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Cinquante ans après Spoutnik
L’exploration spatiale en 11 bilans
© Claude Lafleur, journaliste scientifique, août 2007
Cinquante ans après Spoutnik
L’exploration spatiale en 11 bilans :
• Cinquante années d’exploration et d’utilisation de l’espace
•
À quoi servent les satellites ?
• Qui utilise des satellites ?
• La conquête de l’espace en 25 dates
• Neuf découvertes remarquables
• L’espace, un théâtre d’opérations militaires ?
• Quelles sont les véritables « retombées spatiales » ?
• À quoi servent vraiment les satellites militaires ?
• Qu’a-t-on découvert en allant sur la Lune ?
• Des dépenses (in)justifiables ?
•
Que nous réserve l’avenir ?
•
Qui suis-je ?
Cinquante années d’exploration
et d’utilisation de l’espace
Depuis la mise sur orbite de Spoutnik, le 4 octobre 1957, près de 6 600
satellites, sondes spatiales et vaisseaux habités ont été lancés*. Ceux-ci
remplissent une foule de tâches. Par exemple, les vaisseaux acheminent des
équipages en orbite alors que les sondes explorent les planètes.
Jusqu’à présent, 257 vaisseaux ont transporté 1 021 humains, soit 460
personnes différentes (certaines s’étant rendues dans l‘espace plus d’une fois).
Or, 460 humains, sur les 6½ milliards que nous sommes, c’est bien peu… Par
ailleurs, 207 sondes ont été dépêchées vers les astres du Système solaire,
principalement vers la Lune et Mars. Ce sont les grands explorateurs de notre
temps: Voyager, Viking, Cassini, Galileo, Stardust, Spirit, Opportunity…
Quant aux satellites − ces robots placés par milliers en orbite terrestre −,
ils assurent une variété de fonctions quotidiennes. Certains relaient nos
communications, d’autres suivent la météo ou observent le sol et les océans à
des fins civiles et militaires. D’autres satellites rendent des services comme le
positionnement GPS ou la localisation des personnes en détresse, ou encore
étudient l’environnement, observent l’Univers ou font de la surveillance.
* Très précisément 6 580 au 20 septembre 2007; voir Référence (1)
À quoi servent les satellites ?
Parmi les 6 600 engins spatiaux lancés à ce jour:
27,6 % sont des satellites de communication (civils et militaires)
27,0 % sont des satellites de surveillance militaire (satellites
espions)
8,3 % assurent divers services militaires (navigation, météo, etc.)
8,2 % réalisent des missions de recherche-développement
militaires
7,7 % servent aux programmes habités
5,6 % effectuent des missions de recherche-développement civiles
5,5 % étudient l’environnement terrestre et spatial (à des fins
civiles)
5,2 % observent la Terre à des fins civiles (météo et
télédétection)
4,9 % explorent le Système solaire (sondes) ou observent l’Univers
(satellites astronomiques)
Référence 2
.
(au 1er août 2007)
Qui utilise des satellites ?
Des 6 600 engins spatiaux lancés à ce jour:
53 % sont russes
27 % sont américains
8 % sont commerciaux*
4 % sont européens
1,7 % sont japonais
1,7 % sont chinois
0,7 % sont indiens
0,4 % sont canadiens
1,9 % appartiennent à
d’autres gouvernements
1,3 % sont « amateurs »**
(au 1er août 2007)
* satellites appartenant à des firmes privées, principalement des pourvoyeurs de services de communication.
** petits satellites construits par des étudiants ou par des radioamateurs.
Référence 3
La conquête de l’espace en 25 dates
4 octobre 1957: lancement du premier satellite (Spoutnik)
Février 1958: découverte des ceintures de radiation van Allen
par Explorer 1
2 avril 1958: création de la NASA, l’agence civile américaine
chargée d’explorer l’espace
1er avril 1960: lancement du premier satellite météo (Tiros 1)
12 avril 1961: Youri Gagarine, premier homme à aller dans
l’espace
25 mai 1961: le président Kennedy lance le défi lunaire d’Apollo
3 février 1965: la sonde Luna 9 nous dévoile un premier paysage
lunaire
18 mars 1965: Alexei Leonov devient le premier homme à
marcher dans l’espace
6 avril 1965: lancement du premier satellite de télécommunication (Intelsat 1, alias Early Bird)
27 janvier et trois astronautes périssent brûlés vifs à bord d’Apollo
24 avril 1967: 1 et un cosmonaute se tue lors du retour sur Terre de
Soyouz 1
24 décembre 1968: trois astronautes passent Noël autour de la Lune
(Apollo 8)
20 juillet 1969: Neil Armstrong marche sur la Lune
3 mars 1972: lancement de la sonde Pioneer 10, premier engin à
quitter le Système solaire
15-21 juillet 1975: premier vol conjoint américano-soviétique (ApolloSoyouz)
20 juillet 1976: la sonde Viking 1 nous dévoile la surface de Mars
20 août et lancement des sondes Voyager 1 et Voyager 2, les
5 septembre 1977: grands explorateurs des confins du Système solaire
12 avril 1981: lancement de Columbia, la première navette Terreespace
28 janvier 1986: Challenger se désintègre 72 secondes après son
décollage
20 février 1986: lancement du module Mir, début de l’assemblage
de la première station spatiale internationale
24 avril 1990: lancement du télescope spatial Hubble qui
révolutionne nos connaissances de l’Univers
7 août 1996: pour la première fois, on pense avoir découvert
des traces de vie extraterrestre (dans une
météorite venue de Mars)
20 novembre 1998: lancement du premier élément de la Station
spatiale internationale (ISS)
1er février 2003: Columbia se disloque à haute altitude 15 minutes
avant son atterrissage
4 et 25 janvier 2004: les robots géologues Spirit et Opportunity
débarquent sur Mars. (Ils sont toujours en
fonction 3½ ans après leur arrivée)
14 janvier 2004: George Bush fils annonce un éventuel retour sur
la Lune et un possible débarquement sur Mars,
sacrifiant du coup la Navette spatiale et ISS
Neuf découvertes remarquables
1) Une barrière de protection vitale
Le premier satellite américain, Explorer 1, fait une découverte
remarquable: la présence de ceintures magnétiques à très haute
altitude qui protègent la vie terrestre contre les radiations solaires
et cosmiques. Ces ceintures, dites de van Allen, sont le siège des
aurores boréales et australes.
2) La Terre, notre berceau cosmique
Autre découverte étonnante: la splendeur et la fragilité de la
Terre, telles qu’observées pas les astronautes d’Apollo se rendant à
la Lune. Cette découverte nous a fait prendre conscience de la
nécessité de protéger notre environnement et a favorisé l’essor du
mouvement écologique.
3) L’impossibilité de prévoir le temps qu’il fera
Au début de l’ère spatiale, lorsqu’on a lancé les premiers
satellites météo, on croyait qu’il suffirait de localiser l’ensemble des
formations nuageuses du globe pour prévoir le temps qu’il fera des
semaines à l’avance. Or, les satellites nous ont fait découvrir des
interactions fort complexes entre le sol, l’atmosphère et les océans…
une complexité qui rend toute prédiction aléatoire.
4) L’homme, une créature de l’espace
Alors qu’on craignait que l’être humain ne puisse survivre en
apesanteur, les longs séjours à bord de stations orbitales nous ont
montré que l’organisme s’adapte au contraire fort bien. Si bien en fait
que les véritables problèmes surgissent lorsque vient le temps de
regagner la Terre: affaiblissements, pertes musculaires, décalcification
des os, etc. Pour cette raison, on limite désormais la durée des séjours
dans l’espace à six mois (le record d’endurance étant de 14 mois).
5) Mars, un monde vraiment hospitalier
Les sondes nous ont confirmé que les Martiens n’existent pas;
malgré tous nos efforts, on n’a pas repéré de vie sur Mars. Toutefois, la
planète rouge a recelé (et recèle peut-être encore) tous les ingrédients
nécessaires à l’éclosion de la vie, dont de l’eau en abondance. Tout
espoir n’est donc pas perdu…
6) Vénus, témoin de notre destinée ?
À l’aube de l’ère spatiale, on considérait Vénus comme la jumelle
de la Terre, toutes deux ayant la même taille, possédant une épaisse
atmosphère et gravitant à belle distance du Soleil. Toutefois, les
sondes nous ont révélé un véritable enfer où sévissent des températures de 450 °C. Vénus est le théâtre d’un fulgurant effet de serre.
Pourquoi donc? Est-ce le devenir de la Terre si nous n’y prenons garde?
Vaudrait mieux comprendre…
7) Des mondes fascinants par dizaines
Au départ, on imaginait que seules les planètes du Système
solaire présentaient des mondes intéressants à explorer. Mais voilà
que les sondes nous ont fait découvrir que des dizaines de satellites
naturels et d’astéroïdes représentent autant d’endroits tout aussi
fascinants. On ne sait guère plus où jeter notre regard!
8) Des planètes en abondance
Ces douze dernières années, on a repéré des planètes géantes
autour de dizaines d’étoiles et on a observé les processus de
formation des planètes autour de quantité d’étoiles. On sait donc
que les systèmes planétaires abondent. On n’a cependant pas
encore repéré une planète semblable à la Terre ou sur laquelle des
conditions de vie pourraient exister. Mais cela ne devrait pas tarder.
9) De la vie dans notre voisinage ?
Nulle part a-t-on repéré de la vie dans notre Système solaire.
Toutefois, les conditions pourraient être plus ou moins favorables sur
Mars, sur Europe et sur Titan. N’est-il pas étonnant de réaliser que,
uniquement dans notre Système solaire, tant de mondes pourraient
être propices à la vie? Qu’en est-il donc autour des étoiles voisines?
Nos recherches se poursuivent donc avec beaucoup d’espoir… et un
peu de crainte…
L’espace, un théâtre d’opérations militaires ?
56 % de tous les satellites lancés à ce jour l’a été à des fins militaires. Estce à dire que l’espace est avant tout un territoire de guerre?
Non. Au contraire même.
Lorsqu’on analyse les fonctions remplies par les 3 665 satellites militaires,
on observe que près de la moitié d’entre eux (48 %) a eu pour tâche de
surveiller ce qui se passe sur la planète ou de détecter le tir de missiles ou le
déclenchement d’essais nucléaires. Or, comme nous le verrons, ce genre de
satellites oeuvre davantage au maintien de la paix qu’à la conduite
d’opérations de guerre.
D’autre part, plus du tiers (36 %) des satellites militaires assure des
services, principalement la transmission des communications sécurisées, la
navigation (système GPS) et la météo. Enfin, la dernière tranche (15 %) sert
surtout à la mise au point d’équipements et à l’étude de l’environnement
spatial.
En tout et pour tout, on ne dénombre qu’une centaine de satellites que
l’on pourrait qualifier de «guerriers», la moitié ayant servi à la mise au point
de systèmes anti-satellites et l’autre à des programmes de type «Guerre des
étoiles». Toutefois, aucune arme n’a jamais été placée en orbite terrestre.
Quelles sont les véritables
« retombées spatiales » ?
On rapporte couramment que les principaux bénéfices de l’exploration
spatiale – ce que la NASA appelle les retombées spatiales – seraient
principalement des avancées technologiques telles que le velcro, la
miniaturisation de l’électronique et des ordinateurs, la mise au point de
tissus aux propriétés originales (dont le kevlar utilisé pour les vestes parreballes) ou encore d’importantes percées médicales.
Or, tel n’est pas le cas.
Les véritables retombées spatiales, ce sont les satellites qui chaque jour
et sans même qu’on le réalise jouent des rôles prépondérants dans nos vies. Il
en va ainsi des satellites de communication qui relaient non seulement nos
appels téléphoniques à l’échelle planétaire mais qui assurent également la
couverture des événements sportifs et d’actualité en temps réel. Ces
satellites ont transformé notre planète en un village global où on suit tout ce
qui s’y passe au moment présent.
Il y a en outre les satellites météo dont les observations sont montrées
chaque soir aux bulletins d’information. De plus, en suivant de jour en
jour l’évolution des ouragans, des inondations et sécheresses, ainsi que les
autres catastrophes naturelles, ces satellites préservent chaque année des
milliers de vies… en plus de faire épargner des milliards $.
Une autre gamme de satellites qui préservent directement des vies est
celle des engins de sauvetage qui captent et relaient les signaux de détresse
émis par des balises à bord d’avions, de navires ou transportées par des
voyageurs. Selon l’agence météorologique américaine NOAA, 222
Américains ont ainsi été secourus en 2005 alors que depuis l’entrée en
service du système, en 1982, 18 000 personnes ont été sauvées sur
l’ensemble de la planète.
Par ailleurs, des dizaines de satellites de télédétection prospectent le
globe à des fins d’agriculture, d’aménagement des territoires, d’urbanisme,
de surveillance de la pollution, etc.
Enfin, savez-vous que lorsque vous utilisez un récepteur GPS pour vous
localiser, vous recourez à des satellites militaires? Eh oui, vous utilisez les
services des satellites Navstar du Département de la défense des États-Unis!
De fait, l’immense majorité des satellites militaires remplissent des
fonctions pacifiques; en cet âge du nucléaire, l’humanité leur doit
certainement d’exister encore.
Voir aussi «Le rôle vital des satellites» sur le site Espace 101.
À quoi servent vraiment
les satellites militaires ?
Contrairement à ce qu’on pense généralement, les satellites militaires
ne participent pas à la guerre mais servent plutôt à préserver la paix.
De fait, la moitié des 3 665 satellites militaires lancés à ce jour agissent
comme espions. Bon nombre d’entre eux sont munis de caméras qui
observent les activités militaires. Un autre type capte les communications
de l'«ennemi», permettant de suivre les déplacements des équipements et
des troupes ainsi qu'une foule d’autres opérations.
Or, les experts s’entendent pour dire que cette surveillance a joué un
rôle crucial dans le maintien de la paix, particulièrement durant la guerre
froide que se sont livrés les Américains et les Soviétiques entre 1960 et
1990.
Durant cette période, les deux camps ont maintenu pointés l’un vers
l’autre des centaines de missiles équipés d’ogives nucléaires prêts à foncer
à la moindre alerte. Or, le fait de suivre en temps réel ce qui se passait chez
l’adversaire, grâce aux données recueillies par les satellites espions,
a sans doute évité que l’un ne lance une attaque préventive en
pensant que l’autre s’apprêtait à passer à l’offensive.
De surcroît, ces satellites ont permis, à partir des années 1970, de
négocier des traités de désarmement. Tels que stipulés par ces
accords, ces satellites ont dès lors servi à vérifier leur application.
Autrement dit: sans satellites espions, il aurait été impensable de
conclure de telles ententes, ne sachant pas si les parties allaient les
respecter.
Un autre rôle (très peu connu) joué par les satellites militaires est
la surveillance des explosions nucléaires. Des satellites spécialisés sont
capables de détecter tout essai nucléaire réalisé n’importe où sur
Terre par n’importe qui. Ils ont à l’oeil tout particulièrement les
gouvernements qui tentent de se doter de l’arme nucléaire (ces
temps-ci: la Corée du Nord et l'Iran). Mais, fonction encore plus
importante, ces satellites servent à vérifier le respect des traités
bannissant tout essai nucléaire à l’échelle de la planète ainsi qu’à
dénoncer les «états voyous» qui procédaient à de tels tests.
Qu’a-t-on découvert
en allant sur la Lune ?
De juillet 1969 à décembre 1972, six équipages d’Apollo ont
exploré autant de sites lunaires. Douze hommes ont passé douze
jours et demi sur la Lune, recueillant 400 kilos d’échantillons et
prenant des milliers de clichés. Le programme Apollo ayant coûté
25 milliards $us de l’époque – une somme qui correspond
aujourd’hui à plus de 100 milliards $ –, on peut se demander si
l’effort en a valu la peine. Autrement dit: n’aurait-on pu
consacrer une telle somme à quelque chose de plus utile?
Or, la véritable découverte des expéditions Apollo a été...
notre Terre.
En effet, les images et les témoignages que nous ont rapportés
de la Lune les astronautes nous ont révélé que la Terre est un
véritable joyau fragile perdu dans l’immensité cosmique. Les
photos de notre petite planète bleue ont frappé l’imaginaire
populaire, au point de donner naissance à une vaste conscience
planétaire quant à l’urgence de protéger le seul endroit de
l’Univers sur lequel nous pouvons vivre.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les mouvements écologiques ont
connu leur essor durant les années 1970 alors que jusqu’alors, on
polluait l’air, la terre et l’eau sans s’en soucier. Les photos prises par
les astronautes d’Apollo nous ont donc sensibilisés et ont profondément
bouleversé notre mode de vie.
Ainsi, à la question «Qu’a-t-on découvert en allant sur la Lune?», la
réponse, la vulnérabilité de notre planète, n’avait d’aucune façon été
envisagée au départ. Et ne serait-ce que pour cette prise de
conscience, le programme Apollo vaut toutes les sommes qui lui ont été
consacrées.
Voilà un bel exemple du fait que, lorsqu’on entreprend une quête
(personnelle ou scientifique), il arrive que les résultats bouleversent
notre existence...
(Référence 4)
Des dépenses (in)justifiables ?
Il est impossible de calculer combien on a consacré en cinquante ans à
l’exploration et à l’utilisation de l’espace et ce, pour plusieurs raisons.
D’une part, il faut tenir compte de l’inflation: un dollar de 1957 n’ayant
pas la même valeur qu’un dollar d’aujourd’hui, on ne peut additionner tout
bonnement les montants d’une année à l’autre. Il y a en outre le problème
des équivalences monétaires: dollars, francs, euros, roubles, yens, yuans,
etc. Enfin, quantité de dépenses demeurent secret d’État, notamment
celles des gouvernements russes et chinois, ainsi que la répartition des
crédits militaires pour la plupart des gouvernements...
Néanmoins, il est possible d’en arriver à un estimé global en prenant les
données disponibles et en faisant des suppositions raisonnables. Par
exemple, on sait que la NASA a bénéficié de sommes totalisant 635
milliards $ depuis sa création (en dollars de l’an 2000) alors que la Défense
américaine consacre au spatial environ 20 % de plus… soit, disons, quelques
760 milliards $.
Or, lorsqu’on fait l’exercice le plus justement possible, on en arrive à
estimer qu’on a consacré, de 1957 à nos jours, de 2 à 3 billions $us - c’està-dire de 2 à 3 mille milliards de dollars américains. C’est là une somme
considérable, astronomique même, qui dépasse l’entendement.
Qu’aurait-on pu faire d’autres avec tant d’argent? Évidemment,
penseront immédiatement certains, on aurait pu employer ces billions à des
fins plus utiles que d’aller «dans la Lune», notamment pour combattre la
faim, la pauvreté ou d’autres calamités qui affligent l’humanité.
Mais on peut tout aussi bien comparer les dépenses spatiales à d’autres
types de dépenses. Par exemple, le budget fédéral américain s’élève à 2,9
billions $ pour l’année en cours. C’est dire qu’en une seule année,
l’administration Bush dispose d’autant de fonds que ce que le monde entier a
consacré au spatial depuis Spoutnik. En outre, depuis 1957, les Américains
ont dépensé plus de 16 billions $ en activités militaires. On estime par
ailleurs que le total des dépenses militaires pour l’ensemble des
gouvernements s’élève annuellement à 1,2 billion $…
Sur Mars ou contre la misère humaine ?
Néanmoins, la question se pose avec justesse: aurait-on pu faire
mieux – dont s’attaquer à la misère humaine ou préserver
l’environnement – que de se lancer dans l’exploration de l’Univers?
La réponse à cette question nous a été livrée dans les années 1970.
En effet, au lendemain de la conquête lunaire, les Américains ont
sérieusement envisagé la possibilité d’envoyer des hommes sur Mars
dès les années 1980.
On a alors calculé qu’une telle entreprise coûterait 100 milliards $, soit
quatre fois le programme Apollo. Or, en pleine guerre du Vietnam, une telle
dépense a été jugée inappropriée et on a reporté la conquête de Mars aux
années 2000.
Mais qu’a-t-on fait du cent milliards $ ainsi épargné? L’a-t-on alloué à la
lutte contre la pauvreté, à combattre certaines maladies ou à s’occuper de
l’environnement? Pas spécifiquement. Y aurait-il moins de misère
aujourd’hui sur Terre si on n’avait pas déboursé de 2 à 3 billions $ en
activités spatiales? Hélas, probablement pas non plus…
Tout compte fait, les sommes consenties au spatial durant cinquante ans
équivalent, pour chacun d’entre nous, à moins de 10 $ par année.* S’agit-il
vraiment de dépenses exorbitantes?
* En fait, si on suppose qu’environ 10 % des habitants de la planète sont assez fortunés pour
financer des activités spatiales – ce qui est probablement assez proche de la réalité –, on pourrait
dire que ceux-ci (vous et moi) y consacrent une centaine de dollars par année.
(Couché de soleil sur Mars, tel que vu par Spirit)
Que nous réserve l’avenir ?
À l’époque de Spoutnik, bien malin qui aurait pu prédire que douze ans
plus tard, des hommes marcheraient sur la Lune. Dans les faits, la
conquête spatiale ne s’est pas déroulée comme prévu puisque le défi
lunaire lancé par Kennedy est venu tout bouleverser.
De même, bien malin qui pourrait aujourd’hui prévoir ce que nous
réservent les prochaines décennies. Pour l’heure, à la suite de la perte de
Columbia, le président Bush fils a lancé sa propre Vision de l’exploration
spatiale en ordonnant la cessation des vols de Navette pour 2010 et
l’abandon ipso facto de la Station spatiale internationale une fois son
assemblage terminé. Il préconise en remplacement une stratégie d’étapes
qui, si tout va bon train, nous ramènerait sur la Lune dans dix ans avant de
poursuivre vers Mars d’ici une vingtaine d’années.
Toutefois, devant les coûts exorbitants de la lutte contre le terrorisme
et l’incursion désastreuse en Irak, il y a fort à parier que le prochain
président, quel qu’il soit, devra sabrer dans les dépenses gouvernementales et que l’une des premières coupures pourrait bien ëtre la vision
spatiale de son prédécesseur.
On pourrait donc se retrouver, d’ici quelques années à peine, dans
l’incapacité d’envoyer des humains en orbite terrestre.
La grande quête… de soi
Par contre, l’exploration des planètes par sondes et l’étude de
l’Univers à l’aide de puissants télescopes de type Hubble semblent devoir
se poursuivre sans relâche. Le fil conducteur de ces travaux est la
recherche de vie extraterrestre. Déjà, il semble que nous soyons sur le
point de découvrir des planètes potentiellement hospitalières. Et qui sait
si, d’ici une décennie ou deux, nous n’aurons pas enfin répondu à la
question qui s’impose à nous depuis cinq siècles: sommes-nous seuls dans
l’Univers?(5)
Cette quête promet de grandes surprises. Imaginez par exemple le
jour où l’on annoncera la découverte d’une planète qui a tout ce qu’il faut
pour héberger la vie... Imaginez lorsqu’on découvrira des planètes sur
lesquelles existeraient des formes de vie microscopiques, puis «végétales»
et enfin «animales»… Et peut-on vraiment imaginer qu’un jour prochain
on découvrira des êtres intelligents?!
Si on en juge par ce qui s’est passé au cours du dernier siècle,
cette quête promet de nous réserver d’énormes surprises et de
remises en question, ainsi que de grandes déceptions et beaucoup
d’excitation et d’espoir. Peut-on rêver d’une quête plus captivante?
***
Qui suis-je ?
Je suis, pourrait-on dire, un «enfant du Spoutnik» puisque, le
4 octobre 1957, j’étais à sept mois et deux jours de naître…
(Peut-être ma mère a-t-elle découvert mon existence en même
temps que le monde apprenait celle du premier satellite?!)
Toujours est-il que l’exploration spatiale est la passion de ma
vie. Depuis l’âge de 11 ans, je suis au quotidien les péripéties de
Références:
l’aventure spatiale. Depuis 1983, je couvre l’actualité
(1) Selon ma compilation. Voir aussi mes
scientifique pour maints médias (dont Le Devoir, Québec
listes des Envolées habitées, des
Science, La Presse, RDI, etc.). J’ai en outre rédigé des milliers
Conquérants de l’espace et des
Sondes spatiales.
de textes sur l’exploration spatiale, notamment sur mes quatre
(2) Table 10 de mon Spacecraft
sites web, ainsi qu’une demi-douzaine de livres. (Pour en savoir
Encyclopedia.
plus, consultez ma page «Pleins feux…»)
J’ai entre autres confectionné le site web Spacecraft
Encyclopédia qui recense les 6 600 satellites lancés à ce jour.
C’est la seule source où vous trouverez la synthèse de ce qui s’est
fait dans le domaine ces cinquante dernières années.
(3)
Table 1 de mon Spacecraft
Encyclopedia (données au 31
décembre 2006).
(4)
Postface de mon livre La Grande
aventure d’Apollo 11.
(5)
Voir à ce sujet mon ouvrage
Comment savoir si nous sommes
seuls dans l‘Univers ?
Fin
« Un jour sur Rhéa… »
Création: Robert Giguère, 2007