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Détermination de structure
cristalline par rayons X :
méthodes numériques
par
Yves JEANNIN
Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Paris
Professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie
Correspondant de l’Institut
1.
Problème posé par la résolution d'une structure cristalline........
2.
2.1
2.2
2.3
2.4
2.5
Enregistrement des données .................................................................
Choix du cristal .............................................................................................
Centrage du cristal sur le diffractomètre....................................................
Recherche automatique de la maille ..........................................................
Affinement des paramètres de maille ........................................................
Analyse critique du résultat.........................................................................
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3.
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3.3
3.4
3.5
Étapes d'une détermination de structure cristalline......................
Mise en forme et traitement des données brutes de l'expérience...........
Première recherche de la position des atomes ou d'une partie des
atomes
Affinement de la position des atomes et poursuite de la résolution .......
Exemple de résolution par les méthodes directes ....................................
Affinement final ............................................................................................
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19
22
4.
Conclusion ..................................................................................................
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28
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. PE 1 076
L
'utilisation des rayons X pour déterminer la structure des molécules dans
l'état solide a pris un développement considérable avec l'avènement
d'appareils de mesure des intensités de diffraction automatisés et avec l'apparition de calculateurs peu coûteux à grande vitesse d'exécution et à grande capacité de stockage. Les physiciens avaient résolu les problèmes fondamentaux de
la diffraction. Les relations entre directions de diffraction et paramètres de maille
étaient bien établies comme celles entre intensités de diffraction et coordonnées
des atomes. Restait le problème de la phase puisqu'en optique seule l'intensité
est accessible à l'expérience. Il fut résolu dans la décennie 1950-1960.
Il n'en restait pas moins vrai que le volume des calculs était considérable. La
mise au point de nombreux programmes par les cristallographes incitent certains chimistes à utiliser les méthodes de la cristallographie comme une boîte
noire. Ils sont tentés d'entrer les données dans les programmes sans en connaître ni le principe ni les limites et sans voir que tout cristal est une entité géométrique dont les symétries et/ou les pseudosymétries interviennent de façon
considérable dans les calculs, générant des corrélations insoupçonnées pour un
esprit non averti. La conséquence est immédiate : l'opérateur peu conscient de
ces problèmes est accablé de déboires dont il ne sait comment se défaire.
L'objet de cet article est de mettre le doigt sur toutes les difficultés qui peuvent
surgir au cours d'une détermination de structure cristalline.
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© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et caractérisation
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DETERMINATION DE STRUCTURE CRISTALLINE PAR RAYONS X : METHODES NUMERIQUES ___________________________________________________________
1. Problème posé par la
résolution d'une structure
cristalline
Les fondements de la cristallographie géométrique et de la diffraction des rayons X par les cristaux sont décrits dans [1, 2, 3].
L'article [4] des Techniques de l'Ingénieur décrit la théorie de la
détermination d'une structure cristalline par diffraction des rayons
X. Il a notamment été montré que cette détermination passe par le
tracé de la carte de densité électronique du cristal puisque les
rayons X interagissent avec les électrons. On peut dire en quelque
sorte qu'ils les comptent : ceci permet de relier la hauteur d'un pic
de densité électronique au nombre d'électrons d'un atome, donc
d'identifier chimiquement la nature de l'atome se trouvant en un
point de coordonnées x,y,z.
Le calcul de la densité électronique r (x, y, z) en un point quelconque de coordonnées x,y,z, prises en unités arbitraires c'est-à-dire
entre 0 et 1, repose sur la formule
+¥
å
r ( x, y, z ) =
+¥
å
+¥
å
F ( hkl ) . exp Ð 2pj ( hx + ky + lz )
h=Ð¥ k=Ð¥ l=Ð¥
avec
F (hkl)
hkl
facteur de structure,
indices de Miller caractérisant un plan du réseau
cristallin
Ce calcul suppose que l'on connaisse la valeur du facteur de structure F(hkl) dont la signification physique est l'amplitude du rayonnement X diffracté par la famille de plans hkl du réseau cristallin. Le
facteur de structure est un nombre complexe si la structure est non
centrée :
teurs de type PC à grande vitesse d'exécution, la décroissance continue du coût de la mémoire vive et la disponibilité de mémoires de
masse à accès rapide en permettent une utilisation confortable et
souple.
Cependant, malgré les facilités mises à la disposition des utilisateurs, on ne peut pas dire que se lancer dans une détermination de
structure cristallographique est une opération qui a 100 % de chances de réussir, même si ces chances sont très grandes. En effet, il ne
faut pas sous-estimer le fait que la phase, même si l'on essaie de
l'apprécier de façon indirecte, reste une donnée inaccessible à
l'expérience ; on ne le répétera jamais assez. Il ne faut pas oublier
qu'un cristal est formé par l'empilement périodique tridimensionnel
d'un motif constitué d'atomes ou de molécules de formes plus ou
moins complexes qui s'emboitent les uns dans les autres. Les pseudosymétries, résultats de coïncidences dans l'assemblage des molécules au sein du cristal, peuvent créer des difficultés parfois très
grandes qui font que les méthodes de calcul et les programmes ne
doivent jamais être utilisés comme des boîtes noires mais toujours
avec un œil très critique. Enfin, les désordres, soit dans l'occupation
des sites, soit dans l'orientation des molécules ou de fragments de
molécules, viennent parfois compliquer un peu plus la recherche de
la solution.
Il n'est donc pas inutile de faire le point sur la détermination d'une
structure cristalline à partir d'un monocristal comme elle se pratique
aujourd'hui. L'auteur prendra comme référence ce qui se passe au
sein de son propre laboratoire dans lequel une équipe de cinq personnes disposant de deux diffractomètres automatiques détermine
en moyenne 160 structures par an.
2. Enregistrement des
données
N
F ( hkl ) =
å fi . exp 2p ( hxi + kyi + lzi )
i=1
coordonnées du ie atome,
facteur atomique de diffusion de l'atome i en xi ,
yi , zi
La somme S est prise sur les N atomes de la maille.
L'intensité diffractée par le plan hkl, seule grandeur accessible à
l'expérience, n'en donne que le module puisqu'elle est définie par :
avec
xi , yi , zi
fi
I ( hkl ) = k . F ( hkl ) . F ( hkl )*
k
constante de proportionnalité liée à la méthode
de mesure,
F (hkl)*
facteur de structure conjugué
La mesure de l'intensité des rayons X diffractés ne fournit que les
modules des facteurs de structure et non leurs phases dont la connaissance est cependant indispensable pour construire la carte de
densité électronique. Les cristallographes ont trouvé des moyens de
contourner cette difficulté (cf. [4]). Leur mise en application suppose
des calculs importants en volume. Cet obstacle est resté majeur
pendant un quart de siècle.
Fort heureusement, les choses ont considérablement évolué dans
les trois dernières décennies. D'une part, les techniques d'enregistrement se sont fortement améliorées par l'apparition d'appareils de
mesure des intensités de diffraction ; ils sont complètement automatisés, bien protégés contre les fuites de rayonnement X, d'une
fiabilité exceptionnelle et d'une précision remarquable. On les
appelle des diffractomètres automatiques à rayons X. Par ailleurs,
les méthodes de calcul évoquées précédemment ont été adaptées
aux calculateurs par l'écriture de programmes performants disponibles au sein de la communauté des cristallographes gratuitement ou
à des prix extrêmement modiques. La généralisation des calcula-
avec
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2.1 Choix du cristal
La première exigence, qui est capitale, est de disposer d'un excellent monocristal. Il n'est pas nécessaire qu'il ait des faces parfaites
bien que cela soit souvent un critère de qualité. La situation idéale
serait une sphère, forme qui fait disparaître les effets de
l'absorption ; cependant ce n'est pas indispensable car il existe
maintenant d'excellentes méthodes de correction d'absorption,
transparentes pour l'utilisateur, même si elles reposent sur un principe empirique comme le programme de calcul DIFABS par exemple.
Il est absolument indispensable que l'échantillon soit un cristal
unique, c'est-à-dire exempt de macles dont la présence peut être
souvent détectée à l'observation microscopique qui révèle les
angles rentrants. Il existe des cas où la cristallisation ne conduit qu'à
des cristaux maclés. Pour tourner cette difficulté, on peut essayer de
changer de solvant en espérant que la cristallisation se fera avec une
ou des molécules d'un nouveau solvant dont la molécule possède
une forme différente ; ceci n'est évidemment pas garanti. Une autre
astuce consiste à se tourner vers la chimie et à introduire un substituant s'il s'agit d'un composé moléculaire ou à changer le contre-ion
s'il s'agit d'un composé ionique. Tout ce qui conduit à modifier les
volumes ou les formes des espèces existant dans le cristal peut
apporter une solution à ce problème du maclage car, en les changeant, l'emboîtement se fait différemment et la maille s'en trouve
modifiée dans ses dimensions et souvent dans sa symétrie.
Le cristal choisi ne doit être ni trop gros, ni trop petit, et de forme
aussi régulière que possible. Trop petit, il ne diffracte pas assez ;
trop gros, il ne baigne plus totalement dans le faisceau et l'homogénéité des mesures n'est plus assurée, sans compter les effets de
l'absorption qui deviennent d'autant plus gênants et difficiles à cor-
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___________________________________________________________ DETERMINATION DE STRUCTURE CRISTALLINE PAR RAYONS X : METHODES NUMERIQUES
riger que les atomes contenus dans le cristal comportent davantage
d'électrons. Avec un peu d'habileté, il est possible de « tailler » un
cristal sous microscope avec une lame de rasoir ou une pointe
métallique acérée. Une dimension de l'ordre du demi-millimètre est
souvent satisfaisante.
Le cristal est collé à l'extrémité d'une baguette de verre sauf s'il
est sensible à l'air ou s'il a tendance à perdre son solvant de
cristallisation ; il sera dans ce cas enfermé dans un tube en verre de
Lindeman absorbant peu les rayons X qui sera scellé après y avoir
éventuellement introduit une goutte de solution mère ou une goutte
d'huile pour isoler le cristal de son environnement.
d'atomes d'éventuelles molécules de solvant qui ont pu être incorporées dans le réseau cristallin lors de la cristallisation. Cette règle
suppose que tous les atomes occupent un même volume de
0,018 nm3, ce qui n'est plus vrai en chimie inorganique ; le facteur
0,018 doit alors être assoupli. Par exemple, le composé de formule
brute C24O10H36 de la famille des sucres cristallise dans le système
monoclinique avec une maille de volume 1,279 nm3. La règle V/
0,018 conduit à 71 atomes par maille, soit 2 fois 35 atomes. Il manquerait donc quelque chose par rapport à C24O10 ; la détermination
de structure a révélé la présence de deux molécules d'eau par maille
que le chimiste n'avait pas vues.
2.2 Centrage du cristal sur le
diffractomètre
2.4 Affinement des paramètres de maille
Il est important de bien centrer le cristal, plus exactement de faire
coïncider son barycentre avec le point de rencontre des axes de
rotation du goniomètre. Autrement, les pics de diffraction dont la
forme reflète l'image du cristal, seront légèrement décentrés. Il
s'ensuivra des erreurs plus grandes sur les paramètres de maille et,
à la limite, des mesures d'intensité de qualité médiocre car toute
l'intensité diffractée peut ne plus être mesurée intégralement si la
tache de diffraction déborde la fenêtre du compteur. Un défaut de
centrage se note aisément en comparant les intensités de diffraction
de plans hkl équivalents, c'est-à-dire conduisant à la même intensité
par principe. Les tables internationales (International Tables of Cristallography) donnent ces plans équivalents pour chaque groupe
d'espace.
2.3 Recherche automatique de la maille
Les diffractomètres automatiques actuels disposent d'un programme de recherche automatique des plans hkl diffractant à faible
angle de Bragg. Un programme de calcul interne sait, à partir des
angles de réglage grossiers car à faible angle de Bragg, en tirer les
indices de Miller correspondants et des paramètres de maille approchés.
La relation de Bragg l = 2d sinq donne, à partir de l'angle de
Bragg q mesuré, la valeur de d, distance entre plans parallèles définis par les indices de Miller hkl. Des calculs de géométrie simples
montrent que d est une fonction des six paramètres a, b, c, a, b, g.
Six taches de diffraction permettent d'atteindre ces six paramètres.
En opérant à faible valeur de q , les valeurs de hkl sont faibles et les
intensités fortes ; les taches de diffraction sont faciles à trouver par
tâtonnement, ce que le calculateur pilotant la mécanique du diffractomètre sait faire aisément. Cependant, si q est faible, l'erreur sur d
est grande : Dd / d = Dq / tgq . De ce fait, les erreurs sur
a, b, c, a, b, g, sont importantes de telle sorte qu'il y a toujours plusieurs possibilités de mailles avec des symétries différentes. On
choisit toujours pour commencer celle qui donne le meilleur facteur
d'accord ou, si l'on a un œil très exercé, celle qui semble le mieux
correspondre au faciès du cristal. Une solution réaliste est aussi
celle qui donne des indices de Miller faibles aux plans diffractant
trouvés et des paramètres a, b, c petits. Il est bon de vérifier que le
diffractomètre a travaillé avec des plans hkl dont les normales sont
réparties de manière homogène dans tout l'espace et non pas concentrées dans une région particulière.
En général, le chimiste a une idée de ce qu'il attend. Dans ces conditions, il est possible de vérifier que le nombre d'atomes par maille,
atomes d'hydrogène exclus, est compatible avec la règle semiempirique V/0,018, basée sur un grand nombre d'observations
expérimentales, où V est le volume de la maille exprimé en nm3.
Cette règle conduit à des résultats remarquables pour les substances organiques. À noter qu'il convient d'inclure dans ce nombre
Sur la base de cette première maille, un enregistrement rapide
entre deux angles de Bragg plus élevés, disons entre 14 et 15°, permet de repérer quelques plans hkl diffractant une intensité suffisamment élevée. On demande alors à l'appareil de les règler en prenant
soin d'y ajouter les plans hkl équivalents qui, par principe, conduisent à la même intensité diffractée. Comme il a été dit, c'est un
excellent moyen de vérifier que la symétrie de la maille choisie,
donc la maille elle-même, est correcte et que le réglage est bien fait.
Le bon sens commande évidemment de choisir une répartition correcte de ces plans hkl dans l'espace.
Après affinement par la méthode des moindres carrés des paramètres de maille obtenus, plusieurs critères permettent de penser
que le résultat est correct. Tout d'abord, les écarts-types doivent être
faibles, de l'ordre de quelques dixièmes de picomètre pour les paramètres, de quelques centièmes de degré pour les angles. Si la symétrie de la maille impose des angles égaux à 90°, la valeur trouvée
expérimentalement ne doit pas s'en écarter de plus d'un écart-type.
De même, si des paramètres doivent être égaux par symétrie, ils ne
doivent pas différer de plus d'un écart-type. À l'opposé, des angles
très voisins de 90° alors que la maille est supposée triclinique, ou
des paramètres pratiquement égaux alors que la symétrie de la
maille ne l'exige pas, peuvent être l'indice d'une erreur de symétrie.
« Peuvent être » car il n'en reste pas moins vrai qu'une maille peut
fort bien avoir trois angles égaux à 90° en deçà de l'écart-type sans
que la symétrie soit orthorhombique pour autant ; ce cas exceptionnel et très fortuit a été rencontré au laboratoire. Par ailleurs, il est
bon d'examiner les angles de réglage et les intensités des réflexions
équivalentes qui doivent être suffisamment voisines. Ensuite, l'écart
entre la direction du vecteur de diffusion calculé et celle du vecteur
de diffusion observé, normal au plan hkl, doit être inférieur à 0,1°.
Enfin, les indices de Miller calculés à partir des angles mesurés lors
du réglage des plans hkl choisis à cet effet, qui ne seront jamais
rigoureusement entiers à cause des erreurs, doivent cependant être
très proches de valeurs entières, disons quelques millièmes. Il est
bon également de vérifier que la largeur angulaire de la réflexion de
diffraction n'excède pas 1° ; au-delà, ce serait le signe d'un cristal de
mauvaise qualité, voire d'une association de petits cristaux légèrement désorientés les uns par rapport aux autres, avec une désorientation bien supérieure à la mosaïcité. Des réflexions trop larges
angulairement pourraient conduire à une perte d'intensité lors des
mesures car la dimension de leur image au niveau de la fenêtre du
compteur pourrait être supérieure à celle de la fenêtre.
2.5 Analyse critique du résultat
Toute anomalie doit attirer l'attention et conduire à un examen
très critique des résultats. Si c'est le cas, il faut analyser avec le plus
grand soin les angles entre vecteurs du réseau réciproque reliant les
différents points hkl. Cela peut conduire à repérer des valeurs particulières et à trouver la vraie maille.
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DETERMINATION DE STRUCTURE CRISTALLINE PAR RAYONS X : METHODES NUMERIQUES ___________________________________________________________
Si la maille est incorrecte, et si sa symétrie n'est pas la bonne, il
faut être conscient du fait que toutes les réflexions indépendantes
ne seront pas enregistrées. Par exemple, il en manque la moitié si
l'on a enregistré les intensités de diffraction d'un cristal considéré
comme orthorhombique alors qu'il est en réalité monoclinique. La
détermination de structure se bloquera alors irrémédiablement.
Pour clore ce paragraphe, résumons en disant que l'excellent
réglage d'un excellent monocristal reste le meilleur point de départ
pour une excellente détermination de structure.
3. Étapes d'une
détermination de structure
cristalline
Résolution de structure : suite des opérations
— Traitement des données brutes de l'expérience et calcul
des modules des facteurs de structure avec leur écart standard.
— Analyse des données et recherche du groupe spatial à partir des extinctions systématiques.
— Première correction d'absorption empirique avec le contenu supposé de la maille.
— Première recherche de la structure par les méthodes directes et/ou la fonction de Patterson.
— Alternance de cycles d'affinement par la méthode des
moindres carrés et de séries de Fourier pour identifier tous les
atomes et affiner leurs coordonnées.
— Série de Fourier différence et vérification de prise en
compte de tous les atomes contenus dans la maille, molécules
de solvant notamment.
— Nouvelle correction d'absorption avec le contenu réel de la
maille.
— Correction éventuelle d'extinction secondaire.
— Affinement final.
— Calcul de toutes les distances interatomiques et angles de
liaison avec les écarts-types.
La détermination d'une structure (encadré) passe par un certain
nombre d'étapes clés :
— mise en forme et traitement des données enregistrées ;
— recherche de la position des atomes et reconnaissance de la
validité du modèle ;
— affinement de la position des atomes trouvés, recherche des
atomes manquants ;
— affinement général de la structure.
Il existe à l'heure actuelle un certain nombre de logiciels comportant chacun une chaîne de programmes intermédiaires qui permettent de réaliser ces opérations avec beaucoup de facilité.
Mentionnons par exemple : CRYSTALS, TEXSAN, MOLEN, SHELX,
NRCVAX… (voir la bibliographie en fin d'article).
Cependant, on ne saurait trop insister sur le fait qu'un traitement
mathématique, même très élaboré, ne corrige jamais un ensemble
de mesures d'intensité de diffraction de qualité médiocre qui ne
peut conduire qu'à un résultat médiocre.
3.1 Mise en forme et traitement des
données brutes de l'expérience
Le traitement de mise en forme des données ne pose aucun problème particulier et se fait de façon complètement automatique
avec quelques simples choix de la part de l'opérateur. À ce stade, il
est recommandé de veiller à prendre correctement la moyenne des
intensités de réflexion des taches équivalentes et surtout de regarder le facteur d'écart à la moyenne pour s'assurer qu'il n'y a pas
d'anomalie quant à la symétrie choisie pour la maille puisqu'elle
influe sur les types de réflexions équivalentes.
Par exemple, il a été mentionné précédemment qu'une maille
avait été trouvée avec trois angles égaux à 90° dans la limite des
erreurs expérimentales conduisant au choix logique d'une maille
orthorhombique. Or l'examen des réflexions équivalentes a révélé
une incompatibilité avec ce que prévoit un système orthorhombique. Un examen attentif a montré une autre possibilité, à savoir une
maille monoclinique. En effet, en monoclinique F ( hkl ) ¹ F ( hkl )
alors qu'en orthorhombique F ( hkl ) = F ( hkl ) .
Il faut regarder avec attention l'évolution dans le temps des étalons d'intensité. Ce sont quelques réflexions, 2 ou 3, qui sont enregistrées régulièrement, toutes les 100 réflexions ou toutes les demiheures, pour vérifier que le cristal ne s'est pas décomposé lors de
l'enregistrement. Si la décomposition est trop importante, par
exemple plus de 20 %, il est souvent préférable d'effectuer l'enregistrement en prenant successivement plusieurs cristaux. Il faut aussi
vérifier que des réalignements automatiques ne se sont pas produits trop souvent, ce qui serait le signe d'un mouvement du cristal.
Cela risque par exemple de se produire lorsque le cristal, sensible à
l'air, a été enfermé dans un tube de Lindeman et n'a pas été convenablement bloqué. Une méthode simple de blocage consiste à introduire un peu de colle ou de graisse au niveau du cristal avant
scellement.
À ce stade, il est souhaitable de prévoir une première correction
d'absorption approximative en considérant le cristal comme sphérique, même s'il est de nature purement organique, même si le coefficient d'absorption est incorrect parce que le contenu chimique
n'est connu que de façon incomplète. La correction d'absorption
sera reprise en fin d'affinement lorsque tous les atomes auront été
placés surtout si le contenu trouvé de la maille ne correspond pas à
ce qui était prévu, par exemple lorsque des molécules de solvant
sont trouvées.
Si le cristal a une forme irrégulière qui n'est pas le reflet de sa
symétrie réelle (morceau cassé) et si l'absorption est importante, il
faut prendre garde à corriger l'absorption avant de faire la moyenne
entre plans équivalents car les corrections d'absorption peuvent
varier fortement entre deux orientations a priori équivalentes du fait
de la forme du cristal.
Une fois ce traitement réalisé et une fois choisies les données sur
lesquelles l'affinement sera fondé, à savoir les facteurs de structure
ou les facteurs de structure au carré, une étude attentive de la statistique des intensités en fonction de la parité des indices de Miller hkl
est toujours instructive. Cela permet de reconnaître le ou les groupes d'espace possibles en examinant les extinctions systématiques.
Il est à ce niveau indispensable de vérifier qu'il n'y a pas d'incompatibilité majeure avec le nombre de molécules par maille. Il est également prudent de s'assurer que le groupe d'espace est réaliste. En
effet, certains groupes sont très fréquemment rencontrés, d'autres
beaucoup moins. Un groupe rare, mais cependant possible, doit
attirer l'attention et l'on doit vérifier que ce n'est pas la conséquence
d'un choix incorrect de maille, dû à l'existence d'une possible pseudosymétrie.
Un groupe d'espace faux conduit toujours à une impasse ou à un
résultat de qualité médiocre, le facteur R refusant de décroître par
exemple.
Conserver les taches de diffraction d'intensité nulle, c'est-à-dire
dont l'intensité est inférieure à 3 fois l'écart-type, n'est pas toujours
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chose souhaitable. Les opinions restent cependant partagées sur ce
point car une intensité de diffraction nulle correspond à une information comme une autre. Cependant, comme les mesures sont
basées sur un comptage de photons, un faible taux de comptage est
entaché d'une erreur statistique importante qui obscurcit en général
la recherche de la solution et qui alourdit inutilement le calcul d'affinement des résultats.
sont corrigés de l'agitation thermique en prenant un même facteur
B de température identique pour tous les atomes ; le caractère de
multiplicité des réflexions, dû à la position du nœud réciproque sur
un élément de symétrie, est également corrigé. La formule ci-dessous montre comment ces différents éléments interviennent :
3.2 Première recherche de la position des
atomes ou d'une partie des atomes
avec
La recherche de la position des atomes ou d'une partie des atomes peut se faire de deux façons suivant que la structure contient ou
non un ou quelques atomes lourds, c'est-à-dire riches en électrons
puisque les rayons X ne « voient » que les électrons.
■ En l'absence d'atomes lourds, ce qui est le lot commun des composés organiques cristallisés, les méthodes directes s'imposent. Il
existe d'excellents programmes qui effectuent cette analyse
(SHELXS, MULTAN, MITHRIL, SIR, SIMPEL, DIRDIF).
Il est à noter que la connaissance du groupe d'espace joue un
grand rôle. S'il est incorrect, le résultat n'apparaît pas clairement,
voire pas du tout.
■ En présence d'un ou plusieurs atomes lourds, ceux-ci étant
cependant en nombre restreint, la méthode classique de Patterson
peut être utilisée. Il est rappelé que cette méthode fournit les pics
interatomiques, soit n(n – 1) pics pour un composé comportant n
atomes. On comprend tout de suite pourquoi le nombre d'atomes
lourds ne doit pas être trop grand ; s'il l'est, on est ramené au cas de
la méthode directe.
Il est aussi possible d'utiliser les méthodes directes dans le cas
des composés à atome(s) lourd(s). Ce n'est pas une raison pour
négliger la méthode de Patterson. Cette méthode présente un avantage considérable qui peut rendre des services dans le cas d'un
composé purement organique. En effet, les extinctions systématiques se traduisent par des vecteurs très particuliers dans la carte de
Patterson. Par exemple, si l'on compare les deux groupes Cm et Cc,
il est aisé de s'apercevoir que tous deux ont un pic en 1/2 1/2 0, résultat de la caractéristique C, face centrée ; par contre, m correspond à
des pics en 0 2y 0 tandis que c correspond à des pics en 0 2y 1/2 . La
répartition des pics, si elle apparaît convenablement, permet de
choisir le groupe d'espace ou de le vérifier.
Lorsque le résultat d'un calcul identifiant la position des atomes,
en totalité ou en partie, a été obtenu, il est très commode de travailler en mode interactif avec un dessin tracé sur la console de
l'ordinateur. Le repérage des positions atomiques avec la souris, de
la hauteur des pics, des angles et distances interatomiques, permet
très rapidement de juger de la validité du résultat, de reconnaître un
fragment de ce que l'on cherche, et sa cohérence par rapport à la
chimie.
Très souvent, nous l'avons déjà dit, le chimiste sait ce qu'il attend.
Ce n'est cependant pas toujours le cas, soit que la synthèse ne lui ait
pas donné le composé qu'il attendait, soit qu'elle lui ait fourni un
composé sur lequel il n'a que peu d'idées. Il faut souligner qu'il est
tout à fait possible, et cela se fait couramment, d'étudier la structure
d'un composé dont la formule n'est pas connue. S'il s'agit d'une
molécule organique, un bon démarrage consiste à rechercher le
nombre d'atomes à partir de la formule V/0,018 et à tous les considérer comme des atomes de carbone. En général, cela suffit pour
reconnaître au moins un fragment de la molécule à partir duquel il
est possible de continuer la détermination de structure.
Les méthodes directes utilisent un facteur de structure normalisé
E(hkl) qui dérive du facteur de structure. Pour ce faire, les facteurs
atomiques de diffusion qui dépendent de l'angle de Bragg sont
ramenés à une échelle commune liée à la structure concernée et
2
2
K F ( hkl ) obs
E ( hkl ) = --------------------------------------2
n å gi
2
|E(hkl)|
|F(hkl)|
K
n
gi
module du facteur de structure normalisé,
module du facteur de structure,
facteur d'échelle,
multiplicité d'une réflexion,
facteur atomique de diffusion corrigé des
vibrations thermiques supposées isotropes,
soit g i = f i exp ( – B . sin 2q ¤l 2 )
la somme est prise N sur les atomes de la maille.
Si l'on a utilisé les méthodes directes, la première étape consiste
à regarder si les différentes statistiques que l'on peut calculer sur les
facteurs de structure normalisés E(hkl) correspondent à une structure centrée ou non. La moyenne < E 2 Ð 1 > est en effet égale à
0,968, s'il y a un centre de symétrie, et à 0,736, s'il n'y en a pas. Il faut
alors vérifier si les éléments dont on dispose par ailleurs sont en
accord avec ce résultat. Par exemple, si la chimie a eu pour objet la
synthèse asymétrique d'une molécule purement organique dont on
veut vérifier la configuration absolue par rayons X et si la structure
est trouvée centrée, il y a de grandes chances pour que l'on fasse
fausse route. De plus, le nombre d'atomes par maille donné par la
règle empirique V/0,018 doit également être en harmonie avec ce
résultat et avec le nombre possible de molécules par maille. La présence de solvant dans le cristal, qui influe sur le nombre d'atomes
par maille, peut se détecter à ce niveau. En regardant la méthode
d'obtention des cristaux, on peut identifier ce solvant.
Il ne faut jamais oublier que les méthodes directes reposent sur
des considérations statistiques. C'est pourquoi le calcul passe par la
recherche et l'essai de différentes solutions en prenant plusieurs
points de départ distincts pour le calcul des phases des facteurs de
structure qui, rappelons-le, ne sont pas données par l'expérience. La
qualité du résultat s'apprécie par un nombre appelé facteur de
mérite dont la définition est complexe car elle prend en compte plusieurs paramètres en les pondérant. En principe, le meilleur facteur
de mérite, souvent appelé CFOM (combined factor of merit) pour les
méthodes directes, donne la solution, si tout va bien. Le lecteur intéressé trouvera la définition précise de ce facteur dans les ouvrages
spécialisés.
Si, dans la très grande majorité des cas, la solution donnant le
CFOM le plus faible est la bonne, ce n'est pas toujours vrai et un
minimum d'esprit critique s'impose. Les méthodes directes supposent une répartition véritablement statistique des atomes, car le calcul repose sur l'évaluation de moyennes. Si la molécule dont on
cherche la structure possède une géométrie très particulière qui
fausse la statistique, la méthode sera prise en défaut.
Par exemple, la structure d'un oligomère du thiophène qui comportait six molécules régulièrement enchaînées et formant un plan
presque parfait n'a pu être trouvée qu'en prenant la solution correspondant à un CFOM de 0,30 alors que le meilleur CFOM était de 0,15.
La mise en œuvre de cette méthode de la multisolution suppose
donc du discernement et ne doit pas se résumer à la brutale utilisation d'une boîte noire.
Il est conseillé de travailler en mode interactif sur écran avec un
dessin de la molécule résultant d'une série de Fourier construite sur
les E(hkl) les plus forts dont les phases ont été déterminées approximativement. Une analyse des hauteurs de pics qui suggèrent la
nature chimique des atomes, des distances interatomiques et des
angles de liaison permet de vérifier la validité du modèle proposé
par le calcul, même si une partie seulement de la molécule apparaît.
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PE 1 076 - 5
DETERMINATION DE STRUCTURE CRISTALLINE PAR RAYONS X : METHODES NUMERIQUES ___________________________________________________________
Il est possible qu'aucun des meilleurs facteurs de mérite ne donne
de solution satisfaisante. Cela ne veut pas dire pour autant que l'on
se trouve en face d'une impasse. Plusieurs possibilités s'offrent au
cristallographe. Le programme de calcul se fonde sur les facteurs de
structure normalisés E(hkl) les plus forts dont il limite le nombre de
façon interne suivant des considérations liées à la cristallographie et
à la molécule dont on cherche la structure. L'expérimentateur peut
modifier ce nombre selon son choix. En général, si la solution
n'apparaît pas bien, il est recommandé d'augmenter le nombre de
E(hkl) de départ car le programme n'a sans doute pas réussi à trouver assez de corrélations pour atteindre suffisamment de phases.
Cependant, si le nombre d'atomes de la molécule n'est pas très
grand, le contraire peut se révéler payant. En effet, on ne doit pas
utiliser un nombre de données excessif.
Il faut aussi noter que ces facteurs de structure normalisés les plus
forts se trouvent souvent parmi les réflexions d'angle de Bragg
élevé. Leur répartition dans l'espace réciproque est homogène et
donc, si l'angle de Bragg augmente, la probabilité de les trouver
dans le volume compris entre deux sphères réciproques de rayon r
et r + dr, r étant proportionnel au sinus de l'angle de Bragg, augmente fortement avec l'angle de Bragg. Or les facteurs atomiques
de diffusion deviennent plus faibles quand l'angle de Bragg croît, le
facteur de Lorentz-polarisation décroît (tant que l'angle de Bragg ne
dépasse pas 45° car au-delà il réaugmente) et, par voie de conséquence, les mesures d'intensité s'avèrent plus faibles et les erreurs
dues à une statistique défavorable du comptage de photons augmentent. Si, en plus, le cristal est petit, trop de réflexions ont leurs
intensités de diffraction noyées dans le fond continu. Il faut alors
chercher un cristal plus gros.
Il n'y a donc pas de méthode unique pour résoudre les difficultés
possibles qui peuvent surgir.
Il existe plusieurs programmes de calcul exploitant les méthodes
directes. Au laboratoire, il est arrivé de piétiner avec l'usage de l'un
d'entre eux mais de réussir avec un autre. L'inverse est également
arrivé. Tout cela est encore une fois la conséquence du caractère statistique de ces méthodes directes.
3.3 Affinement de la position des atomes
et poursuite de la résolution
Le principe est simple. Un calcul par la méthode des moindres
carrés minimise l'écart entre les facteurs de structure observés et les
facteurs de structure calculés. Il est aussi possible de minimiser
l'écart entre leurs carrés. Ce point sera approfondi plus loin.
Il n'est pas inutile de rappeler que les coordonnées des atomes
qui sont les inconnues du problème interviennent dans l'expression
du facteur de structure par l'intermédiaire d'une fonction exponentielle. La fonction F(hkl) n'est donc pas linéaire en xi , yi , zi , coordonnées des atomes. Cela impose un calcul itératif car la méthode des
moindres carrés implique des équations linéaires ; en général, deux
cycles d'itération suffisent.
Il existe toute une panoplie de programmes permettant de réaliser
ce type de calcul avec leurs options, leur flexibilité, leur mode
d'emploi : le choix entre ces programmes devient affaire de goût. Ce
n'est pas le but de cet article d'en présenter une étude comparée critique. Un utilisateur occasionnel aura avantage à choisir un programme au nombre d'options limité s'il ne veut pas se noyer dans
toutes les possibilités prévues. Un utilisateur averti préférera un
programme beaucoup plus complet dont les multiples options
offrent une souplesse et une commodité bien plus grande. Le programme d'affinement inclus dans la chaîne CRYSTALS par exemple
présente une variété de possibilités exceptionnelles qui, pour être
exploitées à leur maximum, exige une connaissance approfondie du
mode d'emploi et une parfaite compréhension du système. Cependant, toutes ces options offrent à un utilisateur averti des avantages
considérables qui permettent de rechercher la solution avec une
PE 1 076 - 6
efficacité remarquable et qui prévoient de nombreuses astuces destinées à faciliter les choses dans les cas difficiles. Citons quelques
programmes d'affinement parmi les plus utilisés : SHELXTL, CRYSTALS, TEXSAN, MOLEN, SDP, NRC, XTAL, XRAY…
Les coordonnées des atomes les plus lourds sont déduites de la
carte de Patterson ou fournies directement par la méthode directe
utilisée.
Une bonne façon de vérifier que la nature chimique des atomes
identifiés après la mise en œuvre des méthodes directes est correcte
consiste à pratiquer un affinement partiel en maintenant les coordonnées fixes mais en laissant varier les facteurs d'agitation thermique. Le facteur d'agitation thermique isotrope B est, pour chaque
atome, un des termes intervenant dans l'expression du facteur de
structure sous la forme exp ( Ð B sin 2q ¤ l 2 ) . Le choix d'un atome
comportant un excès d'électrons par rapport à ce qui devrait être,
conduit le facteur d'agitation thermique B à augmenter très fortement de façon à diluer l'excès de densité électronique. Inversement,
si le choix correspond à un défaut d'électrons sur un atome, le facteur d'agitation thermique B va diminuer fortement, voire devenir
négatif ce qui n'a pas de sens physique, pour compenser le manque
d'électrons et générer une densité électronique plus forte. Dans les
deux cas, c'est irréaliste car les facteurs d'agitation thermique qui
traduisent les vibrations thermiques des atomes à la température de
l'enregistrement, ont à peu près toujours la même valeur d'une
structure à l'autre, à numéro atomique constant. Il devient ainsi possible de distinguer sans difficulté par exemple entre un atome de
carbone et un atome d'azote dans un fragment organique.
Prenons l'exemple d'un trisaccharide C21H27NO15 comportant un
groupe acétamide. Le facteur B de l'azote est égal à 0,031 et celui
d'un de ses voisins carbone est 0,051, pour un facteur R = 0,148 à ce
stade de l'affinement. L'atome d'azote et l'atome de carbone ont été
délibérément inversés : les facteurs de température deviennent respectivement 0,007 au lieu de 0,031 et 0,061 au lieu de 0,051 alors que
le facteur R = 0,149 n'a pratiquement pas changé.
Si l'affinement a été partiel, c'est-à-dire si le nombre d'atomes
introduit dans ce premier affinement est inférieur au contenu du
motif, un calcul de série de Fourier s'impose. En règle générale, tous
les atomes manquants apparaissent, sinon le processus est repris :
affiner ce que l'on a trouvé et recalculer une série de Fourier, voire
une série de Fourier différence si l'on approche de la fin de la résolution. Le principe du calcul d'une série de Fourier sur une structure
incomplète repose sur l'idée suivante. À partir des positions connues, un facteur de structure partiel peut être calculé. Évidemment
la valeur trouvée diffère plus ou moins fortement du facteur de
structure observé dont la phase est inconnue. Il y a cependant de
très fortes chances pour que la phase calculée du facteur de structure partiel ne soit pas trop erronée puisque l'on est parti d'atomes
lourds ou puisque l'on possède un fragment du composé. Dès lors,
ces phases calculées, ou ces signes s'il existe un centre de symétrie
dans la maille, sont affectés par le programme aux modules des facteurs de structure observés. C'est pourquoi, en règle générale, le
résultat obtenu fait apparaître le reste de la structure.
Il est aussi possible de calculer une série de Fourier intermédiaire
entre un calcul normal et celui d'une série différence en prenant
l'expression 2Fobs – Fcal où Fobs est le facteur de structure observé et
Fcal le facteur de structure calculé. Une telle série de Fourier a la propriété que les hauteurs de pics des atomes identifiés et des atomes
non encore repérés sont à peu près les mêmes.
Il peut arriver que des pseudosymétries relient deux parties d'une
même molécule, rendant l'affinement difficile car les positions des
atomes pseudosymétriques se trouvent corrélées. Par exemple,
lorsqu'une pseudosymétrie apparaît reliant deux molécules ou deux
fractions de molécule, il peut se générer artificiellement deux autres
molécules ou deux fractions de molécules symétriques, ce qui conduit à une superposition d'images en quasi-coïncidence. C'est assez
fréquent avec des cycles benzéniques. Il est alors préférable de placer les atomes des cycles a priori par le calcul et d'affiner leurs positions en introduisant des contraintes sur les distances carbone-
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carbone et les angles carbone-carbone-carbone intracycliques car la
planéité et la régularité du cycle benzénique ne font pas de doute.
Ces contraintes sont un exemple des possibilités offertes par les différents programmes d'affinement.
Les problèmes de pseudosymétries et de corrélation sont les plus
délicats à traiter. Ils exigent beaucoup de soin et de précaution car il
faut identifier la pseudosymétrie pour pouvoir la casser. Un affinement par blocs, c'est-à-dire en séparant les parties corrélées en plusieurs blocs indépendants, chaque bloc étant affiné séparément,
permet souvent de traiter ce problème. L'idée est d'éliminer la corrélation en plaçant dans des blocs séparés indépendants les paramètres corrélés.
Le même procédé peut être appliqué si le motif asymétrique contient plusieurs molécules du composé dont on cherche la structure.
Le maximum qui ait été vu au laboratoire est 6 molécules dans le
motif asymétrique. Il arrive souvent dans ce cas que ces molécules
soient corrélées par une pseudosymétrie. On est ainsi ramené au
problème précédent. Les coordonnées et les composantes des facteurs d'agitation thermique sont rassemblées en autant de blocs
qu'il y a de molécules dans le motif et ces blocs sont affinés indépendamment les uns des autres.
a Copie d'écran de la série des E calculée après évaluation des
phases par le programme SHELXS
C14
01
C11
C16
C7
C9
C12
C15
03
04
C18
3.4 Exemple de résolution par les
méthodes directes
C17
C19
C13
La structure d'un trisaccharide de formule brute C23H34O11 a été
résolue par les méthodes directes. Le composé était énantiomériquement pur. Il s'agissait d'analyser la géométrie générale de la
molécule et plus particulièrement l'organisation des deux fragments
monosaccharide et disaccharide l'un par rapport à l'autre.
La maille est orthorhombique (a = 0,9292, b = 0,9335,
c = 3,3565 nm). La règle V/0,018 conduit à 162 atomes par maille. Le
groupe d'espace P212121 détecté par l'examen des réflexions systématiquement absentes (h = 2 n + 1 pour h 00, k = 2 n + 1 pour
0k 0, l = 2 n + 1 pour 00l) implique quatre molécules par maille. Cela
représente quatre fois 23 + 11 atomes « lourds », soit 136 atomes. Il
est donc à prévoir la présence de molécules de solvant incorporées
dans le réseau cristallin lors de la cristallisation.
Le programme SHELXS, traduction de la méthode de multisolution pour ordinateur, a choisi de travailler avec 302 facteurs de structure normalisés E ayant des valeurs supérieures à 1,35, alors qu'il y
avait 1 896 réflexions observées. Le calcul a détecté 24 réflexions
seminvariants, c'est-à-dire des réflexions de phase + ou – suivant le
choix de l'origine. Parmi toutes les solutions envisagées lors du calcul par cette méthode de la multisolution, le programme en a
détecté une correspondant à un CFOM de 0,09 ; le CFOM immédiatement plus élevé était 0,48, et tous les autres étaient supérieurs à
0,90. Ce cas est exceptionnellement favorable.
Sur cette base, le programme recherche automatiquement les
phases approchées de 532 réflexions ayant des E(hkl) supérieurs à
1,2. Un calcul de série de Fourier avec ces 532 E(hkl) a révélé les 19
atomes d'oxygène et de carbone numérotés sur la figure 1 qui est
une copie du dessin effectué à l'écran de la console par le programme et qui ne représente qu'une partie de la molécule. Les atomes d'oxygène sont une première identification faite par l'opérateur
qui essaie de reconnaître la molécule à partir de la liste des pics Fourier les plus forts du tableau 1 édité par le calcul car l'oxygène a 8
électrons au lieu de 6 pour le carbone, et à partir de la structure du
trisaccharide prévue par le chimiste.
06
C8
05
02
C10
b Copie d'écran de la série précédente dépouillée en attribuant des
symboles aux atomes à partir des hauteurs de pic, des distances
interatomiques et des angles de liaison ( atomes étiquetés ) ; sont
indiqués par des ronds noirs non étiquetés les atomes qui apparaissent
après un calcul de série de Fourier basée sur les atomes précédents
révélés par la série des E
05
06
C14
C18
C6
C5
08
C4
C7
011
01
010
C13
03
C1
C3
C24 C19
C17
C12
C9
C23
C2
02
C20
C22
C21
09
C10
07
C11
C15
04
C16
c Copie d'écran de la structure de C23H34O11 complètement résolue,
R = 0,073. Les ronds bleus sont les atomes d'oxygène, les ronds ouverts
les atomes de carbone, les petits ronds noirs les atomes d'hydrogène.
Seuls les atomes appartenant à la molécule de solvant (cyclohexane) de
cristallisation ne sont pas représentés.
Figure 1 – Partie de la structure d’un trisaccharide obtenue après
identification des atomes de carbone et d’oxygène
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Il existe un second facteur R dit pondéré :
å [ w ( Fobs Ð Fcal )] 2
R w = -----------------------------------------------------------------------2
å ( w Fobs )
Tableau 1 – Identification des pics en fonction
de leur intensité
Hauteur
du pic
Numéro
de l’atome
Hauteur
du pic
Numéro
de l’atome
183
O1
183
O2
180
O3
172
O4
168
O5
160
O6
155
C7*
154
C8
146
C9
141
C10*
139
C11*
134
C12
134
C13*
132
C14
132
C15
131
C16
131
C17
130
C18
128
C19
Les atomes affectés d’un astérisque se sont ultérieurement révélés être
des atomes d’oxygène d’après la structure attendue et d’après les distances
et angles de liaison.
Les coordonnées de ces 19 atomes sont déduites de la série de
Fourier précédente. Leur affinement par la méthode des moindres
carrés conduit à R = 0,33. Cet affinement permet d'affecter maintenant une phase approximative à toutes les réflexions enregistrées.
Approximative veut dire que l'on calcule un F (hkl) partiel avec ces
19 atomes dont on prend la phase que l'on affecte au |F (hkl)| enregistré dont le module est correct mais dont la phase n'est pas donnée par l'expérience. Une série de Fourier consécutive fait
apparaître les atomes du trisaccharide marqués sur la figure 1 b par
un rond noir non étiqueté. À ce stade, il ne manque plus qu'un seul
atome de carbone du cycle benzénique qui apparaît ouvert sur la
figure. Cela est provoqué par le fait qu'il existe encore des phases
incorrectes. Il faut aussi souligner que certains atomes avaient été
assignés incorrectement. C14, C7, C10, C13 et C11 sont en fait des
atomes d'oxygène. Ceci étant rectifié, après un second affinement, R
est égal à 0,16.
La fin de résolution de la structure, qui n'est plus qu'un travail de
routine, répète le processus précédent de série de Fourier et d'affinement par moindres carrés. Les distances interatomiques et les
angles de liaison permettent de vérifier le réalisme de la solution.
3.5 Affinement final
La qualité du résultat final de l'affinement s'apprécie par le facteur
R qui s'exprime par la relation :
å Fobs Ð Fcal
R = ---------------------------------------------------------å Fobs
— les sommes sont prises sur toutes les observations utilisées
pour l'affinement ;
— | Fobs | représente le module du facteur de structure observé ;
— | Fcal | représente le module du facteur de structure calculé,
mis sur la même échelle que | Fobs | ;
— la différence | Fobs | – | Fcal | est prise en valeur absolue.
PE 1 076 - 8
w
facteur de pondération propre à chaque F
avec
La raison conduisant à la pondération repose sur le fait que certaines mesures sont plus fiables que d'autres. Toute mesure expérimentale est entachée d'erreur. La mesure d'une intensité de
diffraction qui est un comptage de photons, n'échappe pas à cette
contrainte qui conduit au calcul d'un écart-type pour tout facteur de
structure. Les erreurs de comptage sur les fortes intensités de diffraction sont relativement plus petites que sur les faibles intensités
de diffraction. De ce fait, on peut accorder aux fortes intensités une
confiance plus grande qu'aux faibles, d'où l'introduction de coefficients de pondération qui tiennent compte de cette donnée.
Le poids w le plus simple est l'inverse du carré de l'écart-type
s Ð2 ( F ) du module du facteur de structure observé. Cela peut être
modulé par l'ajout d'un second terme tel que :
2 Ð1
w = [s 2 ( F ) + kF obs ]
où
k
est un facteur que l'utilisateur ajuste suivant les
expériences
Il est évidemment possible d'imaginer des facteurs de pondération plus sophistiqués. Hughes a proposé un schéma qui a été fort
utilisé :
w = ( a + F obs
+c
F obs
2 Ð1
)
avec a = 2 Fmin et c = 2 Fmax.
De nombreuses variantes pour évaluer a et c comme pour calculer
w ont été proposées. Par exemple, une autre méthode consiste à utiliser les polynômes de Tchebychev ; elle vise à rendre constante
empiriquement l'expression w ( F obs Ð F calc ) , une fois toutes
les corrections faites, échelle, absorption, extinction secondaire,
désordre, et une fois l'affinement terminé. Le lecteur pourra se
reporter utilement aux ouvrages spécialisés.
Cependant, les diffractomètres actuels utilisent souvent une stratégie de mesure qui a précisément pour objet de rapprocher les
erreurs statistiques entre mesures d'intensité fortes et faibles. Pour
ce faire, le balayage sera d'autant plus rapide que l'intensité de diffraction sera importante ; une tache de diffraction faible mais non
nulle pourra ainsi être enregistrée jusqu'à dix fois de suite et les
photons comptés seront accumulés. Dans ce cas, les poids statistiques sont tous pris égaux à 1. C'est une pratique courante au laboratoire de l'auteur. Chaque cristallographe manifeste un penchant
particulier pour le schéma qu'il utilise habituellement.
Lorsque tous les atomes ont été identifiés, souvent le chimiste se
satisfait de ce résultat. Ce qui l'intéresse est en effet le plus souvent
la nature d'une molécule ou un problème stéréochimique.
Le cristallographe doit considérer que les choses ne sont pas terminées pour autant. L'affinement général doit être poursuivi jusqu'à
son terme, c'est-à-dire jusqu'à ce que le facteur R ne décroisse plus.
Le travail qui reste à faire est sans aucun doute moins spectaculaire,
voire parfois fastidieux, mais il conditionne la qualité du résultat. En
minimisant davantage les différences entre facteurs de structure calculés et observés, les écarts-types c'est-à-dire la précision sur les
distances interatomiques et les angles de liaison qui sont les véritables résultats, seront d'autant plus faibles que le facteur R sera
meilleur.
Si le nombre de données le permet, les vibrations thermiques des
atomes doivent être traitées de façon anisotrope. Le nombre de
paramètres variables par atome passe ainsi, pour un atome situé en
position générale, de 4 à 9. Il faut alors veiller à ce que le nombre de
données soit au moins 5 à 6 fois supérieur au nombre total de paramètres variables. Autrement, il est préférable de traiter les vibra-
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tions thermiques comme isotropes. Bien entendu, les programmes
actuels permettent de gérer une partie des atomes avec des facteurs
d'agitation thermique isotropes, et l'autre partie avec des facteurs
anisotropes. Dans ce cas, les atomes les plus lourds sont mis en
priorité en situation anisotrope. On veillera à prendre en compte la
réduction du nombre de paramètres variables du tenseur de vibration thermique si l'atome est placé sur un élément de symétrie.
Il arrive que l'analyse des résultats après affinement avec des facteurs de température anisotropes, conduise à observer des axes
d'ellipsoïdes de vibration thermique tous parallèles, ou presque. Ce
fait est l'indice indubitable d'une mauvaise prise en compte de
l'absorption que le calcul de moindres carrés cherche alors à corriger en utilisant cette liberté qui lui est donnée, à savoir introduire
une anisotropie.
Cela étant fait, les atomes d'hydrogène peuvent être introduits.
Même si l'hydrogène se trouve à la limite de détection des rayons X,
car il n'a qu'un seul électron, il faut bien réaliser que le nombre total
d'électrons dus à l'hydrogène dans une molécule organique représente souvent une proportion non négligeable du nombre total
d'électrons contenus dans la molécule.
Par exemple, la molécule d'un sucre complexe de formule brute
C23H34O11 comporte 13 % d'électrons dus aux atomes d'hydrogène.
La précision des mesures actuelles des diffractomètres permet souvent de repérer ces atomes lorsque le cristal est de bonne qualité. La
recherche de leurs positions se fait sur une série de Fourier
différence ; elles sont vérifiées en considérant les angles de liaison
et les distances interatomiques correspondants. Les pics de densité
électronique traduisant ces positions peuvent mal émerger du bruit
de fond, en particulier si le cristal trop petit a conduit à des mesures
d'intensité de diffraction assez faibles. Ces positions peuvent être
alors calculées a priori. Par exemple, dans le cas d'un CH ou d'un
CH2, il est clair que les atomes d'hydrogène se placent dans des
positions qui complètent l'environnement tétraèdrique déjà partiellement connu de l'atome de carbone auquel ils sont liés. De la
même façon, la position des atomes d'hydrogène d'un groupe phényl n'est pas arbitraire. Un affinement de ces positions calculées
peut être tenté à condition de disposer d'un nombre suffisant de
données par variable. Dans le cas contraire, ou si des difficultés surgissent dans cet affinement, conduisant à des positions irréalistes
de ces atomes d'hydrogène, une bonne méthode consiste à calculer
les positions des atomes d'hydrogène ; on procède alors à un affinement par moindres carrés en gardant les positions des atomes
d'hydrogène fixes ; après affinement, les positions des atomes
d'hydrogène sont recalculées, puis un nouvel affinement est répété.
Il est souvent préférable d'affecter le même facteur de température
à tous les atomes d'hydrogène d'une même molécule organique. Il
est aussi possible, pour une structure purement organique, de différencier les atomes d'hydrogène des groupes CH de ceux des groupes CH2 et de ceux des groupes CH3 à raison d'un facteur de
température par type d'atome d'hydrogène.
Lorsque les atomes d'hydrogène ont été placés, les corrections
d'absorption doivent être calculées, même si le cristal est de nature
purement organique. Cela permet de prendre en compte une forme
irrégulière du cristal. Bien évidemment, le contenu correct de la
maille devra être précisé. Le lecteur devra prendre conscience du
fait que ces méthodes de calcul sont essentiellement empiriques car
il est extrêmement difficile de mesurer avec précision les dimensions du cristal. Toutes les chaînes de calcul actuelles incorporent un
calcul de correction d'absorption de qualité. Puis un nouvel affinement final est repris.
Arrivé à ce point de l'affinement, il reste à examiner si l'extinction secondaire joue un rôle ou non. Un écart important sur
| Fobs | – | Fcal | et un facteur R moins bon à faible angle de Bragg
sont révélateurs du phénomène d'extinction secondaire. Les programmes d'affinement ont une entrée spéciale déclenchant le calcul de ce paramètre qui s'introduit alors comme une variable
supplémentaire dans l'affinement par la méthode des moindres
carrés.
Il a été dit précédemment que l'affinement pouvait être réalisé sur
la base des F 2(hkl) au lieu des F(hkl). Traditionnellement, les cristallographes ont affiné leurs structures sur la base des F(hkl), et beaucoup continuent de le faire de cette façon. Récemment Sheldrick a
reconsidéré le problème et prône l'affinement sur les F 2(hkl). Son
expérience personnelle lui fait écrire que cette méthode présente de
nombreux avantages. Il souligne notamment que l'expérience a
montré que, lorsqu'un affinement doit être réalisé alors que de nombreuses réflexions sont faibles, la prise en compte de toutes les données conduit à une solution meilleure. Notamment les écarts-types
sur les distances et les angles sont plus faibles car le nombre d'informations est plus important. Cette remarque prend toute sa signification lorsque le cristal est de petite taille ou lorsque intervient une
pseudosymétrie qui engendre toujours un groupe de réflexions de
faible intensité que l'on doit absolument intégrer dans le calcul si
l'on veut comprendre la pseudosymétrie.
Le problème qui apparaît alors est l'obtention des écarts-types
s ( F obs ) des faibles réflexions. Si F 2(hkl)obs est petit ou même
négatif, à cause des fluctuations statistiques importantes pour les
faibles taux de comptage, il devient très difficile d'atteindre
s ( F obs ) à partir de s ( F obs2 ) ; cela suppose en effet que l'on dispose d'une fonction de distribution pour les valeurs de F(hkl) et,
dans le cas des réflexions de faible intensité, elle n'est pas connue a
priori. C'est pourquoi Sheldrick préfère affiner sur les F 2(hkl)obs au
lieu de travailler avec les F(hkl)obs.
La méthode s'applique aussi particulièrement bien lorsque les
cristaux sont micromaclés, c'est-à-dire lorsque le maclage s'effectue
entre des microcristaux ne comportant que quelques mailles. Ce
point avait été signalé il y a de nombreuses années.
Cependant, encore une fois, si les mesures sont de mauvaise qualité, un changement de la méthode d'affinement, en utilisant les F2
au lieu des F par exemple, ne rendra pas les choses plus faciles. Le
bon sens suggère qu'aucun traitement mathématique, aussi élaboré
soit-il, n'améliorera la qualité des mesures.
4. Conclusion
Les cristallographes ont la très grande chance de savoir que la
détermination de la structure d'un monocristal a nécessairement
une solution. Ils sont considérablement aidés dans leur travail par
des calculateurs très rapides et relativement peu coûteux, disposant
d'une mémoire confortable.
Il n'en reste pas moins vrai que la plus grande vigilance s'impose.
Si la détermination de structure d'un composé n'est pas compliquée par une pseudosymétrie et donc par des corrélations entre
paramètres atomiques lors de l'affinement, ou par l'existence d'un
désordre qui a pour effet de diluer la densité électronique, cette
détermination prend une à deux heures. La vitesse d'exécution des
calculateurs, qui continue de s'accroître d'année en année, a conduit
à une évolution spectaculaire qui tend à transformer la détermination de structure en affaire de routine. Cependant, il est fortement
conseillé à un utilisateur occasionnel de toujours vérifier ses résultats avec un cristallographe averti, ou de résoudre sa structure sous
son contrôle.
On pourrait également citer dans cette conclusion un long article
très spécialisé écrit par David Watkin intitulé The Control of Difficult
Refinements (Acta Cryst., A50, 411-437, 1994) qui fait le point sur un
certain nombre de problèmes difficiles rencontrés lors d'une résolution de structure et sur quelques erreurs à éviter. Cette revue
détaillée fourmille d'exemples et sera fort utile pour une personne
avertie.
Une caractéristique structurale inhabituelle pour le chimiste ou un
désaccord avec ce que le chimiste pensait trouver dans son cristal,
doit toujours être considéré comme le signe potentiel d'une anomalie. Une analyse fine et rigoureuse s'impose. À ce niveau d'investi-
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DETERMINATION DE STRUCTURE CRISTALLINE PAR RAYONS X : METHODES NUMERIQUES ___________________________________________________________
gation, l'aspect routine disparaît et une connaissance approfondie
de la cristallographie et surtout de la cristallographie géométrique
s'impose. Il faut alors faire appel au spécialiste qui, traitant ces problèmes constamment, possède l'expérience sinon pour résoudre le
problème posé, du moins pour trouver des modèles et tenter de les
appliquer.
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Détermination de structure
cristalline par rayons X : méthodes
numériques
par
Yves JEANNIN
Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Paris
Professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie
Correspondant de l’Institut
Bibliographie
Il existe un ouvrage général édité par l'Union
internationale de cristallographie qui est un recueil
de constantes, de formules, de données numériques, qui décrit tous les groupes d'espace et leurs
caractéristiques géométriques. Cet ouvrage en
quatre volumes est indispensable pour tout cristallographe.
International Tables of Crystallography
Volume I Symmetry groups
Volume II Mathematical Tables
Volume III Physical and Chemical Tables
Volume IV Revised and Supplementary Tables
Kynoch Press, Birmingham, 1974.
Les programmes servant aux résolutions de
structure se classent en plusieurs catégories. Il y a
d'abord des chaînes de calcul très complètes, puis
ensuite des programmes plus spécifiques.
Chaînes générales
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