Exécutions et démocratie Une série de 20 linogravures par Sam Kerson, imprimées par Katah Nous travaillons sur ce projet depuis 2006, lorsque.

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Transcript Exécutions et démocratie Une série de 20 linogravures par Sam Kerson, imprimées par Katah Nous travaillons sur ce projet depuis 2006, lorsque.

Exécutions et démocratie
Une série de 20 linogravures par Sam Kerson, imprimées par Katah
Nous travaillons sur ce projet depuis 2006, lorsque nous avons
commencé à chercher sur Google des informations à propos des
« exécutions d’innocents ».
Nous avons lu le livre de George Jackson, Les frères de Soledad, et celui
de David Von Drehles, Among the Lowest of the Dead. De nombreux cas
y étaient cités, et nous avons recherché ceux pour lesquels l’exécution
semblait particulièrement injuste ou erronée, les affaires où il y avait un
doute possible.
Notre idée était que si nous montrions que vingt cas étaient
problématiques, par exemple des cas d’exécutions à tort, ou d’exécutions
politiques comme avec Joe Hill, notre série pourrait alors remettre en
question le système dans son ensemble.
Nous avons recherché des cas compliqués par des questions de racisme,
sexisme, nationalisme, des cas impliquant des enfants et des cas dans
lesquels les accusés se sont ensuite avérés être innocents, comme Lena
Baker.
Nous avons lu les énormes listes, nom par nom, et nous avons lu les
détails de nombreuses affaires.
Pour vous donner une idée de l’ampleur de notre histoire nationale en
termes d’exécutions, le dossier Espy recense 15 269 exécutions aux
États-Unis et dans les colonies entre 1608 et 2002. Depuis 1976, lorsque
la peine de mort a été rétablie, il y a eu 1099 exécutions aux États-Unis.
Mankato, au Minnesota, décembre 1862. Nous
incluons cette image de la pendaison en masse
de Sioux Santee afin de nous souvenir des
précédents historiques. Abe Lincoln a condamné
ces 37 hommes. Les habitants de la région
voulaient pendre plus de 300 Sioux Santee, mais
le Président Lincoln a demandé à voir les
registres du tribunal et a décidé que seuls 37
hommes méritaient d’être exécutés. Certains
historiens suggèrent que le destin de ces 37
hommes a été plus aisé et plus digne que celui
de ceux dont la sentence a été commuée : les
Sioux Santee ont été réduits à des fugitifs sans
terre, fuyant l’ire des envahisseurs.
Joe Hill était un immigré suédois, membre des
Travailleurs du Monde (Workers of the World), un
syndicat des industries du bois et des mines, dans le
Nord-Ouest. Personnage connu, Joe chantait et
composait ; voici une de ses chansons :
« Tu mangeras, le moment venu
Sur la glorieuse terre au-delà du ciel
Travaille et prie, dors sur la paille
Tu seras rassasié au ciel quand tu mourras. »
Joe a été arrêté et accusé de vol et de meurtre à Salt
Lake City. À l’intérieur d’un laps de temps
extraordinairement court, et malgré des protestations
aux États-Unis et en Europe, il a été accusé,
condamné, et exécuté par peloton.
Lena Barker était séquestrée par un ivrogne raciste
local ; il la tenait enfermée dans son moulin, où il la
maltraitait selon son bon plaisir. Un jour elle a réussi
à lui prendre son arme et en s’échappant elle a tiré
sur son bourreau et l’a tué. Son procès était
présenté comme une femme noire tuant un homme
blanc, et bien qu’elle ait déclaré « je n’avais pas
d’autre choix que de le tuer, et je l’ai tué en état de
légitime défense », on l’a électrocutée.
La famille de Lena a persisté à réclamer un juste
procès pour elle, et 60 ans après son exécution,
l’État de Géorgie l’a graciée. Nous nous demandons
si Lena a pardonné à l’État de Géorgie ?
L’histoire des Rosenberg est bien connue.
Apparemment, il n’y avait aucun doute sur
l’innocence d’Ethel, mais l’accusation espérait
qu’en menaçant de l’exécuter, ils feraient
avouer Julius. Ce stratagème a échoué, on
les a électrocutés tous les deux, en
commençant par Julius. Ils ont tous deux
continué à clamer leur innocence jusqu’à leur
dernier souffle.
Les épreuves traversées par Barbara Graham
ont été teintées d’arnaques et de
dissimulations de la part de la police à tel point
que cette affaire est citée comme la base de la
règle Miranda, selon laquelle les policiers sont
dans l’obligation de lire ses droits à toute
personne arrêtée. Après son exécution, dans
une chambre à gaz, le médecin légiste qui a
pratiqué l’autopsie a annoncé que Barbara
était gauchère, et que le crime dont on
l’accusait avait été commis par un droitier.
L’affaire Wilbert Coffin doit être révisée cette
année, en 2008. Wilbert a été la dernière
personne exécutée au Canada. Il a toujours
semblé qu’il ait été victime d’un complot, et
certains écrivains suggèrent que Duplessis, le
Premier Ministre de l’époque, subissait les
pressions de John Foster Dulles pour faire payer
le coupable de sa vie. Le fait que personne n’ait
su qui était l’assassin n’était qu’un détail. Wilbert a
servi de bouc-émissaire. Nous incluons cette
affaire pour montrer que la peine de mort aux
États-Unis a des conséquences mortelles dans
d’autres pays.
Il semble que l’armée américaine soit en train de
manœuvrer pour rétablir son droit à mener des
exécutions, avec à l’esprit les détenus de
Guantanamo. Par cette image, représentant
l’exécution du soldat John Arthur Bennett, nous
examinons l’histoire de l’armée américaine et la
trouvons extrêmement raciste. Bennett, pendu
en 1961, a été le dernier homme exécuté par
l’armée, pour avoir violé une fillette de 10 ans en
Autriche.
L’enfant et ses parents ont écrit en vain à John F.
Kennedy pour demander que la vie de Bennett
soit épargnée.
George Jackson a été emprisonné à
l’âge de 17 ans pour avoir volé 75
dollars dans une station service.
Douze ans plus tard, il était toujours
en prison ! George a grandi dans le
système carcéral californien et cette
expérience l’a radicalisé. George était
l’auteur des Frères de Soledad. Il a
utilisé sa plume pour raconter sa
propre histoire. Le conflit entre
George Jackson et le système
carcéral californien est devenu violent
et mortel, et l’histoire a pris fin lorsque
des gardiens de prison l’ont tué.
Sam Melville était un prisonnier
politique accusé et condamné pour
une série d’attentats à la bombe à New
York. Son avocat, William Kunstler, dit
que Sam a été exécuté le 13
septembre 1971 par les policiers
d’État, dans la confusion des émeutes
carcérales d’Attica. Incidemment, il n’a
pas été condamné pour un crime
capital et, comme George Jackson, il
est mort en prison à une époque où la
peine de mort avait été suspendue.
Entre 1972 et 1976, aucune exécution
n’a été ordonnée par les tribunaux aux
États-Unis.
John Arthur Spenkelink a été le premier à être
exécuté en Floride après le rétablissement de la
peine de mort en 1976. Il a résisté son exécution et
s’est battu jusqu’à la fin. Ses derniers mots ont été :
« La peine capitale ; ce sont ceux qui n’ont pas le
capital qui subissent la peine. » Un excellent livre
décrit en profondeur la politique de Floride et
l’exécution de Spenkelink, Among the Lowest of the
Dead, de David Von Drehle.
Les frères Herrera sont un exemple douloureux
des failles des témoignages visuels. Un des deux
policiers tués cette nuit-là, David Rucker et
Enrique Corrisalez, alors qu’il agonisait, a
acquiescé lorsque ses collègues lui ont montré
une seule photo en lui demandant s’il s’agissait
de son assassin. À partir de cette
« identification », Leonel Torres Herrera a été
accusé, jugé coupable et condamné à mort.
Cependant, avant l’exécution, le frère de Leonel,
Raul, a été tué lors d’une fusillade liée à la
drogue, et a laissé une confession affirmant qu’il
avait tué les deux policiers.
Ireneo Tristan Montoya avait le droit à une
protection consulaire. Il était un citoyen
mexicain et le consulat mexicain a été
prévenu de son incarcération seulement
après sa condamnation. Il n’a en gros
bénéficié d’aucune aide légale, les choses
étant ce qu’elles sont au Texas. Il avait dixhuit ans au moment de son arrestation, et ne
parlait pas un mot d’anglais. De plus, il a
prétendu que la confession qu’il a signée lui
avait été présentée comme un ordre de
déportation.
Gary Graham avait 17 ans lorsqu’il a
été accusé, c’est-à-dire qu’il était
légalement un enfant. Il a toujours
affirmé ne pas avoir tué Bobby Lambert,
qu’il était innocent. Il a vécu dans le
couloir de la mort pendant 19 ans.
Durant cette période il a changé son
nom pour devenir Shaka Sankofa.
Shaka n’a jamais accepté l’idée de
devoir coopérer avec les autorités
carcérales dans la mise en action de
son exécution. La plupart des gens
finissent par se soumettre et vont à leur
mort sans résister.
Nous avons d’abord pensé que l’affaire de Francis
Newton était tout à fait improbable. La motivation et le
crime semblaient inappropriés et incroyables. Mais
nous l’avons également incluse dans cette série pour
démontrer que la procédure médicale des trois
injections, qui ont été privilégiées dans tout le pays au
cours de ces dernières années, est fallacieuse. Elle se
présente comme une procédure médicale, mais aucun
médecin n’accepte de mener à bien l’exécution, car
cela va à l’encontre du serment de sauver des vies. Ce
sont donc des employés de prison, non formés et
ineptes pour ce processus, qui administrent les trois
injections. Les parents de Francis Newton ont assisté
à son exécution.
Filiberto Ojeda Rios était un nationaliste portoricain, et
un révolutionnaire autoproclamé et largement connu. Il a
été jugé à San Juan pour son rôle dans un vol à
Hartford, au Connecticut, et le jury l’a absout
unanimement. Il avait 72 ans en 2005 et fuyait le FBI.
On peut dire qu’il avait pris sa retraite dans une petite
maison dans les collines de Porto Rico, dans un endroit
appelé Las Hormigueros. Le jour de la fête annuelle,
lorsque Porto Rico célèbre le Grito de Lares, fêtant son
indépendance face à l’Espagne en 1868, Filiberto livrait
toujours un discours, qui était enregistré et diffusé aux
célébrants, puisqu’il se cachait. En 2005, tandis que les
Portoricains étaient en train de célébrer leur
indépendance de l’Espagne, Filiberto a été exécuté à la
manière paramilitaire, lors d’une opération antiterroriste
du FBI.
Nous avons trouvé Stanley « Tookie » Williams
étrangement semblable à Arnold
Schwarzenegger. En tout cas, ils faisaient tous
les deux de la musculation. Arnold avait été
Terminator, et Tookie était accusé de meurtre.
Arnold était devenu gouverneur et Tookie avait
effectué une renaissance et une transformation
spirituelles. Tookie a dû demander à Arnold
d’épargner sa vie, et Arnold a dit non. Tookie a
été exécuté par injection, et la ville natale
d’Arnold, Gratz, a enlevé son nom du stade
local. L’Autriche est opposée à la peine de mort.
Michael Dewayne Johnson s’est suicidé.
Il s’est tué avant que les gardes ne
viennent le chercher, le jour de son
exécution. Il a écrit, avec son propre
sang, « je suis innocent ».
La pendaison de Saddam Hussein avait une
qualité particulièrement texane, la loi texane
appliquée comme politique étrangère.
Si on sait déjà qu’il va être pendu, le procès
peut-il être juste ?
N’y avait-il pas davantage à apprendre de
Saddam ?
La pendaison est-elle une solution politique ?
La situation en Iraq s’est-elle améliorée ?
Ça ressemblait beaucoup à une pendaison
publique, un procès pour la forme, suivi par
une pendaison pour la frime. Saddam avait
vraiment l’air courageux et digne, sur les
vidéos ; on ne peut pas en dire autant de ses
bourreaux.
Donald Fell vient du Vermont. Le Vermont
n’applique pas la peine de mort.
Cependant, suite à une intervention
fédérale, le juge Sessions a été obligé de
condamner Fell à mort. Le Vermont ne
possède pas les équipements nécessaires
à son exécution.
Mumia Abu Jamal est toujours en vie, et sa
“culpabilité” est clairement mise en doute.
Condamné pour le meurtre d’un policier en
1981, l’ancien militant des «Black Panthers»
a toujours clamé son innocence. Une cour
d’appel fédérale américaine a annulé la
condamnation à mort de Mumia le 27 mars
2008 mais il reste emprisonné.
Cette série d’images représente une production du
Dragon Dance Theatre. Dragon Dance a été fondé en
1976 dans le Vermont. Depuis 2000 nous sommes en
tournée, nous produisant au Mexique, en France et en
Finlande, et développant des projets d’arts graphiques
et visuels en Slovaquie et au Québec. Ces images
sont des linogravures de 22,5 cm par 30 cm,
imprimées sur du papier Stonehenge de 33 cm par 48
cm. Elles ont été conçues et découpées par Sam
Kerson et imprimées par Katah à l’Atelier Presse
Papier à Trois-Rivières, au Québec.
La Maverick Foundation, la Puffin Foundation et le
Richard Project Rubin ont soutenu ce projet.
Déclaration de l’artiste
Il y a tellement de questions de vie et de mort dans notre monde
moderne. Nous avons choisi celle-ci pour sa perversité : exécuter des
hommes après les avoir gardés dans des cages durant de longues
périodes nous semble cruel, lâche, honteux, propre à créer l’amertume
et néfaste. Il s’agit d’une pratique qui encourage la violence et les
comportements aberrants. Il est honteux pour une société démocratique
de pratiquer une telle violence raciste et totalitaire. Puisque nous
sommes une démocratie, nous devons admettre que nous choisissons
tous cette peine de mort, c’est la méthode que nous avons choisie pour
gérer certains membres de notre société, les pauvres et/ou non blancs.
C’est de toute évidence une pratique archaïque héritée de la culture de
l’esclavage. C’est évident car la plupart des victimes sont toujours noires
et pauvres. Évident car la plupart des exécutions ont lieu dans le Sud.
Évident car les méthodes diffèrent peu du lynchage. Évident par la
violence de gang pratiquée par ces agences d’État en menant des
hommes et des femmes à leur mort. Nous avons sélectionné une série
de cas illustrant les inconsistances, les injustices, le racisme, le sexisme
et la soif de sang qui définissent notre système d’injustice. Nous
présentons ces vingt images comme notre argument contre la peine de
mort, et avec ces images nous appelons à la fin de la peine de mort !
Sam et Katah, avril 2008