memoire zoe burget

Download Report

Transcript memoire zoe burget

Master « Métiers de l’Éducation et de la Formation » Spécialité : Enseignement polyvalent dans le premier degré

Comment évaluer pour favoriser l'estime de soi ?

Mémoire présenté en vue de l’obtention du Grade de Master soutenu par Zoé Burget le 20 mai 2013

En présence d’un jury composé de : M. Ullestad Ove, directeur de mémoire M. Gambarelli Pierre-Michel, assesseur

1

ATTESTATION D’AUTHENTICITE

Ce document rempli et signé par l’étudiant(e) doit être inséré dans tous les documents soumis à évaluation, après la page de garde.

Je, soussigné(e) : (nom et prénom) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Etudiant(e) de : (Formation et année) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

- certifie avoir pris connaissance du « Guide du Mémoire » de Master de l’IUFM et en particulier des pages consacrées au plagiat, - certifie que le document soumis ne comporte aucun texte ou son, aucune image ou vidéo, copié sans qu’il soit fait explicitement référence aux sources selon les normes de citation universitaires.

Fait à . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . le . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signature de l’étudiant(e) : Tout plagiat réalisé par un étudiant constitue une fraude au sens du décret du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSSCP). La fraude par plagiat relève de la compétence de la section de discipline de l’Université. En général la sanction infligée aux étudiants qui fraudent par plagiat s’élève à un an d’exclusion de tout établissement d’enseignement supérieur.

Tout passage ou schéma copié sans qu’il soit fait explicitement référence aux sources, selon les normes de citation universitaires sera considéré par le jury ou le correcteur comme plagié. 2

Table des matières

Remerciements et avant-propos.........................................................................................................5

Introduction........................................................................................................................................6

I.L'estime de soi/ le concept de soi....................................................................................................7

1.Définitions..................................................................................................................................7

2.Le bien-être de l'élève une préoccupation actuelle de l'école ?.................................................8

a)L'évolution du concept de santé............................................................................................8

b)L’évolution du mode éducatif en parallèle avec l'évolution du concept de santé ?............10

c)Quel lien entre éducation et santé ?.....................................................................................11

d)Quelle éducation à la santé est actuellement enseignée en France ?..................................12

3.Les approches structurelles et les caractéristiques de l'estime de soi/du concept de soi .......15

a)Les approches structurelles de l'estime de soi/du concept de soi .......................................15

b)Les caractéristiques de l'estime de soi/du concept de soi ..................................................17

4.Le développement du soi.........................................................................................................18

a)Le développement du concept de soi..................................................................................18

b)Les principaux facteurs qui influent sur le développement de l'estime de soi ...................20

II.La pratique de l'évaluation en France..........................................................................................24

1.Approche historique de l'évaluation.........................................................................................24

2.Le rôle de l'évaluation à travers ses définitions et les différentes catégories d'évaluation......26

a)Différentes définitions de l'évaluation...............................................................................27

b)Glossaire sur les différents types d'évaluations .................................................................28

c)L'évaluation normative opposée à l'évaluation formative...................................................29

d)Les pratiques évaluatives en classe.....................................................................................30

3.Les attentes extérieures ont évolué ces dernières années.........................................................31

a)Les attentes de l’Éducation Nationale.................................................................................31

a) Les parents d’élèves........................................................................................................33

b)Le poids de la société..........................................................................................................34

III.Comment évaluer pour favoriser l'estime de soi ?......................................................................35

1.La prise de conscience que l'évaluation ne reflète pas de manière objective le niveau de l'élève..........................................................................................................................................35

a)La docimologie....................................................................................................................35

b)L'aspect objectif et subjectif de l'évaluation.......................................................................37

2.Le lien entre estime de soi et performances scolaires..............................................................38

a)Estime de soi et résultats scolaires......................................................................................38

b)Les conceptions de soi dans le domaine scolaire................................................................39

3

c)L'importance du contexte scolaire ......................................................................................43

3.Les effets liés aux pratiques enseignantes................................................................................44

a)Les risques de l'évaluation :................................................................................................45

b)L'effet Pygmalion et l'effet maître.......................................................................................46

4.Comment favoriser l'estime de soi ?.......................................................................................48

a)Le développement des compétences psychosociales, une solution pour développer l'estime de soi ?....................................................................................................................................48

b)Comment améliorer l'organisation des conceptions de soi de réussite ?............................49

c)Dédramatiser l'erreur...........................................................................................................50

d)La pédagogie de projet pour revaloriser l'estime de soi des élèves décrocheurs................51

5.Comment améliorer sa pratique évaluative pour favoriser l'estime de soi ? ...........................51

a)S'interroger sur ses pratiques évaluatives............................................................................51

b)Travailler la méthodologie de l'évaluation..........................................................................53

c)Simplifier la notation...........................................................................................................54

d)L’Évaluation Par Contrat de Confiance..............................................................................54

e)L'autoévaluation .................................................................................................................55

f)Une notation à caractère non définitive ..............................................................................56

Conclusion.......................................................................................................................................57

Bibliographie...................................................................................................................................58

Annexes...........................................................................................................................................61

4

Remerciements et avant-propos

En préambule à ce mémoire je souhaite remercier toutes les personnes qui m'ont aidée, de près ou de loin, à la rédaction de ce mémoire. Je tiens à remercier Monsieur Ove Ullestad pour sa disponibilité et son aide en tant que directeur de mémoire. Nos discussions régulières m'ont permis de mettre de l'ordre dans mes idées et écrits. J'exprime ma gratitude aux deux rééducatrices RASED, Mesdames Anne-Marie Sattler et Eve Arbogast, que j'ai croisées lors d'une manifestation. C'est notre discussion qui m'a sensibilisée sur les impacts de l’évaluation qui peut aussi bien émuler que détruire, elle fut mon déclencheur pour le choix du thème du mémoire. Mes remerciements vont aussi vers toutes les personnes -élèves, enseignants ou étudiants- que j'ai croisées en Finlande et qui ont fait avancer ma réflexion sur l'évaluation et sur l'enseignement en général. Je n'oublie pas mon entourage proche pour leur soutien, et tout particulièrement Baptiste qui a pris le temps de lire et relire ce travail pour le corriger. Je vous propose avant de lire le mémoire un extrait du livre Chagrin d'école :

Le fait est qu'une des accusations les plus fréquentes faites par la famille et les professeurs au mauvais élève est l'inévitable « Tu le fais exprès ! ».

[…] exprès de quoi faire ?

De ne pas m'obéir ?

De ne pas travailler ?

De ne pas te concentrer ?

De ne pas comprendre ?

De ne pas même chercher à comprendre ?

De me résister ?

De me faire enrager ?

D'exaspérer tes profs?

De désespérer tes parents ?

De céder à tes pires faiblesses ?

De saboter ton avenir en pourrissant ton présent ?

De te moquer du monde ?

C'est ça, hein, tu te moques du monde ? Tu nous provoques ?

Tout cela, oui, si on veut, admettons.

[…] Pourquoi le fait-il néanmoins socialiser ?

exprès

?

Pour s'attirer la considération des autres cancres ? Parce que s'appliquer, ce serait trahir ? Il joue volontairement les mauvais contre les bons, les jeunes contres les vieux ? C'est sa façon à lui de se Si on veut. En tout cas, c'est la thèse favorite de la modernité : la tribalisation de la nullité, la fuite de tous les mauvais élèves dans le vaste marigot où grouille la racaille. Elle a ceci de commode, cette explication, qu'elle repose sur une certaine vérité sociologique, le phénomène existe, aucun doute. Mais elle évacue la personne, toujours unique, du gamin qui, phénomène de bandes ou pas, se retrouve seul à un moment ou à un autre, seul face à ses échecs, seul face à son avenir, seul, le soir, face à lui-même avant de se coucher. Envisageons-le alors. Regardez-le bien. Qui pourrait parier un centime sur son sentiment de bien-être ? Qui pourrait le soupçonner de

le

faire

exprès

?

(PENNAC Daniel.

Chagrin d'école

, Mayenne, Edition Gallimard,2007. p.195-200) 5

Introduction

C'est une discussion avec deux rééducatrices RASED qui a attisé ma curiosité quant à la manière d’évaluer pour que les élèves les plus fragiles ne perdent pas pied dans les apprentissages. Ayant moi-même été anxieuse face aux évaluations de certains professeurs, je suis sensible à ce sujet. Par ailleurs l’enseignement en Finlande, du fait des excellents résultats de ce pays aux tests Pisa depuis 2001, était un sujet qui éveillait ma curiosité. C'est pourquoi, pour bien saisir le fonctionnement de leur système éducatif et notamment leur manière d'évaluer sensiblement différente de chez nous, j'ai choisi d’effectuer un stage d’observation de deux semaines dans des écoles finlandaise par l’unité d’enseignement « relations internationales ». Une partie de mon Travail d’Etudes et de Recherches de M1 s’articulait autour de l'observation des pratiques de l’évaluation que j’ai pu observer en Finlande, l'essentielle de cette dernière se trouve en annexe 5. Ce qui m'a le plus frappé en Finlande est l'attention que portent les professeurs au maintien du bien-être des élèves. Le système finlandais cherche à développer toutes les capacités des élèves : manuelle, musicale, domestique (cuisine, ménage, couture), et celles plus scolaires (finois, mathématiques...). Le but est de rendre l'enfant autonome, pour qu'il ait tous les outils nécessaires pour affronter la vie. De plus, par la volonté de ne pas noter les élèves dans les premières classes et d'éviter tout classement, l'objectif étant de progresser par rapport à soi-même, le système finlandais cherche à maintenir la confiance des élèves en leurs propres capacités. Les premières

phrases du programme de l'école obligatoire finlandais atteste de ces volontés 1

Ces observations m'ont amenée à me demander quelle est la place que l'on accorde au bien être de l'élève en France ? Qu'évalue-t-on ? Pourquoi évalue-t-on ? Est-ce qu'un élève qui n'obtient pas de bonnes notes peut encore s'estimer capable dans ses apprentissages ? Quels sont les impacts de la notation en France ? Comment maintenir l'envie d'apprendre tout en évaluant ? 1

« 1. The purpose of education referred to in this Act is to support pupils' growth into humanity and into ethically responsible membership of society and to provide them with knowledge and skills needed in life.

up to 1136/2010. En ligne

in education and otherwise developing themselves during their lives. »

http://www.finlex.fi/en/laki/kaannokset/1998/en19980628.pdf

[…] 2.Education shall promote civilisation and equality in society and pupils' prerequisites for participating

(FINNISH) MINSTRY OF EDUCATION AND CULTURE. Basic Education Act, 628/1998, Amendments , [consulté le 26/01/2013] 6

I. L'estime de soi/ le concept de soi 1. Définitions

L’estime de soi :

l’étymologie du terme est parlante. En effet, le verbe estimer provient du nom latin

oestimarer

qui signifie « évaluer », c’est-à-dire déterminer la valeur de quelque chose. En l’occurrence l'estime de soi peut se traduire comme déterminer la valeur de soi.

Beauregard et al.

2 la définissent comme

« la conscience de la valeur personnelle qu’on se reconnaît. Elle se manifeste par un ensemble d’attitudes et de croyances qui nous permettent de faire face au monde et aux difficultés de la vie. L’estime de soi est une représentation affective qu’on se fait de soi-même ».

Meram et al.

3 posent l’estime de soi comme le socle des ressources internes nécessaires dans

la vie pour se

« développer, s’affirmer, s’adapter à son environnement, se projeter sans crainte excessive de l’échec ou du jugement d’autrui et qui lui permettra de nouer des relations satisfaisantes avec les autres ».

Le concept de soi

est théoriquement vierge de l’aspect évaluatif. D’après Famose, Guerin et

Sarrazin 4 c’est une structure cognitive qui permet aux individus de penser consciemment sur eux-

mêmes. Le concept de soi en psychologie sociale est composé des nombreuses connaissances qu’a

un individu sur lui-même ; Martinot 5 ajoute qu’ainsi l’individu «

peut se conceptualiser dans beaucoup de rôles possibles ou comme ayant des attributs différents

».

Le sentiment d’auto-efficacité

a été étudié par Albert Bandura. C’est le résultat de

processus de plusieurs ordres : cognitif, affectif et motivationnel. D’après Fortin 6 il se réfère «

à la perception de notre aptitude à mettre en œuvre une suite d’actions pour atteindre un but donné

».

2 BEAUREGARD Louise Anne, BOUFFARD, Richard, DUCLOS, Germain. Estime de soi et compétences sociales chez les 8 à 12 ans

.

Montréal : Hôpital Saint Justice. 2000. Cité par RAMBAUD Angélique. Les effets des dispositifs pédagogiques sur l'estime de soi et la maîtrise de la lecture des élèves de CP et de CE1 : suivi longitudinal. Thèse soutenue le à l'université de Nantes 2/11/2009. p.17 18 3 MERAM Dalith, EYRAUD Geniève, FONTAINE Denis, OELESNER Agnès. Favoriser l'estime de soi à l'école. Enjeux, démarches, outils. Chronique Sociale, Lyon, novembre 2006. conceptuelle, formation, et relations à la performance sportive ». p.19

4 FAMOSE Jean-Pierre, GUERIN Florence, SARRAZIN Philippe. « Les croyances sur soi : clarification

Croyances et performance sportive. Processus sociocognitifs associés aux comportements sportifs

(pp.19-52). Paris : Éditions Revue EPS. 2005. Cité par RAMBAUD Angélique, ».

op. cit.

(note 2) 5 MARTINOT Delphine, « Connaissance de soi et estime de soi : ingrédients pour la réussite scolaire Revue des sciences de l'éducation, vol. 27, n° 3, 2001, p. 483-502. Citation p.484 6 FORTIN Jacques, Devenir compétent en santé,

Les cahiers pédagogiques,

Hors-série numérique n°24, janvier 2012, p.8-11. Citation p.9

7

La motivation :

elle correspond selon Fortin 7 «

à une énergie intra-individuelle polyfactorielle, qui va expliquer et déclencher un comportement en fonction d’un but. Elle interroge et mobilise un système de valeurs marqué par l’éducation, la culture, la société et la personnalité de chacun. L’attitude envers le but envisagé et la conduite afférente dépendent à la fois de connaissances, de croyances et de sentiment

».

Meram et al 8 nous sensibilisent à la complexité du regard sur soi qui implique d’autres

facteurs tels que la vision de soi, que l’on peut qualifier d’identité et qui est assez similaire au concept de soi ; la confiance en soi qui est la croyance en ses capacités ; l’amour pour soi très dépendant de l’estime de soi à mon sens ; enfin la valorisation du moi.

Comme le remarque Rambaud 9 les différents concepts associés au soi sont tous liés et la liste

des termes qui y est associée est longue et parfois utilisée de manière interchangeable dans le domaine scientifique. En ce qui concerne l'estime de soi et la conception de soi la définition théorique est claire mais la distinction empirique n'a pas été clairement démontrée toujours d'après cette auteure. En effet, elle est difficile à mettre en œuvre dans les recherches puisque l'on part de descriptions du sujet et donner une description tout à fait objective de soi semble assez improbable. C'est pourquoi nous considérerons alternativement les deux termes en fonction des auteurs et des recherches.

2. Le bien-être de l'élève une préoccupation actuelle de l'école ?

a) L'évolution du concept de santé

Majoritairement en Occident, la santé était tout d’abord considérée comme une absence de maladie, puis l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) l’a définie comme un état de bien-être

physique, psychique et social en 1945.

10

Une autre avancée majeure dans le domaine de la santé est la Charte d’Ottawa

11 , signée en

1986, elle visait une amélioration de la santé au niveau mondial d’ici l’an 2000 et plus. Cinq axes de travail sont envisagés pour promouvoir la santé, dont un qui se nomme « acquisition 7 FORTIN Jacques,

ibidem

, p.9

8 MERAM Dalith et al.,

op. cit

. (note 3) 9 RAMBAUD Angélique, la Santé 1986

op. cit.

(note2) 10 Préambule adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 États. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948. à la Constitution de l'Organisation mondiale de 11 Première Conférence internationale sur la promotion de la santé, Ottawa (Canada), 17–21 novembre 8

d’aptitudes individuelles » et dont le but est d’encourager l’adoption de comportements sains de tout un chacun en développant les compétences individuelles et sociales notamment grâce à l’information et à l’éducation. Ainsi, les individus ont un meilleur contrôle sur leur santé et sont

plus aptes à faire les bons choix lors de moments difficiles 12 . Il est précisé que l’école doit avoir

une part active dans ce travail. Au niveau international de nombreux pays ont signé cette charte, notamment la France.

Après une redéfinition de la santé et les encouragements au niveau international pour promouvoir cette dernière, l’OMS a défini en 1993 les compétences individuelles que doivent acquérir les personnes pour être responsables de leur santé mentale et adopter des comportements sains, sous le terme de « compétences psychosociales ». Ces compétences permettent d’avoir des bonnes relations avec les autres, sa culture et son environnement. Elles sont définies au nombre de dix et présentées par couple, il est admis qu’elles ont une valeur transculturelle :

« - se connaître soi-même, éprouver de l’empathie ; - savoir se faire comprendre, pouvoir entrer en relation avec les autres ; - avoir une pensée critique, créative ; - savoir résoudre des problèmes, savoir prendre des décisions. »

Une autre définition, proposée par Dalith Meram et al.

13 distinguent les compétences

psychosociales et sociales :

Les compétences psychosociales représentent l’habileté d’une personne à coordonner avec succès ses ressources cognitives, affectives et comportementales, de concert avec les composantes de son environnement, pour la réalisation de ses tâches ou de ses objectifs. Les compétences sociales sont l’ensemble des habiletés d’une personne à gérer ses relations avec les autres, à résister à la pression des autres, à savoir demander de l’aide, à comprendre la situation de l’autre (empathie), à l’aider ou le soutenir (comportements pro sociaux).

12 «

La promotion de la santé a pour but de donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l’améliorer. Pour parvenir à un état de complet bien-être physique, mental et social, l’individu, ou le groupe, doit pouvoir identifier et réaliser ses ambitions, satisfaire ses besoins et évoluer avec son milieu ou s’y adapter. La santé est donc perçue comme une ressource de la vie quotidienne, et non comme le but de la vie; c’est un concept positif mettant l’accent sur les ressources sociales et personnelles, et sur les capacités physiques. La promotion de la santé ne relève donc pas seulement du secteur de la santé : elle ne se borne pas seulement à préconiser l’adoption de modes de vie qui favorisent la bonne santé ; son ambition est le bien-être complet de l’individu »

, OMS, Charte d’Ottawa, 1986.

13 MERAM Dalith et al.,

op. cit.

(note 3). p. 24 9

b) L’évolution du mode éducatif en parallèle avec l'évolution du concept de santé ?

D’après Meram et al 14 , le mode éducatif traditionnel est basé sur la transmission du savoir de

l’enseignant à l’élève. Dans ce modèle, la relation entre les protagonistes est une relation de « dominant-dominé ». L’adulte, ici l’enseignant, a une position dominante sur l’élève. Le rôle de l’élève est d’obéir, d’écouter et de mémoriser. Ce modèle a longtemps été appliqué en France parce qu’il était conforme au fonctionnement de la société bâtie sur l’autorité et la contrainte. L’élève avait une position passive dans les apprentissages et se soumettait au système, aussi, par la peur des châtiments corporels.

Actuellement, on recherche une relation de coopération entre l’enseignant et l’enfant dont on prend en compte les besoins, et, dans la mesure du possible, ses demandes. L’élève est passé à un statut de sujet et l’enseignant est là pour l’aider à s’instruire. On recherche au maximum l’individualisation dans les apprentissages. L’apprentissage est devenu un processus actif, en effet le champ d’action de l’élève est plus large car il doit

« écouter, parler, traduire, explorer, intégrer, retenir et donc se représenter la chose, lui trouver un sens, l’intégrer à ce qu’il sait déjà, se

l’approprier » 15

S’approprier le savoir c’est donc prendre en compte ses connaissances, son histoire, ses opinions, ses représentations et cela nécessite des compétences propres qui sont les compétences psychosociales explicitées plus haut. La connaissance de soi, la confiance en soi et l’estime de soi sont de ce fait liées aux apprentissages. Meram n'est pas la seule à faire le lien entre l'évolution des modèles éducatifs et les modèles de santé, Eymard a aussi fait ce lien en distinguant six modèles : les trois premiers allant de pair

avec les trois derniers 16 :

Au niveau de l'éducation : – le modèle de l'instruction ou modèle transmissif – le modèle du développement du sujet qui est centré sur le sujet – le modèle de l'interaction sociale qui prend en compte les savoirs être et les relations avec le monde 14 MERAM Dalith et al.,

op. cit

. (note 3).

15

Ibid.,

p.36

16 EYMARD Chantal. « Essai de modélisation des liens entre éducation et santé ».

Questions vives, recherches en éducation

, vol. 3, n° 5, 2004, p. 13-34. Cité par GAUSSEL Marie,

« Éducation à la santé : vers une démocratie sanitaire »

. Dossier d’actualité Veille et Analyses, n°69, décembre 2011. En ligne : http://www.academie-medecine.fr/detailPublication.cfm?idRub=26&idLigne=1821 10

On constate que les deux premiers modèles correspondent aux modes éducatifs formulés par Meram.

Au niveau de la santé : – le modèle linéaire qui conçoit la santé de manière négative, il est centré sur l'absence de maladie – le modèle global de la santé positive. Il est centré sur la personne, le développement de ses compétences individuelles et son adaptation à la société.

– le modèle de la santé qui considère les personnes comme des sujets responsables et ouverts sur le monde Si l'on combine les modèles par ordre d'apparition, comme l'éducation est plus ciblée sur la personne, le modèle de santé devrait être un modèle global et positif.

c) Quel lien entre éducation et santé ?

Eide et Showalter 17 affirment que le lien entre éducation et santé a été démontré, car la santé

des personnes ayant fait de longues études, est associée positivement à une vie plus longue et une meilleure santé. Ce qui est plus difficilement démontrable c'est l'impact de la santé sur l'éducation.

Cependant, une étude de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques

(OCDE) 18 nous démontre que le rapport causal entre éducation et santé se fait dans les deux sens :

Ce chapitre formule un certain nombre de conclusions politiques à la lumière des résultats du présent rapport. L’éducation n’est pas un remède miracle, mais elle peut largement contribuer à promouvoir la santé et la cohésion sociale en développant les compétences cognitives, sociales et émotionnelles ainsi que les principes, les pratiques et les normes qui sous-tendent une hygiène de vie saine et une citoyenneté active. Ces compétences seront mieux développées si la famille et l’environnement social élargi appuient les efforts menés en milieu scolaire. Il faut donc assurer la cohérence des mesures prises dans les différents secteurs et à tous les niveaux d’enseignement. L’éducation et la protection de la petite enfance montrent comment concevoir des approches intégrées et coordonnées et comment étendre ces approches à d’autres niveaux d’enseignement. Le défi est certes ambitieux, mais l’amélioration de l’éducation peut contribuer de façon décisive au bien-être et au progrès social.

17 EIDE Eric R. & SHOWALTER Mark H.. « Estimating the relation between health and education : What do we know and what do we need to know ? ».

Economics of Education Review

, vol. 30, n° 5, octobre, 2011, p. 778–791. En ligne : < http://www.sciencedirec

e/pii/S0272775711000525 >. Cité par GAUSSEL Marie,

op. cit.

(note 16).

18 MIYAMOTO Koji & CHEVALIER Arnaud. « Éducation et santé ». In

L'éducation, un levier pour améliorer la santé et la cohésion sociale

. Paris : OCDE, 2009, p. 125–202. En ligne : < http://www.oecd-ilibrar p.227

ociale_9789264086333-fr >. Cité par GAUSSEL Marie,

op. cit.

(note 16). 11

d) Quelle éducation à la santé est actuellement enseignée en France ?

Il est ici nécessaire de clarifier le terme d'éducation à la santé. Pour pouvoir éduquer à la santé il faut tout d'abord des conditions et des ressources préalables énoncées en sept points par la

Charte d'Ottawa 19 , à savoir :

« se loger ; accéder à l'éducation ; se nourrir convenablement ; disposer d'un certain revenu ; bénéficier d'un écosystème stable ; compter sur un apport durable de ressources ; avoir droit à la justice sociale et à un traitement équitable».

L'éducation à la santé est donc une éducation dont le but est de favoriser la santé.

Le premier indice quant à la position de l’Éducation Nationale est le socle commun de connaissances et de compétences

. Il est organisé en compétences, chacune composée de connaissances, capacités et attitudes. Deux items dans le socle commun de connaissances et de compétences semblent liés à l’éducation à la santé : le sixième et le septième, c'est à dire les compétences sociales et civiques ainsi que l’autonomie et l’initiative.

Ce qui est attendu des compétences sociales et civiques 20 par la transmission de valeurs et de

savoirs est de développer des comportements qui favorisent la participation à la vie sociale et professionnelle, ainsi que d’exercer sa liberté en respectant celle des autres et de refuser la violence. De plus, d’après les instructions officielles,

« l’école doit permettre à chacun de devenir pleinement responsable - c’est-à-dire autonome et ouvert à l’initiative - et assumer plus efficacement sa fonction d’éducation sociale et civique ».

Car c’est cette responsabilité qui serait une ressource essentielle à l’élève pour réussir sa scolarité, sa future formation et son avenir professionnel mais également sa vie en société et sa vie de citoyen.

Dans les capacités listées pour vivre en société l’une d’entre elle fait référence à la connaissance de soi : l’élève doit être capable

« d’évaluer les conséquences de ses actes : savoir reconnaître et nommer ses émotions, ses impressions, pouvoir s’affirmer de manière constructive »

. Par ailleurs, pour vivre en société les attitudes attendues sont :

« le respect de soi ; le respect des autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes) ; le respect de l'autre sexe ; le respect de la vie privée ; la volonté de résoudre pacifiquement les conflits ; la conscience que nul ne peut exister sans autrui : conscience de la contribution nécessaire de chacun à la collectivité ; sens de la responsabilité par rapport aux autres ; nécessité de la solidarité : prise en compte des besoins des personnes en difficulté (physiquement, économiquement), en France et ailleurs dans le monde. »

19 Voir note 11 20 Ministère de l’éducation nationale (MEN), présentation du socle commun. Les compétences sociales et civiques. Eduscol, http://eduscol.education.fr/cid45612/competence.html

, mise à jour le 3 décembre 2012 [ consulté le 21/01/2013] 12

Ce qui est promulgué par l’intitulé « autonomie et initiative » 21 est de rendre l’élève

capable de juger, agir et choisir par lui-même ainsi que de développer sa capacité à apprendre et réaliser des projets individuellement ou en groupe. L’autonomie comme la responsabilité est présentée comme une des conditions pour réussir professionnellement et socialement. Il revient à l’école de développer la capacité à apprendre de l’élève, non seulement le temps de sa scolarité mais également celui de sa vie. Entre autres capacités, sont attendues : raisonner avec logique et rigueur, développer sa persévérance, savoir s’autoévaluer (cette dernière capacité est rattachée à la connaissance de ses propres points forts et faibles). Les attitudes corrélées à ces capacités sont tout à fait intéressantes :

« la motivation, la confiance en soi, le désir de réussir et de progresser sont des attitudes fondamentales »

. L’esprit d’initiative est défini comme une attitude essentielle construit par :

« l’envie de prendre des initiatives, d’anticiper, d’être interdépendant et inventif dans la vie privée, dans la vie publique et plus tard au travail […] Elle implique : curiosité et créativité, motivation et détermination dans la réalisation d’objectifs. »

En outre, il existe des textes qui explicitent l’éducation à la santé à l’école ; en voici quelques exemples : ➢

le Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale (BOEN) sur la politique de santé en

faveur des élèves de 2001

22 . Ci-dessous, quelques extraits qui définissent ce qu’est la promotion

de la santé et comment elle doit être enseignée :

La mission de promotion de la santé en faveur des élèves a pour objectif essentiel et spécifique de veiller à leur bien- être, de contribuer à leur réussite et de les accompagner dans la construction de leur personnalité individuelle et collective. Les responsabilités de l'École en cette matière sont affirmées notamment dans les dispositions générales du Code de l'éducation Livre I, Titres I et II.

Cette mission est à réaliser avec l’ensemble de la communauté éducative, elle s’intègre dans le processus éducatif. Le premier objectif cité est très semblable à la définition de la santé de l'OMS : «

favoriser l'équilibre et le bien-être physique, mental et social des élèves, afin de contribuer à la réalisation de leur projet personnel et professionnel […]

» 21 MEN, présentation du socle commun. L'autonomie et l’initiative.

Eduscol, http://eduscol.education.fr/pid25737-cid46755/l-autonomie-et-l-initiative.html

, mise à jour le 3 22 décembre 2012 [ consulté le 21/01/2013] MEN. BOEN n°1 du 25 janvier 2001. P olitique de santé en faveur des élèves, « Orientation générales pour la politique de santé en faveur des élèves ».

http://www.education.gouv.fr/bo/2001/special1/texte.htm

, [consulté le 21/01/2013] En ligne : 13

Le BOEN sur la politique éducative de santé dans les territoires académiques de

2011

23 . Ce texte présente une éducation à la santé moins riche que la précédente, en voici un

extrait :

[La politique de santé éducative] contribue aux côtés des familles à la construction de l'élève, en tant que personne et citoyen, dans un double objectif du respect de soi et des autres. L’école est bien en effet le lieu d'acquisition de compétences nécessaires et indispensables au mieux-vivre ensemble. Dans ce cadre, la politique éducative de santé constitue un facteur essentiel de bien-être des élèves, de réussite scolaire et d'équité.

L'accent est surtout porté sur la prévention comme nous l’atteste les sept objectifs prioritaires :

faire acquérir aux élèves des bonnes habitudes d'hygiène de vie ; - généraliser la mise en œuvre de l'éducation nutritionnelle et promouvoir les activités physiques (intégrant la prévention du surpoids et de l'obésité) ; - généraliser l'éducation à la sexualité (accès à la contraception et prévention des IST et du sida) ; - généraliser la prévention des conduites addictives ; - organiser la prévention des « jeux dangereux » et participer à la prévention et à la lutte contre le harcèlement entre élèves ; - repérer les signes d'alerte témoignant du mal-être et organiser le cas échéant la prise en charge des élèves repérés, notamment des victimes ou des auteurs de harcèlement ; - renforcer l'éducation à la responsabilité face aux risques (formation aux premiers secours).

Sur le site du MEN Eduscol, est actuellement publié un article sous l’item Éducation

à la santé : « La santé, un enjeu éducatif de santé, publique et de société ».

24

La politique éducative de santé à l’école y est présentée comme contribuant à la réussite de tous les élèves et comme étant constituée de deux axes : le suivi de la santé et l’éducation à la santé. En ce qui concerne l’éducation à la santé, il s’agit d’éduquer aux comportements responsables et à la citoyenneté.

En parallèle avec ce qui est exposé dans le texte précédent, elle est à prendre en charge par tous les partenaires éducatifs et s’appuie sur les sept objectifs prioritaires cités ci dessus.

De plus, il est clairement explicité que l’éducation à la santé fait partie du socle commun de connaissances et de compétences, qu’elle est intégrée dans les enseignements, dans des actions éducatives et dans la vie scolaire. Elle est présente dans les projets d’écoles. Étudions la mise en œuvre prescrite :

Pour que les élèves puissent faire des choix éclairés et responsables, l'éducation à la santé leur permet : - d'acquérir des connaissances, développer leur esprit critique, - d'être capables de faire des choix responsables, - d'être autonomes.

23 MEN. BOEN n°46 du 15 décembre 2011. Enseignements primaire et secondaire, Orientation, « Politique éducative de santé dans les territoires académiques ». En ligne : http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=58640 , [consulté le 21/01/2013] 24 MEN. Education à la santé, « La santé, un enjeu éducatif de santé, publique et de société », En ligne : http://eduscol.education.fr/cid47750/education-a-la-sante.html

, mise à jour le 12 décembre 2011. [ consulté le 22/01/2013] 14

[… ]l'acquisition des compétences sociales et civiques implique que les élèves : soient éduqués à la sexualité, à la santé et à la sécurité ; connaissent les gestes de premier secours ; respectent les autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes) ; respectent la vie privée ; aient le sens de la responsabilité par rapport aux autres.

L’éducation à la santé est complétée par des actions éducatives des professionnels des services sociaux et/ou médicaux.

Y a-t-il une résistance quant à développer les compétences psychosociales à l’école ? C’est la question que pose Jacques Fortin. Car si le développement des compétences est présent dans le socle commun il est peu exploré dans la formation initiale et dépendant de l’implication des inspecteurs dans la formation continue. Il pose comme hypothèse «

un manque d’information des décideurs de l’Éducation Nationale sur les recherches en matière de compétences sociales et leur impact sur les processus de tout apprentissage

». Et met en avant les pratiques culturelles vis-à vis des apprentissages : «

l’école française est davantage marquée par le culte du savoir validé par le diplôme (façonner une pensée, se cultiver) que par une intelligence pratique confrontée

aux problèmes concrets de la vie

25 ». Centrer l’apprentissage sur les savoirs n’est-ce pas oublier

que les élèves sont avant tout des personnes en formation ? En tant que personne nous baignons dans des émotions et le relationnel.

Pour conclure cette sous-partie, l’Éducation Nationale souhaite rendre les élèves responsables, aptes à penser par eux-même, à se maintenir en bonne santé et à devenir de bons citoyens. Si le texte de 2001 vise une éducation à la santé pour le bien-être physique, mental et social, les suivants semblent surtout portés sur la prévention et l’intention de développer des comportements pro-sociaux. Cependant, les textes présentent l’autonomie et l’initiative comme s’appuyant sur des attitudes telles être motivé, avoir confiance en soi, désirer réussir et progresser tout en sachant déterminer ses points forts et ses points faibles. L'estime de soi est un des facteurs de ces attitudes, c'est pourquoi nous allons essayer de mieux comprendre son fonctionnement en étudiant les structures et les caractéristiques qui lui ont été attribuées par les chercheurs.

3. Les approches structurelles et les caractéristiques de l'estime de soi/du concept de soi

a) Les approches structurelles de l'estime de soi/du concept de soi

Il est aujourd'hui admis que l'estime de soi est multidimensionnelle : il existe une estime de soi générale qui est en relation avec d'autres estimes de soi relatives à un domaine particulier. 25 Fortin Jacques.

op. cit.

(note 6). Les deux citations sont à la page 10 15

Nous allons succinctement présenter deux schémas structurels de l'estime de soi ou conception de soi qui respecte ce postulat : ➢

Celui de Shavelson et al de 1976 26 :

Ce modèle est schématisé par Rambaud Angélique 27 en Annexe 1 (p.61). Dans ce schéma on

constate une certaine hiérarchie. En effet, le concept de soi général est tout en haut de l'arbre, puis il est divisé en concept de soi scolaire et non scolaire.

Le concept de soi scolaire contient des sous-champs par discipline scolaire (français, histoire, maths, sciences), ces sous-champs se divisent encore une fois en concepts spécifiques alimentés par des évaluations et conduites dans des situations particulières. Le concept de soi non-scolaire comporte trois sous-champs : le concept de soi social (subdivisé en fonction des pairs ou d'autres significatifs) ; le concept de soi émotionnel (dont les sous-champs sont les états émotionnels particuliers) ; le concept de soi physique (subdivisé en capacité physique et en apparence physique). Puis chaque partie décrite entre parenthèse est divisée en fonction des évaluations et des conduites dans des situations particulières On compte cinq niveaux dans la hiérarchie, comme les concepts sont liés les uns aux autres on constate qu'ils influent tous sur l'estime de soi générale. De plus, une expérience particulière tout en bas du schéma, si elle est perçue positivement, augmente le niveau du domaine supérieur auquel elle est attachée. Notons que ce schéma semble très rationnel.

Celui de L'Ecuyer de 1978, 1990 et 1997 28

Ce modèle, schématisé par Rambaud Angélique 29 , est en annexe 2 (p.62). Le modèle proposé

par L'Ecuyer est également un modèle multidimensionnel et hiérarchique. Le concept de soi y est défini comme les nombreuses perceptions de soi qu'éprouve une personne. Dans ce modèle il existe cinq soi différents qui composent cinq structures, structures divisées en sous-structures, elles-même divisées en catégories. Les cinq structures sont : le soi matériel (soi somatique et soi possessif), le soi personnel (image de soi et identité de soi), le soi adaptatif (valeur de soi et 26 SHAVELSON Richard, HUBNER Judith, STANTON Goerge. Self-concept: Validation of construct interpretations. Review of Educational Research n°46. 1976. p.407-441. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2). 27 RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2).

28 L’ECUYER René.

Le concept de soi.

Paris: PUF. 1978. L’ECUYER René.

Le développement du concept de soi de 0 à 100 ans : Cent ans après William James.

Sherbrooke : Université de Sherbrooke. 1990. L’ECUYER René.

Le développement du concept de soi de l’enfance à la vieillesse. Montréal:

Les Presses de l’Université de Montréal. 1997. Les trois livres sont cités par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 29 RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 16

activités du soi), le soi social (préoccupations et attitudes sociales et référence à la sexualité) et enfin le soi-non-soi (référence à l'Autre et opinion des Autres sur soi).

Comme énoncé plus haut, il est admis à l'heure actuelle que l'estime de soi est multidimensionnelle, mais les différentes dimensions qui la composent ne font pas l'unanimité.

Une des explications qu'avance Harter 30 est que l'estime de soi renvoie à des perceptions

personnelles qui se sont construites en fonction des expériences quotidiennes, où chaque personne agit selon ses capacités et compétences propres. Les dimensions dépendent alors des expériences vécues.

b) Les caractéristiques de l'estime de soi/du concept de soi

En s'aidant du modèle de Shavelson, Hubner et Stanton (décrit plus haut), Shavelson et

Bolus 31 ont identifié sept caractéristiques du concept de soi. Il est :

– – – – – – – Organisé ou structuré selon des catégories (famille, école, amis...) Multidimensionnel : les individus différencient les différents soi. Les dimensions sont la traduction du système catégoriel d'un individu et/ou d'un groupe.

Hiérarchique : les perceptions de soi face à un comportement sont la base de la hiérarchie, au sommet se trouve le concept de soi général, entre, les perceptions de soi dans les différents domaines.

Plus ou moins stable en fonction de son niveau dans la hiérarchie : si l'estime de soi générale est relativement stable, tout en bas de la hiérarchie l'estime de soi est associée à des expériences ponctuelles donc variables en terme de réussite ou d'échec. Ainsi au fur et à mesure des expériences celles-ci influent sur l'estime de soi dans les différentes dimensions du soi.

Développemental : le concept de soi devient multidimensionnel lorsque l'enfant grandit.

Il présente un caractère descriptif et évaluatif. La partie évaluative fait référence à l'estime de soi.

Différencié : plus on descend dans la hiérarchie plus on trouve des concepts de soi de plus en plus spécifiques (plus il y a de branches).

30 HARTER Susan. . Comprendre l’estime de soi de l’enfant et de l’adolescent : Considérations historiques, théoriques et méthodologies. In M. Bolognini, & Y. Prêteur (Eds.), Estime de soi : Perspectives développementales (pp. 57-81). Lausanne : Delachaux et Niestlé. 1998. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 31 SHAVELSON Richard, BOLUS Roger. Self-concept: The interplay of theory and methods. Journal of Educational Psychology, 74, 3-17. 1982. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 17

L'Ecuyer 32 a également proposé des caractéristiques du concept de soi :

Il reprend l'aspect multidimensionnel, différencié, hiérarchique, structuré et développemental et y ajoute : – – L' aspect expérientiel : le concept de soi se base sur les perceptions des expériences vécues par l'individu.

L' aspect social : la manière dont on comprend le regard des autres influe sur sa propre perception de soi.

– – – L' aspect cognitif : les perceptions de soi sont analysées par comparaison avec celles que l'individu a déjà emmagasinées.

Des degrés d'importance : elles peuvent varier en fonction des domaines puis changer avec l'âge.

Un processus dynamique : il est d'une part stable mais d'autre part changeant, notamment en fonction de la hiérarchie ou d’événements marquants.

4. Le développement du soi

a) Le développement du concept de soi

Les recherches actuelles sur le développement du concept de soi sont nombreuses. En cause : la préoccupation du bien-être, de la confiance de soi et de l'estime de soi qui sont des termes très en vogue. Nous allons rapidement lister les principaux modèles conceptuels de la construction de

soi d'après l'article de Sofia Hue, 33 qui les classe en deux catégories : ceux qui s'inscrivent dans

une perspective psychosociale et ceux qui répondent à une vision psychodynamique du développement.

Les modèles basés sur les perspectives psychosociales considèrent que le concept de soi émerge avant tout grâce aux interactions sociales :

James en 1890 34 est le premier à distinguer le « Je » et le « Moi », le « Je » étant le « Soi-agent »

qui exécute et le « Moi » le « Soi-objet » qui se réfère aux expériences sociales passées. James est considéré comme le premier à prendre en compte la dimension sociale du soi.

Baldwin en 1897 35 assure que l'enfant développe le concept de soi grâce à un dialogue entre l'

ego

32 L’ECUYER René.

Le développement du concept de soi de l’enfance à la vieillesse. Montréal:

Les Presses de l’Université de Montréal. 1997. scolaire ». B

ulletin de psychologie n°499,

34 JAMES William. Cité par RAMBAUD Angélique, o 01/2009, p.3-14

The principles of psychology p. cit.

(note 2) 33 HUE Sofia et al. « Autoévaluation des compétences personnelles et l'image de soi de l'enfant en milieu , New York, Henry Holt, 1890. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 35 BALDWIN James. Social and ethical interpretations in mental development. New York, Macmillan, 1897. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 18

et l'

alter,

le premier représentant notre propre perception de soi et le second les représentations que nous avons des autres qui vont nous permettre de nous projeter et de les imiter.

Wallon en 1945 36 pose comme thèse que le jeune enfant va développer sa conscience de soi

d'abord au contact de sa mère, puis de sa famille et enfin à travers les interactions personnelles et extrafamiliales. C'est donc le dialogue entre l'enfant et son environnement qui lui permet de se construire une image de soi.

En partant des précédents travaux de James et Baldwin, Mead en 1934 37 affirme que les

principaux agents de la construction de soi sont les normes sociales et les valeurs culturelles dans lesquelles l'enfant vit, l'enfant va s'en imprégner et intérioriser jusqu'à ce qu'ils fondent la base de ses comportements.

En revanche, Cooley, en partant des même travaux, 38 défend que les interactions avec autrui sont

les plus importantes dans la construction de soi et il fonde la théorie du « miroir social ».

Les modèles basés sur la vision psychodynamique s'intéressent surtout aux motivations individuelles dans la construction de la personne et en parallèle à son histoire personnelle.

Cependant, ils accordent également de l'importance aux interactions sociales mais essentiellement lors de la petite enfance et dans le milieu familial.

Bowbly 39 et Winnicott 40 suggèrent tous deux en 1969 que les bases de la construction du soi se

font grâce à la relation de confiance entre l'enfant et la mère.

D'autres auteurs comme Adler en 1927 41 et Jung en 1969 42 soutiennent que le développement du

soi est un processus d'autoréalisation qui est actif tout au long de la vie.

Adler en 1927 pose la thèse d'infériorité de l'enfant. Comme celui-ci n'est pas capable de subvenir à ses besoins seul, alors qu'il a des pulsions de toute puissance, il est bloqué par les exigences du monde des adultes. Dans cette confrontation il va développer soit un complexe d'infériorité, soit 36 WALLON Henri.

Les origines de la pensée chez l’enfant

, Paris, Presses universitaires de France, 1945. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 37 MEAD George.

Mind, self and society

[1934], trad. fr.

L’esprit, le soi et la société

, Paris, Presses universitaires de France, 2006. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 38 COOLEY Horton.

Human nature and the social order

, New York, Scriber’s, 1902. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 39 BOWLBY John.

Attachment and loss. 1 Attachment

(1969), trad. fr.

Attachement et perte, vol. 1 Attachement

, Paris, Presses universitaire de France, 2002. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 40 WINNICOTT Donald. De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1969. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 41 ADLER Alfred. Menschenkenntnis (1927), trad. fr.

Connaissance de l’homme : étude de caractérologie individuelle

, Paris, Payot, 2004. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 42 JUNG Carl. Structure and dynamics of the psyche, dans

Collected works of C. G. Jung, vol. 8

, Princeton, Princeton university press, 1969. Cité par HUE Sofia,

op. cit.

(note32) 19

un complexe de supériorité.

De même Erikson en 1950 43 argumente autour de ce conflit psychosocial entre la compétence et

l'infériorité lorsque l'enfant est en âge d'aller à l'école.

b) Les principaux facteurs qui influent sur le développement de l'estime de soi

Le développement de l'estime de soi est intrinsèquement lié à celui du concept de soi puisque la seule différence théorique est la valeur évaluative de cette perception. Nous allons succinctement analyser différents modèles du développement de l'estime de soi en identifiant les

principaux facteurs qui l'influencent. Nous nous référerons à la thèse de Rambaud Angélique 44 .

La perception des compétences propres

James en 1890 45 avait une vision très mathématique de l'estime de soi : estime de soi = Harter en 1986 46 , après des expériences empiriques, introduit la notion de

domaine « plus important » que d'autres pour les individus. Ainsi, les personnes avec une forte estime de soi sont compétentes dans les domaines qu'elles jugent importants et faiblement compétentes dans ceux qu'elles jugent moins importants. Cela est inversé chez les personnes qui

ont une faible estime d'eux-même. Cependant, en 1998 Harter 47 posa un bémol, en affirmant

qu'avant 8 ans les enfants étaient «

cognitivement incapables de comparer simultanément deux concepts tels que l'importance d'un domaine et l'évaluation de soi

» ➢

Les interactions sociales

Cooley en 1902 48 est le premier à dire que l'estime de soi serait une construction sociale. La

théorie du « miroir social » évoqué plus haut veut que nous soyons ce que les autres pensent que nous sommes. C'est à dire que nous nous regardons à travers ce miroir social.

Mead en 1934 49 précise l'importance des interactions sociales linguistiques, l'estime de soi est

donc influencée par les échanges langagiers. Il pense également que l'estime de soi est influencée par l'opinion du groupe social auquel appartient l'individu.

43 ERIKSON Erik. Childhood and society, New York, Norton, 1950. Cité par HUE Sofia, op. cit. (note32) 44 RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 45 JAMES William, o

p. cit.

(note 33) 46 HARTER Susan. Effectance motivation reconsidered: Toward a developmental model, Human Development, 21, 34-64. 1978. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2), p.13

47 HARTER Susan. Comprendre l’estime de soi de l’enfant et de l’adolescent : Considérations historiques, théoriques et méthodologies. In M. Bolognini, & Y. Prêteur (Eds.),

Estime de soi : Perspectives développementales

(pp. 57-81). Lausanne : Delachaux et Niestlé. 1998. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2), p.62

48 COOLEY Horton, o

p. cit.

(note 37) 49 MEAD George, o

p. cit.

(note 36) 20

En outre, Rosenberg en 1979 50 considère que le groupe est le cadre de référence auquel on se

compare et donc auquel on s'évalue.

Bandura en 2003 51 est en accord avec Rosenberg puisqu'il conçoit que pour construire le soi il

faille d'une part s'autoévaluer, d'autre part utiliser les interactions avec les autres.

Cependant Beauregard et al.

52 modèrent ce discours, puisqu'ils stipulent que les interactions avec

les pairs influent essentiellement sur l'estime de soi sociale.

L'environnement familial

Pour Winnicott 53 , une mère qui répond rapidement et correctement aux besoins de l'enfant permet le développement d'une bonne estime de soi. En revanche Bowlby 54 estime que cet

attachement provient d'un dispositif inné de régulation des affects de l'enfant. Il pose comme postulat que les enfants construisent des Modèles Internes Opérants (MIO) au fur et à mesure des interactions avec leur mère. Ainsi, les MIO sont des représentations mentales de soi, de la figure

d’attachement et de la relation entre soi et cette figure. Rambaud 55 conclut que «

les enfants qui vivent avec des parents sensibles à leurs besoins de proximité et de réconfort construisent un modèle de soi positif. Ils se présentent comme étant quelqu'un de compétent et apprécié par les autres. En revanche, les enfants dont les parents sont peu sensibles voire rejetants construisent un modèle de soi négatif. Il se représentent comme étant incompétents et peu dignes d'intérêt. »

L'environnement scolaire

L'école est un lieu de construction de soi, il est même fondamental pour Maintier et

Alaphilippe 56 . En effet, selon Jacobs et al..

57 , les expériences scolaires sont déterminantes. Par la qualité de la

communication avec les adultes (enseignants, Agents Territoriaux Spécialisés des Écoles Maternelles...), l'environnement social (pairs, enseignant), le niveau scolaire atteint, l'opinion des 50 ROSENBERG Moris. Conceiving the self. New York: Basic Books. 1979. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 51 BANDURA Albert. Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Paris : Éditions De Boeck Université, 2003. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 52 BEAUREGARD Louise-Anne, BOUFFARD Richard, DUCLOS Germain. Estime de soi et compétences sociales chez les 8 à 12 ans

.

Montréal : Hôpital Saint Justice. 2000. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 53 WINNICOTT Donald, o

p. cit.

(note 39) 54 BOWLBY John, o

p. cit.

(note 38) 55 RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2), p.67

56 MAINTIER Christine, ALAPHILIPPE Daniel. Estime de soi des élèves de cycle primaire en fonction du niveau de classe et du type de zone d’éducation. Bulletin de Psychologie, 60(2), p.115-120. 2007. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 57 JACOBS Janis E., BLEEKER Martha M.,CONSTANTINO Michael J. The self-esteem During Childhood and Adolescence: Development, Influences and Implications. Journal of Psychotherapy Integration, 13(1), p.33-65. 2003. Cité par RAMBAUD Anéglique, op. cit. (note 2) 21

pairs sur soi, l'enfant se situe et ces nouvelles expériences développent son estime de soi.

D'après Bressoux et Pansu 58 , les évaluations effectuées par les enseignants peuvent directement ou

indirectement affecter l'estime de soi des élèves.

De plus, les perceptions et les attentes de l'enseignant influencent l'estime de soi des élèves.

D'après Marsollier 59 , en fonction des feedbacks qu'il perçoit, l'élève va réguler ses attitudes

émotionnelles et cognitives. Ce feedback lui permet de savoir pourquoi il a réussi ou non.

Comme le remarquent Famose, Guerin et Sarrazin 60 , l'évaluation de l'enseignant est aussi une base

pour les comparaisons sociales des élèves entre eux.

L'effet de l'âge

D'après l'étude longitudinale qui a duré trois ans de Wigfield et al.

61 , l'estime de soi diminue

de la première à la dernière année du primaire et devient dans un même temps de plus en plus

stable chez les enfants. Pourtant, d'après Maintier et Alaphilippe 62 , la plupart des enfants qui entrent à l'école primaire ont une haute estime de soi. En effet, Verrier 63 , après une étude

longitudinale avec des enfants de 3 à 5 ans, conclut que les perceptions de soi des enfants sont hautes à cet âge et le deviennent de plus en plus de 3 à 5 ans, de plus cette haute estime de soi se

révèle stable. D'après Rambaud 64 «

différentes recherches ont pu montrer que les enfants de 4 à 8 ans s'évalueraient de façon très positive

». On peut à juste titre se demander pourquoi l'estime de soi chute lorsque les enfants entrent à l'école élémentaire ou lorsqu'ils atteignent cet âge de 8 ans ?

D'après Gilly 65 , qui s'inspire des travaux de Piaget, c'est la pensée égocentrique de l'enfant qui

le protège d'une certaine manière puisqu'elle empêcherait une pensée objective sur soi et 58 BRESSOUX Pascal, PANSU Pascal. Quand les enseignants jugent leurs élèves. Paris : Presse Universitaire de France. 2003. Cité par RAMBAUD Anélique, op. cit. (note 2) 59 MARSOLLIER Christophe. Créer une véritable relation pédagogique. Paris : Hachette Education. 2004. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 60 FAMOSE Jean-Pierre, GUERIN, Florence, & SARRAZIN Philippe. Les croyances sur soi : clarification conceptuelle, formation, et relations à la performance sportive. In O. & P. Sarrazin (dir (pp.19-52). Paris : Éditions Revue EPS. 2005. (note 2) 64 RAMBAUD Angélique, o 65 GILLY Michel.

p. cit.

(note 2), p.68

Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

Psychology, 89, 451-469. 1997. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 62 MAINTIER Christine, ALAPHILIPPE Daniel. op. cit. (note 55)

Maître-élève : Rôles institutionnels et représentations

(note 2) . Paris : PUF. 1980.

.), Croyances et performance sportive. Processus sociocognitifs associés aux comportements sportifs

61 WIGFIELD Allan, ECCLES Jacqueslynne, KWANG Suk Yoon, HAROLD, Rena, ARBRETON Amy, FREEDMAN-DOAN Carol, BLUMENFELD Phyllis. Changes in childrens competence beliefs and subjectives task values across the elementary school years : A 3 years study. Journal of Educational 63 VERRIER Nadège. Compétences en langage et perception de soi des jeunes enfants : Etude longitudinale. Revue de Psychoéducation, 33(1), 13-39. 2004. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 22

favoriserait une surévaluation systématique. Maintier et Alaphilippe 66 l'expliquent par une augmentation de la comparaison entre pairs. Flammer 67 suppose que la surévaluation des enfants

de maternelles est due aux remarques positives des professeurs de maternelle. Pour Harter

68 les

perceptions de l'enfant s'approchent de ses compétences réelles à partir de huit ans grâce à une

évolution des compétences cognitives. Stipek et Hofman 69 sont en accord avec cette explication

puisqu'ils pensent que le déclin de l'estime de soi est dû à la capacité des enfants à prendre en

compte les réussites et les échecs dans une tâche. Chapman et al.

70 mettent en avant les

expériences des élèves et plus particulièrement la fréquence des réussites ou des échecs au cours

des premières années d'école. Marsh et al.

71 prennent en compte les deux facteurs : d'une part les

enfants sont de plus en plus réalistes quant à leurs compétences propres mais leur estime de soi est influencée par les jugements des enseignants.

Une autre étude de Sofia Hue et al.

72 arrive à un constat intéressant : l'atténuation de

l'autoévaluation commence plus tôt chez les filles que chez les garçons (en CE1-CE2 en moyenne

pour les premières et en CM1 chez les seconds). D'après Macoby 73 l'explication est une

socialisation différentielle selon les sexes. Son hypothèse est que les filles accèdent plus rapidement à la comparaison sociale et prennent plus vite en compte le jugement de l'enseignant sur leur compétences et comportements. L'étude de Sofia Hue et al. a également montré qu'en général les garçons s'estiment plus fortement que les filles, ainsi la socialisation différentielle s'accorde à dire que les garçons prennent moins en compte les rétroactions sociales que les filles ou bien qu'ils ne prennent en compte que celles qui leur sont favorables.

66 MAINTIER Christine, ALAPHILIPPE Daniel. op. cit. (note 55) 67 FLAMMER August. Developpemental analysis of control beliefs. In A. Bandura (Eds.),

Selfefficacy in changing societies

(pp. 69-113). New York: Cambridge Press University. 1989. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 68 HARTER Susan. The Perceived Competence Scale for Children. Child Development, 53, 87- 97. 1982. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 69 STIPEK Deborah, HOFFMAN Joel. Children’s achievment-related expectations as a function of academic performance histories and sex. Journal of Educational Psychology, 72, 861-865. 1980. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 70 CHAPMAN James W., TUNMER, William E., PROCHNOW Jane E. Early reading-related skills and performance, reading self-concept, and the development of academic self-concept. Journal of Educational Psychology, 92, 703-708. 2000. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 71 MARSH Herbert, CRAVEN Rhonda, DEBUS Raymond. Structure, stability, and development of young children’s self-concepts: A multi-cohort-multioccasion study. Child Development, 69, 1030-1053. 1998. Cité par RAMBAUD Angélique, op. cit. (note 2) 72 HUE Sofia et al., 1990, p. 513-520.

op. cit.

(note32) 73 MACCOBY Eleanor. Gender and relationship : a developmental account, American psychologist, 42, 4, MACCOBY Eleanor. The two sexes, Cambridge, MA, Harvard university press, 1998.

MACCOBY Eleanor. Perspective on gender development, International journal of behavior development, 24, 4, 2000, p. 398-406. Les trois livres sont cités par HUE Sofia et al.,

op. cit.

(note32) 23

II. La pratique de l'évaluation en France 1. Approche historique de l'évaluation

Selon Geneviève Meyer 74 ,

avant la révolution et l’abolition des privilèges, les charges et les fonctions étaient héréditaires, puis la préoccupation d’une justice entre les hommes fut à l’origine de l’évaluation. Les premiers examens étaient surtout oraux et ne reflétaient pas toujours les compétences du candidat puisqu’il pouvait tout apprendre par cœur.

Au 19ème siècle l'école était le lieu où le maître dictait les devoirs et rendait les corrigés, qui, à partir de 1890, seront notés sur une échelle de 0 à 20.

A partir des années 1920 nait en France la docimologie. C'est une science qui analyse de manière critique les examens (la docimologie sera davantage détaillée dans la partie III.1.a. du mémoire). Suite à cette découverte les docimologues vont suggérer des moyens pour améliorer l'évaluation, comme la création d'outils de mesure objectifs et d’objets d’évaluation. Au niveau national cela se traduit par une standardisation des contrôles et des tests communs aux établissements, pour cela on utilise des questions fermées et des grilles de cotation. Au fur et à mesure des années on s’interroge sur l’utilisation des résultats tandis que la complexité de faire des mesures objectives persiste.

Dans les années 1930, par l’intermédiaire de Ralph Tyler 75 , le questionnement s'étend sur le

jugement du travail de l'élève et une remise en question du matériel et des méthodes pédagogiques face à l'analyse du programme. La distinction entre « l'inventaire des connaissances et développement intellectuel » est faite. On commence à prendre en compte l'élève dans son intégrité et non uniquement comme une machine à apprendre. Le concept « d'objectif d'enseignement » fait jour.

En 1967, l'américain Michael Scriven 76 sera le premier, dans le cadre de la formation pour

adulte, à parler d'évaluation sommative et formative. Il les différencie ainsi : l’évaluation sommative intervient à la fin de l’apprentissage, c’est une entité extérieure qui apprécie les changements de l’apprenant. Tandis que l’évaluation formative est axée sur les processus d’apprentissage et les changements en cours, elle est effectuée par le ou les professeurs chargés de l’enseignement. La définition de ces deux types d’évaluations va encore se modifier durant la fin du 20 ème siècle (les définitions actuelles se trouvent dans le glossaire des évaluations p.27-28).

74 MEYER Geneviève. Evaluer : pourquoi ? Comment ? Edition Hachette, Paris, 1995.

75 Cité par MEYER Geneviève,

op. cit.

(note 74) 76 Cité par MEYER Geneviève,

op. cit.

(note 74) 24

Revenons en maintenant à la France. Vers 1960 l'éducation est influencée par deux théories : les travaux de Ralph Tyler, qui sont à l’origine de la pédagogie par objectifs appliquée dans l'éducation (les programmes sont divisés en objectifs, puis en sous-objectifs). L’acquisition des objectifs est vérifiée par de très nombreuses évaluations. Cette manière de procéder est renforcée par la définition de l'évaluation formative avancée par Michael Scriven. La deuxième grande influence est la conception Tayloriste du travail qui s’étend à l'éducation : des spécialistes évaluent le travail à priori final des élèves, laissant les évaluations intermédiaires aux enseignants. Ces derniers sont privés de leur rôle d'examinateur, et n'ont plus une vision d'ensemble de leurs élèves. Peuvent-ils dans ce contexte encore se sentir responsables de la réussite de leur classe ? C’est une question que se posaient très probablement les enseignants à cette époque.

Les contestations de mai 1968 vont s'étendre à l'éducation et à l'évaluation formative, renforcées par les enseignants et spécialistes évaluateurs qui vivent mal leur statut. La vision sociale de l'évaluation se dégrade puisqu'elle est vue maintenant sous deux bannières : une négative assimilée aux termes répression, sélection, sanction, contrôle ; l'autre positive assimilée aux termes progrès, changement, adaptation et rationalisation.

Le mot contrôle devient péjoratif, tandis que l'évaluation va prendre de plus en plus de place.

Du milieu des années 1970 aux années 1990 des chercheurs vont se pencher sur la question de l'évaluation et essayer de la définir. De nouveaux termes vont apparaître plus ou moins bien explicités, faisant avancer la compréhension et la définition de l'évaluation.

B.-S. Bloom en 1979 77 définit trois évaluations :

- Formative, fréquente et immédiate elle a une fonction rétroactive.

- Sommative, elle classe, certifie, compare à des normes. - Diagnostique, elle intervient avant et pendant une unité d'apprentissage et a un but de soutien, de remédiation et d'adaptation pour l'enseignant.

Citons les autres chercheurs dont les travaux explicités dans le livre de Geneviève Meyer vont influer sur la définition de l'évaluation mouvante pendant ces décennies : Landsheere (1976) ; Tousignant (1982) ; Scallon (1988) ; Ardoino et Berger (1989) ; Bonniol et Nunziati (1990) ; Allial (1988).

77 BLOOM Benjamin Samuel.Caractéristiques individuelles et apprentissages scolaires, Paris – Bruxelles : Nathan -Labor, 1979. Cité par MEYER Geneviève,

op. cit.

(note 74) 25

Philippe Guimard 78 ajoute que pendant la première moitié du 20

ème siècle l’évaluation servait à récompenser ou à punir. Elle mettait en avant les bons élèves et reproduisait un système hiérarchisé calqué sur les différences sociales. L’école ne se sentait pas responsable des élèves en difficulté. Ces derniers vont être le point de départ de l’évaluation psychologique qui évaluait l’intelligence et triait très tôt les enfants dans des groupes de niveau de manière assez injuste.

C’est l’explosion économique, démographique, technologique et culturelle qui suit la seconde guerre mondiale qui va entraîner la nécessité d’une main d’œuvre qualifiée. La massification de l’enseignement va en outre amener une modification des mentalités car il sera permis à chacun de réussir, la promotion sociale est souhaitée. On se rend cependant compte que l’échec scolaire persiste, et les sociologues vont faire le lien entre les mauvais résultats et les milieux défavorisés.

Les premières évaluations internationales, une à l'origine de l'United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) en 1960 et l'autre de l' International Association for the Evaluation of International Achievement (IEA) de 1964 réunissent une douzaine de pays. Elles évaluèrent les compétences notamment en mathématiques d'élèves de 13 ans. Le but n'est plus de relever quantitativement les échecs et les réussites mais de se rendre compte de la qualité des apprentissages et des facteurs qui l'influencent. De même, les psychologues commencent à s’intéresser à la diversité des échecs scolaires.

Suite à 1968 et à la remise en cause des pratiques pédagogiques traditionnelles, on va s’intéresser à l’évaluation formative (comme on l’a conçoit aujourd’hui) et la différenciation pédagogique. Puis l’Éducation française va s’armer d’outils nationaux d’évaluations pour s'informer sur la rentabilité de l'éducation du point de vue des apprenants et de la société : vont être crée en 1964 le service central des statistiques et de la conjoncture, et en 1970 l’Office National d’Information Sur les Enseignements et les Professions (ONISEP). L'ONISEP a aussi pour but d'informer les apprenants sur les débouchés professionnels et d’améliorer l’orientation des élèves.

2. Le rôle de l'évaluation à travers ses définitions et les différentes catégories d'évaluation

Pour commencer cette partie remarquons qu’il n’existe pas une évaluation type applicable à toutes les situations, d’où une grande variété de catégories d’évaluations. Notons également qu’un enseignant évalue en prenant en compte ses représentations de l’apprentissage. Nous allons maintenant définir l'évaluation puis nous passerons en revue tous les types d’évaluations à la manière d’un glossaire pour ensuite survoler différentes classifications de l’évaluation.

78 GUIMARD Philippe. L’évaluation des compétences scolaires. Presse universitaire de Rennes, 2010 26

a) Différentes définitions de l'évaluation

Michel Lecointe 79 définit 4 approches de l’évaluation :

-

« L’évaluation est valeur » , en effet l’étymologie du mot évaluation vient de

advaluere

et

valere

qui ont donné le radical

value

associé à prix, valeur

.

Pour former le verbe évaluer, on ajoute au radical le préfixe « e », contraction de « ex », le verbe prend la signification suivante : extraire de la valeur. Pour Lecointe, évaluer c’est faire une estimation de la valeur dans plusieurs domaines possibles : spirituelle, morale, esthétique, philosophique, politique, existentielle...

- « L’évaluation est mesure » , c'est-à-dire qu’on compare le travail fait par l’élève à une norme et que l’on constate les divergences ou convergences. Soulignons que la docimologie a mis à mal l’objectivité des mesures d’évaluation.

-

« L’évaluation est sens » , car une fois interprétée elle est signifiante, et permet de définir une direction à suivre pour l’enseignant.

-

« L’évaluation est évolution » , elle a un caractère dynamique puisqu’elle permet de délimiter, obtenir et fournir des informations au professeur afin de prendre des décisions.

En suivant la classification des évaluations par Bonniol, Genthon et Roger de 1989 80 , on peut

voir l’évaluation comme une action privilégiant 4 aspects : Le bilan et la correction des produits La facilitation des apprentissages L’aide à la construction de l’identité individuelle et collective La régulation du fonctionnement individuel et collectif 79 LECOINTE Michel, Les Enjeux de l'évaluation, Editions L'Harmattan, 1997. Cité par TABLOT Laurent. L’évaluation formative, comment évaluer pour remédier aux difficultés d’apprentissage. Edition Armand Colin, Paris, 2009.

80 BONNIOL H., GENTHON M., ROGER M. « L'évaluation en psychologie : approches théoriques et conditions méthodologiques » AECSE, n°6. 1989. Cité par KETEKE Jean-Marie. L'évaluation conjuguée en paradigme

, la revue française de Pédagogie

, n°103, avril-mai-juin 1993, p.75

27

b) Glossaire sur les différents types d'évaluations

Nous allons reprendre les différents types d'évaluation de De Peretti et al.

81

-

Appréciative ou estimative

: orientée vers le qualitatif (J.Ardoino et G. Berger), une compétence acquise, s’attachant à exprimer la valeur de son objet, avec ou sans modèle prédéterminé (Ch. Hadji), aussi objectivement que possible, malgré le défaut de mesure ;

Certificative

: c’est-à-dire qui ajoute au bilan de l’évaluation sommative une consécration, une sanction officielle ;

Critériée

: dont le cadre de référence est constitué par des objectifs ou des performances cibles (Ch. Hadji), de façon que l’apprenant soit comparé non pas aux autres, mais par des références à des critères ;

Diagnostique

: fondée sur une « identification des acquis » (J.-M- Barbier) déjà réalisés par un élève, et de ses attitudes, permettant par la suite des ajustements à son cursus scolaire et une rectification de son image ;

Formative

: elle est un système de régulation (J-.J. Bonniol), conçu pour guider l’élève, dans son apprentissage, à situer ses difficultés, à découvrir des procédures pour s’améliorer (J.Cardinet) ; elle permet un retour sur les objectifs, elle est informative pour l’enseignant et l’enseigné. Pour Philippe Meirieu, « c’est simplement le fait de prendre le pouls des élèves », L’école, mode d’emploi, ESP ;

Formatrice

: vise, en fonction de l’idée que seul l’apprenant ou l’élève peut réguler son apprentissage, à ce qu’il s’approprie les critères de réalisation et juge sa propre production. (R. Amigues, J.-J. Bonniol, G. Nuziati) ;

Graphique

: par supports de cibles, moulins d’évaluation, étoiles, espaces divers, carrés, thermomètres, diagrammes, etc. (A de Peretti) ;

Instituée

: établie par contrat clair entre l’élève et l’enseignant ;

Interactive

: intégrée à un apprentissage tout au long de celui-ci (L. Allal) ;

Normative

: quand la performance de chaque apprenant est référée ou réglée sur celle des autres ou sur une norme moyenne de celle-ci ;

Prédictive

: elle conclut sur des progrès possibles et des orientations probables pour la réussite d’un élève ;

Pronostique

: elle a lieu au début d’un cycle de formation ;

Rétroactive

: régulation différée, impliquant un retour sur des tâches non maîtrisées et une mise en place de médiation ;

Sommative

: permet à partir d’une somme de données (recueillies au cours d’épreuves, examens, contrôles trimestriels) de savoir comment les objectifs ont été comparativement atteints, de faire un bilan sur les acquisitions, de classer et sélectionner les individus.

81 DE PERETTI André, BONFACE Jean et LEGRAND Jean-André. « Glossaire », Encyclopédie de l’évaluation en formation et en éducation. ESF éditeur, Paris, 1998. p.535, 536 28

c) L'évaluation normative opposée à l'évaluation formative

Selon Geneviève Meyer 82 on peut scinder les évaluations en deux grandes catégories

d’évaluation : l’évaluation normative et formative. Les principales caractéristiques de ces deux types d’évaluation sont reprises dans le tableau ci-dessous tiré du livre de l'auteure.

Illustration 1: Tableau récapitulatif : l'évaluation formative et normative (p. 34-35)

Elle s’appuie sur l’iceberg de l’apprentissage de Piaget (confère annexe 3 p.63) pour expliquer que les deux évaluations ne font pas appel aux mêmes processus cognitifs de la part de l’élève, puisque l’évaluation normative ne reflète que superficiellement les acquis de l’élève. Si l’on a affaire à une évaluation des connaissances, l’élève peut apprendre par cœur des informations uniquement le temps de l’évaluation. Mais pour cela il utilise la deuxième couche de l’iceberg, c’est à dire les réseaux conceptuels et les schémas d’action. Par contre l’évaluation formative vise à comprendre les processus cognitifs mis en jeu, l'élève fait donc appel à une partie plus profonde de l'iceberg. Plus durables ces processus ne s’oublient pas aussi facilement que des connaissances.

82 MEYER Geneviève.

op. cit.

(note 74) 29

d) Les pratiques évaluatives en classe

Lors de ma formation à l'IUFM ou pendant mes stages j'ai surtout entendu parler d'évaluation diagnostique, formative et sommative. D'après mes cours et un article de Daniel Amédro nous allons voir dans quels cas elles sont ou devraient être utilisées en classe.

• L'évaluation diagnostique.

Elles intervient en début d'année et/ou lors des liaison inter cycles pour savoir qu'elles sont les connaissances et compétences que possède l'élève -en tout cas ce dont il se souvient-. Lors de l'année, avant de passer à une nouvelle séance, l'enseignant commence par vérifier que les connaissances vues lors du cours précédent sont acquises ; celles-ci servent de point d'appui pour la nouvelle séance.

• L'évaluation formative.

Elle a lieu au cours de la séquence. Son but est d'apprécier les progrès des élèves quant à l'acquisition des connaissances et des compétences mais aussi de comprendre quelles sont les difficultés qu'ils rencontrent. Cette évaluation n'est pas censée être notée et doit mener à des rétroactions quasi immédiates, des conseils, des explications de la part de l'enseignant. Ces explications sont plus ou moins individualisées selon les erreurs et la gestion de la classe -elles sont plus difficiles à mettre en place dans les niveaux multiples-. De par sa mise en œuvre, cette évaluation formative reconnaît le droit à l'erreur, elle permet la mise en place de dispositifs d'aides personnalisées ( par exemple pendant un travail en autonomie de la classe, prendre à part les élèves qui n'ont pas compris les notions pour les aborder d'une autre manière). L'enseignant accompagne les apprentissages.

• L'évaluation sommative.

Sa principale caractéristique est d'être notée. Pour l'enseignant qui étale les compétences et connaissances du programme et du socle dans sa programmation, cela permet de s'arrêter et de voir où se situe l'élève par rapport aux instructions officielles. Elle revête un aspect binaire : l'élève a acquis ou non ces connaissances ou compétences, autrement dit : sommes-nous dans une situation de réussite ou d'échec ? L'enseignant juge l'avancement des apprentissages, il sanctionne les erreurs.

On peut néanmoins atténuer cet aspect binaire, puisque même une évaluation sommative peut être l'origine d'une remédiation. Les élèves vont perfectionner leur savoir chaque année en s'appuyant sur ce qu'ils savent déjà. Pour illustrer ce fait : on ne peut pas décemment dire à un élève qu'il a échoué à comprendre le rôle de l'adjectif qualificatif mais que pour l'instant il ne l'a pas encore compris.

30

3. Les attentes extérieures ont évolué ces dernières années

Nous allons distinguer deux grands acteurs qui influencent la pratique de l’évaluation en France : premièrement l’institution, c'est-à-dire les attentes de l’Éducation Nationale et, deuxièmement, les attentes sociales, avec au premier plan les parents d’élèves, mais aussi les effets de l’évolution de notre société sur le travail de l’enseignant.

a) Les attentes de l’Éducation Nationale

Les attentes de l’Éducation Nationale ont évolué depuis le début du siècle dernier. En effet, avant l’apparition du mot évaluation vers 1970, l’école avait pour coutume les appréciations scolaires. L’évaluation et sa fonction entrent dans les programmes de l’Éducation Nationale en 1985 :

« L’évaluation des travaux et exercices englobe et dépasse le simple contrôle ; elle est dynamique en ce qu’elle fait voir comment les élèves se situent les uns par rapport aux autres et

comment leur progression peut être améliorée »

83

La loi d’orientation de 1989, par sa politique des cycles, marque une préoccupation pour l’évaluation accentuée par la naissance des évaluations nationales. Dans la foulée apparaissent les livrets scolaires (1990), qui mettent en avant une politique d’évaluation. Les livrets ont pour but de renseigner précisément les acquis des élèves, ils informent aussi sur les résultats des évaluations périodiques faites par les enseignants. L’utilisation du livret est davantage formulée dans une circulaire de 1995. C’est un moyen de communication avec les parents et un référentiel de compétences.

Dans la loi d'orientation de 2005 il est précisé que l'évaluation permet de vérifier l'acquisition

du socle commun 84 , que le projet d'école précise les modalités d'évaluations 85 . L'évaluation y a un

double rôle : renseigner les parents et réguler le projet pédagogique.

En 2006 est crée le socle commun des connaissances et des compétences. Il définit « t

out ce qu’il est indispensable de maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire

» et suit les travaux du conseil européen de 2001 et de 2002 :

L'exigence de contenu du socle commun est indissociable d'une exigence d'évaluation. Des paliers intermédiaires, adaptés aux rythmes d'apprentissage définis par les cycles, sont déterminés dans la

83 MEN, 1985. Cité par TABLOT Laurent,

op. cit.

(note 79) 84 «

L’acquisition du socle commun par les élèves fait l’objet d’une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité.

» MEN. BO n° 18 du 5 mai 2005 (article 9) 85 «

Le projet d’école ou d’établissement définit les modalités particulières de mise en œuvre des objectifs et des programmes nationaux et précise les activités scolaires et périscolaires qui y concourent. Il précise les voies et moyens qui sont mis en œuvre pour assurer la réussite de tous les élèves et pour associer les parents à cette fin. Il détermine également les modalités d’évaluation des résultats atteints.

»

ibid.

(article 34) 31

maîtrise du socle. Des outils d'évaluation, correspondant notamment aux exigences des différents paliers de maîtrise du socle commun, sont mis à la disposition des enseignants. Un livret personnel permettra à l'élève, à sa famille et aux enseignants de suivre l'acquisition progressive des

compétences.

86

Dans le programme de 2008 la question de l'évaluation est succinctement abordée. Elle permet

d'une part d'apprécier les acquis grâce aux évaluations nationales 87 , d'autre part des outils d'évaluations sont proposés aux enseignants 88 .

Les évaluations nationales ont une visée diagnostique et formative. Ces évaluations se sont inscrites dans le quotidien de l’école car elles permettent de réduire les écarts de niveaux d’exigences des professeurs des écoles et standardisent les critères d’évaluation. Ces évaluations permettent également à l’État de comparer les résultats entre régions et académies. De plus, comme le professeur est tenu de voir les parents pour leur expliquer les résultats, cela marque une volonté de communication avec les familles. On peut cependant noter que si elles étaient précédemment présentes à l'entrée des cycles (CE2 et 6ème), elles sont après 2008 situées à la fin des cycles (CE1 et CM2) et plutôt au mois de janvier. De plus, depuis l'année 2011-2012 elles ont été passées en juin, ce qui peut remettre en cause leur visée diagnostique même si ces informations peuvent être utiles au nouveau collègue qui prend la charge de la classe, s'il les consulte. Cependant, avec le changement ministériel en 2012 les évaluations ne remontent plus, elles sont exploitées au niveau de l'école comme aide aux choix pédagogiques de l'équipe enseignante, et sont transférées au niveau du collège.

A cela s’ajoute des évaluations départementales en GS, CP et CM1 en français et en mathématiques pour les deux premiers et en sciences et technologie en CM1. Mais aussi des évaluations académiques (l'allemand est évalué en Alsace par exemple). Là aussi, il n'y a actuellement plus de remontée des résultats pour les évaluations de GS. Celles-ci ne sont plus obligatoires et les écoles ont désormais la liberté de créer elles-mêmes leur évaluation d'après la circulaire sur l'évaluation en maternelle de la Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale du Haut-Rhin du 31 janvier 2013. L'accent étant mis sur l'encouragement des élèves et sur le regard des réussites et non sur les manques en maternelle.

86 MEN. BO n°29 du 20 janvier 2006, « Socle commun de connaissances et de compétences ». En ligne : < http://www.education.gouv.fr/bo/2006/29/MENE0601490A.htm

>, [consulté le 9/02/2013].

87 «

Afin d’apprécier les acquis de chaque élève aux deux premiers paliers du socle commun de connaissances et de compétences, des évaluations nationales au CE1 et CM2 seront mises en place.

» MEN. BO n°3 du 19 juin 2008 (Lettre de Xavier Darcos) 88 «

Par ailleurs, un nouveau dispositif en ligne fournira, à ceux qui désireront les utiliser, des outils d’évaluation des élèves qui pourront être utilisés en classe, à tout moment de l'année scolaire, de la grande section de maternelle au CM2. L’utilisation de ces ressources sera laissée à la discrétion des enseignants ; elles n’auront naturellement pas de valeur normative.

» MEN. BO n°3 du 19 juin 2008 (Lettre de Xavier Darcos) 32

Pour comprendre ce qu’attend l’institution du professeur des écoles on peut se référer à la 7 ème compétence professionnelle des enseignants qui est d’évaluer les élèves :

7 - Évaluer les élèves Le professeur sait évaluer la progression des apprentissages et le degré d'acquisition des compétences atteint par les élèves. Il utilise le résultat des évaluations pour adapter son enseignement aux progrès des élèves. Il fait comprendre aux élèves les principes d’évaluation et développe leurs capacités à évaluer leurs propres productions. Il communique et explique aux parents les résultats attendus et les résultats obtenu

Connaissances

Le professeur connaît : - les différentes évaluations qu'il peut être amené à pratiquer ainsi que les usages qui peuvent en être faits ; - les principes et outils de validation et de certification.

Capacités Le professeur est capable : - de comprendre les fonctions de l'évaluation ; - de concevoir des évaluations aux différents moments de l'apprentissage, c'est-à-dire : . définir le niveau d'exigence de l'évaluation, . utiliser différentes méthodes d'évaluation (tests, feuilles de positions, grille d'observation, etc.), . adapter le support et le questionnement en référence aux objectifs et au type d'évaluation que l'on souhaite mener, . expliciter les consignes, guider les élèves dans la préparation de l'évaluation, . expliciter les critères de notation, . analyser les réussites et les erreurs constatées, . concevoir des activités de remédiation et de consolidation des acquis (exercices d'entraînement, exercices de mémorisation oraux ou écrits, activités d'aide, de soutien et d'approfondissement, etc.) ; - de développer les compétences des élèves dans le domaine de l'autoévaluation ; - de pratiquer la validation des acquis, l'évaluation certificative (examens, contrôle en cours de formation, compétences linguistiques incluses dans le cadre européen commun de référence pour les langues, paliers de validation du socle commun, B2i, etc.).

Attitudes Le professeur pratique l'évaluation dans le cadre d'une relation claire et de confiance et pour cela : - il mesure ses appréciations ; - il valorise l'exercice et le travail personnel des élèves ; - il veille à ce que chaque élève soit conscient de ses progrès, du travail et des efforts qu'il doit

produire.

89

a) Les parents d’élèves

D’après Philippe Perrenoud 90 , comme l’école sélectionne, les parents s’angoissent de l’avenir

de leurs enfants et sont donc très regardants quant aux résultats de leurs enfants. L’ambition sociale de certains parents pour leurs enfants va exercer une pression sur ces derniers et va définir ce que représente l’échec scolaire. Ainsi, suivre une filière secondaire peut être perçu comme un échec pour certains parents. Les parents seraient en général demandeurs de notes et d’évaluations.

89 MEN. B.O. n°29 du 22 juillet 2010, leur métier» . En ligne : < Encart - Formation des enseignants, « Définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de http://www.education.gouv.fr/cid52614/menh1012598a.html

>, [consulté le 9/02/20123].

90 PERRENOUD Philippe. « Outil de pilotage ou pare angoisse ? », Les cahiers pédagogiques. n° 483 (décembre 2005), p.14-15 33

Fin août 2012, le ministre de l’Éducation Nationale Vincent Peillon avait déclaré n'être pas favorable à la suppression des notes mais à une « évolution » pour que celles-ci encouragent plus que ne découragent. Le 3 septembre 2012 un sondage de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) pour le journal Metro avait alors interrogé les français sur leur avis concernant la suppression des notes. Sur un échantillon de 1007 personnes, 80% des français se sont montrés

défavorables. Au niveau des parents d'élèves de moins de 18 ans 77% étaient défavorables 91 .

D'après Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de Ifop,

« les notes sont, pour les parents, une façon de garder le contrôle sur leur enfant [...] Elles permettent de savoir précisément où il se

situe et quelles sont ses difficultés. C'est donc un système qui les rassure »

92 .

b) Le poids de la société

D’après Philippe Guimard 93 , c'est la crise économique actuelle qui est à l’origine d’un

contexte de compétition mondiale. On demande aux systèmes éducatifs d’être plus performants tout en limitant les dépenses. De plus, la société actuelle est plus complexe qu’il y a quelques décennies du fait du vieillissement de la population, du métissage de la France, des violences scolaires, et de la modification des comportements face au savoir et à l’autorité. Actuellement, la réussite dépend de caractéristiques individuelles et le nombre d’outils d’évaluation a fortement augmenté (comme cité précédemment les évaluations nationales, la banque d´outils d´aide à

l'évaluation diagnostique 94 ou Educ-éval le portail de l'évaluation 95 )

Mettons nous dorénavant à la place d'un professeur des écoles qui a la charge d'une classe. Un de ses rôles est d'évaluer les élèves, un autre est de leur permettre à tous de s'épanouir et de progresser aussi bien dans leur apprentissage que dans la construction de leur personnalité. Comment l'enseignant va-t-il s'y prendre pour évaluer ? Quelle question peut-il se poser ? Voici l'objet de la troisième partie.

91 IFOP, Sondage du 3 septembre 2012, Les Français et la suppression des notes à l'école. En ligne < http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=1965 jour 02-09-2012 19:28. En ligne < suppression-des-notes/mlhE!TU0NRISFK1NI/ >, [consulté le 15/04/2013] 92 METRO, « 80% des Français contre la suppression des notes», article Créé 31-08-2012 16:42 | Mis à http://www.metrofrance.com/info/ecole-80-des-francais-contre-la > [consulté le 15/04/2013] 93 GUIMARD Philippe.

<

op. cit.

(note 78) 94 MEN. Banque d´outils d´aide à l´évaluation diagnostique. En ligne, http://www.banqoutils.education.gouv.fr/ > [consulté le 15/04/2013] 95 MEN. Educ-éval le portail de l'évaluation. En ligne, < http://educ-eval.pleiade.education.fr

> [consulté le 15/04/2013] 34

III.

Comment évaluer pour favoriser l'estime de soi ?

1. La prise de conscience que l'évaluation ne reflète pas de manière objective le niveau de l'élève

a) La docimologie

Si à partir de 1910 les États-Unis adoptent les Questionnaires à Choix Multiples (QCM) dans un souci d'objectivité, en France c'est Henri Piéron qui va poser le problème de la subjectivité de la note dès 1922. En 1929 c'est lui qui invente le terme de docimologie et dès cette année-là il critique le principe de notation notamment en des termes qu'il reprend dans son livre de 1963 :

« C’est un principe général que, pour être reçu à un examen, il faut avoir la moyenne, […] dès lors, […] pour un grand nombre de candidats,ce sera […] le hasard qui décidera de leur admission ou

de leur recalage. En effet, on sait que[…] c’est dans la région moyenne qu’ils se massent[… ]».

96

Par ailleurs en 1936 Laugier et Weinberg ont analysé une étude de la commission française de l’enquête Canergie. Cette commission a soumis une centaine de copies du baccalauréat, de mathématiques, de Français, Latin, Anglais, Mathématiques, Philosophie et Physique à six groupes de cinq correcteurs différents. Lors de l'analyse la surprise fut de taille puisque la dispersion des notes obtenues par les différents correcteurs pour une même copie a été grande, aucune copie n'a reçu deux fois la même note et l'écart maximum entre deux notations a été plus grand qu'estimé. (En Français une même copie a obtenu 3 puis 16, l'écart maximum est de 8 en

mathématiques et de 12 en philosophie) 97 . La docimologie a démontré que la note obtenue lors

d’un examen est fonction du moment de la correction et du correcteur. Suite à cela d'autres chercheurs et professeurs ont continué à s'intéresser à la docimologie. Citons Alain Dubus comme docimologue actuel, qui a publié en 2006 une étude brochée intitulée « la notation des élèves ». 96 PIERON Henri, Examens et docimologie. Paris: Presses universitaires de France. 1963. p.9. Cité par LECLERCQ Dieudonné, NICAISE Julien, DEMEUSE Marc, « Docimologie critique : des difficultés de noter des copies et d'attribuer des notes aux élèves ». Extrait de DEMEUSE Marc. (éd.) .

Introduction aux théories et aux méthodes de la mesure en sciencespsychologiques et en sciences de l’éducation

. Liège : Les Editions de l’Université de Liège. 2004. En ligne : < http://bernard.lefort.pagesperso-orange.fr/documents_captures/docimologie_critique.pdf

> [consulté le 16/04/2013] 97 LAUGIER Henri, WEINBERG Dagmar.. ). Commission française pour l’enquête Carnegie sur les examens et concours. La correction des épreuves écrites au baccalauréat. Paris: Maison du livre. 1936. Cité par Makowski François lors du cours du 5 février 2013 sur les problématiques de l'évaluation (UE 42 module2), IUFM de Colmar.

35

Nous allons maintenant, par des écrits de professeurs et de Laurent Tablot, essayer de percevoir la complexité de l'évaluation par ce qu'elle a de subjective.

L'évaluation serait non objective puisqu'elle est fonction de certains facteurs

Pierre Merle 98 sociologue et professeur d'IUFM soutient que l'évaluation n'est pas objective et

qu'elle dépend de plusieurs facteurs :  Tout d'abord de l'établissement. S'il est situé dans des quartiers difficiles les notations seront plus indulgentes.

 Du climat de la classe. Dans une classe motivée, le professeur pourra décider de supprimer la plus mauvaise note ou bien de donner un devoir plus facile. Contrairement à un de ses collègues qui, dans une classe très agitée avec des élèves qui ne font pas leurs devoirs, pourra, pour calmer la classe, faire une interrogation surprise ou un devoir plus difficile. On imagine bien les conséquences sur la moyenne des élèves.

 De la prise en compte individuelle des élèves par le professeur. La participation, le volontariat d'un élève pour faire un devoir supplémentaire ou refaire un devoir peut amener à une note supplémentaire. De plus, les enseignants ont tous une sensibilité différente vis à vis des injustices face aux élèves qui travaillent et pourtant obtiennent de mauvais résultats. Certains vont prioritairement prendre en compte les progrès.

 La notation d'un professeur est associée à son propre vécu et à la signification qu'il accorde à la notation. La notation peut avoir un caractère d'impartialité, d'aide, de récompense ou de sanction.

 Les critères sociaux rentrent également en jeu dans la notation, car des élèves issus de milieux favorisés sont plus conformes aux attentes. Ils savent par exemple mieux se tenir et ont plus de facilité pour prendre la parole. Par analogie, les filles sont aussi surévaluées (jusqu'au secondaire) parce que le système scolaire leur correspond mieux. Elles sont plus calmes et plus soigneuses comparées aux garçons qui sont plus agités et contestataires.

On peut s'interroger sur le sens des moyennes et des notations chiffrées

Françoise Delzongle et Jacqueline Gérard 99 , professeures de lycée, portent un regard critique sur

98 MERLE Pierre. « Mesure ou arrangement ? », Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p. 11-13 99 DELZONGLE Françoise et GERARD Jacqueline. « Illusion de la mesure, réalité de la communication ». Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p. 19-21. Citations p.19

36

la pratique et le sens de l'évaluation. Elles soutiennent que la moyenne, qui est censée renseigner sur le juste niveau de l'élève, prend aussi en compte les erreurs de parcours qui peuvent la faire sensiblement chuter. De plus, elles posent plusieurs questions pertinentes : «

que dit la moyenne sur un niveau final, celui qu'on a atteint en fin de trimestres ou en fin d'année, quand elle prend en compte tous les travaux de toutes les natures et de toutes les dates ?

». Mais encore : «

est-ce que l'élève a 8 ou est-ce que je lui ai mis 8 ?

». On peut observer d'année en année que les enseignants ont tendance à avoir les mêmes moyennes de classes alors que les élèves ne sont pas les mêmes. L'enseignant intégrerait une attente sociale et scolaire sur son devoir de notation ce qui le pousse à attribuer une certaine proportion de mauvaises notes pour avoir une moyenne standardisée. C'est ce qu'André Antibi nomme la « constante macabre ».

Les effets de contamination, d'assimilation et de halo

.

Laurent Tablot 100 nous explique ces effets. Il soutient que la correction peut être affectée par les

renseignements que possèdent le professeur sur le parcours scolaire et social de l'enfant : on parle d'effet de contamination. Par ailleurs le professeur aurait tendance à prendre en compte la note précédente de l'élève : la deuxième tendrait vers le résultat de la première, ce qu'il nomme l'effet d'assimilation. L'effet de halo, quant à lui, joue sur les caractéristiques de la copie comme la qualité de l'écriture et de l'orthographe qui influenceront le correcteur.

Finissons cette sous-partie sur la docimologie par une citation de Françoise Delzongle et

Jacqueline Gérard 101 , qui reflète bien la subjectivité de la notation : «

Aujourd'hui, l'utilisation des chiffres dans les médias donne l'illusion qu'ils sont la réalité du monde alors qu'ils sont une façon de le dire

».

b) L'aspect objectif et subjectif de l'évaluation

D'après l'Encyclopédie de l'évaluation en formation et en éducation 102 , le dilemme pour le

professeur est d'être juste et rigoureux, donc objectif, tout en étant lui-même, c'est à dire une personne sensible qui a ses représentations des élèves, de la culture et de la société. Il doit encourager les élèves tout en jugeant leurs travaux.

Si son jugement est justifié par son rôle institutionnel et qu'il est aidé par des données matérielles telles que des critères objectifs d'évaluation, des référentiels officiels de cotation... on peut se poser certaines questions : y a-t-il des barèmes absolus ? Sont-ils indépendants du 100TABLOT Laurent.

op. cit.

(note 79) 101DELZONGLE Françoise et GERARD Jacqueline.

op. cit.

(note 100), p.21

102DE PERETTI André, BONFACE Jean et LEGRAND Jean-André.

op. cit.

(note 81) 37

correcteur ? En outre, on remarque que c'est le professionnel qui décide d'attribuer une certaine importance à un type d'erreur.

Si l'on pousse l’analyse plus en détail, lorsqu'un enseignant utilise des critères de notation objectifs, le choix de ses critères a été subjectif. De plus, on note des mesures qualitatives par des critères objectifs. Les aspects subjectif et objectif de l'évaluation sont donc deux faces d'une même pièce. Leur utilisation en binôme est importante pour l'enseignant. En effet, pour que l'enseignant accorde sa confiance aux élèves et inversement, il faut dans un premier temps qu'il ait confiance en « son flair ».

Aussi paradoxale que cela puisse sembler,

« une évaluation sera d'autant plus objective que l'enseignant aura laissé pleinement jouer sa subjectivité en la régulant ; et qu'inversement l'enseignant sera subjectivement d'autant plus équilibré et situé en liberté créatrice qu'il se sera appuyé méthodiquement sur des références et des supports objectifs en les limitant et en les

relativisant »

103

2. Le lien entre estime de soi et performances scolaires

a) Estime de soi et résultats scolaires

Qu'est-ce que la réussite scolaire ? D'après Siaud-Facchin 104 c'est un mélange entre estime de soi, compétence et motivation. Harter 105 Pintrich et Schrauben 106 , par leurs études, ont trouvé

qu'une estime de soi positive est bénéfique puisqu'elle favorise une accentuation des efforts et une persévérance face à une tâche difficile. De plus l'élève utilise des compétences et des stratégies acquises lorsqu'il est en situation de difficulté : il est efficace. Les élèves qui ont une haute estime d'eux-même ont une plus grande perception des possibilités de carrière qui leur sont offertes et font des études plus longues. A l'inverse, les élèves en difficulté scolaire, d'après Martinot et

Monteil 107 , n'activent pas immédiatement leur connaissance de réussite scolaire et ont une attitude

négative face à la tâche : réduction de l'effort et de la persistance, abandon des tâches difficiles. Ce qui entraîne une diminution des performances et la peur d'échouer. Ces élèves-là résonnent 103DE PERETTI André et al.,

op cit

(note 80), p.486 104SIAUD-FACCHIN Jeanne. Troubles des apprentissages scolaires ? Enfants surdoués ? Quels liens ?

A.N.A.E

,

81

, 7-15. 2005. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 105 HARTER Susan, Adolescent self and identity development.

In

S.S. Feldman et G.R Elliot (dir.),

At the threshold: The developing adolescent

(p. 352-387). Cambridge, MA: Harvard University Press. 1990. Cité par MARTINOT Delphine,

op. cit.

(note 5) 106PINTRICH Paul, SCHRAUBEN Barbara. Students’ motivational beliefs and their cognitive engagement in classroom academic tasks. In D.H. Schunk & J.L. Meece (dir.),

Student perception in the classroom

(pp.149-184). Hillsdale, NJ: Erlbaum. 1992. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 107MARTINOT Delphine, MONTEIL Jean-Marc. Differences between good and poor French pupils in the use of the self in forming preferences.

Journal of Social Psychology

,

140

, 119-131. 2000. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 38

d'après leurs échecs.

D'après ces constats, on pourrait penser que plus l'élève est en échec, plus il perd son estime de soi : les performances scolaires dégringolent donc et l'estime de soi aussi. Mais la relation entre les résultats obtenus et l'influence sur l'estime de soi n'est pas linéaire. En effet, Bressoux et

Pansu 108 ont montré que l'estime de soi scolaire diminue au fur et à mesure que les résultats

diminuent mais seulement jusqu'à un certain seuil. A partir de ce seuil la relation s'inverse et l'estime de soi scolaire des élèves faibles se met à augmenter. Un schéma issu du livre des auteurs

en annexe 4 illustre le phénomène. Martinot 109 prend aussi en compte ce constat qu'elle va

expliquer dans ses écrits grâce aux conceptions de soi qu'ont les élèves et que nous aborderons en détail plus loin.

b) Les conceptions de soi dans le domaine scolaire

Conception de soi et performance

:

Brown et Dutton 110 expliquent que tout individu désire se voir comme une personne de valeur, de

ce fait chaque individu est capable de censurer les informations qui menacent son estime de soi.

Ce traitement est considéré par Taylor et Brown 111 comme des illusions positives sur soi. Pour

autant, ces conceptions de soi positives, qu'elles soient fondées ou non, sont à l'origine d'une

dynamique de succès. D'après Calsyn et Kenny 112 , la réussite scolaire dépend et des performances

scolaires passées et des conceptions de soi actuelles. Ainsi, une conception de soi de réussite peut

influer sur la réussite car elle augmente la motivation 113 . Ruvolo et Markus 114 poursuivent cette

idée, puisque d'après leur recherches ils affirment que les "soi possibles", c'est à dire ce que les individus pourraient devenir, souhaitent ou ont peur de devenir, agissent sur la motivation et donc sur les performances.

108BRESSOUX P., PANSU, P.

Quand les enseignants jugent leurs élèves

. Paris : Presse Universitaire de France. 2003. Cité par RAMBAUD Angélique, o

p. cit.

(note 2) 109MARTINOT Delphine, o self-knowledge.

p. cit.

(note 6) 110BROWN Jonathon D., DUTTON Keith A.. Truth and consequences: The costs and benefits of accurate

Personality and Social Psychology Bulletin

,

21

, 1995, p.1288-1296. Cité par MARTINOT Delphine, o perspective on

p. cit.

mental health. (note 6) 111TAYLOR Shelley E., BROWN Jonathon D. Illusion and well-being : A social psychological

Psychological Bulletin

,

103

,1988, p.193-210. Cité par MARTINOT Delphine, o

p. cit.

(note 6) 112CALSYN R.J., KENNY D.A. Self-concept of ability and perceived evaluation of others : Cause or effect of academic achievements?

Journal of Educational Psychology

,

69

, 1977, p.136-145. Cité par MARTINOT Delphine, o

p. cit.

(note 6) 113SCHUNK D.H. Self-efficacy and achievement motivation?

Educational Psychologist

,

26

, 1991, p.207 231. Cité par MARTINOT Delphine, o

Social cognition

,

10 p. cit.

(note 6) 114RUVOLO A.P., MARKUS H.R. Possible selves and performance: The power of self-relevant imagery. , 1992? p.95-124. Cité par MARTINOT Delphine, o

p. cit.

(note 6) 39

L’organisation des conceptions de soi de réussite et ses conséquences.

D'après les études empiriques auxquelles a participé Martinot 115 , quelque soit le niveau scolaire de

l'élève, il possède plus de conception de soi de réussite que d'échec. C'est à dire qu'il va d'emblée citer davantage d'expériences de réussite que d'échec, quelque soit son niveau réel. Par la suite,

avec Monteil 116 , ils ont prouvé que la différence entre les bons élèves et les élèves plus faibles se

trouve dans « l'organisation en mémoire des conceptions de soi de réussite ». Ainsi, les bons élèves ont une excellente organisation de ces concepts en schéma. Ils y ont donc accès facilement. Par contre les élèves en situation d'échec ne possèdent pas ces schémas, de ce fait, leurs conceptions de soi de réussite sont difficilement accessibles. Concrètement, cela veut dire que si tous les élèves ont davantage de conceptions de soi de réussite, chez les élèves fragiles, comme elles ne sont pas bien organisées au niveau cognitif, ils n'arrivent pas à se les remémorer lorsqu'ils sont en face de difficultés. Ces schémas sont importants parce qu'ils permettent une stratégie de comparaison de soi aux prototypes ; les prototypes étant tous les types de personne qui peuvent répondre aux choix proposés, donc toutes les attitudes qu'il est possible d'avoir face à cette situation. Les élèves fragiles ne trouvent pas le panel de choix d'attitudes positives qu'ils pourraient avoir face à la situation problème.

Comme ce sont les expériences vécues au quotidien qui favorisent ou non l'organisation en schéma d'un concept de soi positif, plus les élèves sont en échec, moins ce concept est organisé et moins ils pourront y faire appel, ce qui entraîne une diminution de leur perception d'autoefficacité et par la suite des efforts... Cela ressemble très fortement à un cercle vicieux.

Comment les élèves en échec scolaire préservent-il des conceptions de soi de réussite et leur estime de soi ?

Nous allons nous baser sur les arguments de Martinot

117

◦ Ne pas s'attribuer la responsabilité de son échec : Les élèves estiment alors que s'ils échouent ce n'est pas de leur tort, cependant ils s'attribuent les réussites. Le danger d'une telle attitude est qu'ils n'essaient pas de comprendre leurs erreurs et 115MARTINOT D.

Le Soi. Les approches psychosociales.

Grenoble: Presses universitaires de Grenoble. 1995 MARTINOT , D., MONTEIL, J.M. The academic self-schema: An experimental illustration.

Learning and Instruction

,

5

, 1995, p.63-76.

MARTINOT D., MONTEIL, J.M. Insertions scolaires et représentations de soi: étude expérimentale.

In

J.L. Beauvois, R.V. Joule, et J.M. Monteil (dir.), Delphine, o

p. cit.

(note 6) self in forming preferences.

Perspectives cognitives et conduites sociales

(Vol. 5, p.49-65). Neuchâtel: Delachaux et Niestlé. 1996. Les 3 documents sont cités par MARTINOT 116MARTINOT D., MONTEIL, J.M. Differences between good and poor French pupils in the use of the

Journal of Social Psychology

,

140

, 2000, p.119-131. Cité par MARTINOT Delphine, o

p. cit.

(note 6) 117 MARTINOT Delphine, o

p. cit.

(note 6) 40

n'envisagent pas de stratégies pour progresser. Un autre moyen de se soustraire à ses responsabilités est de s'autohandicaper, c'est à dire de créer des obstacles sur le chemin de la performance. La raison de l'échec anticipé est donc attribuée à l'obstacle plutôt qu'à un manque de capacité et le succès éventuel est considéré comme une reconnaissance supérieure. Un obstacle possible est la diminution de ses efforts, l'échec étant attribué à ce manque d'efforts et non aux

capacités cognitives comme le suggèrent Midgley et al.

118 . Cette attitude est rapidement

préjudiciable car les performances vont diminuer par le manque d'efforts. En outre, elle suppose que l'élève fasse une distinction entre capacité et effort ce qui n'est généralement possible que vers

le début de l'adolescence. Selon Nicholls et Miller 119 , pour ces élèves, réussir sans effort est une

capacité élevée tandis qu'échouer en ayant fourni beaucoup d'efforts traduit un manque de capacités.

◦ Choisir des points de comparaison favorables pour soi : D'après la perspective psychosociale, comme énoncé plus haut, le concept de soi émerge grâce à l'interaction avec autrui. De ce fait, dans le milieu scolaire, les élèves se comparent les uns par rapport aux autres. Si un élève veut améliorer ses conceptions de soi de réussite, il peut se comparer aux bons élèves, par contre, s'il cherche à les protéger, il va naturellement se comparer à des personnes plus mauvaises que lui, c'est ce qu'affirme Wills

120 . Le danger est que l'élève qui se

compare à plus mauvais que lui se sente autorisé à faire encore moins bien. La comparaison entre les bons élèves et les moins bons élèves est inévitable dans le système français, les seconds se jugent alors inférieurs aux premiers, à part s'ils considèrent la comparaison non valable parce que les premiers n'appartiennent pas au même groupe qu'eux. D'après une étude de Guay et al.

121 , à

l'école élémentaire les élèves ne se comparent pas avec les pairs qu'ils n'apprécient pas pour s'autoévaluer. Si cette stratégie protège leur estime de soi, elle élimine aussi la comparaison avec des enfants en réussite scolaire, ce qui diminue la possibilité de s'améliorer. Tout cela peut être accompagné d'une valorisation de l'échec :

«en effet, conformément à l'une des prédictions de la

théorie de l'identité sociale (Tajfel et Turner, 1986 122 ), les élèves de faible niveau scolaire peuvent

118MIDGLEY C., ARUNKUMAR R.,URDAN T.C. «If I don’t do well tomorrow, there’s a reason»: Predictors of adolescents’ use of academic self-handicapping strategies. Journal of Educational Psychology, 88, 1996, p. 423-434. Cité par MARTINOT Delphine, op. cit. (note 6) 119NICHOLLS J.G., MILLER A.T. Reasoning about the ability of self and others : A developmental study. Child development, 55, 1984, p.1990-1999. Cité par MARTINOT Delphine, op. cit. (note 6) 120WILLS T.A. Downward comparison as a coping mechanism. In C.R. Snyder et C.E. Ford (dir.), Coping with negative life events: Clinical and social psychological perspectives (p. 243-267). New York, NY: Plenum. 1987. Cité par MARTINOT Delphine,

op. cit.

(note 6) 121GUAY F., BOIVIN M., HODGES E.V.E. Social comparison processes and academic achievement : The dependence of the development of self-evaluations on friends’ performance. Journal of Educational Psychology, 91, 1999, p. 564-568. Cité par MARTINOT Delphine, Cité par MARTINOT Delphine,

op. cit.

(note 6)

op. cit

. (note 9) 122TAJFEL H., TURNER J.C. The social identity theory of intergroup behavior. In S. Worchel et W.G. Austin (dir.), The psychology of intergroup relations (2e éd.) (p.7-24). Chicago, IL: Nelson Hall. 1986. 41

choisir de redéfinir positivement les caractéristiques de leur groupe : l'échec devient ce qui est

désirable, autrement dit, la norme» 123

◦ Se désidentifier des dimensions menaçantes pour l'estime de soi : Nous avons vu dans la partie structure et caractéristique de l'estime de soi que celle-ci est multidimensionnelle et que l'individu accorde plus ou moins de poids à un domaine selon qu'il le juge plus ou moins important. Les élèves peuvent donc décider d'accorder plus ou moins de valeur à un domaine selon leur performance dans celui-ci. Comme le dit Harter

124 , ils peuvent attribuer

peu de valeur dans les domaines dans lesquels ils sont en grande difficulté et beaucoup de valeur

dans leur domaine de prédilection, ainsi ils préservent leur estime de soi générale. Crocker et al.

125

appellent cette stratégie le « d

ésengagement psychologique de l'estime de soi dans un domaine ou contexte particulier

» ou encore la «

désidentification

». Le désengagement est une absence momentanée entre l'estime de soi et les performances dans le domaine, tandis que la désidentification est une absence à long terme. Ce retrait psychologique est très néfaste pour les apprentissages puisqu'il empêche l'apprenant de s'engager dans des stratégies de progression. De plus, d'après les théories de la motivation, la motivation dans un domaine dépend de la valeur qu'on lui accorde. Ainsi, si l'on se désidentifie d'un domaine en particulier, la motivation et la réussite estimée dans ce même domaine chutent. On retombe également dans un cercle vicieux : moins motivé, l'élève s'investit moins, les difficultés scolaires augmentent, il se désidentifie de plus en plus pour protéger son estime de soi. Cette désidentification va souvent de pair avec une valorisation de nouvelles dimensions comme le sport, la musique...

◦ La recherche du respect sur des dimensions antiscolaires : Lorsqu'un élève est en très grande difficulté scolaire, il peut décider de se concentrer sur le groupe d'élèves en échec. Le groupe formé, celui-ci peut décider de se comparer avec d'autres critères que ceux proposés par l'école. Le respect est donc atteint par l'évaluation des autres membres du

groupe d'après ces nouveaux critères. D'après Smith et Tyler 126 , si quelqu'un se sent respecté par

123MARTINOT Delphine, op. cit. (note 9), p.494-495 124HARTER Susane. Processes underlying the construction, maintenance and enhancement of the self concept in children. In J. Suls et A.G. Greenwald (dir.), Psychological perspectives on the self Vol. 3, p.137-181. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum. 1986 HARTER Susane. Comprendre l’estime de soi de l’enfant et de l’adolescent : considérations historiques, théoriques et méthodologiques. In M. Bolognini et Y. Prêteur (dir.), Estime de soi : perspectives développementales (p.57-81). Lausanne: Delachaux et Niestlé. 1998. Les deux documents sont cités par MARTINOT Delphine, MARTINOT Delphine, MARTINOT Delphine,

op. cit.

op. cit. op. cit.

(note 6) 125CROCKER J., MAJOR B.,STEELE C. Social Stigma. In D. Gilbert, S.T. Fiske, et G. Lindzey (dir.), The handbook of social psychology (4e éd.) (p.504-553). Boston, MA: McGraw-Hill. 1998. Cité par (note 6) 126SMITH H.J., TYLER T.R. Choosing the right pond: The impact of group membership on self-esteem and group-oriented behavior. Journal of Experimental Social Psychology, 33, 1997, p.146-170. Cité par (note 6) 42

son groupe d'appartenance, la valeur que leur accorde la société les touchent d'autant moins. Du point de vue de ces élèves, s'engager dans des stratégies de progression serait vouloir se comparer aux bons élèves et quitter leur groupe. Cette nouvelle comparaison leur serait douloureuse et ils perdraient, pendant leur progression, leur place privilégiée dans leur groupe.

Après toutes ces constatations on remarque qu'il est difficile de « rattraper » des élèves une fois qu'ils ont adopté des stratégies de protection de l'estime de soi, en tout cas avec des moyens ordinaires de remédiation. L'idéal serait d'intervenir avant que l'élève ait atteint le niveau minimal d'estime de soi qu'il est possible d'atteindre !

c) L'importance du contexte scolaire

La scolarisation massive qui s'est entreprise lors du 20ème siècle a entraîné des inégalités de performances selon l'individu mais aussi selon l'appartenance sociale. L'école reproduirait ainsi les inégalités sociales. En réaction à cette observation l’Éducation Nationale a crée les Zones d’Éducation Prioritaires (ZEP) en 1981, les Réseaux d'éducation prioritaires (REP) en 1997, REP qui seront divisés en Réseau Ambition Réussite (RAR) et en Réseau de Réussite Scolaire (RRS) en 2006, puis le programme Collèges et Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite (CLAIR) en 2010 rebaptisé Écoles, Collèges et Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite (ECLAIR) en 2011. Quelque soit le gouvernement en vigueur et le nom de ces aides elles ont pour but d'apporter des moyens financiers et humains supplémentaires pour soutenir des projets pédagogiques adaptés. Il est intéressant de s'attarder sur les critères d'appartenances à ces zones ou réseaux : la longueur moyenne des parcours scolaires, les résultats par rapport aux évaluations nationales, le taux de retard. Les évaluations ont donc un rôle diagnostique dans ce cas de figure. Nous avons expliquer dans la première partie que l'estime de soi se construit aussi par la comparaison sociale. De ce fait l'école, qui réunit des individus d'âges sensiblement similaires devant effectuer des tâches similaires et étant souvent évalués, est un lieu de construction de

l'estime de soi. En outre les recherches de Alaphilippe et al 127 ont montré que les élèves de ZEP

ont en moyenne une estime de soi scolaire supérieure aux élèves des autres écoles. Au niveau de l'estime de soi relationnelle, elle est plus forte chez les élèves de CE1 que de CM1 quelque soit le contexte social mais ils ont mis en corrélation qu'elle est plus importante lorsque l'école propose des aménagements périscolaires que lorsqu'elle n'en propose pas. Les chercheurs avancent plusieurs explications : l'effet des actions pédagogiques spécifiques qui impliquent une cohérence dans les actions pédagogiques. En effet les professeurs ont tendance à prendre plus en compte les 127ALAPHILIPPE Daniel et al., « Effet du contexte scolaire sur l'estime de Soi à l'école primaire », Bulletin de psychologie, 2010/3 Numéro 507, p. 169-174. 43

performances de chaque élève, ainsi les réussites et les progrès sont systématiquement valorisés même s'ils sont minimes. De plus les équipes pédagogiques sont parfois plus soudées dans ces zones, donc dans leurs actions. Une deuxième explication peut être un retard de maturation chez les élèves situés en ZEP, ils continueraient à se surestimer plus longtemps que les élèves issus de milieu plus favorisés (confère « les effets de l'âge » partie I.4.b). La dernière explication est le champ de comparaison : puisque le niveau est en moyenne plus faible, les élèves se comparent à des idéaux plus accessibles et donc se sentent plus performants. Si l'effet socio-économique est mis en avant par la recherche, l'effet établissement l'est aussi puisque les établissements qui s'engagent à mettre des activités périscolaires en place favorisent l'augmentation de l'estime de soi relationnelle. De plus, cet effet établissement a été décrit par d'autres chercheurs comme Durru-

Bellat et Suchaut 128 ou Bressoux 129 .

Une autre étude de Pierrehumbert et al.

130 a mis en avant le poids du contexte scolaire. Les

auteurs se sont aperçus que les élèves en difficulté dans un cursus spécialisé ont une estime de soi scolaire supérieure aux élèves en difficulté dans des cursus normaux. Cela est expliqué par une pédagogie plus valorisante : les professeurs accordent plus d'attention aux réussites qu'aux échecs. De plus dans un cursus spécialisé l'élève en forte difficulté est moins visible car confronté à d'autres élèves en difficulté. Ces deux explications se recoupent avec celle de l'étude précédente. Il est important de remarquer que les réussites ou échecs sont la plupart du temps estimés par des évaluations et que l'attitude de l'enseignant vis à vis des résultats semblent ici un facteur important pour favoriser l'estime de soi des élèves.

3. Les effets liés aux pratiques enseignantes

Pour commencer distinguons clairement les pratiques d'enseignement qui représentent le temps en présentiel devant la classe et les pratiques enseignantes qui englobent les phases

« préactives, actives et postactives » (Tardif et Lessard) 131 .

128DURU-BELLAT Marie, SUCHAUT Bruno. L’approche sociologique des effets du contexte scolaire : méthodes et difficultés,

Revue internationale de psychologie sociale

, 18, 3, 2005, p. 5-42. Cité par ALAPHILIPPE Daniel et al. effets classes en lecture,

op. cit

. (note 128) 129BRESSOUX Pascal. Les effets du contexte scolaire sur les acquisitions des élèves : effets-école et

Revue française de sociologie

, 36, 1995, p. 273-294. Cité par ALAPHILIPPE Daniel et al.

op. cit

. (note 128) 130 PIERREHUMBERT Blaise, ZANONE F., KAUER-TCHICALOFF C., PLANCHEREL B., Image de soi et échec scolaire,

Bulletin de Psychologie

, n°384.1988. Cité par JENDOUBI Verena, Estime de soi et éducation scolaire, Genève, avril 2002.

En ligne < http://www.comportement.net/publications/estime/estime04.PDF

> [consulté le 17/04/2013] 131TARDIF Maurice et LESSARD Claude. Le travail enseignant au quotidien. Expérience, interactions humaines et dilemmes professionnels. Bruxelles : De Boeck Université, 1999. Cité par TABLOT Laurent

op. cit.

(note 79) 44

Tablot 132 définit trois dimensions dans les pratiques enseignantes

:

le comportement observable de l'enseignant en classe et en direction des élèves. La dimension personnelle et interprétative du professionnel sur ses représentations sociales et professionnelles, son sentiment d'efficacité. L'environnement dans lequel évolue le maître intervient aussi, c'est-à-dire l'équipe pédagogique, l'institution, les élèves et parents d'élèves et les partenaires de l’école.

a) Les risques de l'évaluation :

L'évaluation est à prendre en compte dans un système complexe de relations entre maître et élèves. Meram et al. font un constat important :

«L'enfant, comme beaucoup d'adultes, ne distingue pas la valeur de la note de sa propre valeur. L'enfant se confond avec la note et les appréciations. Si les résultats sont régulièrement insuffisants, peut s'installer une mésestime de soi, aggravant encore les difficultés et entraînant un dégoût voire un rejet de l'école»

.

133 Les

enseignants doivent faire attention aux situations émotionnelles qu'ils font vivre à leurs élèves. Nous allons lister quelques-uns des effets indésirables que peut entraîner l'évaluation en nous aidant de plusieurs sources.

Certains comportements de l'enseignant peuvent démotiver

Une liste qui reprend des comportements néfastes pour les élèves a été crée lors d’une rencontre

d'été du Cercle de recherche et d'action pédagogiques (Crap) 134 , la voici :

 L'humiliation publique , lorsqu'on demande d'applaudir une erreur grossière ou que l'on rend les copies par ordre de notation en ajoutant des commentaires et des gestes de mépris.

 L'humiliation privée , par des commentaires assassins sur les copies.

 L'arbitraire : une note sans aucun commentaire ou un commentaire négatif inutile.

 Rendre des corrections inutilisables , parce qu'il est illisible, trop général.

 Pratiquer une évaluation excluante , car les questions ne sont pas au niveau des élèves pour mettre en avant la tête de classe ou la suprématie du professeur.

 L'abus de pouvoir , qui peut être exprimé sous diverses formes : punir l'échec par une sanction comme par exemple faire un devoir supplémentaire ; punir un mauvais comportement par une mauvaise note au prochain contrôle ; démolir la notation des collègues et choisir de ne pas respecter celui de l'établissement.

132TABLOT Laurent

op. cit.

(note 78) 133MERAM Dalith et al.,

op. cit.

(note 3) 134COLLECTIF. Quinze façons de démotiver en évaluant, Atelier « évaluer sans démolir ». Rencontre d’été du Crap animé par VOIRPY Jean-Claude et WATRELOT Philippe. Rambouillet, 2003. Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p.12

45

Même si l'enseignant n'a pas l'intention consciente d'être plus ou moins tyrannique d'autres risques existent. ➢

Les notes chiffrées, base de la comparaison des performances entre pairs

Jean-Pierre Fournier 135 nous met en garde contre les notes chiffrées : elles entraînent une

comparaison entre les élèves d'une même classe et un jugement de valeur de l'enfant qui sera étiqueté bon ou mauvais élève. Les élèves les plus faibles vont peu à peu perdre confiance en eux. De plus les notes peuvent aplatir les spécificités d'un travail ; un travail d'art plastique et un poème sont deux choses qui appellent à des compétences différentes, mais si seule la moyenne compte ces compétences sont oubliées.

Les mauvais résultats peuvent entraîner un rejet de l'école dans sa globalité

Jean-Martial Fouilloux 136 nous avertit sur d'autres effets de l'évaluation : l'élève peut se replier sur

lui-même suite à de mauvais résultats, cela aboutit à une dégradation de son image. S'il ne comprend pas les raisons de son échec il peut les associer à l'arbitraire du professeur, invoquer des « causes magiques ». Certains élèves dans un souci d'efficacité et de bonnes notes peuvent décider de ne plus s'intéresser aux apprentissages à proprement parler mais juste retenir ce que l'enseignant attend dans les évaluations. Dans le pire des cas, suite à de mauvais résultats, ils peuvent rejeter tout le corps enseignant en gardant en tête l'enseignant comme une personne froide et intellectuelle.

Daniel Pennac, un écrivain français aujourd'hui accompli, nous témoigne dans Chagrin d'école, de ses douloureux souvenirs de l'école. J'ai ici sélectionné un extrait qui illustre de l'intérieur à quel stade peut arriver un élève en grandes difficultés scolaires, parfois qualifié de « cancre ».

Le cancre se vit comme indigne, ou comme anormal, ou comme révolté, ou alors il s'en fout, il se vit comme sachant un tas d'autres choses que ce que vous prétendez lui apprendre, mais il ne se vit pas comme ignorant ce que vous savez ! Très vite, il n'en veut plus de votre savoir. Il en a fait son deuil. Un deuil douloureux parfois, mais, comment dire ? L'entretien de cette douleur l'occupe

davantage que le désir de la guérir, [...] 137

b) L'effet Pygmalion et l'effet maître

L'effet Pygmalion fait référence au récit du poète Ovide. Le récit conte l'incroyable métamorphose d’une sculpture en femme réelle, parce que Pygmalion l’artiste sculpteur en était tombé amoureux. En 1968, Rosenthal et Jacobson associent l'effet Pygmalion à l'autoréalisation 135FOURNIER Jean-Pierre. « Les notes, comment faire avec ? », Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p.23-24 136FOUILLOUX Jean-Martial. « L’évaluation au risque de la démocratie », Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p.17-19 137PENNAC Daniel. Chagrin d'école, Mayenne, Edition Gallimard,2007. p.300

46

des attentes de l'enseignant vis à vis des apprentissages de ses apprenants. En effet les attentes de l'enseignant se traduiraient à la fois dans son comportement et dans les mots qu'il emploie face à un élève. Cela aurait pour conséquence la modification de la conduite de l'élève dans le sens des attentes de l'enseignant.

D'après les travaux de l'Institut de Recherche sur l’Économie de l’Éducation de l'Université

de Bourgogne (IREDU) et de Alain Mingat 138 , Tablot Laurent définit l'effet maître comme la

capacité des enseignants à faire progresser l'ensemble de la classe, tout en faisant diminuer les écarts de niveaux dans celle-ci. L'effet maître « explique entre 13 et 15% des acquisitions de fin

d'année selon la discipline » 139 Tandis que l'effet classe est à l'origine d'une variance de 10 à 20%

des performances. Il y a deux types de professeur, chez certains les écarts de niveaux se creusent et chez d'autres ils diminuent. Les études ont montré qu'en général les classes les plus équitables sont celles qui sont aussi les plus efficaces. Les enseignants possédant un effet maître positif ont plusieurs caractéristiques communes :  Une gestion didactique qui met l'accent sur les apprentissages de base en y consacrant beaucoup de temps et en s'assurant que les élèves les ont bien compris. Ils diversifient les apprentissages en différents niveaux de difficultés.

 Une gestion pédagogique qui favorise une ambiance de classe «organisée et agréable, positive et chaleureuse ». Dès le début de l'année les règles de travail sont assimilées pour rendre les élèves le plus autonome possible.

 Les pratiques d'évaluation servent à suivre les progrès. Les évaluations sont donc fréquentes, continues et formatives. Elles sont prises en compte par les enseignants qui peuvent modifier le rythme de l'activité, le niveau de difficulté anticipé. Les réactions aux erreurs des élèves sont très rapides, d'autant plus que les professeurs circulent dans la classe lors des travaux individuels et collectifs en émettant des commentaires et en réagissant au déroulement du travail. Les enseignants évaluent en continu en accompagnant les élèves dans leurs tâches.

Ces enseignants encouragent beaucoup leurs élèves et s'attardent moins longtemps sur les échecs pour valoriser le comportement attendu des élèves. Ils manient subtilement les compliments et les critiques. On peut aussi ajouter une bonne gestion du temps, des pratiques d'enseignement variées … 138 MINGAT Alain. Les acquisitions scolaires de l'élève au CP : Les origines des différences ?.

Revue française de pégagogie,

Volume 69, 1984. Cité par TABLOT Laurent. 65. Cité par TABLOT Laurent.

op. cit.

(note 79)

op. cit.

(note 79) 139 FELOUZIS Goerges. L’efficacité des enseignants. Paris : Presses universitaires de France. 1997. p.64 47

4. Comment favoriser l'estime de soi ?

Certains gestes et dires du professeur favorisent l'estime de soi des élèves. En tout premier lieu, adopter une attitude bienveillante vis-à-vis des élèves et poser un cadre de règles pour que l'élève se sente en sécurité. D'autres éléments peuvent être travaillés : diminuer les facteurs de stress tels que l'annonce d'une évaluation surprise, donner aux élèves les moyens de participer en classe pour leur donner les moyens de réussir et de s'intégrer au groupe. Souligner les progrès, féliciter d'une manière sincère mais aussi souligner les difficultés que rencontre chaque élève en lui donnant les moyens pour les surmonter. Nous allons développer deux points importants qui sont : développer les compétences psychosociales des élèves et améliorer l'organisation en mémoire des conceptions de soi, que nous avons vu comme indispensable pour la réussite des élèves.

a) Le développement des compétences psychosociales, une solution pour développer l'estime de soi ?

Pour Meram et al 140 la connaissance de soi (1

ère compétence psychosociale) commence par la reconnaissance de ses émotions (réactions affectives rapides et temporaires telles la joie, la colère, la surprise, la peur, la tristesse et le dégoût) et sentiments (

« état affectif complexe, assez stable et durable lié à des représentations » (Petit Robert)). Ils sont la base des relations sociales : « la parole, l’expression de soi, l’écoute de l’autre, l’empathie, sont d’abord basés sur la connaissance de ses sentiments, et la reconnaissance de ceux de l’autre. »

Si l’on suit son raisonnement, comme l’école est avant tout un acte relationnel entre l’enseignant et les élèves et les élèves entre eux, la connaissance de soi et de ses émotions et sentiments est donc la base nécessaire pour entrer dans les apprentissages. De plus, les émotions influent sur la constitution de

nos souvenirs que Damasio 141 nomme notre « réservoir autobiographique ». La gestion des

émotions est donc un gage d’un bon apprentissage.

D’après Jacques Fortin 142 les dix compétences psychosociales sont mobilisées dans des

domaines interdépendants tels que l’estime de soi, le sentiment d’auto-efficacité, la motivation et les stratégies d’adaptation. Une solution possible pour développer ces compétences est l'utilisation de la collection

« construire l'estime de soi en primaire » qui est dirigée par Solange Luneau 143 . Pour chaque cycle

140MERAM Dalith et al.

, op. cit.

1999. Cité par MERAM et al, (note 3), p.25

141DAMASIO Antonio, Le sentiment même de soi, corps, émotions, conscience, Odile Jacob, Sciences,

op. cit

. (note 3) 142Fortin Jacques,

op. cit

. (note 6) 143LUNEAU Solange (dir), DUCLOS Germain (préface). Questi : vivre un sentiment de compétence 48

il a été édité deux volumes et les compétences à développer diffèrent. Au cycle 1, les deux volumes cherchent à développer le sentiment de confiance des élèves et l'identité personnelle. Au cycle 2, c'est la sociabilisation et le sentiment de compétence scolaire qui sont mis en avant. Pour le dernier cycle, c'est le sentiment de compétence sociale et l'affirmation de soi qui sont encouragés. C'est sur des histoires et leurs exploitations que se base cette collection.

b) Comment améliorer l'organisation des conceptions de soi de réussite ?

Améliorer les conceptions de soi des élèves les aident à se sentir mieux et les maintiennent dans un état affectif positif. De cette manière l'enfant s'adapte mieux à l'école et augmente son sentiment d'autoefficacité. Cependant, avoir des conceptions de soi positives ne suffit pas. Nous avons vu qu'il faut qu'elles soient organisées pour être opérantes. Pour améliorer l'estime de soi

des élèves, Purkey et Novak 144 proposent de fournir une rétroaction la plus objective possible sur

les comportements et les performances de l'élève, dans une attitude optimiste et confiante vis à vis

de l'élève. D'après Harter et al.

145 , il convient également de faire attention aux différents profils

d'élèves et de l'importance qu'ils accordent aux différentes matières. Toutes les précautions que l'on peut prendre ne nous permettent pas d'isoler l'élève des situations menaçantes, il peut malgré tout décider de rentrer dans des stratégies de protection. Une bonne manière d'améliorer l'estime de soi est de contribuer à une bonne organisation en mémoire des conceptions de soi positives et cela passe par des expériences positives et un cumul de réussite. Comment faire pour que les élèves cumulent les réussites ? Une solution consiste à proposer des situations d'apprentissage à la portée de chaque élève et de donner à ce dernier un feedback positif sur ses efforts. D'après Goumaz l'estime de soi est indispensable pour entrer dans les apprentissages de manière sereine ; si cette dimension affective et subjective est absente, malgré les efforts de l'enseignant, elle peut empêcher les apprentissages. L'enseignant est un interlocuteur privilégié avec l'élève, s'il cerne correctement ses capacités, il est en mesure de lui donner des situations d'apprentissage à sa portée qui vont donc conforter son estime de soi même si cela veut dire lui donner des exercices dont il maîtrise déjà les attendus.

sociale, construire l'estime de soi au primaire, troisième cycle, vol. 1. Éd. de l'Hôpital Sainte-Justine Centre hospitalier universitaire mère-enfant, Commission scolaire des Bois-Francs, diff. CEDIF, DL 2004 144PURKEY W.W., NOVAK J.M. Inviting school success : A self-concept approach to teaching, learning and democratic practice. New York, NY: Wadsworth. 1996. Cité par MARTINOT Delphine,

op. cit.

(note 5) 145HARTER S., WHITESELL N.R., JUNKIN L.J. Similarities and differences in domain-specific and global self-evaluations of learning-disabled, behaviorally disordered, and normally achieving adolescents. American Educational Research Journal, 35,1998, p. 653-680. Cité par MARTINOT Delphine,

op. cit

. (note 5) 49

L'enfant reporte dans tous les cas un affect sur l'enseignant en fonction de son vécu. Cela est d'autant plus visible en maternelle où l'enseignant prend le relais de la mère et doit donc créer un espace sécurisant et une relation de confiance. De ce fait l'enseignant peut encourager des élèves en leur fournissant un feed-back positif sur leur effort. Il faut cependant rester crédible et ne pas abuser des félicitations qui perdraient de leur valeur. Le rôle de l'enseignant est d'écouter l'enfant, de le prendre au sérieux et de le respecter.

L'enseignant peut différencier ses actions pédagogiques par ses observations sur les stratégies et les capacités des élèves, pour mettre tous les élèves en situation de réussite. On peut différencier les exercices mais également regrouper les élèves dans des groupes hétérogènes en fonction d'un but précis. Ces regroupements diminuent l'esprit de compétition et leur objectif est que chacun y trouve une fonction, ainsi le groupe réussit ensemble et cela permet de contribuer à l'estime de soi de chacun.

c) Dédramatiser l'erreur

D'après la théorie du constructivisme, initié par Piaget, c’est le conflit cognitif qui permet l’apprentissage car il va être à l’origine d’une déstructuration des concepts initiaux puis d’une restructuration active des connaissances par l’élève. L'élève, lors de la phase de découverte et lors des évaluations formatives, peut donc se tromper et c'est par la compréhension de ses erreurs qu'il progresse. De plus, dans le socioconstructivisme, initié par Vygotsky, la médiation sociale a de l’importance dans l’apprentissage. Dans les mises en commun la résolution des erreurs des autres permet aussi un meilleur apprentissage des nouvelles notions. Reconnaître l'erreur comme faisant partie du processus d'apprentissage la dédramatise. De plus, à la place de l'éloigner, s'intéresser à son sens et au cheminement intellectuel de l'élève est plus pertinent. Lorsque l'enseignant essaie de comprendre la démarche de l'élève, celui-ci ne se sent pas juste incompris et jugé mais écouté. Lorsque l'élève prend conscience de son erreur il progresse, c'est la base de la démarche constructiviste. Il convient alors d'utiliser l'évaluation formative qui permet une remédiation aussi souvent qu'il est possible. Cette évaluation permet également de s'appuyer sur ce que l'élève sait pour continuer.

Mais il n'est pas exclu de s'intéresser aux erreurs commises lors des évaluations sommatives, car il n'est jamais trop tard pour comprendre pourquoi on s'est trompé.

50

d) La pédagogie de projet pour revaloriser l'estime de soi des élèves décrocheurs

Je vais m'appuyer sur l'article de Bruno Hanse, un éducateur spécialisé exerçant en Instituts Thérapeutiques, Educatifs et Pédagogiques (ITEP), avec des adolescents de 14 à 18 qui ont

décroché du système scolaire. Il témoigne dans son article 146 de l'effet des pédagogies actives -ici

lors d'ateliers de lecture et de réparation de vélo- qui aident les jeunes à restaurer leur estime de soi au niveau des compétences puis du mieux-être général. Si son étude porte sur des adolescents avec un parcours scolaire difficile je pense que ses constatations sont transposables à des élèves en grande difficulté scolaire de primaire. Les avantages des pédagogies actives sont selon lui de donner du sens aux apprentissages, ainsi les connaissances à acquérir servent directement et les élèves sont motivés par les apprentissages. De plus, cette pédagogie est basée sur les échanges, ce qui favorise la socialisation. Par son aspect concret elle met en valeur les notions acquises que l'élève est plus à même d'apprécier, le maître veillera à favoriser cette prise de conscience. Pour finir elle permet de voir l'adulte comme quelqu'un qui facilite les savoirs et savoir-faire et peut redonner confiance en cette relation d'enseignant-enseigné.

Par extension la pédagogie de projet peut valoriser l'estime de soi de n'importe quel élève si elle est bien menée et encadrée par l'enseignant (veiller à ce qu'aucun élève ne soit exclu par des phénomènes de groupe, à changer les rôles de chacun).

5. Comment améliorer sa pratique évaluative pour favoriser l'estime de soi ?

a) S'interroger sur ses pratiques évaluatives

Pour définir ces questions je me suis inspirée du document de Daniel Améro 147 qui propose une

réflexion à chaque professeur sous forme de questions.

Est-ce que je sais articuler et mobiliser convenablement les différentes formes d'évaluations ?

Nous avons vu dans la partie II.2.d. quelles sont les différentes évaluations pratiquées en général dans les écoles françaises. Si elles peuvent être clairement définies dans l'esprit du professeur, les mobiliser et les articuler convenablement en classe n'est pas aussi aisé. Il faut 146 HANSE Bruno. « Estime de soi et pédagogie du projet», VST – Vis sociale et traitement, 2009/3 n°103, p.68-73 147 AMEDRO Daniel.

op. cit.

(note 83) 51

veiller à ce que chaque type d'évaluation serve les objectifs qui lui sont attribués. L'évaluation formative est là pour informer l'enseignant et l'élève sur ce qui est en cours d'acquisition : elle ne doit pas être notée comme l'évaluation sommative. Il faut que l'élève perçoive également les temps propres à chacun, d'où la nécessité du maître d'expliciter ces moments. ➢

Est-ce que j'assume mes rôles de « pédagogue » et de « sélectionneur » ?

On s'aperçoit que le maître a plusieurs postures : celle du pédagogue et celle du sélectionneur, les deux sont à assumer. La posture de sélectionneur est délicate car, comme nous l'avons vu plus haut, l'évaluation sommative est sources d'attentes et de tensions. Elle est perçue comme un classement : les élèves ayant de bonnes notes auraient de meilleures perspectives quant à leur parcours scolaire et même personnel et professionnel. Même si l'enseignant combat cette idée, puisque son rôle est d'amener tous les élèves à aller au maximum de leurs possibilités et de s'épanouir, il ne peut pas ignorer cette facette de l'évaluation sommative.

L'évaluation est-elle avant tout construite en fonction des programmes et/ou aussi en fonction de la connaissance des difficultés qu'ont les élèves ?

Daniel Améro nous rend attentif à la place qu'on accorde, lorsque l'on conçoit les évaluations, à la prise en compte de nos observations en classe. Est-ce que certaines difficultés dans l'évaluation handicaperaient une partie des élèves pour répondre aux questions ? Est-ce que l'on prend en compte leur profils cognitifs ? Si l'on se réfère avant tout aux programmes nous sommes dans une situation de pédagogie de maîtrise, si les caractéristiques des élèves sont prises en compte on parle davantage de pédagogie différenciée.

Le contenu que j'évalue est-il réellement celui que j'ai enseigné ?

On trouve sur internet énormément de ressources pour les évaluations. Il est tentant de prendre telle quelle une évaluation dont les compétences et connaissances décrites sont en concordance avec celles de notre séquence, cependant il faut être vigilant à la concordance entre ce qui est demandé dans l'évaluation et ce qui a été fait en classe ! Nous ne pouvons pas évaluer des choses que nous n'avons pas travaillées et dans certains cas une forme inédite d'énoncé peut bloquer une grande majorité de la classe parce qu'elle n'aura pas compris ce qu'il faut faire.

Suis-je au clair avec ce que j'attends de l'évaluation ?

S'agit-il de comparer les élèves entre-eux ? Ont-ils tous les mêmes critères de notation ? Notamment en sport, il est fréquent que les critères de notation changent entre garçons et filles, voire soient différents par rapport aux performances de départ. C'est ce qu'on appelle une évaluation critériée (confère partie II.2.b.) 52

En quoi les évaluations que je propose favorisent-elles pour l'élève, la prise de conscience de ses erreurs et de ses progrès ?

Est-ce qu'une fois la note attribuée l'évaluation est mise au placard ? Est-ce qu'elle est la source d'une remédiation ? L'élève peut-il corriger ses erreurs ? Moi même dans mon parcours scolaire, je ne trouve rien de plus frustrant que de passer un contrôle, un examen ou un partiel, et de n'obtenir qu'une note sans avoir accès à la copie ou une remarque. Quel est l'intérêt si l'on ne sait pas ce qui était acquis et quelles sont les choses à améliorer ? La certification avant tout, a, je trouve, quelque chose de déshumanisant. ➢

Sont-elles propices à la confiance en soi ?

Nous avons vu dans la partie III.3.1. que certaines pratiques enseignantes sont la source de découragement et même de perte de confiance des élèves (que ce soit la perte de confiance en eux-mêmes ou dans la relation professeur-élève) ➢

Permettent-elle une bonne relation entre le savoir, l’école et l'apprenant ?

Comme vu précédemment, le surplus de mauvais résultats peut entraîner un rejet de l'école. L'accès au savoir enseigné en classe devrait être une source de curiosité et non de souffrance, et pourtant dans certains cas elle l'est. Nous pouvons nous remémorer le témoignage de Pennac. ➢

Quelle est l'implication de l'élève quant à l'évaluation de ses propres performances ?

Est-ce seulement le maître qui est apte à juger du travail de l'élève ? Nous développerons ce point un peu plus loin dans la partie sur l'autoévaluation .

b) Travailler la méthodologie de l'évaluation

Rémi Duvert 148 nous propose d'aider l'élève à aborder l'évaluation méthodologiquement.

Premièrement par la préparation de l'évaluation. Il conseille, quelques jours avant l'évaluation, de faire expliciter aux élèves les compétences sur lesquelles ils pourront être évalués et les principales connaissances qu'on pourra leur demander. Il préconise aussi de demander aux enfants comment ils préparent leur évaluation, afin de montrer au groupe classe qu'il y a plusieurs façons d'apprendre, puis de créer une fiche de référence quant à la méthode à suivre. Deuxièmement leur expliquer comment s'organiser pendant l'évaluation. Et troisièmement leur faire analyser les résultats d'une interrogation en lien avec leur préparation pour qu'ils puissent voir quels sont les comportements qui ont été profitables et ce qu'ils peuvent encore améliorer.

148DUVERT Rémi, « A ne pas oublier en formation... », Les cahiers pédagogiques. N° 438 (décembre 2005), p. 27-28 53

c) Simplifier la notation

Dominique Natanson 149 nous donne une autre piste à exploiter : simplifier les notes pour que

le message transmis soit plus compréhensible par l'élève. Elle présente deux manières de procéder. Soit avec des lettres, soit avec des fourchettes de notes (entre 17 et 20 l'objectif est parfaitement atteint, entre 12 et 14 l'objectif est atteint même s'il y a quelques erreurs comme des oublis ou des approximations, entre 7 et 9 il y a eu un travail avec toutefois des manques, l'objectif n'est pas encore atteint. Par contre entre 0 et 3 il y a une situation d'erreurs graves et des contresens). Il est utile de rappeler qu'à part pour les évaluations nationales, rien n'oblige l'enseignant à mettre des notes chiffrées, il peut se contenter de mettre des appréciations telles que « très bien », « bien », « assez bien », « à retravailler ».

d) L’Évaluation Par Contrat de Confiance

Il a été conçu par Antibi 150 pour permettre à l'enseignant d'échapper à ce qu'il appelle la constante

macabre (cf. partie III.1.a). L'intérêt de cette méthode d'évaluation est triple : éviter l'échec scolaire artificiel, c'est à dire l'échec d'un élève qui a pourtant acquis les compétences qui sont évaluées. Encourager l'élève à travailler, puisque son travail de révision lui permettra d'avoir une bonne note, cela vise aussi à lui donner confiance en son travail. Il est important de noter que seule la phase d'évaluation est à changer pour adopter cette méthode. Au niveau de sa réalisation : • Un programme de révision très détaillé est donné aux élèves une semaine avant le contrôle. Il repose sur une liste de points de cours et d'exercices qui balaie les attendues du programme et qui ont été traités et corrigés en classe. L'enseignant informe l'élève que 4/5ème du contrôle portera sur certains de ces points. La liste ne doit pas être trop courte pour éviter un apprentissage par cœur, il est possible d'y ajouter des points de séquences précédentes.

• Une séance de questions-réponses deux ou trois jours jours avant l'épreuve. Les élèves sont amenés à poser des questions sur les points qu'ils n'ont pas compris pour obtenir des explications et des précisions.

• L'élaboration et la correction du sujet respectent certains critères : le sujet n'est pas trop 149NATANSON Dominique. « Diminuer la pression évaluative en lycée », Les cahiers pédagogiques. N° 438 (décembre 2005), p.25-26 150ANTIBI André, « De la constante macabre à l'évaluation par contrat de confiance », mars 2008. site du Mouvement Contre La Constante Macabre. En ligne < http://mclcm.free.fr/080516/080516.17_Intro EPCC-Colloque.pdf

> [consulté le 17/04/2013] 54

long et l'on peut proposer des questions plus difficiles et non notées aux élèves les plus rapides. Les règles de rédaction sont précisées.

Quels résultats après une expérimentation de 3 ans ? :

Les expérimentations de ce système font apparaître très clairement les points suivants : - La constante macabre est supprimée.

- Les élèves font leurs révisions en confiance, bien moins stressés.

- Les moyennes de classe augmentent de 2 à 3 points sur 20 mais cette augmentation n'est pas uniforme : certains élèves découragés jusqu'ici mais travailleurs augmentent leur moyenne de 5 à 6 points.

- Les notes restent étalées, mais cette fois les élèves qui n'ont pas de bons résultats sont responsabilisés : ils savent pourquoi: trop de lacunes antérieures, manque de travail...

- Une très forte majorité d'élèves aime ce système.

-

Point très important : les élèves, mis en confiance, travaillent beaucoup plus

récompenser le travail

.

151

. Ainsi, ce système n'est en rien laxiste. Il est destiné à supprimer la constante macabre mais aussi à encourager et

Pour conclure sur cette pratique, si l'évaluation peut sembler trop facile puisqu’une grande partie de l'interrogation reprend des exercices déjà faits, elle amène les élèves à travailler et à

avoir confiance en leurs capacités. D'après le témoignage d'une école de Pontaut-Combault 152 , qui

a adopté l’Évaluation Par Contrat de Confiance depuis plusieurs années, les élèves ont progressé aux évaluations nationales.

e) L'autoévaluation

Philippe Guimard 153 parle de l'autoévaluation pour renforcer la confiance des élèves dans

leurs possibilités. L'évaluation devrait donc servir à réguler leur apprentissage et les responsabiliser, et ne pas se contenter de certifier ce qui est su ou non. Pour cela l'autoévaluation commence par informer l'apprenant sur les objectifs qui lui sont fixés à travers l'apprentissage, puis elle vise à faire participer l'élève à l'évaluation de ses travaux et à l'examen des processus et stratégies qu'il a utilisés. Ces démarches favorisent la métacognition et la capacité de projet. Les outils que l'enseignant peut utiliser sont le portfolio et/ou la co-évaluation (avec ses camarades ou l'enseignant). L’enfant va ainsi donner du sens à son apprentissage, pouvoir observer lui-même ses progrès et prendre conscience des futures étapes à franchir. Dans tous les cas il deviendra plus actif dans son apprentissage et cela peut avoir un impact positif sur ses motivations.

151ANTIBI André,

ibidem.

Remarque : pour plus de renseignement sur cette pratique, consulter le site internet : http://mclcm.free.fr/ 152Reportage sur des évaluations en École & Collège à Pontault-Combault (77) , diffusé au Journal Télévisé de FRANCE 2 du 17/03/2013 .En ligne < http://mclcm.free.fr/MPG-GIF MP3/130327_FRANCE2_JT_Evaluation-Eleves_Pontault-Combault/130327_FRANCE2_JT _ Evaluation-Eleve s _Pontault-Combault.html

153GUIMARD Philippe.

op. cit.

(note 78) > , [consulté le 17/04/2013]

n

55

f) Une notation à caractère non définitive

Jean-Louis Denizot 154 propose un autre système d'évaluation qu'il a pratiqué en classe.

Lorsque l'enseignant corrige il met un numéro entre 1 et 4 qui correspond au degré d'acquisition de la compétence visée. 1 signifie que la compétence est acquise, 2 que la compétence est à renforcer, 3 qu'elle est en cours d'acquisition, 4 que la compétence n'est pas acquise. L'auteur se base sur le système de renseignement du livret des compétences qu'il transpose en classe. Pour communiquer les résultats à l'élève, les mots associés à chaque chiffre sont sensiblement différents. «

1 : je sais faire, 2 : je fais encore quelques erreurs, 3 : je fais trop d'erreurs, 4 : je ne sais pas faire

» 155 . L'évaluation ne s'arrête pas à l'obtention d'un de ces nombres puisque les

élèves qui obtiennent 3 ou 4 discutent avec le maître de la raison des trop nombreuses erreurs (fiche de révision introuvable, problème de mémorisation, absence de révisions...) afin d'y remédier notamment par un temps de révision en classe (l'enseignant a prévu des temps de remédiations dans son emploi du temps). Ensuite, le maître fixe une autre date d'évaluation dans laquelle les mêmes compétences seront travaillées mais présentées d'une autre manière. Les élèves qui ont eu 2 peuvent, s'ils le souhaitent, refaire l'évaluation pour améliorer leur score. L'important dans ce système, et qui est clairement explicité aux élèves, est la réussite de tous les élèves, il n'y a pas de moyenne, seul compte le nombre final qui reflète le niveau acquis par l'élève. Cependant on s’aperçoit que pour continuer à avoir une gestion efficace de la classe, l'enseignant ne pourra pas toujours proposer une ou plusieurs remédiations, sinon le nombre de compétences différentes à travailler avec chaque élève risque de devenir insurmontable. Cette manière de procéder permet à l'élève de prendre conscience de ce qu'il est encore amené à travailler, l'évaluation est prise dans une logique de formation, l'erreur y a donc sa place. Au final l'évaluation finale officialise les progrès de l'élève.

154DENIZOT Jean-Louis. Ces élèves qui m'ont formé, Si on prenait le temps de les écouter. L'Harmattan, Paris, 2009 155 DENIZOT Jean-Louis.

Ibidem.

p121 56

Conclusion

Suite à la définition théorique de l'estime de soi, notamment de l'enfant en âge scolaire, et de l'évaluation des élèves dans le système scolaire primaire, nous sommes revenus à la problématique : comment évaluer pour favoriser l'estime de soi des élèves ? Tout d'abord, nous avons été attentifs à la raison pour laquelle il est important de porter attention à la notation des élèves : une notation, même précise au quart de point, n'est pas gage d'équité puisqu'elle reste subjective. Puis nous avons vu que les performances scolaires sont liées à l'estime de soi, tout du moins scolaire, des élèves. Et comme ces performances sont souvent appréciées par une évaluation voire des notes, l'évaluation et l'estime de soi des élèves sont intrinsèquement liées. Ainsi certaines pratiques enseignantes relatives aux évaluations sont à l'origine d'une baisse de l'estime de soi des élèves, entraînant un manque de confiance en ses capacités et une baisse de l'efficacité dans les apprentissages. Cependant d'autres attitudes sont favorables à l'établissement d'un climat de confiance en classe et à une hausse de l'estime de soi des élèves au niveau scolaire, c'est ce que certains nomment l'effet maître. A partir de ces constats nous avons cherché des solutions. Premièrement des solutions pour favoriser l'estime de soi des élèves en classe de manière générale : par le travail des compétences psychosociales, une pédagogie qui rend possible un cumul de réussite des élèves et leur implication dans leurs apprentissages pour qu'ils prennent conscience de leurs progrès et de leurs capacités. Deuxièmement des pratiques enseignantes d'évaluation qui favorisent l'estime de soi. Il en existe diverses qui ont été testées en classe et qui nécessitent l'implication et la réflexion du professeur des écoles qui les met en œuvre. En effet le professeur est amené à évaluer des connaissances et des compétences, il doit être au clair avec ce qu'il attend de l'évaluation pour pouvoir poser ses modalités et les transmettre de manière détaillée et compréhensible aux élèves. L’Évaluation Par Contrat de Confiance, l'auto-évaluation, un système d'évaluation à 4 niveaux sont autant d'outils au service du professeur qui est sensible aux effets que peut avoir l'évaluation sur les élèves, qui sont, rappelons-le, des enfants qui se découvrent élève et personne en devenir.

57

Bibliographie

Livres :

DENIZOT Jean-Louis. Ces élèves qui m'ont formé, Si on prenait le temps de les écouter. L'Harmattan, Paris, 2009 DE PERETTI André, BONFACE Jean et LEGRAND Jean-André. « Glossaire », Encyclopédie de l’évaluation en formation et en éducation. ESF éditeur, Paris, 1998. p.535, 536 GUIMARD Philippe. L’évaluation des compétences scolaires. Presse universitaire de Rennes, 2010.

MERAM Dalith, EYRAUD Geniève, FONTAINE Denis, OELESNER Agnès. Favoriser l'estime de soi à l'école. Enjeux, démarches, outils. Chronique Sociale, Lyon, novembre 2006. p.19-128 MEYER Geneviève. Evaluer : pourquoi ? Comment ? Edition Hachette, Paris, 1995.

PENNAC Daniel. Chagrin d'école, Mayenne, Edition Gallimard,2007.

TABLOT Laurent. L’évaluation formative, comment évaluer pour remédier aux difficultés d’apprentissage. Edition Armand Colin, Paris, 2009.

LUNEAU Solange (dir), DUCLOS Germain (préface). Questi : vivre un sentiment de compétence sociale, construire l'estime de soi au primaire, troisième cycle, vol. 1. Éd. de l'Hôpital Sainte-Justine-Centre hospitalier universitaire mère-enfant, Commission scolaire des Bois-Francs, diff. CEDIF, DL 2004

Articles de périodique :

ALAPHILIPPE Daniel et al., « Effet du contexte scolaire sur l'estime de Soi à l'école primaire », Bulletin de psychologie, 2010/3 Numéro 507, p. 169-174. COLLECTIF. Quinze façons de démotiver en évaluant, Atelier « évaluer sans démolir ». Rencontre d’été du Crap animé par VOIRPY Jean-Claude et WATRELOT Philippe. Rambouillet, 2003. Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p.12

DELZONGLE Françoise et GERARD Jacqueline. « Illusion de la mesure, réalité de la communication ». Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p. 19-21. Citations p.19

DUVERT Rémi, « A ne pas oublier en formation... », Les cahiers pédagogiques. N° 438 (décembre 2005), p. 27-28 FORTIN Jacques, Devenir compétent en santé,

Les cahiers pédagogiques,

Hors-série numérique n°24, janvier 2012, p.8-11. Citation p.9

FOUILLOUX Jean-Martial. « L’évaluation au risque de la démocratie », Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p.17-19 FOURNIER Jean-Pierre. « Les notes, comment faire avec ? », Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p.23-24 HANSE Bruno. « Estime de soi et pédagogie du projet», VST – Vis sociale et traitement, 2009/3 n°103, p.68-73 HUE Sofia et al. « Autoévaluation des compétences personnelles et l'image de soi de l'enfant en milieu 58

scolaire ». B

ulletin de psychologie n°499,

01/2009, p.3-14 KETEKE Jean-Marie. L'évaluation conjuguée en paradigme

, la revue française de Pédagogie

, n°103, avril-mai-juin 1993, p.75

MARTINOT Delphine, « Connaissance de soi et estime de soi : ingrédients pour la réussite scolaire », Revue des sciences de l'éducation, vol. 27, n° 3, 2001, p. 483-502.

MERLE Pierre. « Mesure ou arrangement ? », Les cahiers pédagogiques. N°438 (décembre 2005), p. 11-13 PERRENOUD Philippe. « Outil de pilotage ou pare angoisse ? », Les cahiers pédagogiques. n° 483 (décembre 2005), p.14-15

Thèse :

RAMBAUD Angélique. Les effets des dispositifs pédagogiques sur l'estime de soi et la maîtrise de la lecture des élèves de CP et de CE1 : suivi longitudinal. Thèse soutenue le à l'université de Nantes 2/11/2009. p. 51-84

Documents en version électronique :

AMEDRO Daniel. « Evaluations et constante macabre ». Inspecteur d'Académie - Directeur des services départementaux de l'éducation nationale de Tarn-et-Garonne. 04/04/2009. En ligne : < http://www.ac toulouse.fr/automne_modules_files/pDocs/public/r8039_61_evaluations_et_constante_macabre.pdf

> [consulté le 15/04/2013] ANTIBI André, « De la constante macabre à l'évaluation par contrat de confiance », mars 2008. site du Mouvement Contre La Constante Macabre. En ligne < http://mclcm.free.fr/080516/080516.17_Intro EPCC-Colloque.pdf

> [consulté le 17/04/2013] GAUSSEL Marie,

« Éducation à la santé : vers une démocratie sanitaire »

idRub=26&idLigne=1821 . Dossier d’actualité Veille et Analyses, n°69, décembre 2011. En ligne : http://www.academie-medecine.fr/detailPublication.cfm?

(FINNISH) MINSTRY OF EDUCATION AND CULTURE. Basic Education Act, 628/1998, Amendments up to 1136/2010. En ligne http://www.finlex.fi/en/laki/kaannokset/1998/en19980628.pdf

, [consulté le 26/01/2013] IFOP, Sondage du 3 septembre 2012, Les Français et la suppression des notes à l'école. En ligne > http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=1965 >, [consulté le 15/04/2013] JENDOUBI Verena, Estime de soi et éducation scolaire, Genève, avril 2002. En ligne < http://www.comportement.net/publications/estime/estime04.PDF

> [consulté le 17/04/2013] LECLERCQ Dieudonné, NICAISE Julien, DEMEUSE Marc, « Docimologie critique : des difficultés de noter des copies et d'attribuer des notes aux élèves ». Extrait de DEMEUSE Marc. (éd.) .

Introduction aux théories et aux méthodes de la mesure en sciencespsychologiques et en sciences de l’éducation

. Liège : Les Editions de l’Université de Liège. 2004. En ligne : < http://bernard.lefort.pagesperso orange.fr/documents_captures/docimologie_critique.pdf

> [consulté le 16/04/2013] METRO, « 80% des Français contre la suppression des notes», article Créé 31-08-2012 16:42 | Mis à jour 02-09-2012 19:28. En ligne < http://www.metrofrance.com/info/ecole-80-des-francais-contre-la suppression-des-notes/mlhE!TU0NRISFK1NI/ > [consulté le 15/04/2013] 59

Préambule adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 États. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948. à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé . En ligne : < http://www.sante.gouv.fr/cdrom_lpsp/pdf/Charte_d_Ottawa.pdf

> [consulté le 20/04/2013]

Documents officiels de l’Éducation Nationale :

MEN. BO n°29 du 20 janvier 2006, « Socle commun de connaissances et de compétences ». En ligne : < http://www.education.gouv.fr/bo/2006/29/MENE0601490A.htm

>, [consulté le 9/02/2013].

Ministère de l’éducation nationale (MEN). présentation du socle commun. Les compétences sociales et civiques. Eduscol, http://eduscol.education.fr/cid45612/competence.html

, mise à jour le 3 décembre 2012 [ consulté le 21/01/2013] MEN. présentation du socle commun. L'autonomie et l’initiative.

Eduscol, http://eduscol.education.fr/pid25737-cid46755/l-autonomie-et-l-initiative.html

, mise à jour le 3 décembre 2012 [ consulté le 21/01/2013] MEN. Education à la santé, « La santé, un enjeu éducatif de santé, publique et de société », En ligne : http://eduscol.education.fr/cid47750/education-a-la-sante.html

, mise à jour le 12 décembre 2011. [ consulté le 22/01/2013] MEN. Banque d´outils d´aide à l´évaluation diagnostique. En ligne, < http://www.banqoutils.education.gouv.fr/ > [consulté le 15/04/2013] MEN. Educ-éval le portail de l'évaluation. En ligne, < http://educ-eval.pleiade.education.fr

> [consulté le 15/04/2013] MEN. BO n°1 du 25 janvier 2001. Politique de santé en faveur des élèves, « Orientation générales pour la politique de santé en faveur des élèves ».

En ligne : http://www.education.gouv.fr/bo/2001/special1/texte.htm

, [consulté le 21/01/2013] MEN. BO n°3 du 19 juin 2008. Lettre de Xavier Darcos sur les nouveaux programmes pour l'école primaire .

MEN. BO n°29 du 22 juillet 2010, leur métier» . En ligne : < Encart - Formation des enseignants, « Définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de http://www.education.gouv.fr/cid52614/menh1012598a.html

>, [consulté le 9/02/20123].

MEN. BO n°46 du 15 décembre 2011. Enseignements primaire et secondaire, Orientation, « Politique éducative de santé dans les territoires académiques ». En ligne : http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=58640 , [consulté le 21/01/2013]

Vidéo-clip en ligne

Reportage sur des évaluations en École & Collège à Pontault-Combault (77) , diffusé au Journal Télévisé de FRANCE 2 du 17/03/2013 .En ligne < http://mclcm.free.fr/MPG-GIF MP3/130327_FRANCE2_JT_Evaluation-Eleves_Pontault-Combault/130327_FRANCE2_JT _ Evaluation-Eleves_Pontault-Combault.html

> [consulté le 17/04/2013]

n

60

Annexes

ANNEXE 1 : Modèle multidimensionnel hiérarchique d’après Shavelson et al. (1976, p. 413)

, dessiné par RIMBAUD Angélique. Les effets des dispositifs pédagogiques sur l'estime de soi et la maîtrise de la lecture des élèves de CP et de CE1 : suivi longitudinal. Thèse soutenue le à l'université de Nantes 2/11/2009. p.58

61

ANNEXE 2 : Modèle multidimensionnel hiérarchique de L’Ecuyer (1978, 1990, 1997)

, dessiné par RIMBAUD Angélique. Les effets des dispositifs pédagogiques sur l'estime de soi et la maîtrise de la lecture des élèves de CP et de CE1 : suivi longitudinal. Thèse soutenue le à l'université de Nantes 2/11/2009. p.60

62

ANNEXE 3 : Iceberg de l’apprentissage de Piaget,

dessiné par MEYER Geneviève MEYER Geneviève. Évaluer : pourquoi ? Comment ? Edition Hachette, Paris, 1995. p.132

ANNEXE 4 : Relation entre le score global aux épreuves standardisées et la perception de soi scolaire,

tirée de BRESSOUX Pascal, PANSU Pascal.

Quand les enseignants jugent leurs élèves

. Paris : Presse Universitaire de France. 2003, p.134

63

ANNEXE 5 : Comparaison avec les pratiques évaluatives en Finlande

J’ai pu visiter deux écoles différentes lors de mes deux semaines de mobilité en Finlande. La première école, Rajakylä koulu, était une école représentative du territoire. La seconde était l'école internationale d'Oulu. Comme dans toutes les écoles en Finlande, les niveaux de l'école fondamentale, c'est-à-dire de la 1ère à la 9 ème classe, sont concentrés dans la même école. Nous avons également pu visiter un

day-care

, l’équivalent de nos crèches, qui accueille les enfants de 3 mois à 6 ans. J'ai été particulièrement attentive à la question de l'évaluation dans mes observations et mes discussions avec les professeurs finlandais.

1. Une approche historique

Les professeurs enseignant depuis plus de 30 ans nous ont signalé des changements importants entre l'enseignement au début de leur carrière et l'enseignement actuel en Finlande. Ils nous ont rapporté que petit à petit l'enseignement traditionnel très élitiste basé sur des contrôles était devenu plus égalitaire. En effet avant 1960 l'école finlandaise reproduisait les inégalités sociales, à partir de cette date suite à un souhait très fort de modernité et d'industrialisation, la coalition de gauche réforma l'éducation qui devint la priorité nationale. Le but de l'éducation fut désormais la promotion sociale pour accéder au rang des démocraties occidentales. J'ai très fortement ressenti cette volonté de permettre à tous les enfants de réussir car elle est ancrée en chaque partenaire de l'école.

2. Les attentes extérieures

Les parents d’élèves

Les professeurs et la directrice de l'école de Rajakylä sont unanimes sur la confiance qu'accordent les parents Finlandais à l'école et aux professeurs, l'obtention de bons résultats ne serait pas leur attente première. Les parents d'élèves de cette école ont répondu à la question suivante : « What do you think about school should give to your child ? » Les connaissances étaient en troisième position tandis que les disciplines transversales telles que «

individually self consiousness

» dont une traduction pourrait être la conscience de soi, et «

sociability, empathy, tolerance

» sont respectivement les premier et second choix. Mais ces priorités ne valent que pour l’école primaire, les connaissances étant primordiales en

highschool

. Dans l’école internationale cela était sensiblement différent de par la diversité des origines des parents et leur attente d’un niveau d’excellence. Ils avaient le sentiment que cette école devait correspondre à une école privée, alors qu’elle suivait entre autre le programme national.

64

Institutionnelle

Si le programme en général est dicté par l'état (matière et nombre d'heures d'enseignement), la ville choisit les thèmes qu’elle veut mettre en avant. L'école quant à elle choisit la manière dont elle va mettre en œuvre les enseignements et s’il elle propose des activités supplémentaires. Dans l'école de Rajakylä il y avait une classe-musiique, où les élèves avaient dès la 3ème classe, 7 heures de musique par semaine, ces heures sont prises sur l’emploi du temps d’autres matières. Un test d'entrée sélectionne les candidats admissibles.

Il y a des évaluations nationales mais ce sont les professeurs qui ont la liberté de choisir s’ils veulent ou non les faire passer aux élèves. De plus les inspections sont inexistantes. La première année le professeur est généralement pris à l’essai puis embauché ou non par le directeur pour une durée plus longue voire indéterminée.

3. De quelle manière est pratiquée l'évaluation ?

Nommons pour des raisons pratiques l'école de Rajakylä (école A) et l'école internationale d'Oulu (l'école B)

La notation :

J'avais noté dans mes lectures que la notation ne s'effectuait qu'à partir de la 6ème ou 7ème classe, mais ce n'est pas ce que j'ai pu observer. Dans l'école A, les notes apparaissent à partir de la 4ème classe. Lors des classes précédentes les professeurs apprécient le travail avec des expressions telles que «

you have doing well

», «

you should work more

». Dans l'école B, les enfants avaient des notes chiffrées dans le cours de finlandais et d’anglais dès la seconde classe, car leur programme était une synthèse entre le programme national, municipal et le programme international (IB Framework). Mais dans les autres matières observées telles que l'écriture d'invention, la maîtresse signalait les fautes à l'oral : l'enfant les gommait et les corrigeait. Un autocollant signalait que le travail avait été vu et que l'enseignante approuvait. Dans les niveaux supérieurs, les matières optionnelles telles l'allemand, ne sont pas notées la première année.

Lorsqu'elles sont notées, les notes sont sur 10 : 5 est la moyenne mais la note la plus basse est 4. A partir de 5 cela signifie que l'enfant a acquis la connaissance plus ou moins parfaitement.

65

Le déroulement d'une évaluation (école A) :

Lors d'une évaluation de musique dans la classe de 7A, la professeure leur a laissé tout le temps qu'ils désiraient : «

take your time

». Quand elle eut fini de ramasser elle leur a demandé leur opinion sur l'évaluation «

how was the test

? », écouté patiemment les réponses et s'est justifiée sur la difficulté du test.

L'auto-évaluation :

Ecole A : dès la seconde classe les professeurs commencent l'auto-évaluation. Au départ elle concerne le travail fourni et l'attitude. Par exemple : l'enfant s'attribue un smiley s'il estime avoir fait tous les exercices ou s'il a été gentil avec la maîtresse. L'auto-évaluation se met en place après une réunion avec les parents pendant laquelle on leur explique les enjeux de cette méthode. De plus, parents comme enseignants prennent en considération qu'un jeune enfant qui a confiance en lui a très souvent l'impression de tout réussir parfaitement. Au fur et à mesure l'auto-évaluation s'axe sur les connaissances «

what could I have done better

? », «

what could I change in my working

habbits ? ».

École B : On a pu observer une auto-évaluation collective lors d'une séance de textile avec la classe 3A. La professeure leur a demandé comment s'est déroulée la séance : «

think about how was the lesson

?

What have you done

? », «

was the lesson noisy

? », puis promulgué des conseils «

you need to take attention on the beginning

». Comme la séance s'est très bien passée et qu'ils ont été efficaces pour ranger, elle a accordé à la classe un «

safety pins

». Lorsque la classe a 20 safety pins, ils ont le droit de regarder un film de leur choix. Lors d'un cours de musique avec la 5A, la classe a également obtenu un «

safety pins

» pour la participation et la motivation de toute la classe à faire des présentations en chant.

Les compétences auxquelles se réfèrent l'évaluation sont précisées à la fin des feuilles d’évaluation distribuées aux élèves.

Les élèves en difficultés (école A) :

Les enfants ont souvent la possibilité de refaire l'évaluation s'ils l'ont ratée. Dans chaque école il y a des professeurs spécialisés dans les difficultés d'apprentissage. Dans l'école A, il y a deux professeurs spécialisés pour le primaire et deux pour le secondaire, pour un total de 460 élèves. Pour les élèves en grosses difficultés ils mettent en place des plans d'aide de 3 semaines. Si les difficultés persistent la directrice peut proposer aux parents un redoublement dans la première et seconde classe, car ce sont les bases qui y sont enseignées. Si lors de la

pre-primary

66

school

une enseignante remarque qu'un enfant n'est pas encore près pour l'école, il existe une autre école qui peut accueillir l'enfant un an afin de lui laisser le temps d'être apte à réussir sa première année.

Les examens :

Les lycéens ont des périodes d'examens à la fin des semestres. Ils peuvent repasser les examens plusieurs fois et n'ont qu'un certain nombre de cours à valider. Lors de leur équivalent au baccalauréat, le

matriculation examination,

ils doivent choisir 4 matières : si le finnois et les mathématiques sont obligatoires ils peuvent néanmoins encore choisir une matière artistique et une autre matière telle une langue étrangère.

Un système efficace de communication avec les parents d’élèves

Helmi est un des logiciels qu’utilisent les écoles finlandaises pour faciliter la communication entre les professeurs et les parents d’élèves. Une des professeures de l’école A nous en a fait une démonstration. Chaque jour le professeur inscrit les devoirs à faire, des commentaires sur le travail de l’élève s’il est noté dans la journée «

good work », « haven’t done his homework », « miss a course ».

L’interface est très facile d’utilisation puisque l’enseignante peut choisir d’envoyer un message à un membre ou à un groupe du personnel enseignant, des élèves ou des parents. Elle a juste à cocher les commentaires de base. Helmi permet aux parents et aux enfants de voir leurs résultats mais non ceux de toute la classe.

4. En quoi diffère l’évaluation finlandaise par rapport à l’évaluation française ?

Une plus grande liberté pour les enseignants

Le système finlandais est décentralisé. Si le socle commun et les orientations nationales sont les mêmes pour toute la Finlande, le choix des moyens utilisés pour atteindre les objectifs est laissé aux acteurs de l’éducation. Les évaluations nationales ne sont pas obligatoires, et les enseignants n’ont pas pour obligation de faire de fiches de préparation. A cette confiance qu’on leur accorde légitimement, s’ajoute du matériel pédagogique de très bonne qualité et adapté aux programmes, sur lequel s’appuient les enseignants.

La compétition en classe n'existe pas :

L’émulation n’est pas utilisée. La directrice de l'école A nous a affirmé que la note n'est pas le plus important «

isn't the big deal

». Les professeurs essaient de faire comprendre aux élèves que le 67

plus important ce sont les compétences qu'ils acquièrent. Lorsqu'ils rendent les copies les enseignants ne les classent pas et ne donnent jamais les notes à l'oral, les enfants savent néanmoins le niveau des autres mais ils ne se comparent pas pour autant. Les enseignants entendent très rarement des remarques moqueuses concernant les résultats de la part des élèves.

Le système de recrutement des professeurs des écoles et l'accès à l'école internationale sont basés sur un concours d'entrée. Lorsqu'un étudiant ou un élève est admis dans l'école il ne peut pas en être renvoyé, il n'y a plus de compétition pour obtenir une place.

Les élèves sont moins stressés par l’évaluation

J’ai pu ressentir lors de mon stage que le but de l’éducation était d’amener les élèves aux connaissances. C’est pour cela qu’une note peut être rattrapée, un examen repassé. Puisque l’important est que l’élève ait acquis les compétences du stade supérieur. Les professeurs se soucient de la manière dont les élèves vivent l’évaluation. La directrice du

day-care

nous a renseignées sur le fait que les livres d’exercices pour les enfants suivant la

pre-school

étaient très faciles dans le but de conforter l’enfant sur ses capacités et de ne pas lui ôter l’envie d’apprendre. Si un enfant manifeste l’envie de lire avant 6 ans, le personnel du

day-care

va l’y aider, sinon aucune pression ne sera mise sur l’enfant lors de l’apprentissage de la lecture au

1st grade.

Tout est fait pour que les élèves aient confiance en leurs capacités et s’épanouissent

Il y a dans le socle commun finlandais des matières inexistantes en France tel que le textile, le travail du bois, des cours pour apprendre à cuisiner et faire le ménage. Un élève qui a des difficultés en finois et en mathématiques pourra se démarquer s’il a des facilités pour les travaux manuels, et se sentir efficace dans certaines matières.

De plus lors des premières années d’apprentissage les élèves ne sont pas notés, ce qui est aussi le cas lors de la première année d'apprentissage dans une matière optionnelle telle qu’une nouvelle langue vivante. Même si les élèves se trompent cela n’est pas pénalisant, le but premier étant de consolider les bases.

Le but de l’éducation est de permettre à l’élève de s’épanouir. Paul Robert 156 classe dans « les trois

piliers conceptuels de l’éducation finlandaise » : « une conception holistique de l’éducation » c'est-à-dire que tous les aspects de l’élève sont pris en compte, ses capacités intellectuelles mais également morales et affectives. Le deuxième pilier est « une forte revendication des valeurs 156ROBERT Paul. La Finlande : un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite. ESF éditeur, 2 ème édition. Collection « pédagogie », 2009.

68

morales et humanistes », le but de l’éducation étant de pouvoir s’insérer dans une vie professionnelle tout en étant épanoui sur le plan relationnel et dans sa personnalité. L’honnêteté, la loyauté et la confiance sont des valeurs que transmettent les enseignants.

5. Peut-on appliquer les méthodes finlandaises en France ?

Remarquons que l’histoire de la France et de la Finlande diverge. La société française est marquée par l’élitisme et le contrôle, la Finlande a choisi, en tout cas dans le domaine de l’éducation, de mettre en avant les valeurs humaines et de faire entièrement confiance aux professionnels de l’éducation. Supprimer la notation même dans la classe préparatoire n’est pas chose aisée pour un professeur français du fait des attentes de l'Etat et de la société. 69

Résumé

Suite à la définition théorique de l'estime de soi, notamment de l'enfant en âge scolaire, et de l'évaluation des élèves dans le système scolaire primaire français, ce mémoire cherche à définir quelles sont les pratiques enseignantes qui défavorisent l'estime de soi des élèves lors de l'évaluation. Cela amène à une réflexion sur les pratiques évaluatives à favoriser si l'on souhaite le maintien d'une bonne estime de soi des élèves et par là leur réussite scolaire mais aussi le développement harmonieux de leur personnalité.

Mots-clés : estime de soi - pratique de l'évaluation

70