25 avril 1797 : les sept meurtres de la ferme des Orgères

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L'AIN ET SES PAYS

Actualité 25 avril 1797 : les sept meurtres de la ferme des Orgères

Série. Tous les vendredis, petit voyage dans le temps pour

y traquer les criminels, des plus illustres aux moins connus, ayant sillonné les campagnes de l'Ain, de la Bresse profonde au Bugey, en passant par la Dombes. Aujourd'hui, focus sur le massacre de Songieu, resté à jamais impuni.

1/5 Les grandes araires criminelles de I Ain

N ous sommes le 27 avril 1797 II est cinq heures du matin lorsque Luc Favier, le juge de paix de Son gieu, accompagné de gardes nationaux, de deux officiers de santé et de Joseph Morand, son greffier, arrive sur la « scène de crime ». Il s'est passé quelque chose, à la ferme des Orgères.

Quelque chose d'horrible.

Le lieu est isolé, à l'écart du vil lage de Songieu, accroché aux flancs du Grand Colombier.

Silence de mort Un drame épouvantable, c'est sûr, s'est produit chez Philibert Ancian, un fermier réputé économe, voire assez prospère.

À l'intérieur, c'est un carnage.

Trois cadavres dans la cuisine.

Une j e u n e f e m m e et d e u x domestiques mineurs, le plus jeune âgé de ll ans, gisent au sol, les mains liées derrière le dos, une large plaie au niveau du col Dans la chambre attenante, c'est la m è r e de P h i l i b e r t Ancian, Françoise Brunet, âgée d'environ 70 ans, qui a été assassinée. Dans une autre chambre, sont trouvés les corps sans vie du fermier, Phili bert Ancian, 49 ans, et d'une domestique âgée d'environ IS ans, et dans l'écurie des vaches, la dépouille de Jeanne Ancian, 44 ans, la sœur de Philibert, elle aussi les mains attachées dans le dos comme l'ensemble des victimes.

Le bilan effroyable du massa cre se répand comme une traî née de poudre, dans tout le Valromey. Le fermier, sa sœur, sa mère, une employée et trois domestiques, tous assassinés, égorgés à l'aide d'un « instru ment tranchant et pointu » selon les termes du rapport médico-légal. Le caractère cra puleux du crime ne fait guère de doute, l'habitation ayant été fouillée de fond en comble, cof fres et placards ouverts, linges et papiers épars abandonnés dans îe désordre ensanglanté.

H u it suspects mais pas de preuves Malgré le caractère odieux de cette tragédie, les habitants du coin restent plutôt taiseux II faudra plusieurs mois au juge Favier pour parvenir à délier quèlques langues. Les soup çons se portent sur une bande de brigands réputés violents, logés autour de Sothonod, à quèlques kilomètres des Orgè res. Personne n'ose témoigner contre ces terreurs, qui ont ten dance pour certains à avoir la langue bien pendue, le vm aidant, dans les cabarets bugis-

A mort !

Une croix érigée pour les martyrs

En souvenir du drame, une croix a été érigée en 1874 aux Orgères, à l'emplacement des ruines de la ferme.

tes En octobre 1797, huit hommes sont identifiés Sept d'entre eux sont mis en accusation, et écroués à la maison d'arrêt de Bourg-en-Bresse. Le huitième, surnommé « Le Rouge » en raison de la couleur de ses che veux, s'est volatilisé dans la nature. Un des suspects décède en prison le 24 décembre, et malgré l'absence de preuves matérielles, tous sont renvoyés devant le tribunal criminel de Bourg-en-Bresse

Photo Frédéric Boudouresque

Lacte d'accusation, trop impré cis, est cassé. Il f a u d r a un deuxième procès, qui se tien dra cette fois à Lons-le-Saumer, en juillet 1799 Mais les preu ves restent inexistantes, et cer tains témoins ont subitement perdu la mémoire Trois des suspects seront fina lement condamnés, maîs pour d'autres délits • six ans de prison pour l'un, dix ans de fer pour l'autre, 24 ans de bagne pour le dernier, surnommé « Grosjean », également con damné à « être conduit sur la place publique de Songieu pendant six heures, attaché au poteau, un écriteau sur la tête » L'honneur de la justice était sauf Pas celui des victimes du

De 1811 à 1958,58 condamnés à mort furent exécutés dans l'Ain, la plupart en place publique. C'est ce que rappelle, dans son livre, Frédé nc Boudouresque, relatant le « spectacle «delàguillotine,» La Veuve » comme on l'appelait, qui attirait à chaque fois des milliers de spectateurs. Montés sur les toits, juchés dans les arbres, les bonnes gens se bousculaient pour assister à la mise à mort, comme ce fut le cas lors de l'exécution de Joseph Vacher, l'éventreur de bergères, premier tueur en série de l'histoire, identifié par un juge d'instruction de Belley entré dans l'histoire, Emile Fourquet.

Si la polémique sur la folie suppo sée dè Vacher - et sa responsabilité pénale - perdurera bien au-delà de sa mort, 4 DOO spectateurs étalent bien présents, en ce 31 décembre 1898 sur le Champ de-Marsà Bourg-en-Bresse, pratiquement face à la caserne Aubry, pourapplaudirl'exécution, qui fut aussi la dernière d'un bour reau victime de son métier, atteint d'hallucinations que l'on dirait aujourd'hui relever des risques psycho-sociaux PourDumollard, le prédateur de bonnes, ils étaient près de 10 000 spectateurs, en 1862, la seule fois où la guillotine fit le déplacement jusqu'à Montluel.

V L massacre des Orgères • Vincent Lanier

« Les Grandes affaires criminelles dè l'Ain », Frédéric Boudouresque, Éditions De Borée, 26 euros.

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