Le client de la banque privée est devenu plus regardant

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L’ECHO MERCREDI 8 OCTOBRE 2014
L’ECHO MERCREDI 8 OCTOBRE 20
Dossier
«Le client de la banque privée
est devenu plus regardant»
Le flirt
n’est p
de s’ar
Pour Sabine Caudron, le private banker n’est plus
seulement un conseiller en investissements.
ISABELLE DYKMANS
C
’est un fait: le private
banker
d’aujourd’hui n’est pas le
même qu’il y a vingt
ans. Ses clients ont
évolué. La crise a
laissé des traces. La régulation s’est
accrue, et continuera de s’accroître,
induisant de nouvelles contraintes.
Entrée dans l’univers en constante
évolution du private banking au
milieu des années 1990, Sabine Caudron, aujourd’hui membre du Comité de direction de la banque privée Puilaetco Dewaay, parle de sa vision du métier, en particulier dans
une banque de niche comme Puilaetco Dewaay.
Le plus gros de sa carrière, cette
économiste de formation l’a effectué au sein de Mees Pierson, l’ancien nom de Fortis Private
Banking. Elle y a mis sur pieds le
«French Desk» en 2006, avant de
devenir en 2010 la directrice du
Private Banking Brussels Center de
BNP Paribas Fortis. Les grosses
structures, elle connaît bien. Il y a
deux ans, elle a eu envie de retrou-
ver l’esprit d’une petite banque
privée. «Objectif à 200% rempli chez
Puilaetco Dewaay, où chaque personne peut donner de l’input dans
l’organisation», explique-t-elle. Et
où la proximité avec les clients est
vraiment présente…
Confiance
Auparavant, on voyait le private
banker seulement comme un
conseiller en investissements.
Maintenant, le client attend
davantage un conseil global sur
son patrimoine. «Nous donnons
donc des conseils en estate planning,
en fiscalité, en art, en assurance. Nous
pouvons également accorder des crédits à nos clients, comme un service
rendu, explique-t-elle. La proximité
que nous avons avec nos clients est
une force». Ainsi, Puilaetco Dewaay
a moins souffert de la méfiance des
clients après la crise financière de
2008 que les grandes structures,
«même si il y a toujours des clients qui
pensent qu’on ne peut pas faire
confiance aux banquiers»…
Restaurer la relation de
confiance entre le client et son
banquier, c’était l’un des objectifs
de la directive Mifid. Que le client
connaisse les risques qu’il prend,
que le banquier sache ce qu’il a le
droit de proposer comme investissements. «Le questionnaire qui sert à
établir le profil Mifid des clients permet de connaître leur niveau de
connaissance financière, l’état global
de leur patrimoine et leurs besoins,
rappelle Sabine Caudron. Il doit
être fait très sérieusement, car il détermine les possibilités d’investissement
qui seront envisageables, en fonction
du profil défensif ou plus agressif du
client».
Le nouveau private banker a
donc une grande responsabilité,
alors qu’il y a quelques années, il se
contentait encore de connaître
l’horizon de temps de son client
pour définir une stratégie d’investissement. «L’évolution du cadre
réglementaire est le changement le
plus important que l’industrie ait
connu ces dernières années», affirmet-elle. Ceci a engendré de nouveaux coûts fixes pour les
banques… Chez Puilaetco Dewaay,
on n’accepte de nouveaux clients
qu’à partir de 250.000 euros, avec
la condition que ce montant passe
à 750.000 euros dans un futur
proche.
Ces dernières sem
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annoncé, l’un un
un projet d’acqu
Et d’après les exp
ce flirt entre inst
financières pour
encore durer
quelques
années.
Nouveau profil
Le client private banking type chez
Puilaetco Dewaay a, en moyenne,
un million d’euros à placer. Ce qui
a changé, c’est que ce client est
beaucoup plus informé qu’avant.
«Depuis la crise, il sait qu’une action
peut perdre 90% de sa valeur en
quelques jours, il sait qu’une banque
pourrait ne pas être solide, etc.
Beaucoup ont fait l’amalgame entre
banque privée et banque généraliste,
explique Sabine Caudron, il est
devenu plus regardant, et il compare
davantage les banques privées. Il
choisit de diversifier son patrimoine
chez différents private bankers».
Ce qu’il recherche avant tout?
«Préserver son patrimoine est la priorité numéro un. Ensuite vient la transmission, constate-t-elle. La plupart
des clients sont plutôt défensifs. Nous
n’avons pas beaucoup de profils très
agressifs. Mais parfois, notre rôle est
de freiner les clients qui veulent prendre plus de risque, surtout si leur profil est, à la base, défensif. Même si la
crise boursière a laissé des traces, les
© THIERRY DU BOIS
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gens oublient vite… Ils sont vite attirés
par le rendement du voisin, même s’ils
ne présentent pas le même profil d’investisseur». Dans un contexte de
taux bas, de hausse (suspecte pour
certains) des marchés boursiers, du
cash qui ne rapporte rien du tout et
des problèmes géopolitiques,
Puilaetco Dewaay conseille actuellement à ses clients de diversifier au
maximum leur patrimoine.
Segmentation
Un dernier atout de la banque de
niche face aux grandes structures
est, selon Sabine Caudron, une segmentation minimale des clients. Là
où certains clients passent en retail
car ils n’ont plus assez d’argent à
placer pour être en private banking, où d’autres passent en wealth
management parce qu’ils en ont
plus qu’avant, où l’on différencie
les «new money» des «old money»
(jouissant d’un patrimoine familial
qui a été transmis), les petites structures jouent la carte de la continuité.
Concrètement,
chez
Puilaetco Dewaay, un client a peu
de risque de se voir ballotter entre
différents private bankers, une
condition importante pour respecter l’esprit de proximité.
Ici, la seule segmentation se fait
pour les clients qui disposent d’une
somme supérieure à 5 millions
d’euros. «Nous estimons qu’ils doivent pouvoir bénéficier d’un service
particulier», poursuit-elle.
Par ailleurs, les private bankers
qui viennent par exemple d’une
banque «corporate» auront sans
doute plus d’affinités avec des
clients «new money», qui ont bâti
rapidement leur fortune, tandis
que les banquiers privés qui ont
toujours travaillé en banque privée se dirigeront peut-être plus
volontiers vers des clients «old
money».
Dans «banque privée», il y a «privée». La relation entre le banquier
et son client est donc essentielle.
Sabine Caudron a l’habitude de
dire qu’un banquier privé devient
un bon banquier privé lorsque son
client pense à lui dès qu’il a un problème, ou quelque chose d’important à régler, comme une transaction immobilière, le financement
d’un mariage, ou lorsque survient
un décès… Conclusion: «le private
banker doit être prêt à répondre au
téléphone, et même si c’est un samedi
soir», estime Sabine Caudron.
Innovating Digital Content
L'Echo - Supplément 08/10/2014, pages 4 & 5
Tous droits réservés. Réutilisation et reproduction uniquement avec l'autorisation de l'éditeur de L'Echo - Supplément
«La plupart des clients
sont plutôt défensifs.»
Sabine Caudron
CV EXPRESS
Sabine Caudron
En 1994, elle entre à la
Générale de Banque, future
Fortis, dans le cadre d’un
stage.
Jusqu’en 1998, elle est personnal banker chez Fortis,
avant d’entrer chez Mees
Pierson, le département de
banque privée de Fortis.
En 2006, elle fonde le «French
Desk», une équipe de private
bankers destinée aux riches
Français.
En 2010, elle prend la tête du
Private Banking Brussels
Center de BNP Paribas Fortis.
Depuis juillet 2012, elle est
administrateur délégué et
membre du Comité de
Direction de Puilaetco
Dewaay.