Stéréotypes de « l`Indien » - Département d`histoire

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Transcript Stéréotypes de « l`Indien » - Département d`histoire

Guy Lanoue, Université de Montréal, 2013-14

Stéréotypes de « l’Indien »

La mythification de l’Amérindien du Far West se base sur une interprétation de la « sauvagerie ». Dans l’imaginaire américain, Buffalo Bill a joué un rôle important dans la création de l’image du Far West et donc du « sauvage »; il représente l’idée de la liberté, des espaces vides, les défis que les colons ont dû affronter pour « dompter » l’ouest. L’image de l’indien doit autant à celle de Buffalo Bill qu’à la réalité autochtone. Ancien chasseur de bison, il organise son spectacle en 1883; pour 30 ans, il parcourt l’Europe et les É-U. Au cœur du spectacle étaient des mises en scène de grandes « batailles » entre les Amérindiens et les

cowboys

et l’armée. Bien entendu, il n’y avait aucun témoin vivant (parmi les Blancs) qui osait contredire les inventions poétiques de Bill: Custer était toujours le dernier à mouroir (« être massacré »), défendant ses hommes jusqu’à la fin. Néanmoins, Bill respectait « ses » Amérindiens (dont Sitting Bull) et insistait sur le fait qu’ils étaient des « amis » et de « vrais Américains ». Cette glorification a contribué à la mythification du Far West plus que la diabolisation du « sauvage »: désormais, les Amérindiens étaient « des nôtres ». De millions de spectateurs ont assisté au Wild West Show de Buffalo Bill, autant en Amérique qu’en Europe. Évidemment, il y a eu des imitateurs, p.e., Pawnee Bill, ancien partenaire de Buffalo Bill. Une dimension quasiment oubliée est l’importance des femmes dans ces spectacles: Annie Oakley, May Lillie, Lillian Smith, Calamity Jane. Dans une époque essentiellement victorienne, ces femmes accomplies étaient sans doute un composant important du mythe du

Far West

lieu de la liberté. À gauche, Sitting Bull et Buffalo Bill, 1885 (parfois datée 1895, mais Sitting Bull est mort en 1890); photo prise à Montréal. Voir L.G. Moses,

Wild West Shows and the Images of American Indians, 1883-1933

, Albuquerque, 1996.

http://www tc.pbs.org/wgbh/americanexperience/media /uploads/films/heroImages/oakley_film_lar ge_thumb.jpg

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/57/William_Notman_studios_ _Sitting_Bull_and_Buffalo_Bill_%281895%29_edit.jpg/419px William_Notman_studios_-_Sitting_Bull_and_Buffalo_Bill_%281895%29_edit.jpg

Dans les années 1920s, des « réformistes » attachés au Bureau of American Indians censé être responsable pour l’administration des réserves et pour les conditions des Amérindiens s’opposent au Wild West Show parce que ce dernier envoie le « mauvais message » au public américain (blanc): l’image des Amérindiens « sauvages » ralentit leur « progrès » et lance, dit-on, une image négative de l’Amérindien « massacreur » de Custer. En fait, leur inconfort est dû à leur embarras: ayant adopté une politique d’intégration, les spectacles du Wild West sont la seule source où les Amérindiens peuvent gagner une revenue respectable. Ces derniers sont donc encouragés à conserver leurs traditions et rituels, qui retarderait, selon les réformistes libéraux, leur intégration dans le monde civilisé. Il se développe une opposition qui marquera le 20 e siècle: tandis que le gouvernement adopte une politique « libérale » qui « respecte » les Amérindiens, la culture populaire, alimentée par le commerce, veut des Amérindiens « sauvages », « nobles » et surtout « pures ».

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Le Carlisle Indian Industrial School, ouvert en 1879 en Pennsylvanie, pouvait accommoder 1000 étudiants. Le but était carrément de socialiser les jeunes dans une culture prolétaire victorienne (travail, sobriété, respect du statu quo).

Les premiers stéréotypes ne datent pas du 19 e siècle mais du 17 e et même avant. Les premiers explorateurs tels que Jacques Cartier ont laissé des écrits qui souligne l’aspect « sauvage » et donc naturel des peuples qu’ils rencontrent. Sauvage veut dire pour lui et d’autres « enfantin », non contaminé. Les personnes éduquées assument que leur manque de pudeur (les Autochtones sont souvent nus ou presque) est signe de leur innocence. Pour Jean-Jacques Rousseau, la nature est supérieure à la vie civilisée (car elle est « pure »), et donc les personnes qui y vivent sont naturellement pures et donc « nobles ».

Diderot et d’autres Lumières vont se distancer du concept du Noble Sauvage (toujours en invoquant un traitement juste pour tous les peuples du monde) car ils sont influencés par l’individualisme qui est inné à leur philosophie: chacun doit assumer ses responsabilités (on est dans la fleuraison du capitalisme mercantile), et donc tout le monde et toutes les sociétés produisent des cultures et des individus dignes selon les conditions dans lesquelles ils vivent. Bref, ils les humanise et les démythifie.

The Death of General Wolfe

, Benjamin West, 1771; en bas, Denis Diderot

L’image de l’Amérindien qui est diffusée dans le discours populaire nord-américain a plusieurs sources: on est apte à citer le Romantisme européen (p.e., J.-J. Rousseau) autant que la « haute » littérature (

Last of the Mohicans

, la poésie de Wadsworth-Longfellow, les œuvres érudits de L.H. Morgan (

League of the Iroquois

) et de Frederick Turner (

The Significance of the Frontier in American History

), les portraits de Frederic Remington, George Catlin, G. Russell; de douzaines de romans de Zane Grey, etc. Mais parmi ces images plutôt raffinées, il y a de centaines de romans pour les enfants, de récits de la part de journalistes, etc. Là, les images sont animées de façon différente, les émotions et les pulsions présentées sont plus élémentaires, primordiales. L’image des Amérindiens a évolué de sauvage à éradiquer, à l’incarnation d’une spiritualité supérieure (mais toujours liée à de religions animistes, donc à de formes de spiritualité très individualistes – protestante! – qui ne menace pas la position privilégiée des grandes religions).

À gauche, une photo du chef Red Cloud, Lakota, qui a guidé une guerre très efficace contre les Américains (Red Cloud’s War, 1866 8). À droite, James Earle Fraser,

The End of the Trail

, 1915, une image devenu iconique. L’image a été sculptée seulement 25 ans après la dernière guerre amérindienne. Red Cloud est mort en 1910.

http://www.pbs.org/weta/thewest/people/images/redcloud.jpg

http://www.books-about california.com/Images/Sculpture_Palaces_and_Cour ts/The_End_of_the_Trail.jpg

Les photos d’Edward Curtis au début du 20 e siècle sont renommées. Il voulait conserver l’image de l’Amérindien avant que ce dernier disparaisse complètement. Motivation moralement avancée, surtout pour l’époque, mais aucun de ses sujets n’a jamais souri. Ils n’étaient pas censées être des individus, mais des représentants de leur peuple, et surtout d’un destin triste, voué à disparaitre pour toujours face à la supériorité européenne. Ici, un Zuni, identifié comme Sa Wa Wa Wata, 1903.

En 1904 le Président Theodore Roosevelt demande au sculpteur Augustus Saint-Gaudens (américain, en dépit de son nom) de dessiner une monnaie en or de $10. En haut, on voit le dessin de Saint-Gaudens, qui proposait une version de Lady Liberty (Columbia; voir PPT

Le Féminin

) portant une couronne de laurier (symbolisant la sagesse et la paix). Roosevelt insiste qu’elle s’orne d’un bonnet de guerre des Amérindiens des plaines (en bas, la pièce telle qu’elle a été émise de 1907 à 1933): “I feel very strongly that on at least one coin [de 4 que l’artiste devait déssiner] we ought to have the Indian feather headdress. It is distinctly American, and very picturesque.” Surmontée de 13 étoiles (les colonies fondatrices), Roosevelt a omis le dicton « In God We Trust », croyant qu’associer Dieu à l’argent était un sacrilège. Le public réagit de façon négative, et en 1908 le Congrès passe une loi qui rend obligatoire l’utilisation du maxime sur la monnaie américaine. Pas un mot sur « l’indianisation » de Mme Liberty, ou sur de la féminisation des Amérindiens (n’oublions pas que le massacre de Wounded Knee a eu lieu en 1890, une quinzaine d’années plus tôt). En 1933. l’autre Roosevelt, Franklin, interdit la production de monnaie en or.

Frederic Remington,

The Smoke Signal

, 1905

Jean-Léon Gérôme, Arabes traversant le désert (1870)

Comparez à cet exemple classique de l’orientalisme européen, avec l’illumination contrejour, augmentée par les voiles la peau foncée des sujets arabes. Le thème de mouvement, un préféré des orientalistes, suggère une condition sociale déracinée.

Zane Grey (1872-1939) a écrit plusieurs livres sur le Far West, dont

Riders of the Purple Sage

(1912) , souvent considéré le

western

le plus important de l’histoire. A date, de centaines de films ont été inspirés par ses œuvres. La critique était dure: « The more books Grey sold, the more the established critics, such as Heywoud Broun and Burton Rascoe, attacked him. They claimed his depictions of the West were too fanciful, too violent, and not faithful to the moral realities of the frontier. They thought his characters unrealistic and much larger-than life. Broun stated that “the substance of any two Zane Grey books could be written upon the back of a postage stamp.” Wikipedia http://en.wikipedia.org/wiki/Zane_Grey , 1-04-2014. Pourtant, Grey se basait sur ses observations personnelles.

Ceci est significatif , car cela indique que l’image de l’Indien était déjà figée dans l’imaginaire américain, et que la réalité du Far West devait adhérer aux stéréotypes.

Last of the Mohicans

, James Fenimore Cooper, 1826, a établi pour toujours l’image du sauvage noble qui s’oppose à celle du

frontiersman ,

le colon anglais déjà transformé en « américain » par son individualisme et courage. Décrivant la guerre de 1757-63, où les Français cherchent des alliances avec les Autochtones pour s’opposer aux Britanniques, l’Indien est noble parce qu’il lutte pour conserver son indépendance, tandis que l’Américain veut encore l’établir. Une polarité, donc, avec une seule conclusion inévitable: triomphent les Américains. En partageant les mêmes traits héroïques de courage et de débrouillardise (au moins les Indiens alliés aux Anglais), Cooper situe le conflit au niveau du destin historique: leurs traits nobles ne les protègent pas de leur destin: les Indiens sont voués à disparaitre (surtout que le public américain sait que le conflit a été gagné par « eux », car les Anglais n’auraient jamais triomphé sans leur aide). Tandis que le fils Uncas du héros indien Chingachgook allié des britanniques est le « last of the Mohicans » qui se sacrifient pour les Blancs (en particulier, pour sauver de jeunes filles blanches attaquées par Magua), l’antagoniste Magua allié des Français (il est Huron) est un ivrogne et cruél. Le héros blanc Natty Bumppo est surnommé Hawkeye. 150 ans plus tard, un autre Hawkeye (Pierce) de MASH (1972-83) va aussi établir l’importance de l’individualisme américain.

L’affiche du film (1992) avec Daniel Day Lewis accorde au héros Blanc une image considérablement plus romantique comparée à celle de l’Indien offert aux enfants d’antan (ici, je présume que c’est la mort du méchant Magua qui est illustrée). Le livre est considéré un classique.

Suite à cette mythification, chaque homme autochtone devient un « chef » (avec les années, un « noble »), et chaque femme une « princesse »; certains commentateurs autochtones ont noté que ceci rendait les femmes autochtones « disponibles » pour les hommes blancs; ce n’est pas transgresser si l’Amérindienne est « princesse ». http://imgc.allpostersimages.com/ima ges/P-473-488 90/20/2064/U432D00Z/posters/santa fe-railroad-indian-chief-1955.jpg

L’image en haut a été créée pour la compagnie de chemin de fer Sante Fe, pour fêter leurs trains,

Chief

et le

Super Chief

, 1955, mais elle circule sur l’internet, sans la partie publicitaire, comme symbole de « noblesse » amérindienne.

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On confond 2 épisodes historiques: Manhattan a été acheté des Lenape (Delaware; exilés en Oklahoma, aujourd’hui il n’y en plus dans l’État qui porte leur nom) par les Hollandais sous Peter Minuit en 1625; John Smith était un explorateur anglais qui a joué un rôle dans l’établissement de Jamestown en Virginie; en 1607, il a eu la vie sauvée par Pocahontas, fille d’un chef algonkien en Virginie, des centaines de kms au sud de New York. Pocahontas a marié un Anglais et est morte en Angleterre.

La rivalité éternelle Mickey Mouse – Donald Duck inventée par la maison Disney au début des années 1930 s’y est ici apparemment résolue, mais de façon inattendue. Donald (en haut à gauche) est attrapé au lasso par Goofy qui l’a confondu avec un taureau (qui rit à l’arrière-plan; une référence au personnage disney de Clarabelle Cow?), tandis que Mickey se fait servir par Daisy, la copine de Donald (en bas à gauche): échangisme inter-espèce (où est Minnie)? Quand Daisy est en guise de princesse Indienne, elle a de formes plus arrondies. http://stamp-search.com/images/gam95-167-70cowboys.jpg

Apparemment, les Amérindiens (en haut, à droite) appartiennent à la race de Goofy (un chien dont le nom signifie « gourde », car les « vrais » chiens de la maison Disney sont comme Pluto, en bas à droite) ou parfois ils sont des bovins assis (

Sitting Bull

?), en haut à gauche .

“There is something special about the appeal of a Native American girl- some might say it is their earthy good looks or their inner strength and endurance. Whatever it may be, the truth of the matter is that there is something special about them and their beauty has shone in a number of fields, from art to activism.” http://quiltethnic.com/page/23/ (11-04 2013); ceci d’un site dédié à la fabrication de couettes « ethniques » (pour un public blanc). Les petits enfants blancs, par contre, sont quasiment toujours l’incarnation de « l’innocence » (comme dans le film

Last of the Mohicans

).

http://quiltethnic.com/wp-content/uploads/2011/04/Native-American-Girl2-230x300.jpg

http://www.billcasselman.com/46_3_taft252-e.jpg

Même les visions censées être « sympathiques » au destin inévitable des Amérindiens (ici, on dénonce l’influence néfaste des blancs qui ont introduit l’alcool aux Autochtones) les représentent de façon idéalisée; à gauche, un amérindien qui amène une tasse avec lui quand il va à la guerre avec son cheval. L’invention totale du passé, dans une logique temporelle et narrative, rend l’image à droite inévitable, sinon acceptable. En fait, on blâme la victime et non l’agresseur.

http://abagond.files.wordpress.com/2012/08/cody.jpg

Iron Eyes Cody, porte parole et représentant pour le mouvement « Keep America Beautiful » lancé au début des années 1970. « L’Indiean qui pleure » (pour la condition pitoyable des parcs publics) devient fameux, et il obtient plusieurs rôles à Hollywood grâce à la popularité de cette campagne. Malheureusement, il est le fils de deux immigrants siciliens aux É.-U. Il change son nom de Corti à Cody et vit sa vie comme un Indien. Son identité devient le sujet d’un épisode (IV:3, « Christopher ») de l’émission

Sopranos

, quand le chef mafieux Tony veut faire une « entente » avec un groupe indien. Il dénonce Cody: il est « un des nôtres ». À droite, Grey Owl, un écologiste canadien des années 1920s. En réalité, il est un Anglais nommé Archibald Belaney, immigré au Canada. Il a caché ses origines anglaises toute sa vie. Il est interprété au cinéma par l’ex 007 Pierce Brosnan (

Grey Owl

, 1999).

httpactualitte.comimagesactualites

Les Amérindiens, avec leur charge sémiotique « naturelle » qui fait référence aux forces primordiales de la nature (véhiculées symboliquement pas une qualité guerrière), fournissent des images aptes à représenter la compétition, surtout pour des équipes sportives: Cleveland Indians (à gauche, Chief Wahoo), Atlanta Braves, Kansas City Chiefs, Washington Redskins,* Edmonton Eskimos, Chicago Blackhawks, et innombrables équipes locales, surtout au niveau des écoles secondaires. Depuis les années 1960s, quelques organismes autochtones ont lancé de campagnes publicitaires pour sensibiliser les équipes sportives et les écoles au problème de stéréotype, avec de résultats parfois positifs: certains ont conservé le nom, mais changé de symbole. D’autres, p.e. les Florida State Seminoles, ou les Chippewas de Central Michigan University ont retenu le nom tribal avec la bénédiction de la tribu locale (mais c’est uniquement le nom qui est retenu; tout autre symbolisme est jugé raciste). D’autres, comme Cleveland Indians (en haut à gauche), jugent que leur marque de commerce est trop établie pour la changer. * De CNN (18-06-2014; http://money.cnn.com/2014/06/18/news/companies/patent office-redskins/index.html?hpt=hp_t3) :

The U.S. Patent Office has canceled six trademarks belonging to the Washington Redskins football team, saying they are offensive to Native Americans.

In a decision released Wednesday, the office's Trademark Trial and Appeal Board ruled that "these registrations must be canceled because they [are] disparaging to Native Americans.“ http://4.bp.blogspot.com/ dfWhy59IeWo/TtZsIj3gqtI/AAAAAAAAA_w/lYHAIiRqJiE/s1600/retireindianmascotsMAIN.jpg

Dans la guerre entre les Cowboys et les Indiens, apparemment il y a une source inépuisable de plumes d’aigle pour fabriquer les casques de guerre portés par absolument chaque homme autochtone qui ait jamais existé, sans exception, avec suffisamment de plumes extra pour orner les coiffures des « princesses ». Les Blancs ont tenté de sauver cet oiseau noble en l’adoptant comme mascotte nationale, mais trop tard: dorénavant, ils sont devenus les «

bald

eagles ». À gauche, livre à colorer pour enfants, c.1958.

http://www.bluecorncomics.com/pics/cowboys&indians.jpg

http://imgc.allpostersimages.com/images/P-473-488 90/45/4592/LSGFG00Z/posters/canadian-pacific-indian-days.jpg

En haut, années 1950s; à droite, une marque anglaise, 19 e siècle.

Les marques de commerce

http://imgc.allpostersimages.com/images/P-473-488 90/57/5763/LBCTG00Z/posters/hudson-bay-brand-cigar-outer-box label-native-american.jpg

http://www.backfirealley.com/images/1920_ace.jpg

La couleur originale des premiers bolides est rouge, mais le nom avait été choisi, dit-on, non pour le nom (« Peaux-Rouges ») mais pour cibler le marché d’exportation au début du 20 e siècle: déjà, « Indian » était une marque de commerce « typique » des É-U.

Indian Motorcycles; à gauche, le modèle 402, c.1928; en bas le modèle Chief Black Hawk, c.1950, avec franges « indiennes ». La marque était un grand compétiteur de Harley Davidson jusqu’à 1953, et réapparait en commerce en 2012 avec le même logo.

http://moto-images.caradisiac.com/IMG/jpg/3/8/9/5/6/Chief_vintage.jpg

Ornement de capot Pontiac; reconnaissable comme « indien » par le nez gigantesque. En bas, à gauche, le « vrai » Pontiac, chef d’une rébellion contre les Anglais (1763-6); mort en 1769, aucun portrait n’existe de son vivant, mais il est certain qu’il n’avait pas de casque de guerre des Plaines ni la pipe sacrée cérémoniale, car il était un Ottawa (Algonkien). Il a assiégé Détroit vers 1765, où seront fabriquées les voitures portant son nom. http://3.bp.blogspot.com/_i_AovfzNXgQ/TGtv8hy320I/AAAAAAABRN4/vDJHWovLrgY/s1600/po ntiac_36-40_Hood_ornament_3.jpg

Le beurre Land O’ Lakes utilise depuis de décennies comme sa marque de commerce une jeune fille amérindienne (en Anglais: « maiden », qui sonne comme un mot antique comparé au simple « demoiselle »). La compagnie est une coopérative basée au Minnesota (dont les lacs). L’image date des années 1920, mais elle a été « modernisée » dans les années 1950 par un artiste ojibwa, qui a donc donné une certaine légitimité à l’utilisation de l’image. À part des plumes et le bandeau qu’elle porte, la jeune fille (qui a un visage plus italien qu’autochtone) au moins porte un costume ojibwa (chippewa, en Minnesota) modérément authentique.

“Tomahawk Trails Wall Decor Collection Tomahawk replicas feature sculpted, hand-painted totem pole handles with Al Agnew wolf art, intricate cut-out "blades." Real feathers, beadwork, more.” http://www.bradfordexchange.ca/prod ucts/901004_wolf-wall-decor-art.html

(11-04-2013); en bas, la description plus longue de l’objet: http2.bp.blogspot.com_G_ElcN3zq44TAAOmGIj9SIAAAAAAAAAjgc

VRq7k6I0Uks1600Screen+shot+2010-05-28+at+2.41.30+PM.png TOMAHAWK REPLICA Screen_shot_2010-05-28_at_2_41_30_PM.png

Be guided by the wolf’s commanding spirit and remarkable courage with this awe-inspiring sculptural collectible Native American style tomahawk replica. This magnificent wall display combines a rich tradition and wolf artistry. Just look at the custom piercing on the sculpted blade as it creates the image of a majestic wolf howling at the moon on a starlit night. Celebrate a creature of mystery and great power with this striking handcrafted limited-edition Native American style tomahawk replica, available exclusively from The Hamilton Collection. This tomahawk replica boasts wolf art “carvings” of a pack of wolves on the handle, and is decorated with real feathers, leather cording, “beadwork” and simulated turquoise. Makes unique wall decor and it’s a fantastic wolf art gift. Heavy demand is expected, and you won’t want to miss out. Order now!

Ce qui fait peur ici c’est autant l’erreur de l’enseignante que les images, qui mettent en scène tous les stéréotypes imaginables: les gars sont des « chiefs », les filles des guides (Sacagawea, guide de l’expédition de Lewis et Clark en 1804-6), des servantes ou des épouses d’homme blanc (Pocahontas). Il est apparemment normal qu’une fillette ait le pouvoir biblique de confier des noms aux personnes qui l’entourent, et même décider leur diète: elle semble penser que les Indiens mangent des insectes. “To help remember what preticate [

sic

] nominatives are we imagined a pretty little girl named Kate (Pretty Kate) who liked to rename Native Americans (Pretty Kate Names the Natives) by saying their name, and then saying "equal" instead of "is," and then saying another name for them. We used this illustration to help remember.” (Du manuel scolaire contemporain; http://fun2homeschool.blogspot.ca/2011/08/pretty-kate-naming-natives-predicate.html

, 1-04-2014).

http://2.bp.blogspot.com/-h6MOQgdzalA/Tkmxf9da-oI/AAAAAAAAAKA/p2yLSoKc7eM/s400/Pretty+Kate+Naming+Natives.gif

En 2012,

Victoria’s Secret

utilise un thème indien avec la

top model

Karlie Kloss. La compagnie s’excuse après que quelques organismes amérindiennes protestent. Ils ne sont pas les seuls à exploiter l’image de l’Amérindienne sexy; Cher en 1973 lance la chanson

Half Breed

en portant un costume « indien ». En même temps, la machine publicitaire circule la voix que la chanteuse, du côté de sa mère, a des ancêtres cherokee, même si son père est arménien, et qu’elle ait grandi en Californie, loin des terres cherokee en Géorgie et aux Carolines.

http://2.bp.blogspot.com/ coIj8R2tBiI/UJ1F29UjMwI/AAAAAAAABiM/K4DSAsK5LaY/s320/karlie-kloss-victorias secret-fashion-show-2012.jpg

Cher serait donc une « métisse », comme le titre de la chanson suggère. Pourquoi porte-t elle un costume inspiré des tribus des Plaines reste un des grands mystères de la décennie.

http://www.repubblica.it/esteri/2014/04/12/foto/heidi_klum_pellerossa_in_posa_piovono _accuse_di_razzismo-83423272/1/?ref=HRESS-1#1 La publicité pour The Next Top Model (Allemagne), a créé un scandale quand elle est apparue sur Facebook en avril, 2014. La compagnie (gérée par la modèle Heidi Klum) l’a vite retiré.

À gauche, The Ultimate Warrior (James Brian Hellwig, qui n’est pas un Amérindien); à droite, Tatanka (Chris Chavis, qui est d’origine lumbee en dépit de son nom professionnel, qui signifie « Taureau » en Lakota) sont deux lutteurs qui ont utilisé une image autochtone pour établir leur personnage « gentil » (

face

, opposé au

heel

). Les Lumbee sont une tribu de la Caroline du Sud d’héritage incertain, née avant la Guerre Civile, quand il était peut-être plus sécuritaire pour des personnes de peau foncée d’être identifiées comme « Indiens » plutôt que « Noirs ».

Les Village People (« Macho Man »; « YMCA ») était un groupe très populaire à la fin des années 1970s. Leurs costumes faisaient des allusions à la culture gaie de l’époque. « L’Indien », Felipe Rose, est un cofondateur du groupe (l’autre est un réalisateur français). Sa mère est Puerto Ricaine, mais son père est Lakota. Il s’identifie comme Amérindien. Il a utilisé son renommé comme chanteur pour œuvrer dans des organisations pro autochtones. Il porte toujours un variant du costume sur scène.

Le paradoxe identitaire que plusieurs Amérindiens doivent affronter: des symboles d’identité qui doivent « fonctionner » pour un public blanc. Ce problème est sans solution immédiate, même quand il est représenté de façon plus sympathique que ce dessin un peu raciste.

http://4.bp.blogspot.com/-e50D6L8RKLw/Taha2KK LrI/AAAAAAAAAzo/fvVOqsHpnEI/s400/tumblr_lj8y8po7iZ 1qenzjzo1_500.jpg

Deux façons de vivre l’identité amérindienne: comme l’incarnation d’une spiritualité supérieure, à gauche (l’image semble datée des années 1990s); où comme Miss Blackfeet 2007, Sissy Gopher. En fait, les deux rôles se ressemblent, car ils sont largement définis par les attentes euro-américains: une spiritualité tellement ésotérique qu’elle n’est aucunement menaçante; http://api.ning.com/files/BarX8QwVjGBeoNUHlueQRP06vM53vx AzHlfvRCwHsIVP3QEfd8xpmnoHuKZAH35ZKHiMvi8 BnA3Cao-8rDlgmyJlS-hmvgq/native_american_.jpg/ ou, accepter et imiter les normes de la société dominante, même si elles sont « filtrées » à travers une culture « indigène » et locale; p.e., les « Miss » autochtones ne paradent pas en costume de bain, ou doivent montrer leurs talents de broderie, ou une autre qualité « traditionnelle ».

http://nativeappropriations.com/wp content/uploads/2013/01/FSU-MBA.jpg Florida Stte University MBA program Paradoxalement, « Indien » veut dire une spiritualité rehaussée comparée à la société euro-Américaine (à droite), mais n’a jamais échappé son symbolisme de force et d’agressivité innée (en haut). La Florida State University a retiré la réclame après que quelques organismes autochtones aient protesté.

http://4.bp.blogspot.com/ oLH1sCTnHT4/TZOC omRc9I/AAAAAAAAAzE/dSK4ydTuDHE /s320/image.jpeg

Dans les années 1950s et 60s, littéralement de centaines d’émissions télés ont contribué à cimenter l’image du Far West. Elles n’avaient pas toutes des protagonistes amérindiens, mais ils étaient néanmoins présents dans l’imaginaire. P.e., un des plus populaires,

The Adventures of Rin Tin Tin

(le berger allemand renommé et son jeune maitre Rusty, basé sur l’émission radio des années 1920s 40s) avaient des Amérindiens « sages », mais le jeune Rusty était un orphelin vivant à un fort militaire parce que son père soldat (et sa famille) avait été tuée par les « Indiens ».

Bonanza

(1959 73) affrontait des thèmes de racisme, mais survolait les Amérindiens: leurs « victimes » étaient des Noirs et des Chinois.

Gunsmoke

(1955-75), émission iconique, avait seulement un jeune Burt Reynolds qui interprétait un « halfbreed ».

Daniel Boone

(1964-70), basé sur le personnage légendaire du même nom, avait comme ami un certain Mingo, censé être un Cherokee mais interprété par Ed Ames, un Ukrainien juif dont les traits tartares avaient convaincu le public que l’émission était à l’avant-garde, ayant donné un rôle à un « vrai » Amérindien. http://www.gunsmokenet.com/GunsmokeT GAW/Marks-Stuff/Gunsmoke/quint.jpg

À gauche, un des chiens originales qui a incarné Rin Tin Tin en 1928; à droite, « Quint Asper » (Burt Reynolds), un forgeron « métis ». Ironiquement, Reynolds a un peu de sang cherokee.

F Troop

est une émission (1965-7) américaine du Far West (Kansas), où l’armée envoie les incompétents, incluant le commandant Parmenter. Ironiquement, il est un héros accidentel à Appomatox, une bataille fameuse de la Guerre Civile, comme le héros de

Dances With Wolves

, sauf que l’armée découvre qu’il n’est guère héroïque quand il est blessé par la médaille qu’on lui confère; il est donc exilé. Il trouve un groupe d’arnaqueurs qui vend de souvenirs « indiens » fabriqués par la tribu locale, les Heckawi (« One day we got lost, and asked, we’re the heck are we? »). Les Indiens sont avares et surtout des lâches qui attaquent la garnison uniquement s’ils sont payés, pour impressionner les dignitaires militaires en visite que la zone est vraiment dangereuse et justifie donc la présence de la garnison, permettant le Sergent O’Rourke et le Corporel Agarn de gérer O’Rourke Enterprises, dont les profits sont partagés avec les Heckawi. Les Blancs sont soit moraux (Parmenter) ou rusés (O’Rourke et Agarn). Les Heckawi (Chief Wild Eagle, Roaring Chicken fils de Sitting Duck, Crazy Cat, Bald Eagle, interprété par Don Rickles, qui est chauve) sont lâches, paresseux et avares. Avec l’exception du chef, qui est interprété par un Italo Américain, ils sont tous interprétés par des acteurs juifs qui, quand ils ne parlent pas le « petit nègre » indien, parlent avec des accents yiddishs. Leur avarice est « drôle » parce que le public reconnaissait l’identité juive des acteurs par leur accent.

À gauche, une peinture de Kirby Sattler, 1991, qui est probablement l’inspiration pour le costume de Depp. S’inspirant, à toute évidence, des

Dog Soldiers

cheyenne, Johnny Depp interprète le rôle de Tonto, compagnon fidèle du Lone Ranger (2013), personnage originalement développé pour la radio dans les années 1930, puis passé à la télévision dans les années 1950s (où le rôle est fameusement interprété par un Mohawk canadien, Jay Silverheels/Harold Smith). Pour supposément briser avec la tradition et avec les stéréotypes, cette interprétation plus récente apparemment met l’accent sur Tonto et non sur le héros (dont on connait uniquement le nom de famille, Reid, un

Texas Ranger

, le seul survivant d’une embuscade et donc

Lone

, solitaire). Tonto avait été identifié dans l’émission radio comme membre de la tribu Potawatomi, des Algonkiens du Michigan (les Cheyenne sont des Algonkiens des Plaines, dont les terres sont situées à Montana et à Oklahoma), car le réalisateur avait fréquenté la région jeune homme.

http://blogs.amctv.com/hell-on-wheels/how1 cheyenne-200.jpg

À droite, de vrais

Dog Soldiers

cheyenne, c.1890.

http4.bp.blogspot.com E1idteP6QaMT5bkYByWl0IAAAAA AAABMEEts_ixal6Css1600depp.png

http://www.mtgenweb.com/images/crownative.jpg

Affiche de Clyde Caldwell, artiste américain contemporain, spécialiste du genre héroïque; cette l’image a été utilisée par une jeune femme qui veut afficher son identité indienne sur son site WEB.

http://www.ferris.edu/jimcrow/native/images/native.jpg

http://www.gis.net/~moccasin/np.jpg À droite, version 1950s; en haut, version 1990s; des Amérindiens moins sauvage, plus spirituel. Les femmes y sont présentes, à différences des images antérieures centrées sur les « braves ».

Le mouvement New Age a atteint son paroxysme dans les années 1960s et 70s. À différence de la vision « western » de la télé et des films, où les Amérindiens avaient un rôle au mieux ambigu, les protagonistes du mouvement soulignaient uniquement les qualités spirituelles des Amérindiens. P.e., Carlos Casteneda prétendait s’inspirer de Don Juan Matus, un

indio

yaqui chaman, homme saint et sorcier (et probablement un personnage totalement fictif). Soudainement, le Sud-ouest américain était plein d’anthropologues à la recherche de « leur » Don Juan, et aussi de personnes aliénées à la recherche d’un cadre alternatif à celui du « système ». Les Hopi sont particulièrement ciblés, grâce à un livre (

Book of the Hopi

, Frank Waters,1963) qui expose leur mythologie complexe, avec des allusions à des archétypes, à la structure circulaire du temps et de l’univers, et leur croyance que les

kachinas

vivent parmi eux.

À gauche, une rare photo (1962) de Casteneda (d.1998), avec Joannie Barker, réputée d’être la 1 re étudiante de Don Juan, mais certains disent qu’elle a nié ce lien. À gauche, un portrait fictif de Don Juan, qui montre 2 de ses « familiers », un corbeau et un coyote, ainsi qu’une pipe « sacrée » censée représenter les psychotropes qu’il (prétendument) ingérait pour atteindre une « dimension » où existaient des esprits-maitres. http://www.deviantart.com/download/184953045/don_jua n_matus_by_almanegra-d3246ol.jpg

http://www.american-buddha.com/carlospix5_small.gif

http://www.nydailynews.com/entertainment/tv-movies/heidi-montag-mom-give marriage-spencer-pratt-months-article-1.339201

Commentaire d’une femme amérindienne : “Spencer and Heidi Pratt [vedettes de l’émission téléréalitée,

The Hills

, et pas d’origine amérindienne, que je le sache] are no strangers to publicity stunts, but their most recent attempt at getting into the tabloids is just plain weird. They have decided to take on ‘true Native American Names’.

So, from now on Heidi will be known as “White Wolf” and Spencer as “Running Bear”. Could the have picked more stereotypical names? nice one, guys.

Heidi had this to say about their choice to re-name themselves:

‘we are getting more in-tune with our spirituality … and will be known as the name our creator has given us – our true native-American names.’”

Ceci m’apparait une blague que quelqu’un a pris au sérieux.

http://nativeappropriations.com/category/spencer-and-heidi-pratt (11-04-2013)

Tintin en Amérique

(1931; la version définitive colorée sort en 1945) voit notre héros en lutte avec la Mafia de Chicago, à l’époque de la Prohibition; après, il est kidnappé par une tribu des Plaines (« les Peaux Rouges », vraisemblablement les Lakota mais parfois identifiée comme les Blackfeet; historiquement, ces derniers vivaient 1000 km à l'ouest de Chicago), dont le chef (« Puissant Sachem, la Taupe-au-regard-perçant ») a été faussement averti par le criminel Bobby Smiles qu’il est un ennemi de la tribu. Il les déjoue, capture Smiles, et rentre à Chicago. Hergé s’était inspiré de livres de vulgarisation écrits par des non-spécialistes des années 1930s. La version BD de 1992 a omis les Amérindiens; ce n’est pas la première fois que Hergé subi des accusations d’avoir recours à de stéréotypes racistes (par ignorance plutôt que par petitesse d’esprit).

Tintin découvre du pétrole lors de son séjour parmi les « Peaux-Rouges », mais ceci n’amène aucun bénéfice à la tribu. L’honnêteté de Tintin (il déclare que le pétrole appartient à la tribu) mène à leur expulsion par l’armée. Il aurait été mieux d’accepter l’offre généreuse de la compagnie et de donner l’argent aux Amérindiens! Certes, Tintin/Hergé n’a pas contribué à l’image négative des Amérindiens, mais sa vision simpliste des « Peaux-Rouges » a dû influencer une génération d’Européens, étant donné sa popularité.

Enfin, les Américains n’étaient pas les seuls à créer une mythologie de l’Amérindien; plusieurs romans et films étrangers se sont soit inspirés directement du Far West, ou l’ont copié (des « Red Westerns » ou « Osterns », de

ost,

« est »), avec le fleuve Volga, p.e., qui prend la place du Rio Grande. Les Soviétiques étaient chanceux, car leurs populations gitanes ou kazakhs, p.e., pouvaient prendre la place des Amérindiens dans leurs productions. Le genre semble être mort après la chute du communisme, car l’idée d’un peuple opprimé par « les capitalistes » était un sujet naturel pour eux; moins aujourd’hui, quand c’est la classe moyenne prétendument « libérée » qui est opprimée. À gauche,

Lemonade Joe

, un film tchécoslovaque de 1964; le héros, Joe, est un bon qui ne boit que de la limonade, et donc est un meilleur tireur que les criminels, qui passent leur temps à se souler au whisky. Il est considéré un film culte du genre, et il y a même des congrès qui s’organisent autour du film. http://www.fantomfilm.cz/wp-content/uploads/redwesterns6.jpeg

Le

spaghetti western

(terme américain; en Italie c’est

western all’italiana

) s’établit avec la parution du film

A Fistful of Dollars

, Sergio Leone, 1964 (qui lance Clint Eastwood comme vedette internationale). Ironiquement, ce moment de double recyclage (les Américains qui influencent les Italiens, qui définissent un nouveau genre qui va inspirer les Américains à repenser leur genre Western) est un produit italien, mais a son plus grand impacte à l’étranger. Pour les Italiens, le

spaghetti western

est simplement un sous-genre qui s’encadre avec la notion de l’orientalisme. La fascination italienne avec le genre Western est de longue date: le célèbre cowboy et

showman

Buffalo Bill présente son spectacle

Wild West Show

à Rome en février 1890. Ce moment exotique trace des sillages profonds dans la mémoire collective, car il enracine l’image de l’Amérique comme pays de la liberté. Le symbole de la liberté, pour les Italiens, n’est pas la Statue de M. Bartholdi mais le

cowboy

errant. Après Leone, d’autres films émergent ici et là pour un public local. Les films de Leone sont populaires en Amérique en partie parce qu’ils revitalisent un genre devenu moribond, depuis c.1955 arrivé à la fin de sa capacité de mythifier l’Ouest pour le transformer en icône du déplacement, et donc en métonymie de l’impérialisme émergent des É-U.

http://cookbookcherie.files.word

press.com/2010/06/spaghetti western1.jpg

http://upload.wikimedia.org/ wikipedia/commons/5/53/ Buffalo_Bills_Wild_West_Show,_1890.jpg

Il y a un site intéressant dédié au genre: http://www.spaghetti-western.net/index.php/Main_Page ; ci-haut, Buffalo Bill et le

Wild West Show

à Rome, 1890.

L’autre partie de l’Europe a aussi produit ses westerns, les Euro-westerns, justement.

La Tierra Brutal

(Terre brutale) est renommé, une réalisation Espagne-Angleterre de 1961. Comme était souvent le cas pour les Westerns européens, p.e., pour les

spaghetti westerns

de Sergio Leone, les protagonistes principaux étaient « importés » des É-U, et les rôles secondaires interprétés par des locaux. En Allemagne, l’écrivain Karl May (1832-1912) est l’homme le plus lu dans l’histoire du pays; plus de 200 millions copies de ses œuvres ont été publiées. Il est sans doute l’inspiration pour un protagoniste allemand, Colonel Mueller, dans le livre de Mordecai Richler,

Joshua Then and Now

(1981). « Dr. Dr. » Mueller écrit de romans westerns mais cache sa vocation populaire sous une façade érudite (il a 2 doctorats, justement). Il est tellement mystérieux que Joshua se lance sur la piste d’enquête qui va le mener à devenir journaliste et puis écrivain. À gauche, Karl May; il y a une différence importante dans la vision européenne comparée aux images américaines: les Européens ne peuvent pas imaginer un « Indien » sans un Cowboy: les deux font un seul couple, mais les Américains ont peuplée le

Far West

avec l’armée, les colons, la voie ferrée: ils ont mis longtemps avant que « leur » Indien devienne un symbole nostalgique de l’esprit écrasé d’un peuple. On devait attendre que les Amérindiens disparaissent. Les Européens ont une vision plus romantique, rousseau-esque. Pour eux, le « sauvage » a toujours évoqué la liberté dont ils rêvent; c’est l’inverse pour les Américains, pour qui la liberté individuelle est représentée par le colon qui veut s’établir dans le West pour s’échapper à un « système » oppressif; l’Indien est l’ennemi. http://rpmedia.ask.com/ts?u=/wikipedia/com mons/thumb/d/db/KarlMay_Raupp.jpg/100px -KarlMay_Raupp.jpg

http://i.4cdn.org/b/1417867745711.jpg

Je ne sais pas quelle connexion cette ‘blague’ ait avec le Jackson Rancheria Casino & Hotel. Ayant apparu sur le blog notoire 4chan/b/ (12-06-2014), la photomontage est probablement ironique, car le casino est la propriété de la tribu Jackson Rancheria du peuple Miwuk (Miwoc) de la Californie. Bien que la tribu est reconnue par le gouvernement fédéral, je n’ai trouvé aucune info sur son histoire sauf l’auto publicité du casino, qui suggère que cette tribu fut organisée pour des raisons fiscales. Ou, le blogueur est de la localité.

Les tribus des Plaines nord-américaines tels que les Lakota (‘Sioux’), reconnus pour l’aspect militaire de leurs sociétés, étaient en réalité des bandes avec un système politique relativement décentralisé: le chef ‘normal’ avait de pouvoirs limités; le chef de guerre par définition exerçait son pouvoir uniquement lors des conflits, et le chef religieux établissait un bon ton moral. Bref, une gouvernance avec peu de force et une hiérarchie floue: chose surprenante, étant donné qu’ils ont dû combattre pour s’installer dans une nouvelle patrie après avoir été expulsés de leurs terres ancestrales autour des Grands Lacs par leurs voisins à l’est qui ont obtenu des armes a feu en premier. Naturellement, les envahisseurs sioux ont dû combattre les résidents Kiowa, et la chasse au bison qu’ils ont forcément adopté les obligeaient de punir sévèrement les chasseurs qui ne respectaient pas les règles mises en place pour éviter d’effrayer le troupeau. Bref, un peuple relativement égalitaire militarisé par les contingences, mais qui ont tenté de limiter la hiérarchisation par plusieurs moyens, dont un était de parler en fausset en assemblée de guerre. À droite, des figures ‘indiennes’ à découper pour décorer des tableaux du Far West pour les passionnés des petits trains et d’autres mises-en scène enfantins: chaque homme est guerrier.

https://encrypted tbn1.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRqjZWf5KvjghN0DJDHNToq4xF 9QHAqycEaFID9cnLbrk9Ab15Nsw

En parlant avec une voix non naturelle et, de plus, ‘féminine’, le chef de guerre ne parle plus comme personne autonome mais comme l’incarnation temporaire de l’office. Ce n’est pas l’homme qui parle, mais l’office. Le contenu sémantique du discours - la guerre et la violence - sont présentés dans un domaine irréelle, temporaire, et féminin. Ces instances de pouvoir sont donc démarquées de la vie normale. Elles ressemblent à un drame rituel, comme Victor Turner l’avait proposé pour les Ndembu. Temporairement dans un espace discursif anormale, le contenu belliqueux de cet espace ne menace aucunement les rapports d’amitié et de collaboration. À droite, Satanta (‘Ours Blanc’, d. 1878) chef de guerre Kiowa renommé pour son courage et pour son oratoire. La voix basse, le rythme lent et les traductions en ‘petit-nègre’ appauvri (‘Moi non combattre frère blanc’) sont de traits définitoires des parodies, qui sont renforcée par des photos ‘historiques’ des protagonistes toujours en poses ‘héroïques’. L’ensemble ne souligne aucunement l’hyper-masculinité des ‘guerriers’ mais plutôt leur éviscération sémiotique par l’inversion du fausset ‘militaire’ afin de les incorporer américaine.

dans la mythologie euro https://www.youtube.com/watch?v=gXSaI2c0vQY