2000 - Cerimes
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Conférence « Scientifique » FGSM2
Lundi 16 Décembre 2013
Baclofène et Alcoolo-Dépendance
Une prescription hors AMM sous tension
J.SCALA-BERTOLA – N.GAMBIER
Service de Pharmacologie clinique - Toxicologie
UMR 7365 CNRS - IMoPA
Faculté de Médecine de Nancy
Conflits d’intérêt
Baclofène - AMM
• Indications
– Contractures spastiques
• Posologie
– 30 à 75 mg/j jusqu’à 100 à 120 mg/j
• Débuter à 5mg 3x/j
• Augmenter de 5mg 3x/j tous les 3 jours
• Pharmacodynamie
– Agoniste GABA-B
Baclofène - AMM
Un Sujet d’actualité…
…Un Débat passionné
ALCOOL
•
•
•
•
1ère substance psychoactive consommée
Usage problématique : 10 % Adultes (~4.106)
Alcoolo-dépendance : 4-5% Adultes (~2.106)
Hospitalisations
– 110 000 : lien direct
– 1,3.106 : lien indirect
• Décès : 40 000/an
– 3ème cause de Mortalité
Lettre ouverte du Pr Bernard Granger à L’AFSSAPS
Cher Philippe Lechat, cher collègue,
J’ai bien reçu votre courrier du 23 mars, qui m’a profondément déçu.
Je vous demande toujours d’organiser une réunion d’experts
dépourvus de conflits d’intérêts pour actualiser votre communiqué de
juin 2011 sur le baclofène.
Alors que je vous rappelais l’urgence de faciliter la prescription du
baclofène à des malades atteints d’une maladie mortelle, vous me
parlez encore d’études en double aveugle et de contrôles
supplémentaires.
Vous connaissez sans doute la boutade « Les statistiques, c’est pour les
losers », qui illustre chez les pharmacologues l’intérêt limité des
études contrôlées pour les médicaments dont l’action est évidente.
Toutes les études disponibles convergent pour montrer un taux de
succès du baclofène dans l’alcoolisme au moins deux fois supérieur à
celui obtenu habituellement sous placebo. L’efficacité en ouvert est
d’au moins 50%, probablement plus. Dans l’essai en double aveugle
contre placebo du professeur Jaury, l’hypothèse est un taux de
réponse de 50% des patients sous baclofène à doses croissantes
jusqu’à 300 mg par jour. Je vous joins la dernière publication parue sur
le baclofène.
Si vous deviez évaluer un traitement qui guérit 20% des cancers du
pancréas, oseriez vous imposer des années d’attente aux malades
pour réaliser des études contre placebo ou traitement (inactif) de
référence ?
Il y a un moment où vos procédures doivent céder le pas à votre
éthique de médecin. Des dizaines de malades meurent tous les mois
parce que la prescription de baclofène est découragée par vos
services. Vous n’ignorez pas non plus qu’il y a dans le code pénal un
article qui concerne la non assistance à personne en danger (Article
223-6).
Cette inertie, cette lenteur coupable à acter l’évidence est liée, vous le
savez comme moi, d’une part aux nombreux conflits d’intérêts (avec
des molécules concurrentes) de certains des experts qui ont élaboré la
recommandation très contestable que vous avez mise en avant,
d’autre part au traumatisme subi par l’Afssaps lors de l’affaire du
Médiator. Il y aura hélas demain une affaire baclofène et vous serez
directement accusé ainsi que monsieur Maraninchi, directeur général
de l’Afssaps, et monsieur Xavier Bertrand, ministre de la Santé, que j’ai
alertés l’un et l’autre dès juin 2011. Retarder l’usage d’une molécule
indispensable peut être aussi grave que de laisser commercialisée une
molécule dangereuse. En nombre de morts, l’affaire baclofène risque
d’être bien pire que le scandale du Médiator.
Vous ne devez pas sous-estimer la détermination des médecins et des
patients qui voient chaque jour les succès du baclofène dans
l’alcoolisme. Je ne lâcherai pas cette affaire et en l’absence de réaction
très rapide de vos services, j’utiliserai tous les moyens disponibles
pour mettre en évidence la faillite de l’Agence et du ministère de la
Santé dans cette affaire.
Réponse de M. Lechat à Bernard Granger
Cher Collègue
Certains termes de votre mail sont peu admissibles, injustes et désobligeants, je ne
les commenterai pas.
Sur le fond du sujet baclofène, ma réponse est dans un premier temps la suivante :
Le message des équipes de l’évaluation de l’agence que je vous ai adressé et que j’ai
signé n’a d’autre objectif que de rappeler que les AMM sont attribuées à partir de
données scientifiques démonstratives du rapport bénéfice / risque favorable d’un
médicament dans une indication donnée et soumises par un laboratoire
pharmaceutique sous un format bien standardisé.
Nous n’en sommes pas encore là avec le baclofène dans l’indication du traitement
de la dépendance alcoolique, même si les premiers résultats obtenus sont très
prometteurs. En effet, comme vous le savez très bien, habituellement (sauf
exceptions, notamment dans les maladies rares), ce sont les essais cliniques
contrôlés qui permettent d’établir que le rapport bénéfice / risque d’un médicament
peut justifier d’une AMM dans une indication donnée. Ceci étant, des études
épidémiologiques solides, réalisées à grande échelle et fournissant des résultats
cohérents, de manière reproductible et convaincants peuvent fournir dans certains
cas la base de la démonstration et de l’évidence scientifique et médicale d’une
nouvelle indication thérapeutique.
Nous n’y sommes donc pas opposés par principe, mais la méthode de référence
reste l’évaluation par les essais cliniques contrôlés (versus traitement de référence
quand il existe et versus placebo dans le cas contraire).
De plus, une agence de régulation sanitaire ne peut statuer sans qu’un industriel
ayant le statut d’établissement pharmaceutique dépose un tel dossier qui sera
soumis à évaluation, comme il se doit. Face à un problème aussi important en
termes de santé publique qu’est la dépendance à l’alcool, il est évident qu’un tel
dossier devra être utilisable par d’autres autorités sanitaires notamment
européennes pour que les patients des autres pays que la France puissent bénéficier
d’un tel progrès thérapeutique, comme il semble être raisonnablement espéré dans
le cas présent d’après les premiers résultats rapportés des premières études
observationelles. Le dossier doit donc être solide et répondre aux normes
réglementaires de dépôt d’un dossier d’AMM en 2012.
Un tel dossier de demande d’AMM doit donc être obligatoirement déposé par un
laboratoire pharmaceutique qui devra apporter les éléments de
qualité/efficacité/sécurité permettant de déterminer les conditions d’utilisation du
médicament dans l’indication visée, à savoir en particulier la dose, le rythme des
administrations, la durée du traitement, les traitements associés possibles ou non,
les conditions de surveillance, les effets indésirables etc. sans oublier les garanties de
qualité de la présentation galénique proposée si elle est différente de celle
actuellement sur le marché (stabilité en particulier, conditions de conservations etc).
Les données des études cliniques actuellement réalisées devront donc être
transmises à un laboratoire pharmaceutique qui devra en garantir la qualité (elles
sont susceptibles d’être inspectées par les équipes des inspecteurs de l’agence). De
plus, le laboratoire pharmaceutique, titulaire de cette future AMM devra assurer le
suivi en termes d’efficacité et surtout de sécurité du médicament une fois cette
nouvelle indication obtenue avec notamment les rapports périodiques de sécurité
(PSURS), voire des études complémentaires qui seront demandées dans le cadre du
plan de gestion des risque, comme c’est le cas habituellement pour les nouvelles
AMM. Ces données de sécurité seront particulièrement importantes à obtenir
compte tenu des fortes doses préconisées du baclofène dans le traitement du
sevrage alcoolique et de la longue durée a priori d’un tel traitement.
Dans l’attente de ces données et du dépôt d’un tel dossier d’AMM en bonnes et
dues formes, nous verrons si nous pourrons envisager la possibilité d’obtenir avec
l’un des laboratoires commercialisant le baclofène (laboratoire du princeps ou de
l’un des génériques) et une fois obtenu un niveau suffisant de données scientifiques
(basées sur les premières données de pharmaco-épidémiologie dans un premier
temps), un protocole de type RTU (Recommandations Temporaires d’Utilisation) qui
pourrait encadrer la prescription hors AMM actuelle du baclofène (et à des doses
nettement supérieures à celles de l’AMM actuelle). La nouvelle loi sur le
médicament nous offre cette possibilité d’encadrement du hors AMM. Une réunion
d’experts pourra être utile dans ce cadre avec cet objectif une fois que les conditions
en seront réunies. Je ne manquerai pas de vous tenir au courant bien entendu. Le
risque serait qu’avec une RTU le temporaire dure longtemps?.
Par ailleurs, avez-vous soumis, comme je vous l’ai conseillé de le faire lorsque nous
nous étions rencontrés à l’agence il y a peu de temps, votre projet d’étude clinique
épidémiologique de suivi d’efficacité du baclofène dans le traitement de la
dépendance à l’alcool à l’appel d’offres proposé par l’AFSSAPS sur la pharmacoépidémiologie autour de la sécurité d’emploi des médicaments ? Ses résultats
pourront contribuer à la constitution du dossier d’une RTU puis d’une AMM.
Le protocole de recherche biomédicale du Pr Jaury, que vous citez et qui bénéficie
d’un PHRC pour son financement, a été déposé à l’AFSSAPS pour obtenir son
autorisation. Ce dossier est en cours d’évaluation par les équipes de l’agence.
Résumé des Épisodes Précédents…
Des études pré-cliniques contradictoires…
• 1980 : Tarika et Winger
– Baclofène/Sevrage : ↔
• 1987 : Daoust et al.
– Baclofène Faible dose : Alcool
• 1991 : File et al.
– Baclofène Faible dose/Sevrage : Anxiété/Tremblements
• 1992 : Smith et al.
– Baclofène Forte dose : Alcool
• 1994 : Humenuik et al.
– Baclofène/Sevrage : ↔
• 1996 : Tomkins et Fletcher
– Administration centrale : ↔ Alcool
2000 : Colombo et al.
Étude pré-clinique menée chez le rat
2000 : Colombo et al.
Étude pré-clinique menée chez le rat
Effet sur le sevrage
Baclofène
n=8
0 mg/kg
10 mg/kg
20 mg/kg
40 mg/kg
2000 : Colombo et al.
Étude pré-clinique menée chez le rat
1x/j – 14j
n=7
0 mg/kg
2,5 mg/kg
5,0 mg/kg
10 mg/kg
2000 : Addolorato et al.
Étude clinique ouverte (n=9)
2000 : Addolorato et al.
Étude clinique ouverte (n=10)
• Critères d’exclusion
–
–
–
–
Atteintes sévères : Foie, rein, cœur, poumon
Psychopathologies traitées par médicaments psycho-actifs
Épilepsie
Addiction polymédicamenteuse
• Méthodologie
– Administration orale : 15 mg/j pdt 3j puis 30 mg/j pendant 27j
• Surveillance par un proche
– Acohol Craving Scale Questionnaire (Score 0-14) : T0, T1-T4
– Consommation d’EtOH
– Paramètres biologiques : EtOH, ASAT, ALAT, GGT, VGM
2000 : Addolorato et al.
Étude clinique ouverte (n=10)
• Résultats
– 1 Sortie d’étude
– 2 Non abstinents
• Conso dès la 1ère semaine et stable les suivantes
– 7 Abstinents après 3 mois
• 2 rechutes mineures occasionnels
Abstinents
Non Abstinents
Vos trouvailles…
2005 : Ameisen O
Publication de sa propre expérience
2005 : Ameisen O
Publication de sa propre expérience
• Quelques pistes de lecture :
– Quelle est l'originalité de cet article ?
– Quelles en sont les limites ?
– Quels sont les autres traitements de l'alcoolodépendance évoqués dans cet article ?
– Quelles sont les doses évoquées par l'auteur ?
– Quelles sont les informations que vous retiendrez de
cet article ?
Résumé des épisodes suivants...
2008 : Parution du Livre d’Olivier Ameisen
« Le dernier verre » / « The last glass »
+44%
+10%
+27%
+19%
2011 : AFSSAPS - Point d’information
2012 : AFSSAPS - Autorisation des études
« BACLOVILLE » et « ALPADIR »
Des Publications…
• Addolorato et al., 2002. Baclofen Efficacy in reducing alcohol craving
and intake: a preliminary double-blind randomized controlled study.
• Addolorato et al., 2007. Effectiveness and safety of baclofen for
maintenance of alcohol abstinence in alcohol-dependent patients with
liver cirrhosis: randomised, double-blind controlled study.
• Garbutt et al., 2010. Efficacy and Safety of baclofen for alcohol
dependence: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial.
• Addolorato et al., 2011. Dose-response effect of baclofen in reducing
daily alcohol intake in alcohol dependence: secondary analysis of a
randomized, double-blind, placebo-controlled trial.
• De Beaurepaire et al., 2012. Suppression of alcohol dependence using
baclofen: a 2-year observational study of 100 patients.
• Rigal et al., 2012. Abstinence and « low-risk » consumption 1 year
after the initiation of high-dose baclofen: a retrospective study among
« high-risk » drinkers.
Des Publications…
• Garbutt et al., 2010. et Addolorato et al., 2011.
– Posologie :
• Garbutt et al. : 30 mg/j pdt 12 semaines (44/36)
– 22 Placebo / 22 30mg/j - 18 Placebo / 18 à 30mg/j
• Addolorato et al. : 30 ou 60 mg/j pdt 12 semaines
– 14 Placebo / 14 à 30mg/j / 14 à 60mg/j
– Population
• DSM IV, Résistance aux autres traitements
• Critères d’exclusion
– Pathologies psychiatriques (psychose, dépression, idées suicidaires)
– Médicaments psychotropes
– Efficacité du baclofène
• Garbutt et al. : NON / Addolorato et al. : OUI
– Effets indésirables
• Modérés : Maux de tête, fatigue, somnolence, TGI
• De Beaurepaire et al., 2012.
– Notion de volonté, Facteurs psychologiques, environnement (familial)
• Facteurs d’inclusion ?
X
51%
66%
…Et Maintenant ?
…Et Maintenant ?
…Et Maintenant ?
• Études en cours
– Alpadir : 180 mg/j
– Bacloville : 300 mg/j pdt 1an
• Morley et al., 2013. The efficacy and
biobehavioural basis of baclofen in the treatment
of alcoholic liver disease (BACALD): Study
protocol for a randomised controlled trial.
– 30 ou 75 mg/j pdt 12 semaines
• Vers une RTU
« Le cœur a ses raisons que la
raison ne connaît pas »
Blaise PASCAL