Anesthésie Loco-Régionale et Secours en Montagne

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Anesthésie Loco-Régionale et
Secours en Montagne
Sébastien MORY
Nicolas PELLETIER
Diplôme Inter-Universitaire de médecine et d’urgence en montagne
Septembre 2011
Introduction
• ALR= utilisation quotidienne (bloc, SAMU, urgences,…)
• Succès croissant (effets bénéfiques, amélioration des
techniques, du matériel,…)
• Techniques échoguidées +++
• Miniaturisation des appareils et de leur coût
• Développement plus récent aux urgences et préhospitalier
Conférence de consensus SFAR/SFMU/SAMU 2002 sur ALR par des
non AR
• Application de ces techniques aux secours en montagne
mais problèmes spécifiques à prendre en compte (terrain,
climat,…)
Sommaire
• Toxicité des AL et prise en charge de leur
complication
• Enquête de pratique sur l’ALR par les
médecins pratiquant le secours en montagne
Quelques rappels de pharmaco…Et oui!
• AL de type amide
• Mécanisme des AL: blocage des canaux sodiques
transmettant l’influx nerveux
• Action des AL au niveau de leur site injection
• Concentration locale responsable de l’effet observé
• AL= liaison protéique importante. Tout facteur
diminuant la liaison protéique augmente la toxicité
des AL par augmentation de la fraction libre.
• Résorption= étape importante de leur élimination
dépendant de la vascularisation du site (scalp < bloc
intercostal < bloc fémoral, ilio-fascial)
Toxicité des AL: toxicité systémique
• Accidents toxiques des AL = résorption plasmatique
massive (dose unique trop élevée/doses cumulées
trop élevées) ou à leur administration accidentelle
intravasculaire.
• D'autant plus grave que l'AL est puissant et que
l'élévation de la concentration plasmatique est
rapide et importante.
• Les effets dépendent de la toxicité du produit utilisé,
de la dose administrée, de la vitesse et du site
d'injection.
Toxicité nerveuse centrale
• Tous les AL peuvent être responsable d'une toxicité neurologique; elle se
manifeste généralement par des prodromes suivis par des convulsions, et à
un stade plus ultime par un coma associé à une dépression
cardiorespiratoire.
• Prodromes : attention, parfois masqués par une sédation trop importante
– Signes subjectifs: paresthésies, fourmillements des extrémités,
céphalées en casque ou frontales, goût métallique dans la bouche,
bourdonnement dans les oreilles, malaise général avec angoisse,
étourdissement, sensation ébrieuse, vertiges, logorrhée, hallucinations
visuelles ou auditives.
– Signes objectifs: pâleur, tachycardie, irrégularité respiratoire, nausées,
vomissements, confusion voire absence, empâtement de la parole,
nystagmus, fasciculations au niveau des lèvres ou de la langue.
– Conduite à tenir: arrêt immédiat de l'injection, patient en décubitus
dorsal et vérification du matériel de ventilation préparé et à proximité
immédiate (ballon auto-remplisseur branché sur l'oxygène), pour
certains administration d'anticonvulsivants type benzodiazépines à visée
préventive.
Toxicité nerveuse centrale
• Aspects cliniques:
– Crise généralisée tonico-clonique de type grand mal
associée à des troubles neurovégétatifs: tachycardie, HTA,
sudation, mydriase.
– Etat de mal épileptique
– Crises partielles complexes possibles
– Attaque de panique, sensation de mort imminente
(attribuée à des décharges hippocampiques)
– Conduite à tenir: arrêt de l'injection, oxygénation et
contrôle des voies aériennes, administration
d'anticonvulsivant, discussion de l'administration
d'intralipides.
Toxicité cardiaque
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•
Survient généralement après les manifestations neurotoxiques, sauf pour la
Bupivacaïne où elle peut les préceder.
Manifestations:
– Troubles de la conduction intraventriculaire avec élargissement du QRS
– Troubles du rythme à type de tachycardie ventriculaire, torsade de pointe,
bradycardie extrême.
Facteurs aggravant la cardiotoxicité des AL : hypoxie, hypercapnie, acidose,
hyperkaliémie, hyponatrémie, grossesse, hypothermie, traitement par béta bloquant,
anti arythmique de classe I, inhibiteur calcique.
Intoxications à la Bupivacaïne = arrêt cardio-circulatoire de réanimation
particulièrement difficile.
La réanimation d'un arrêt cardio-circulatoire lié aux AL est similaire à la prise en
charge conventionnelle recommandée. Toutefois, aucun des anti-arythmiques
habituellement préconisés ne doit être utilisé.
Injections lentes et fractionnées = indispensable pour prévenir ces accidents
potentiellement gravissimes.
Intoxication aux AL
• Tous les AL peuvent être responsable d'une
intoxication grave.
• Les accidents cardiaques (rares) = passage massif
dans la circulation de doses toxiques d'AL soit par
injection directe (de survenue précoce), soit par
résorption d'une quantité importante (entre la 5ième
et la 50 ième min).
• Tous les AL n'ont pas la même toxicité, par ordre
croissant: Lidocaïne=mépivacaïne < ropivacaïne < Lbupivacaïne < Bupivacaïne.
Intoxication aux AL-prévention
• Ne pas dépasser les doses maximales préconisées (cf ci-dessous)
• Eviter l'hypoxémie (O2 systématique pour toute ALR), l'hypercapnie et
l'acidose
• Règles de précaution à l'injection: tests d'aspiration répétés, injection
lente, petites doses répétées ; faire une dose test.
• Utiliser des solutions faiblement concentrées
• Utilisation des agents les moins cardiotoxiques
• Toujours garder un contact verbal pendant le geste
• Surveiller le patient pendant l'injection et les 60 min qui suivent
• Dès l'apparition de prodromes:
– Arrêt de l'injection en cours
– Oxygéner le patient
– Injection de 0,1 mg/kg de midazolam pour éviter ou traiter la crise
convulsive, qui précède en général l'arrêt cardiaque
Dose maximale d’AL (SFAR)
Agent
Lidocaïne
(Xylocaïne®)
Mépivacaïne
(Carbocaïne®)
Ropivacaïne
(Naropéïne)
Dose max
Présentation
(sans adré)
Dose max
(avec adré)
1-2%
300 mg
(5 mg/kg)
500 mg
(7 mg/kg)
1-2%
400 mg
(5-6 mg/kg)
0,2-0,75-1%
150 mg
(3 mg/kg)
Intoxication aux AL-Traitement
• Oxygénation immédiate avec si besoin intubation orotrachéale et hyperventilation pour compenser l’hypoxémie et
l'acidose qui peut survenir après une crise convulsive et
majorer les difficultés de réanimation.
• Si besoin, traitement d'une crise convulsive par midazolam ou
thiopental (200 mg max)
• Injection d'atropine si bradycardie
• Massage cardiaque externe en cas d'arrêt cardio-circulatoire
ou d'inefficacité cardiaque, poursuivi aussi longtemps que
nécessaire (réanimation prolongée)
• Adrénaline à faibles doses (5-10 µg/kg) en bolus successifs en
augmentant prudemment les doses, les petites doses étant
souvent plus efficaces que les grosses.
• Défibrillation si FV ou TV mal tolérée.
• Perfusion d‘émulsion lipidiques
Un petit mot sur les émulsions
lipidiques…
• Mécanisme:
– chélation des molécules d’AL par les goutelettes lipidiques =>
diminution fraction libre => libération des sites de fixation cardiaque
(vitesse de fixation corrélé à la lipophilie de l’AL)
– Effet inotrope positif direct des EL??
• Délai d’administration:
– reco = uniquement arrêt cardio-circulatoire lié aux AL
– Pour certains = utililisation plus large et plus précoce (convulsions,
trouble du rythme)
– Problème: effets potentiellement toxique des EL non étudiés aux
posologies recommandées (HTAP, baisse inotropisme, élévation des
RVS,…)
– Au total: intox neuro pour AL de courte durée d’action => études
nécessaires. Pour les AL de longue durée d’action, bénéfice des EL
semble supérieure aux effets secondaires graves.
Un petit mot sur les émulsions
lipidiques…
• Posologies:
– ACR: Bolus de 3 mL/kg d’EL à 20% (SFAR) +/- dose
supplémentaire si nécessaire
– Entretien?
• Type d’EL:
– Reco: Intralipid®(émulsion contenant des
triglycérides à chaines longues) reste
recommandée en raison du nombre d’études. Pas
d’argument pour écarter les émulsions à
triglycérides à chaines moyennes (Médialipid®)
Matériel et Méthodes
• Enquête de pratique
• A l’aide d’un questionnaire informatisé
• Utilisation d’une base de données d’adresses électroniques:
– la plus exhaustive possible, grâce au listes de diffusion existantes au sein du
réseau de l’Association Nationale des Médecins et Sauveteurs en Montagne
(ANMSM). De plus, il a été demandé à chaque participant de faire suivre le
questionnaire à tous ses contacts médecins ayant une activité de secours en
montagne.
– 86 adresses électroniques de médecins pratiquant le secours en montagne
• Un questionnaire sous forme d’enquête de pratique, comprenant 26 items
a été élaboré
• Ce dernier a été envoyé à l’aide du logiciel « Google Docs », au mois de
mai 2011, à toutes les adresses électroniques récoltées dans la base de
donnée
• Un rappel a été émis en juin 2011
Résultats
• Population étudiée, fréquence de réalisation
d’ALR:
• 38 réponses:
– 27 (soit 71%) médecins urgentistes
– 10 (soit 26%) médecins anesthésistes
– 1 (soit 3%) d’une autre spécialité.
• 76% des médecins (n=29) déclarent réaliser
des anesthésies locorégionales lors de secours
en montagne, avec les fréquences suivantes :
Résultats
• Non réalisation d’ALR:
• Les 24% qui déclarent ne pas réaliser d’anesthésie
locorégionale en secours en montagne, le font pour les
raisons suivantes : conditions environnementales souvent
incompatibles avec l’ALR, pas le temps, pas de formation,
réalisation trop contraignante, pas de possibilité de
monitorage, autre (problème d’asepsie, efficacité trop
aléatoire).
Résultats
• Circonstances, types de traumatisme:
Résultats
• Circonstances, types de traumatisme:
Résultats
• Types de blocs
• Les participants qui
connaissent l’ALR
déclarent savoir réaliser
les blocs suivants :
Mais ils ne réalisent que les blocs suivant en
secours en montagne :
Résultats
• Substances utilisées
– Lors de ces interventions, tous les participants
utilisent plus ou moins fréquemment des
analgésiques systémiques en complément.
Résultats
• Matériel utilisé:
• Sans prendre en compte les blocs ilio-fasciaux, 35% des répondants
déclarent ne pas utiliser de neurostimulateur. Les autres en utilisent
un toujours dans 53% des cas, parfois dans 12% des cas
• Hors secours en montagne, 31% des interrogés utilisent un
échographe pour leurs ALR (9% toujours, 6% souvent, 16% parfois),
alors que dans les conditions de secours en montagne, ils ne sont
que 6% (3% toujours, 0% souvent, 3% parfois)
• Parmi les interrogés, 44% (n=16) pensent que la pratique de l’ALR
échoguidée peut se développer en montagne. Les autres pensent le
contraire, avec les arguments suivant (plusieurs réponses
possibles) : appareil trop encombrant (36%), conditions
environnementales souvent incompatibles (44%), défaut de
formation (14%), coût des appareils trop élevé (17%).
Résultats
• Recommandations de bonnes pratiques:
• Lors de la réalisation d’ALR en montagne, 48% des participants monitorent
toujours le patient ; 26% souvent, 26% parfois, et aucun ne monitore
jamais.
• 92% des interrogés connaissent les signes d’une intoxication aux
anesthésiques locaux.
• Parmi ceux qui pratiquent l’ALR, 19% ont déjà été confrontés à une
intoxication au AL, mais aucun lors de leurs secours en montagne.
• 82% des médecins interrogés qui pratiquent l’ALR connaissent les moyens
de prévention des risques liés à la toxicité des anesthésiques locaux. Ils
sont 88% à connaître la prise en charge de ces intoxications, mais
seulement 3% disposent dans leur matériel disponible d’une solution
d’intralipides.
Résultats
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Recommandations de bonnes pratiques:
57% des médecins interrogés qui pratiquent l’ALR informent systématiquement le
patient du déroulement de la procédure, 20% le font souvent, 17% parfois et 7%
jamais.
Lors de cette information, les médecins évoquent les complications et risques
potentiels systématiquement (10%), souvent (19%), parfois (26%) ; 45% n’abordent
jamais ces risques avec le patient.
En pratique, les médecins ne rapportent aucune complication rencontrée au
décours d’une ALR réalisée lors d’un secours en montagne.
Avant la réalisation d’une ALR en montagne, 61% des médecins effectuent
systématiquement un examen neurologique complet du membre concerné ; 16%
le font souvent, 16% parfois, et 6% ne le font jamais.
Lorsqu’ils réalisent cet examen neurologique, ils ne sont que 41% à le consigner
dans le dossier systématiquement, 31% souvent ; 28% parfois et 0% jamais.
Résultats
• Protocolisation de la pratique:
• Parmi tous les médecins interrogés, 32% ont
connaissance dans leur unité de travail de
l’existence de protocoles ou procédures sur la
réalisation d’anesthésie loco-régionale ; 53%
déclarent qu’ils n’existent pas de tels
protocoles dans leur unité de travail, 13% ne
savent pas.
Discussion
• 3/4 des médecins interrogés réalisent des anesthésies locorégionales lors de secours en montagne. (le plus souvent lors
d’un accident de ski)
• 3/4 des cas une fracture de fémur (blocs ilio-fascial et
fémoral)
• 1/3 des répondants n’utilisent pas de neurostimulateur (hors
bloc ilio-fascial): appareil non dispo?, mais cette pratique est
contraire aux recommandations sur la pratique et la sécurité
en ALR
• échographes encore anecdotiques
Discussion
• ½ n’utilisent pas systématiquement un système de
monitorage de la fréquence cardiaque et du scope
• 9/10 connaissent les signes d’une intoxication aux
anesthésiques locaux, 88% connaissent le traitement, mais les
solutions d’intralipide, qui restent le traitement de référence
sont quasiment absentes des sacs de secours
• La réalisation d’un examen neurologique systématique avant
une ALR est aussi à encourager car effectuée par moins de 2/3
• promouvoir la réalisation de protocoles écrits, encore absents
dans 2/3 des cas