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Les composants chimiques des produits alimentaires par Claude SIRET Professeur agrégé de biochimie – génie biologique au Lycée polyvalent R.J. Valin et à l’IUFM de La Rochelle 1. Définitions préalables............................................................................. F 1 010 - 2 2. Eau................................................................................................................ — 2 3. Lipides ......................................................................................................... — 3 4. Glucides digestibles ................................................................................ — 5 5. Fibres alimentaires .................................................................................. — 8 6. Protides....................................................................................................... — 9 7. Vitamines ................................................................................................... — 15 8. Éléments minéraux .................................................................................. — 18 Références bibliographiques ......................................................................... — 19 anger est une nécessité car notre organisme est formé d’un ensemble de 60 000 milliards de cellules dont les besoins en nourriture sont permanents ; mais l’acte de manger va bien au-delà de la simple couverture des besoins nutritionnels. Les aliments que nous ingérons fourniront donc les constituants nutritifs aux cellules (nutriments énergétiques, plastiques, indispensables) mais également des substances non nutritives bénéfiques (ex. : agents d’arômes) ou parfois indésirables (substances toxiques et/ou contaminants). Les aliments sont des mélanges complexes de substances nombreuses et variées. Leur analyse immédiate permettra de distinguer entre l’inorganique et l’organique. L’étude réalisée ici se limitera à l’approche biologique et physiologique des aliments en ne considérant que les substances nutritionnelles. Les lipides correspondent à un groupe hétérogène de composés organiques insolubles dans l’eau (caractère hydrophobe marqué). Cette particularité physique des lipides est à l’origine de l’hétérogénéité chimique du groupe. Cependant, une très grande majorité de lipides sont des esters d’acides gras. Les glucides, communément appelés « sucres et féculents », constituent un groupe homogène de composés essentiellement ternaires dont la formule brute montre la présence de deux fois plus d’atomes H que d’atomes O (comme dans l’eau) d’où la dénomination anglo-saxonne de carbo-hydrates. Sur le plan chimique, les sucres simples ou oses sont des polyalcools possédant une fonction réductrice, aldéhyde ou cétone. Beaucoup de glucides sont des polymères d’oses (osides) qui seront libérés par hydrolyse de la liaison osidique. En raison de leur constitution chimique, les glucides sont des substances très hydrophiles : les oses et oligosides sont hydrosolubles, mais les polymères d’oses (ex. : amidon ou cellulose) sont des macromolécules insolubles dont certaines constituent les fibres alimentaires ou indigestible glucidique. M Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 1 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ Les fibres alimentaires regroupent l’ensemble des composants non dégradables par les enzymes du tube digestif TD, favorisant le transit intestinal ainsi que l’évacuation des déchets, et qui pour cela ont la capacité d’incorporer de grandes quantités d’eau. Les protides (du grec protos = premier) sont les constituants organiques qui occupent la première place (quantitative et qualitative) chez les êtres vivants. Ce sont des composés organiques quaternaires formés de C, H, O, et N. Les acides aminés constituent un vaste groupe (plus de 200) dont seuls les vingt participant à l’élaboration de la matière vivante sont bien connus. Leur polymérisation conduit à des chaînes d’acides aminés courtes (peptides) ou plus longues (protéines). Mais le caractère prédominant de ces polymères est le fait que l’ordre d’enchaînement des acides aminés n’est pas quelconque mais déterminé sous la forme d’une séquence imposée par l’information génétique. Les protéines sont donc les molécules spécifiques par excellence de la matière vivante ; elles sont constitutives pour la plupart, mais elles jouent aussi un rôle fonctionnel fondamental car les enzymes sont des protéines permettant la catalyse des réactions métaboliques dans des conditions compatibles avec la vie. Les vitamines sont des nutriments indispensables dont l’organisme a perdu la possibilité de synthèse. Ce sont donc des substances organiques qui sont pourtant nécessaires, à doses minimes, pour son fonctionnement et sa croissance. Les éléments minéraux indispensables sont classés en deux catégories selon l’importance de l’apport nécessaire en rapport avec leur teneur dans l’organisme. Les macroéléments sont les éléments minéraux majeurs à rôle constitutif. Les oligoéléments ou éléments traces sont nécessaires à doses infimes et jouent plutôt un rôle fonctionnel. 1. Définitions préalables Selon TRÉMOLIÈRES, un aliment est une denrée contenant des nutriments donc nourrissante, susceptible de satisfaire l’appétit donc appétante et acceptée comme aliment dans une société considérée, donc coutumière. (0) Tableau 1 – Principaux groupes de composants chimiques du corps humain Groupes de substances % en masse Eau 65 Sels minéraux 5 Cette définition présente l’avantage de montrer la dimension psychologique et sociale de l’alimentation chez l’homme. Cependant, de façon habituelle mais plus simplificatrice, les aliments sont des produits d’origine agricole et industrielle dont la consommation sert à couvrir les besoins nutritionnels. Les produits alimentaires sont en réalité des mélanges complexes provenant du milieu extérieur dont certains composants sont intégrés à l’organisme pour l’édifier, l’entretenir et/ou le faire fonctionner. L’examen de la composition atomique du corps humain montre qu’une douzaine d’éléments (H, O, C, N, Ca, P, K, S, Na, Cl, Mg, Fe), parmi la centaine des éléments naturels, représentent l’essentiel (99,9 %). Parmi ceux-ci, l’hydrogène, l’oxygène, le carbone et l’azote, éléments de masse atomique peu élevée, constituent 99 % des atomes de l’organisme et participent à l’édification des molécules d’eau et des constituants organiques : glucides, lipides, protides et acides nucléiques (tableau 1). En réalité, une trentaine d’éléments sont quand même indispensables pour maintenir la structure et permettre un bon fonctionnement de l’organisme ; mais un grand nombre ne sont nécessaires qu’à l’état de traces (notion d’oligoéléments). F 1 010 − 2 Glucides 1 Lipides 12 Protides 15 Acides nucléiques 2 Les nutriments sont des substances simples résultant pour la plupart de la dégradation (hydrolyse simplificatrice) des molécules alimentaires relativement complexes. Les nutriments seuls sont à même de subir l’absorption intestinale (véritable pénétration dans l’organisme) et seront véhiculés à travers le milieu intérieur jusqu’aux cellules de l’organisme pour y être utilisés. Au niveau cellulaire, les nutriments auront une fonction biochimique particulière pour renouveler et/ou faire fonctionner la matière vivante. 2. Eau Nota : le lecteur se reportera dans ce traité à l’article Eau dans les aliments [F 1 012], réf. [8]. L’eau représente environ 65 % de la masse de l’organisme humain adulte. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES L’eau (H2O) formée de trois atomes n’est pas une molécule linéaire mais en forme de V (angle de 105˚ avec O à la pointe du V). Cette configuration angulaire ainsi que la forte électronégativité de l’O font que la molécule se présente sous la forme d’un double dipôle électrique ; ainsi s’expliquent les propriétés remarquables de l’eau. Dans l’eau liquide, les dipôles interagissent par l’intermédiaire de liaisons hydrogène : l’eau est un solvant polaire dont l’importance est considérable pour la solubilisation et l’organisation des molécules au sein de la matière vivante. Les substances ioniques et polaires sont très solubles dans l’eau. Elles sont dites hydrophiles ; c’est le cas par exemple pour le chlorure de sodium et les sucres (glucose, saccharose). Les substances non polaires sont insolubles dans l’eau. Il se produit donc un phénomène d’exclusion, par rapport à l’environnement aqueux, de ces substances qui ont tendance à s’agréger entre elles. On qualifie d’effet hydrophobe ce phénomène dont l’importance biologique est considérable : le repliement des protéines ainsi que l’assemblage des phospholipides dans les membranes biologiques en sont la conséquence. Le renouvellement de l’eau corporelle et la compensation des pertes hydriques sont assurés par des apports d’eau (environ 3 L par jour) dont l’origine est triple : — l’eau de constitution des aliments est souvent sous-estimée et pourtant la plupart des aliments renferment de l’ordre de 70 à 90 % d’eau ; — l’eau endogène ou métabolique est très méconnue ; elle résulte de l’oxydation cellulaire des lipides (1 g/g) et des glucides (0,6 g/g) ; ainsi le volume d’eau produite avec une ration alimentaire équilibrée est de l’ordre de 300 à 400 mL par jour ; — l’eau de boisson correspond à la part variable selon les individus mais aussi surtout en fonction du climat ; son volume habituel est de l’ordre de 1 à 1,5 L par jour. Certains lipides sont constitués de molécules complètement apolaires : ce sont les lipides neutres. Au contraire, d’autres lipides ont une molécule bipolaire dont une extrémité reste attirée par l’eau : lipides amphiphiles. Sur le plan biologique, les lipides neutres sont des lipides de dépôt constituant des réserves énergétiques dans la matière vivante. Par contre, les lipides amphiphiles sont des lipides de constitution, permettant, par exemple, l’élaboration des membranes biologiques. La classification biochimique des lipides est la suivante : — les lipides simples ou homolipides sont des lipides ternaires uniquement constitués de C, H, et O. Ce sont les lipides neutres. Les triacylglycérols (TAG) sont très majoritaires sur le plan alimentaire ; — les lipides complexes ou hétérolipides sont constitués de C, H et O auxquels viennent s’adjoindre P et/ou N. Ces nouveaux atomes donnent des groupements polaires sur la molécule, conduisant ainsi aux lipides amphiphiles. Les phosphoglycérolipides (PGL) et les sphingolipides (SL) appartiennent à ce groupe ; — les lipides isopréniques et icosanoïdes constituent un ensemble de molécules très diverses regroupées ici en raison de leur caractère hydrophobe : ce sont les substances lipoïdes. 3.2 Acides gras Les acides gras sont des acides carboxyliques ( R COOH ) dont le radical R est une chaîne hydrocarbonée plus ou moins longue qui confère à la molécule son caractère hydrophobe c’est-à-dire « gras ». Les acides gras sont les molécules de base constitutives des principaux lipides alimentaires. Ils correspondent aussi aux nutriments lipidiques qui franchissent la barrière intestinale lors de l’absorption intestinale à l’issue de la digestion des lipides. Les acides gras naturels peuvent être désignés par un nom systématique (nomenclature officielle de la chimie) ou par un nom courant indiquant l’origine biologique de l’acide gras. Une dénomination symbolique utilisée en biochimie permet de retrouver la structure chimique de l’acide gras. 3. Lipides 3.1 Présentation Partant de leur caractère hydrophobe, on distingue deux groupes de lipides aux fonctions biologiques distinctes. Exemple : ainsi 18:1(9) correspond à l’acide oléique et indique le nombre de C (18) puis le nombre de doubles liaisons ∆ (1) et enfin la position de ∆ (9 c’est-à-dire entre C9 et C10) (tableau 2). (0) Tableau 2 – Quelques acides gras naturels courants et leur structure chimique Non commun Dénomination symbolique Nom officiel acide myristique 14:0 n-tétradécanoïque acide palmitique 16:0 n-hexadécanoïque acide stéarique 18:0 n-octadécanoïque acide oléique acide linoléique acide α-linolénique 18:1(9) 18:2(9,12) 18:3(9,12,15) Structure cis-9 octadécénoïque cis-cis-9,12 octadécadiénoïque tout cis-9,12,15 octadécatriénoïque Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire COOH COOH COOH COOH COOH COOH F 1 010 − 3 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ (0) Tableau 3 – Principaux acides gras naturels et leurs caractéristiques Nom commun Symbole Tf (˚C) Dig. (%) Nom commun Symbole Tf (˚C) butyrique 4:0 −8 100 palmitoléique 16:1(9) 1,5 Dig. (%) caproïque 6:0 − 3,5 100 oléique 18:1(9) 13,5 84 caprylique 8:0 16,5 100 érucique 22:1(13) 34,5 53 caprique 10:0 31,5 100 nervonique 24:1(15) 42,5 14 laurique 12:0 43,5 88 linoléique 18:2(9,15) −5 90 myristique 14:0 54 66 α-linolénique 18:3(9,12,15) − 11 96 palmitique 16:0 63 48 γ-linolénique 18:3(6,9,12) 25 stéarique 18:0 70 arachidique 20:0 75 béhénique 22:0 80 lignocérique 24:0 84 cérotique 26:0 87 7 arachidonique 20:4(5,8,11,14) éicosapentaènoïque ou EPA 20:5(5,8,11,14,17) docosahexaènoïque ou DHA 22:6(4,7,10,13,16,19) − 45,5 (1) Tf température de fusion Dig. digestibilité ■ Acides gras saturés (AGS) Les acides gras saturés naturels constituent une série continue d’acides gras à nombre pair de C allant de 4 à plus de 30 : — les acides gras à chaînes courtes (de 4 à 10 C) sont surtout présents dans le beurre où l’acide butyrique est très majoritaire ; — les acides gras à chaînes moyennes (de 12 à 18 C) et longues (20 C et plus) constituent les graisses et huiles d’origine animale et végétale. Les acides palmitique et stéarique sont très majoritaires et représentent les deux plus importants acides gras saturés alimentaires. Les AGS naturels sont soit liquides, soit solides à la température ordinaire selon la longueur de leur chaîne hydrocarbonée. Tous les acides gras à chaînes courtes sont liquides à 37 ˚C alors que les autres acides gras sont solides (tableau 3). de la série n-6 ; les AGE de la série n-3 nommés EPA et DHA présents dans les poissons gras sont particulièrement connus (tableau 3). 3.3 Acylglycérols et autres lipides ternaires ■ Triacylglycérols (TAG) Le glycérol est un trialcool dérivé du propane portant une fonction alcool sur chaque carbone ( CH 2 OH CHOH CH 2 OH ). À l’état pur, ce produit est un liquide plus dense que l’eau (densité de 1,26) sirupeux et très soluble dans l’eau. ■ Acides gras insaturés (AGI) Les acides gras insaturés possèdent une double liaison (monoinsaturés AGMI) soit plusieurs (polyinsaturés AGPI). L’acide oléique est un AGMI très répandu ; il représente 70 à 80 % des acides gras contenus dans l’huile d’olive. Les acides linoléique et α-linolénique sont des AGPI importants surtout présents dans les graines oléagineuses à l’origine des huiles végétales. Les AGI naturels courants sont liquides à la température ordinaire de 25 ˚C. On constate que la température de fusion d’un acide gras s’abaisse lorsque le nombre de doubles liaisons augmente (tableau 3). ■ Acides gras essentiels (AGE) Les acides linoléique et α-linolénique sont des AGPI importants pour l’édification et le fonctionnement de l’organisme humain : ils sont dits essentiels. Ces deux AGPI ne peuvent être synthétisés par les cellules humaines et doivent être présents dans la ration alimentaire : ils sont donc indispensables. Cette incapacité de synthèse est liée à la mise en place des doubles liaisons réalisée grâce à l’intervention d’enzymes appelés « désaturases » : il n’existe pas dans les cellules humaines de désaturases capables de positionner des doubles liaisons ∆ au-delà du C9 alors qu’elles existent dans les cellules végétales et en particulier chez les plantes oléagineuses. En réalité, il existe douze AGE classés en deux séries de 6 (série n-6 et série n-3) dont les deux AGE ci-avant (seuls indispensables) sont les précurseurs : l’acide arachidonique est le principal représentant F 1 010 − 4 Dans les triacylglycérols, trois molécules d’acides gras estérifient chaque fonction alcool du glycérol ; les molécules d’acides gras peuvent être identiques (TAG simple ou homogène) mais le plus fréquemment elles sont différentes (TAG mixte ou hétérogène). Ainsi la figure 1 montre la formule chimique d’un TAG hétérogène dont le nom officiel dépend de la composition en acides gras. O Position centrale Acide oléique O O O 1 CH2 CH 2 3 CH2 Acide palmitique Position externe Acide stéarique O O 1 - palmityl, 2 - oléyl, 3 - stéarylglycérol Figure 1 – Structure d’un TAG hétérogène : formule chimique et nomenclature Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES Les TAG constituent l’essentiel des lipides neutres formant des dépôts et inclusions dans le cytosol des cellules et représentant ainsi des réserves. On les rencontre en particulier dans les fruits et graines oléagineuses (olive, tournesol, colza, arachide). Les mammifères et l’homme réalisent leur stockage dans un tissu spécialisé, le tissu adipeux ; outre son rôle de réserve énergétique, ce tissu joue un rôle de protection et d’isolant thermique dû à sa localisation privilégiée dans la couche sous-cutanée de la peau. La dénomination des corps gras alimentaires ne dépend pas de leur origine (animale ou végétale) mais est établie sur la base de leur état (solide ou liquide) à la température ordinaire (25 ˚C) : — les graisses sont les corps gras concrets (solides) à la température ordinaire (25 ˚C) : c’est le cas des graisses d’oie (Tf = 30 ˚C) et de porc (saindoux, Tf = 40 ˚C) mais également le cas de corps gras végétaux appelés à tort « huiles » telle que l’huile de coprah (végétaline) ; — les huiles sont les corps gras fluides (liquides) à la température ordinaire (25 ˚C) : les huiles courantes sont d’origine végétale (olive, arachide, tournesol) mais il existe des huiles de poissons ; — les beurres sont des corps gras dont la température de fusion est située aux environs de 25 ˚C ; le beurre est un concentré à 82 % de matière grasse laitière, et le beurre de cacao est également connu. L’état concret ou fluide des corps gras dépend directement de la composition en acides gras de ces produits. Il existe au moins 50 % d’AGS dans les graisses alors que les huiles renferment plus de 80 % d’AGI. ■ Diacylglycérols (DAG) et monoacylglycérols (MAG) Il s’agit des diesters ou monoesters d’acides gras et de glycérol. Ce sont des produits de dégradation des TAG en particulier lors de leur digestion : ainsi les 2-monoacylglycérols (2-MAG) sont produits lors de l’hydrolyse enzymatique des TAG par la lipase pancréatique. Les MAG et DAG sont aussi des additifs alimentaires, agents émulsifiants (E 471 et E 472) utilisés dans de nombreux produits : margarines, crèmes glacées, matières grasses composées, etc. ■ Stérides et cérides Ce sont des lipides ternaires, monoesters d’acides gras avec des alcools autres que le glycérol : cholestérol pour les stérides, alcools gras pour les cérides. 3.4 Phosphoglycérolipides et sphingolipides Les phosphoglycérolipides sont des DAG dont la fonction alcool en C3 est estérifiée par de l’acide phosphorique pour obtenir l’acide phosphatidique ; un amino-alcool (ex. : choline) estérifie une seconde fonction acide de l’acide phosphorique pour obtenir la phosphatidylcholine). La lécithine, la plus connue des phosphatidylcholines, est en quantité importante dans le jaune d’œuf. Les sphingolipides sont des lipides dans lesquels la sphingosine (molécule à 18 C possédant deux fonctions alcools en C1 et C3 et une fonction amine en C2) est reliée en C2 par une liaison amide à un acide gras et est complétée au niveau de C1 soit par de la phosphorylcholine (sphingomyélines), soit par des résidus glucidiques (glycosphingolipides). 26 25 27 17 1 HO 3 5 6 Le cholestérol est le cholest–5–ène–3β–ol 27 5 HO 3 1 La vitamine D3 est un stéroïde encore appelé cholécalciférol Figure 2 – Formule chimique du cholestérol et d’un stéroïde dérivé : la vitamine D3 Les lipides icosanoïdes sont dérivés de l’acide arachidonique et constituent un groupe important de médiateurs chimiques oxygénés (prostaglandines, prostacyclines, thromboxanes, leucotriènes). Contrairement aux lipides des autres groupes, ces lipides, sans liaison ester, ont en commun la propriété de ne pas être altérés par un traitement alcalin de saponification d’où le terme d’insaponifiable également utilisé pour les qualifier. 3.6 Utilisation nutritionnelle des lipides Les lipides présents dans les aliments existent sous deux formes dont il convient de prendre conscience sur le plan nutritionnel : — d’une part, ils sont présents naturellement dans bon nombre d’aliments courants : ce sont les corps gras invisibles présents dans le lait, les viandes, l’œuf, les olives, les noix, etc. ; — d’autre part, ils sont introduits dans les aliments lors de leur préparation et/ou consommation : ce sont les corps gras ajoutés appelés communément corps gras alimentaires : graisses, beurres et huiles. La digestibilité des lipides et en particulier l’absorption intestinale des acides gras dépend essentiellement de deux paramètres : — seuls les acides gras libres liquides à la température corporelle sont bien absorbés au niveau intestinal (voir digestibilité Dig. dans le tableau 3) ; par contre, tous les acides gras sous forme de 2-MAG sont complètement absorbés ; — la lipase pancréatique ne peut hydrolyser que les liaisons esters en position externe sur un TAG (voir figure 1) : la digestion des TAG conduit donc à un mélange de 2-MAG et d’AGL dont l’absorption intestinale peut être très variable selon les critères indiqués précédemment. Enfin, les acides gras sont des substances très concentrées en énergie et ce sont aussi, paradoxalement, des réserves d’eau endogène importantes. En effet, leur oxydation au cours de leur utilisation métabolique génère beaucoup d’énergie et d’eau : — valeur énergétique : 38 kJ/g ; — production d’eau endogène : 107 g eau /100 g. 4. Glucides digestibles 3.5 Substances lipoïdes (insaponifiable) Les lipides isopréniques, dont toutes les molécules sont dérivées de l’isoprène (2-méthyl 1,3 butadiène = C5H8), regroupent les stérols et les vitamines liposolubles. Parmi ces lipides, le cholestérol (figure 2) présent dans les corps gras d’origine animale (beurre, jaune d’œuf, etc.) est très connu. 4.1 Présentation générale Classification nutritionnelle des glucides : le partage des glucides en deux groupes s’impose : Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 5 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ — les glucides digestibles sont les glucides directement assimilables (oses, dérivés d’oses, etc.) ainsi que les glucides assimilables suite à leur dégradation par des enzymes digestifs (diholosides, amidon, glycogène, etc.) ; — les glucides non digestibles sont les glucides non dégradables par les enzymes digestifs et donc non assimilables. Ces glucides constituent une part importante des glucides alimentaires et jouent un rôle physiologique important : ils constituent l’essentiel des fibres alimentaires parfois appelées indigestible glucidique traités dans la paragraphe 5. Classification biochimique des glucides : elle est la suivante : — les oses ou monosaccharides sont les molécules de base non hydrolysables ; — les oligosides ou oligosaccharides sont uniquement constitués d’oses (holosides) en nombre limité (inférieur à 10) ; — les polyosides ou polysaccharides sont aussi des holosides mais le nombre d’oses constitutifs est très élevé. Dans ce groupe, on sépare les polyosides homogènes (polymère constitué d’un seul et unique ose) et les polysosides hétérogènes (polymère d’un motif osidique constitué lui-même de plusieurs oses) ; — les hétérosides ou glycosides sont des glucides dont l’hydrolyse libère un ou plusieurs oses et un groupement non glucidique appelé groupement aglycone. 4.2 Oses et leurs dérivés CHO H HO H H OH H OH OH CH2OH HO H H O H OH OH CH2OH CH2OH D(+) glucose D(–) fructose CHO H HO HO H OH H H OH CH2OH D(+) galactose CHO H H H OH OH OH CH2OH D(+) ribose Figure 4 – Formules linéaires de quelques oses naturels très courants Formules cycliques des oses : les formules linéaires des oses sont insuffisantes pour expliquer l’ensemble de leurs propriétés chimiques. Depuis plus d’un siècle, on a alors compris que la réactivité du groupement carbonyle par rapport à la fonction alcool était à l’origine de la formation d’une liaison hémiacétalique intramoléculaire (pont oxydique entre 2C ; C O C ) entraînant une cyclisation des molécules. Chez les oses courants, les formes cycliques sont d’ailleurs très majoritaires (> 99 %) en solution aqueuse par rapport à la forme linéaire qui coexiste cependant. Les cycles formés sont des hétérocyles oxygénés : furane (cycle pentagonal à 4 C) ou pyrane (cycle hexagonal à 5 C). La figure 5 représente les différentes formules cycliques du D glucose et du D ribose et permet de découvrir que le C du groupement carbonyle de la formule linéaire (ici, c’est le C1) devient un C asymétrique lorsque se produit la cyclisation ; il existe donc deux formules cycliques pour chaque ose (anomères α et β). Les oses sont des polyalcools linéaires (3 à 7 C) portant un groupement carbonyle ( CO ) soit au niveau du C1 (fonction aldéhyde) chez les aldoses, soit au niveau du C2 (fonction cétone) chez les cétoses. La présence du groupement carbonyle représente une fonction intermédiaire, sur le plan du degré d’oxydation, entre la fonction alcool (plus réduite) et la fonction acide carboxylique (plus oxydée) ; ce groupement est à l’origine du pouvoir réducteur que possèdent les oses en particulier en solution alcaline et à chaud (réduction de la liqueur de Fehling). Parmi les oses naturels courants, le D(+) glucose (dextrose) est le plus abondant. Il existe à l’état libre dans les fruits et le miel majoritairement sous forme d’α-D(+) glucopyranose. Mais, il est surtout polymérisable en polyholosides homogènes : amidon, glycogène, cellulose. Formules linéaires des oses – Chiralité et stéréoisomérie : le plus simple des oses est le glycéraldéhyde ( OHC CHOH CH 2 OH ). Cet aldotriose porte un C asymétrique (C2), centre chiral à l’origine de la stéréoisomérie et/ou isomérie optique. Il existe donc deux formules possibles dans l’espace, souvent représentées en projection dans un plan selon la règle de Fischer (figure 3) : la forme D porte le groupement OH à droite (du latin dexter = D) sur le carbone asymétrique et sa solution aqueuse dévie le plan de polarisation de la lumière polarisée vers la droite (dextrogyre ou +) ; l’autre forme est la forme L (groupement OH à gauche, du latin laevius = L) et est lévogyre (−). Les oses à plus de 3 C (tétroses, pentoses, hexoses) possèdent plusieurs C asymétriques, ce qui explique la diversité et la complexité des phénomènes d’isomérie chez les oses. On constate que presque tous les oses naturels présentent une filiation chimique avec le D(+) glycéraldéhyde et sont donc de la forme D (selon Fischer) même si leur pouvoir rotatoire n’est pas forcément dextrogyre. Dans ce cas, il importe de savoir que la règle de Fischer concerne la disposition du groupement OH sur le dernier C asymétrique de la chaîne hydrocarbonée (figure 4). — le désoxyribose est un 2-désoxy-ose constitutif de l’ADN (acide désoxyribonucléique) ; — la N-acétyl D glucosamine est un 2-amino-ose acétylé constitutif de la chitine, polyholoside homogène de la carapace des arthropodes (crustacés, insectes, etc.) ; — les acides D glycuronique, D mannuronique et D galacturonique sont des oses acides en C6, constituants de certains polyholosides hétérogènes végétaux ; — les polyols ou sucres alcools ont perdu leur pouvoir réducteur ainsi que la faculté de cyclisation. Ils sont surtout produits industriellement par hydrogénation catalytique d’oses. Les plus connus sont le D sorbitol obtenu à partir du glucose ou du fructose (figure 6), le D mannitol et le D ribitol. CHO CHO H CH2OH OH H CH2OH D(+) glycéraldéhyde HO CH2OH H HO H CH2OH L(–) glycéraldéhyde Figure 3 – Stéréoisométrie du glyceraldéhyde F 1 010 − 6 CHO CHO OH Le D(+) galactose constituant du lactose et le D(−) fructose (lévulose) des fruits sont également des oses très courants. Les dérivés d’oses sont nombreux et variés : 4.3 Oligosides et glucides à goût sucré La liaison O-osidique est une liaison hémiacétalique issue de la condensation entre le groupement OH du C anomérique d’un ose et un groupement hydroxyle quelconque, OH d’un autre ose ou d’une substance non glucidique. La formation de cette liaison fait disparaître le pouvoir réducteur et bloque la configuration du cycle de l’ose participant à la liaison par son C anomérique. La structure des liaisons O-osidiques apparaît dans la dénomination des osides car l’implication du C anomérique d’un ose est marquée par le sufixe osyl ou la terminaison oside appliqué à cet ose. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES CH2OH CH2OH O OH OH 1 OH OH β–D glucopyranose H O HO H HO H OH H OH 1 OH OH OH OH OH O 1 OH α–D glucopyranose H CH2OH O 1 OH H CH2OH OH O OH OH α–D ribofuranose OH β–D ribofuranose OH H O HO OH HO H OH H H Figure 5 – Formules chimiques habituelles du glucose et du ribose CH2OH O OH 1 OH OH O CH2OH O OH 2 CH2OH OH Saccharose PS = 1 CH2OH 1 CH2OH H OH HO H H OH H OH O OH 1 OH OH 6 CH2OH HO O H HO 6 CH2OH H H OH H 1 CH2OH Sorbitol PS = 0,6 Maltitol PS = 0,9 Figure 6 – Glucides à goût sucré : formules chimiques et pouvoir sucrant PS ■ Diholosides ■ Glucides à goût sucré Le saccharose est le sucre courant extrait de la betterave à sucre et de la canne à sucre. Il s’agit de l’α-D glucopyranosyl(1→2)β-D fructofuranoside (figure 6) dont les C anomériques des deux oses constitutifs sont impliqués dans la liaison osidique d’où la dénomination osyl-oside. En conséquence, le saccharose est un sucre non réducteur. Une caractéristique essentielle bien connue des glucides non macromoléculaires est leur saveur sucrée. Les substances à goût sucré contenues ou ajoutées dans les produits alimentaires sont appelées édulcorants. La diversification de ces substances et leur grand nombre conduit à distinguer : les édulcorants nutritifs et/ou de charge à pouvoir sucrant (PS) comparable à celui du saccharose (PS = 1) et les édulcorants intenses utilisés à doses infimes car très sucrants (PS > 100). Le lactose est le sucre du lait des mammifères. Le lactose est le βD galactopyranosyl(1→4)D glucopyranose (α ou β) : seul le C anomérique du galactose est impliqué dans la liaison osidique (osylose). Ce diholoside est en conséquence réducteur et présente donc l’anomérie α/β. Le maltose est un sucre résultant de l’hydrolyse de l’amidon et correspond à l’unité disaccharidique principale des chaînes d’oses constituant l’amidon. Il s’agit de l’α-D glucopyranosyl(1→4)D glucopyranose. Le maltose est donc un osyl-ose réducteur présentant l’anomérie α/β. Les polyols dérivés des diholosides ci-avant peuvent être obtenus industriellement par hydrogénation catalytique. Seul le second ose du diholoside est réduit en polyol. Le maltose et le lactose conduisent respectivement au maltitol ou glucopyranosyl-sorbitol (figure 6) et au lactitol ou galactopyranosyl-sorbitol ; quant au saccharose, il permet d’obtenir l’isomalt qui est un mélange équimoléculaire de glucopyranosyl-sorbitol et de glucopyranosyl-mannitol. Les glucides à goût sucré sont des édulcorants nutritifs qui peuvent être classés en trois catégories : — les édulcorants naturels : saccharose, fructose, lactose et miel qui est du saccharose hydrolysé ou sucre inverti naturel ; — les édulcorants résultant de l’hydrolyse de l’amidon : il s’agit des sirops de glucose dont on distingue trois types : sirop de glucose riche en maltose, sirop de glucose riche en dextrose et sirop de glucose à haute teneur en fructose ou isoglucose ; — les édulcorants obtenus par hydrogénation catalytique : ce sont les polyols ou sucres alcools : sorbitol (E 420), mannitol (E 421), xylitol (E 967), lactitol (E 966), maltitol (E 955), isomalt ou palatinit (E 953), sirops de glucose hydrogénés. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 7 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ OH H etc. O H O H HO H OH H OH H H O O H HO H OH H OH H H O O H HO H Liaisons α(1–4) glycosidiques OH H etc. Amylose H OH etc. H etc. HO H H OH H O O H HO H H OH O H H O HO H O H Liaison α(1–6) glycosidique O H HO H OH O H Liaisons α(1–4) glycosidiques H OH H O H HO H H OH etc. Amylopectine Figure 7 – Structure chimique de l’amidon 4.4 Polyosides digestibles L’amidon est une substance glucidique de réserve formée dans les cellules végétales effectuant la photosynthèse chlorophyllienne. Cette substance est ensuite stockée plus particulièrement dans certains organes végétaux (tubercules, fruits, graines, etc.) qui seront des produits alimentaires souvent qualifiés de « féculents ». Dans ces produits, l’amidon est contenu dans des grains d’amidon dont la forme et la taille dépendent de l’origine botanique. L’amidon est constitué de deux polymères appelés amylose et amylopectine ; ce dernier est habituellement en quantité nettement plus importante (70 à 90 % en masse). Ces polymères sont des polyholosides homogènes constitués d’α-D glucopyranose (figure 7) : — l’amylose est un polymère linéaire enroulé en hélice dont les oses (de 1 000 à 5 000) sont réliés par des liaisons α(1→4) ; — l’amylopectine est un polymère volumineux ramifié à structure buissonnante ; les chaînes d’oses présentent les mêmes liaisons osidiques que dans l’amylose ; mais des ramifications viennent se greffer aux chaînes environ tous les 20 à 25 oses grâce à des liaisons latérales α(1→6) ; le polymère peut contenir plus de 106 unités de glucose. Le glycogène est l’équivalent animal de l’amidon. Il est stocké essentiellement dans le foie et les muscles. Sa structure biochimique est semblable à celle de l’amylopectine avec des ramifications plus serrées. gène) sont ainsi hydrolysés en oligosides de 3 à 10 résidus glucose (appelés parfois dextrines) dans lesquels persistent les liaisons α(1→6). Les autres enzymes glycolytiques sont intestinales et permettent la simplification terminale des oligosides en oses. Il s’agit de glucamylases α(1→4) et α(1→6) permettant la dégradation complète des dextrines et de disaccharidases conduisant à l’hydrolyse des trois principaux diholosides (saccharose, lactose, maltose). La spécificité d’action de l’α-amylase et l’absence d’autres enzymes glycolytiques rendent impossible l’hydrolyse de nombreux polyholosides homogènes (cellulose, inuline, etc.) et hétérogènes (hydrocolloïdes glucidiques) et donc l’absorption intestinale des oses ou dérivés correspondant (notion de glucides indigestibles). Les oses sont les principaux métabolites énergétiques pour l’organisme. Le glucose est ainsi le seul nutriment énergétique utilisable par les cellules nerveuses ou neurones. Par ailleurs, contrairement aux lipides et aux protides, il n’existe pas de glucides indispensables. Enfin, le catabolisme du glucose au niveau cellulaire produit énergie et eau, mais de façon moins importante que les acides gras : — valeur énergétique : 17 kJ/g ; — production d’eau endogène : 60 g eau / 100 g. 5. Fibres alimentaires 4.5 Utilisation nutritionnelle 5.1 Présentation L’enzyme glycolytique essentiel permettant la digestion des glucides est l’α-amylase pancréatique. Cet enzyme scinde les liaisons α(1→4) au sein des macromolécules d’amylose et d’amylopectine (α-glycosidase et endo-osidase) : les amidons (mais aussi le glyco- L’expression « fibres alimentaires » provient de la traduction de l’anglais « dietary fibers ». Cette expression d’usage assez récent recouvre une notion connue antérieurement sous le nom de « ballast intestinal » ou « indigestible glucidique ». Ces deux derniè- F 1 010 − 8 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES res expressions présentaient l’avantage de préciser le rôle et la nature chimique des fibres alimentaires alors que l’aspect fibreux est loin d’être une réalité pour l’ensemble des produits concernés. On peut définir les fibres alimentaires de deux façons qui recoupent d’ailleurs des ensembles de substances quelque peu différents : — selon une définition large, les fibres alimentaires correspondent à l’ensemble des composants de l’alimentation non dégradables par les enzymes du TD ; — selon une définition plus fonctionnelle, les fibres alimentaires regroupent l’ensemble des composants alimentaires non dégradables, favorisant le transit intestinal et le rejet des déchets ; pour jouer ces rôles, beaucoup de ces constituants ont la capacité d’absorber de grandes quantités d’eau, ce qui crée un certain volume. 5.2 Constituants Les fibres alimentaires sont essentiellement des polyholosides d’origine végétale auxquels viennent s’adjoindre quelques autres substances végétales non glucidiques. Une part importante des fibres alimentaires ont pour origine la paroi squelettique pecto-cellulosique des cellules végétales. Habituellement, on classe les fibres alimentaires en deux catégories selon la nature plus ou moins fibreuses de leurs constituants. Les fibres insolubles dans l’eau sont réellement fibreuses : — la cellulose et les hémicelluloses sont des polyholosides homogènes constituants des parois végétales : la cellulose est un polymère de β-D glucopyranose alors que les hémicelluloses sont des polymères de pentoses ; — la lignine est une substance non glucidique des parois végétales ; c’est un hétéropolymère dont les éléments de base sont des dérivés plus ou moins hydroxylés de l’acide cinnamique (acide phényl-propènoïque). Les fibres solubles dans l’eau d’aspect non fibreux : — un groupe important est constitué par les substances glucidiques très avides d’eau et pouvant former des gels (= hydrocolloïdes). C’est le cas des pectines, polyholosides hétérogènes des parois végétales. Mais de très nombreux autres polyholosides hétérogènes ayant pour origine des végétaux particuliers, des algues, voire des bactéries sont désormais présents dans nos aliments : alginates (E 400 à E 405), agars (E 406), carraghénanes (E 407), farine de caroube (E 410), farine de guar (E 412), gomme xanthane (E 415) ; — d’autres substances glucidiques non dégradables à viscosité plus ou moins élevée font partie de cette catégorie : amidons résistants, inuline (polymère de fructose) présent dans l’artichaut et les racines de chicorée, oligosides tels les α-galactosides des graines de légumineuses (responsables de la flatulence et des gaz) ; — enfin, l’acide phytique est l’acide inositol-hexaphosphorique concentré dans les téguments des graines ; cette substance non glucidique est associée aux polyholosides dans les sons de grains de céréales. Certains aliments sont des sources importantes de fibres alimentaires. Les céréales sont les principales sources. Le son de blé en contient 40 à 45 % en masse et le pain complet 7 à 8 % en masse. Par contre, les aliments obtenus avec des produits céréaliers plus raffinées (par exemple, farine blanche) renferment de moins en moins de fibres. Les légumes secs (haricots blancs) renferment de 8 à 10 % en masse de fibres alimentaires. Les légumes et fruits frais en contiennent une teneur massique plus faible (2 à 3 %). Mais l’importance de ces produits dans l’alimentation moderne fait qu’ils constituent actuellement la principale source de fibres alimentaires. Il convient de noter que les fruits secs sont beaucoup plus concentrés en fibres (pruneaux 7 % en masse, dattes 9 % en masse). 5.3 Devenir et rôles digestifs Les fibres alimentaires grâce à leur grande capacité d’absorption d’eau créent un certain encombrement du bol alimentaire, ce qui va favoriser sa progression dans l’intestin (notion de ballast intestinal). Mais, par ailleurs, au niveau du gros intestin (colon), le développement des microorganismes devient considérable car les fibres alimentaires glucidiques sont des substrats très favorables pour la croissance microbienne. L’évacuation des déchets de la digestion et le renouvellement de la flore intestinale sont rendues possibles grâce à l’élimination fécale. L’importance des fibres alimentaires sur le développement de la flore intestinale et indirectement sur le fonctionnement du colon est désormais bien connue. Leur dégradation par fermentation colique conduit à la production d’acides gras à chaînes courtes ou AGCC (acétate, propionate, butyrate) et à des gaz. Parmi ces AGCC, le butyrate est le nutriment énergétique majeur pour les cellules épithéliales de la paroi du colon ou colonocytes. Les régimes riches en fibres alimentaires sont aujourd’hui fortement recommandés car leurs rôles bénéfiques sur la santé sont nombreux : lutte contre la constipation et l’apparition de diverticules intestinaux, prévention du cancer colorectal, lutte contre l’hypercholestérolémie et prévention de l’athérosclérose, etc. 6. Protides 6.1 Présentation La classification biochimique des protides est la suivante. — Les acides aminés sont les molécules de base non hydrolysables des protides. L’enchaînement par condensation des acides aminés dits standards conduira aux deux autres groupes. Mais, il existe aussi des acides aminés non standards non constitutifs des protéines. — Les peptides sont les protides hydrolysables constitués de quelques acides aminés dans les oligopeptides (moins de 10) ou d’un nombre plus important dans les polypeptides (de 10 à 50). — Les protéines sont les protides hydrolysables dont les séquences sont formées de plus de 50 (100 pour certains auteurs) acides aminés. Leur masse moléculaire dépasse souvent 10 kD et ces substances sont essentiellement des macromolécules. On y distingue les holoprotéines uniquement constituées d’acides aminés et les hétéroprotéines possédant en plus de la chaîne polypeptidique, un groupement non protéique dit prosthétique. Nota : le Dalton D correspond à une unité de masse moléculaire 1 D = (1/6,02×1023) g. 6.2 Acides aminés standards constitutifs des protéines Les acides aminés AA sont des composés bifonctionnels dont les groupes acide carboxylique et amine primaire sont portés par le même carbone : ce sont donc des 2-amino-acides ou acides α-aminés. Par ailleurs, le caractère asymétrique du C2 ou Cα fait que tous les acides aminés (sauf la glycine) possèdent deux stéréoisomères (formes D et L selon la règle de Fischer). Or tous les acides aminés naturels des protéines sont de la forme L (figure 8). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 9 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ (0) Tableau 4 – Les vingt acides aminés standards et leurs principales caractéristiques No Nom courant Symboles : 3/1 lettre Nomenclature chimique Nature de R pHi (pKa des fonctions Acide/ Base) Indispensabilité Goût 1 glycine Gly/G 2-amino-éthanoïque polaire non chargé 6,02 (2,35/9,69) NI sucré 2 alanine Ala/A 2-amino-propanoïque hydrohobe 6,06 (2,34/9,78) NI sucré 3 sérine Ser/S 3-hydroxy 2-amino-propanoïque polaire non chargé 5,68 (2,21/9,15) NI sucré 4 cystéine Cys/C 3-thiol-2-amino-propanoïque polaire non chargé 5,07 (1,96/8,18/10,28) CI amer 5 histidine His/H 3-imidazole-2-amino-propanoïque basique 7,58 (1,82/6,00/9,17) I/NI amer 6 phénylalanine Phe/F 3-phényl-2-amino-propanoïque hydrohobe 5,53 (1,83/9,24) I amer 7 tyrosine Tyr/Y 3-(p.hydroxy-phényl)-2-aminopropanoïque polaire non chargé 5,65 (2,20/9,11/10,07) CI amer 8 tryptophane Trp/W 3-indole-2-amino-propanoïque hydrohobe 5,89 (2,38/9,39) I amer 9 valine Val/V 3-méthyl-2-amino-butanoïque hydrohobe 5,97 (2,32/9,62) I amer 10 thréonine Thr/T 3-hydroxy-2-amino-butanoïque polaire non chargé 6,16 (2,71/9,62) I sucré 11 méthionine Met/M 4-méthylthiol-2-amino-butanoïque hydrohobe 5,75 (2,28/9,21) I amer 12 ac. aspartique Asp/D 2-amino-butanedioïque acide 2,97 (2,09/3,86/9,82) NI acide 13 asparagine Asn/N amide (en 4) de l’acide aspartique polaire non chargé 5,41 (2,02/8,80) NI acide 14 isoleucine Ile/I 3-méthyl-2-amino-pentanoïque hydrohobe 6,02 (2,36/9,68) I amer 15 leucine Leu/L 4-méthyl-2-amino-pentanoïque hydrohobe 6,00 (2,36/9,64) I amer 16 arginine Arg/R 5-guanido-2-amino-pentanoïque basique 10,76 (2,17/9,04/12,48) I/NI amer 17 acide glutamique Glu/E 2-amino-pentanedioïque acide 3,22 (2,19/4,25/9,67) NI acide 18 glutamine Gln/Q amide (en 5) de l’acide glutamique polaire non chargé 5,65 (2,17/9,13) NI éventé 19 lysine Lys/K 2,6-diamino-hexanoïque basique 9,74 (2,18/8,95/10,53) I sucré/amer 20 proline Pro/P acide pyrrolidine-2-carboxylique hydrohobe 6,30 (1,99/10,60) NI sucré/amer HN N H2N HO N H imidazole para-hydroxyphényl indole NH pyrrolidine guanido La structure chimique des vingt acides aminés standards peut être reconstituée en utilisant les informations données dans la figure 8 et grâce à la nomenclature chimique (proposée dans le tableau 4). F 1 010 − 10 C N H N H Indispensabilité : I = indispensable NI = non indispensable CI = conditionnellement indispensable Plusieurs critères peuvent être utilisés pour classer les acides aminés. Dans le cadre de cet article, deux classifications sont proposées. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES charge globale de l’acide aminé est neutre : c’est le pH isoélectrique (pHi ou pI) correspondant au zwitterion (figure 8). Pour des pH inférieurs à pHi, l’acide aminé est chargé positivement (forme davantage protonée) alors que pour des pH supérieurs à pHi, l’acide aminé est chargé négativement (forme moins protonée). 4 ou γ 6 ou ε 2 ou α 1 NH2 OH OH R 5 ou δ O O 3 ou β Tous les acides aminés naturels sont dérivés d'acides carboxyliques possédant de 2 à 6 C et ils sont tous aminés en position 2 ou α COOH H 2N COOH H ou R NH2 H R Forme L Forme D Tous les acides aminés naturels sont de la forme L selon la règle de Fisher + NH 3 COO– R H La saveur des acides aminés dépend pour une part importante de la configuration L ou D : on constate en effet que les AA de la forme L ont plutôt un goût amer alors que ceux de la forme D ont davantage un goût sucré. Pour les acides aminés naturels de forme L (voir tableau 4), ce sont essentiellement, les acides aminés hydrophobes qui sont à l’origine de l’amertume (Leu, Phe, Trp, Ile, Tyr, Val). Les acides aminés sucrés de la forme L sont plutôt polaires mais ce critère ne semble pas déterminant (Ser, Thr, Gly). Les acides aminés diacides (Asp, Glu) ont un goût acide, mais il n’existe pas d’acides aminés à goût salé. Enfin, les sels de sodium des acides glutamique et aspartique développent la saveur umami, saveur particulière associée à la cuisine chinoise (mélange à la fois de sucré et de goût de bouillon de viande). Remarque à propos des acides aminés non standards Contrairement aux vingt acides aminés naturels standards, possédant des ARNt (acide ribonucléique de transfert) connus utilisés dans la biosynthèse des protéines, de très nombreux acides aminés naturels n’ont pas d’ARNt correspondant et ne sont donc pas constitutifs des protéines. Parmi les AA non standards, les plus connus sont la β-alanine, la taurine, l’ornithine et la citrulline intervenant dans la structure de molécules biologiques ou dans le métabolisme. En solution dans l'eau pure, les deux fonctions de l'acide aminé sont ionisées, mais la charge globale est neutre : notion de Zwitterion Figure 8 – Structure des acides aminés naturels standards Sur le plan biochimique et en rapport avec les propriétés des protéines qu’ils vont constituer, il est important de prendre en compte la nature de la chaîne latérale R (voir Nature de R dans le tableau 4) : — les AA à chaîne latérale apolaire (hydrophobes) ; — les AA à chaîne latérale polaire non chargée (hydrophiles) ; — les AA à chaîne latérale polaire acide ou basique et chargée électriquement (hydrophiles). Sur le plan nutritionnel, il convient de distinguer entre les acides aminés non indispensables synthétisables dans l’organisme et les acides aminés indispensables (synthèse endogène impossible) dont l’apport dans la ration alimentaire est absolument nécessaire (voir Indispensabilité dans le tableau 4) : — les AA non indispensables peuvent être synthétisés dans l’organisme car la biosynthèse de la chaîne latérale R est possible au niveau du métabolisme intermédiaire et ils sont transaminables ; — les AA indispensables ne sont pas synthétisés dans l’organisme : soit parce qu’ils ne sont pas transaminables (Lys, Thr), soit que, bien que transaminables, la biosynthèse de la chaîne R est impossible (Val, Ile, Leu, His, Trp, Met, Phe) ; — enfin, les AA conditionnellement indispensables ont une synthèse qui est possible à partir d’acides aminés indispensables (Cys, Tyr) : la cystéine est fabriquée par transsulfuration à partir de la méthionine et constitue avec celle-ci « les acides aminés soufrés » ; la tyrosine est fabriquée par hydroxylation à partir de la phénylalanine et constitue avec celle-ci « les acides aminés aromatiques ». L’ionisation des acides aminés dépend du pH de la solution et du nombre de fonctions acide/base portées par l’acide aminé (voir pHi et pKa dans le tableau 4). Les acides aminés sont des substances ampholytes qui, selon le pH du milieu, seront plus ou moins ionisées et se comporteront tantôt comme des acides (donneurs de protons), tantôt comme des bases (accepteurs de protons). Pour chaque acide aminé, il existe une valeur de pH pour laquelle la 6.3 Peptides Les peptides résultent d’une condensation entre acides aminés : le départ d’eau entre le groupe carboxylique ( COOH ) d’un premier acide aminé et le groupe amine ( NH 2 ) d’un second acide aminé conduit à une liaison amide ( CO NH ) particulière appelée liaison peptidique. Les peptides sont des polymères d’acides aminés à chaînes courtes ou moyennes. ■ Oligopeptides : leur chaîne contient moins de 10 AA et leur présence dans les aliments est limitée. Cependant la carnosine (β-Ala-L His) et l’ansérine (β-Ala-méthyl-L His) sont des dipeptides présents dans les viandes dont le premier prédomine dans les viandes de bœuf alors que le second est majoritaire dans celles de volailles ; ils servent de marqueurs pour diagnostiquer l’origine d’un extrait de viande ou pour connaître le régime carné d’un individu (présence dans les urines). Par ailleurs, l’aspartame (ester méthylique du L Asp-L Phe) et l’alitame (amide du L Asp-D Ala) sont des dipeptides synthétiques, édulcorants intenses ; l’aspartame (E 951) est très largement utilisé dans les boissons et les aliments allégés en sucre. ■ Polypeptides : les polypeptides se distinguent des protéines par la longueur de leur chaîne dont la limite est imprécise et varie selon les auteurs de 50 à 100 AA. En fait, d’autres critères de distinction existent : en particulier, l’un d’eux considère le maintien en solution des peptides après chauffage, contrairement aux protéines (coagulation) ; cette propriété est en partie liée au degré de polymérisation. Mais les polypeptides sont avant tout des protéines seulement « plus petites » que les vraies protéines, ce qui sous-entend deux caractéristiques : — la séquence de leurs acides aminés est programmée et leur synthèse se produit selon les mécanismes de la biosynthèse des protéines ; les acides aminés constitutifs sont des AA standards (contrairement à ceux de certains oligopeptides) ; Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 11 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ — le nombre limité des acides aminés de leurs chaînes résulte souvent d’une hydrolyse partielle de précurseurs protéiques plus longs. Résidu d'acide aminé Liaison peptidique Dans les produits alimentaires, il existe ainsi des peptides résultant de protéolyse partielle. Exemples : dans le lait de vache, certains peptides ont pour origine des protéines de la fraction insoluble constituant la phase micellaire (caséines) ; c’est le cas des protéoses peptones (4 types) dont 3 (composants 5, 8-lent et 8-rapide) sont des peptides, issus de l’hydrolyse de la caséine β, et migrant ensuite vers le lactosérum. De même, lors de la coagulation du lait par la chymosine, la protéolyse de la caséine κ libère un glycomacropeptide (65 AA) soluble, tandis que la paracaséine κ reste liée aux micelles et va initier leur agrégation (formation de gel = caillage) (cf. [F 6 305], [F 6 306], [F 6 307], réf. [9]). 6.4 Protéines H2 N 1 2 3 4 Extrémité N-terminale Les protéines alimentaires constituent un ensemble hétérogène de macromolécules, ce qui nécessite des regroupements souvent utiles : — bien que la part majeure des protéines alimentaires correspondent à des protéines de structure (et de réserve), une grande variété d’entre elles sont des protéines fonctionnelles biologiquement très actives (ex : enzymes) ; — sur le plan biochimique, les holoprotéines sont séparées des hétéroprotéines : les premières n’apportent que des AA alors que les secondes peuvent, avec leur groupement prosthétique, fournir des éléments intéressants (P, Fe, etc.) ; — enfin, sur l’axe de la structure des protéines, on distingue les protéines globulaires et les protéines fibreuses. Il convient parfois de prendre en compte des associations supramoléculaires conduisant à des protéines fibrillaires telles que celles constituant le cytosquelette du cytoplasme cellulaire. 6 etc. X COOH Extrémité C-terminale Structure I = séquence des acides aminés Courbure β Résidu d'acide aminé Hélice α = Les protéines sont des enchaînements d’acides aminés dont la séquence (succession dans un ordre précis) est déterminée par l’information génétique. Leur organisation structurale dépend pour beaucoup de la séquence en acides aminés. 5 Feuillet plissé β = Structure II = figures remarquables Extrémité C-terminale Motif de structure supersecondaire permettant l'ancrage du coenzyme NAD Extrémité N-terminale Structure III = configuration tridimensionnelle (cas d'un enzyme = alcool déshydrogénase) 6.4.1 Structure La structure des protéines considère les différents niveaux d’organisation spatiale de ces macromolécules dont l’analyse permet de mieux comprendre leurs rôles et/ou activités biologiques. On décrit quatre niveaux de structure (figure 9). La structure I correspond à l’ordre séquentiel déterminé génétiquement des « X » acides aminés constituant la protéine. Il s’agit de la structure linéaire de la chaîne commençant par l’extrémité N-terminale (AA no 1 = AA avec NH 2 libre) et se terminant par l’extrémité C-terminale (AA no X = AA avec COOH libre). Les liaisons covalentes peptidiques assurent la cohésion de l’ensemble. La structure II décrit certaines parties de la chaîne dans l’espace dont l’organisation régulière selon un axe privilégié conduit à des figures particulières (hélice α, feuillets plissés β, courbures β, etc.). Ces figures sont maintenues par des liaisons hydrogène établies au niveau des liaisons peptidiques. Plusieurs éléments de structure secondaire peuvent s’agencer en motifs ou structures supersecondaires dont la prise en compte a permis de beaucoup progresser dans la compréhension des activités biologiques des protéines. La structure III correspond à la conformation tridimensionnelle de la chaîne polypeptidique qui résulte de son repliement conduisant à F 1 010 − 12 Structure IV = association de plusieurs monomères (structure oligomérique) Figure 9 – Structures des protéines : quatre niveaux d’organisation la forme générale définitive et biologiquement active. Pour beaucoup de protéines (ex. : protéines globulaires), la mise en place de cette forme est la résultante de l’effet hydrophobe global (rassemblement vers l’intérieur de tous les résidus apolaires d’acides aminés) ; elle est consolidée par des liaisons secondaires entre résidus d’acides aminés. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES La structure IV n’est pas systématique. Elle existe lorsque la protéine est oligomèrique, c’est-à-dire constituée de plusieurs chaînes polypeptidiques (ou monomères). Les liaisons entre monomères sont habituellement des liaisons non covalentes. La dénaturation des protéines est la désorganisation des structures II, III et IV des protéines maintenues par des liaisons non covalentes de faible énergie, mais il ne s’agit en aucun cas d’une hydrolyse de la chaîne polypeptidique (structure I préservée). Cette désorganisation s’accompagne d’une perte des propriétés biologiques. (0) Tableau 5 – Principales protéines alimentaires et leurs sources Source Protéines % Viande 15 à 22 Poissons 15 à 20 80 % 15 à 25 % NNP Œufs 12 à 14 52 % Blanc : ovalbumine, conalbumine, ovomucoïde, ovoglobulines, lysozyme, avidine, etc. 95 % 48 % Jaune : lipovitelline, livétines, lipovitellenines, phosvitine, etc. 3 à 3,5 78 % Protéines insolubles : caséines 85 % 16 % Protéines « solubles » : globulines, albumines, protéose-peptones, etc. 5 % NNP ■ Protéines globulaires (holoprotéines) Le collagène et l’élastine sont les protéines fibreuses des tissus conjonctifs associés aux muscles que l’on retrouve dans les viandes et la chair des poissons. Le collagène nettement prédominant est caractérisé par sa structure en triple hélice et l’existence de liaisons interchaînes ; par ailleurs, il est essentiellement composé des acides aminés : glycine (30 % en masse), proline et hydroxyproline. Par traitement thermique prolongé, le collagène est transformé en gélatine avec désorganisation de la structure et hydrolyse partielle des chaînes. Mais, ni le collagène (non dégradable par les enzymes protéolytiques du TD), ni même la gélatine (dégradable, mais pauvre en acides aminés cycliques et indispensables) ne sont des protéines intéressantes sur le plan alimentaire. 8 % Protéines extracellulaires : collagène, élastine 72 % Protéines intracellulaires : actine, myosine, troponine, tropomyosine, etc. 6.4.3 Principales protéines alimentaires ■ Protéines fibreuses ou scléroprotéines (holoprotéines) 80 % 10 % NNP (azote non protéique) Lait de vache Les albumines et les globulines sont le type même des protéines globulaires : les premières sont bien solubles dans l’eau alors que les secondes le sont peu. Elles sont très répandues dans les tissus animaux et végétaux. Les prolamines et les glutélines des grains de céréales sont des protéines de réserve localisées dans l’albumen (80 % des protéines totales) constituant une matrice englobant les grains d’amidon. Les gliadines (prolamines) et les gluténines (glutélines) du grain de blé constituent le gluten dont le malaxage et pétrissage permettent la formation d’un réseau protéique viscoélastique conduisant à la pâte boulangère (étape essentielle dans la panification, cf [F 6 180], réf. [10]). 9 % Protéines extracellulaires : collagène, élastine 80 % Protéines intracellulaires : actine, myosine, troponine, tropomyosine, myoglobine, etc. 6.4.2 Sources des protéines alimentaires Les protéines alimentaires peuvent être d’origine animale ou d’origine végétale. Les protéines animales sont surtout présentes dans les viandes et les poissons ; mais elles existent aussi dans les œufs, le lait et produits dérivés (ainsi, les fromages sont des concentrés de protéines laitières). Les protéines végétales sont essentiellement contenues dans les graines alimentaires ; les céréales renferment moins de protéines (riz : 8 % en masse) que les graines de légumineuses (haricots, lentilles, etc. : 25 % en masse) avec le cas particulier du soja (40 % en masse) ; en Europe, les produits de base (farines, semoules) provenant du grain de blé conduisent à des denrées alimentaires (pain, pâtes, etc.) surtout amylacés mais contenant cependant des protéines végétales. Le tableau 5 précise les noms et les teneurs des principales protéines alimentaires rencontrées dans les différents aliments riches en protéines. VB % Répartition Graines de céréales 8 à 14 75 à 95 % Protéines de réserve : prolamines (blé : gliadines) et glutélines (blé : gluténines) 65 % 5 à 25 % Protéines « solubles » : albumines, globulines Graines de légumineuses 25 à 40 95 % Globulines (plus de 70 %) et albumines (moins de 25 %) 70 % 5 % Protéines de réserve : prolamines et glutélines + NNP Pourcentages massiques ■ Protéines fïbrillaires (holoprotéines) Ces protéines correspondent aux microfilaments d’actine (et protéines associées) qui, avec les microtubules et les filaments intermédiaires, forment le cytosquelette des cellules animales. L’actine G est une protéine globulaire de masse moléculaire 42 kD qui polymérise pour donner l’actine F ou filamenteuse dont deux exemplaires s’enroulent en hélice pour former l’actine fonctionnelle. Présente dans toutes les cellules animales, la proportion d’actine F (par rapport aux protéines totales) est importante dans les cellules musculaires (13 à 15 % en masse) où elle va s’associer avec d’autres protéines pour constituer les myofibrilles représentant l’appareil contractile de ces cellules. Les protéines fibrillaires des cellules Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 13 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ musculaires (actine, myosine, troponine, tropomyosine, etc.) représente environ 60 % de leurs protéines totales. Ces protéines constituent la part majeure des viandes et de la chair des poissons ; elles sont d’excellente qualité nutritionnelle. ■ Phosphoprotéines (hétéroprotéines) Les caséines du lait sont de petites protéines (environ 200 AA) phosphorylées et acides (pHi de l’ordre de 5). Elles contiennent en quantité importante les AA suivants : Asp, Glu (caractère acide), Val, Ile, Leu (caractère hydrophobe) et Pro (ce dernier AA rend difficile la formation des figures de structure II). Les caséines sont donc des protéines insolubles en milieu aqueux et peu organisées en structure II ou de degré supérieur (on les qualifie parfois de « naturellement dénaturées »). Elles ont tendance à s’associer entre elles pour former, avec les ions Ca2+, des agrégats macromoléculaires constituant la phase micellaire du lait (phase peu stable se séparant du reste du lait au caillage). ■ Chromoprotéines (hétéroprotéines) La myoglobine est la protéine pigmentée responsable de la couleur rouge des viandes. C’est une hétéroprotéine dont le groupement prosthétique est un hème c’est-à-dire un noyau tétrapyrrolique plan et « en croix » centré sur un atome de fer ferreux. Ce même hème se retrouve dans l’hémoglobine du sang et dans les cytochromes de la chaîne respiratoire intramitochondriale. La cuisson des viandes rouges dénature la myoglobine et oxyde l’hème restant (Fe2+) en hématine (Fe3+) de couleur brune. Par ailleurs, dans les produits de charcuteries, les différentes couleurs observées (de rose à rouge sombre) résultent des transformations de la myoglobine et des combinaisons avec les nitrites. La valeur biologique VB (en %) d’une protéine est une façon commode d’évaluer sa qualité nutritionnelle, c’est-à-dire sa capacité à fournir les AA indispensables dans des proportions adaptées aux besoins de l’organisme. La VB d’une protéine représente son utilisation métabolique par les cellules à des fins de synthèse pour renouveler les protéines corporelles : — VB = 100 lorsque tous les AA indispensables de la protéine sont en proportions équilibrées correspondant à celles de l’organisme ; — VB < 100 lorsqu’un AA indispensable s’y trouve en faible proportion (AA déficitaire = facteur limitant). La VB indique donc le pourcentage de la protéine (si elle est consommée seule) utilisé pour les synthèses protéiques alors que (100 − VB) est le pourcentage restant catabolisé et utilisé à des fins énergétiques (17 kJ/g). La valeur biologique, évaluée par des mesures biologiques de rétention azotée suite à l’ingestion d’une protéine par des animaux de laboratoire (rats), est une valeur approximative, actuellement plus ou moins controversée. Elle permet cependant de classer les protéines et/ou les aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle (tableau 5) : — les protéines d’origine animale sont de bonne qualité et présentent une grande efficacité pour satisfaire les besoins protéiques chez l’homme ; cette caractéristique s’explique par leurs teneurs élevées en AA indispensables avec un profil voisin de celui de l’organisme humain ; — les protéines d’origine végétale sont de moins bonne qualité car leurs teneurs en AA indispensables est moins élevée et leur profil s’éloigne davantage de celui de l’organisme humain. Les protéines de céréales sont connues pour leur déficit en lysine alors que celles de légumineuses sont plutôt déficitaires en AA soufrés. ■ Nucléoprotéines (hétéroprotéines) On qualifie ainsi les associations entre des protéines à caractère nettement basique appelées histones et l’acide nucléique ADN (acide désoxyribonucléique) porteur de l’information génétique. Ces nucléoprotéines existent dans les noyaux cellulaires et représentent la chromatine qui se réorganise en chromosomes lors de la division cellulaire. Les constituants des acides nucléiques et en particulier les bases azotées cycliques (puriques et pyrimidiques) peuvent être synthétisées de novo dans les cellules eucaryotes. En conséquence, la synthèse parfois importante des acides nucléiques (ex. : lors de la replication de l’ADN) n’est pas tributaire de l’apport alimentaire en acides nucléiques. Cependant, les produits résultant de la digestion puis après absorption intestinale, du catabolisme des acides nucléiques peuvent en partie être recyclés à des fins de synthèse. Les aliments contenant beaucoup d’acides nucléiques sont essentiellement les tissus riches en noyaux et en particulier les abats. 6.4.4 Utilisation nutritionnelle des protéines La dégradation des protéines alimentaires puis l’absorption intestinale des acides aminés en résultant, représente leur digestibilité qui peut être affectée par plusieurs facteurs : — les enzymes protéolytiques (protéases) du TD sont très divers et variés (pepsine, trypsine, chymotrypsine, peptidases, etc.) et malgré leur spécificité d’action, ils peuvent hydrolyser toutes les liaisons peptidiques dans n’importe quelle chaîne d’acides aminés ; — la dénaturation des protéines, due par exemple à la cuisson des aliments, rend plus accessible les liaisons peptidiques et facilite leur attaque par les protéases ; — la présence de facteurs antiprotéases dans certains aliments (facteurs antitrypsiques dans les graines de soja et autres végétaux ainsi que dans le blanc d’œuf) n’a que peu d’effets sur la digestibilité des protéines ; ces facteurs eux-mêmes de nature protéique sont détruits par traitement thermique. F 1 010 − 14 6.4.5 Enzymes Les enzymes sont les biocatalyseurs de la matière vivante. Ils rendent possibles les réactions biochimiques dans des conditions physico-chimiques (température et pH en particulier) habituellement peu propices à la réactivité entre molécules mais compatibles avec la vie. Les enzymes sont des protéines globulaires dont l’activité catalytique est très étroitement dépendante de leur structure III (voire IV). En effet, pour jouer leur rôle, le contact entre l’enzyme et le(s) réactif(s) appelé(s) substrat(s) est indispensable au niveau d’une zone particulière de la protéine correspondant au centre actif de l’enzyme. En fait au niveau de ce centre actif, un(des) site(s) de fixation du(des) substrat(s) permet(tent) de retenir brièvement celui-ci (ceux-ci) afin que le site catalytique de l’enzyme puisse transformer le(s) substrat(s) en produit(s). La complémentarité de structure entre enzyme (E) et substrat (S), souvent illustrée par l’image de la serrure (= E) et la clé (= S), nécessite la mise en place d’une bonne conformation tridimensionnelle de la protéine dont la moindre perturbation altère l’efficacité catalytique. Quant au site catalytique de l’enzyme, il s’agit généralement d’un groupement chimique à forte réactivité (souvent, il s’agit d’un noyau hétérocyclique) dont la bonne orientation par rapport au substrat est également tributaire de la structure III de la protéine. Les enzymes sont parfois des holoprotéines mais le plus fréquemment ce sont des hétéroprotéines : — chez les enzymes holoprotéiques, la macromolécule est uniquement constituée d’AA. C’est alors un groupement fonctionnel d’un résidu R d’acide aminé (par ex. noyau imidazole de His) qui joue le rôle de site catalytique ; — dans les enzymes hétéroprotéiques, la partie protéique de la macromolécule est appelée apoenzyme alors que le groupement prosthétique organique est le coenzyme. Le coenzyme est souvent Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES une vitamine ou un dérivé de vitamine (cf. § 7) et il intervient en tant que site catalytique ; — enfin dans les métallo-enzymes (ce sont également des hétéroprotéines), la présence d’ions métalliques est indispensable pour le fonctionnement de l’enzyme (cf. § 8). Les enzymes sont regroupés en six classes correspondant aux six grands types de réactions (oxydoréductions, transferts de groupements, hydrolyses, additions ou scissions, isomérisations, ligations ou synthèses) catalysées dans la matière vivante. Par ailleurs, la plupart des enzymes restent au sein de la cellule pour catalyser l’ensemble des réactions constituant le métabolisme (endo-enzymes) mais certains enzymes sont sécrétés hors des cellules (exoenzymes). Les enzymes digestifs évoqués dans cet article (§ 3.6, § 4.5 et § 6.4.4) sont des exo-enzymes sécrétés dans le TD pour assurer la dégradation des macromolécules alimentaires par hydrolyse : ils appartiennent donc tous à la classe des hydrolases (classe 3). Mais, presque tous nos aliments sont d’origine biologique et possèdent donc une structure cellulaire ; leurs nombreux endo-enzymes (de toutes les classes) deviennent alors des protéines alimentaires banales dénaturées puis hydrolysées pour leur utilisation et dont la qualité nutritionnelle dépend de leur origine (animale ou végétale). 7. Vitamines 7.1 Présentation Les vitamines sont des nutriments indispensables jouant un rôle fonctionnel. Elles existent en tant que telles dans les aliments, et contrairement aux autres groupes, elles ne subissent pas de modifications notables dans le TD. Parce que l’homme a perdu la possibilité de les synthétiser, alors que les végétaux et microorganismes l’ont gardé, les vitamines sont souvent puisés dans les aliments d’origine végétale. Enfin, en rapport avec leur rôle, les vitamines n’ont aucune valeur ni protéique, ni énergétique et doivent être présentes dans la ration alimentaire à doses faibles. D’un point de vue chimique, les vitamines ont des formules chimiques très diverses, mais ce sont des petites molécules par opposition aux macromolécules alimentaires à motifs répétitifs (polyosides, protéines). La présence fréquente dans leur structure d’un ou plusieurs noyaux hétérocycliques est à mettre en rapport avec la difficulté de leur biosynthèse. Le nombre important et la diversité chimique des vitamines correspond à des fonctions métaboliques très différentes. Chaque vitamine joue un rôle spécifique et ses besoins sont précis ; les vitamines ont donc des rôles indépendants les unes par rapport aux autres et ne peuvent pas se remplacer entre elles. Beaucoup de vitamines ou leurs dérivés sont les coenzymes d’enzymes particulièrement importants pour le déroulement des réactions métaboliques. On subdivise sur un critère physique les vitamines en deux groupes : — les vitamines hydrosolubles, avec le groupe des vitamines B, sont présentes dans certains fruits et légumes, les levures et des produits animaux (foie, lait, etc.) ; — les vitamines liposolubles accompagnent habituellement les corps gras, mais sont aussi présentes dans des produits animaux et/ ou végétaux. En conclusion, il est important de souligner la fragilité des vitamines vis-à-vis de différents paramètres physico-chimiques pris isolément (oxydation, lumière, UV, chaleur, alcalinité, etc.). Le tableau 6 évoque au cas par cas cette sensibilité particulière des vitamines. 7.2 Vitamines hydrosolubles La vitamine B1 est la thiamine constituée d’un noyau thiazole et d’un noyau pyrimidine. C’est la vitamine « initiale » dont la découverte à la fin du XIXe siècle dans le son de riz (travaux de C. EIJKMANN au pénitencier de JAVA) a permis de comprendre et soigner les symptômes du béri-béri. La vitamine B1 agit principalement sous forme de TPP (thiamine pyrophosphate) en tant que coenzyme de l’enzyme décarboxylase de l’acide pyruvique ; son absence provoque une accumulation d’acide pyruvique à l’origine des atteintes nerveuses et cardiovasculaires caractérisant le béribéri. On rencontre cette vitamine dans les grains de blé surtout au niveau du germe, dans les haricots, légumes et fruits secs, dans les levures et dans des produits animaux (foie, abats, jaune d’œuf). La vitamine B2 est la riboflavine intervenant sous forme de FMN (flavine mononucléotide) et de FAD (flavine adénine dinucléotide) en tant que coenzymes d’enzymes déshydrogénases permettant le catabolisme des acides gras, des acides aminés, etc. La vitamine B2 est très répandue mais est surtout présente dans le lait, le foie, les produits laitiers fermentés, les levures, les légumes verts et les produits céréaliers. La vitamine B3 ou PP est la niacine avec deux formes vitaminiques équivalentes : l’acide nicotinique et la nicotinamide (figure 10) ; cette dernière est bien connue des biochimistes sous forme du NAD (nicotinamide di-nucléotide) et du NADP, coenzymes de nombreuses enzymes déshydrogénases. Sa carence chez l’homme conduit à la pellagre dont les manifestations sont des lésions cutanées ainsi que des signes digestifs et nerveux. La biosynthèse de la vitamine PP est possible chez l’homme à partir de l’acide aminé tryptophane mais avec un faible rendement (2 %). Cette vitamine est présente dans les produits céréaliers, les levures, les viandes et le foie. La vitamine B5 est l’acide pantothénique participant à l’élaboration du coenzyme A, vecteur du résidu acétyl et des résidus acyls dans le métabolisme. Comme son nom chimique l’indique, on trouve cette vitamine un peu partout : levures, produits animaux et végétaux. La vitamine B6 est la pyridoxine (figure 10) conduisant au pyridoxal-phosphate, coenzyme-clé pour le métabolisme des acides aminés en particulier au niveau des enzymes transaminases ou aminotransférases. Sa carence chez l’homme peut provoquer dermites, dépressions, anémies, anomalies immunitaires, etc. La vitamine B6 est présente dans les levures, les germes de céréales, mais aussi dans les viandes et les abats, le lait et les poissons, les légumes verts et les fruits. La vitamine B8 ou H est la biotine découverte à la fois dans les levures et dans l’œuf sous forme liée à la protéine avidine. Elle intervient en particulier en tant que coenzyme des enzymes carboxylases situées au niveau de voies anaboliques (néoglucogénèse, synthèse des acides gras). Sa carence entraîne surtout des troubles trophiques cutanés. La vitamine B8 existe dans beaucoup d’aliments mais elle n’y est pas toujours disponible pour être absorbée au niveau de l’intestin (ex. : liaison à l’avidine dans l’œuf). Elle est aussi présente dans les abats, le chocolat, les champignons, etc. La vitamine B9 est l’acide folique ou acide ptéroyl monoglutamique constitué d’une ptérine associée à l’acide para-aminobenzoïque (acide ptéroïque) relié lui-même à l’acide glutamique (figure 10). Le THF (tétra-hydro folate) est le coenzyme dérivé intervenant en tant que transporteur d’unités monocarbonés au niveau de différents métabolismes (acides aminés et bases azotées cycliques). Sa carence chez la femme enceinte est connue pour provoquer chez le fœtus soit le spina bifida (défaut de fermeture du tube neural) soit éventuellement un retard de croissance in utero. Les folates sont présents dans de nombreux aliments sous forme de polyglutamates dont l’hydrolyse digestive est nécessaire pour permettre une absorption intestinale. Ils sont présents dans tous les légumes verts (artichauts, épinards, choux-verts, etc.) ainsi que dans des produits animaux (foie, rognons, œufs, etc.). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 15 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ (0) Tableau 6 – Différentes vitamines, apports conseillés, sources, sensibilité physico-chimique Vitamine Nom chimique B1 thiamine B2 riboflavine B3 (PP) niacine B5 acide pantothénique B6 AJC pour homme adulte (mg/jour) Aliments riches (taux en mg/100 g) 1,3 1,6 O L T Ac Alc Levures (3) Germe de blé (3) s R S s S Levures (3) Foie (3) Fromage (0,5) R S R R s Levures (30) Foie veau (17) Farine complète (5) R R R R R 5 Foie (6) Jaune œuf (3) Champignons (2) R R S s s 1,8 Levures (1,2) Soja (0,6) Viandes (0,5) s S S R s 0,05 Foie veau (0,08) Jaune œuf (0,05) Levures (0,03) s R R R s 0,33 Foie (0,2) Jaune œuf (0,15) Lég. verts (0,1) s S R s s 0,002 4 Foie (0,05) Poissons gras (0,01) S s s s s 110 Kiwi, Oranges (50 à 100) Lég. frais (50) S s R R s Foie (4 à 10) Carottes (2) Beurre (0,6) S S R s R 0,005 Poissons (0,01 à 0,02) Œufs (0,002) R s s R R 12 Huiles (20 à 100) Fruits et Légumes (1 à 2) S S R s s 0,045 Légumes verts (0,1 à 1) S S R s R 14 (14 EN) pyridoxine B8 biotine B9 acide folique B12 cobalamines C acide ascorbique A rétinol D calciférol E tocophérols K phylloquinone ménaquinones 0,8 (800 ER) AJC = apports journaliers conseillés (référence : apports nutritionnels conseillés pour la population française – Édition 2001) EN = équivalent niacine 1 EN = 1 mg de niacine = 60 mg de tryptophane ER = équivalent rétinol 1 ER = 1µg de rétinol = 6 µg de β-carotène = 12 µg des autres caroténoïdes provitaminiques La vitamine B12 correspond aux cobalamines dont il existe plusieurs vitamères (isomères actifs vitaminiques) ; les cobalamines possèdent un noyau tétrapyrrolique (comme l’hème de l’hémoglobine) mais où le cobalt remplace le fer. Elle ne peut être absorbée au niveau intestinal que si elle est liée au facteur intrinsèque sécrété par la muqueuse gastrique. Sa carence, surtout due à un manque de facteur intrinsèque, conduit à l’anémie. Cette vitamine est exclusivement présente dans les produits animaux : foie et abats, poissons gras, viande et lait. Des carences en vitamine B12 ont été observées chez les végétaliens. La vitamine C est l’acide L(+)ascorbique, seule vitamine hydrosoluble non azotée dérivant d’ailleurs du glucose (figure 10). Elle se F 1 010 − 16 Sensibilité/Fragilité Sensibilité aux facteurs physico-chimiques : O = oxygène et oxydants L = lumière et UV T = chaleur Ac = acidité Alc = alcalinité Niveau de sensibilité : S = très sensible s = assez sensible R = résistant trouve en équilibre avec sa forme oxydée, l’acide déhydro-ascorbique, ce qui en fait un transporteur et/ou échangeur d’électrons et de protons à l’origine de ses fonctions biologiques. Elle intervient dans les réactions d’hydroxylation (synthèse du collagène, des catécholamines, de la carnitine) et les réactions d’oxydoréduction (réduction des nitrites et du fer ferrique) ainsi que dans les réactions radicalaires en tant que piégeur de radicaux libres. Sa carence est connue historiquement et produit le scorbut caractérisé par des œdèmes et des hémorragies (au niveau des gencives en particulier). La vitamine C est essentiellement présente dans les végétaux frais : fruits (les agrumes en contiennent beaucoup), légumes verts, pommes de terre. Cette vitamine est très hydrosoluble et sensible à Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES importante dans différents légumes et fruits : carottes, pissenlits, épinards, melons, etc. CH2OH CONH2 CH2OH HO N N H3C Nicotinamide (vitamine B3) Pyridoxine (vitamine B6) OH HOH2C O O H H HO OH Acide L ascorbique (vitamine C) H 2N N N O N N OH Ptérine C H2 NH C COOH N H Acide para-aminobenzoïque C H C H2 CH2 COOH Acide glutamique Acide folique (vitamine B9) Figure 10 – Formules chimiques de quelques vitamines hydrosolubles l’oxydation, ce qui est à l’origine de pertes importantes dans les aliments. Enfin la vitamine C et des substances apparentées sont des additifs alimentaires ajoutés dans les aliments en tant qu’agents anti-oxygènes (E 300, E 301, E 302 = acide ascorbique et ses sels de Na et Ca ; E 315, E 316 = acide érythorbique et son sel de Na). 7.3 Vitamines liposolubles La vitamine A est le rétinol composé d’un noyau β-ionone sur lequel se greffe une chaîne formée de deux unités isopréniques terminée par une fonction alcool. Le rétinol représente la forme active présente dans les produits animaux. Mais, il existe aussi chez les végétaux des caroténoïdes provitaminiques dont le β-carotène est le plus connu : celui-ci est formé d’une chaîne de quatre unités isopréniques terminée aux extrémités par deux noyaux β-ionone ; la scission en deux du β-carotène produit le rétinol. Le rétinol sous forme de rétinaldéhyde intervient dans la biochimie de la phototransduction au niveau des bâtonnets assurant la vision en noir et blanc. Plus récemment, on a découvert que le rôle indispensable du rétinol provient aussi de la place importante que joue l’acide rétinoïque dans la régulation de l’expression du génome. Cependant, les premiers signes de carence en vitamine A touche d’abord la rétine, avec une baisse de l’acuité visuelle crépusculaire (héméralopie). La vitamine A est présente dans le foie (foies de poissons), le beurre, le lait et les œufs. Les caroténoïdes provitaminiques sont en quantité La vitamine D est le calciférol dont il existe deux formes : la vitamine D2 ou ergocalciférol produite par les végétaux et la vitamine D3 ou cholécalciférol (figure 2) d’origine animale. Ces deux formes sont des sécostéroïdes possédant un cycle ouvert ; elles vont subir dans l’organisme humain des transformations métaboliques identiques et auront une activité biologique équivalente quelque soit leur origine. Par ailleurs, il faut signaler que l’apport alimentaire de la vitamine D n’est pas exclusif puisque une synthèse endogène importante de vitamine D est possible au niveau de l’épiderme à la suite d’une exposition solaire ou aux UV. La vitamine D n’agit pas directement : il s’agit d’une préhormone dont les hydroxylations en 25 dans le foie, puis en 1 dans le rein, vont conduire à la 1,25-dihydroxyvitamine D (calcitriol) qui est le métabolite actif principal. Ce dernier est l’hormone dite « calciotrope » ayant deux fonctions essentielles : assurer d’abord une minéralisation optimale des os pendant la croissance, puis contribuer ensuite au maintien de l’homéostasie calcique. Afin de jouer ces différents rôles, les trois tissus cibles de l’hormone sont l’intestin (absorption), les os (minéralisation) et les reins (excrétion) sur lesquels interviennent également d’autres hormones (parathormone et calcitonine). Les carences en vitamine D conduisent au rachitisme chez l’enfant et à l’ostéomalacie chez l’adulte qui sont des défauts de minéralisation du squelette osseux. Les besoins en vitamine D sont variables selon l’exposition au soleil, et selon les individus : ils peuvent être nuls en cas d’une bonne exposition. Les aliments riches en vitamine D sont le foie (foies de poissons), les poissons gras, les œufs, le beurre. La vitamine E est un ensemble de composés dénommés tocophérols dont la forme d-α ou RRR-α est la plus active. Résultant de la condensation d’un phénol et du phytol (alcool isoprénique à 20 C), les tocophérols sont formés d’un noyau chromanol et d’une chaîne isoprénique latérale saturée. Les tocophérols, grâce à leur structure phénolique, sont des donneurs d’hydrogène permettant de piéger les radicaux libres et qui se trouvent alors transformés en composés quinoniques stables : ils empêchent ainsi la propagation des réactions radicalaires en chaînes et entravent efficacement l’oxydation des acides gras polyinsaturés (AGPI) par l’oxygène. La principale fonction in vivo de la vitamine E est de protéger les lipides insaturés des membranes biologiques et des lipoprotéines. Elle intervient également dans le métabolisme de l’acide arachidonique (AGE) en inhibant la formation des prostaglandines et des thromboxanes (action anti-thrombose). En fait, la vitamine E agit en synergie avec tous les autres systèmes de défense antioxydants de l’organisme (vitamines C et A, enzymes à sélénium, etc.). Les tocophérols font également partie des additifs alimentaires antioxygènes phénoliques naturels (E 306) ou synthétiques mais « identiques aux naturels » (E 307, E 308, E 309). Les huiles végétales sont les sources les plus riches en vitamine E. Mais elle existe aussi, à taux plus faibles, dans les fruits et légumes (épinard, brocolis, poivron, tomate, etc.) ainsi que dans certains produits animaux (beurre, œufs, etc.). La vitamine K comprend à la fois la vitamine K1 (phylloquinone) d’origine végétale et les vitamines K2 (ménaquinones) d’origine animale ou bactérienne. Elles possèdent toutes le noyau 2-méthyl-1-4naphtoquinone. La vitamine K regroupe un ensemble de cofacteurs nécessaires à l’activation de protéines (dites « vitamine K dépendantes ») dont les plus connues interviennent dans la coagulation sanguine. Elle est en particulier nécessaire au niveau du foie pour la synthèse de la prothrombine active. Les sources alimentaires de vitamine K sont constituées par la phylloquinone des légumes verts, ainsi que celle de fruits divers et des huiles végétales. Mais la synthèse endogène de vitamine K par la flore microbienne intestinale peut représenter un apport important. Parce que le nouveau-né est un sujet à risque de carence, il est intéressant de savoir que le lait de vache est plus riche en vitamine K que le lait maternel. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 17 LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES _________________________________________________________________________________ (0) Tableau 7 – Éléments minéraux : éléments majeurs et principaux oligoéléments Nom de l’élément Symbole Masse totale Masse dans le corps atomique humain (g/mol) (g ou mg) AJC pour homme adulte (mg/jour) Aliments riches (taux en mg/ 100 g) Sodium Na 23,0 100 g 6 à 8 g de NaCl par jour Sel (400 mg/g) Jambon (2 000) Pain (400) Potassium K 39,1 125 g 390 à 595 (besoins) Épinard (500) Jambon (300) Abricot (300) Chlore Cl 35,5 110 g 6 à 8 g de NaCl par jour Sel (600 mg/g) Pain (600) Calcium Ca 40,0 1 200 g 900 à 1 200 Fromages (100 à 1 000) Lég. secs (100) Phosphore P 31,0 700 g 750 à 800 Fromages (100 à 600) Lég. secs (400) Magnésium Mg 24,3 30 g 420 à 450 Fruits secs (100 à 300) Cacao (400) Hépar (110) Fer Fe 55,9 3à5g Zinc Zn 65,0 Cuivre 9 (16 pour femmes réglées) Foie (5 à 15) Lég. secs (5 à 15) Vins (10 mg/L) 2g 9 à 14 Huîtres (80) Viandes (2 à 3) Riz Pâtes (1 à 2) Cu 63,6 150 mg 1,5 à 2 Foie (2 à 15) Produits de la mer (1 à 10) Iode I 127 40 mg 0,15 à 0,2 Sel iodé (1,75) Produits de la mer (0,1 à 0,5) Sélénium Se 79,0 3 à 20 mg 0,05 à 0,08 Poissons (0,03 à 0,04) Œufs (0,02) Chrome Cr 52,0 < 1 mg 0,05 à 0,07 Levures, Foie Jaune d’œuf (0,01) 8. Éléments minéraux 8.1 Présentation Les éléments minéraux nécessaires à l’organisme sont nombreux (tableau 7). Les quantités présentes dans le corps humain varient de près de 1 kg pour le calcium et le phosphore à quelques grammes pour les oligoéléments les plus abondants (Fe, Zn, F) et moins de 1 mg pour le cobalt et le chrome. À cette grande diversité pondérale conduisant à la distinction entre macroéléments et oligoéléments, vient s’ajouter une multiplicité importante des rôles et fonctions attribués aux éléments minéraux. F 1 010 − 18 Les éléments majeurs sont les éléments qualifiés d’électrolytes (Na, K, Cl) et les éléments constituant le squelette osseux (Ca, P) ainsi que le Mg. Quant aux oligoéléments, leur définition ne repose pas sur des critères chimiques ou biologiques, mais est de nature analytique : ce sont tous les éléments minéraux dont la teneur dans l’organisme humain est inférieure à 0,1 g/kg de poids corporel (soit inférieure à 7 à 8 g pour un homme adulte). Alors que les rôles des éléments majeurs sont bien connus, les connaissances relatives aux éléments traces n’ont pu progresser qu’avec le perfectionnement des techniques d’analyse et un approfondissement des notions sur les métabolismes. À propos des oligoéléments, les données suivantes sont actuellement admises. Les oligoéléments peuvent être classés en trois catégories : — les plus importants sont essentiels et leurs carences chez l’homme sont connues : fer Fe, zinc Zn, cuivre Cu, iode I, sélénium Se, chrome Cr, molybdène Mo, fluor F ; — d’autres sont essentiels mais leur carence chez l’homme n’est pas prouvée : manganèse Mn, cobalt Co ; — enfin l’essentialité de certains oligoéléments chez l’homme reste à confirmer : silicium Si, vanadium V, nichel Ni, Bore B, Arsénic As. Beaucoup d’oligoéléments interviennent, à faibles concentrations, dans d’innombrables processus vitaux, en tant que coenzymes ou activateurs d’enzymes, régulateurs, stabilisateurs, cotransporteurs, etc. L’absence comme l’excès de certains oligoéléments dans la ration alimentaire peuvent être à l’origine de désordres métaboliques graves. La toxicité, à doses relativement faibles, de certains éléments est connue (As, Ni, F, Cr...). Enfin, dans les pays industrialisés, des apports limités de certains oligoéléments, sans conduire à des manifestations connues de carence, pourraient avoir des conséquences fonctionnelles et constituer des facteurs de risque pour diverses maladies. 8.2 Éléments majeurs ou macroéléments Sodium (Na), potassium (K) et chlore (Cl) : les ions Na+ et Cl− sont les principaux ions extracellulaires alors que les ions K+ et HPO 42 – sont les principaux ions intracellulaires. Les besoins physiologiques en NaCl de l’homme adulte sont de l’ordre de 4 g/jour et les apports alimentaires sont largement supérieurs à cette limite (sels des aliments, sel de cuisson, sel de table). Quant au potassium, l’alimentation courante en apporte une quantité plus que suffisante (2 à 5 g/ jour) ; les aliments riches en K sont les épinards, les légumes secs, les pommes de terre, les fruits secs, etc. Calcium (Ca), phosphore (P) : ces deux éléments sont localisés dans les os et les dents sous forme surtout d’hydroxyapatite cristallisée. Mais la faible part de calcium extra-osseux (1 % en masse) joue un rôle très important sous forme d’ions Ca2+ (excitabilité neuromusculaire, conduction nerveuse, contraction musculaire, coagulation sanguine, etc.). Il en est de même pour le phosphore dont 15 % est localisé hors des os : les phosphates libres (Pinorganique = Pi) contribuent au maintien de l’équilibre acido-basique en tant que pouvoir tampon des liquides extracellulaires ; quant au groupement phosphate (Porganique), il est présent sur de très nombreuses molécules organiques importantes (nucléotides et acides nucléiques, phospholipides, ATP (adénosine triphosphate), esters phosphoriques d’oses, etc.). Les aliments riches en Ca et P sont le lait et les produits laitiers (fromages) ainsi que par certains légumes (haricots blancs, lentilles, fruits secs, etc.). Magnésium (Mg) : c’est le second cation intracellulaire à coté du K+. Il intervient dans un grand nombre de fonctions cellulaires et il est le cofacteur de plus de 300 systèmes enzymatiques. Près des deux tiers du Mg (50 à 60 %) sont localisés dans les os et la part du Mg extracellulaire est faible (environ 1 % du Mg total). Le magné- Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire _________________________________________________________________________________ LES COMPOSANTS CHIMIQUES DES PRODUITS ALIMENTAIRES sium est présent dans les céréales, les fruits secs, le chocolat, et bon nombre de produits végétaux. Certaines eaux minérales sont aussi riches en magnésium. 8.3 Oligoéléments ou éléments traces Fer (Fe) : il entre dans la constitution de l’hémoglobine et de la myoglobine ainsi que dans de nombreux systèmes enzymatiques (cytochromes) intervenant dans les phénomènes de respiration cellulaire. Les aliments les plus riches en fer sont les abats et les légumes secs, mais beaucoup d’aliments courants renferment du fer : produits carnés, fruits et légumes, etc. Les apports « réels » en fer dépendent non seulement de la teneur des aliments mais aussi de la biodisponibilité de ce fer : le fer héminique des produits animaux est bien biodisponible (20 à 30 % en masse est réellement absorbé) alors que le fer non héminique des produits végétaux est beaucoup moins biodisponible (souvent moins de 10 % en masse est absorbé). Zinc (Zn) : il intervient dans la constitution ou comme cofacteur de nombreux enzymes (plus de 200) qui jouent un rôle important dans les différents métabolismes ainsi que dans la protection contre les radicaux libres. Les aliments les plus riches en zinc sont les produits de la mer (huîtres), les viandes, le lait, les œufs et les produits céréaliers. Cuivre (Cu) : il entre dans la composition de plusieurs métalloenzymes et joue ainsi un rôle vital dans différents métabolismes. Les aliments riches en cuivre sont surtout le foie et ses dérivés ainsi que les mollusques marins (huîtres, moules) ; les féculents et légumes secs en renferment aussi. Iode (I) : l’iode est incorporé dans la structure moléculaire des deux hormones thyroïdiennes : la tri-iodothyronine (T3) et la tétraiodothyronine (T4). Ces hormones contrôlent les processus de croissance et maturation cellulaires ainsi que le métabolisme énergétique et la thermogénèse. L’iode est présent dans les produits marins. Il peut manquer dans certaines régions éloignées de la mer d’où le principe de l’iodation du sel de cuisine. Sélénium (Se) : les fonctions biologiques du sélénium sont principalement réalisées par l’intermédiaire des sélénoprotéines dont la plupart sont des enzymes : lutte contre les radicaux libres de l’oxygène (glutathion peroxydases), régénération des formes réduites des substances antioxygènes telles que les vitamines C et E (thiorédoxine réductase), métabolisme des hormones thyroïdiennes (désiodases). Le sélénium participe aussi à la détoxification des xénobiotiques et de certains métaux lourds. Il joue également un rôle de modulateur dans les réponses inflammatoires et immunitaires. Les aliments les plus riches en sélénium sont les poissons et les œufs. La viande et les fromages en contiennent également. Chrome (Cr) : le chrome est un oligoélément essentiel pour les métabolismes glucidique et lipidique. C’est le chrome trivalent Cr3+ qui est essentiel et indispensable alors que le chrome hexavalent Cr6+ est toxique. La fonction biologique du chrome est en rapport avec le rôle de l’insuline dont l’effet est rendu plus efficace grâce à cet élément. Les aliments renferment peu de chrome ; les plus riches sont les levures, le foie et les viandes, les graines complètes et les noix. Le lecteur pourra se reporter en bibliographie aux références [1] à [5] pour les ouvrages généraux et aux références [6] et [7] pour les dossiers. Références bibliographiques Ouvrages généraux [5] [1] BELITZ (H.D.) et GROSCH (W.). – Food chemestry. 1999 Springer-Verlag Berlin Heidelberg. [2] DURLIAT (G.). – Biochimie structurale. 1997 Collection Bibliothèque des sciences – Diderot Éditeur, Arts et Sciences. [3] FRÉNOT (M.) et VIERLING (E.). – Biochimie des aliments. Diététique du sujet bien portant. 2000 Collection Sciences des aliments – Doin Éditeurs. [4] ADRIAN (J.), POTUS (J.) et FRANGNE (R.). – La science alimentaire de a à z. 1995 Éditions Tec. et Doc. Lavoisier. technologies. 1992 Cahiers de l’ENS.BANA – Éditions Tec. et Doc. Lavoisier. MATIN (A.) Coordonnateur. – Apports nutritionnels conseillés pour la population française. 2001 CNERMA-CNRS-AFSSA – Éditions Tec. et Doc. Lavoisier. Dans les Techniques de l’Ingénieur Dossiers [8] [6] DESJEUX (J.F.) et HERCBERG (S.) Coordonnateurs. – La nutrition humaine – La recherche au service de la santé. 1996 Collection Dossiers documentaires INSERM – Éditions Nathan. [9] [7] BERNARD (A.) et CARLIER (H.) Coordonnateurs. – Aspects nutritionnels des constituants des aliments. Influences des [10] FAIVELEY. – L’eau dans les aliments. F 1 012, à paraître en 2003 Traité Agroalimentaire. GOUDÉDRANCHE (H.), CAMIER-CAUDRON (B.), GASSI (J.-Y.) et SCHUCK (P.). – Procédés de transformation fromagère. F 6 305 (92001), F 6 306 (12-2001), F 6 307 (32002)Traité Agroalimentaire. LANDGRAF (F.). – Produits et procédés de panification. F 6 180 (6-2002) Traité Agroalimentaire. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Agroalimentaire F 1 010 − 19