Un policier laid à tête de policier

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Transcript Un policier laid à tête de policier

Centre Aixois d’Études Romanes
Les territoires hétérogènes du polar
25 mars 2013
Le et les policiers dans les romans
non policiers de Rafael Menjívar
Ochoa
Plan
•
•
•
•
Présentation du Salvador et de l’auteur (biographie succincte)
Les romans policiers
La présence policière dans l’œuvre non-policière
Conclusion
Rafael Menjívar Ochoa
(San Salvador, 1959-2011)
© Mélanie Morand, 2007
El Salvador
«Le Petit Poucet» des Amériques : vingt
mille km2. Pays situé en Amérique
Centrale, zone soumise à une grande
violence car l’isthme de Panamá constitue
un enjeu géo-politique et commercial
majeur.
1931-1989 : Coups d’état militaires et
élections contestées, gouvernements répressifs.
1961 : apparition des escadrons de la
mort.
1970 : apparition de la guérilla.
1980-1992 : conflit armé généralisé.
1992 : accords de paix et fin du conflit armé .
1992 à aujourd’hui : apprentissage de la
paru, elle s’est seulement déplacée.
démocratie mais la violence n’a pas dis-
Rafael Menjívar Ochoa
Biographie
1959 – Naissance à San Salvador.
1973 – Ses parents quittent le Salvador.
1976 – Ses parents s’installent au Mexique.
1983 – Publication de sa première nouvelle:
Le père de Rafael Menjívar
Ochoa, Rafael Menjívar Larín
était un grand économiste.
Recteur de l’Université de San
Salvador, il y instaura l’équivalent
de notre CROUS. C’est sous sa
gestion, en 1972, que l’armée
investit le campus.
La nuit de Clarence.
1985 – Publication de son premier roman:
La période mexicaine
constitue la moitié de sa vie
Histoire du traître de Jamais Plus.
1990 – Publication de son premier roman policier: Les années flétries.
1999 – Retour au Salvador.
2011 – Décès à San Salvador.
Il fonde la Maison de l’Écrivain
L’œuvre romanesque
écriture
1980-1981
1983-1986
1985-1989
1988-1989
1989-1998
1990-1991
1990-1996
1998-2002
1998-2002
1998-2004
2003
2005
2008-2009
2009
publication
Histoire du traître de Jamais Plus (1985)
Portrait de l’inconnu et de son épouse (inédit)
Tierces personnes (1996)
Les années flétries (1990)
Treize (2003)
Les héros tombent de sommeil (1998)
La mort de temps en temps (2002)
N’importe quelle façon de mourir (2006)
Instructions pour vivre sans peau (2008)
Bref inventaire de toutes les choses (2007)
Requiem pour une femme sans cheveux blancs (inédit)
Le directeur n’aime pas les cadavres (inédit)
Kosta (inachevé)
Barrio Coreana (inachevé)
Autres textes
autour du polar
La nuit de Clarence, nouvelle, 1983
Un monde où le ciel ne cesse de tomber , nouvelles, 2011
Sur le roman noir, réflexions datant de 1989 publiées sur son blog en 2009
Temps de folie, enquête sur le coup d’état de 1979 (2006/2008)
Histoires de famille, essai inédit consacré à la mort du commandant Marcial
Tous les Cambodgiens, pièce de théâtre
Quartier Coréenne, roman inachevé
Crétins, texte dicté à sa fille lors de sa dernière hospitalisation, 2011
Les « polars »
Rafael Menjívar en 1999 posant pour la couverture de Vértice,
supplément littéraire de El diario de hoy
Les « polars »
J’utilise le terme « polar » car en traduisant les romans j’ai eu besoin de trouver un
terme permettant de désigner aussi bien les romans que les films ou les feuilletons,
sans pour autant prêter confusion avec la fonction, ce que « policier » ne permettait
pas.
1. Quelques façons de mourir (La trilogie mexicaine)
Les années flétries
Les héros tombent de sommeil
La mort de temps en temps
Le directeur n’aime pas les cadavres
N’importe quelle façon de mourir
2. Requiem pour une femme sans cheveux blancs
(le polar salvadorien)
3. Kosta (le polar inachevé)
Quelques façons de mourir
L’idée centrale de la trilogie, c’est l’impossibilité de savoir. Les choses sont si
complexes qu’au bout du compte personne ne sait rien, à part le petit bout qui
concerne chacun.
Rafael Menjívar Ochoa
Message adressé à Isabelle López
16 avril 2002
Trois romans devenus cinq, autant de variations sur le cynisme. Cinq mises en
scène de la dialectique de la vertu et de la corruption dans trois secteurs
d’activité interconnectés: la police, la politique et le journalisme.
En contrepoint, une foule d’histoires, sentimentales ou familiales, d’une humanité
blessée dont on n’aperçoit, chaque fois, qu’une petite lucarne.
Il y a, derrière les gradés de la police mexicaine et leurs tueurs, le monde souvent
drôte et toujours touchant des petites gens: les logeuses, les chauffeurs de taxi,
les serveurs, les prostituées, les secrétaires…
Sur l’intrigue principale viennent se greffer des intrigues secondaires, passionnantes au point qu’on en oublie parfois, pour les suivre, l’intrigue initiale.
Aucune enquête n’aboutit, ou si elle le fait, c’était un mirage. Aucune des énigmes
n’est élucidée sans que l’on soit vraiment certain d’être, à la fin du roman, face à
« la » vérité.
Si le roman policier propose sur la société un discours alternatif au discours
officiel, celui que propose Menjívar est une nouvelle fiction: derrière le masque,
il n’y a rien d’autre qu’un autre masque.
«En Angleterre ou aux États-Unis on aboutit;
en Sicile et en Amérique Latine, 98% des
crimes ne sont pas élucidés. Il suffit de lire
les journaux. Cela rend le genre policier
impossible et débouche sur un genre
différent. C’est pour cela que dans un roman
une fin ouverte est même naturaliste. »
Rodrigo Rey Rosa
1. Les années flétries
1990, EDUCA, Costa Rica
écrit entre 1988 et 1989
La police a fait subir à un guérillero un interrogatoire un
peu trop musclé. Six pieds sous terre, il ne pourra plus tenir
la conférence de presse qu’on attendait de lui.
Un acteur de feuilletons radiophoniques au chômage est
alors chargé, à partir d’indices, de reconstituer sa voix et
tenir à sa place la fameuse conférence de presse.
Les journalistes sont de connivence, mais ce fameux
guérillero, au fond, a-t-il seulement existé?
Et qui est vraiment María, l’actrice-mélomane-profcollaboratrice de la police qui héberge le narrateur?
Comment son morts ses parents ? Pourquoi son beau-frère
at-til pour lui autant de haine ?
Au café du coin, il y avait Guadalupe Frejas, immense comme une boule géante de
glace à la fraise. Quelque chose de bon devait arriver ce jour-là, et c’était
Guadalupe. Elle avait une cinquantaine d’années, mais en faisait la moitié ; la
graisse sous sa peau l’empêchait de vieillir. Elle avait un visage de bébé. Elle
transpirait comme un geyser, mais ce n’était pas une transpiration violente: tout
en elle n’était que douceur et tendresse. Sa voix était la plus mélodieuse à être
jamais passée par un poste de radio, la plus pure. Son registre n’était pas très
étendu, mais son expressivité était étonnante. Tout en elle était graisse et voix, et
c’est sa voix qui la faisait vivre.
Parfois, au milieu d’une conversation, quelque chose se brisait en elle ; elle avait
comme une crise d’asthme et on pouvait craindre qu’elle soit prise de convulsions
et qu’elle meure asphyxiée. Mais devant un micro, elle avait la meilleure voix de la
planète. Là elle pouvait parler pendant des heures et même des siècles sans avoir
de crises. Elle était resplendissante. J’étais toujours à ses côtés, et je jure qu’elle
était resplendissante.
—Prends un café —elle mordit dans son hamburger, d’un geste plein de candeur.
Elle mangeait des hamburgers par milliers. Il n’y avait pour elle d’autre nourriture
au monde que les hamburgers ; elle était sans cesse à la recherche de restaurants
et de baraques, et elle racontait que, lorsqu’elle s’ennuyait, elle s’en préparait chez
elle en faisant des expériences de saveurs et de mélanges.
Elle traversa la rue lentement, comme un navire dans la mangrove. De dos, sa
grosseur était douloureuse. De face, on pouvait oublier le double menton, les
seins inconcevables et les bras qu’elle bougeait gracieusement. Mais de dos les
gens sont comme ils sont vraiment, et Guadalupe Frejas était pathétique.
2. Les héros tombent de sommeil
DPI, San Salvador, 1998
écrit entre 1990 et 1991
Un journaliste s’est pris pour un héros en réussissant à
infiltrer un mouvement de guérilla. Il se voyait sans
doute déjà avec le prix Pullitzer. Or il n’y a pas de guérilla
au Mexique. Il aurait dû le savoir, il doit mourir. Écoeuré,
le policier chargé de l’exécuter donne sa démission, ce
dont Le Colonel tente de le dissuader: il doit en effet
prendre sa retraite et comptait sur lui pour prendre sa
succession, sans quoi c’est l’ignoble Ortega – patron
d’une brigade de ripoux – qui ferait main basse sur la
brigade qu’il dirige. Le narrateur accepte de reprendre du
service afin d’éliminer Ortega et ses hommes.
3. La mort de temps en temps
DPI, San Salvador, 2002
écrit entre 1990 et 1996
Un journaliste qui enquête sur un fait divers déterre la vieille
histoire d’un tueur en série dans laquelle rien ne colle. Par
ailleurs, qui a tué la fille de son ex-maîtresse? Son beau-père,
avec lequel elle avait une liaison? Mais étaient-ils vraiment
amants ? Et comment la petite Graciela a-t-elle pu, après
avoir sauvagement assassiné ses parents adoptifs, traîner
leurs corps dans toute la maison? Kathy, la journaliste blonde
de la rubrique « people » retournera-t-elle à la morgue,
comme elle l’a promis en minaudant au gardien qui, comme
tout le monde, n’avait d’yeux que pour son décolleté ?
Je crois que j’étais le seul à ne pas voir son décolleté. Si un
Martien arrivait, avant de demander à parler au leader de
la planète, il regarderait son décolleté.
Le corps se brisa à la hauteur de la taille
et sur les fesses apparut une masse de
chair triturée, de muscles et de graisse.
Je ne ressentis aucun dégoût. Ni peur,
ni compassion, ni écœurement. Je ne
ressentis rien. Je me retournai juste et je
vomis. Comme si quelqu’un avait saisi mon
estomac dans sa main et l’avait serré.
Le policier à la voix enrouée recula. Un
de ses souliers reçut des éclaboussures du
morceau de gâteau et du café que j’avais
pris quelques heures plus tôt chez Cristina,
la mère de la jeune morte.
–Enfoiré –dit-il.
Je m’attendais à ce qu’il me frappe,
mais il ne le fit pas. Ou bien il savait se
contrôler, ou bien il adorait qu’on balance
des cochonneries sur ses chaussures.
4. Le directeur n’aime pas les
cadavres
Inédit
écrit en 2005
Depuis qu’il a vu le cadavre de sa mère, le directeur d’un grand quotidien
proche du partiElle
au pouvoir
ne supporteetplus
leur vue. Mais,
par défi, son fils
était Mexicaine
s’appelait
Gabriela
s’inscrit en facSantos.
de médecine,
puis étions
devientcroisés
doublure
cadavres au cinéma.
Nous nous
dansdeplusieurs
Puis il voit, impuissant, mourir sa deuxième femme, Milady, victime de sa
films et séries télévisées et étions sortis deux ou
folie auto-destructrice.
trois fois ensemble. Elle était plus intéressante
Mais, au fait, qui
est donc l’auteur de la coquille parue dans le journal, où le
morte que vivante.
mot « civique » a vu son « v » remplacé par un « n » ?
Bref, qui en veut au directeur au point qu’il se retrouve magré lui au cœur
de la fusillade qui oppose les hommes d’Ortega à ceux du Colonel?
5. N’importe quelle façon de mourir
F&G Editores, Guatemala, 2006
écrit entre 1998 et 2002
Un policier croupit en prison après avoir avoué qu’il avait
tué (mais l’a-t-il tuée) la sœur d’un trafiquant de drogue.
Pas de chance, il se retrouve dans la même prison que le
trafiquant en question qui depuis sa cellule gère ses
affaires et organise des soirées sado-maso.
Le policier reçoit la promesse de sortir de prison s’il
accepte d’exécuter Le Colonel, exécution qui serait
maquillée en suicide.
Le Colonel, de toute façon, n’aurait pas fait de vieux os:
son cancer du foie lui sortait par les oreilles.
La seule chose que j’avais vue de près,
c’était sa nuque. J’avais eu le temps de
l’apprendre par cœur. Je me retournai et
me trouvai face à la mâchoire la plus
carrée qu’il m’ait été donné de voir, et je
vois la mienne tous les matins. Autour de
la mâchoire il y avait une tête laide. Il avait
des épaules à quatre voies, mais le pire
c’était ses mains. Elles étaient pleines de
durillons et de cicatrices. Chaque main
avait la taille d‘un poulpe de taille
moyenne. Je comptai même ses doigts
pour lever le doute.
La trilogie mexicaine est à paraître aux éditions Cénomane
Requiem pour une femme aux
cheveux blancs
inédit, écrit en 2003
NulleSalvadorien
Un
part il n’y avait
rentre
de au
chiens.
paysIl après
n’y avait
21 pas
anssid’exil.
longtemps,
Il y retrouve
la rue grouillait
d’anciens
de
compagnons
chiens
de toutes
qui les
onttailles,
tournédelatoutes
page, les
l’uncouleurs,
d’entre de
eux,tous
ex-guérillero
les regards.estSoudain,
même
devenu
plus
aucun
flic. chien.
Le protagoniste
Les gens est
ne lesemblaient
seul à ne pas
pas pouvoir
les regretter,
oublié,ilàs’efforçaient
ne pas pouvoir
de
tourner laenpage
marcher
zig-zag
de laavec
réconciliation
des yeux apeurés,
nationaleces
et àyeux
trouver
qui pervers
auparavant
ce qui
étaient
avait été
les
alors des
yeux
présenté
chiens.
comme un modèle de sortie de crise : intégrer au sein d’une Police
IlNationale
n’y avaitCivile
pas non
les anciens
plus d’enfants.
combattants,
Il n’y avait
guérilleros
pas si longtemps,
et membreslades
rueescadrons
grouillait
de la d’enfants
aussi
mort confondus.
qui jouaient
Il est avec
obsédé
les par
chiens,
le sort
fuyaient
d’un de
lesleurs
chiens
anciens
ou ignoraient
camarades,
les
mais surtout
chiens.
Soudain
de ses
il n’y
parents,
avait tombés
plus que
par des
sa faute
adultes,
entrebeaucoup
les mains d’adultes,
d’escadronstrop
de
la mort etetportés
d’adultes,
des groupes
disparus.
de Sa
jeunes
quête
quiconduira
rentraient
notre
de l’école,
protagoniste
ou allaient
à débusquer
à l’école.
sous écoles,
Sans
les traits
la rue
d’unaurait
pasteur
débordé
évangélique
de personnes
un desâgées,
plus terribles
et pas depsycopathes
tous les âges:
desil
escadrons
n’y
avait pasdedelagens
mort
de de
monl’époque
âge. De cinq
du conflit.
ans au-dessous
Elle l’amènera
à cinq ans
également
au-dessus
à de
se
souvenir
mon
âge ildun’ycadavre
avait personne.
abandonné dans une cache d’un industriel séquestré il y a
plus de vingt ans et qu’on avait tout bonnement oublié dans cette cache au
moment de la grande débandade.
Kosta
inachevé, 200-2009
Kosta avait
batailler
avecspécialisé
deux typesdans
qui s’étaient
perforé la tête
n’avaient
Kosta
est dûun
policier
la négociation
avecparce
les qu’ils
déments
qui
pas
obtenu certaines
conditions
rendre.
voulait
qu’on
lui raisonner
amène sa femme
pour
menacent
de se suicider.
Unpour
jour,seon
fait Un
appel
à lui
pour
le gardien
la
tuer maison
et aller en
prison
pour un
qui vaille
peine ; ilde
luiroulette
avait déjàrusse
démoli
le visage,
d’une
dans
le jardin
dedélit
laquelle
deslajoueurs
entrerrent
un bras et quelques côtes au cours d’une dispute du vendredi soir. Kosta ne trouva pas très
leurs perdants.
bien qu’il se fasse sauter la cervelle, comme il l’avait fait, mais mis à part le soubressaut
Cela le ramène à son enfance, son père -- montreur de marionnettes amateur
lorsque le coup avait retenti, il n’y avait pas eu non plus de quoi se mettre à pleurer. Ça
qu’il
dans
ses de
tournées
étant toujours,
mort enle jouant
à la
c’était accompagnait
fait rapidement ;souvent
à peine une
fraction
soupir et,--comme
quidam avait
roulette
quandavec
il était
petit.morceaux.
Mais est-il
vraiment
la
éclaboussérusse
la chambre
ses propres
Le pire
pour la mort
famille,ença jouant
avait dû àêtre
roulette
russe?
le nettoyage,
mais s’en inquiéter n’entrait pas dans ses attributions.
Allant se recueillir sur la tombe de son père, Kosta est témoin d’un entrerrement
étrange. Parmi les participants, il reconnaît un ami de son père, présent le soir du
drame…
La maladie a empêché Rafael Menjívar de mener ce projet à bien. Il en a écrit
quatre chapitres qui témoignent d’une maîtrise du genre qui aurait sans doute
fait de Kosta (titre provisoire) le meilleur de ses romans policiers.
L’œuvre non-policière
La nuit de Clarence
nouvelle
La Brújula (mensuel) n° 10
México D.F. , juin 1983, pp. 7-8.
Un policier, la nuit, emmène son fils sur un terrain vague pour lui apprendre à
tirer au pistolet. Que contient le sac que le père porte sur l’épaule? Il faut savoir
perdre lorsqu’on joue aux billes avec le fils d’un policier…
“…quand j’eus pressé la détente et que le Clarence se retrouva allongé sur le
sol je me demandai pourquoi je l’avais dit à mon papa, je ne pourrais plus
jamais jouer aux billes avec lui, parce qu’avec le trou qu’il avait dans la nuque il
devait être mort de chez mort.”
L’histoire du traître de Jamais Plus
EDUCA, Costa Rica, 1985
Cénomane, Le Mans, 1988
pour la trad. française
Il était une fois un policier laid à tête
Premier roman de Rafael Menjívar.
de policier qui, en planant, fit son
Xavier n’est pas un militant, c’est pour rendre service à
apparition entre les lampadaires et les
son frère qu’il accepte de transporter des prospectus
parcmètres de la forêt et atterrit tout à
dans le double fond de sa mallette. Mais c’est le titre du
côté d'un magasin, avec une petite
livre de Chandler Le simple art de tuer qui le rend suspect
vieille dans la vitrine et des bonbons
aux yeux des policiers, assez peu cultivés comme il va de
au miel dans les bocaux , un policier
soi, qui l’arrêtent ce jour-là…
laid à tête de policier qui lui demanda
où crois-tu aller, c'est à toi que je
cause, petit chaperon rouge …
Portrait de l’inconnu et de son
épouse
(inédit)
Deuxième roman de Rafael Menjívar.
En avril 1983, à Managua, la dirigeante « Ana-María » est sauvagement
assassinée de 35 coups de pics à glace. Le commando était dirigé par « Marcelo »,
responsable de la sécurité de l’organisation. Six jours plus tard le numéro un
« Marcial » se suicide.
À travers ce roman où s’entrecroisent éducation sentimentale et éducation aux
dures réalités de la politique, Rafael Menjívar s’interroge sur la version officielle
de ce crime.
Treize
Instituto Mexiquense de Cultura, Mexico, 2003
Cénomane, Le Mans, 2006, pour la trad. fr.
Par
désoeuvrement,
qu’il
n’a pas
d’objectif
dans
la les
vie,suicidés
le narrateur
décide
Hier
soir, j’en ai finiparce
avec le
monde,
comme
le font
tous
chaque
jour
de se
suicider.
Mais Une
il en chose
a tant vu
se sont juré
qu’ils
fin à leurs
de
chaque
année.
mequi
différencie
d’eux
: mettraient
j’ai la possibilité
de
jours sans passer
à l’acte
se fixe
une échéance:
treizeangoisse,
jours. puis à nouveau
recommencer,
comme
un qu’il
joueur
d’échecs.
Mort, misère,
un magistral
rebours
à l’envers,
commence
le jour deetsaà
laEnmort,
peut-êtrecompte-à
un brin de
bonheur,
un peu puisqu’il
plus de misère
et d’angoisse
mort, le la
narrateur
livre
journal
de ces
jours, sesetsouvenirs
ainsi
nouveau
mort. Onnous
remet
les son
pièces
en place,
ontreize
recommence,
la mort est
un
que ses
réflexions
de façonsde
demouvements,
mourir ou de de
ne positions,
pas mourir.d’inconnues,
point
parmi
tant et sur
tantautant
de possibilités
À laproblèmes.
fin se suicide-t-il
vraiment?
de
Les suicidés
qui ont réussi ont eu leur récompense, mais ils n’en
jouissent pas.
Instructions pour vivre sans peau
La Orquídea Errante, México, 2008
Cénomane, Le Mans, 2004, pour la trad. Fr.
Instructions pour vivre sans peau est l’histoire d’un Salvadorien qui à l’époque de
la guerre civile, rejoint la guérilla. D’opération en opération, il devient le chef
d’un petit groupe qu’il dénonce à la police par dépit amoureux. Ses camarades
sont torturés, mutilés, achevés, réduits à des morceaux de viande, des cadavres
de cadavres. Lui obtient un faux passeport et se refait une nouvelle vie – comme
tueur à gage – à l’étranger. Tous les ans, le jour anniversaire des faits, il obéit à un
étrange rituel, il donne rendez-vous à une femme mariée dans un hôtel de
Phoenix pour un rapport sexuel sans amour : il poignarde de son sexe le sexe de
sa partenaire.
Fantasme ou réalité?
Bref inventaire de toutes les
choses
Indole Editores, San Salvador, 2007
Cénomane, Le Mans, 2007, pour la trad. fr.
Le Bref inventaire est l’histoire d’un homme qui, après s’être
entraîné sur des lapins, décide de passer à la vitesse supérieure en
sculptant un corps de femme. On peut y voir une revisitation
pessimiste du mythe de Pygmalion ; on peut également y voir une
allégorie des Instructions, roman où les escadrons de la mort sont
appelés « les artistes de la chair ».
Comme Instructions ou Tierces personnes, nous ne découvrons
que pas à pas ce qui se passe, ce qui s’est passé, qui sont les
personnages: l’enquêteur, c’est le lecteur.
Bref inventaire de toutes les
choses
Maquiller le cadavre. Lui vernir les ongles. Lui enfiler une robe qui lui aille, de
préférence de couleur abricot pâle, sa préférée. Lui arranger les cheveux, les lui
peigner puis les lui décorer avec des des rubans et des fleurs, un détail
anachronique qui pourrait s’avérer seyant: Agathe — il faut bien le dire —
commençait à vieillir, même si les cadavres n’ont pas d’âge. Puis la remettre sur le
lit, souriante, les mains croisées sur sa poitrine. (Mais elle n’a pas de mains. Mais
elle n’a pas de lèvres.) Les jambes, les aligner délicatement, légèrement ployées,
légèrement séparées pour produire un effet quelque peu troublant, les pieds
peut-être unis par les talons, formant un angle de quarante-cinq degrés — un
degré de plus, un degré de moins —, avec une légère déviation vers la gauche par
rapport à l’angle du matelas afin d’obtenir un effet fortuit. (Mais les rotules:
comment les remettre? Et comment les emboîter parmi tant de viande déchirée,
de ligaments coupés et désormais inflexibles, matériau à l’air, sans peau qui le
contienne?)
Treize, Instructions pour vivre sans peau et Bref
inventaire de toutes les choses ont été adaptés au
théâtre par Claude Esnault
Tous les Cambodgiens
Compositeur, poète, essayiste, journaliste, scénariste de bandes dessinées, Rafael
Menjívar a peu écrit pour la scène: le livret d’une cantate, Les morts, et deux
pièces de théâre .
Ici, un homme attaché à une chaise subit un interrogatoire dont la brutalité est
essentiellement psychologique.
On ne découvre que dans les dernières répliques que son partenaire n’est pas un
flic mais un psychiatre.
Un monde où le ciel ne cesse de
tomber
Indole Editores, San Salvador, 2011
Cénomane, 2008, pour la trad.
Rafael Menjívar a peu pratiqué la nouvelle, qui ne lui permettait pas d’élaborer
les structures complexes qu’il aimait. Il y avait essentiellement recours afin
d’améliorer sa connaissances des personnages de ses romans. Certaines d’entre
elles mettent donc en scène Le Colonel (Cimetière d’automobiles), d’autres
policiers (Le Cubain) ou des hommes ayant eu la malchance d’en croiser la route
(Fade out).
Dans Une lumière qui ne s’éteint jamais, un papa dont la fille est malade assiste à
la veillée funéraire de la fille d’un usurier, nous plongeant dans une ambiance de
roman noir.
La lecture d’autres nouvelles comme La troisième porte ou Un monde où le ciel ne
cesse de tomber, du fait de leur caractère énigmatique, constituent une véritable
enquête dont le détective est le lecteur.
Temps de folie
FLACSO, San Salvador, 2006
Histoires de famille
En 1979, des militaires modérés s’emparent du pouvoir. Un gouvernement
provisoire est constitué, dirigé par un civil centriste. Or, quelques mois après
cette relative ouverture, la guerre civile éclate. Interrogeant tant les archives
que les acteurs de l ’époque, le détective Menjívar mène avec Temps de folie
l’enquête sur ce paradoxe…
Dans Histoires de famille (à paraître) il revient sur la tragédie de Managua:
Marcial a-t-il vraiment fait assassiner Ana-María comme le prétend l’histoire
officielle, pour qui son suicide est un aveu, ou bien n’aurait-il pas plutôt été
aimablement invité à se suicider, de manière à lui faire porter le chapeau,
comme dans les romans policiers de Rafael Menjívar, d’un crime commandité
par ceux – Cubains, Nicaraguayens et leurs alliés salvadoriens – qui n’avaient
pas intérêt à voir triompher ni la ligne de Marcial ni celle d’Ana María?
Crétins
inédit, 2011
C’est peu dire que Rafael Menjívar aura écrit jusqu’à son dernier souffle. Une
semaine encore avant son décès, et alors qu’il ne pouvait qu’à peine entrouvrir
les lèvres, il dictait encore à sa fille un texte étrange, qui racontait l’histoire d’un
crétin, hospitalisé au milieu d’autres crétins.
Ce crétin était un écrivain moribond, dont les œuvres étaient celles de Menjívar,
mais qui n’était pas Menjívar.
La douleur faisait revivre en lui les temps de la torture, les opérations à répétition
lui rappelaient les atrocités de l’époque des escuadrons de la mort et il demandait
pardon à ses personnages de les avoir tant meurtris.
Une seule chose apaisait ses souffrances: imaginer que tous ces crétins qui
mouraient avant lui, autour de lui, étaient des policiers…
Crétins
inédit, 2011
Je n’ai jamais voulu être un méchant. Je n’ai jamais écrit pour déplaire à qui que
ce soit. Tout du moins je ne m’en suis jamais rendu compte. J’ai écrit ce que j’avais
à écrire, et s’il y eu dans mes pages quelque chose de terrible, c’était sans
importance.
Je mens.
Un jour j’ai parlé d’un cadavre corrompu sculpté par un pauvre imbécile qui
n’avait pas su quoi en faire. C’est peut-être mon meilleur texte. J’ai peut-être su
dès le début que personne n’irait au-delà du troisème chapitre. Je suis certain de
l’avoir fait exprès. Mais même ainsi, je n’ai pas voulu être un méchant, rien qu’un
écrivain.
Conclusion provisore
Nous avons tous, en nous, quelque chose de policier… et il y a peu de textes de
Menjívar qui n’en aient beaucoup. Sa première nouvelle est l’histoire d’un fils de
policier, son premier roman s’ouvre avec l’aparition d’un policier laid à tête de
policier, son dernier texte met en scène un crétin qui s’imagine entouré de
policiers… Au-delà des raisons historiques qui expliquent cette obsession pour les
policiers, on est frappé par l’importance qu’a aux yeux de Menjívar l’enquête,
journalistique, historique, et même littéraire puisque souvent il ne nous livre dans
le désordre (comme dans la vie) que des éléments que c’est à nous, lecteurs,
d’assembler afin de reconstituer ce qui aurait pu être le fil des événements. Si lire,
comme vivre, c’est toujours tenter de résoudre une série d’énigmes, l’œuvre de
Menjívar en est une illustration particulièrement spectaculaire.
Il existe un enregistrement de la télévision britannique où Jacques Tati se livre à
l’imitation désopilante d’un gardien de la paix français, comparé à un gardien de
la paix anglais. Un policier n’est policier que dans son propre pays et le « flic »
mexicain (corrompu) ou le « flic » salvadorien (ancien paramitaire) ne peut pas
être le même que celui de Scotland Yard ou du quai des Orfèvres.
Dans une note postée sur son blog, Rafael Menjívar insistait sur le caractère
efficace du roman noir ou policier. C’est cette efficacité narrative qui l’a souvent
poussé à en emprunter des techniques, ainsi qu’à s’être pris d’affection pour le
genre, ne parvenant pas à refermer le cycle de ce qui ne devait au début n’être
qu’une trilogie.
Il ne faut donc pas voir dans son œuvre policière une activité en marge du reste
de son œuvre. Il y a, au contraire une cohérence profonde. Si, dans les polars les
corps sont joyeusement maltraités parce que c’est la loi du genre, on tue, on
meurt, on luxe les épaules, on éclate les visages contre les murs dans la plus
grande bonne humeur, il en va de même dans le reste de son œuvre, la bonne
humeur en moins, comme dans les deux masques allégoriques du théâtre
antique, la comédie et la tragédie.
La vision de la vie et de la mort qui y prévaut est bien la même. Rafael Menjívar
Ochoa en fait le Cinquième Commandement de ses Instructions pour vivre sans
peau: «Cinq. Tu ne mourras pas».
Liens utiles
Tribulaciones y astericos, le blog de Rafael Menjívar Ochoa
Les éditions Cénomane, l ’éditeur des traductions françaises de Rafael Menjívar
Le CERMO, site consacré à Rafael Menjívar Ochoa
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