LA MOZZARELLA CONNECTION
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Transcript LA MOZZARELLA CONNECTION
L’ENQUÊTE
L’ENQUÊTE
DE NAPLES À… AMRITSAR
LA MOZZARELLA
CONNECTION
Pesticides, dioxine, bactéries ou poussières de céramique… on trouve
de tout dans le célèbre fromage à pâte filée depuis que la Mafia tente de
s’en emparer. Aujourd’hui, des producteurs italiens se battent pour sauver
la filière. Avec des immigrés venus de l’autre bout du monde…
PAR PHILIPPE GUÉRARD, ENVOYÉ SPÉCIAL EN INDE ET EN ITALIE
I
l porte au poignet droit les bracelets orangés ornés de
faux diamants qui en Inde célèbrent l’amour entre
frères et sœurs. Il ne les quitte jamais. Même quand
il s’affaire pour recueillir le précieux liquide destiné
à fabriquer l’un des mets les plus célèbres au monde.
Celui qui fait la fierté de l’Italie et remonte à d’ancestrales traditions. Si on avait dit un jour à Bharat Kainth qu’il
baignerait toute la journée dans la mozzarella di bufala… Le
jeune homme aux bracelets est né au Pendjab, il y a 22 ans,
non loin d’Amritsar, la cité sainte des sikhs, où étincelle le
Temple d’or. Il a passé toute son enfance et son adolescence
à l’ombre de l’édifice sacré. Aujourd’hui installé dans la province du Cilento, au sud de Naples, il travaille pour Albino
Di Flora, un éleveur au physique de rugbyman, propriétaire
de 300 « buffles ». Et il se bat, comme nombre de ses compatriotes immigrés dans la péninsule, pour la survie du célèbre
fromage à pâte filée !
L’aventure de Bharat et d’Albino est l’un des étonnants chapitres de l’histoire de la mondialisation. « Avant d’arriver ici,
je ne connaissais rien à l’élevage », dit l’Indien. « Pourtant, lance
l’Italien, c’est avec des hommes comme lui que nous avons pu
sauver l’un des fleurons de notre gastronomie. » Qui le sait ? Sans
les sikhs du Pendjab, la mozzarella di bufala – la vraie mozzarelle et non le fromage caoutchouteux fabriqué industriellement avec du lait de vache – aurait sans doute disparu.
Aujourd’hui, ces 145 000 immigrés (la deuxième communauté sikh hors d’Inde, après celle du Royaume-Uni) sont
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Bharat Kainth, 22 ans, s’est installé
en Italie en 2008. Il est venu
rejoindre sa famille qui travaillait
déjà « dans la mozzarella ». A sa
manière, il lutte contre la Camorra.
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devenus le maillon indispensable de la
filière laitière artisanale d’origine
contrôlée, occupant des postes de plus
en plus délaissés par la main-d’œuvre
locale. Mieux : ils aident les producteurs
traditionnels, comme Albino Di Flora, à
lutter contre… la Camorra. Car ici, même
la mozzarella n’est pas à l’abri de la
Mafia. Depuis des années, « la pieuvre »
tente de s’emparer de cet « or blanc » qui
s’exporte partout sur la planète.
Quand Bharat a débarqué en Italie,
en 2008, il ignorait tout cela.
Aujourd’hui, avec son ami Joginder
Singh, un autre sikh venu du Pendjab,
il passe le plus clair de son temps dans
la salle de traite à demi enterrée
construite par Albino Di Flora. Ce qui
frappe en pénétrant dans cet espace
confiné, c’est le bruit infernal des barrières métalliques livrant passage aux
bufflonnes noir de jais. Le rythme est
régulier, ponctué de meuglements et de
flatulences. L’air est âcre et moite, les
deux hommes dégoulinent de sueur.
« En Inde, le thermomètre dépasse parfois 50 °C. Ici, il fait plus frais », ironise
Bharat, qui s’exprime dans la langue de
Dante. Il a toujours su qu’il quitterait le
Pendjab. L’une de ses quatre sœurs vit
depuis une dizaine d’années aux EtatsUnis, une autre au Canada, et une autre
encore en Italie. C’est elle qui lui a téléphoné un jour pour l’inviter à venir à
Naples. « Parce qu’il y avait des possibilités d’embauche dans la mozzarella. »
En Italie, aujourd’hui, 90% des ouvriers
agricoles employés dans les élevages de
bufflonnes sont indiens.
Cotée en Bourse à Naples
Lorsqu’il est descendu de l’avion, à
l’aéroport de Naples, Bharat a écarquillé les yeux. Contrairement à sa terre
natale poussiéreuse, l’atmosphère ici
était étonnamment limpide. Sa sœur et
son beau-frère l’avaient prévenu : il
allait découvrir le Cilento, une région
bénie des dieux, berceau de l’authentique mozzarella, et le village de Paestum, une ancienne cité grecque connue
pour ses temples, au bord de la mer
Tyrrhénienne. Le jeune Indien se souvient d’avoir été frappé par le contraste
entre l’intérieur des terres, où se dressent de hautes montagnes couvertes de
forêts, et le rivage, où s’étire une longue
plaine marécageuse. Le Cilento est inscrit depuis 2010 au Patrimoine de
l’Unesco pour son modèle nutritionnel.
C’est dans cette région que les premiers
buffles, inconnus jusque-là en Europe,
sont arrivés au Moyen Age. Avec ces
animaux à larges sabots capables de se
déplacer sans s’enfoncer dans la boue,
les paysans ont pu assainir et labourer
les marécages. Puis ils ont commencé
à traire ces bêtes exotiques et ont eu
l’idée de transformer leur lait en fromage. La mozzarella connut un succès
foudroyant. Dans les années 1600, elle
était même cotée en Bourse à Naples ou
à Padoue. Avant de venir brouter les
pâturages italiens, les bovins miraculeux avaient transité par l’Afrique du
Nord. Mais ils avaient été domestiqués
des siècles auparavant, en Inde. Bharat
le sait bien. Aujourd’hui, devant ce clin
d’œil de l’histoire, il philosophe en souriant : « Ce sont des Indiens qui veillent
désormais sur les troupeaux napoli-
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Dans la région
du Cilento, au
sud de Naples,
ce sont
des sikhs
immigrés
du Pendjab
qui travaillent
dans les
élevages
de bufflonnes.
Après l’Inde
et le
RoyaumeUni, c’est
en Italie
que cette
communauté
est désormais
la plus
nombreuse.
PHOTOS :
CARLO
GIANFERRO
POUR “LE
NOUVEL OBS”
tains, comme si c’était notre destinée. »
Tout n’a pas été facile pour le jeune
immigré. A son arrivée, il y a cinq ans,
il a d’abord posé sa valise dans une maison en béton sans confort, construite à
quelques mètres du troupeau. Sa sœur
et son mari y étaient déjà logés avec
leurs trois enfants, ainsi qu’une autre
famille indienne. Albino Di Flora, son
nouveau patron, lui a montré sa
chambre, en lui précisant qu’il n’aurait
« ni loyer ni charges de chauffage, d’eau
et d’électricité à payer ». Aujourd’hui,
l’Italien fait visiter une habitation flambant neuve, où il relogera bientôt plus
dignement ses employés. Des yeux
couleur Méditerranée, la silhouette
sportive, Albino dirige son élevage de
bufflonnes depuis un peu plus de dix
ans. Il a repris les rênes de l’entreprise
familiale après la mort brutale de son
père. S’est converti au bio. S’est retrouvé
très vite confronté à une multitude de
problèmes dans un secteur en plein
bouleversement.
Aujourd’hui âgé de 37 ans, l’éleveur
n’a pas connu le temps où les
LE NOUVEL OBSERVATEUR 16 JANVIER 2014 - N° 2567
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bufflonnes paissaient tranquillement
dans les champs, où les producteurs
confectionnaient amoureusement
leurs petites boules blanches. Il est
devenu patron alors que la mozzarella
avait déjà envahi le marché mondial.
La demande était telle qu’on s’est mis
à utiliser du lait de vache et à trafiquer
les ingrédients. La Mafia a vu tous les
bénéfices à tirer de cette juteuse industrie. Elle en a gangrené des pans
entiers. En 1996, une « appellation
d’origine protégée » pour les fromages
« 100% di bufala », réservée à la région
de Campanie (dont fait partie le
Cilento), a finalement été créée. Une
bonne chose pour les éleveurs soucieux d’authenticité, comme Albino Di
Flora ; mais plus que jamais, il a fallu
se préoccuper de la rentabilité des bufflonnes. Il y a une trentaine d’années,
on demandait aux braves bêtes 7 litres
de lait par jour et on les laissait vivre
jusqu’à 25 ans ; aujourd’hui, on les abat
au bout de huit ans et on doit leur soutirer quotidiennement 15 à 20 litres !
Dans la chaleur étouffante des étables,
ce sont les sikhs qui s’en chargent,
puisque plus personne ou presque en
Italie ne veut le faire. Ce sont eux qui
préservent le savoir-faire, eux qui, in
fine, empêchent le crime organisé et
les industriels sans scrupules de dénaturer la tradition. « Heureusement que
les Indiens étaient avec moi pour
relever le défi, dit Albino Di Flora.
Ils sont comme ma famille, ils m’ont
enseigné les subtilités du métier. J’ai
beau être passionné, sans eux je n’y
serais pas arrivé. »
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quatre ans qu’il travaille dans le Cilento,
il commence à bien connaître le métier
et n’aime pas ceux qui le salissent.
Comme ce Giuseppe Mandara, dit
« Peppino », que la police vient d’arrêter. Mandara, l’un des plus gros producteurs napolitains, également surnommé le « Giorgio Armani de la
mozzarella », est soupçonné d’entretenir des liens étroits avec le clan mafieux
des Casalesi. Tous ses biens sont saisis
après une découverte effarante : le fromage qu’il fabrique contient non seulement du lait de vache et non de bufflonne, mais surtout des poussières de
céramique. Quant à la stérilisation, elle
s’effectue parfois à l’eau oxygénée !
En croissance
constante,
la production
italienne
de mozzarella
a dépassé
275 000
tonnes
en 2012.
Les Italiens en
consomment
chacun
en moyenne
5 kilos par an.
A l’export,
c’est la France
– où Albino
Di Flora vend
sous la
marque
Casare – qui
arrive en tête,
devant les
Etats-Unis et
l’Allemagne.
Un certificat “anti-Mafia”
C’est en raison de tous ces scandales
que de petits exploitants ont décidé de
se réunir en coopératives sous l’enseigne Libera Terra. Ils réclament le
droit d’utiliser les terres confisquées à
la mafia pour pratiquer, comme Albino
Di Flora, l’agriculture biologique, nourrir des bufflonnes avec des céréales
saines et fabriquer une mozzarella audessus de tout soupçon. A l’entrée de
leurs fermes, ils plantent le panneau :
« Ici, la Camorra a perdu ». Depuis l’année dernière, le Consortium de Sauvegarde de la mozzarella di bufala, seul
organisme reconnu par le ministère de
l’Agriculture, leur délivre un certificat
« anti-Mafia ». Renouvelable tous les
ans, ce label vise à donner un coup d’arrêt à la concurrence déloyale des agriculteurs voyous. Il impose l’utilisation
exclusive de lait de bufflonne AOC, ce
dont se félicite Roberto Saviano, l’auteur de « Gomorra ».
Le combat, hélas, semble ne jamais
devoir s’arrêter. L’été dernier encore,
une ménagère de Turin a vu le fromage
qu’elle s’apprêtait à mettre sur une
pizza prendre une étrange couleur
bleue. La faute à une bactérie, Pseudomonas fluorescens, qui se baladait dans
une laiterie de Reggio Calabria, où les
conditions d’hygiène étaient particulièrement douteuses… En novembre, c’est
l’affaire des décharges toxiques transformées en pâturages qui a rebondi : la
Chambre des Députés a publié les
dépositions d’un repenti de la Camorra,
gardées secrètes durant des années,
révélant que les terrains étaient non
seulement contaminés par de la
dioxine mais aussi par des huiles de
vidange, des produits chimiques ser-
PHILIPPE GUÉRARD
« Mes ouvriers indiens m’ont appris
à rester calme lorsque je suis
assailli par les tracasseries de toutes sortes dès que je franchis
le portail de ma ferme, dit Albino
Di Flora, l’éleveur qui emploie
Bharat. Ils sont sincères,
extrêmement fiables. Tout le contraire des Italiens du Sud… »
Quand il démarre sa nouvelle vie,
Bharat ignore que la présence des
Indiens est considérée par les fermiers
locaux comme un bouclier anti-Mafia.
A l’époque, l’emprise de la Camorra sur
la filière est telle que même les EtatsUnis s’en inquiètent. En 2008, Patrick
Truhn, consul général américain à
Naples, raconte dans un télégramme
confidentiel à Washington (révélé plus
tard par WikiLeaks) comment la Mafia
gagne des montagnes d’argent en
nourrissant les bufflonnes avec des
pommes bourrées de pesticides importées pour presque rien de Moldavie et
du sel du Maroc contaminé par la bactérie Escherichia coli, agent pathogène
de la gastro-entérite. A la sortie des élevages, explique aussi le diplomate, le
lait italien est coupé avec de la poudre
de lait de vache fabriquée en Bolivie.
Les carabiniers, dit-il enfin, ont mis au
jour un vaste système de recyclage de
la mozzarella périmée ! Bientôt, l’affaire fait les gros titres de la presse italienne. Dans la foulée, les autorités
sanitaires de la péninsule révèlent que
des troupeaux entiers sont envoyés
brouter sur des décharges – tenues par
la Mafia – remplies de tonnes de
dioxine, enfouies en toute illégalité et
contaminant l’herbe et le foin destiné
au fourrage. La Chine, le Japon et la
France stoppent leurs importations de
mozzarella, tandis qu’à Rome le gouvernement ordonne la mise en quarantaine de six cents élevages et la fermeture momentanée de quatre cents
fromageries. La justice lance plus de
trente procédures. Opération mains
propres chez les bufflonnes ?
En 2012, pourtant, un nouveau scandale ébranle le pays. Cette fois, Bharat
suit l’affaire de près. Il y a maintenant
L’ENQUÊTE
elles sont élevées en batterie et restent
toute l’année autour de la salle de traite.
Elles se nourrissent, dans des mangeoires, d’aliments élaborés sur place. »
Moins romantique que des bêtes à
cornes en liberté, mais moins risqué
pour la qualité de leur lait. Chaque
année, Albino Di Flora fait expertiser
son entreprise par les services vétérinaires de la province de Paestum, ce qui
lui impose de soumettre ses bufflonnes
à des prélèvements sanguins réguliers
et de faire contrôler les céréales et les
légumes cultivés sur sa propriété ou
achetés à proximité pour nourrir les
bêtes : quarante quintaux quotidiens
d’un mélange d’avoine, orge, soja,
farine de maïs et betterave…
Avant d’enfourcher son tracteur pour
évacuer le fumier du jour, Bharat lâche
commencé à arriver en Italie dans les
années 1980, ils ont souvent été embauchés dans les cirques ambulants, pour
s’occuper des ménageries. Plus tard,
certains sont partis à l’aventure en
France ou en Allemagne. Mais ils sont
vite revenus de ce côté-ci des Alpes, où
il est plus aisé de signer un contrat de
travail dans la filière agricole, et donc
d’obtenir des papiers.
Mozzarella made in India
Etonnant
chassé-croisé :
des Indiens
du Pendjab,
d’où est originaire
Bharat,
ont appris
à fabriquer
de la mozzarella
grâce à un
Napolitain
qui vient d’ouvrir
une usine
dans cette
province.
gens ont peur et se méfient de plus en
plus de notre fromage… » Parfois, il est
tenté d’abandonner. Puis il se ressaisit.
Il compte plus que jamais sur sa fidèle
main-d’œuvre pour ne pas baisser les
bras face à la « mozzarella connection ».
Bharat et son ami Joginder se lèvent
chaque matin à l’aube et se couchent
tard le soir. Sous l’œil vigilant du beaufrère, Jai Chand, la traite des bufflonnes
dure huit heures et produit 1 200 litres
de lait en moyenne, de quoi produire
300 kilos de mozzarella dans la laiterie
voisine. Entre-temps, il faut nettoyer
l’enclos et, surtout, préparer l’alimentation du bétail. La traçabilité est pour
Albino Di Flora l’arme suprême pour
rassurer les consommateurs. « Dans le
Cilento, dit-il, il y a belle lurette que les
bufflonnes ne vont plus dans les champs,
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du bout des lèvres qu’il gagne « correctement » sa vie dans le Cilento : « Comme
presque toute ma famille a quitté l’Inde,
je garde tout mon salaire pour moi. »
Soit environ 1 500 euros, montant qui
peut parfois être multiplié par deux
grâce aux heures supplémentaires et à
des formules d’intéressement aux
résultats de l’exploitation agricole. En
fin de journée, profitant d’une courte
pause entre ses deux séances de traite,
Bharat se pose dans le hamac suspendu
à la terrasse de son pavillon. Il repense
à son parcours. Des buffles d’Amritsar
aux bufflonnes du Cilento. « Chez nous,
dit-il, on aime beaucoup prendre soin
des animaux, et, même si la vache n’est
pas sacrée, contrairement à ce que
croient les Occidentaux, on la respecte
énormément. » Quand les Pendjabis ont
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Le dimanche en fin de matinée,
Bharat retrouve parfois ses compatriotes dans une gurdwara, ces lieux de
culte que les sikhs installent, dans les
environs de Naples, avec les moyens
du bord, sur des terrains vagues.
« Toutes les familles indiennes s’y
retrouvent pour un grand pique-nique
dans le jardin, avant les prières et les
offrandes qui durent jusqu’au soir »,
explique Prakesh Kumar, gardien d’un
de ces temples, en montrant les photos
de son gourou et du temple d’Amritsar
accrochées au mur. Bharat, lui, garde
ses distances. Il se revendique ravidassia, une branche du sikhisme qui flirte
avec l’hindouisme. De toute façon, il
n’est pas facile d’être sikh, en Italie. Les
fidèles de sexe masculin doivent se
laisser pousser les cheveux et les
recouvrir d’un turban, porter un bracelet en acier et à la ceinture un poignard, le kirpan. « Inapproprié », a jugé
le ministère de l’intérieur. En 2012, le
gouvernement de Mario Monti a
refusé aux sikhs les mêmes droits
qu’aux autres religions en matière de
liberté de culte et de financement.
« Après toutes ces années de travail
honnête dans ce pays, nous espérions
autre chose », se désole Harwant
Singh, le représentant de la communauté dans la péninsule.
Si l’envie le prenait de repartir en
Inde, Bharat Kainth saurait, lui, à
quelle porte frapper. Près de Chandigarh, au Penjab, un Napolitain du nom
de Giuseppe Mozzillo a posé ses valises
il y a cinq ans, pour… enseigner aux
Indiens l’élevage des bufflonnes à la
mode italienne. Il a ouvert là-bas une
usine de mozzarella et partage ses
secrets de fabrication avec la population locale. Son fromage est déjà distribué, sous la marque Impero, dans
tout le sous-continent, et bientôt au
Népal, au Bangladesh ou au Sri Lanka.
Après la « mozzarella connection », la
mozzarella sans frontières… n
FABRIZIO GIRALDI
vant à la démolition de bâtiments, des
poubelles industrielles… La santé de
5 millions d’habitants de la région
aurait ainsi été mise en danger. Un
retraité de la Garde des Finances a, lui,
assuré à la justice que certains représentants de l’Etat étaient parfaitement au
courant de ces pratiques et que ses
supérieurs, à l’époque, lui avaient
demandé de se taire. Début décembre,
le gouvernement d’Enrico Letta a enfin
pris les choses à bras-le-corps, en
publiant un décret interdisant l’enfouissement illégal des déchets toxiques.
Dorénavant, cette pratique est passible
de trois à cinq ans de prison. Albino Di Flora est écœuré : « Tous ces
scandales me font un tort terrible. Mon
exploitation se trouve à plus de 100 kilomètres des terrains contaminés, mais les