FX FABRE - Musée Fabre

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François-Xavier Fabre
Un peintre imprégné de son époque
Après une formation académique rigoureuse, lente et méticuleuse à Montpellier, François-Xavier
Fabre entre dans l’atelier de David en 1783. Obtenant le prix de Rome en 1787 devant Girodet, il
se rend à Rome et ne tarde pas à s’imposer comme l’un des meilleurs espoirs français et l’héritier
de la grande tradition de Raphaël, Poussin et David. Ancré dans un contexte social en pleine
évolution au tournant de la révolution, où le goût grandissant de l’antique sert à incarner les idéaux
nobles de cette pensée en mouvement, Fabre se démarque de ses contemporains par une
pratique non linéaire en décalage avec la production artistique de son temps: avec lui les genres
et les tentatives stylistiques se côtoient, l’interprétation de thèmes bibliques et mythologiques
montrent une telle érudition dans leur illustration qu'ils semblent l'essentiel de son propos. Est-ce
par conviction, par goût, ou plutôt pour répondre à une clientèle cosmopolite, européenne mais
conservatrice qu’il choisit de tourner le dos à la fois au classicisme trop poussé d’Ingres et au
romantisme naissant de Gros ? C’est en tout cas pour prendre du recul qu’il choisit de s’installer à
Florence, où son amitié avec la comtesse d’Albany et le poète Alfieri lui ouvre les portes de la
reconnaissance d’une pratique certes inscrite inconditionnellement dans le rapport constant aux
maîtres, à une certaine tradition, mais qui a montré qu’elle n’était pas exempte d’une forte
personnalité et sensibilité.
Autoportrait jeune
1783-1786
L’art ça s’apprend !
La formation académique
Depuis sa création en 1667, l’académie royale de peinture et de sculpture1 règlemente de façon rationnelle tout dessein de création,
établissant une hiérarchie de genres dont le plus grand et noble est la peinture d’histoire comprenant des sujets religieux,
mythologiques et historiques, incarnant un message moral, des vertus. Suivent ensuite les scènes de la vie quotidienne (scènes de
genre), les portraits, les paysages et les natures mortes.
C’est par l’enseignement du dessin que chaque artiste aspirant à devenir académicien, - après avoir obtenu le prix de Rome, s’être
rendu en Italie pour parfaire sa formation, avoir présenté son « morceau de réception »-, reçoit une formation intellectuelle complète
qui aborde autant l’art de peindre que la rhétorique, la poésie et l’histoire, enseignements indispensables pour l’incarnation d’une
idée supérieure traduite par la forme.
1. Cf. (Re)-découvrir les collections du musée Fabre, l’idéal Classique
Toutes les oeuvres reproduites sont de François-Xavier Fabre sauf annotation particulière
De l’étude anatomique au corps dans l’œuvre
La représentation du corps : Un prétexte à l'incarnation de sujets « nobles »
Au cœur de l’enseignement du dessin à l’académie et ensuite dans l’atelier du peintre David dont l’« Hector » de 1778 servit de
modèle pour ses élèves, incarnation du héros, représenté de préférence nu pour approcher la beauté naturelle et idéale, illustration
d’un épisode mythologique ou antique, il s’adapte au sujet traité épousant alors des styles différents.
L’usage étant que l’artiste accepté à l’annexe de l’académie royale, l’académie de France à Rome, devait exécuter des travaux
attestant de ses progrès, F-X. Fabre réalise durant sa période romaine (1787-1792) de nombreuses toiles qu’il envoie à
l’administration parisienne dont le Saint Sébastien expirant (3) de 1789, le Soldat romain au repos de 1788, le Repos du gladiateur
de 1789 (1) et Abel expirant de 1790 (2) qui fut exposé au salon de 1791 et dont on a loué la régularité du dessin, le choix des plus
heureuses formes, le style grave et noble, etc.….…
L' école de David, qui influença ses choix plastiques – style résolument antiquisant, sévère et réaliste – transparait à travers ces
commentaires. F-X Fabre ne reconnaissait de qualité qu’au genre de peinture apprise chez son maître, refusant avec véhémence
aussi bien l’Ingrisme que le romantisme.
Il en adopta la méthode rigoureuse qui veut que chaque composition soit le fruit de nombreuses esquisses, dessins, études
préliminaires, recherches de composition à tous les stades d’achèvement avec divers outils : de la mine de plomb, à la plume, au
dessin modelé au lavis….ne laissant que peu de place à la spontanéité dans le but suprême d’atteindre l’idéal de beauté et de vérité
de l’œuvre.
Corps dans l’œuvre ou corps de l’œuvre.
Il diffèrent selon le sujet traité : les corps romains se montrent virils, robustes, sculpturaux prêts à l’action alors que les corps des
Saint Sébastien, des Adonis, des Narcisse s’assouplissent, se courbent, chutent avec une plus grande sensualité.
L’abandon est sensible dans La descente de croix de 1809, la résistance de Philoctète dans Ulysse et Neptolème enlèvent à
Philoctète les flèches d’Hercule en 1800, l’assurance dans Le Jugement de Pâris de 1808. Si les études de corps constituent une
référence et un répertoire de formes à disposition, il faut noter avec quelle aisance F-X. Fabre leur donne une existence propre, de
plus en plus sensible avec le temps où l’exactitude côtoie l’expression associée à une grande théâtralité.
Saint Sébastien, 1791
1
Décalque de la mort d’Adonis,
1792 ,détail
2
3
Le peintre d’histoire
Le choix des sujets
François-Xavier Fabre se destinant à la peinture
d’histoire se plie, comme tout artiste de cette époque à la
règlementation sévère de l’académie dans laquelle il se
reconnaît parce qu’elle répond à son goût personnel
pour l’antique et les textes classiques – il parle le grec et
le latin, se constitue une admirable bibliothèque - et
parce qu’elle incarne aussi le dogme de la supériorité
absolue de la civilisation et de l’art de l’antiquité en ce
qu’ils sont le seul moyen « d’être grands, et si possible,
inimitables »1, chère à son époque suivant les pensées
de Winckelmann.2
Toutefois, bien que son œuvre soit encore partiellement
inconnue du fait d’une clientèle essentiellement
étrangère à Florence, sa production semble avoir été
peu abondante du fait de multiples occupations et de
problèmes de santé. Certains projets sont d’ailleurs
restés à l’état d’esquisse (c’est malheureusement par
des œuvres préparatoires que l’on connaît sa période la
plus féconde) et ce n’est pas cette partie de son œuvre
qui assura sa notoriété.
Les sujets traités par F- X Fabre sont essentiellement inspirés
de l’histoire antique: textes d’Ovide, d’Homère et tragiques
grecs; dans les tragiques modernes, il ne s’inspirera que des
textes d’Alfieri, se détournant totalement et malgré certaines
suggestions de ses commanditaires (dont son ami Clarke), de
l’histoire nationale ayant inspiré Ossian, Atala, Corinne dont l’
engouement naissant pour la veine troubadour s’accentue
depuis le consulat. Son répertoire extrêmement conformiste,
reprend donc des thèmes traités par ses contemporains et ses
prédécesseurs immédiats. Mais le choix des compositions,
l’ajout de détails significatifs exacts, en accord avec les textes
qu’il fréquente quotidiennement affirment sa singularité.
Notons que le point de tension crée
par David à l’entrecroisement des
pieds est repris par Fabre dans de
nombreuses compositions, comme
par exemple:
Des références multiples
Au début, il partage les recherches de ses confrères:
Par exemple, le thème des Horaces dont « Le serment
sur le corps de Lucrèce » (1) esquisse au crayon noir, est
traité par Desmarais (Horace tue sa sœur Camille 1785)
mais renvoie au « Serment des Horaces » de David de
1784 (2) : on peut rapprocher la composition des deux
groupes distincts, le sol en perspective, l’arrière plan
tripartite, et en apprécier les différences, inversion de la
disposition des groupes, recouvrement du fond avec un
voile-rideau souvent employé à l’époque pour fermer la
composition etc.
1
-dans « Marius et le Gaulois »,
esquisse, 1796, qui renvoie
également à Drouais.
-« Nabuchodonosor fait tuer les
enfants de Sédécias sous les yeux
de leur père », 1787 où l’ évidement
plus large enferme un autre groupe.
2
Puis, des sujets plus originaux se rapprochent du répertoire des amours mythiques ou au cycle homérique que nous connaissons
par plusieurs dessins des années 1797-1798. Durant cette période, il montre un style empreint de « l’antique aimable de Vien »
et de l’élégance de son ami Gauffier. Les femmes sont généralement inquiètes et éplorées, les hommes incarnent la force et la
détermination.
Flaxman,
Ulysse et Circé 1810
Léandre retiré des eaux ,1797
Détail illustrant la théâtralité
Le jugement de Pâris, 1808
Composition en frise, raideur des personnages.
Marius et le gaulois,1796
Force et dramatisation
On retrouve la ligne sobre, pure et élégante de Flaxman dans les esquisses et peintures de cette époque illustrant les textes antiques
grecs, (ou les textes sacrés) dont il s’applique à rendre la grâce et l’élégance, avec un traitement du visage plus ou moins stéréotypé (nez
grec, arcades sourcilières tombantes), les plis des vêtements accentués, une émotion contenue, des attitudes mondaines, des
mouvements théâtraux, une universalité des concepts….une composition en frise et des poses contrastées (tête de profil, corps de face,
ou l’inverse).
Il n’en est pas de même pour le traitement de thèmes relatant les épisodes romains où le goût pour les corps hyperréalistes, dont la
musculature, la robustesse, la détermination, la sévérité sont mis en avant par le jeu des ombres et des lumières, où les muscles souples
d’un Abel ou d’un Pâris se transforment en muscles noueux d’un Marius et où l’expression appuyée des visages accentue le caractère
dramatique de l’action figée dans l’instant.
Généralement, peu de figures, des groupes différenciés sont placées dans un décor sobre, intelligible, où quelques détails raffinés
informent sur le moment historique choisi de l’action représentée.
Avant tout peintre réaliste (son Abel expirant fut très apprécié pour son intense présence physique, une certaine dimension érotique et sa
précision incongrue du détail), ses tentatives stylistiques s’entremêlent, se croisent, grâce ou force, l’un et l’autre servent la représentation
pour un peintre accompli.
1. François-Xavier Fabre, peintre et collectionneur, l’objet d’art, Laure Pellicier
2. "Beauty is one of the greatest mysteries of nature." (Winckelmann in The History of Ancient Art, 1764)
Peintre classique plus que néo-classique
Parmi d’autres sources classiques, il s’inspire de Raphaël pour Le jugement de Pâris (entre autre), et de Poussin pour de nombreux
thèmes1 la richesse de ses compositions et la beauté de ses expressions qu’il s’emploie à mieux différencier à partir de 1800.
Réinterprétation
d’une
composition
de Poussin pour l’illustration de
cette scène dont le protagoniste
fut un roi Babylonien vers 600 av
JC et détruisit le temple de
Salomon.2 La référence à
l’histoire, Composition de
Poussin est ici intéressante pour
le renversement de situation
proposé…
Nicolas Poussin, Le jugement de Salomon, dessin et
lavis, 1648/49
François-Xavier Fabre Nabuchodonosor fait tuer les
enfants de Sédécias sous les yeux de leur père,
esquisse,1787
Les renvois divers donnent à penser qu’il manqua peut-être d’audace et pourtant les emprunts ne sont jamais littéraux. Il puise
durant toute sa vie dans un répertoire de motifs et de figures qu’il transforme, transfigure selon le propos qu’il choisit de servir. Il a
parfois montré une veine fantasque, sombre, comme dans Œdipe et le sphinx, ou La vision de Saül mais en collectionneur averti
c’est par goût personnel qu’il se tourna de plus en plus vers l’art classique de Raphaël et de Poussin, tournant le dos aux
nouvelles tendances stylistiques en cours.
1.
2.
Voir les textes du service éducatif du musée, l ’Idéal Classique Vénus et Adonis de Poussin
Dès la première année de son règne il soumit Jérusalem et y établit un protectorat. Le roi de Juda, Joachim ne supportant pas la situation, complota avec les Egyptiens.
Nabochodonosor réagit en soumettant de nouveau Jérusalem le 16 mars 597 av. J.-C.,en déportant la famille royale et une partie de la population, et en installant sur le trône
Sédécias. Mais ce dernier complota à son tour contre Nabuchodonosor qui dut revenir une troisième fois Jérusalem, en 586 av. J.-C. pour soumettre la ville. Le temple de
Salomon fut détruit et toute la population juive fut déportée, formant ainsi la première diaspora.
Le peintre religieux
A l’instar des artistes de son temps marqués par l’esthétique néo-classique, F6X Fabre s’intéresse à tous les genres de la peinture, dont
la peinture religieuse. Là encore sa pratique n’est pas linéaire, et plutôt réservée. S’il la pratique durant toute sa vie, il l’ alterne avec les
autres genres.
Ses premières tentatives datent de la période romaine et concernent surtout des exercices touchant à sa formation, comme c’est le cas
pour le Saint Sébastien de 1789. Il copie entre autre le Crucifiement de Saint-Pierre de Guido Reni pour le roi, La vierge à la chaise de
Raphaël, qui confirment son goût classique.
Une commande pour les Pénitents Bleus de Montpellier
C’est en 1790 que le mécène Philippe-Laurent de Joubert lui propose cette commande d’un tableau dont le sujet est au choix du
peintre. F-X Fabre s’arrête finalement sur le thème de La prédication de Saint jean- Baptiste. Comme pour les autres œuvres, un
nombre important d’esquisses, d’études de poses, de draperies, de composition se succèdent passant d’un schéma baroque et
dynamique à un schéma sur deux registres, plus clair où Saint Jean-Baptiste harangue la foule.
Personnage nu, barbu, de
profil à droite, les bras
levés;
Une étude de tête
1790 – 1792
Sanguine, mis au carreau
Personnage nu et barbu,
drapé
1790 – 1792
Crayon noir et craie
blanche sur papier bistre
Personnage drapé,
barbu, assis de profil à
droite, lisant un
parchemin, mine de
plomb, crayon noir et
craie blanche sur papier
bistre
Prédication de Saint
Jean-Baptiste
1790 – 1792
Plume et lavis de sépia,
rehauts de blanc sur papier
bleuté
Prédication de Saint
Jean-Baptiste
- Esquisse -1790
Huile sur Toile, papier
marouflé sur toile
Prédication de Saint
Jean – Baptiste
- Esquisse 1790 – 1792
Huile sur Toile
1
2
Les études préparatoires présentées pour cette exposition sont d’un grand intérêt
montrant les recherches de F- X Fabre
passant du nu, au nu habillé, à la recherche de composition, de la sanguine au crayon
noir, à la mine de plomb, au lavis
de sépia… pour aboutir à « La » composition parfaite, que la dernière esquisse laisse
augurer, l’abandon du projet du fait de
la dissolution de la compagnie en 1791 et de la mort de Joubert en 1792, n’ayant permis
sa réalisation.
De la même époque date Suzanne et les vieillards (1791) où la composition à mi-corps
à la fois monumentale et dynamique
renvoie à la fois au modèles des peintres bolonais du XVII éme siècle (Reni, Guerchin) et
à David pour l’étude du vieillard barbu et le visage de Suzanne (Andromaque)
Toutefois, sa peinture se fait ici plus émotionnelle jouant déjà sur une lumière en clair-obscur plus apte à
illustrer le thème biblique, la pureté de Suzanne rendue par la blancheur de sa chair opposée aux teintes
rouges-bruns sombres des deux hommes dont les visages très expressifs, déterminés s’opposent là
encore à sa crainte et candeur. Clair-obscur encore plus poussé quelques années plus tard avec la
délivrance de Saint Pierre de 1802 et d’autres études peintes incarnant le thème de la passion. La
descente de croix de 1809 joue aussi de cette lumière qui différencie les plans et appelle le regard sur le
christ dont le corps est encore en proie à l’abandon.
Pourtant, vers 1800 il faut noter l’importance d’un traitement
classique dans la tête de Christ, ou la Sainte Famille de 1801.
Dans cette œuvre la composition équilibrée, statique où la pyramide créée par la vierge, l’enfant et Saint
Jean Baptiste, se superpose à celle formée par Joseph, Marie et la base du groupe, isole le groupe du
paysage classique composé de façon idéale (ruines gréco romaines, paysage italianisant renvoyant aux
peintres français du XVII éme siècle…).
3
1. Susanne et les
vieillards 1791
2. Délivrance de
Saint Pierre 1802
Plume et lavis de
sépia, rehauts de
blanc
3. Descente de Croix
vers 1809
Considérée comme su capo d’opéra cette œuvre marque
son intérêt croissant pour les thèmes religieux à cette
époque et surtout l’influence de Raphaël, Poussin et de
Dolci qu’il fera entrer dans sa collection. Il montre une
grande maturité dans la composition, où les formes se
répondent, la noblesse et le réalisme adouci des
expressions.
4. La Sainte Famille 1801
Art et littérature
Si son célèbre Abel expirant de 1791 renvoie plus à un poème de Salomon Gessner « La mort d’Abel » écrit en 1758 1 qu’à l’épisode
biblique affirmant à la fois son érudition et son choix philosophique et esthétique (les divers dessins préparatoires montrent cette
recherche de beauté constante chez F. X. Fabre), la toile intitulée La vision de Saül de 1803 qui fit son triomphe, lui est directement
commandée par son ami Alfieri et s’inspire d’une de ses tragédies datant de 1784. F-X Fabre nous en donne une version littérale, le
texte étant lui-même inspiré du livre de Samuel.
Ancrée dans la contemporanéité par Alfieri qui a souvent joué le rôle de Saül, elle est le fruit de sources artistiques diverses:
-Frise des personnages, expression des passions, clair-obscur du paysage: Poussin
-Minutie de la facture, goût du détail précis: David
-Raffinement de la palette colorée, fines ciselures du drapé: certains maîtres du XVIIème siècle comme La Hyre, Le Sueur…
Dans cette œuvre, Samuel et Alchimelech semblent flotter sur des nuages célestes, entre deux mondes, alors que deux romains
s’approchent en second plan. En arrière plan, des femmes éplorées, et au loin, une ville en flamme fait directement écho à Abel
expirant où le feu du premier plan renvoie à celui du fond. Toile de fond à droite, bâche arrêtant la composition…corps à l'abandon,
têtes renversées, vide entre les deux groupes opposés, paysage poussinesque…un répertoire de formes et de composition
réinterprétés pour une œuvre déconcertante, presque préromantique, où le geste théâtral est mis en avant.
Le renouveau religieux
Ce fut sa dernière grande œuvre, même s’il revient régulièrement aux thèmes religieux. Les Trois maries au tombeau (1808-1809), La
descente de croix de 1803 montrent son goût croissant pour un certain primitivisme, (remarquable également dans sa peinture
d’histoire) avec des gestes pathétiques hérités de la contre–réforme. Notons qu’il illustre souvent le thème religieux dans les paysages
composés, comme c’est le cas pour La Madeleine en extase ou Le saint François en prière, tous deux de 1805-1806. Les événements
politiques français mirent un frein à une grande peinture religieuse et dans ce contexte, loin de Paris, F. X. Fabre a participé au
renouement religieux amorcé par l’engouement pour le passé médiéval…
1- Pastorales : cf lexique
Le paysage
Fabre a vite été contraint à Florence à diversifier ses sujets. A l’ instar de son ami Gauffier, il se tourne vers le portrait mondain et le
paysage.
Le paysage comme sujet
Dès ses années romaines, Fabre réalise des études sur le motif dont il se sert pour enrichir le fond de ses tableaux.
C’est surtout en Toscane qu’il se tourne vers le paysage, genre considéré comme mineur malgré les efforts de P.H.
Valenciennes; il explore volontiers les environs de la ville, sur les traces de Gauffier, « dans l’espoir d’y trouver de
nouveaux sujets d’étude ». Bien vite Fabre s’intéresse aux grands paysagistes classiques, notamment Dughet, qui jouit
alors d’une grande renommée et qu’il copie et imite pour satisfaire une clientèle d’amateurs, comme nous l’apprend une
lettre de la comtesse d’Albany datée de 1798. Dans un souci de probité et de réalisme, Fabre multiplie les études sur le
motif, dans le vaste parc des Cascines aménagé au XVIIIème siècle à l’ouest de Florence, sur la rive droite de l’Arno. La
peinture de ce lieu est inédite en ce temps. Le thème, très banal pour l’époque, loin d’idéaliser la nature, les abords de
Florence se présentent ici tel que F. X. Fabre a pu les voir, déjeuner sur l’herbe au premier plan, scène de jeu en second
plan et devant le pont, scène de pêche. Ces scènes de genre, le point de vue, la dilution du lointain dans une brume
amenant de l’imprécision montre en Fabre une grande modernité qui laisse présager les thèmes et le traitement des
peintres réalistes et même des impressionnistes quelque un siècle plus tard. C’est plus l’exigence du réalisme qui le
poussent dans cette recherche car Fabre n’ a cessé d’être fidèle au classicisme.
1/ Vue de Florence du nord de l’Arno
2/ vue d’une colline florentine
3 /construction d’un édifice
4/ vue du lac Léman, esquisse 1821
1
1
2
2
3
4
3
4
Le paysage
La sensation renforce l’idéalisation
Le petit paysage avec un moine en prière, est un
témoignage précoce et précieux de ce goût de Fabre pour la
nature qui l’accompagna toute sa carrière. Fabre, sans surprise, se
réfère à la tradition du paysage anachorétique du XVIIème siècle –
notamment Dughet, Claude Lorrain, ou encore Salvator Rosa – et
puise directement sa source dans deux petits paysages de sujet
identique de l’Allemand Dietrich (1712 – 1774) présents dans sa
collection. Comme chez son modèle, il bouche sa composition par
l’emploi d’une masse rocheuse envahie de végétation et ménage
une trouée vers le ciel dans l’angle supérieur du tableau. L’artiste,
cherche avant tout, à recréer un climat de solitude et d’éloignement
du monde propice à la méditation du moine en prière devant le
crucifix de bois juché en terre. Par la nature environnante, c’est tout
le monde intérieur, la dévotion, la foi en Dieu de ce moine que
Fabre dépeint. Ce petit tableau empreint d’un charme préromantique, s’inscrit dans un courant plus vaste de renouveau pour
la religion, à la fois passéiste et sentimental.
1/ Paysage avec moine en prière, huile sur bois
2/ Dietrich, Scène d’ermitage, huile sur toile
1
2
Le paysage
L’exigence jusque dans le détail
F. X . Fabre, très soucieux de réalisme et de justesse dans le traitement de la végétation, prend un grand soin à l’observation et à la
représentation des paysages qu’il étudie par le croquis rapide ou l’esquisse sur le vif. Dans sa peinture, la végétation rampante,
l’écorce des arbres, le feuillage très détaillé, la claire répartition des ombres et des lumières sont le reflet des études dessinées en
extérieur que Fabre conservait dans ses portefeuilles. Revenu à l’atelier, comme Gauffier, son ami, F. X . Fabre par souci de
réalisme toujours poussé plus loin, étendu jusque dans les moindres recoins de la toile, recherche une facture picturale personnelle
et innovante, faite de petites touches décrivant brins d’herbes, feuillages dans les plus petits détails.
1/ Un arbre, plume et lavis de sépia
2/ Gauffier, Etude d’un arbre au bord du Tibre
3/ Détail de Paysage avec moine en prière
1
2
3, détail
Le portrait
Le portrait, nous l’avons évoqué plus haut, n’est pas la vocation première de F. X. Fabre. Il y vient et poursuit par nécessité – ce
genre de peinture représente un tiers de sa production à l’époque la plus faste de sa vie.
Florence, où il vit, alors carrefour commercial et culturel européen, lui offre de nombreuses occasions de faire le portrait de
personnalités de passage. Ce corpus de figures de l’aristocratie cosmopolite représente indéniablement un intérêt
documentaire utile à l’histoire d’une société et d’un temps, comme on l’a considéré aux alentours de 1900. Mais, bien au delà, il
se dégage des portraits de Fabre, une atmosphère propre, une poésie et une richesse d’expression qui s’étoffe encore
aujourd’hui, grâce à la redécouverte de nombreux portraits issus de collections privées, tableaux éparpillés dans toute l’Europe.
1
2
3
Peindre son entourage
Ses camarades et ses proches sont les premiers modèles de ses portraits. Il se représente aussi au travers d’autoportraits. Il ne déroge,
en cela, pas à la règle des peintres de son temps: son premier portrait, 1783-1786 (1), ainsi que son dernier tableau, de 1835 (2), sont
des autoportraits. Dans ce dernier, on voit des collines bleutées dans le fond qui évoquent aussi bien Montpellier que Florence. Ce
tableau peut être vu comme un résumé de sa vie finissante.
C’est aux portraits masculins que F. X. Fabre réserve les études de caractère qui font vibrer d’une fougue les visages. Avec le portrait de
Canova de 1812(3), Fabre réussis particulièrement à saisir l’expression de son ami. Tant dans la vivacité du regard, la virevolte de ses
boucles, que dans le rendu des belles matières tactiles. Fabre se souvient à l’évidence des portraits de son maître David, notamment
dans l’utilisation du fond neutre et matièré. Il se montre également un coloriste brillant. particulièrement raffiné.
Le portrait
Peindre des célébrités en vue
Tous ces étrangers, que F. X. Fabre, comme son ami Gauffier,
peint à la période florentine, sont des « oiseaux de passage » qui
ont la volonté de rapporter une peinture, témoin de leur séjour à
Florence, vite exécutée, point trop encombrante. Des portraits plus
que des peintures d’Histoire sont commandées à Fabre. Ces
touristes restent un hiver puis partent à Rome ou à Naples et ne
reviennent plus à Florence. Plus tard, tous les grands voyageurs
s’efforcent de passer chez lui faire exécuter leur portrait et se
glorifier à leur retour, tant le succès du peintre est devenu grand.
En 1796, Lady Charlemont (1) qu’il peint sous les traits de
Psychée, illustre les débuts de son succès de portraitiste à
Florence. Cette jeune aristocrate irlandaise dont les traits sont
méticuleusement représentés est encore, d’après le goût de F. X.
Fabre pour les genres nobles, prétexte à la représentation d’une
figure mythologique. Le soin dévolu aux boucles, au drapé, à
l’expression du regard, de la tendre mélancolie sont autant
d’éléments maîtrisés qui laissent à voir se profiler un grand
portraitiste qui s’affirmera par la suite.
Le choix de ces sujets est orienté par ses convictions
monarchistes, qui rompent avec l’époque troublée qui voit se
succéder les différents régimes qui suivent la révolution française
jusqu’au premier Empire. Nous pouvons trouver de nombreux
portraits représentant la famille royale :Charles Louis 1er, agé de
trois ans (2), Marie Louise de Bourbon, reine D’Etrurie (3),
Napoléone Baciocchi (4), Lucien Bonaparte (5), Louis XVIII (6).
2
3
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Le portrait
1
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3
Une peinture faite d’une plus grande douceur
De ses sujets de prédilection nous dénombrons ses amis, protecteurs la
comtesse d’Albany et le poète Vittorio d’Alfieri de 1796 (1) qu’il dépeint
plusieurs fois avec une grande attention. Notamment ce, portrait de la
comtesse d’Albany de 1812 (2) cadrée à mi-corps, où Fabre emploi un
fond neutre dans les gris et une palette restreinte à des valeurs tranchées
qui s’opposent pour mieux mettre en valeur le visage. Il soigne
particulièrement les détails de la parure, enlevés avec un soin extrême et
une gamme de couleurs forte et resserrée: rouge du châle, bleu de la
robe, blanc lumineux de la gorgerette et des manches. L’attention
particulièrement portée à l’expression du visage montre la grande
tendresse du peintre envers son modèle, leur complicité ressort du
regard que le modèle porte au peintre retranscrit dans le tableau.
Pour le poète et ami Alfieri le portrait de F. X. Fabre est le « sublime
miroir qui dit la vérité… » 1 qui poursuit, à propos d’un portrait de lui de
1797, « on aurait dit qu’on avait fait un trou dans la toile et que j’y avais
passé la tête ». Cette impression de toile percée très significative dans
Tête de jeune fille de trois quarts, esquisse de 1814-15 (4) mais où
malgré tout, la douceur et rondeur du visage sont traités avec beaucoup
de finesse. Le clair obscur sert ici à renforcer l’expression, à valoriser le
beau teint rosé de la peau.
Le réalisme qu’a décrit le poète V. Alfieri est loin de l’idéalisme
grandiloquent des sujets d’Histoire. La sensibilité immanente des
portraits de ses proches montre une grande sensibilité du peintre, une
acuité extrême à observer ses modèles en détail et à percer la
personnalité qui les caractérisent « tel qu’il est en son corps et son
âme » 1 .
3, détail
1. Vittorio Alfieri
Quelques repères chronologiques dans la vie de François-Xavier Fabre
1766
• Naissance le 1er avril à Montpellier.
• 1774, Début du règne de Louis XVI.
1783
• Etudes dans l’atelier de David et à l’Académie.
• 1787, Grand prix de peinture avec Nabuchodonosor faisant tuer les enfants de Sédécias, poursuite de sa
formation à Rome.
• 1789, la révolution française éclate.
1793
• Violente émeute anti-français à Rome, départ pour Florence.
• Rencontre de la Comtesse d’Albany et du poète Alfieri qui deviendront ses amis, inspirateurs et protecteurs.
1801
• Florence, Royaume d’Etrurie.
• 1803, mort de Vittorio Alfieri.
• 1804, Napoléon Bonaparte proclamé Empereur de France.
1808
• La Toscane devient française sous Napoléon.
• Période faste pour F. X. Fabre, peintre attitré des étrangers de passage.
1814
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1825
• F. X. Fabre fait donation de toute son œuvre , peinte et collectionnée, à la municipalité de Montpellier qui en
échange se doit de faire un musée pour les accueillir, loger et nommer le donateur comme directeur à vie.
• Travaux pour la transformation de l’hôtel Massilian en appartement et musée.
• 1828, ouverture du musée Fabre au public.
• 1829, ouverture de l’école de peinture dirigée par Fabre.
• 1836, Donation de la collection Antoine Valedeau au musée.
1837
Activité ralenti par des accès de goutte. Fabre se replie sur sa collection.
1817, Testament de la Comtesse d’Albany qui fait de F. X. Fabre son légataire universel.
1824, mort de la Comtesse d’Albany.
Arrivée de Fabre à Montpellier.
• 16 mars, décès de F. X. Fabre
Lexique
Vocabulaire technique (outils, étapes de travail,
composition…)
Arrière plan : dernier plan du tableau, espace éloigné.
Esquisse : dessin au crayon ou au fusain, phase préparatoire de la réalisation
d’une œuvre sur un autre support. Mise en place de grandes formes qui
structureront la composition finale.
Lavis : technique proche de l’aquarelle, où la matière, encre ou sanguine est
diluée avec de l’eau.
Mine de plomb : petit bâton de graphite, utilisé comme un crayon.
Sanguine : terre rouge en poudre utilisée avec de l’eau en lavis ou en bâtonnet
comme une craie.
Sépia : matière colorante brun foncé utilisé dans les dessins et lavis.
« Su capo d’opera » (traduction) son chef d’œuvre.
Tripartite : en trois parties.
Genres
Nature morte : œuvre qui représente des objets inanimés.
Morceau de réception : œuvre permettant à l’artiste d’être agréé par
l’académie, à son retour de Rome.
Paysage : Genre mineur pour l’académie, qui se développe toutefois de plus
en plus largement à partir du XVIIème , imaginé par Poussin comme issu d’une
relation à la fois directe et intellectuelle entre l’homme et la nature; le paysage
classique est donc remodelé pour incarner un idéal.
Peinture d’histoire : « grand genre » défini par l’académie, il englobe les
sujets religieux, mythologiques ou historiques, porteurs d’un message moral.
Portrait : représentation exclusive d’une personne en buste, en pied…en deux
ou trois dimensions.
Scènes de genre : « genre bas » selon l’académie et les critiques,
représentation de scènes de la vie quotidienne.
Lieux d’études et d’exposition
Académie : Académie royale de peinture et de sculpture fondée par Charles
Le Brun en 1648.
Salon :: ( XVIIIème- XIXème ) exposition périodique d'artistes vivants (Salon
carré du Louvre).
Courants et tendances artistiques
Baroque : style artistique, du XVIIème et XVIIIème siècle, cherchant à étonner,
séduire, jouant sur les effets de mouvements, les compositions compliquées,
les contrastes lumineux et parfois la surabondance de détails.
Hyperréalisme : années 1980) courant américain cherchant à les effets de
ressemblance photographique.
Ingrisme : style d’Auguste Dominique Ingres (1780-1867); aspect fini des
œuvres, facture lisse, primauté du dessin sur la couleur, clarté de la
composition, références antiques.
Romantisme : (fin du XVIIème -début du XIXème siècle) mouvement européen
s’opposant au néo-classicisme et à la référence antique, cherchant l’évasion
émotionnelle et fantastique, conduisant les artistes à de profondes méditations
religieuses et philosophiques sur le sens de la vie et le destin de l’homme.
Veine troubadour : (1770) tendance néogothique ou troubadour qui imprègne
les œuvres.
Pastorale : à la mode au XVIIIème , elle puise son inspiration dans le retour à
un âge d’or, illustrant des valeurs simples et baignées de fantaisie courtoises.
Auteurs et artistes divers
Atala, ou les amours de deux sauvages dans le désert : roman publié en 1801
par F-R de Chateaubriand.
Corinne ou l'Italie : Roman de Madame de Staël en publié en1807.
David Jacques-Louis :1748-1825, prônant le retour à l'antique pour illustrer
des comportements exemplaires, héroïques.
Homère: poète grec de la fin du VIIIème siècle av J-C.
Ossian: Barde écossais du IIIème siècle dont les poèmes furent publiés par
James Macpherson; bien que la réalité de son existence ne soit prouvée, ses
textes ont eu un immense succès en Europe au XVIIIème et XIXème siècle.
Ovide: ( 43 av J-C- 17) poète latin qui vécut durant la naissance de l'empire
romain
Poussin: 1594-1665, peintre français classique.
Winckelman Johan Joachim: (1717-1768) théoricien du retour à l'antique.