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FLSH / CAPES Lettres Modernes
Cours de grammaire
11 octobre 2007
Jean-Paul Meyer
Les pronoms
Aspects morphologiques,
fonctionnels et sémantiques
courriel : [email protected]
Flexion
Les pronoms sont soumis à la variation en genre, en
nombre, en personne et en « cas », c’est-à-dire d’après
leur rôle fonctionnel dans la phrase.
Exemple de flexion liée à la fonction :
Je lui en veux pour ce qu’elle a dit.
Quelques uns d’entre eux, comme personne, quelque
chose ou rien, qui semblent invariables, ont en réalité
un statut neutre, c’est-à-dire masculin singulier par
défaut, comme le montrent leurs emplois :
Personne n’est venu. Quelque chose est arrivé.
Le tableau ci-dessous résume les types de flexion
appliqués à chaque sous-catégorie :
Personnels Possessifs Démonstratifs Relatifs Interrogatifs Indéfinis
*
*
***
Genre
x
x
x
x
x
x
Nombre
x*
x*
x***
x
x
x
Personne
x
x
« Cas »
x**
x**
x
* : concerne les formes composées
** : concerne les formes simples
*** : la flexion est irrégulière
Les pronoms personnels
Les formes pronominales dites personnelles sont
proportionnellement les plus nombreuses, pour trois
raisons :
– elles connaissent quatre cas de flexion, ce qui
démultiplie les variantes ;
– elles connaissent pour la plupart deux positions
syntaxiques, l’une conjointe au verbe, l’autre disjointe ;
– elles désignent un référent soit de façon déictique soit
de façon anaphorique.
• La forme conjointe des pronoms personnels, appelée
également forme clitique, regroupe l’ensemble des
unités pronominales antéposées au verbe, qu’elles
soient sujet ou objet, qu’il y en ait une ou plusieurs :
Je parle
Je lui parle
Je lui en ai parlé
• La forme disjointe des pronoms personnels (dite
également non clitique) regroupe l’ensemble des
unités pronominales qui peuvent constituer un
syntagme nominal ou un nom expansé postposé au
verbe, voire potentiellement autonome :
Je n’y suis pour rien, moi !
Viens donc avec nous !
— C’est à qui de jouer ? — À toi !
• Un pronom est déictique lorsque son interprétation (c’està-dire l’identification de son référent) nécessite le recours à
(ou la connaissance de) la situation de communication dans
laquelle il est employé.
Ainsi, pour savoir qui est « je » dans :
Je suis un vieux fan des Bee Gees.
il faut savoir qui parle.
• Un pronom est anaphorique lorsqu’il renvoie (par
reprise ou par désignation) à un référent déjà évoqué ou
proche (proximité temporelle ou spatiale).
Ce référent évoqué peut se trouver dans l’environnement
textuel (cas classique) ; il peut également être inféré à
partir de ce qui est connu (mémoire immédiate,
connaissances partagées).
Cas classique
Jean avait maigri, il semblait plus vieux de dix ans.
Cas d’inférence
Nom d’une pipe, il est gonflé !
(dit devant France-Argentine en voyant un joueur s’essuyer les crampons sur un adversaire)
Cas de connaissances partagées
Le dernier Modiano est sorti, tu vas l’acheter ?
(les protagonistes de la conversation savent qu’on parle d’un livre)
Les pronoms possessifs
Contrairement aux pronoms personnels, tous monosyllabiques, les pronoms possessifs sont construits en deux
syllabes, et toujours d’après la même structure :
article défini + marqueur possessif
fusion entre préposition de
(connecteur déterminatif) et
pronom personnel disjoint
(marquant le possédant)
Cette maison est la mienne = Cette maison est [la maison] [de moi]
[la maison] [de moi] = ma maison
Ces livres sont les siens = Ces livres sont [les livres] [de lui / de elle]
[les livres] [de lui / de elle] = ses livres
Dans cette situation, l’article défini est la trace du nom
référant à l’objet possédé ; sa variation en genre et en
nombre (le, la, les) correspond donc au genre et au nombre
de ce nom.
Pour la même raison, le marqueur possessif porte à
l’initiale la trace de la personne du possédant. En finale
cependant, ce marqueur porte, à l’écrit et à l’oral, la flexion
de l’objet possédé (genre et nombre).
Ne perds pas ces copies, ce sont les miennes
détermination de
l’objet possédé,
toujours définie
trace du marqueur
possessif
(ici moi)
flexion se rapportant à
l’objet possédé (ici
féminin pluriel)
Les pronoms démonstratifs
Les pronoms démonstratifs, tous formés d’après le
désignateur ce, ne connaissent pas de variation liée à
la personne parlante ou référée. Seuls le genre et le
nombre peuvent varier, et toujours en fonction du
référent désigné.
Les pronoms démonstratifs présentent cependant
deux caractéristiques intéressantes.
.../...
1) Ils se répartissent en une forme simple (non autonome),
nécessitant l’ajout d’un déterminatif
J’ai vu tous les films de Buñuel,
mais je préfère ceux du début.
et une forme composée, autonome et généralement déictique
Quel tableau préfères-tu ? Celui-ci.
2) Chacune des deux formes comprend un pronom dit
neutre, ce dans la première série, ceci/cela dans la
deuxième. Ce pronom « neutre » a cependant tendance à
être remplacé, dans la plupart de ses emplois, par la forme
unique ça.
Autres pronoms
La morphologie flexionnelle des pronoms
interrogatifs et indéfinis est très limitée :
relatifs,
– les formes simples des relatifs et des interrogatifs varient
d’après la fonction du nom référé (sujet/objet)
Où est la lettre que j’avais préparée ?
Qui veut un bonbon ?
– leurs formes composées varient d’après le genre et le
nombre du nom référé (antécédent/interrogation)
Le garçon avec lequel j’ai voyagé était sud-africain.
Il y a deux routes pour Willer. Laquelle est la meilleure ?
Les pronoms indéfinis, qu’ils soient quantificateurs
(plusieurs, aucun, chacun) ou identificateurs sous
forme de locution pronominale (le même, un autre)
ont une flexion irrégulière ou incomplète
(seulement en genre ou seulement en nombre), et
parfois dépendante de leur valeur sémantique
propre.
Syntaxe des pronoms
La vaste catégorie des pronoms se divise en six sousgroupes : pronoms personnels, possessifs, démonstratifs,
relatifs, interrogatifs et indéfinis.
Malgré des variations sémantiques et morphologiques
différentes (certains pronoms ne subissent aucune forme
de flexion, d’autres en subissent quatre), la famille est
homogène du point de vue des rôles syntaxiques.
.../...
Les pronoms peuvent en effet aussi bien désigner les
participants ou les événements de l’énoncé que les
représenter.
Un pronom peut reprendre un SN (cf. 1), un SAdj (cf. 2) ou
un SP (cf. 3), voire une proposition ou une phrase (cf. 4).
1) Il a gagné la partie facilement,
alors qu’il avait failli refuser de la jouer.
2) Il était toujours tiré à quatre épingles,
et moi, c’est sûr, je ne l’étais jamais.
3) On a dit à Léa que sa fille lui ressemblait
de plus en plus.
4) Je ne sais pas à quelle heure Max rentrera.
Il ne l’a pas dit.
Les pronoms peuvent par ailleurs remplir la plupart des
fonctions dans la phrase : sujet (cf. 1), attribut (cf. 2), complément direct ou indirect d’objet premier ou second (cf. 3),
complément du nom (cf. 4), de l’adjectif ou du verbe au
passif et complément circonstanciel (cf. 5).
1) Beaucoup y sont allés en croyant que ce serait facile.
2) Je suis fatigué ce matin. Tu ne l’es pas, toi ?
3) Il faut retrouver le dossier de Max et le lui remettre.
4) Il vérifia toutes les clés, sans retrouver la sienne.
5) Tu as revu Léa quand ? La semaine dernière.
Sémantique des pronoms (catégorisation)
Les pronoms partagent avec les déterminants la
possibilité de catégoriser ou de spécifier le référent
désigné.
Dans la phrase
— Vous aimez les chats ?
— Oui, mais je n’en ai jamais eu.
le pronom en prélève dans la catégorie générique
« chats » un individu particulier.
.../...
Dans la phrase
La directrice a convoqué les parents,
mais certains ne sont pas venus.
le pronom certains fabrique, à l’intérieur du groupe
« les parents » (tous les parents, groupe complet donc
défini) un sous-groupe « des parents », indéfini,
représentant, de façon imprécise, ceux qui ne sont pas
venus.
Exercice de repérage
Dans le premier paragraphe de ce texte, identifiez et classez les pronoms
Dans le deuxième paragraphe, distinguez les pronoms conjoints des pronoms disjoints
La réflexion naît des idées comparées, et c’est la pluralité des idées qui porte à les
comparer. Celui qui ne voit qu’un seul objet n’a point de comparaison à faire.
Celui qui n’en voit qu’un petit nombre, et toujours les mêmes dès son enfance, ne
les compare point encore, parce que l’habitude de les voir lui ôte l’attention
nécessaire pour les examiner : mais à mesure qu’un objet nouveau nous frappe
nous voulons le connaître ; dans ceux qui nous sont connus nous lui cherchons des
rapports. C’est ainsi que nous apprenons à considérer ce qui est sous nos yeux, et
que ce qui nous est étranger nous porte à l’examen de ce qui nous touche.
Appliquez ces idées aux premiers hommes, vous verrez la raison de leur barbarie.
N’ayant jamais rien vu que ce qui était autour d’eux, cela même ils ne le
connaissaient pas ; ils ne se connaissaient pas eux-mêmes. Ils avaient l’idée d’un
père, d’un fils, d’un frère, et non pas d’un homme. Leur cabane contenait tous
leurs semblables ; un étranger, une bête, un monstre étaient pour eux la même
chose : hors eux et leur famille, l’univers entier ne leur était rien.
Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues, [v. 1760], chap. IX.
Questions d’analyse
Dans le texte de Rousseau, considérez la fréquence des pronoms
(25%) et leur place dans la progression de l’argumentation.
Quelles remarques pouvez-vous faire ?
Examinez en particulier la phrase
Celui qui n’en voit qu’un petit nombre, et toujours les mêmes dès
son enfance, ne les compare point encore, parce que l’habitude de
les voir lui ôte l’attention nécessaire pour les examiner.
Quelle est la fonction principale des pronoms ? Pourquoi ?
Etudiez les différents statuts du pronom nous dans la phrase
C’est ainsi que nous apprenons à considérer ce qui est sous nos
yeux, et que ce qui nous est étranger nous porte à l’examen de ce
qui nous touche.
Corrigé de l’exercice de classement (§ 1)
Corrigé de l’exercice de classement (§ 2)
Corrigé des questions d’analyse :
...au prochain cours
…/…
LA CHÈVRE DE M. SEGUIN (extrait), d’Alphonse Daudet
[...] Tout à coup le vent fraîchit. La montagne devint violette ; c’était le soir.
— Déjà ! dit la petite chèvre ; et elle s’arrêta fort étonnée.
En bas, les champs étaient noyés de brume. Le clos de M. Seguin disparaissait dans le brouillard, et de la
maisonnette on ne voyait plus que le toit avec un peu de fumée. Elle écouta les clochettes d’un troupeau
qu’on ramenait, et se sentit l’âme toute triste... Un gerfaut, qui rentrait, la frôla de ses ailes en passant. Elle
tressaillit...
Puis ce fut un hurlement dans la montagne :
— Hou ! hou !
Elle pensa au loup ; de tout le jour la folle n’y avait pas pensé... Au même moment une trompe sonna
bien loin dans la vallée. C’était ce bon M. Seguin qui tentait un dernier effort.
— Hou ! hou !... faisait le loup.
— Reviens ! reviens !... criait la trompe.
Blanquette eut envie de revenir ; mais en se rappelant le pieu, la corde, la haie du clos, elle pensa que
maintenant elle ne pouvait plus se faire à cette vie, et qu’il valait mieux rester.
La trompe ne sonnait plus...
La chèvre entendit derrière elle un bruit de feuilles. Elle se retourna et vit dans l’ombre deux oreilles
courtes, toutes droites, avec deux yeux qui reluisaient... C’était le loup.
Énorme, immobile, assis sur son train de derrière, il était là regardant la petite chèvre blanche et la
dégustant par avance. Comme il savait bien qu’il la mangerait, le loup ne se pressait pas ; seulement, quand
elle se retourna, il se mit à rire méchamment.
— Ha ! ha ! la petite chèvre de M. Seguin ! et il passa sa grosse langue rouge sur ses babines d’amadou.
Blanquette se sentit perdue... Un moment, en se rappelant l’histoire de la vieille Renaude, qui s’était
battue toute la nuit pour être mangée le matin, elle se dit qu’il vaudrait peut-être mieux se laisser manger
tout de suite ; puis, s’étant ravisée, elle tomba en garde, la tête basse et la corne en avant, comme une brave
chèvre de M. Seguin qu’elle était... Non pas qu’elle eût l’espoir de tuer le loup, – les chèvres ne tuent pas le
loup, – mais seulement pour voir si elle pourrait tenir aussi longtemps que la Renaude...
Alors le monstre s’avança, et les petites cornes entrèrent en danse.
Ah ! la brave chevrette, comme elle y allait de bon cœur ! Plus de dix fois, je ne mens pas, Gringoire,
elle força le loup à reculer pour reprendre haleine. Pendant ces trêves d’une minute, la gourmande cueillait
en hâte encore un brin de sa chère herbe ; puis elle retournait au combat, la bouche pleine... Cela dura toute
la nuit. De temps en temps la chèvre de M. Seguin regardait les étoiles danser dans le ciel clair et elle se
disait :
— Oh ! pourvu que je tienne jusqu’à l’aube...
L’une après l’autre, les étoiles s’éteignirent. Blanquette redoubla de coups de cornes, le loup de coups de
dents... Une lueur pâle parut dans l’horizon... Le chant du coq enroué monta d’une métairie.
— Enfin ! dit la pauvre bête, qui n’attendait plus que le jour pour mourir ; et elle s’allongea par terre
dans sa belle fourrure blanche toute tachée de sang...
Alors le loup se jeta sur la petite chèvre et la mangea. [...]
Texte et exercice
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