Masques, jeux de dissimulation et construction d`itinéraires

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Transcript Masques, jeux de dissimulation et construction d`itinéraires

Masques, jeux de dissimulation et
construction d’itinéraires
thérapeutiques dérobés dans les
UPEC du Centre
Par C.R. Bonono, P. C. Bilé, S.
Boyer
Méthodologie
• Données collectées dans les neuf UPEC
de la province du Centre que couvre le
projet STRATALL
• Plus de 100 entretiens semi-directifs
réalisés avec des ARC recrutés dans
toutes les UPEC, des dispensateurs
d’ARV, des médecins prescripteurs, des
infirmiers prescripteurs et des PVVS.
• Il existe désormais deux itinéraires
thérapeutiques au sein des hôpitaux (du
classique ou « normal » à l’ « anormal »,
au « non quotidien »).
 Itinéraire classique, quotidien
 Itinéraires dérobés (procession ou
banalisation du dossier, médecins
mobiles, pharmacie bis, etc.)
1- Un contexte contraignant
• Les UPEC se situent généralement dans
les zones rurales ou dans les petites villes
• Ces milieux sociaux présentent des
caractéristiques favorables à la
propagation des informations de seconde
main et les indiscrétions diverses sont
courantes.
• Faible taux d’alphabétisation des
populations (favorise la désinformation).
• Les savoirs qui nourrissent les
représentations de cette maladie en
donnent des images dramatiques et
résistantes.
• Dans ce contexte, le recours récurrent à
l’hôpital pose un énorme problème, car il
augmente le risque de divulgation du
statut sérologique.
• La demande des soins et la réponse qui y
est apportée dans les UPEC ont tendance
à s’inscrire dans la clandestinité où l’enjeu
perdu d’avance est celui de rendre
invisible une réalité grandissante : le
malade du SIDA.
2- L’UPEC virtuelle et l’UPEC
réelle
• Au Cameroun, l’idée est venue
d’insérer au sein de l’hôpital des
UPEC et des CTA totalement
invisibles à l’œil.
• Plusieurs techniques de banalisation
• 1) L’UPEC est souvent située dans des coins
dérobés, ou dans des bâtiments anonymes,
sans écriteau, ou encore des lieux portant un
écriteau, mais n’abritant aucun service de
l’UPEC, ou enfin dans des lieux où se réalisent
des activités multiples
• 2) L’éclatement des services de l’UPEC et leur
fonte dans les autres services de l’hôpital
(laboratoire, pharmacie, etc.)
• 3) L’utilisation du personnel médical : les
formations sanitaires ont décidé de
masquer le rôle de ces personnels en leur
ajoutant d’autres taches à l’hôpital. Ces
dispositions entraînent des tiraillements et
une surcharge de travail.
3- La fiction dans la
quotidienneté hospitalière
• « Nous tournons les films ici ».
• Ces « conspirateurs du silence » doivent
inventer des astuces, des ruses que pour
protéger les PVVS des regards indiscrets, réels
ou supposés.
• Hantise du regard et de la rencontre fortuite de
personnes familières
• Il s’ensuit une surprotection des PVVS au
détriment des autres malades.
• Les PVVS bénéficient de passe-droits
divers et de nombreux avantages (priorité,
itinéraires spéciaux, accès aux soins, etc.)
• Ambiance de soupçon, d’insécurité et de
conflits permanents : accusations
mutuelles et chantage
4- Une prise en charge
différentielle et sans cesse
réinventée par des arrangements
entre soignants et PVVS
• Dissimulation du statut des malades, prise en
charge dans la clandestinité.
• Intervention des intermédiaires dans
l’observance du traitement et la prise en charge
en général.
• Arrangements et négociations avec les
médecins, les autres membres du
personnel médical, ou encore d’autres
membres de la famille, avec la complicité
des soignants (en particulier les
pharmaciens et les ARC).
• Cela induit une surcharge et une
désorganisation du travail qui influencent
négativement la prise en charge et la
perception du PVVS :
l’aide à l’observance est perturbée
 l’identification et la recherche des perdus
de vue est compliquée.
Conclusion :
« Le mensonge a des courtes
jambes »
• Tous les efforts de dissimulation du
malade de SIDA aboutissent
paradoxalement à des « effets
émergents » contraires.
au lieu de cacher le malade de SIDA, le
mode de déstigmatisation en vigueur
participe à apposer le stigma sur les
PVVS. Ce n’est plus seulement la société
qui stigmatise mais les formations
sanitaires qui construisent le stigma.
Le grand paradoxe de cette lutte contre la
stigmatisation est le renforcement des
peurs et la construction de représentations
dramatiques de la maladie; ce qui
hypothèque la prise en charge et enferme
les malades du SIDA et leurs soignant
dans la clandestinité.