raisons de vivre

Download Report

Transcript raisons de vivre

Raisons de vivre et suicide
Pr JB Garré
Université d’Angers
Département de Psychiatrie et de Psychologie Médicale
CHU Angers
Pr Jean-Bernard Garré
Département de Psychiatrie
et de Psychologie Médicale
CHU
ANGERS
L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt concernant les
données de sa communication
• Résultats 1 à 20 sur un total d'environ 2 720 000
pour raisons de vivre (0,26 secondes)
•
Résultats 1 à 20 sur un total d'environ 23 100 000
pour Reasons for staying alive (0,19 secondes)
• Résultats 1 à 20 sur un total d'environ 1 070 000
pour raisons de mourir (0,25 secondes)
FACTEURS DE
RISQUE
FACTEURS DE
RISQUE
FACTEURS DE
PROTECTION
FACTEURS DE
RISQUE
FACTEURS DE
PROTECTION
-
+
FACTEURS DE
RISQUE
-
FACTEURS DE
PROTECTION
+
MOTIVATIONS A
VIVRE
++
E. Durkheim
(1858-1917)
1897 : Le suicide
Mini International Neuropsychiatric Interview
French version 5.0.0 CIM-10
RAISONS DE VIVRE ET SUICIDE
• Facteurs de risque
• Facteurs de protection
• Raisons de vivre
– Histoire
– Memento mori
– Inventaire des raisons de vivre
• Trois remarques conclusives
RAISONS DE VIVRE ET SUICIDE
• Facteurs de risque
FACTEURS DE RISQUE
Mesure de l’intentionnalité suicidaire : place des
échelles
La plupart des échelles utilisées en suicidologie
visent à établir une prédiction du phénomène en
termes d’analyse de facteurs de risque
• sachant qu’il existe 2 grandes catégories
•Facteurs de risque socio-démographiques
•Facteurs de risque psychopathologiques
•Et que cette analyse comporte des difficultés
spécifiques à la suicidologie
LES DIFFICULTÉS DE LA PRÉDICTION DU
SUICIDE
• Rareté du suicide et grand nombre de faux positifs
– 1% des primo-suicidants se suicident dans l’année, soit
10 sur 1000 suicidants
– Une échelle à spécificité et sensibilité élevées (80 % par
ex) va identifier 200 sujets à risque, incluant 8 des 10
suicidés, mais aussi..192 patients qui ne se tueront
pas…et dont il faudra s’occuper
• La plupart des travaux ne distinguent pas facteurs de
risque à court terme et à long terme
• Certains facteurs de risque, surtout socioenvironnementaux, peuvent changer avec le temps
• Les modèles ne tiennent pas compte des interactions entre
les différents facteurs, alors que l’impact de chacun dépend
de la présence ou de l’absence des autres
– Ex: Alcoolisme-Dépression-Chômage-Divorce
LES DIFFICULTÉS DE LA PRÉDICTION
DU SUICIDE
• Corrélation (par rapport à une population) et
non causalité (par rapport à un individu)
• Plurifactorialité et difficultés de modélisation de
facteurs très hétérogènes
• Interaction des facteurs: le risque n ’est pas
simplement additif ou cumulatif, mais aussi
interactif
► Le risque du facteur de risque, c’est la cause !
FACTEURS DE RISQUE
Mesure de l’intentionnalité suicidaire : place des
échelles
– SIS (Suicide Intent Scale) de Beck
•
•
•
•
•
•
•
•
Moment choisi
Lieu
Isolement
Annonce
Programmation
Lettre d’adieu, testament
Appel à l’aide
(…)
– Evaluation du potentiel suicidaire par l’échelle RUD
» Risque
» Urgence
» Danger
Aaron Temkin BECK
(né en 1921)
•
•
•
•
BDI Beck Depression Inventory
(1970)
•
Auto-évaluation
•
13 ou 21 items
Hopelessness Scale (1974)
•
Auto-évaluation
•
20 items
SIS Suicide Intent Scale (1974)
•
Hétéro-évaluation
•
Applicable aux suicidants
•
12 items
SSI Scale for Suicide Ideation
(1979)
•
Hétéro-évaluation
•
19 items
POTENTIEL
R
U
D
POTENTIEL
RISQUE
POTENTIEL
FACTEURS DE RISQUE
Sociaux
E. Durkheim
(1858-1917)
1897 : Le suicide
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
FACTEURS DE RISQUE SOCIAUX ET SOCIODÉMOGRAPHIQUES
Age
Sexe
Statut matrimonial
Emploi
Habitat
Confession
Intégration et anomie
Environnement familial et relationnel
Pertes, séparation, abandon
Violences
Difficultés financières, judiciaires
(…)
POTENTIEL
FACTEURS DE RISQUE
Sociaux
Psychologiques
POTENTIEL
FACTEURS DE RISQUE
Sociaux
Psychologiques
Psychiatriques
QUELQUES GRANDES COMORBIDITES
PSYCHIATRIQUES
•
•
•
•
•
Troubles affectifs
Troubles anxieux
Addictions
Psychoses
Troubles de la personnalité
POTENTIEL
FACTEURS DE RISQUE
Sociaux
Psychologiques
Psychiatriques
Psychosociaux
Crise psychosociale et crise
psychiatrique
Crise psychosociale
État de
crise
État de
vulnérabilité
État
d’équilibre
Crise psychiatrique
POTENTIEL
RISQUE
URGENCE
POTENTIEL
RISQUE
URGENCE
Comment ?
Où ?
Quand ?
POTENTIEL
RISQUE
URGENCE
DANGER
POTENTIEL
RISQUE
URGENCE
DANGER
Léthalité
Accessibilité
RISQUE
POTENTIEL
• Faible
• Moyen
• Elevé
URGENCE
DANGER
Un changement de paradigme en
suicidologie : la plurifactorialité
• Fragmentation et pluralisation de causes
réaménagées en facteurs
• Progressivement, la recherche de la cause du
phénomène cède la place à un effort d’élucidation du
sens d’un symptôme, saisi
– au niveau du cas individuel
– ou de la collectivité
• Généralisation de la surdétermination et pente
surinterprétative
• Embarras généralisé : surabondance des facteurs
Déconstruction du modèle causal et
réaménagement en facteurs convoquant dans
la dispersion et l’hétérogénéité
• Aussi bien le présent douloureux que le
passé, l’histoire et les ATCD
• Le proche et le lointain
• Aussi bien les circonstances externes,
l’environnement que les dispositions
internes, l’humeur, la personnalité ou la
biologie
• Le superficiel et le profond
• Aussi bien le choix prémédité et l’intention
mûrie que l’impulsion brutale
« Voici que l'on commet un suicide ! Mauvaises affaires ! dira le bourgeois!
--Amour malheureux ! diront les femmes.- -Maladie physique ! dira le
malade. --Espoirs brisés ! dira le naufragé. Or il peut se faire que la cause
se trouve partout, ou nulle part, et que le défunt ait caché le motif
fondamental en en avançant un tout autre susceptible de jeter une
meilleure lumière sur sa mémoire !
Le destin affligeant de Mademoiselle Julie, je lui ai donné pour motifs une
quantité de circonstances : les "mauvais" instincts de base de sa mère ;
l'éducation fautive que lui a inculquée son père ; les suggestions de sa
propre nature et celles que son fiancé exerce sur un cerveau faible,
dégénéré ; en outre et plus précisément : l'ambiance de fête de la nuit de la
Saint-Jean ; l'absence du père ; le fait qu'elle-même ait ses règles ; le fait de
s'occuper d'animaux ; l'influence excitante de la danse ; la pénombre de la
nuit ; l'influence fortement aphrodisiaque des fleurs ; et enfin le hasard qui
pousse les deux personnages à se trouver ensemble dans une pièce
secrète, plus l'audace de l'homme excité. »
August Strindberg
Mademoiselle Julie [1888]
(Préface)
Garnier-Flammarion, 2001, 58
RISQUE
POTENTIEL
• Faible
• Moyen
• Elevé
URGENCE
DANGER
RISQUE
PROTECTION
POTENTIEL
• Faible
• Moyen
• Elevé
URGENCE
DANGER
RAISONS DE VIVRE ET SUICIDE
• Facteurs de risque
• Facteurs de protection
L’évaluation doit aussi porter sur les facteurs de
protection et de résilience
• Ressources internes
•
•
•
•
•
•
•
•
Bonne estime de soi
Capacité de coping
Mise en œuvre de mécanismes de défense adaptés
Humour préservé
Capacité à dire non
Capacité à prendre du recul et à l’insight
Optimisme de fond
Demande et recherche de soutien
• Ressources environnementales
•
•
•
•
•
Bonne cohésion familiale
Soutien amical
Lien social
Bonne intégration
Activités extérieures (sport, loisirs, investissement
associatif…)
L’évaluation doit aussi porter sur les facteurs
de protection et de résilience
• L’absence d’un facteur de risque n’équivaut
pas à un facteur de protection
• Les facteurs de protection sont des
caractéristiques
biopsychosociales
qui
agissent contre le développement d’une
psychopathologie malgré l’exposition à des
facteurs de risque
•
•
•
Rutter (1985, 1990)
Eggert, Thompson, Herting (1994, 2000)
Provonost, Dumont, Leclerc (2003)
L’évaluation doit aussi porter sur les facteurs
de protection et de résilience
• Estime de soi
• Contrôle de soi
– Externe
– Interne
• Coping
• Soutien social
– Quantitatif
– Qualitatif
•
•
Eggert, Thompson, Herting (1994, 2000)
Provonost, Dumont, Leclerc (2003)
RUD + Facteurs de protection
Risque Urgence Danger
Elevé
Moyen
Faible
Potentiel Suicidaire
Facteurs
de
protection
RUD + Facteurs de protection + Raisons de vivre
Risque
Urgence
Danger
Elevé
Moyen
Faible
Potentiel suicidaire
Facteurs
de
protection
Raisons
de vivre
RAISONS DE VIVRE ET SUICIDE
• Facteurs de risque
• Facteurs de protection
• Raisons de vivre
– Histoire
– Memento mori
– Inventaire des raisons de vivre
RAISONS DE VIVRE ET SUICIDE
• Facteurs de risque
• Facteurs de protection
• Raisons de vivre
– Histoire
SUICIDE
NAISSANCE DU MOT
(1)
1734 Abbé Prévost Le Pour
et le Contre
Compte rendu de The
English malady, or a Treatise
of Nervous Diseases of all
Kinds, de George Cheyne
(1733)
The English Malady; or a
Treatise of Nervous Diseases
of All Kinds , as Spleen,
Vapours, Lowness of Spirits,
Hypochondriacal
and
Hysterical Distempers, etc
SUICIDE
NAISSANCE DU MOT
(2)
• Avant l’apparition (1734) du néologisme
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
Homicide de soi-même
Meurtre de soi
Mort volontaire
S’homicider
Se détruire
Se défaire
Se dépêcher
Se tuer
Prendre congé
S’occire
Se meurtrir
Se donner la mort
Evolution schématique des conceptions concernant
le suicide
(1)
FIN DE L’ANTIQUITE GRECO-LATINE
XVIIIème SIÈCLE
(1734)
•
•
•
•
Conception criminologique (homicide de soi-même)
Le suicide est un mal et un double crime
Son histoire se confond avec celle de sa répression
Lèse-majesté
►humaine (crime)
►divine (sacrilège)
Evolution schématique des conceptions concernant le
suicide
(2)
XIXème siècle
Conception victimologique
Le suicide devient un symptôme
du sujet
lectures psychiatriques
psychologiques
psychopathologiques
psychanalytiques
de la collectivité
lectures sociologiques
socio-démographiques
socio-culturelles
anthropologiques
L’homicide de soi-même
• « Tu ne tueras point »
• « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »
• La vraie raison de vivre, la seule aspiration, c’est la vie
éternelle après la mort
• Un péché mortel, qui vaut damnation. Le meurtrier de lui-même
se perd à coup sûr, corps et âme, sine spe salutis : victoire de
Satan.
• Peu de suicides dans l’Histoire Sainte, mais toujours des
ennemis du Christ :
– Hérode
– Ponce Pilate
– Judas
La pendaison de
Judas
Cathédrale Saint-Lazare
Autun
(1120-30)
Giotto
Le Désespoir
(Les sept vices)
Desperatio fille d’Acedia
Chapelle Scrovegni
Padoue
(1302-1305)
RAISONS DE VIVRE ET SUICIDE
• Facteurs de risque
• Facteurs de protection
• Raisons de vivre
– Histoire
– Memento mori
« Que philosopher, c’est
apprendre à mourir »
Les Essais
(I, 19)
Titus Pomponius Atticus
(109-32 av. J.-C.)
« Il est inutile de vous rappeler
l'attention et les soins que j'ai
apportés au rétablissement de
ma santé : vous en avez été les
témoins. Je crois vous avoir
satisfaits à cet égard et n'avoir
rien négligé pour ma guérison ;
il ne me reste plus qu'à me
satisfaire moi-même. Je n'ai pas
voulu vous laisser ignorer ma
résolution : je suis décidé à ne
plus nourrir mon mal ; tous les
aliments que j'ai pris ces joursci n'ont prolongé ma vie que
pour augmenter mes douleurs,
sans espoir de salut. Je vous
prie donc d'approuver mon
dessein et de ne point vous y
opposer : vos efforts seraient
inutiles ».
Cornelius Nepos
Comment le convaincre de
renoncer à jeûner ?
 Quelles raisons de vivre lui
opposer ?

Quand il considère que la
liberté repose sur le mépris
de la vie et de l'attachement
excessif au monde ?

Titus Pomponius Atticus
(109-32 av. J.-C.)
•« Mon métier et mon art, c’est
vivre. » (II, 9)
•« Notre grand et glorieux chefd’œuvre, c’est vivre à
propos. » (III, 13)
Albrecht Dürer
Saint Jérôme dans sa
cellule
(1521)
Peint d’après un vieil
homme de 93 ans
Lisbonne, Museu de Arte
Antigua
Les devises des Memento
mori (ce que dit le crâne):
• « J’étais ce que vous
êtes. Vous serez ce que je
suis. »
• Nil omne
•Quotidie
morimur,
quotidie commutamur, et
tamen aeternos nos esse
credimus
•Mors omnia aequat
Francisco de
Zurbaran
Saint François
agenouillé
(vers 1635)
Collection Adolfo
Nobili, Milan
•Le crâne est à l’envers, car la Mort
est vaincue
•La raison de vivre du moine, c’est
l’espoir de la vie éternelle
•L’homme est un être-pour-la-mort
•Vanité de la condition humaine
•Caducité de toutes choses
terrestres
•Memorandum, pense-bête des fins
dernières de l’homme
Putto endormi sur un crâne ou Vanité
XVIIème siècle, Versailles, musée Lambinet
Pastorale de la mort et préparation au trépas :
Quotidie morior
Luigi Miradori
(dit Genovesino)
Cupidon
endormi
(vers 1652)
Museo civico Ala
Ponzone, Cremona
Domenico Fetti
Mélancolie
(vers 1614)
Musée du Louvre, Paris
Les trois devises des Memento mori
(ce que dit le crâne)
• J’étais ce que vous êtes. Vous
serez ce que je suis.
• Nil omne
• Mors omnia aequat
Admonition et « Memento mori »
Connais-toi toi-même
Mosaïque romaine antique
Rome, Museo Nazionale
«
Il
n'y
a
qu'un
problème
philosophique vraiment sérieux : c'est
le suicide. Juger que la vie vaut ou ne
vaut pas la peine d'être vécue, c'est
répondre à la question fondamentale
de la philosophie. »
(1942)
Zénon de Citium
(Fondateur du
Portique au IVème
siècle av. J.-C.)
« Il ne s’agit pas de vivre autant qu’on le peut, mais
autant qu’on le doit. »
Sénèque, Lettres à Lucilius
D.J. Fisher – Vous, que pensezvous de la vieillesse ?
B. Bettelheim – N’y arrivez pas !
Entretien avec David James Fisher,
Nouvelle Revue de Psychanalyse, 43,
1991
Bruno Bettelheim
(1903-13 mars 1990)
RAISONS DE VIVRE ET SUICIDE
• Facteurs de risque
• Facteurs de protection
• Raisons de vivre
– Histoire
– Memento mori
– Inventaire des raisons de vivre
Inventaire des raisons de vivre
The Reasons for Living Inventory
• M.M. Linehan, J.L. Goodstein, S.L. Nielsen, J.A.
Chiles (1983)
• Version canadienne-française 1996 (R.I. Labelle, L.
Lachance, M. Morval)
• Version française 1999 (I. Keizer, F. Guenot, A. MC
Quillan)
• Autoquestionnaire 10 à 20 minutes
• 48 items de 1 à 6
• Score global et score par sous-échelle (6)
• Objectif : identifier les croyances qui mènent une
personne à vivre et à ne pas commettre un geste
suicidaire
Inventaire des raisons de vivre
The Reasons for Living Inventory
• 6 sous-catégories
– Croyances en la survie et en ses capacités à
survivre (24)
• J’ai le courage de faire face à la vie
• Je crois que je peux trouver d’autres solutions à mes
problèmes
– Responsabilités envers la famille (7)
• Ma famille dépend de moi et a besoin de moi
– Préoccupations en rapport avec les enfants (3)
• Je veux voir mes enfants grandir
Inventaire des raisons de vivre
The Reasons for Living Inventory
• 6 sous-catégories
– Crainte du suicide (7)
• J’ai peur de l’acte concret de me tuer (la douleur, le
sang, la violence)
– Crainte de la désapprobation sociale (3)
• Les autres penseraient que je suis faible et égoïste
– Objections morales (4)
• J’ai peur d’aller en enfer
• Mes croyances religieuses me l’interdisent
Inventaire des raisons de vivre
The Reasons for Living Inventory
• 6 sous-catégories
– Raisons positives de vivre
• Croyances en la survie et en ses capacités à
survivre
• Responsabilités envers la famille
• Préoccupations en rapport avec les enfants
– Raisons négatives liées au suicide
• Crainte du suicide
• Crainte de la désapprobation sociale
• Objections morales
Inventaire des raisons de vivre
The Reasons for Living Inventory
– Deux populations (population tout venant
et population hospitalisée en psychiatrie)
– Deux groupes
• Suicidaires (TS et idées suicidaires)
• Non-suicidaires
– Différence significative entre les 2 groupes
• Surtout au regard des raisons positives
– La différence cesse d’être significative au
sein du groupe suicidaire entre TS et idées
suicidaires
INVENTAIRE DES RAISONS DE VIVRE POUR ADOLESCENTS MODIFIÉ
(Osman, Downs, Kopper, Barrios, Baker, Osman, Besset, Linehan, 1998)
(Traduction française: Labelle, Breton et Royer, 2006)
Imagine qu’une personne de ton âge pense à se suicider et se confie à quelqu’un. Ce questionnaire énumère des raisons
précises qu’une personne peut avoir de rester en vie lorsqu’elle pense à se suicider. Lis attentivement chacun des énoncés et
choisis le chiffre qui décrit le mieux quelle importance tu accordes à chacune de ces raisons de ne pas se suicider.
Utilise l’échelle ci-dessous et entoure le chiffre approprié à la droite de chaque énoncé. Considère toutes les possibilités de
réponses afin de ne pas choisir seulement les chiffres au milieu (2, 3, 4, 5) ou aux extrémités.
1=
Pas du tout
important
2=
Vraiment non
important
3=
Plutôt non
important
4=
Plutôt important
5=
Vraiment
important
6=
Extrêmement
important
1.Lorsque qu’on a un problème, on peut se tourner vers sa famille pour obtenir
du soutien et des conseils.
1
2
3
4
5
6
2. Ce serait douloureux et effrayant de s’enlever la vie.
1
2
3
4
5
6
3. On s’accepte tel qu’on est.
1
2
3
4
5
6
4. On a le goût de vivre plein de choses en vieillissant.
1
2
3
4
5
6
5. Les amis nous soutiennent quand on a un problème.
1
2
3
4
5
6
6. On se sent aimé et accepté par ses amis proches.
1
2
3
4
5
6
7. On se sent affectivement proche de sa famille.
1
2
3
4
5
6
8. On a peur de mourir, alors on ne pense pas à se tuer.
1
2
3
4
5
6
9. On s’aime comme on est.
1
2
3
4
5
6
10. Les amis se soucient beaucoup de nous.
1
2
3
4
5
6
11. On aimerait réaliser ses projets ou ses buts dans le futur.
1
2
3
4
5
6
12. La famille prend le temps d’écouter nos expériences à l’école, au travail ou à
la maison.
1
2
3
4
5
6
INVENTAIRE DES RAISONS DE VIVRE POUR ADOLESCENTS MODIFIÉ
(Osman, Downs, Kopper, Barrios, Baker, Osman, Besset, Linehan, 1998)
(Traduction française: Labelle, Breton et Royer, 2006)
13. On s’attend à ce que beaucoup de bonnes choses nous arrivent dans le futur.
1
2
3
4
5
6
14. On est satisfait de soi.
1
2
3
4
5
6
15. On espère réaliser ses projets ou ses buts dans l’avenir.
1
2
3
4
5
6
16. On croit que nos amis nous apprécient quand on est avec eux.
1
2
3
4
5
6
17. On aime être avec sa famille.
1
2
3
4
5
6
18. On pense être une personne bien.
1
2
3
4
5
6
19. On s’attend à réussir dans l’avenir.
1
2
3
4
5
6
20. La pensée de se tuer nous effraie.
1
2
3
4
5
6
21. On a peur de se tuer, quelque soit la méthode.
1
2
3
4
5
6
22. On peut compter sur ses amis pour être aidé si on a un problème.
1
2
3
4
5
6
23. La plupart du temps, la famille encourage et appuie nos projets et nos buts.
1
2
3
4
5
6
24. La famille se soucie de la façon dont on se sent.
1
2
3
4
5
6
25. L’avenir semble tout à fait encourageant et prometteur.
1
2
3
4
5
6
26. On a peur de se tuer.
1
2
3
4
5
6
27. Les amis nous acceptent tel qu’on est vraiment.
1
2
3
4
5
6
28. On a plusieurs projets qu’on a hâte de réaliser.
1
2
3
4
5
6
29. On se sent bien dans sa peau.
1
2
3
4
5
6
30. La famille se soucie beaucoup de ce qui nous arrive.
1
2
3
4
5
6
31. On est content de soi.
1
2
3
4
5
6
32. On serait effrayé ou apeuré de faire des plans pour se tuer.
1
2
3
4
5
6
INVENTAIRE DES RAISONS DE VIVRE POUR ADOLESCENTS MODIFIÉ
(Osman, Downs, Kopper, Barrios, Baker, Osman, Besset, Linehan, 1998)
(Traduction française: Labelle, Breton et Royer, 2006)
• Préoccupations en rapport avec l’avenir
• Responsabilité envers les amis
Revue québécoise de psychologie, vol. 24, no 1, 2003
CARACTÉRISTIQUES COGNITIVES DE JEUNES SUICIDANTS,
SUICIDAIRES ET NON SUICIDAIRES
Réal LABELLE André GAGNON
Université du Québec à Trois-Rivières Centre hospitalier Pierre-Janet
Monique SÉGUIN Lise LACHANCE
Université du Québec en Outaouais Université du Québec à Chicoutimi
Résumé
L’objectif de cette recherche est d’analyser les différences cognitives pouvant exister,
sur le plan des pensées dogmatiques, dévalorisantes et nihilistes, entre trois groupes de
jeunes de 15-24 ans : le premier groupe est composé de jeunes ayant fait, au cours de la
dernière année, une tentative de suicide relativement grave (les suicidants); le deuxième, de
jeunes ayant entretenu, dans la dernière année, des idéations suicidaires sérieuses, mais
sans passage à l’acte (les suicidaires); et le troisième, de jeunes ne présentant pas de
conduite suicidaire (les non-suicidaires). L’échantillon comprend 72 jeunes répartis en trois
groupes de 24 participants, appariés selon le sexe, l'âge, l’état civil, l'occupation et la
scolarité. Les moyennes des trois groupes sont comparées à l’aide des mesures portant sur
les croyances irrationnelles, l'estime de soi et les raisons de vivre. Les résultats, associés aux
analyses de variance paramétrique et non paramétrique, démontrent plusieurs différences.
Ces observations sont discutées dans le cadre de la psychologie clinique d'orientation
cognitive.
Mots clés : psychologie clinique, approche cognitive, conduites suicidaires, jeunes de 15-24
ans
Revue québécoise de psychologie, vol. 24, no 1, 2003
CARACTÉRISTIQUES COGNITIVES DE JEUNES SUICIDANTS,
SUICIDAIRES ET NON SUICIDAIRES
R LABELLE A GAGNON M SÉGUIN L LACHANCE
• Pensées dogmatiques (Albert Ellis)
– Un « univers d’absolutismes »
– « Il faut », « je dois », « je devrais », « j’aurais dû »
• Pensées dévalorisantes (Aaron Beck)
– Altération de l’estime de soi
• Pensées nihilistes (Viktor Frankl)
– Antinomiques des raisons de vivre
– La vie n’a pas d’intérêt ni de sens
Revue québécoise de psychologie, vol. 24, no 1, 2003
CARACTÉRISTIQUES COGNITIVES DE JEUNES SUICIDANTS,
SUICIDAIRES ET NON SUICIDAIRES
R LABELLE A GAGNON M SÉGUIN L LACHANCE
• 72 jeunes
• 15-24 ans
• Trois groupes
– Suicidants
– Suicidaires
– Non-suicidaires
• Variables étudiées
– Echelle des croyances irrationnelles
– Echelle de l’estime de soi
– Inventaire des raisons de vivre
Revue québécoise de psychologie, vol. 24, no 1, 2003
CARACTÉRISTIQUES COGNITIVES DE JEUNES SUICIDANTS,
SUICIDAIRES ET NON SUICIDAIRES
R LABELLE A GAGNON M SÉGUIN L LACHANCE
• 72 jeunes 15-24 ans
• Trois groupes
– Suicidants
– Suicidaires
– Non-suicidaires
• Variables étudiées
– Echelle des croyances irrationnelles
– Echelle de l’estime de soi
– Inventaire des raisons de vivre
• Un « style cognitif » distingue suicidaires (TS et
idées) des non-suicidaires par des pensées
– Plus dogmatiques
– Dévalorisantes
– Nihilistes
RAISONS DE VIVRE ET SUICIDE
• Facteurs de risque
• Facteurs de protection
• Raisons de vivre
– Histoire
– Memento mori
– Inventaire des raisons de vivre
• Trois remarques conclusives
Raisons de vivre et suicide
Conclusions (1)
• Raisons de vivre / Raisons de mourir :
Ambivalence
Hypnos
Bronze, vers 350 av J.-C.
British Museum
Hypnos et Thanatos portant le cadavre
de Sarpédon tué par Patrocle, sous le
regard d’Hermès psychopompe
Cratère à figures rouges
(vers 515 av. J.-C.)
New York, Metropolitan Museum of Art
« Le prototype même de la situation suicidaire
est celle d’un individu qui se tranche la gorge
tout en criant au secours, et est
authentiquement honnête vis-à-vis de luimême dans un acte comme dans l’autre.
L’ambivalence est l’état commun du suicide :
c’est le sentiment qu’il faut le commettre et
simultanément, l’espoir d’une intervention qui
l’empêchera. »
Edwin S. Shneidman
Le tempérament suicidaire
De Boeck & Belin, 1999, 126
Stendhal
Armance
1827, XXV
Octave :
« Pourquoi ne pas en finir? se dit-il
enfin; pourquoi cette obstination à
lutter contre le destin qui m'accable?
J'ai beau faire les plans de conduite
les plus raisonnables en apparence,
ma vie n'est qu'une suite de malheurs
et de sensations amères. Ce mois-ci
ne vaut pas mieux que le mois passé;
cette année-ci ne vaut pas mieux que
l'autre année; d'où vient cette
obstination à vivre? Manquerais-je de
fermeté? Qu'est-ce que la mort? se
dit-il en ouvrant la caisse de ses
pistolets et les considérant. Bien peu
de chose en vérité; il faut être fou
pour s'en passer. »
(…)
« Et l'homme qui pendant trois quarts
d'heure venait de songer à terminer sa
vie, à l'instant même montait sur une
chaise pour chercher dans sa
bibliothèque le tarif des glaces de
Saint- Gobain. »
Raphaël de Valentin envisageant de se
jeter dans la Seine: « Chaque suicide
est un poème sublime de mélancolie.
Où trouverez-vous, dans l'océan des
littératures, un livre surnageant qui
puisse lutter de génie avec cet
entrefilet : "Hier, à quatre heures, une
femme s'est jetée dans la Seine du haut
du pont des Arts." »
Le vieux marchand de curiosités :
« Avant d'entrer dans ce cabinet, vous
aviez résolu de vous suicider; mais
tout à coup un secret vous occupe et
vous distrait de mourir. Enfant ! »
Balzac
La peau de chagrin
(1831)
La vie sans mort ?
• « Imaginez la vie sans mort. De
désespoir, tous les jours on essaierait
de se tuer. »
(J. Renard, Journal, 1887-1910)
• Immortalité douloureuse (Juif errant) et
syndrome de Cotard
• Mieux vaut la mort qu’une vie sans fin
(Gulliver, Swift, Kafka, Borges,
Lacan…)
Raisons de vivre et suicide
Conclusions (2)
• Reasons for Staying Alive
• …When You Are Thinking of Killing Yourself
• Une raison de ne pas se suicider est-elle une
raison de vivre ?
• Vivre ≠ Ne pas se suicider
• Raison de vivre ≠ Désir de vivre
• Quand l’idée de suicide (antalgique,
anxiolytique, antidépressive) peut sauver du
suicide…
« Parfois vivement éclairé par quelque
circonstance futile et emporté par le
retentissement qu’elle provoque, je me
vois tout d’un coup pris au piège,
immobilisé dans une situation (un site)
impossible : il n’y a que deux issues (ou
bien…ou bien…) et elles sont toutes
également verrouillées : des deux côtés,
je ne peux que me taire.
L’idée de suicide, alors, me sauve, car je
puis la parler (et je ne m’en prive pas) : je
renais et colore cette idée des couleurs de
la vie, soit que je la dirige agressivement
contre l’objet aimé (chantage bien connu),
soit que je m’unisse fantasmatiquement à
lui dans la mort (« Je descendrai dans la
tombe, pour me blottir contre toi »). »
Seuil, 1977, 259-60
“Ce qui m’a sauvé, c’est l’idée de suicide. Sans l’idée
de suicide je me serais sûrement tué. Ce qui m’a
permis de vivre, c’est que j’avais ce recours,
toujours en vue. Vraiment, sans cette idée je n’aurais
pas pu supporter la vie. L’impression d’être coincé
ici, par je ne sais quoi. Pour moi, l’idée de suicide est
toujours liée à l’idée de liberté.”
Emil CIORAN
(1911-1995)
Entretien
« Le suicide, comme le
plus court chemin de soi
à soi.
Un journal, comme
mise à distance de soi à
soi. »
Jean Clair
Journal atrabilaire
Gallimard, 2006, 20
•
« Examinant les conditions dans lesquelles Cléopâtre, reine
d’Egypte, a mis fin à ses jours, je suis frappé par le contact de ces
deux éléments: d’une part le serpent meurtrier, symbole mâle par
excellence – d’autre part les figues [l'aspic, selon Plutarque, aurait été
placé dans une corbeille de figues, dissimulé sous des feuilles] sous
lesquelles il est dissimulé, image courante de l’organe féminin. Sans
chercher à y voir autre chose qu’une coïncidence, je ne puis
m’empêcher de noter avec quelle exactitude cette rencontre de
symboles répond à ce qui est pour moi le sens profond du suicide:
devenir à la fois soi et l’autre, mâle et femelle, sujet et objet, ce qui est
tué et ce qui tue – seule possibilité de communion avec soi-même. (…)
Châtiment qu’on s’inflige afin d’avoir le droit de s’aimer trop soi-même,
telle apparaît donc, en dernière analyse, la signification du suicide. »
Michel Leiris L’âge d’homme [1939] Galimard, Folio, 1993, 141-2
•
« Le suicide, comme le plus court chemin de soi à soi. »
Jean Clair Journal atrabilaire Gallimard, 2006, 20
•
« Le suicide est le seul acte qui puisse réussir sans ratage. »
Jacques Lacan Télévision Seuil, 1974, 66-7
« L’aide que m’apporta, dans cette période difficile, l’histoire d’Emma,
ou, plutôt, la mort d’Emma est inestimable. Je me rappelle avoir lu ces
jours-là, avec une angoissante avidité, l’épisode de son suicide, avoir
recouru à cette lecture comme d’autres, en pareilles circonstances,
recourent au prêtre, à la cuite ou à la morphine, et avoir retiré à chaque
fois, de ces pages déchirantes, consolation et équilibre, répugnance
du chaos, goût pour la vie. La souffrance fictive neutralisait celle que
je vivais.(…) Emma se tuait pour que je vécusse. »
Raisons de vivre et suicide
Conclusions (3)
• Donner des raisons de vivre…
– aussi fructueux que « la distribution, en
période de famine, de menus à des
affamés » (Freud) ?
– Cura animarum, direction de conscience,
traitement moral
– Une « rude tâche »…
Ferdinand Hodler (1853-1918)
Fatigués de la vie (1892)
Nouvelle Pinacothèque de Munich
« En les peignant dans des tons blancs, je les ai
déjà situés dans l’autre monde. »
« Une rude tâche que de lancer : « Courage ! » quand on
est sur le rivage à quelqu’un qui se noie, ce qui équivaut à
une insulte, mais, et la preuve en a été faite à
d’innombrables
reprises,
si
l’encouragement
est
suffisamment opiniâtre – et le soutien également fervent et
impliqué – la personne en péril peut dans la grande
majorité des cas être sauvée. (…)
Cela peut exiger de la part des autres un dévouement quasi
religieux pour convaincre les victimes que la vie vaut la
peine d’être vécue, ce qui souvent est en conflit avec le
sentiment qu’elles ont de leur propre inutilité, mais ce
genre de dévouement a empêché d’innombrables
suicides. »
William Styron
Face aux ténèbres. Chronique d’une folie
[Darkness visible. A memoir of madness]
Folio, 2005, 118
Groupe de Chateaubourg
ETUDE DES RAISONS DE VIVRE
CHEZ LES PATIENTS SUICIDAIRES