Le diagnostic biologique de phéochromocytome en

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Synthèse
Ann Biol Clin 2014 ; 72 (1) : 7-13
Le diagnostic biologique de phéochromocytome
en 2014
Biological diagnosis of pheochromocytoma in 2014
Nathalie Rouaix-Emery1
Catherine Tierny-Fontalirand1
Catherine Cardot-Bauters2
Bruno Carnaille3,4
Jean-Louis Wemeau2,4
Michèle d’Herbomez1,4
1 Centre de biologiepathologie-génétique,
CHRU, Lille, France
<[email protected]>
2 Clinique d’endocrinologie Marc
Linquette, Hôpital Huriez, CHRU Lille,
France
3 Clinique de chirurgie endocrinienne,
CHRU Lille, France
4
Université de Lille 2, France
doi:10.1684/abc.2013.0921
Article rec¸u le 08 juillet 2013,
accepte´ le 01 octobre 2013
Résumé. Les phéochromocytomes et/ou paragangliomes sont des pathologies
rares et hétérogènes dont 30 % se présentent dans un contexte héréditaire. Le
diagnostic biologique de phéochromocytome repose sur la mise en évidence
d’une élévation des métanéphrines, paramètres plus sensibles et spécifiques que
les catécholamines. Les recommandations publiées laissent le choix entre les
métanéphrines plasmatiques ou urinaires. Les concentrations des métanéphrines
libres plasmatiques sont le reflet de la production tumorale en continu. Elles
sont peu sensibles à l’insuffisance rénale. La méthode de choix pour les doser
est la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse
en tandem. C’est la technique que nous avons adoptée depuis 2008 et nous
rapportons dans cet article notre expérience.
Mots clés : phéochromocytome, paragangliome, métanéphrines, spectrométrie
de masse
Abstract. Pheochromocytomas and/or paragangliomas are rare, heterogeneous
tumors of the chromaffin cells. Thirty percent of the patients presented with these
diseases in a hereditary context. The biological diagnosis relies on the identification of excessive secretion of the metanephrines which are more sensitive and
specific than those of catecholamines. The published recommendations give the
opportunity to choose between the metanephrines in sera or urines. The concentrations of the free plasmatic metanephrines reflect the ongoing production of
tumor. They are little sensitive to the renal failure. The gold standard method
to measure the free metaphrines in plasma is the LC-MS/MS chromatography.
This is the technical event that we use since 2008, and we relate our experience.
Key words: pheochromocytoma, paraganglioma, metanephrines, mass spectrometry
Les paragangliomes sont des tumeurs développées aux
dépens du tissu neuroendocrine dérivé de la crête neurale
appartenant au système nerveux sympathique et parasympathique (paraganglions). Les paraganglions associés au
système parasympathique se développent au niveau de la
tête et du cou. Ils sont en général peu ou non sécrétants. Les
paraganglions associés au système sympathique se développent aux dépens de la médullosurrénale ou des ganglions
sympathiques localisés dans la région thoraco-abdominalepelvienne. Ils sont potentiellement fonctionnels.
Tirés à part : N. Rouaix-Emery
Il est recommandé de réserver le terme de phéochromocytome aux tumeurs chromaffines de la médullosurrénale
[1-5]. Ces tumeurs sont sporadiques dans 70 % des cas, ou
s’intègrent dans des syndromes de prédisposition génétique
dans 30 % des cas : néoplasies endocriniennes multiples
(NEM) de type 2A et 2B (gène RET), maladie de von
Hippel-Lindau (gène VHL), syndromes des paragangliomes
héréditaires (gènes SDHAF2, SDHB, SDHC, SDHD), neurofibromatoses de type 1 (gène NF1). . . L’expression clinique de ces tumeurs est variable selon leur localisation, leur
taille, le type et l’intensité des sécrétions hormonales [1-5].
La sécrétion des catécholamines entraîne une hypertension artérielle ainsi que la triade classique de céphalées,
sueurs et palpitation. Dix à 15 % des phéochromocytomes
Pour citer cet article : Rouaix-Emery N, Tierny-Fontalirand C, Cardot-Bauters C, Carnaille B, Wemeau JL, d’Herbomez M. Le diagnostic biologique de phéochromocytome
en 2014. Ann Biol Clin 2014 ; 72(1) : 7-13 doi:10.1684/abc.2013.0921
7
Synthèse
sont asymptomatiques aux stades précoces. Il n’y a pas de
corrélation entre le niveau de catécholamines circulantes
et l’existence d’une hypertension et son intensité [6]. Il
convient par ailleurs d’éviter le piège des tumeurs sécrétant
de la dopamine, pouvant être à l’origine d’une hypotension
artérielle [7]. Les phéochromocytomes sont des pathologies rares potentiellement létales. L’incidence est estimée
à 0,95 nouveau cas pour 100 000 personnes par an. Les
prévalences chez les patients hypertendus et les patients présentant un incidentalome surrénalien sont respectivement
de 0,1 et 4 % [1-3, 5].
Physiologie
Le terme de catécholamines regroupe trois amines : la dopamine, la noradrénaline ou norépinéphrine et l’adrénaline ou
épinéphrine. Les catécholamines constituent une classe de
neurotransmetteurs chimiques et d’hormones qui occupent
des positions clés dans la régulation de processus physiologiques et le développement de pathologies neurologiques,
psychiatriques, endocrines et cardiovasculaires.
La synthèse des catécholamines est réalisée à partir de la
L-tyrosine issue de l’alimentation ou du métabolisme hépatique de la phénylalanine. La dopamine est transformée en
noradrénaline, puis en adrénaline, cette dernière étape se
faisant sous contrôle d’une enzyme N-méthyltransférase
localisée uniquement dans la médullosurrénale. La connaissance précise des différentes étapes de synthèse, de catabolisme (figures 1A et 1B) et des sites où celles-ci s’effectuent
est essentielle à la compréhension des présentations cliniques. Elle aide au choix des paramètres biologiques ainsi
qu’à leur interprétation [8]. Le terme de métanéphrines
regroupe la normétanéphrine (catabolite de la noradrénaline), la métanéphrine (catabolite de l’adrénaline) et la
3-méthoxytyramine (catabolite de la dopamine). Environ
95 % des métanéphrines sont soumises à une étape de
sulfo-conjugaison dans le tractus gastro-intestinal.
Évaluations biologiques
Pour quels patients ?
Bien que rares, ces tumeurs sont le plus souvent curables.
Il est donc essentiel de les diagnostiquer tôt. La recherche
d’un phéochromocytome est justifiée dans les circonstances
énumérées dans le tableau 1 [2, 5].
aux catécholamines [10-16]. Le terme de métanéphrines
fractionnées signifie que l’on dose spécifiquement la normétanéphrine, la métanéphrine et la 3-méthoxytyramine,
ce que permettent toutes les techniques actuelles de chromatographie. Les métanéphrines dites libres correspondent
à la fraction non conjuguée. Les métanéphrines totales
correspondent à l’ensemble des métanéphrines libres et
conjuguées.
Chez les patients porteurs d’un phéochromocytome ou
paragangliome sécrétant, les métanéphrines libres plasmatiques sont le reflet direct de la sécrétion tumorale en
continu. Dans le plasma, elles représentent environ 5 % des
métanéphrines totales. Elles offrent les meilleures sensibilités diagnostiques (96-99 %) pertinentes dans les contextes
héréditaires [10-16]. Il est aussi possible de doser les métanéphrines totales plasmatiques, plus aisées à mesurer du fait
de leur concentration plus importante. De par leur demivie plus longue, leur concentration au cours du nycthémère
varie moins, à la fois chez les sujets sains et chez ceux
porteurs d’un phéochromocytome [17]. Elles sont également plus stables que les métanéphrines libres dans un
plasma conservé à + 4 ◦ C [18]. Néanmoins, elles présentent
l’inconvénient non négligeable d’être majorées lorsque la
fonction rénale est altérée.
Les métanéphrines fractionnées urinaires sont mesurées
après une étape d’hydrolyse acide (étape de déconjugaison).
On dose donc les métanéphrines totales (libres et conjuguées). Ce sont techniquement les plus aisées à doser du fait
de leurs concentrations (environ 100 fois celles des métanéphrines totales plasmatiques). Dans la littérature, on fait état
de la meilleure spécificité des dosages de métanéphrines
totales urinaires en comparaison des dosages plasmatiques
[13, 14, 19].
Concernant l’aspect purement pratique, les métanéphrines
plasmatiques sont pour le clinicien les plus commodes à
prélever en ambulatoire, mais sont pour le laboratoire les
plus délicates à doser. Par ailleurs en France, la cotation
en BHN des métanéphrines dosées dans le plasma constitue un handicap. Le tableau 2 présente les avantages et
inconvénients de chacun de ces paramètres.
Nous avons, pour notre part, développé les dosages de
métanéphrines libres plasmatiques et préconisons ces paramètres en première intention, à la fois pour l’aspect pratique
du prélèvement, et pour la sensibilité des paramètres
[9, 16, 20]. Ils seront complétés par ceux de métanéphrines
urinaires couplées au dosage de chromogranine A en cas de
taux modérément élevés [21].
Quels dosages réaliser ? Dans quel contexte ?
Conformément aux recommandations éditées [9] ce sont
les dosages de métanéphrines qui doivent être réalisés
en première intention. En effet, de nombreuses publications ont montré leur supériorité diagnostique par rapport
8
Échantillons
Plasmatiques
Les prélèvements ont été recueillis sur héparine ou
EDTA, centrifugés, décantés et congelés à - 20 ◦ C. Il est
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A
HO
HO
O
HO
Noradrénaline
CH3
Adrénaline
NH2
MAO
H
MAO
NH2
HO
HO
HO
HO
COMT
HO
HO
COMT
HO
AD
HO
HO
O
CH3
Métanéphrine
Normétanéphrine
NH2
H3CO
NH2
OH
3HCO
HO
HO
HO
HO
COMT
HO
MAO + AD
O
MAO + AD
OH
H3CO
Acide vanylmandélique
HO
B
Dopamine
NH2
HO
HO
COMT
HO
3-méthoxytyramine
NH2
H3CO
HO
MAO + AD
O
OH
H3CO
Acide homovanillique
HO
Figure 1. A : catabolismes de la noradrénaline et de l’adrénaline. B : catabolisme de la dopamine. MAO : monoamine oxydase (EC
1.4.3.4) ; COMT : catéchol-O-méthyltransférase (EC 2.1.1.6) ; AD : aldéhyde déshydrogénase.
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Synthèse
recommandé de pratiquer le prélèvement à jeun et après
une période de repos allongé de 20 min minimum [22, 23].
Ne pas suivre ces consignes expose à une augmentation des
résultats, et donc à de faux positifs. Ces recommandations
sont certes contraignantes, mais tout résultat positif contrôlé
sur un nouveau prélèvement doit l’être dans ces conditions.
Urinaires
Une seule diurèse de 24 h, qui sera conservée à 4 ◦ C
une semaine maximum ou mieux congelée [24, 25].
L’acidification systématique par l’acide chlorhydrique
(HCl 10 N, 1 mL pour 100 mL d’urine) permet de
s’affranchir du délai de conservation et de la contrainte de la
congélation, et rend l’urine utilisable pour un complément
d’étude (catécholamines par exemple).
sur des valeurs normales sont de 15,9 % pour la normétanéphrine, 15,7 % pour la métanéphrine, et 12,4 %
pour la 3-méthoxytyramine. Les LOQ (limites de quantification) sont respectivement de 0,04 ␮g/L (0,22 nmol/L),
0,02 ␮g/L (0,10 nmol/L) et 0,02 ␮g/L (0,12 nmol/L). La
limite supérieure de linéarité est d’au moins 10 ␮g/L (environ 55 nmol/L).
Les valeurs normales ont été établies sur sujets normotendus consultant en endocrinologie pour une autre raison
qu’une suspicion de phéochromocytome ou paragangliome.
Elles ont été évaluées à 0,18 ␮g/L pour la normétanéphrine
libre (0,98 nmol/L) et 0,10 ␮g/L pour la métanéphrine et la
3-méthoxytyramine libres (respectivement 0,51 nmol/L et
0,60 nmol/L).
Dosage des métanéphrines libres plasmatiques
Interprétation des résultats
L’analyse se fait en LC-MS-MS, avec une étape
d’extraction préalable en phase solide, puis chromatographie liquide ultra-haute performance (UHPLC) en
mode interaction hydrophile sur colonne Atlantic® HILIC
2.1 × 150 mm, 5 ␮m (Waters, France) sur Quattro premier
(Waters, France). Trois étalons internes deutérés sont utilisés, correspondant à chacune des métanéphrines dosées.
Le temps de passage de chaque échantillon est de 5 min,
avec un temps de rétention des métanéphrines aux environs de 1,2 min. Les coefficients de répétabilité établis
Un résultat strictement normal des normétanéphrine et
métanéphrine libres plasmatiques a une valeur prédictive
négative d’exclusion d’un phéchromocytome ou paragangliome sécrétant proche de 100 % [16, 26, 27].
L’interprétation des élévations modérées de ces composés
peut être plus délicate et induire des demandes injustifiées
d’examen d’imagerie. Il existe une zone de chevauchement entre les valeurs obtenues chez les patients porteurs
de phéochromocytome et/ou paragangliome et les valeurs
mesurées chez les patients hypertendus ou prenant certaines médications (faux positifs potentiels). Cette zone
d’incertitude, dans l’expérience de Eisenhofer et al. a été
située entre la norme et quatre fois celle-ci [26]. Dans cette
zone, la valeur prédictive positive est faible, de l’ordre
de 30 %.
Des concentrations de normétanéphrine ou métanéphrine
supérieures à quatre fois la normale correspondent toujours
à la présence d’une tumeur sécrétante (valeur prédictive
positive proche de 100 %) [16, 26].
Dans la littérature, trois causes d’interférences dans les
dosages de catécholamines étaient classiquement reportées : l’alimentation, le stress et les thérapeutiques médicamenteuses [25]. L’alimentation et le stress ont relativement
peu d’impact dans les dosages de normétanéphrine et métanéphrine libres plasmatiques [25]. Par contre, les concentrations de 3-méthoxytyramine plasmatique peuvent être
majorées par l’alimentation. Plusieurs études ont rapporté
Tableau 1. Indications du dépistage biologique de phéochromocytome.
Patients hypertendus avec céphalées, sudations, palpitations
ou accès de vasoconstriction
HTA résistantes (PA systolique > 140 mmHg, PA diastolique
> 90 mmHg malgré une trithérapie à doses efficaces contenant
au moins un diurétique)
Patients avec une labilité tensionnelle importante objective
(lors d’une anesthésie, d’une opération chirurgicale, ou d’une
angiographie)
HTA associée à un diabète de découverte récente ou à un
diabète atypique
HTA chez un sujet jeune
Une histoire familiale d’un syndrome génétique prédisposant au
phéochromocytome/paragangliome (VHL, NEM2A, NF1, SDH,
Max. . .) ou une histoire familiale de phéochromocytome
Incidentalome surrénalien
Tableau 2. Avantages et inconvénients des dosages de métanéphrines libres plasmatiques, totales plasmatiques et totales urinaires.
Métanéphrines libres plasmatiques
Pratique en ambulatoire
Peu sensible à l’insuffisance rénale
Pas d’étape d’hydrolyse
Métanéphrines totales plasmatiques
Pratique en ambulatoire
Sensible à l’insuffisance rénale
Mesure après déconjugaison (hydrolyse)
Métanéphrines totales urinaires
Collecte des urines des 24 h
Équipement spécialisé
Cotation en BHN
Dosage possible en électrochimie
Cotation en BHN
Dosage techniquement plus aisé
Cotation en B
10
Mesure après hydrolyse
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Le diagnostic biologique de phéochromocytome en 2014
Tableau 3. Exemples de médicaments pouvant interférer dans les dosages de métanéphrines.
Interférences chromatographiques :
par similarité de structure (électrochimie)
Interférences pharmacologiques
Paracétamol, levodopa (catabolites)
Sympathomimétiques directs : phényléphrine, dobutamine, isoprénaline,
salbutamol, terbutaline, éphédrine, phénylpropanolamine
Production excessive de catécholamines :
- amphétamines, cocaïne, caféine
- ␤-bloquants : labétalol, aténolol, sotalol, propranolol, pindolol. . .
- ␣2-bloquants : yohimbine, miansérine, mirtazapine
Inhibition de la recapture des catécholamines :
- antidépresseurs tricycliques : amitryptiline, nortryptiline, imipramine,
clomipramine, trimipramine
- autres : venlafaxine, bupropione, clozapine, rispéridone
Déviation du catabolisme vers la COMT, donc augmentation
des métanéphrines :
- Imao : moclobémide, toloxatone, sélégiline, iproniazide
une prévalence de 15 % des faux positifs dans les dosages
de métanéphrines libres plasmatiques (détection électrochimique) [26] ; 41 % de ces interférences s’expliquent
par la prise d’antidépresseur tricyclique ou de paracétamol [30]. La technique de spectrométrie de masse évite les
interférences purement chromatographiques par analogie
de structure, mais n’affranchit pas des interférences pharmacologiques [31] (tableau 3). Des revues complètes et
précises ont été publiées sur les « pseudophéochromocytomes médicamenteux » [26, 28, 29].
Lorsque les concentrations de normétanéphrine et métanéphrine libres plasmatiques se situent dans la zone
d’incertitude, il est licite de programmer, en deuxième
intention, les évaluations des métanéphrines urinaires couplées au dosage sérique de chromogranine A [21].
La chromogranine A est un marqueur général des tumeurs
neuroendocrines. Elle est présente dans les granules de
sécrétion dont elle est libérée en même temps que les
catécholamines. Ce marqueur sérique offre des performances tout à fait intéressantes dans le diagnostic des
phéochromocytomes et/ou paragangliomes (sensibilité élevée). Sa concentration est proportionnelle à la masse
tumorale [32, 33]. Bien que son utilisation ne soit pas
mentionnée dans les recommandations publiées, hormis les
pathologies malignes, en pratique clinique, le dosage de
chromogranine A se généralise en association avec celui
des métanéphrines. Il offre un intérêt en raison de son excellente valeur prédictive négative (98 % dans l’expérience
lilloise) [33] lorsqu’est constatée une élévation modérée des métanéphrines. Ce dosage n’est pas sensible aux
interférences médicamenteuses constatées pour les métanéphrines. En revanche, il est faussé par l’insuffisance rénale
[34] (comme les métanéphrines plasmatiques totales) et par
l’hypergastrinémie (gastrite atrophique, prise d’inhibiteurs
de la pompe à protons) [32]. Le dosage de chromogranine A
présente un intérêt particulier dans le diagnostic et le suivi
de phéochromocytomes et paragangliomes malins. Il n’y a
pas actuellement de standard international de chromograAnn Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014
nine A, ce qui rend difficile la comparaison des résultats
obtenus par des méthodes de dosages différentes.
Les paragangliomes à dopamine sont des entités extrêmement rares qu’il est possible de diagnostiquer par le
dosage de 3-méthoxytyramine [35]. Les élévations de 3méthoxytyramine sont essentiellement observées en cas de
pathologie héréditaire (mutation de type SDHB ou SDHD)
et/ou de pathologie maligne [36].
L’augmentation de la précision des dosages de métanéphrines rend désormais exceptionnel le recours aux tests
dynamiques (tests de stimulation par le glucagon ou test de
suppression par la clonidine) [26].
Expérience lilloise
Entre 2008 et 2012, le service de chirurgie endocrinienne du
CHRU de Lille (professeurs Pattou et Carnaille) a opéré 45
phéochromocytomes et/ou paragangliomes pour lesquels
nous avons réalisé les bilans pré-opératoires. Ces tumeurs
sont prouvées histologiquement. Trente-quatre sont sporadiques et onze se placent dans un contexte héréditaire [2
NEM2A, 6 NF1, 2 VHL, 1 SDHD]. La sensibilité diagnostique de la normétanéphrine libre plasmatique a été
évaluée à 100 % quel que soit le contexte, et celle de la
métanéphrine à 68 % (sporadique) et 64 % (héréditaire).
La 3-méthoxytyramine plasmatique a été trouvée significativement plus souvent élevée dans le contexte héréditaire
(30 % versus 18 %). Les distributions des concentrations
de normétanéphrine et métanéphrine libres plasmatiques
sont reportées sur la figure 2. On constate que 25 % des
concentrations de normétanéphrine et 30 % de celles de
métanéphrine (libres plasmatiques) se situent dans la zone
d’incertitude (N – 4N).
Ces résultats sont cohérents avec le fait que les tumeurs
héréditaires présentent des profils biologiques sécrétoires
particuliers. Il a été constaté que les tumeurs NEM2A et
NF1 produisent essentiellement de l’adrénaline et de la
11
Synthèse
métanéphrine. Par contre, les patients mutés pour VHL
ou SDH présenteront une sécrétion préférentielle de normétanéphrine. Une production additionnelle ou solitaire
de 3-méthoxytyramine peut être observée chez 70 % des
sujets porteurs de mutations des gènes SDHB ou SDHD.
La 3-méthoxytyramine est significativement plus élevée en
cas de phéochromocytome malin [35, 36]. Certains profils
sécrétoires particuliers peuvent orienter le clinicien vers la
recherche de mutations connues.
plifie les stratégies de bilan biologique de mise en évidence
d’un phéochromocytome ou paragangliome sécrétant.
Les dosages de métanéphrines libres plasmatiques ont
la meilleure sensibilité diagnostique, particulièrement
recherchée dans le cadre de pathologie héréditaire. Ils
sont insensibles à l’insuffisance rénale et permettent de
s’affranchir d’un recueil urinaire parfois difficile à effectuer. Des normes spécifiques par sexe et tranches d’âge
permettraient de réduire la zone d’incertitude diagnostique
de moitié. L’interférence médicamenteuse reste toujours
possible.
Perspectives
Liens d’intérêts :
Les concentrations de métanéphrines plasmatiques sont
plus élevées chez les hommes que chez les femmes. Elles
augmentent avec l’âge. Un sujet de 50 ans pourrait ainsi présenter des taux plus élevés d’environ 25 % par rapport à ceux
observés chez un sujet de 30 ans. Afin de réduire la zone
d’incertitude diagnostique, plusieurs auteurs ont envisagé
l’élaboration de normes spécifiques par sexe et par tranche
d’âge [19, 27, 37] sur une population de 1 226 sujets d’âge
compris entre 5 et 84 ans. Ils ont adopté un modèle curviligne qui a amélioré leur spécificité diagnostique de 88,3 à
96 % (gain de 7,7 %) en ne perdant que 0,3 % en sensibilité
(93,6 versus 93,9 %).
aucun.
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Conclusion
Conformément aux recommandations éditées, la réalisation
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H
M
N
LP
S
LP
M
N
LP
N
M
N
N
M
N
LP
S
H
0,01
Figure 2. Distribution des concentrations de normétanéphrine
(NMN) et métanéphrine (MN) libres plasmatiques (LP) observées
chez 45 cas de phéochromocytomes et paragangliomes prouvés
histologiquement. Les valeurs sont en couleur bleue pour les pathologies sporadiques (S) et gris pour les héréditaires (H). La zone
hachurée représente la zone d’incertitude, entre la normale et 4
fois celle-ci.
12
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