Question(s) de frontière(s) et frontières(s)

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CHAPITRE III:
Question(s) de frontière(s) et fr
ontières(s) en question(s)
1- La géolinguistique:
La géographie des langues et la
notion d'écologie linguistique.
Les linguistes ont souvent considéré la langue
comme un ensemble de règles abstraites, hors de
tout usage. Or, pour Louis-Jean Calvet, on ne
peut comprendre le fonctionnement des langues
qu'en les étudiant dans leur environnement.
Les langues, tout d'abord, n'existent pas en
dehors de rapports historiques et sociaux, elles
sont le produit de pratiques sociales, ce qu’on
appelle « le terrain ». Pour rendre compte de
leur coexistence, de leurs interactions, de ce
terrain justement, les notions d’écolinguistique
et de géolinguistique sont utiles.
1- Géolinguistique ou géographie
linguistique
La géolinguistique, forme abrégée de
géographie linguistique, est l’étude des
variations dans l’utilisation de la langue
dans l’espace.
La géolinguistique est née voici un
siècle environ ; elle a connu depuis lors
des périodes d'activité intense et des
moments plus creux. Ces dernières
années semblent témoigner d'un regain
d'activité, tant en volume qu'en qualité.
La tâche de la géolinguistique est de : décrire - et
seulement décrire - les faits linguistiques objectifs,
relevés sur le terrain. Le lien immédiat avec l'espace
géographique en ressort immédiatement : en répercutant
les données obtenues sur une carte du territoire, on
projette une sorte de "photographie aérienne" des aires de
diffusion. Si la géolinguistique étudie la distribution
spatiale des faits différentiels pour une langue donnée et
établit des frontières linguistiques, les isoglosses (1) –
trait par trait, mot par mot - la dialectologie se consacre à
l'étude des parlers locaux, en compilant des
monographies pour un lieu donné.
(1)-L'isoglosse, définie comme la "ligne séparant deux faits sur une carte d'atlas linguistique" (Gilliéron
1902), préfigure la frontière linguistique. Appliqué au cas français, l'isoglosse décrit les bipartitions du
territoire en aires linguistiques - horizontales, obliques, ou en cloche - qui délimitent des espaces
géographiques relatifs à un ou plusieurs faits linguistiques.
La démarche même du recueil des données reposait
sur un questionnaire (liste de mots et de phrases qui
s'allongeait d'une enquête à la suivante), et
l'enquêteur avait pour tâche d'éliciter les
correspondances et les prononciations locales,
transcrites phonétiquement sur le champ. Pour
l'important Atlas linguistique de France, le relevé
sur le terrain a été assuré par Edmont Edmont retraité et dialectologue amateur passionné formé
par Jules Gilliéron – qui a sillonné la France entre
1897 et 1901 en 8 missions.
La représentativité des données recueillies est
garantie par 639 points d'enquête situés à
distance à peu près égale les uns des autres. Les
critères ayant gouverné le choix des 735
informateurs ne sont pas explicités mais les
caractéristiques générales en sont les suivantes :
102 femmes seulement pour 637 hommes ;
beaucoup d'informateurs sont des notables
locaux ; tous les âges sont représentés.
2-Géographie des langues : la
notion d'écologie (écolinguistique)
En tant que discipline proche de la géographie linguistique (et
de la dialectologie), la géographie des langues semble avoir
pour objet la documentation des modalités de la
communication humaine dans l'espace et dans le temps. Mais
contrairement à la géographie linguistique, qui établit les
frontières internes des ensembles langagiers, le champ d'étude
de la géographie des langues est l’écologie des langues
(Ambrose & Williams 1989, Hernandez- Campoy 2001). En
tant que branche de la géographie humaine, elle étudie le rôle
des langues comme composante culturelle globale de
l’écologie humaine (Bourdieu 1982, Pailhé 2007).
Les vecteurs de la dynamique des langues pour le géographe
sont alors les hommes euxmêmes, mais aussi leur production
culturelle liée à la langue, les textes.
L'objectif de cette approche consiste à
représenter les espaces sociaux selon leur
homogénéité, leur cohésion interne, leur
dynamicité (expansion/régression territoriale) ou
leur interaction avec d'autres espaces (Brunet
1990-1996). Il s'agit alors de rendre compte de
traits généraux afférents à une communauté en
reconnaissant aux langues un rôle particulier
dans la description.
L’écolinguistique est une discipline linguistique
relativement nouvelle, selon laquelle les langues
seraient des entités vivantes, indispensables à la vie et
à la survie de l’écosystème socioculturel universel.
S’inspirant de la locution anglaise “Ecology of
Language” proposée par Fettes (2000) et Phillipson
(2000), le terme “Ecolinguistics” a été introduit pour
la première fois dans la communication scientifique
par Fill et Mühlhäusler (2001). Quelques années plus
tard, Van Lier (2004) suivra la trace de ses collègues et
consignera par écrit le terme “Ecological Linguistics”,
abrégé de temps en temps en “EL” dans la littérature
écolinguistique.
L’approche écolinguistique considère que
les langues sont des organismes vivants qui
naissent, qui grandissent et qui,
malheureusement, sont susceptibles de
mourir. Leur dynamique est donc soumise à
différents paramètres de l’environnement,
entendu dans un sens plus global que celui
de la notion de contexte.
La notion de frontière n'est pas dominante dans la
discipline de la géographie des langues
Le paradigme écolinguistique est encore peu connu, mais des
organisations comme Terralingua (Skutnabb-Kangas et al,
2003) s’impliquent à le faire connaître un peu partout dans le
monde, notamment à travers des publications ou des forums
scientifiques, à l’instar des écologistes qui, depuis quelques
décennies, s’impliquent à éduquer le public sur la biodiversité.
Du fait que la langue est justement un organisme vivant, le
rapport entre l’écologie et la gestion des faits linguistiques se
justifie. L’écologie se définit ordinairement comme «l’étude
des milieux où vivent les êtres vivants ainsi que des rapports
de ces êtres entre eux et avec le milieu» (Le Nouveau Petit
Robert). L’écolinguistique, quant à elle, sera conçue comme
l’étude des langues tenant en considération les divers
paramètres environnementaux en rapport avec les
communautés linguistiques.
Les tenants du courant écolinguistique, sans toutefois renier
les apports de l’approche sociolinguiste (Labov, 1987),
prônent un dépassement du contexte étroit de cette dernière,
car les critères sociolinguistiques tels que le sexe, les classes
sociales, le niveau de formation, le caractère formel ou
informel du discours, etc. ne suffisent pas pour expliquer la
totalité de l’activité langagière humaine. Tous les parlers, quels
que soient leurs lieux ou milieux d’origine, sont considérés
comme étant essentiels non seulement pour les communautés
linguistiques qui les utilisent, mais aussi pour l’humanité
entière, tout comme du point de vue écologique, toutes les
espèces sont essentielles pour la survie de la planète terre,
peut-être même de l’univers entier, chaque espèce ayant un
rôle à jouer dans le maintien de l’équilibre environnemental.
Répartition du chinois
Les langues en Inde