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Analyse de l’hydrogène dans les aciers

par

Jean-Charles BOSSON

Docteur chimie-physique Creusot-Loire Industrie. Centre de Recherche des Matériaux du Creusot

1.

2.

2.1

2.2

Différents états d’existence de l’hydrogène dans les aciers

......

Moyens analytiques

................................................................................. Dosage dans l’acier liquide.........................................................................

Dosage sur échantillon solidifié ................................................................. 2.2.1 Prélèvement de l’échantillon dans l’acier liquide ............................

2.2.2 Préparation des échantillons ............................................................. 2.2.3 Extraction de l’hydrogène..................................................................

2.2.4 Mesure de l’hydrogène ......................................................................

3.

4.

Précision des dosages

Conclusion

............................................................................ .................................................................................................

Pour en savoir plus

........................................................................................... M 262 - 2 — — — — — — — 2 2 3 3 4 4 5 — — Doc. M 262 6 7

L

es problèmes posés par le dosage de l’hydrogène dans l’acier ne sont pas faciles à résoudre. Il s’agit de doser de très faibles quantités de cet élément (de 0,1 à quelques microgrammes par gramme d’acier) dans une matrice qui ne le retient pas facilement et qui peut même, dans une certaine mesure, réagir avec lui.

En effet, l’hydrogène va exister sous de multiples formes dans l’acier. Ces formes peuvent être ou non en équilibre mutuel, mobiles ou immobiles.

Par ailleurs, les sources de contamination ou de pollution des échantillons sont innombrables, qu’elles soient minérales (vapeur d’eau, hydroxydes...) ou organiques (graisses...).

Les réponses apportées aujourd’hui à ces problèmes de déterminations qua litative et quantitative de l’hydrogène présent dans l’acier peuvent être classées en trois parties : — le prélèvement : quels sont les différents types existants mais aussi et sur tout comment obtenir un « bon échantillon » ? ; — le dosage : quelles sont les différentes techniques possibles à mettre en œuvre pour mesurer la quantité exacte d’hydrogène présent dans l’échantillon ? ; — la critique du dosage : comment s’assurer que tout s’est bien passé et quelle foi accorder aux valeurs obtenues ?

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1. Différents états d’existence de l’hydrogène dans les aciers

Comme il a été mentionné précédemment, l’hydrogène existe sous de multiples formes. On distingue ainsi : ■

l’hydrogène sous forme protonique

Selon Friedel [1] , l’hydrogène monoatomique donne son élec tron à la couche conductrice 3d du métal ; on parle alors de proton écranté en position interstitielle dans le réseau, et cette forme est mobile (diffusion interstitielle) ; ■

l’hydrogène sous forme moléculaire (H 2 )

Lorsqu’un défaut (fissure, cavité, pore...) a un volume suffisant, l’hydrogène peut reprécipiter de l’état atomique à l’état molé culaire H 2 . Comme pour l’hydrogène moléculaire situé à l’extérieur du métal, on peut théoriquement parler d’un équilibre de Sieverts : =

k p

1/ 2 H 2 avec concentration en H protonique interstitiel,

p

H 2 pression (interne) en H 2 moléculaire.

À moins que le défaut en question ne grossisse ou ne se déplace au cours du temps, auquel cas les molécules d’H nécessaire) ; 2 peuvent le suivre, cette forme d’hydrogène est immobile : l’hydrogène moléculaire ne peut diffuser dans le réseau (le passage à une autre forme est ■

l’hydrogène sous forme adsorbée (H a )

Que ce soit sur une surface externe ou interne, l’hydrogène peut être adsorbé ; il peut l’être sous forme monoatomique, moléculaire, ou autre (plusieurs atomes), et l’on parle ainsi de physisorption, chi misorption, etc. Peu de choses sont connues quant à la mobilité en surface de cette forme ; ■

l’hydrogène sous forme piégée (H p )

Plusieurs états de piégeage sont possibles. Dans ce cas, l’hydro gène est généralement sous forme atomique et peut être mobile (piégeage par les dislocations, par les lacunes) ou immobile (piégeage sur un carbure stable par exemple). On peut cependant aussi envisager des formes moléculaires piégées de l’hydrogène (piégeage aux interfaces ou piégeage volumique) ; ■

l’hydrogène sous forme combinée (H c )

C’est une forme extrême de piégeage, où des liaisons chimiques réelles sont formées entre l’hydrogène et d’autres atomes. Ainsi, du méthane (CH 4 ) se forme par décomposition des carbures à haute température et sous haute pression d’hydrogène.

Ces diverses formes d’existence de l’hydrogène donnent lieu à divers types de mobilité : diffusion interstitielle fickienne, avec pièges, avec repoussoirs (barrière énergétique locale due à l’inter action de l’élément piégé), avec obstacles, transport par les dislo cations, par court-circuit de diffusion (par exemple diffusion en phase γ , puis rencontre d’un joint de grain et diffusion le long de celui-ci), etc.

L’existence d’une diffusion interstitielle fickienne confère une très

grande mobilité de l’hydrogène notamment dans le fer (figure

suit une loi d’Arrhenius D = D 0 lue), il faut traverser très rapidement le domaine 1 600 à 50 o

1

).

Donc, pour éviter les pertes d’hydrogène lors du refroidissement des échantillons prélevés dans l’acier liquide (le coefficient de diffusion exp (– Q / RT ) où Q est une énergie d’activation, R la constante molaire des gaz et T la température abso C et plus particulièrement 900 à 200 o C. Les consignes actuelles demandent en général que l’on passe de l’acier liquide à la tempé rature ambiante en moins de 30 secondes. Mais, à température ambiante, l’hydrogène diffusible s’échappe encore relativement vite (échantillon non représentatif au bout d’une heure). C’est pourquoi les échantillons sont stockés dans l’azote liquide où, à la température de – 196 o C, la diffusion est bloquée.

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Figure 1 – Coefficient de diffusion de l’hydrogène dans le fer et dans l’acier

[6] [7] [8]

2. Moyens analytiques 2.1 Dosage dans l’acier liquide

Il s’est développé, ces dernières années, une technique analytique pour le dosage de l’hydrogène mettant en œuvre l’utilisation de sondes plongées dans l’acier liquide (figure

2

). Le principe est basé sur l’équilibre qui existe entre l’hydrogène présent dans le métal liquide et des bulles de gaz (azote) que l’on y fait barboter (figure

3

).

H(dans l ′ acier liquide) £ 1/2 H 2 (g) (dans la phase vapeur) avec H hydrogène en solution dans l’acier liquide, H 2 (g) hydrogène gaz dans la phase vapeur (azote).

On a ainsi : H 2 (ppm masse) =

K /f

H

p

1/ 2 H 2 avec K

T p

H2

f

H i

e

H constante d’équilibre lgK = – 1 900/T + 0,920 1 [2] , (K) température, (hPa), coefficient d’activité lgf H = Σ

e

i H [ ] ,

e

i H = ∂ ( lgf H ) / ∂ [ ] où [i (%)] représente la concen tration de l’élément d’alliage i.

On se reportera à la littérature valeurs des coefficients. Notons toutefois que pour des aciers fai blement alliés f H ≈ 1,029. La mesure proprement dite se fait par

conductivité thermique (§ 2.2.4)

[2] pour obtenir les différentes

, l’étalonnage étant réalisé avec des

mélanges connus de gaz (N 2 + H 2 ) à différentes concentrations en hydrogène.

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______________________________________________________________________________________________ ANALYSE DE L’HYDROGÈNE DANS LES ACIERS Figure 2 – Schéma de principe du système

Hydris

(Electro-nite)

Figure 3 – Diffusion de l’hydrogène dans le métal liquide et équilibre avec la phase gazeuse

2.2 Dosage sur échantillon solidifié

2.2.1 Prélèvement de l’échantillon dans l’acier liquide

Les dispositifs de prélèvement utilisés peuvent être classés en 4 types : — prélèvement en moule de cuivre, à la louche [3] ; — prélèvement en tube de quartz dans le jet de coulée [4] ; — prélèvement en tube de verre prévidé [3] ; — prélèvement en tube de quartz en masselotte [5] .

Moule de cuivre

Rempli par du métal liquide pris à la louche, il a fait l’objet de nom breuses comparaisons, en particulier de la part de la Commission Internationale d’Études et de Rationalisation des Méthodes de Dosage des Gaz dans les aciers et les fontes entre 1950 et 1960 [3] .

Il a longtemps été considéré comme une référence. Cependant ce mode de prélèvement présente de sérieux inconvénients : — il n’est pas aisé : en effet, il demande un prélèvement d’acier liquide à la louche, dans une aciérie moderne, utilisant des poches de grandes dimensions ; cette prise à la louche est particuliè rement difficile, voire dangereuse ; de plus, deux personnes sont nécessaires à sa mise en œuvre (rapidité) ; — il n’est pas sûr : les possibilités de pollution du métal par la louche ou le moule sont importantes ; d’autre part, une fois solidi fié, le crayon se trouve dans le moule de cuivre à une température de l’ordre de 500 o C ; à cette température la diffusion de l’hydro gène est très rapide ; pour éviter d’en perdre des quantités signifi catives, il faut donc démouler le crayon et le tremper à l’eau en un temps très court < 15 s (moins de 30 secondes dans la norme inter nationale, ce qui est trop long).

Tube de quartz

Placé tangentiellement au jet de coulée, il a rapidement été pro posé pour remplacer le moule de cuivre car il présente l’avantage d’être beaucoup plus facile à utiliser. D’autre part, une fois solidifié dans le quartz, le métal reste à une température (> Ac 1 , typiquement > 800 o C) telle qu’il est encore en phase γ lorsqu’on le plonge dans l’eau pour le ramener à la température ambiante. Le risque de perte d’hydrogène par diffusion est donc plus faible qu’avec le moule de cuivre (pas de démoulage, le tube casse par choc thermique).

Pour que le prélèvement soit représentatif de la coulée, il faut que le métal coulant sous la poche soit homogène et non contaminé. Il est recommandé de ne pas faire le prélèvement juste après ouverture de la busette ni dans un jet trop réduit, et d’utiliser un tube de quartz parfaitement propre. En particulier, ce dernier ne doit pas être le lieu de condensation d’humidité atmosphérique. Après étuvage il doit donc être conservé à une température supérieure à la température ambiante et à l’abri de la poussière.

Tube de verre prévidé

Plongé dans le métal liquide, il se remplit par fusion de l’opercule de fermeture de l’enceinte et aspiration de métal par le vide du tube.

Il a l’avantage de pouvoir donner un échantillon représentatif du métal au dernier stade de la fabrication, juste avant solidification.

Le tube de verre prévidé paraît simple d’emploi, cependant il pré sente un point fragile au niveau du bulbe qui se perfore facilement, en particulier lors de la traversée des poudres de couverture. Son utilisation demande donc l’attente de la fin de toute réaction exo thermique des poudres et de la formation d’une croûte solide sur le métal, puis la mise à nu de ce dernier à l’aide d’une raclette pour pouvoir plonger le tube directement dans le métal liquide. Cela n’est pas toujours facile à pratiquer dans une aciérie moderne et demande un doigté difficile à acquérir et à entretenir. D’autre part la conservation du vide dans les tubes au cours de leur stockage n’est pas évidente.

Des comparaisons ont été effectuées entre résultats de dosages sur des prélèvements obtenus à l’aide de moule de cuivre et de tubes prévidés. La moyenne des écarts est de 0,06 ppm masse pour 45 couples de valeurs, écart qui n’est pas significatif.

Tube de quartz en masselotte

Compte tenu des inconvénients du tube prévidé, un mode de prélèvement profitant de la pression ferrostatique dans le bain lors de l’immersion de la sonde a été développé par Staats avec un taux de réussite proche de 100 %.

[5] . La forme particulière du capuchon, avec trous d’alimentation en métal sur le côté, permet d’avoir des prélèvements de très bonne qualité Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.

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Autres types de prélèvement

Pour limiter, voire éliminer les problèmes de perte d’hydrogène lors du refroidissement des échantillons, plusieurs sortes de prélè vements ont été imaginés, parmi lesquels celui proposé par ESK et Leybold Heraeus [8] [9] , dont le principe a ensuite été repris par plusieurs équipes japonaises [10] [11] [12] .

Avec ce mode de prélèvement, l’acier liquide vient refermer une enceinte dans laquelle il dégaze en se refroidissant lentement. Il suffit alors de doser l’hydrogène recueilli dans l’enceinte et l’hydro gène restant dans l’acier pour obtenir la teneur en hydrogène de l’acier au moment du prélèvement.

2.2.2 Préparation des échantillons

La préparation des échantillons est un point essentiel pour le dosage de l’hydrogène. Elle permet d’éliminer les pollutions éven tuelles. Or les sources de pollution sont nombreuses, les atomes d’hydrogène se trouvant dans de nombreux composés courants : eau, graisses voire oxydes. Les pollutions, si elles n’étaient pas éli minées, donneraient des valeurs par excès.

liquide, il peut être légèrement oxydé en surface. Les oxydes de surface ont longtemps été considérés comme négligeables, ce qui est une erreur (tableau nique quelconque (brossage, fraisage...) en prenant soin de ne pas apporter là une nouvelle pollution et en replongeant périodiquement ( ≈ Lorsque le prélèvement arrive au laboratoire dans son vase d’azote

1

). Il faut les éliminer par un moyen méca toutes les 30 s) l’échantillon dans l’azote liquide pour le maintenir à très basse température.

La masse de l’échantillon ne doit pas être trop éloignée de la masse moyenne constante ( ≈ 4 g) de façon que la quantité d’hydrogène à mesurer soit toujours à peu près la même. Cela évite les problèmes de non-linéarité de l’appareil de mesure et de gammes de mesure.

Tableau 1 – Principales réactions chimiques parasites pouvant se produire lors du dosage de l’hydrogène dans l’acier

Réactions Températures d’équilibre

( o C)

En absence de carbone

● Oxydation de l’hydrogène par les oxydes de fer FeO + H 2 £ Fe + H 2 O Fe 3 O 4 + H 2 £ 3FeO + H 2 O

En présence de carbone

● Formation de CO 2 ● ● ● 2FeO + C £ 2Fe + CO 2 2Fe 3 O 4 + C £ 6FeO + CO 2 Formation de CO FeO + C £ Fe + CO Fe 3 O 4 + C £ 3FeO + CO Équilibre de Boudouart £ 2 + C Oxydation de l’hydrogène par les oxydes de carbone CO + H 2 £ 2 O + C CO 2 + 2H 2 £ 2 O + C 1 739 760 765 703 731 704 705 683 649 L’échantillon est ensuite débarrassé de sa couche de givre et ramené à température ambiante par trempe dans un bécher conte nant de l’alcool pendant une trentaine de secondes. Cette étape per met d’effectuer un nettoyage ultime des poussières d’oxydes très fines produites lors du brossage et restées collées sur le métal, en mettant le bécher dans une cuve à ultrasons.

Passé ce nettoyage l’échantillon ne devra plus être touché avec les mains afin d’éviter les pollutions par les graisses.

Il sera encore nettoyé au diméthylate de méthylène [CH dosage.

2 (OCH 3 ) 2 ], séché par aspiration sous vide, pesé et introduit dans l’appareil de

L’ensemble des opérations de préparation ne dure pas plus de 10 minutes.

2.2.3 Extraction de l’hydrogène

L’extraction de l’hydrogène de l’échantillon se fera relativement facilement puisque nous avons vu qu’à chaud il ne demande qu’à migrer hors de l’échantillon.

Les principaux mode d’extraction actuellement utilisés sont les suivants.

a) Appareil monté en laboratoire : dégazage sous vide avec extrac tion en phase solide, à 600 o C (aciers ferritiques) ou 1 000 effet, à la température de 600 o o C (aciers austénitiques) et filtration de l’hydrogène sur une membrane de pal ladium. Cette différence entre les températures d’extraction appli quées permet d’avoir des temps d’analyse à peu près similaires. En C, on reste sous le point de trans formation Ac 1 pour les aciers ferritiques avec une valeur de coeffi cient de diffusion comparable à celle obtenue à 1 000 o C pour les aciers austénitiques (figure

1

).

b) Appareils LECO RH 103 ou LEYBOLD-HERAEUS H2A 2002 :

dégazage sous gaz vecteur azote avec extraction en phase solide.

Le plus judicieux consiste à utiliser les mêmes températures que pour a).

dégazage sous gaz vecteur azote, avec extraction par fusion.

Il va de soi qu’il est possible de choisir les méthodes b) ou c) de façon à avoir des modes de dosage appropriés à ce que l’on recherche. (Appareil STROHLEIN H-MAT 2500).

Avantages et inconvénients de chaque méthode

La méthode a) est la plus sûre mais elle est très lente (45 minutes en moyenne pour effectuer un dosage) et demande un matériel fra gile et d’entretien délicat. C’est une méthode de référence à utiliser en laboratoire central mais à éviter en suivi de production.

La méthode b) est excellente mais ne satisfait pas les puristes qui pensent souvent que tant que l’échantillon reste solide tout l’hydrogène n’est pas extrait.

La méthode c) est bonne, elle est universelle mais un peu plus délicate à mettre en œuvre que la méthode b) du fait des tempé ratures plus élevées et de l’utilisation d’un creuset de graphite (figure

5

).

Il existe encore quelques méthodes très particulières telles que l’échauffement localisé (1 µ m 2 ) sous vide à l’aide d’un faisceau laser [13] intéressant dans le cas de matériaux composites (au sens large du terme : joints soudés, structure diphasée, etc.), ou le dégazage en rampe (et/ou palier) de température, technique appli quée notamment pour l’étude du piégeage de l’hydrogène dans les aciers

(§ 2.2.4.3)

[14] [15] .

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2.2.4 Mesure de l’hydrogène

Après son extraction, il convient de mesurer la quantité d’hydro gène sorti de l’échantillon.

2.2.4.1 Après dégazage sous vide

La variation de pression dans l’enceinte recueillant l’hydrogène est mesurée à l’aide d’une jauge Mac Leod (article Mesure du

vide [R 2 050] dans le traité Mesures et Contrôle). Connaissant le

volume de l’enceinte, on en déduira alors facilement la quantité d’hydrogène grâce à la loi des gaz parfaits (figure

4

) :

nH

2 = pH 2 v/RT avec nH 2

pH

2 (Pa)

v

R (m

3 ) nombre de moles d’hydrogène, pression de l’hydrogène dans l’enceinte, volume de l’enceinte, constante molaire des gaz 8,314 4 J/(mol · K),

T (K)

température.

Il est à remarquer qu’à partir du moment où le volume de l’enceinte est connu cette méthode est absolue et ne requiert aucun étalonnage. D’autre part, du fait du passage des gaz extraits sous vide à travers une membrane de palladium, elle est sélective et n’est pas influencée par la présence d’autres gaz. Il s’agit donc bien d’une méthode de référence.

2.2.4.2 Après extraction sous gaz vecteur

La variation de conductivité thermique du mélange gazeux est

mesurée à l’aide d’un catharomètre (figure

thermique entre le mélange N 2 / H 2

5

). Ce dispositif donne

un signal électrique qui est fonction de la différence de conductivité provenant de l’analyseur et N 2 pur venant directement de la bouteille d’alimentation de l’analyseur.

La figure

6

montre l’évolution du signal en fonction du temps pour

un échantillon dégazé par fusion. Au bout d’un laps de temps néces saire à l’arrivée des gaz sur le détecteur, le signal croît très rapide ment (dégazage en phase nentielle décroissante.

α ). Ensuite, la température continuant à augmenter, le signal recommence à croître mais moins rapidement qu’en début de chauffe car il n’y a plus beaucoup d’hydrogène dans le métal. Après passage à la fusion, il y a équilibre entre l’hydrogène en solution et l’atmosphère. Le balayage par de l’azote pur entraîne l’hydrogène et le métal dégaze complètement, selon une loi expo L’appareil de mesure enregistre ce signal en fonction du temps et l’intègre sur toute la durée du dosage (mesure de l’aire sous la courbe de la figure

6

). Pour relier la valeur de cette aire à la quan tité d’hydrogène à mesurer, il faut étalonner l’appareil, ce qui se fait en envoyant dans le détecteur des quantités connues de gaz hydrogène en calculant les paramètres de la droite d’étalonnage. Il ne s’agit donc pas d’une mesure absolue.

Par ailleurs cet appareil de mesure n’est pas sélectif. Comme le

montre le tableau

2

, certains gaz ont une conductivité thermique

très voisine de celle de l’azote (oxygène ou monoxyde de carbone) et leur présence dans le gaz vecteur passe inaperçue. Par contre d’autres gaz peuvent augmenter la conductivité thermique du mélange (méthane) ou la diminuer (argon ou dioxyde de carbone) et donneront des signaux qui s’ajouteront ou se retrancheront au signal dû à la présence d’hydrogène, d’où une erreur d’analyse.

(0)

Tableau 2 – Conductivité thermique de quelques gaz

[10

–3

W / (m · K) à 0

o

C sous 1 atm]

Hydrogène .................................................................

Hélium ........................................................................

Méthane .....................................................................

Oxygène .....................................................................

Azote ..........................................................................

Monoxyde de carbone ..............................................

Argon .........................................................................

Dioxyde de carbone ..................................................

168,3 142,6 30,4 24,2 24 23 16,3 14,6

2.2.4.3 Autres techniques

Dans le cadre d’études plus fondamentales, il faut noter la pos sibilité de mesurer le signal correspondant à l’hydrogène par spec trométrie de masse. Cette technique est particulièrement adaptée pour l’analyse thermique de l’hydrogène [10] , c’est-à-dire la tempé rature critique de libération de l’hydrogène pour une famille de pièges donnés. En effet, avec des rampes de montée en température pour l’extraction de l’hydrogène, on obtient différents pics corres pondant à différents types de sites de piégeage. En faisant varier les vitesses de montée en température, on atteint les énergies d’acti vation de dépiégeage et, sous réserve d’un étalonnage du spectro mètre, une quantification par intégration du signal de l’hydrogène contenu dans chaque type de pièges. Cela reste toutefois une méthode de centre de recherche. Il n’existe pas à l’heure actuelle de matériels commercialisés utilisant cette technique pour le dosage de l’hydrogène.

Figure 4 – Schéma de principe du dosage par dégazage sous vide et mesure de pression

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3. Précision des dosages

Figure 5 – Schéma de principe du dosage par fusion et mesure de conductivité thermique Figure 6 – Évolution du

signal hydrogène

lors du dégazage d’un échantillon par fusion

■ Toujours dans le domaine de montage de laboratoire, la détec tion de l’hydrogène peut se faire par chromatographie gazeuse cou plée à un système de détection en phase solide [16] .

■ Il est également utilisé, notamment pour la détermination de l’hydrogène diffusible dans les soudures, le dégazage sous mercure avec récupération des gaz (hydrogène) dans la branche fermée d’un eudiomètre de diamètre intérieur normalisé (4 mm) (norme NF A 81-305 : Électrodes enrobées pour soudage manuel à l’arc.

Exécution d’un dépôt de métal fondu et dosage de l’hydrogène dif fusible). Lorsque le processus est terminé, la longueur de la colonne de gaz peut être mesurée et le volume d’hydrogène calculé. On estime que le dégazage est terminé lorsque des observations jour nalières ne montrent plus d’augmentation de ce volume.

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− 6 Comme pour tout dosage de traces, la précision relative du dosage de l’hydrogène est assez médiocre. Elle est difficile à chif frer car de nombreux facteurs, tels que la qualité de l’échantillon nage ou l’étalonnage des appareils, vont intervenir sur la qualité des résultats. Il convient de distinguer la précision des appareils de mesure, celle du dosage proprement dit (y compris la séparation de l’hydrogène) et celle obtenue en contrôle de production (tenant compte des imperfections de prélèvement).

La précision des appareils de mesure se détermine en envoyant, de façon répétée, des quantités données d’hydrogène supposées parfaitement déterminées. Il est alors possible de calculer un écart type dit « d’étalonnage ». Avec les catharomètres modernes (mesure de conductivité thermique) on arrive à des coefficients de variation CV [rapport entre l’écart-type de dosage (sur échantillon homogène) à la quantité mesurée] extrêmement faibles.

La précision du dosage se détermine à partir d’échantillons sup posés parfaitement reproductibles. Des dosages effectués sur plu sieurs échantillons permettent alors de calculer un écart-type et un coefficient de variation de dosage. Le problème est de disposer d’échantillons.

Pour ce faire il est possible d’utiliser des fils d’acier inoxydable austénitique [17] .

Ainsi avec une bobine de fil sélectionnée, sur 9 mois, 83 dosages effectués par fusion (ISA ITHAC 01) ont donné une moyenne de 5,97 ppm masse d’hydrogène avec un écart-type de 0,21 ppm (CV = 3,5 %). Sur une autre qualité de fil, en 3 mois, 176 dosages ont donné une moyenne de 1,56 ppm avec un écart-type de 0,09 ppm masse (CV = 5,8 %).

Il est également possible d’utiliser des échantillons standards en acier austénitique. Le tableau

3

montre les résultats obtenus à partir de ces échantillons. Cependant, ceux-ci devant être employés sans préparation de surface, il en résulte une certaine dispersion due à la pollution superficielle (hydroxydes, graisses...). Les coefficients de variation peuvent être élevés, en particulier pour les standards LECO et ne reflètent pas bien la réalité.

Les aciers austénitiques ne dégazant pas de la même façon que les aciers ferritiques, il peut en résulter quelques erreurs dues au moyen d’intégration de la courbe de dégazage. C’est pourquoi des mesures d’écart-type ont aussi été réalisées, sur échantillons ferri tiques nuance 16 MND 5, en autoclave dans des conditions précises de température et de pression d’hydrogène. La figure

7

montre les teneurs qu’il est ainsi possible d’obtenir et le tableau

4

les écarts-

types calculés selon les méthodes de dosage utilisées.

(0)

Tableau 3 – Dispersion de dosages effectués sur échantillons standards. Appareil LECO RH 402

Écart-type Origine Nombre de dosages

LECO LECO IMPHY SKF LECO BCR Ti 5 6 3 4 14 3

Teneur moyenne en hydrogène

(ppm) 0,33 0,98 1,11 2,58 4,37 11,46 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.

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(ppm) 0,12 0,20 0,05 0,23 0,58 0,68

CV

(%) 36,4 20,4 4,5 8,9 13,3 5,9 D’une façon générale on peut retenir que la dispersion du dosage, incluant bien entendu la dispersion de mesure, est de l’ordre de 5 %, quelle que soit la méthode utilisée.

(0)

______________________________________________________________________________________________ ANALYSE DE L’HYDROGÈNE DANS LES ACIERS

Tableau 4 – Résultats de dosage d’hydrogène obtenus par différentes méthodes sur des échantillons chargés en autoclave

Méthode Série

(1)

A B C D E F G

(2) (3) (4) (4) (4) (4) (4)

1

H σ 2 (ppm) (ppm) CV (%) 0,53 0,02 3,8 0,79 0,12 15,2 0,26 0,08 30,8 0,52 0,08 15,4 0,49 0,06 12,2

2 3 4 5

H 2 (ppm) σ (ppm) CV (%) H 2 (ppm) σ (ppm) CV (%) H 2 (ppm) σ (ppm) CV (%) H 2 (ppm) σ (ppm) CV (%) 0,71 0,04 5,6 1,00 0,08 8,0 1,27 0,01 0,8 0,74 0,03 4,0 0,86 0,06 7,0 0,93 0,06 6,5 1,30 0,06 4,6 0,82 0,05 0,44 0,06 13,6 1,17 0,11 9,4 0,70 0,03 4,3 1,00 0,09 9,0 1,24 0,03 2,4 0,86 0,06 7,0 1,01 0,06 5,9 1,30 0,06 4,6 1,00 0,08 8,0 0,76 0,03 1,02 0,13 12,7 6,1 3,9

6

H 2 (ppm) σ (ppm) 1,19 0,10 1,12 0,05 1,16 0,06 CV (%) 8,4 4,5 5,2 (1) La signification des écarts sur les valeurs des σ est à prendre avec pru dence car les résultats intègrent la qualité de la préparation de l’échantillon, facteur déterminant sur la reproductibilité des résultats ; 0,01 peut être considéré comme une valeur exceptionnelle mais n’est pas incompatible avec un résultat de 0,1 pour un même échantillon.

(2) A - Dosage sous vide – Membrane palladium – Jauge Mac Leod.

(3) B - Fusion – Catharomètre (appareil ISA ITHAC 01).

(4) Chauffage sous gaz porteur azote – Catharomètre (appareil ISA ITHAC 2000).

C - 700 D - 1 150 E - 1 600 F - 1 650 G - 1 700 o C o C o C o C o C

Figure 7 – Chargement en hydrogène : évolution de la teneur des échantillons en fonction de la pression dans l’autoclave ( = 450 o C,

t

= 24 h)

La précision obtenue en contrôle de production est plus difficile à apprécier car elle demande une multiplication des dosages sur une même coulée, ce qui n’est pas toujours possible.

4. Conclusion

Le dosage de l’hydrogène, dosage de traces d’un élément qui ne veut pas rester dans le métal mais qui se trouve partout dans la nature comme polluant potentiel, n’est pas facile. Il est impératif de bien maîtriser les différentes étapes de l’analyse que sont : le pré lèvement et la conservation des échantillons (critère de représen tativité), la préparation, l’extraction et la mesure proprement dite de l’hydrogène (critère de justesse et fonction du type d’hydrogène recherché).

Dans la plupart des cas, l’extraction de l’hydrogène se fait par élévation de température soit en restant à l’état solide soit en allant jusqu’à la fusion de l’échantillon, les divers moyens de détection étant : — la mesure de pression (jauge Mac Leod) ; — la mesure de conductivité thermique (catharomètre) ; — la mesure par spectrométrie de masse, chromatographie en phase gazeuse...

Actuellement, dans le cas d’analyse par mesure de conductivité thermique (technique la plus couramment utilisée), il est possible d’obtenir des résultats avec une dispersion de l’ordre de 5 % avec une limite de détection d’environ 0,1 ppm masse.

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Analyse de l’hydrogène dans les aciers

E N

par

Jean-Charles BOSSON

Docteur chimie-physique Creusot-Loire Industrie. Centre de Recherche des Matériaux du Creusot

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