier comme « femme » ne peut pas lire un non-mot comme « fimme », un autre patient montre exactement le déficit inverse
1974 - construction de la première caméra TEP 1977 - construction de la première caméra IRM 1979 - premières mesures avec la caméra TEP de la consommation de glucose dans le cerveau 1980 - Sperry (neurophysiologiste et neuropsychologue) reçoit le Prix Nobel de Médecine pour avoir montré le rôle important des commissures inter-hémisphériques et en particulier du corps calleux dans le comportement 1981 - premières mesures avec la caméra TEP de la consommation régionale d’oxygène dans le cerveau 1991 - premières mesures de IRMf
Progrès actuels considérés comme révolutionnaires: Glimcher & Kanwisher, in Cognitive neuroscience, editorial overview,
Current Opinion in Neurobiology
nature and workings of the human mind » , 2006: « Real progress is being made on one of the greatest scientific questions of all time: the effort to understand the Illes & Bird, in
Trends in Neurosciences
, 2006: « In 1957, Sir Francis Bacon wrote « Knowledge is power » (‘Ipsa scientia potestas est ». The potential of new neuroscience knowledge is almost beyond comprehension... »
Est-ce que notre compréhension du cerveau et de comment il cause le comportement peut affecter notre idée du libre arbitre et, par conséquent, de la responsabilité morale?
Doutes sur le libre arbitre: — (venant d’en haut) doctrine théologique : comment un Dieu omniscient ne pourrait-il pas savoir ce qu’on va faire, et s’il le sait est-ce que nous sommes encore libres de faire ce que nous voulons?) — (venant d’en bas) théorie physique : nous sommes soumis à des lois naturelles déterministes, et si l’univers n’est pas déterministe alors il est aléatoire et c’est le hasard et pas notre volonté qui détermine nos actes Tous ces problèmes existent indépendamment des neurosciences
L’indéterminisme à un niveau (par exemple taux de décharge des neurones ou interactions entre atomes et molécules) n’est pas incompatible avec le déterminisme à un autre niveau (l’opération du système à un niveau plus élevé - par exemple l’organisation des types de traitement de l’information - peut être déterminée par des lois)
Le fait de nous voir comme des êtres biologiques n ’ affecte pas notre notion d ’ êtres libres et responsables Deux faits certains, documentés: 1. L ’ intuition du libre arbitre est très précoce au cours du développement 2. Nos jugements sur le libre arbitre et la responsabilité morale sont fortement affectés par nos émotions Les neurosciences n ’ affecteront nos conceptions que si elles suppriment les descriptions mentalistes de nos états Question? Libre arbitre ou contrôle (probablement dépendant du système en question)
Depuis 50 ans: 1. Les études de séries et de groupes de patients (y compris les « split brain ») 2. Les études du phénomène de latéralité chez le sujet normal 3. Les études de cas uniques 4. Les études expérimentales associées à des méthodes « neuroscientifiques »
1.
Etude de séries
(groupement par syndrome ou par lésion anatomique): mise en évidence de différences inter-hémisphériques et intra-hémisphériques au moyen de la comparaison de groupes différant par le lobe (ou une autre grande région cérébrale) lésé
Causes possibles de lésion: lésions traumatiques, accidents vasculaires, tumeurs, neurochirurgie, troubles neuro-dégénératifs, infections virales, … rôle historique des études de séries, critiques, situation actuelle Les « lésions virtuelles »: la TMS (pour mémoire et présentation ultérieure)
Cas particulier (précédant de peu les études de cas uniques): Études sur des sujets « split-brain » ou commissurotomisés principes sur lesquelles se fonde l’inférence d’une asymétrie inter-hémisphérique (projection et contrôle controlatéraux) Principaux apports
2. Effets de latéralité:
Les effets d’hémichamp visuel (mots, visages) Les effets de latéralité auditive:
–
Intérêt actuel: 1. Illustration du rôle des facteurs neuroanatomiques et physiologiques d’une part, et cognitifs (attention) d’autre part Cf. les modèles explicatifs à propos de l’alternative « effets d’oreille » versus « effets d’origine spatiale » (y compris le modèle de balance inter-hémisphérique - M. Kinsbourne - dans la distribution spatiale de l’attention)
extension de la problématique à la description et compréhension des effets spatiaux (position frontale) 2. L’utilisation des effets de latéralité dans l’étude des capacités perceptives et la notion de modes de traitement: études sur la parole, sur la musique et sur la prosodie (linguistique et émotionnelle)
Utilisation de la supériorité de l’oreille droite (SOD) en écoute dichotique pour la mise en évidence de l’inhibition de l’attention (laquelle dépend d’aires corticales préfrontales)
Saetrivk & Hugdahl (2006) Expérience 1: présentation binaurale d’une amorce CV, soit différente des deux stimuli de la paire soit identique à l’un d’eux (à gauche ou à droite). Si identique à celui de gauche, augmentation de la SOD, si identique à celui de droite renversement de l’effet Expérience 2: amorce visuelle (effets de la manipulation dans la même direction mais réduits, et avec amorce à droite l’effet de SOD se maintient, plus petit)
L’attention à de nouveaux stimuli s’accompagne de l’inhibition des stimuli préalablement perçus L’inhibition de l’amorce et, donc, l’inhibition du même côté de stimulation a pour effet de favoriser le traitement du stimulus du côté opposé Cette interprétation est similaire à celle de l’effet d’amorçage négatif:un mécanisme qui rend difficile l’accès aux stimuli ignorés
Dans l’Expérience 1 l’effet d’inhibition a lieu directement au niveau du traitement phonétique (stade précoce), et dans l’Expérience 2 à un niveau ultérieur (stade tardif), sensible à l’influence des représentations orthographiques Modèle à deux stades de Hiscock et al. (2005): 1. Traitement automatique, les manipulations ayant un effet sur la détection; 2. Traitement contrôlé, les manipulations ayant un effet sur la localisation Dans un environnement où l’écoute est dégradée par la présence de sources multiples, il est important de cesser de faire attention aux stimuli déjà reconnus afin de commencer le traitement des nouveaux stimuli
3. Idées sous-jacentes à l’étude de cas uniques
Idée de modularité: Marshall (1984): "La neuropsychologie - le nom couramment à la mode pour la phrénologie - a adopté de manière non ambiguë le principe de la modularité"
En effet, on peut observer par exemple: - des aphasies isolées, simultanément avec une intelligence non verbale, des habiletés visuo-spatiales et des fonctions d'apprentissage non verbal bien préservées;
-
des agnosies visuelles sévères chez des patients sans perte sensorielle et sans détérioration intellectuelle, et qui peuvent faire des copies excellentes de dessins géométriques complexes ou de scènes présentées devant eux;
-
des cas de perturbations sévères de l'orientation spatiale et de la topologie alors que les habiletés linguistiques sont préservées, et qu’ils gardent une bonne intelligence verbale et une perception normale de figures;
-
des patients dont les habiletés de calcul arithmétique sont très perturbées alors que la mémoire et le langage sont normaux.
Marshall conclut de la manière suivante: Gall a pu mettre ses organes dans les mauvaises places, mais il a spécifié les "bons" organes (langage, forme, localisation, mélodie, nombre).
Gross (1985): il y a beaucoup d'exemples de lésions cérébrales ayant un effet spécifique sur une faculté verticale, mais il n'y a pas d'indication qu'une lésion cérébrale (ou drogue, ou stimulation cérébrale) affecte sélectivement et globalement une faculté horizontale telle que la mémoire, l'attention, la perception ou la volonté.
Exemple: la mémoire. Même des lésions dans la région de l'hippocampe, qui ont un effet massif sur beaucoup de types de mémoire, laissent la mémoire des habiletés motrices intacte. Les lésions de l'amygdale affectent surtout la mémoire des objets mais pas la mémoire spatiale, topologique. Les lésions temporales inférieures affectent les mémoires visuelles, mais pas la mémoire dans d'autres modalités.
Idée de "systèmes fonctionnels" (Luria) - au sens de processus qui impliquent la participation intégrée d'un certain nombre de tissus et organes (comme la fonction de la digestion, de la circulation et de la respiration) Geschwind (1967): « Wernicke était l'un des premiers à voir clairement l'importance des connexions entre différentes parties du cerveau dans la construction des activités complexes. Il a rejeté les deux approches du système nerveux qui encore aujourd'hui sont souvent présentées comme les seules possibles. D'une part, il s'est opposé à la théorie de l'équipotentialité du cerveau ; de l'autre il a rejeté le point de vue phrénologique qui considérait le cerveau comme une mosaïque d'innombrables centres distincts. Il a affirmé que les activités complexes sont apprises au moyen des connections entre un petit nombre de régions fonctionnelles qui s'occupent des activités sensorielles et motrices primaires. »
Principe de base de l’approche neuropsychologique:
la désorganisation du système fonctionnel à la suite d'une lésion cérébrale entretient une certaine relation avec l'organisation normale de cette fonction
•
De ce principe résultent trois postulats: de transparence, d’universalité minimale, et de « soustractivité »
Postulat de transparence:
les comportements du sujet cérébro-lésé vont pouvoir nous informer, moyennant des précautions d'interprétation, à la fois sur le fonctionnement du système lésé et sur celui du système normal
Postulat d'universalité minimale:
il y a des organisations communes à tous les individus et par conséquent les inférences réalisées à partir de patients particuliers ont une portée générale Il faut néanmoins préciser quelles organisations et quels types de fonctionnement sont universels, car les systèmes de croyances, notamment, mais pas seulement eux, peuvent varier suivant l'expérience individuelle et les facteurs socioculturels
Postulat de « soustractivité »
sa formulation peut se séparer en une version radicale et une version nuancée Version radicale: un comportement pathologique est le
résultat
du système normal
moins
le composant endommagé Cette version ne tient pas compte de la
réorganisation éventuelle
du système suite à la lésion ni de
l'émergence d'opérations compensatoires
(par exemple, les opérations utilisées par le patient qui fait une lecture lettre par lettre) Version nuancée: le cerveau adulte n'est plus capable de développer des structures nouvelles pour pallier à la perte des structures endommagées, mais peut développer des
stratégies nouvelles
qui utilisent les structures pré-existantes
Peut-on inférer les mécanismes normaux des fonctions cérébrales à partir des effets comportementaux d'une lésion?
Les inférences qu'on peut faire sont loin d'être directes. Une lésion à un endroit peut provoquer des effets qui ne sont pas spécifiques des fonctions ou des processus normalement réalisés par le tissu neural atteint.
1.
Le comportement anormal suite à une lésion peut refléter soit le fonctionnement
anormal
du tissu atteint soit le fonctionnement du tissu restant. Celui-ci peut réagir
négativement
ou au contraire
compenser
la perte de la fonction, et par conséquent il peut accroître ou au contraire minimiser le déficit comportemental.
2. Une lésion peut produire des modifications
en interrompant des connexions
et
en libérant d'autres aires
de la facilitation ou de l'inhibition que l'aire atteinte exerçait sur elles.
Exemple: Si une lésion interfère avec l'écriture, cela ne signifie pas nécessairement que l'aire atteinte constitue le "centre" de l'écriture.
L'écriture est une activité complexe qui exige beaucoup de processus et beaucoup de fonctions: le contrôle sensoriel et moteur sur le membre qui écrit ; la fonction linguistique ; un degré important d'attention, etc.
Quand une personne écrit, les aires du langage et les aires motrices doivent être coordonnées. Les lésions qui les déconnectent produisent de l'agraphie même s'il n'y a pas de déficit linguistique ni moteur. Ainsi, une lésion dans le corps calleux peut déterminer une agraphie de la main gauche, en déconnectant les aires du langage de l'hémisphère gauche de l'aire motrice de l'hémisphère droit.
Principe de double dissociation (Teuber, 1955):
« Pour démontrer la spécificité du déficit de discrimination visuelle il ne suffit pas de montrer que la discrimination dans une autre modalité, par exemple la somesthésie, n'est pas affectée. Une simple dissociation pourrait indiquer simplement que la discrimination visuelle est plus vulnérable aux lésions temporales que la discrimination tactile. Ce serait le cas d'une hiérarchie de fonctions plutôt que d'une localisation séparée. Ce qui est nécessaire pour une preuve concluante c'est la 'double dissociation', c'est-à-dire l'observation que la discrimination tactile peut être perturbée par une autre lésion sans perte dans des tâches visuelles et à un degré de sévérité comparable. »
Teuber (1959): "la double dissociation exige que le symptôme A apparaisse lors de lésions dans une structure mais non dans une autre, et que le symptôme B apparaisse lors de lésions dans la dernière structure mais non dans la première. Chaque fois qu'une telle dissociation manque, la spécificité des effets des lésions n'a pas été démontrée. »
•
De manière générale la double dissociation entre tâches exige qu'une certaine variable affecte la tâche 1 mais pas (ou significativement moins) la 2, alors qu'une autre variable produit les résultats inverses
Une double dissociation peut être comparée, mathématiquement, à une interaction croisée dans une analyse de la variance. On ne peut donc pas la faire disparaître, mais seulement modifier son allure, en manipulant l'échelle de l'ordonnée (c'est-à-dire, de la performance), alors que de telles manipulations peuvent conduire à faire disparaître une interaction simple En outre, l'interaction simple pourrait dans certains cas être due à un artefact du type effet plancher ou effet plafond
Luria a introduit le principe de la dissociation dans l'analyse des syndromes ou constellations de symptômes:
"En présence d'une lésion locale qui cause directement la perte d'un certain facteur, tous les systèmes fonctionnels qui incluent ce facteur en souffrent, tandis que, en même temps, tous les systèmes fonctionnels qui n'incluent pas le facteur perturbé sont préservés. »
Par exemple:
Une atteinte dans la région temporale gauche provoque une perturbation de l'analyse des phonèmes et de toute fonction qui exige cette analyse (répéter ce qu'un autre a dit, écrire sous dictée), mais non des fonctions qui n'exigent pas une telle analyse, comme la perception spatiale (de relations spatiales entre objets).
Réciproquement, une atteinte pariéto-occipitale épargne toutes les fonctions qui dépendent de l'analyse phonémique mais perturbe toutes celles qui dépendent du traitement des données spatiales.
Discours / mot oral Texte / mot écrit
Analyse auditive/phonologique Analyse visuelle/orthographique Lexique phonologique d’entrée Lexique ortho graphique d’entrée Système sémantique Lexique phonologique de sortie « Buffer » des unités phonologiques
Articulation
Conversion grapho phonologique (contrôlée et séquentielle) Lexique orthographique de sortie Conversion phono-graphique « Buffer » des unités graphémiques
Réalisation graphique