gestion de crise et defense civile

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Transcript gestion de crise et defense civile

GESTION
DE
CRISE
ET
DEFENSE
CIVILE
Il existe deux types
d’organisations , celles qui sont en
crise, et celles qui vont l’être
‫ما يتسع األمر إال إذا ضاق‬
‫جمال الدين الحسيني االفغاني‬
L’absence de Défense Civile en Algérie a souvent
conduit à des crises ; les événements tragiques les plus
récents, Bab El Oued et Zemmouri le prouvent
amplement.
L’absence d’information crédible et de prise en charge
conséquente des secours, notamment de la part des
autorités locales pendant et même après les deux
catastrophes, semblent traduire la crise vécue par les
instances décisionnelles, peu préparées techniquement,
impuissantes face à une catastrophe naturelle et
humaine de caractère grave et urgent, en somme, face
à une situation de crise.
Mais qu’est-ce que la défense civile, la gestion de crise
et la relation possible de ces deux « notions » en Algérie
et pourquoi cette relation ?
I - DE LA DEFENSE
CIVILE
« La défense civile semble être l’ensemble des mesures et
dispositions de nature civile ayant pour but de garantir en
toutes circonstances la continuité de la vie nationale. Cette
forme de défense qui relève de la responsabilité du Ministre de
l’Intérieur, recouvre :
-
-
-
La sécurité des pouvoirs publics et des administrations
publiques,
Le maintien de l’ordre public et la sécurité générale du
territoire,
La protection des organismes, installations ou moyens
civils qui conditionnent le maintien des activités
indispensables à la vie de la population,
La protection civile,
Les mesures de prévention et de secours que requiert en
toutes circonstances la sauvegarde des populations,
ainsi que l’entretien et l’affermissement de la volonté des
populations aux effets des agressions ».
CHANTEBOUT ( B), La défense nationale, Ed. Puf, Vendôme, 1972, P.50.
En substance, la défense civile aurait
pour objet la prévention des risques,
la protection des personnes et des biens
et de l’environnement en son sens
le plus large , y compris institutionnel ,
en situation de catastrophe naturelle,
humaine, technologique ou autre
menace grave.
De façon plus précise, les missions incluses dans la défense civile
sont :
La sécurité des pouvoirs et administrations publiques, ce
qui implique la sécurité des personnes et des sites, des flux
d’informations et de renseignements, ainsi que des processus de
prise et de transmission de décisions.
Le maintien de l’ordre public, la permanence des
communications, la protection contre tout acte interne ou
externe d’agression potentielle ou effective.
La protection des installations et organismes, civils
indispensables à une vie normale (énergie, hôpitaux, transports,
télécommunications…)
La protection civile au sens de protection des personnes,
en temps de paix ou de conflit (accident technologique majeur,
catastrophe naturelle ou même agression chimique).
L’entretien et l’affermissement de la volonté de résistance
des populations aux agressions internes ou externes, qu’elle
qu’en soit la nature.
Les missions de veille, de gestion, de communication
et de logistique en matière de défense civile sont
théoriquement dévolues au Ministère de l’Intérieur,
le Ministère de la Défense étant chargé lui de la
sécurité, au plan militaire, de l’État.
Les institutions opérationnelles dont il dispose sont
la DGSN et la Protection Civile, grâce à leur
maillage national mais toujours sans structure de
coordination spécifique à la défense civile, autre que
les cellules de crise ponctuelles. Le plan ORSEC
(14 modules) n’ayant par ailleurs jamais
correctement fonctionné.
Les institutions d’alerte auquel le ministère de
souveraineté peut recourir, sont :
- Le CRAAG.
- Météo Algérie.
- Observatoire des risques majeurs.
- Institut Pasteur
et Ministère de la santé publique et de la population.
- Ministère de l’agriculture, Ressources en eau, etc.
Pour n’en citer que quelques unes et toujours sans
instance de coordination spécifique à la Défense
Civile.
Théoriquement la défense civile peut être prise en
charge et assurée. Dans les faits, l’absence de
structure permanente de veille et d’évaluation des
vulnérabilités et des menaces potentielles ou
effectives, exclut toute possibilité de mise en place
d’une défense civile.
Cela est plus d’autant vrai que sans diagnostic posé,
aucun pronostic, vital ou non, ni aucune prescription
ou décision valide ne peuvent être pris. Alors où
serait le rôle de ce ministère en matière de défense
civile, en matière d’anticipation, de prévision ou de
gestion de la défense civile ?
Sur ce dernier point, la démarche suggérée peut se
présenter de la manière suivante, sous trois
dimensions complémentaires et dialectiques :
- Dimension ou phase de prévision : Prédictive
- Dimension ou phase de prévention : Préventive
- Dimension ou phase de gestion : Curative.
1/ La dimension prédictive consisterait en
l’évaluation des probabilités de survenance d’un
événement qui nécessiterait le déclenchement d’un
plan de défense civile national, territorial ou sectoriel
(carte des risques sismiques, industriels , …)
2/ La dimension préventive consisterait en la
conception et en la mise en place de programmes et
de moyens qui permettraient de préparer les
citoyens et les décideurs à circonscrire les risques en
cas de d’accident, de catastrophe ou de menace
majeure : éducation, communication, formation, etc.
(Exemple apprendre aux jeunes écoliers à se prémunir
des chutes d’objets ou de murs en cas de séisme, en se
protégeant sous les tables de classe.)
3/ La dimension curative engloberait aussi bien la
phase de danger direct que celle qui s’ensuivrait.
Elle consisterait à gérer tant le risque direct que ses
conséquences au plan médical, infrastructurel,
financier, humain, ainsi que le retour d’expérience,
dénommé le R .EX par les spécialistes.
Il s’agira par exemple se sécuriser le périmètre de la
catastrophe, d’évacuer les blessés vers les hôpitaux,
etc, mais aussi d’assurer le rétablissement de la
situation et le retour à une vie normale et enfin, d’en
tirer les leçons très vite et concrètement pour
l’avenir à court moyen et long terme, en renvoyant le
plan de défense civile quand il existe ou celui qui en
tient lieu (le plan ORSEC) et voir pourquoi celui-ci
n’a pas fonctionné en partie ou en totalité et d’en
revoir le contenu et la forme éventuellement. Cela
peut conduire à une véritable ré-orientation
stratégique ou TURN AROUND qui toucherait les
hommes, les institutions, l’organisation et les
procédures.
Cette démarche simple n’a sa raison d’être que si
l’on ne perd pas de vue le REX et le TURN
AROUND qui vont permettre aux décideurs et aux
« gestionnaires » de la défense civile d’actualiser, de
corriger et de rendre opérants tous les outils et
procédures pré-existants de manière continue.
Cette démarche se schématiserait ainsi :
p : phase prédictive 0 , 1, 2 , n
P : phase préventive 0 , 1, 2, n
C : phase curative 0 , 1 , 2 , n
C1
p1
Po po
Co
P1
pn
Sans le REX et le TURN AROUND, toute catastrophe
humaine, industrielle, écologique ou autre n’aurait
servi à rien. Ils peuvent être assimilés à une phase proactive.
II - DE LA GESTION
DE CRISE
La gestion de crise est la gestion d’une situation de
rupture, imprévisible, inévitable qui associe urgence
et gravité dans son déroulement et dans ses
conséquences inconnues ,sans le secours de
procédures ou de scénarios pré-établis où se mêlent
stress humain, organisationnel et médiatique.
Et gérer, c’est prévoir, tous les décideurs le savent,
mais comment gérer l’imprévisible ? A moins d’y
être
préparé,
cela
est
impossible.
Être préparé veut dire simplement mettre en place
les conditions matérielles, humaines, techniques,
organisationnelles
d’une
gestion
prédictive.
En d’autres termes, il s’agit d’envisager
l’imprévisible, le ou les scénarios-catastrophes, le
scénario du pire.
La question légitime que nous devons nous poser ici
est celle qui consiste à savoir si nous ne sommes pas
en train de traiter de la défense civile en Algérie tant
cette définition de la gestion de crise semble se
confondre avec la pratique algérienne en matière de
« défense civile ».
En effet, si l’on se réfère aux critères de la crise les
plus communément décrits dans la littérature
spécialisée, l’on est presque tenté de répondre par
l’affirmative :
Le déferlement d’événements graves et
urgents semble provoquer un débordement des
1-
décideurs, notamment locaux, face à la complexité des
difficultés qui surgissent de façon aléatoire et face à
l’impuissance de la logistique et des protections.
2-
Le dérèglement des systèmes et des réponses,
inefficaces, inappropriés provoque des conflits de
compétence et de personnes, des ruptures des circuits de
décisions qui conduisent à une sur- responsabilisation
du top manager ou du porte parole et à une gestion
illusoire des événements à la limite du « KATBISME »,
et ainsi à la décrédibilisation.
« La télé compétence » ou compétence à distance,
infondée, médiatique, en est une bonne illustration.
3-
La rupture et la déstabilisation s’installent
et deviennent mode de gestion de la crise. La
première conséquence en est que la crise devient
autonome et s’éteint d’elle-même ou devient une
menace majeure. La saturation des décideurs
devient blocage tandis que le cadre de référence
(institutions et procédures) deviennent le bouc
émissaire.
L’apprentissage et les correctifs sont exclus. Il faut
tout rejeter et l’on choisit le ‘faire face au pire’.
En substance, la crise non gérée crée elle-même une
situation d’urgence et de gravité qui déborde les
capacités et moyens en place, désagrège le système et
fait se désintégrer le cadre ou le système de
référence.
L’Algérie ne s’inscrit heureusement pas totalement
dans ce cas de figure mais la menace existe. Elle est
réelle. Nos vulnérabilités autant que notre niveau
d’incompétence en matière de défense autre que
militaire sont eux aussi souvent très actuels.
L’illustration suivante montre que l’on passe
malheureusement très rapidement de l’incident à la
crise.
10
CRISE
POTENTIELLE
OU
PRESQUE CRISE
CRISE
GRAVE DE
GRANDE
URGENCE
5
DIFFICULTES
NORMALES
QUOTIDIENNES
0
PROBLEMES
…CRITIQUES
5
10
Notons ici que la crise n’est pas unique dans sa
forme, sa nature ou sa dimension. L’on parle de crise
locale,nationale, aiguë, sécuritaire comme l’on parle
aussi de crise utile, opportuniste, d’incompétence, de
crédibilité ou encore de crise économique, culturelle,
diplomatique … c’est dire l’étendue des crises et la
multiplicité des opportunités que nous avons d’en
vivre ou d’en subir une, en Algérie de nos jours.
Cette crise peut se révéler à l’occasion d’une
pandémie, d’une pollution majeure, d’une
catastrophe industrielle de grande ampleur, d’un
attentat terroriste quand l’événement n’est pas géré
si ce n’est dans son déroulement, au moins dans ses
conséquences.
Dès lors, il y a lieu de procéder à une forme
d’audit préalable. Son contenu peut être assez
simple et consister en une série de questions
adaptables à différents acteurs ,opérateurs ou
institutions.
ITEMS
NIVEAUX DE REPONSE
-2 -1
-Sommes nous prêts à affronter
une crise ?
-Disposons nous d’un budget dédié
à la gestion de crise ?
-Disposons nous d’une veille stratégique
appropriée ?
-Notre procédure d’alerte
est-elle efficace ?
-Les règles de fonctionnement de
la cellule de crise sont-elle claires ?
-Les principaux responsables, sont-ils
immédiatement contactables ?
-Avons-nous une cartographie des risques ?
-Les risques majeurs sont-ils bien identifiés ?
0 +1 +2
ITEMS
-Les risques majeurs sont-ils bien
identifiés ?
-Avons-nous des scénarios de
réponse ?
-Avons nous fait récemment une
simulation de crise ?
-Les acteurs de la crise sont-ils
bien identifiés ?
-Y a-t-il des victimes (innocentes)
-Faut-il réunir une cellule de
crise ?
-Avons nous estimer les
ressources dont nous avons
besoin ?
-La situation peut-elle encore
NIVEAUX DE REPONSE
-1 -2
0 +1 +2
ITEMS
-Y a t’il des actions concrètes à
entreprendre immédiatement ?
-Savons nous quelle sera la prochaine
étape dans cette crise ?
-Cette crise est-elle durable ?
-Peut-on tout taire ? Peut-on tout dire ?
-Peut-on reprendre l’initiative ?
-Envisageons nous un retour
d’expérience ?
-D’autres crises, peuvent-elles
être générées par la crise initiale ?
NIVEAUX DE REPONSE
-2 -1
0 +1 +2
A partir de cet audit succinct, il conviendra de créer, mettre en
place, tester une ou plusieurs cellules de crise selon la taille et la
nature de l’institution et en former les membres
Le schéma suivant peut être adapté :
Cellule
Directoire de
crise
Cellule Gestion
de crise
Cellule
Communi
cation de crise
Cellule
Logistique de
crise
Direction
stratégique
et choix
fondamen
taux
Directions
opérationnelles
et tableaux de
bord
Communication
interne et
externe
Intendance et
autonomie
des autres
cellules
Formation préalable et mise en situation sont
incontournables pour révéler les bons réflexes
(discipline, écoute, synthèse,…) et corriger le système
mis en place (cohérence, procédures, manuels,…).
La fonction de veille de crise ne doit pas être absente
de cette configuration, avec un système d’alerte
précoce articulé sur des capteurs aux points vitaux et
aux points vulnérables.
De même qu’un tableau de bord de crise est
indispensable.
Il devra comporter au moins les entrées essentielles,
notamment :
1- Intelligence stratégique ou identification de la
crise.
2- Communication et déclaration.
3- Options stratégiques ou postures à adopter
4- Assistance et soutien aux acteurs de la crise.
5- Sortie de crise et REX.
Ces instruments de base sont conçus aussi pour
éviter le « syndrome de l’oubli » très proche,
beaucoup plus proche que Chlef ou Zemmouri.
CONCLUSIONS
La première conclusion que nous tirons de notre
analyse des deux démarches, gestion de crise et
défense civile ,est qu’elles sont tout aussi différentes
que mitoyennes.
Sur un autre plan , il peut sembler de prime abord
que la gestion de crise soit inférieure à la défense
civile et qu’elle puisse même y être intégrée en tant
que sous système.
Dans les faits, la gestion de crise peut passer de la
dimension processuelle à la dimension stratégique et
intégrer la défense civile comme un mode opératoire
quasiment. Cela aurait pu être le cas dans les pires
heures du terrorisme où la république fût menacée et
les décideurs politiques ambivalents quant à la prise
en charge de cette crise majeure.
En guise de réponse à la problématique proposée,
gageons que les deux démarches sont liées de
manière dialectique et complémentaire et qu’au
même moment elles peuvent servir de prisme l’une à
l’autre.
En d’autres termes, la défense civile serait une sorte
de système intelligent de prévision et de prévention
des impacts de crise, exacerbation extrême d’un
dysfonctionnement d’origine humaine, naturelle ou
technologique d’une part. Et d’autre part, la gestion
de crise serait à son tour un système intelligent de
prévention et de réduction des impacts qu’une
défense civile inaccomplie ou en maturation
provoquerait.
Les deux approches « profiteraient » d’une sorte de
transversalité, plus qu’utile pour une administration
parfois peu performante et une société civile qui a
montré ses limites sur le terrain tant à Bab El Oued
qu’à Zemmouri, à une ou deux exceptions près.
Autrement dit, notre intervention se veut être une
proposition pour une appréhension de la défense
civile en Algérie comme une démarche de gestion de
crise , car plus immédiate, plus gérable, plus souple
et surtout moins coûteuse en institutions et en
procédures.
L’avantage apparent de cette proposition, est qu’elle
semble constituer une passerelle et un raccourci dans
le temps, qui nous permettrait en parallèle de penser
une méthodologie de défense civile adaptée à notre
niveau de compétence, de développement et
d’organisation, de la tester et de l’adopter.
Le retour d’expérience, ou la capitalisation de la
gestion de crise serait « ré-injecté » dans la
méthodologie de défense civile, nous évitant ainsi de
construire une politique sur une illusion
réglementaire, sans contre partie dans les faits.
Une Charte de la Défense Civile, l’éducation
des futurs citoyens et la formation des gestionnaires
et des élus, sanctionnée par une distinction
honorifique, l’Ordre du mérite citoyen,
pourquoi pas, seraient un premier pas pour une
défense civile citoyenne et durable.
Sur un autre plan, pourquoi pas construire un
Comité Maghrébin de Défense Civile, le
conseil consultatif de l’UMA se réunissant cet été à
Alger .
Cette instance parlementaire maghrébine pourrait se
prolonger par une instance méditerranéenne de
même nature.
De toute évidence, elle s’appuierait sur les structures
nationales qui auraient pour mission la mise en place
d’un Système d’Information fiable, sécurisé et
normalisé en matière de vulnérabilités et de
risques.
Cela nous permettra de bénéficier de
l’expérience de nos partenaires sur le plan
technique et au plan de la valorisation de nos
ressources humaines.