UE – Aides d`Etat (Art. 107 et ss TFUE)

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Fiscalité des entreprises: enjeux et perspectives
La Suisse et l’Union européenne
Prof. Dr. Robert Danon
Professeur ordinaire de droit fiscal à l’Université de Lausanne (Droit & HEC)
Directeur de l’Executive Master of Advanced Studies in International Taxation
www.hec.unil.ch/masit
Email: [email protected]
Union européenne - Aperçu
Tendances au niveau des régimes fiscaux existant au sein de l’UE
Recommandation du 6.12. 2012 concernant la planification fiscale agressive
(coordination avec les travaux BEPS menés par l’OCDE)
Concurrence fiscale dommageable
•Travaux récents du groupe de travail du Groupe du Code de Conduite
•Recommandation du 6.12.2012 concernant les normes minimales de bonne
gouvernance à l’égard des Etats tiers
•Evolution des principes régissant les aides d’Etats
UE – Planification fiscale agressive
Durcissement des règles anti-abus spécifiques (notamment législation CFC en
accord avec les travaux de l’OCDE, application toutefois limitée à l’intérieur de l’UE selon
Cadburry Schweppes, aff. C-196/04)
Introduction d’une règle anti-abus générale (« GAAR »), cf. recommandation du
6.12. 2012
A plus long terme, assiette commune consolidée (CCCTB) en tant que moyen de
lutter contre la planification fiscale agressive ?
Le projet de directive CCCTB prévoit des règles CFC à l’égard des filiales des Etats
tiers lorsque, notamment, la filiale (i) dispose d’au moins 30% de revenus passifs (y
compris redevances); (ii) est soumise à un impôt sur le bénéfice inférieur à 40% du taux
européen moyen (NB: à 70% selon le Parlement européen )
UE - Concurrence fiscale dommageable
Code de conduite
Normes minimales de bonne
gouvernance (États tiers)
Aides d’État
UE – Code de conduite
 Critères pour identifier les mesures dommageables
•
Niveau d’imposition effective nettement inférieur au niveau général du pays concerné;
•
Avantages fiscaux réservées aux non-résidents;
•
Incitations fiscales en faveur d'activités qui n'ont pas trait à l'économie locale, de sorte
qu'elles n'ont pas d'impact sur l'assiette fiscale nationale;
•
Octroi d'avantages fiscaux même en l'absence de toute activité économique réelle;
•
Règles pour la détermination des bénéfices des entreprises faisant partie d'un groupe
multinational qui divergent des normes généralement admises au niveau international,
notamment de celles approuvées par l'OCDE;
•
Manque de transparence des mesures fiscales.
UE – Code de conduite
 Rapport du 4.12.2012 à ECOFIN concernant le « Work Package
2011 »
•
Préparation d’une instruction (« Guidance note ») concernant notamment les régimes
prévoyant une imposition privilégiée des redevances et intérêts: «The Group
continued its work on the preparation of guidance notes for regimes offering
beneficial treatment to interest, royalties, intermediate companies and special
economic zones. Whilst noticing that past assessments should not be affected, the
Commission provided the Group with a proposal for general guidance or application
notes for future use, based on characteristics and elements which indicate
that a tax measure may be harmful when fully considered against the
criteria in the Code »
UE – Etats tiers (bonne gouvernance fiscale)
 Recommandation de la commission du 6.12.2012
•
Critères analogues à ceux du code de conduite
•
Les Etats membres tiennent compte des conclusions du groupe «Code de conduite»
•
Contres mesures à l’égard des Etats tiers (listes noires, etc.)
UE – Aides d’Etat (Art. 107 et ss TFUE)

Distinction entre Aides d’État et concurrence fiscale dommageable

Art. 107(1) TFUE: «Sauf dérogations prévues par les traites, sont
incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les
échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de
ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de
fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines
productions ».
UE – Aides d’Etat (Art. 107 et ss TFUE)
Communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’Etat
aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (98/C 384/03) (citée ci-après:
« Communication 1998 »)
Rapport sur la mise en œuvre de la Communication de la Commission du 9 février 2004
(cité ci-après « Rapport 2004 »)
Evolution de la jurisprudence récente de la CJE, notamment suite à l’affaire
Gibraltar (jugement du 15.1.2011, affaires jointes C-106/09 P et C-107/09 P)
UE – Aides d’Etat (Art. 107 et ss TFUE)
L’analyse de sélectivité
1.Identification du régime fiscal général applicable (cadre de référence)
1.Identification d’une éventuelle mesure dérogatoire entre opérateurs économiques
dont la situation est juridiquement ou dans les faits comparable
1.Justification de la mesure dérogatoire au (i) regard du régime fiscal général applicable et
(ii) du principe de proportionnalité
UE – Aides d’Etat (Art. 107 et ss TFUE)
Quelques exemples en matière internationale
•Sociétés « offshore » (affaire Gibraltar, cf. ci-dessous)
•Application avantageuse des règles de prix de transfert (Rapport 2004, para. 9 et ss ;
affaires jointes C 182/03 et C-217/03)
•Déduction particulière des intérêts pour les centrales de trésorerie de groupes
multinationaux (Décision 2003/887/EC, OJ L 330/23, France)
•Provisions consenties à certaines sociétés exportatrices. Régime jugé sélectif car excluant
notamment : « les entreprises qui produisent en France mais qui n'exportent pas » (Décision
2002/342/EC, OJ L 126/27, voir point 24, France)
•Amortissement pour les participations étrangères mais pas pour les participations
domestiques (Décision 2011/EC, OJ 7/48, Espagne)
UE – Aides d’Etat (Art. 107 et ss TFUE)
Quelques exemples en matière internationale
•Un dispositif d’application générale visant à éliminer la double imposition
internationale ne peut en règle générale être qualifié d’aide d’Etat (sous réserve
notamment du respect du principe de proportionnalité, cf. notamment Communication
1998, point 26)
•De même, l’adoption d’une baisse généralisée du taux d’imposition des
entreprises (modèle « Irlandais ») n’est pas constitutive d’une aide d’Etat (en ce sens,
affaire Gibraltar, point 73 et les références citées, en ce sens aussi Pasquale Pistone,
'Smart Tax Competition and the Geographical Boundaries of Taxing Jurisdictions:
Countering Selective Advantages Amidst Disparities' (2012) 40 Intertax, Issue 2, p. 87)
UE – Aides d’Etat (Art. 107 et ss TFUE)
Intérêts intra groupes
•Pays-Bas : Décision 2009/809/EC, OJ L 288/26
•Hongrie: Décision 2010/EC OJ L 42/3
UE – Aides d’Etat (Art. 107 et ss TFUE)
Incitations R & D output (IP/Patent box)
•Espagne: Décision N 480/2007, OJ C 80
•Liechtenstein: Décision du 1er juin 2011 de l’Autorité de Surveillance de l’Association
Européenne de libre-échange (AELE), Décision No: 177/11/COL
Incitations R & D input (déduction multiple des coûts R & D)
UE – Aides d’Etat (Art. 107 et ss TFUE)
La sélectivité de facto
•La jurisprudence constante (…) ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des
interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets, et donc
indépendamment des techniques utilisées (affaire Gibraltar, point 87 et les réf. citées).
•Ces considérations valent surtout pour un système fiscal qui, (…), au lieu de prévoir des
règles générales pour l’ensemble des entreprises, auxquelles il est dérogé en faveur de
certaines entreprises, aboutit à un résultat identique en ajustant et en combinant
les règles fiscales de façon à ce que l’application même de celles-ci conduit à
une charge fiscale différenciée pour les différentes entreprises (affaire
Gibraltar, point 93).
UE – Concurrence dommageable - Synthèse
Code de conduite: évolution future notamment en ce qui concerne les
régimes prévoyant une imposition privilégiée des intérêts, redevances
Aides d’Etats: évolution future du critère de « sélectivité » à la suite
notamment de l’affaire Gibraltar ?
•Remise en cause de (certains) régimes box pratiqués au sein de l’UE (notamment patent
box) au motif que ceux-ci conduisent à une sélectivité de facto ?
•Influence de la manière et des conditions dont le régime box est conçu ?
•Voir à ce sujet notamment Pasquale Pistone, 'Smart Tax Competition and the
Geographical Boundaries of Taxing Jurisdictions: Countering Selective Advantages Amidst
Disparities' (2012) 40 Intertax, Issue 2, p. 88)
Comment la Suisse doit-elle se
positionner ?
Rappel du contexte: différend Suisse-UE
Position de l’UE: décision de la commission du 13 février 2007 concernant les régimes
fiscaux suisses
Art. 23(1)(iii) Accord de 1972 de libre échange: « Sont incompatibles avec le bon
fonctionnement de l’accord, dans la mesure où ils sont susceptibles d’affecter les échanges
entre la Communauté et la Suisse: toute aide publique qui fausse ou menace de
fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines
productions »
Comparer avec Art. 107(1) TFUE: «Sauf dérogations prévues par les traites, sont
incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges
entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources
d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la
concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».
Réforme de la fiscalité suisse des entreprises
 A notre avis une réforme de la fiscalité suisse des entreprises devrait
reposer sur 4 principes directeurs essentiels:
1.Conformité au droit européen selon une approche « statique » et aux principes
édictés par l’OCDE, notamment dans le cadre des travaux BEPS
1.Obtention de contreparties de la part de l’UE, notamment l’application à la Suisse
du « standard » posé par la jurisprudence Cadburry Schweppes en ce qui concerne les
dispositifs anti-abus
1.Conformité au droit constitutionnel suisse (garantie de pérennité et de crédibilité
politique)
1.Véritable « débat » d’harmonisation fiscale et intégration des mesures matérielles
adoptées dans la loi d’harmonisation fiscale (LHID) et l’impôt fédéral direct (LIFD)
Réforme de la fiscalité suisse des entreprises
 Les mesures envisageables
1.Baisse généralisée du taux d’imposition des entreprises
•A notre sens, ne créerait pas en soi de problème avec le droit de l’Union Européenne
sous l’angle du code de conduite et des aides d’Etats.
•Pas de problème en soi, à notre sens, sous l’angle des travaux BEPS.
•Mais est-ce suffisant ? Approprié ?
2.Mesures touchant l’assiette de l’impôt
•Généralités
•Introduction de mesures visant à encourager le R & D: output (Patent Box) et/ou input
(déduction multiple pour les frais de R & D)
•Autres mesures ? Sociétés de négoce ?
Réforme de la fiscalité suisse des entreprises
 Assiette de l’impôt – Considérations générales
•Le droit fiscal suisse de l’entreprise se fonde, par principe, sur le droit comptable pour
déterminer le bénéfice imposable (« Massgeblichkeitsprinzip », « principe de
déterminante » Art. 58 al. 1 lit. a LIFD et 24 al. 1 LHID)
•Le législateur peut adopter des règles correctrices en défaveur mais aussi en faveur
du contribuable (par ex: art. 60 lit. a LIFD en ce qui concerne les apports)
•Le principe de séparation de l’imposition (« Trennungsprinzip »; « separate entity
approach ») et donc celui de pleine concurrence (« dealing at arm’s length ») s’applique
strictement. Une dérogation à ces principes supposerait une importante refonte de la
fiscalité des groupes au niveau notamment de la LIFD et de la LHID.
Réforme de la fiscalité suisse des entreprises
 Introduction de mesures visant à encourager le R & D :
incitation input (déduction multiple) et output (Patent box)
•Conformité de ces mesures aux principes constitutionnels régissant l’imposition ?
•Conformité au droit de l’Union européenne et de l’OCDE (BEPS) ?
•La Suisse ne peut prédire l’avenir (approche statique)
•Au niveau UE: le régime box devrait être conçu afin d’éviter notamment un éventuel grief
futur de sélectivité de facto (importance de la manière dont le box serait conçu)
Réforme de la fiscalité suisse des entreprises
 Insertion « systématique » formelle des mesures visant à
encourager le R & D : incitation input (déduction multiple) et
output (Patent box)
•Techniquement, l’introduction de ces mesures représenterait une règle correctrice en
faveur du contribuable, dérogeant au principe de déterminance des comptes
•Au niveau de la LIFD, l’insertion systématique pourrait être réalisée par l’adoption
d’un nouvel art. 59a LIFD (soutien à la recherche et au développement). L’art. 63 al. 1 lit d
LIFD (provisions pour R & D) devrait toutefois être abrogé
•Au niveau de la LHID, l’insertion systématique pourrait être réalisée par l’adoption
d’un nouvel art. 25a LHID (soutien à la recherche et au développement)
Réforme de la fiscalité suisse des entreprises
 Degré d’insertion matérielle des mesures visant à encourager le
R & D : incitation input (déduction multiple) et output (Patent
box) dans la LHID
•L’art. 25a LHID pourrait être rédigé sous forme impérative ou potestative (« les
cantons peuvent »)
•Contenu matérielle de la mesure (par exemple catalogue des droits bénéficiant du
« patent box » et conditions d’octroi) devrait être impérativement prévu par la LHID
Réforme de la fiscalité suisse des entreprises
 Introduction d’autres mesures pour les sociétés de négoce ?
•Règle correctrice en faveur de ce type d’entreprise ? « Trading box » ?
•Conformité aux principes de l’OCDE
transfert)
(notamment les règles en matière de prix de
•Conformité au droit de l’Union européenne
En ce qui concerne l’aménagement de la base d’imposition, il conviendrait de s’assurer
que la mesure ne soit pas sélective.
Tout aménagement fondé sur un critère géographique pourrait être problématique
(en ce sens notamment affaire Gibraltar, C-106/09 P et C-107/09 P et décision
2002/342/EC, OJ L 126/27 concernant les sociétés exportatrices en France)