"Automobile" - 2014

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Transcript "Automobile" - 2014

AUTOMOBILE
LEÇON D’ÉLÉGANCE
À PEBBLE BEACH
BRANDS HATCH
L’EFFET RADICAL
ROLEX/TOM O’NEAL
Ce hors-série ne peut être vendu séparément Le Temps Samedi 4 octobre 2014
FERRARI, OPTION LUXE
À BORD DE LA 599XX AU MUGELLO
2
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
ÉDITO
Libertédemouvement
L’action se passe à l’intérieur
ou autour d’une automobile
très ancienne, type 1900-1902.
Carrosserie énorme (double
phaéton arrangé sur le tard en
simili-torpédo, grâce à des
tôles rapportées). […] Pendant
une partie de l’acte, l’auto se
déplace. On part des abords
d’une petite gare pour s’élever
ensuite le long d’une route de
montagne. [...] «La route ne
cesse de s’élever jusqu’à
Saint-Maurice. A pied, avec
tous ces bagages, le trajet
serait terrible. En auto, c’est
un enchantement.»
Ce manifeste automobile,
c’est Madame Parpalaid,
dans le Knock de Jules Romains, qui le proclame, au
début de la célèbre pièce de
théâtre de 1923.
Parmi les besoins fondamentaux de l’être humain, figure
la liberté de mouvement. Ce
numéro s’interroge sur l’un
de ses pendants: la mobilité.
Il fait la part belle à la
course, car les circuits sont le
laboratoire de la mobilité.
Traque au poids superflu,
amélioration des performances du moteur – et donc
de la consommation dans les
déclinaisons de grande série
–, propulseurs alternatifs,
aérodynamique, pneus, etc.
C’est d’abord là, sur les paddocks, qu’on invente et
éprouve l’auto de demain.
TAG HEUER
4
4 Electrique
Et plus loin, plus vite: la
Formule E, la monoplace
électrique (page 4). Nous
avons suivi la première manche de ce nouveau championnat du monde voulu par
la Fédération internationale
de l’automobile (FIA), pour
en expliquer les enjeux.
A découvrir enfin, notre
grande interview (page 24),
qui interroge sur notre rapport citoyen à la mobilité, en
mettant en perspective les
impératifs écologiques et la
réalité économique.
Une joute pour électriser la foule et qui fait la part belle
aux électrons. Reportage à Pékin où s’est tenue la première
manche du nouveau championnat de Formule E.
Par Marc Wende
8
10
Les vieilles voitures: pourquoi cette obsession pour le
patrimoine? De Pebble
Beach (page 4) au Mans
Classic (page 20), les
concours d’élégance et
autres manifestations de
passionnés sont autant
d’événements qui célèbrent
la mémoire du vecteur premier de notre liberté. Le
patrimoine, aussi à Cuba
(page 26): sur l’île caraïbe,
malgré l’ouverture du marché, les Cubains continuent
de rafistoler leurs vieilles
américaines, par nécessité,
dans un musée à ciel ouvert.
Mais aussi la course du futur.
Par exemple celle que mènent les sorciers de Radical,
une marque anglaise qui
transforme des moteurs de
moto ou de voitures économes de grande série en véritables foudres de guerre
(page 28). Une inventivité
qui en dit long sur le potentiel d’amélioration futur des
moteurs thermiques traditionnels.
La course vers le futur
L’heure de la belle mécanique
Les fabricants de montres s’intéressent aujourd’hui
à l’automobile sous un angle plus glamour, en s’associant
notamment aux concours d’élégance. Passage en revue.
Par Vincent Daveau
PIERRE CHAMBONNET
Par Pierre Chambonnet
SOMMAIRE
L’auto sur son 31 à Pebble Beach
Une semaine durant, plongée dans le monde des voitures
de collection, à l’occasion du concours d’élégance
automobile le plus prestigieux du monde.
Par Isabelle Cerboneschi
14
18 Ferrari
Porsche en son royaume
La société est la plus rentable du groupe VW et peut-être
de toute l’industrie automobile. Excursion sur les terres
du constructeur et dans l’univers de la marque.
Par Valère Gogniat
18
Sans commune mesure
Sortie sur circuit à Mugello en 599XX, un prototype
de course, en compagnie de René Arnoux, une légende
de la F1, et visite des ateliers «bespoke» à Maranello.
Par Pierre Chambonnet
20
REUTERS
DAVID WAGNIÈRES
Il y a d’abord la course du
passé. Celle de l’époque des
héros comme Jackie Stewart
(page 10), ou comme on la
menait aux 24 Heures du
Mans en Ford GT40 dans les
années 60 (page 20). Ou
encore celle, mythique, que
René Arnoux livrait contre
son ami et concurrent Gilles
Villeneuve à Dijon-Prenois,
l’une des plus célèbres de
toute l’histoire de la F1
(page 18).
26 Cuba
La Ford GT40 fête ses 50 ans
Tribulations de la voiture de course mythique, de l’atelier
genevois qui perpétue la tradition des gran turismo
à l’américaine jusqu’au Mans Classic. Reportage.
Par Pierre-Alexandre Sallier
24
Réflexions sur la mobilité
Interview de David Cole, l’un des grands spécialistes
américains des questions automobiles qui fait autorité
aux Etats-Unis sur les tendances de l’industrie.
Par Pierre Chambonnet
26
RA
DIC
AL
28 Radical
Les Lada dansent toujours la salsa
A Cuba, la révolution automobile n’a pas eu lieu.
Les vieilles américaines ont toujours de belles heures
devant elles. Tour d’horizon du patrimoine sur l’île caraïbe.
Par Hector Lemieux
28
Radicalement vôtre
Radical SportsCars fabrique des voitures de course
ultimes, faciles à piloter et à entretenir. Visite des ateliers
à Peterborough et test grandeur nature à Brands Hatch.
Par Pierre Chambonnet
30
Rêves d’enfant
Plongée dans le monde de l’imaginaire de Patrick Dempsey.
L’acteur et gentleman driver qui pilote aux 24 Heures
du Mans nous raconte l’enfant qu’il a été. Interview.
Par Isabelle Cerboneschi
Editeur Le Temps SA
Place Cornavin 3
CH – 1201 Genève
Président du conseil
d’administration
Stéphane Garelli
Directrice générale
Valérie Boagno
Rédacteur en chef
Pierre Veya
Rédactrice en chef
déléguée aux hors-séries
Isabelle Cerboneschi
Des participants
au Tour d’élégance du
concours de Pebble Beach,
sur le pont de Bixby Creek,
qu’emprunte la California
State Route 1, entre
Monterey et Big Sur.
Rédacteur responsable
du hors-série Automobile
Pierre Chambonnet
Rédacteurs
Isabelle Cerboneschi
Vincent Daveau
Valère Gogniat
Hector Lemieux
Pierre-Alexandre Sallier
Marc Wende
Traduction
Dominique Rossborough
Tél. +41-22-888 58 58
Fax + 41-22-888 58 59
Photographies
Pierre Chambonnet
Jérôme Marchon
Eddy Mottaz
Responsable production
Nicolas Gressot
Réalisation, graphisme,
photolithos
Cyril Domon
Christine Immelé
Mathieu de Montmollin
Correction
Samira Payot
Conception maquette
Bontron & Co SA
Internet
www.letemps.ch
Michel Danthe
Courrier
Case postale 2570
CH – 1211 Genève 2
Publicité
Case postale 2564
CH – 1211 Genève 2
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Directrice: Marianna di Rocco
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IRL plus SA
La rédaction décline
toute responsabilité envers
les manuscrits et les photos non
commandés ou non sollicités.
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ISSN: 1423-3967
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
PHOTOS: TAG HEUER
4
Samedi 13 septembre 2014, le premier e-Grand Prix, la toute première course du premier championnat du monde de Formule E, nouvelle discipline souhaitée par la Fédération internationale de l’automobile.
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Legrandmanègeélectrique
De l’électricité dans les moteurs, dans l’air aussi,
c’est le souhait des promoteurs de la course
de Formule E. Une joute pour électriser la foule
et qui fait la part belle aux électrons. Reportage à Pékin
où s’est tenue la première manche de ce nouveau
championnat du monde. Par Marc Wende
D
ernier virage. Le
Français caracole en
tête depuis l’accélération initiale sur la
grille de départ. Dernier tour, dernier virage. L’Allemand, qui colle aux
basques du premier depuis de
longues minutes, brusquement
n’y tient plus. Nick Heidfeld déboîte sur la gauche, accélère
comme un possédé. Tente le dépassement le long de la glissière
de sécurité, quelques centimètres
de marge. Réflexe ou geste insensé? Nicolas Prost, fils de,
donne un bref coup de volant sur
la gauche. Accroche la monoplace
adverse. Roue avant droite à moitié arrachée, la Venturi de Heidfeld file en dérapage alors que
Prost freine en urgence.
Incontrôlable, la monoplace
blessée s’envole sur un obstacle
placé à l’entrée de la courbe. Au
premier tonneau, la tête du pilote
frôle un muret en béton. Un tour
plus tard, la machine s’écrase à
l’envers sur le ruban de bitume,
disloquée. Plus rien ne bouge.
Dans les tribunes et devant les
écrans, silence interminable après
la stupeur. La première compétition de Formule E de l’histoire
s’est-elle terminée par la mort en
direct d’un pilote?
Il faut bien quinze secondes à
Nick Heidfeld pour s’extraire du
cockpit de son bolide. Il n’est pas
blessé ou alors c’est bénin. Assez
en tout cas pour lui permettre de
se ruer sur son rival français qui
attend non loin. Juste avant de
l’empoigner pour lui expliquer sa
façon de penser, il se ravise. Les
deux hommes s’expliquent, l’un
cagoulé, l’autre encore casqué.
Ainsi s’achève samedi 13 septembre 2014 le premier e-Grand Prix,
la toute première course du premier championnat du monde de
Formule E, nouvelle discipline
souhaitée par la FIA (Fédération
internationale de l’automobile).
Le nom du vainqueur, un Brésilien, est anecdotique.
Du spectacle
Temporaire, certes. Mais tout de
même. Qui peut se targuer, sans
être Chinois, de disposer d’un bureau dans la Cité interdite, au
cœur millénaire de la capitale de
l’Empire du Milieu? Alejandro
Agag est Espagnol. Il a déposé ses
affaires sous un pavillon Ming aux
tuiles en terracotta, abrité par un
gingko biloba. Là, il jongle entre
plusieurs téléphones mobiles, et
donne audience sur un canapé
beige et mou.
Sourire charmeur sous les bouclettes brunes, c’est le genre d’individu à revendiquer son multilinguisme par un tonitruant
«comè stai my old friend, toujours
heureux?» au premier venu. Il est
le patron de la Formule E, un
homme multi-connecté. A 43 ans,
il a déjà deux vies derrière lui et
sans doute encore autant en attente. A 20 ans, il entre en politique. Parti populaire espagnol, au
côté de José Maria Aznar. Quand
celui-ci accède au Palais de la
Moncloa en 1996, Agag se colle
dans son sillage. Très vite, il devient l’éminence grise du premier
ministre de Madrid. L’attelage durera huit ans.
Le temps pour Aznar d’aligner
l’Espagne sur l’agenda néocon de
George Bush. Le temps pour Agag
de se faire élire député européen,
de devenir secrétaire général du
PPE (Parti populaire européen); le
temps aussi d’épouser Ana Aznar
Botella, la fille du chef du gouvernement. Somptueux, le mariage a
lieu en 2002 au Palais royal de
l’Escorial, plus habitué à Charles
Quint. On y remarque le couple
royal espagnol, Berlusconi et de
nombreuses grosses pointures
qui seront utiles à la seconde vie
d’Alejandro Agag. Quand il quitte
la politique en 2004, il peut bientôt compter sur des amis comme
Bernie Ecclestone, l’excentrique
milliardaire/Britannique/octogénaire qui domine la Formule 1 depuis des décennies.
Ou comme Flavio Briatore, le
milliardaire/transalpin/play-boy
vieillissant – aussi réputé pour les
écuries de F1 qu’il a fait prospérer
que pour les mannequins qui ont
transité par son lit. Agag se lance
dans la course. Monte une écurie
de GP2. Rachète les droits de la F1
en Espagne avant le phénomène
Alonso. Les revend pendant. Fortune faite, il rêve désormais d’imposer la Formule E, car «il y aura
du spectacle. Sans émotions fortes, le sport automobile n’est
rien.»
Quelques heures plus tard,
Nick Heidfeld lui donne satisfaction en frôlant une mort atroce.
Reste à transformer le spectacle
électrique en dollars. La course de
Pékin n’est pas le pire produit
d’appel. «Je mise sur la génération
numérique, celle des réseaux sociaux, celle de la voiture verte, dit
encore Agag. La Formule E doit
être à la fois une vitrine technologique et une plateforme marketing pour doper enfin les ventes
de voitures électriques dans le
monde, qui constituent une véritable catastrophe industrielle jusqu’ici.»
Des pilotes
Que disent les principaux concernés de la nouvelle discipline?
Peut-on jouir de la conduite d’un
véhicule de course qui n’émet
qu’un sifflement strident comparable à celui d’une libellule sous
stéroïdes? Peut-on apprécier une
mécanique qui se passe d’hydrocarbures et de leur virile fragrance? En clair, la Formule E
n’est-elle pas un succédané efféminé de la F1? Pour en avoir le
cœur net, il faut se diriger dans les
paddocks, où les pilotes assistent
aux derniers réglages des électroniciens (à ce stade technologique,
il convient d’éviter le terme «mécanicien») avouant eux-mêmes
qu’ils n’en sont encore qu’à l’étude
des origines. La gestion de l’énergie de la batterie électrique en
mode course, c’est l’art dans son
enfance.
Les pilotes ne savent qu’une
chose: sur les 25 tours prévus sur
cinquante minutes, ils devront
changer de monoplace à la demiheure. A 225 km/h en pointe, la
voiture n’offre pas davantage
d’autonomie. Cela n’émeut guère
Karun Chandhok, l’un des deux
seuls Indiens à avoir tâté d’un volant de F1. Il a été pilote d’essais
pendant deux saisons chez Red
Bull Racing et conduit maintenant un bolide électrique de la
formation indienne Mahindra Racing, du nom d’un industriel fortuné de Bombay.
«La Formule E ne m’inspire que
des éloges, dit le pilote trentenaire. Il s’agit d’une nouvelle technologie, nous sommes des pionniers, nous avons pour mission
d’établir les bases qui permettront l’amélioration des performances.» Pas très loin de lui, le
pilote chinois se nomme Ho-Pin
Tung, de l’équipe China Racing. Il
a été troisième pilote chez Renault
en F1 en 2009, et fait de l’endurance en Indycar. Voici en substance son commentaire: «Tout est
nouveau. Au volant, on n’entend
pas le moteur, mais le vent et le
roulement des gommes sur l’asphalte. Surtout, ce sont des voitures zéro émission, c’est un bon
exemple, c’est bon pour l’environnement. Voilà pourquoi le premier Grand Prix de Formule électrique se tient ici, à Pékin, c’est
tout un symbole. Vous avez vu
cette pollution? Le ciel est toujours jaune. Mais nos autorités
chinoises sont très soucieuses de
> Suite en page 6
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6
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
ce grave problème. Elles veulent
promouvoir les voitures électriques.»
Après Pékin, le grand manège
électrique se déplacera en novembre à Putrajaya, nouvelle capitale
administrative de la Malaisie, non
loin de Kuala Lumpur. Avant d’accoster les Amériques début 2015,
puis l’Europe. Des circuits en villes, toujours, sur des routes publiques, fermées pour l’occasion:
Buenos Aires, Miami, Monaco,
Londres, Berlin. De l’électricité
dans les moteurs, dans l’air aussi,
c’est le souhait des promoteurs.
On ne sait pas encore si la top-modèle israélienne Bar Refaeli,
comme en Chine, arpentera les
travées en petite robe blanche
presque transparente – probablement un article de son contrat –
pour satisfaire la concupiscence
d’un public en grande majorité
chargé de testostérone. Mais ça
aussi, la Formule E pourrait, à long
terme, le changer.
«Le Temps» s’est rendu à Pékin
à l’invitation de TAG Heuer.
PHOTOS: TAG HEUER
> Suite de la page 4
La Spark-Renault SRT_01E est capable d’atteindre le 0 à 100 km/h en moins de trois secondes. Poids total (avec pilote): 800 kg, dont 200 kg de batteries.
«Nouveauté,innovation
etavant-garde»
Bassetensionsurlemarché
delavoitureélectrique
Trois questions à Stéphane Linder,
CEO de TAG Heuer
Malgré les effets d’annonce et quelques succès locaux,
les ventes restent confidentielles en Europe
Le Temps: Votre marque est
l’un des partenaires fondateurs
du nouveau championnat de Formule E. Qu’espérez-vous en tirer?
Stéphane Linder: Nous sommes
proches du sport automobile
depuis toujours. Nous avons
sponsorisé la Scuderia Ferrari
(1970-1979) et
sommes sponsors de l’écurie
McLaren depuis 1985.
Nous sommes
aussi le chronométreur
officiel du championnat de Formule 1, ainsi que des 500 Miles
d’Indianapolis (depuis 2004). Il
était donc naturel que nous
souhaitions faire partie de ce
nouveau défi. C’est nouveau,
innovant, c’est à l’avant-garde:
exactement là où nous entendons
positionner notre marque. Nous
nous sommes engagés pour
quatre saisons avec la Formule E,
mais je ne donne aucun chiffre
sur le montant investi. Sachez
simplement que, comparé à la F1,
c’est quinze à vingt fois moins.
De quelle nature est-il, ce défi?
Avec ce projet, le sport auto
retrouve un peu de cet esprit
pionnier qui a fini par disparaître
de la F1... qui s’est tellement
professionnalisée. L’idée, c’est que
le pilote sera beaucoup plus
important que sa machine: c’est
sa performance qui fera la
différence et pas l’inverse. Il y a
aussi un pari technologique.
Dans les années à venir, il faudra
améliorer les batteries des
Formule E, accroître leur
autonomie. Un laboratoire
intéressant.
Au début, le championnat
sera confidentiel...
Oui, mais ce n’est pas le principal.
Car son format unique (des
courses au centre des villes et pas
sur des circuits dédiés) nous
intéresse au plus haut point.
Chaque épreuve sera un
événement, et je pense que le
public urbain, branché, connecté,
sensible à l’écologie, peut
apprécier cet aspect des choses.
Après tout, ces Formule E
préfigurent peut-être les voitures
propres de demain. Et puis nous
misons aussi sur le public jeune
qui pourra suivre les courses et
les pilotes via les réseaux sociaux.
Propos recueillis par M. W.
P
art de marché des voitures électriques (VE) en Suisse fin 2013: 0,06%,
soit 3500 unités sur 5,7 millions de
voitures en circulation. En 2009, le
No 1 helvétique de l’électricité Alpiq estimait pourtant que les autos carburant
aux volts seraient 720 000 sur les routes
en 2020, soit 15% du parc automobile. Il
existe deux manières d’interpréter ce
pourcentage lilliputien qui ridiculise
tous les futurologues.
La première est optimiste, relève de la
méthode Coué: le nombre de VE a doublé
sur les routes depuis 2012. Grâce notamment au succès de la Tesla Model S américaine, qui dispose depuis quelques jours
d’un second point de vente en Suisse à
Genève (après Zurich). La seconde est
réaliste: l’électrique ne prend pas. Très
loin des envolées lyriques de Carlos
Ghosn au début des années 2000, la voiture «verte» n’est pas le nouveau paradigme de la mobilité contemporaine. Au
mitan de la première décennie des années 2000, seul parmi ses pairs, le patron
du groupe Renault avait fait le pari de
l’électrification de l’auto. Cinq milliards
d’euros sur la table, et une prévision de
10% de VE sur les routes de France et
d’Europe en 2020. Pourtant aujourd’hui,
les Renault Zoé et autre véhicules «zéro
émission» de la marque au losange que
l’on peut croiser se comptent sur les
doigts de la main. Que s’est-il passé?
Spark-Renault SRT_01E. Relié aux roues arrière, le moteur électrique délivre 200 kW, soit 270 ch. En course, la puissance est limitée à 133 kW (180 ch), avec
un mode «push-to-pass» qui permet de bénéficier temporairement des 200 kW Ce système permet de combiner autonomie et opportunités de dépassements.
Trois raisons expliquent
la désertion des consommateurs.
1. Le prix
Compter 7000 à 10 000 francs de plus pour une
VE que pour le même modèle à combustion.
Pendant longtemps, les fabricants ont cru pouvoir
compter sur les Etats pour combler le trou, sous la
forme de généreuses primes à l’achat (jusqu’à
7500 francs). Mais depuis la crise de 2008 et la
débâcle des finances publiques, ces largesses ont
disparu, à de très rares exceptions (Scandinavie,
quelques Etats américains).
2. La batterie
L’autonomie s’améliore, pourtant on est encore
loin du compte. Tesla annonce 300 km pour sa
Model-S. C’est pourtant sans appuyer sur le
champignon, sans essuie-glace, sans les phares...
Autrement dit, sans les consommations d’énergie imprévues, qu’il est recommandé de prévoir.
Les VE les plus courants disponibles sur le marché (Renault Zoé, Nissan Leaf, Mitsubishi iMiev)
disposent d’une autonomie réaliste de 150 km.
Largement suffisant pour un pendulaire, pour
faire ses courses, pour la circulation en ville. Mais
encore trop peu pour faire sauter le verrou psychologique de la range anxiety (angoisse de
l’autonomie.)
3. Le pétrole
La décennie 2002-2012 a été marquée par la
guerre en Irak et l’irruption d’un brut cher, à plus
de 100 dollars le baril. Soudainement, la voiture
électrique devenait une alternative. Une aubaine
économique potentielle permettant de s’affranchir de la dépendance au pétrole du MoyenOrient et de sa cohorte de soucis géopolitiques,
tout en sauvant le climat par la diminution des
émissions de CO2. Mais l’argument ne tient plus.
La révolution des gaz et des huiles de schiste a
redessiné la carte mondiale des approvisionnements en cinq ans. Plus personne ne parle de
quitter le pétrole avant qu’il ne nous quitte, et les
Verts s’effondrent dans les élections. Du coup, la
VE pourrait bien ne jamais dépasser son statut de
gadget pour bobos.
Des motifs d’espérer, toutefois. Tout
d’abord, la guerre technologique pour améliorer les batteries, nerf de la guerre, bat son
plein. Tesla vient d’annoncer l’ouverture en
2017 dans le Nevada d’une usine à 5 milliards
de dollars. La société qui parviendra à maîtriser cette technologie en offrant des performances comparables à celles des voitures à
essence sera le Google de demain dans le secteur des transports. Il y a aussi les politiques
urbaines, voire étatiques. Oslo, par exemple,
permet aux voitures électriques de se garer
n’importe où gratuitement, d’emprunter les
passages réservés aux bus, etc. Résultat: le
marché norvégien de la VE est le plus dynamique d’Europe; une voiture sur cinq dans la
capitale norvégienne roule aux électrons. Et
puis il y a ceux qui n’ont pas le choix, comme
la Chine. Etouffant sous un smog mortel, les
métropoles (Pékin, Shanghai, Tianjin, Hangzhou) encouragent toutes la mobilité sans
hydrocarbures. Bientôt elles devront probablement même l’imposer. M. W.
F
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EL PRIMERO CHRONOMASTER 1969
T R I B U T E TO T H E R O L L I N G S TO N E S
BOUTIQUE GENÈVE
3 5 , R U E D U R H Ô N E • + 41 ( 0 ) 2 2 3 11 1 8 6 5
B O U T I Q U E . G E N E V E @ Z E N I T H - WAT C H E S . C O M
S
T
A
R
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
MONTRES
L’heure
delabellemécanique
Au-delà
du chronométrage,
lié à la performance
pure, les fabricants
de montres
s’intéressent
aujourd’hui
à l’automobile
sous un angle
plus glamour,
en s’associant
notamment aux
concours d’élégance.
Passage en revue.
PIERRE-YVES RIOM
Par Vincent Daveau
L
A. Lange & Söhne, Lange 1
Fuseaux Horaires
«Como-Edition».
Rolex, Cosmograph Daytona
en platine.
PHOTOS: DR
8
Chopard, Mille Miglia 2014.
es plus grandes marques
horlogères se sont historiquement associées aux
grands événements automobiles, soit comme partenaire, soit comme chronométreur officiel. Un intérêt
logiquement lié à la performance
pure, mesurée en temps. Mais
leur intérêt pour le monde automobile ne s’arrête pas à cet aspect
technique. On voit se multiplier
les différentes associations entre
les horlogers et les collectionneurs de voitures. La motivation des fabricants de montres à
l’égard de cet univers semble
glisser d’une expression toute virile à une autre plus aristocratique en focalisant moins sur le
chronomètre et plus sur l’élégance.
Le dépassement de soi. Cette
exigence propre aux sports mécaniques est plus que jamais d’actualité. C’est ce qui motive entre
autres Rolex dans son intérêt pour
la discipline en général. La manufacture à la couronne entretient
des liens privilégiés avec le monde
de l’auto depuis les années 1930
en raison de valeurs communes:
vitesse, endurance et tradition.
De la même manière, la maison
Chopard, partenaire des Mille Miglia depuis 1989 et chronométreur officiel du Grand Prix de Monaco Historique depuis 2002, a
toujours mis en avant l’amour de
la belle mécanique et le goût de la
précision pour justifier sa présence dans l’univers des voitures
de collection.
A juste titre, car les clients de la
marque sont souvent eux-mêmes
des collectionneurs de véhicules
d’exception. Richard Mille l’est, lui
aussi. Le principal sponsor du
Mans Classic depuis la première
édition en 2002 est également le
partenaire cette année du premier
concours d’élégance de Chantilly.
Mais on observe qu’à force d’être
utilisées par des marques connues
pour surfer sur toutes les tendances, les valeurs du monde automobile se trouvent diluées dans
un discours purement marketing.
Aussi, pour continuer d’entretenir le rêve et l’envie tout en redonnant du lustre et une vraie dynamique à un secteur qui dispose
d’un important vivier de clients
potentiels, les marques horlogères réfléchissent à une autre façon
de communiquer
L’une des méthodes consiste à
mettre l’accent, non plus sur la
pure mécanique, mais sur l’attachement des horlogers à des principes mécaniques que seuls les
constructeurs de voitures de luxe
ont su conserver: l’élégance et la
belle facture.
La manière de partager ces
deux valeurs prend essentiellement deux formes. La première,
sans doute la plus ancienne prônée par les horlogers, est d’intégrer aux montres associées à l’univers automobile certains des
codes susceptibles de garantir visuellement cette filiation. L’idée
n’est pas nouvelle, et bien des marques de prestige ont proposé des
modèles qui, comme aujourd’hui
la Roadster de Cartier, les créa-
tions de Richard Mille ou certains
modèles de Breitling for Bentley,
s’inspirent d’éléments de carrosserie, de moteur ou d’habitacle de
voitures de luxe.
L’autre manière consiste à souligner cet attachement au beau en
prenant part à des événements où
l’élégance est reconnue comme la
raison d’être de la manifestation.
Ainsi, dans l’univers des passionnés de voitures de collection, Rolex s’est associée depuis 1997 au
concours d’élégance de Pebble
Beach (lire page 10), un rendezvous aujourd’hui incontournable
qui représente le niveau ultime de
la conservation et de la restauration conforme des véhicules historiques les plus élégants.
D’autres moments forts marquent le calendrier des rencontres
des passionnés de belles mécaniques: par exemple le concours
d’élégance de la Villa d’Este,
auquel est associée la marque allemande A. Lange & Söhne. Mais
peu d’horlogers s’étaient penchés
sur l’impact que peuvent avoir sur
les collectionneurs de montres ces
grands-messes. La maison Cartier,
avec le «Cartier Travel with Style»,
a créé son premier concours à
Delhi, en Inde, en 2008 pour
contribuer à la préservation du fabuleux héritage automobile de ce
pays.
Cette participation à la conservation d’un patrimoine permet à
la marque de s’inscrire, comme
Rolex le fait à Pebble Beach, dans
une démarche de préservation, de
responsabilité par rapport à un
trésor culturel qui doit être protégé. Et ce soutien permet également de se positionner en matière
d’élégance auprès d’un public
sensibilisé au beau, parfois déjà
collectionneur et souvent fortuné.
En s’associant au concours
d’élégance organisé en septembre
dernier, pour la première fois
cette année, par Peter Auto au
château de Chantilly, en France,
Richard Mille montre ce souci de
contribuer à la sauvegarde de véhicules anciens, tout en enrichissant d’une facette supplémentaire
son image dans l’univers automobile, là où il est susceptible de
trouver aussi des clients. Collectionneur lui-même, sponsor et
participant avec ses deux voitures
présentées lors de ce premier rendez-vous, il sait que, selon ses termes, «séduire est le meilleur moment d’une conquête… avec
l’élégance en plus».
> L’élégance auto au cœur des montres
De plus en plus d’horlogers ajoutent un zeste d’élégance puisé dans le
monde automobile à leurs montres, pour attirer les passionnés en quête
d’un bijou masculin indémodable, capable d’afficher en finesse leur
passion pour les voitures de prestige. La tendance est là et tous s’y
mettent.
François-Paul Journe par exemple, pourtant assez peu enclin à mélanger les genres, a sacrifié à cette sorte de tradition et propose, depuis peu,
son Centigraphe «F» Formula Jean Todt en platine paré d’un élégant
cadran rouge Ferrari. L’objectif d’une pareille finition? Séduire les amateurs de ce genre de voitures. D’autres sont parfois moins allusifs et filent
la métaphore automobile jusqu’à placer des détails mécaniques spécifiques aux voitures au cœur des montres, comme le font les maisons
Jaeger-LeCoultre, Breitling for Bentley, Ralph Lauren, Cartier, Richard
Mille, Bernard Richards, Parmigiani Fleurier, Rebellion et bien d’autres.
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Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
MONTEREY CLASSIC CAR WEEK
L’invitationauvoyage
Une semaine durant,
plongée dans le
monde des voitures
de collection,
à l’occasion du
Concours d’élégance
automobile
de Pebble Beach,
le plus prestigieux
du monde.
Par Isabelle Cerboneschi
ROLEX/TOM O’NEAL
L
es mots «Concours d’élégance» ont ceci de merveilleux qu’ils évoquent un
univers détaché du réel,
sur lequel on peut projeter
tous ses fantasmes d’un
passé où tout serait beau, les gens,
les pensées, les objets, les voitures,
et même l’intérieur des moteurs.
C’est à un merveilleux voyage
dans le temps que nous a convié
Rolex, sponsor de l’événement. Les
voitures choisies pour participer à
la Monterey Classic transportent
dans leur moteur beaucoup plus
qu’une mécanique. Qu’elles soient
conservées dans leur état d’origine,
ou bien restaurées, elles sont les
témoins d’une époque, de plusieurs époques. L’enchantement
naît lorsque l’on se trouve à ce
point de convergence entre passé
et présent, qui se produit justement à Monterey et ce depuis 1950.
La Monterey Classic Car Week,
pour les aficionados, c’est le lieu où
il faut être à la mi-août de chaque
année. Et si possible participer.
Une semaine divisée en autant
d’événements qu’il y a de jours. Le
Pebble Beach Tour d’élégance, présenté par Rolex, qui conduit les
participants de Pebble Beach à Big
Sur et retour à Carmel-By-The-Sea,
leur permet de montrer les qualités de leur bolide en marche. Certains engins centenaires n’ont hélas pas dépassé la première colline.
Le Quail, où les spectateurs ont
tout le loisir d’admirer ces précieuses mécaniques et mettre les yeux
dans les moteurs. Et quand on a la
chance d’avoir Jackie Stewart
comme guide éclairé, la visite devient privilège (lire l’interview cicontre).
La Rolex Monterey Motorsport
Reunion a lieu sur le fameux circuit
Mazda Raceway Laguna Seca, avec
un hot lap (tour de piste) en prime,
histoire de ressentir dans ses tripes
ce que prendre le fameux virage
Corkscrew à 160 km/h veut dire. Et
pour conclure, le Pebble Beach
Concours d’Elegance sur le golf de
Pebble Beach, point d’orgue de la
semaine, où le gagnant est jugé
non seulement sur la légitimité
historique de son automobile,
mais aussi sur ses mérites techniques et son style. Cette année, c’est
Ferrari qui a joué la prima donna
assoluta à Pebble Beach: tandis
qu’une Ferrari 275 MM ayant appartenu à Ingrid Bergman remportait le «Best of Show» du concours,
une 250 GTO Berlinetta de 1962 a
été vendue par Bonhams pour
38115000 dollars, surpassant tous
les records.
JackieStewart,larouedelafortune
Sir Jackie est l’un des pilotes les plus respectés
de la profession. Ce triple champion du monde
de Formule 1 a beaucoup œuvré pour améliorer
la sécurité sur les circuits. Retour sur un destin à part
J
PHOTOS: ISABELLE CERBONESCHI
10
ackie Stewart, Sir Jackie depuis qu’il a été anobli par le
Prince Charles en novembre
2001, est le coureur automobile le plus respecté de la profession. Non seulement parce que
l’Ecossais volant fut un immense
pilote – en neuf saisons, ce triple
champion du monde de Formule 1 a disputé 99 grands prix et
en a remporté 27 –, mais surtout
parce qu’il s’est engagé pour imposer des normes de sécurité sur
les circuits.
Il a vu mourir tant d’amis et a
failli y rester en 1966, sur le circuit
de Spa, pendant le Grand Prix de
Belgique. Quelques inconscients
lui ont reproché de vouloir tuer
l’esprit de ce sport, ce truc de tête
brûlée, de mecs qui en ont. Il n’empêche que des morts, sur les circuits de F1 de nos jours, on n’en
voit plus.
Cela fait quarante-six ans que
Sir Jackie est le fidèle ambassadeur
de Rolex. Une sorte d’union sacrée.
Il est présent sur tous les circuits et
les concours d’élégance sponsorisés par la marque à la couronne. A
Pebble Beach, pendant trois jours
il a commenté les voitures de collection, citant 1000 anecdotes. Et
surtout, il a pris le temps de faire
machine arrière, et de raconter.
Le Temps: Il fallait être doté d’une
certaine abnégation pour décider
de quitter les circuits à votre 99e
course en 1973?
Jackie Stewart: J’avais déjà pris la
décision de prendre ma retraite à
la fin de la saison en avril. Mon
coéquipier et ami François Cevert
et moi avions fini premier et
deuxième dans trois Grand Prix
cette saison-là, ce qui était exceptionnel à cette époque. Ma dernière course à Watkins Glen
aurait été mon 100e Grand Prix.
Mais François est mort lors des
essais qualificatifs. Il y avait tellement de débris éparpillés sur le
tarmac que nous avons été forcés
de nous arrêter. Nous nous sommes tous précipités à son secours.
Il était dans un état abominable.
On a beaucoup dit que j’avais
arrêté suite à sa mort. C’est faux.
Vainqueur ou perdant, de toute
manière je me retirais. J’en avais
déjà parlé à Ken Tyrell (fondateur
et directeur de Matra International, ndlr), car il fallait qu’il puisse
préparer ma succession. Et c’était
François qui devait prendre ma
place en tant que pilote numéro 1. Par respect pour François,
je n’ai pas voulu faire cette course.
Ken a été d’accord et a décidé que
toute l’équipe se retirait. Je n’ai
ROLEX/TOM O’NEAL
pas immédiatement annoncé ma
retraite. J’ai attendu les funérailles pour faire cette annonce.
J’étais exténué. En deux ans,
j’avais traversé 86 fois l’Atlantique. J’avais eu la mononucléose
en 1971. C’était le moment que
j’arrête. Je ne l’ai jamais regretté.
Dans les années 60, la sécurité sur
les circuits était quasi inexistante.
Votre combat pour l’améliorer
a été paradoxalement mal
perçu par les gens du métier
et la presse spécialisée.
Comment l’expliquez-vous?
Une partie de la presse spécialisée
était contre mes idées. On nous a
critiqués, on nous a dit que nous
étions peureux. Pourquoi changer un sport qui remporte un tel
succès depuis tant d’années? Mais
Automobile
11
PHOTOS: ISABELLE CERBONESCHI
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
PHOTOS: ROLEX/TOM O’NEAL
Tour d’élégance
sur la route Carmel,
avec de gauche à droite
(les deux principales
voitures):
- Alfa Romeo 6C 1750
Super Sport Brianza
Roadster (1930)
- Cadillac 452C
Fleetwood Convertible
Victoria (1933).
alors que les voitures devenaient
de plus en plus rapides, que les
moteurs étaient de plus en plus
puissants, les circuits, eux, ne
changeaient pas. Pas assez de
surveillance, d’équipes médicales,
de pompiers. Lorenzo Bandini est
mort en 1967 à Monte Carlo, car
personne n’est arrivé à le détacher
de sa voiture quand celle-ci a pris
feu, et parce qu’il n’y avait pas
assez d’extincteurs. De nos jours,
cet incident n’arriverait plus. Les
services médicaux aujourd’hui
sont fantastiques: Mika Häkkinen
est mort deux fois lors du Grand
Prix d’Australie, il a été réanimé
deux fois et il est toujours parmi
nous. La sécurité a tellement
évolué depuis les années 60: les
aires de départ et leurs structures,
l’architecture des voitures, les
cellules de survie, les ceintures de
sécurité, les casques, tout l’équipement a changé. Nous avons
même des réservoirs d’essence en
caoutchouc qui ne prennent pas
feu immédiatement. En ce jour de
notre interview, le 15 août 2014,
cela fera 20 ans, 3 mois et 11 jours
qu’aucun coureur automobile
n’est mort, grâce aux améliorations apportées aux circuits et
aux structures.
Pour affronter la mort à chaque
course, est-ce que la passion
était plus forte que l’instinct
de conservation?
Non, je n’ai jamais vu ça comme
ça. Je ne me suis jamais considéré
comme courageux, aveugle, ou
déconnecté de la réalité, car j’ai
toujours respecté mes limites. J’ai
sûrement assisté à beaucoup plus
de funérailles que toutes mes
connaissances. Mais parallèlement, j’ai appris à gérer mon
mental: une fois que la visière est
abaissée, je conduis, c’est tout.
Quand mon meilleur ami Jochen
Lindt est décédé à Monda en
1970, j’étais à ses côtés. Or vingt
minutes plus tard, j’étais dans ma
voiture. J’ai pleuré avant d’y monter et en en sortant mais ce
jour-là, j’ai fait mes tours de piste
les plus rapides à Monza. Mon
mental était entièrement engagé
dans cette course.
J’ai lu que vous aviez commencé
votre carrière avec le pseudonyme
A.N. Other, pour ne pas effrayer
votre mère…
Oui, c’est vrai. Mon grand frère
Jimmy était pilote automobile.
Ma mère était terriblement angoissée de savoir son fils aîné sur
les circuits. Il a eu deux accidents
graves et s’est retiré des courses.
Ma mère a décrété qu’il n’y aurait
pas d’autre pilote dans la famille.
Il était impensable que je lui dise
que je voulais en faire mon métier. Je partais le matin tôt pour
faire de petites courses sans
importance qui n’intéressaient
pas la presse. Mais quand on a
commencé à parler de moi, elle
ne l’a jamais admis. Elle ne m’a
jamais reconnu en tant que pilote. Quand je lui ai dit que je me
retirais du monde des courses
automobiles, elle a simplement
répondu: «Oh, tu es mieux en
dehors de ce monde.» Jamais de
compliment pour un Grand Prix
gagné, rien. Quand les médias me
désignaient comme le sportif de
l’année, elle ne le relevait jamais.
Parce que son fils ne pouvait tout
simplement pas être un pilote.
Quelles sont les qualités
d’un bon pilote?
Tout d’abord il faut avoir reçu de
Dieu une bonne coordination,
d’excellentes réactions et une
vision périphérique élargie.
Ensuite, et c’est primordial, il faut
apprendre à gérer son mental. J’ai
appris à «dégonfler» mes émotions jusqu’à ne plus en avoir.
Quand le drapeau tombe, je suis
nettoyé, je ne ressens plus rien.
J’ai presque gagné toutes mes
>> Retrouvez la version intégrale
de l’interview sur www.letemps.ch/automobile
ROLEX/TOM O’NEAL
courses lors des premiers cinq
tours de piste, quand les autres
pilotes sont encore empreints de
doutes, un peu nerveux. Entre
votre voiture et vous se noue une
relation quasi animale. La voiture
peut être un peu nerveuse et vous
induire à faire de mauvais choix.
Mais si vous savez ressentir ce
qu’il faut faire, si vous parvenez à
être en symbiose avec elle, elle
répondra à votre volonté. Vous
devez être doux tout en montant
en puissance et en cela votre
mental vous aide. J’ai également
eu la chance d’avoir des mécaniciens hors pair qui connaissaient
mieux leur métier que moi le
mien. Pour finir premier, il faut
d’abord finir. Or pour ce faire, il
faut qu’il n’y ait aucun problème
mécanique, ni de roues perdues.
On reconnaît les meilleurs en ce
qu’ils choisissent toujours les
meilleurs collaborateurs. Je pense
avoir su motiver mes équipes de
manière à ce que j’en bénéficie.
En regardant les voitures de course
qui sont truffées d’électronique,
on se dit qu’il faut être ingénieur
pour être pilote.
Même s’ils reçoivent des quantités d’informations, je pense que
les très bons pilotes courent
toujours à l’instinct. Quelles que
soient les statistiques, la technologie, l’élément humain doit
toujours primer.
La Lotus Type 56/3 (1968), de Graham Hill à Indianapolis.
Pourquoi avez-vous choisi
de vivre en Suisse?
J’ai déménagé en Suisse, car à
l’époque le fisc anglais me
prenait 93% de mes gains. Et j’ai
pris conscience du fait que si je
courais encore cinq ans, j’avais
deux chances sur trois de mourir.
Mon comptable m’a dit que si je
voulais mettre les miens à l’abri
du besoin, je devais quitter
l’Angleterre. Je ne voulais pas me
retrouver dans une petite
principauté, ni sur une île aux
Bermudes ou dans les îles anglonormandes, je voulais vivre dans
un pays où il y avait de bonnes
écoles, où nous pouvions avoir
une maison avec un jardin, une
piscine si je réussissais à gagner
assez d’argent, et même un tennis
si je pouvais me le permettre.
Notre maison était fabuleuse, la
vie en Suisse est fantastique. J’y
aime la qualité de vie. J’ai
d’ailleurs toujours une maison en
Suisse. Et puis il y a ma longue
relation avec Rolex: vous savez
notre collaboration dure depuis
quarante-six ans! C’est très long
pour une entreprise, un
partenariat pareil. Rolex est une
entreprise unique en son genre,
typiquement suisse. Je pense qu’il
y a des similitudes entre la Suisse
et l’Ecosse, les gens se
ressemblent: ils sont prudents,
réservés, et ils savent qu’ils
doivent toujours faire attention.
Propos recueillis par I. C.
Retranscription et traduction:
Dominique Rossborough
> Suite en page 12
12
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
> Suite de la page 11
DePebbleBeachàBigSurenHispano-Suiza
Le Tour d’élégance à bord d’un Torpédo Touring à double pare-brise de 1923
PHOTOS: ISABELLE CERBONESCHI
ISABELLE CERBONESCHI
J
e la remarque de loin portant
beau sa robe couleur «French
Grey» sur laquelle est épinglée une cigogne en argent.
J’ai toujours rêvé de rouler en Hispano-Suiza. L’Hispano-Suiza, c’est
le symbole d’une époque qui s’effondre dans le Gin, le charleston,
«la nuit de l’âme», décadence magnifique à la Scott Fitzgerald.
J’ai toujours rêvé de rouler dans
une Hispano-Suiza, dis-je, simplement je ne m’attendais pas à cela, à
ce bruit de moteur comme une
machine à coudre qui fait «ratatatatatatatat». Ni au fait que les sièges les plus confortables ne sont
pas à l’avant, mais à l’arrière. Devant, c’est la place du chauffeurmécanicien et le confort n’est pas
son royaume. Le temps est à la
pluie. Pas d’essuie-glace. Si l’on
veut voir la route, il faut relever la
partie supérieure du pare-brise.
On y gagne en visibilité ce que l’on
y perd en confort: quatre heures
de brumisation du visage servie
bien fraîche. L’avantage, en revanche, c’est qu’on est aux premières
loges pour plonger dans le paysage à la beauté rugueuse qui sert
de décor à l’édition 2014 du Tour
d’élégance de Pebble Beach présenté par Rolex.
La Highway One qui mène de
Monterey à Big Sur est ourlée de
falaises. D’un côté, une flore qui
évoque celle d’Ecosse et au-delà,
l’océan Pacifique dans sa toute
puissance. En roulant sur le Bixby
Creek Bridge et ses arches majestueuses érigées en 1932, j’ai l’impression de voyager à rebours entre ciel et terre et qu’au fil du
voyage nous croiserons Clark Gable et Carol Lombard à bord d’une
Duesenberg JN de 1935. Qui sait?
En revanche, je suis certaine que
notre Hispano-Suiza a été dépassée par une Ferrari 375 MM, une
berlinette fabriquée par le carrossier de Modène Sergio Scaglietti en
1955, cadeau de Roberto Fellini à
sa femme Ingrid Bergman. Actuellement en main du collectionneur
américain Jon Shirley, ce joli bolide devait remporter trois jours
plus tard le Best of Show, le grand
prix du concours d’élégance de
Pebble Beach. Depuis 1950, cette
reconnaissance suprême sacre
une auto parmi les 200 plus belles
voitures de collection présentes
sur le terrain de golf de Pebble
Beach.
Je fais un rapide calcul: l’Hispano-Suiza de 1923 – un Torpédo
Touring à double pare-brise – dans
laquelle je vais voyager quatre
heures durant pour relier Big Sur
depuis Pebbel Beach et retour vers
Carmel-by-the-Sea a 91 ans. Son
propriétaire et chauffeur, Wilhelm (Bill) Kuettel, né en 1930, en
a juste 7 de moins. Ils sont de la
même génération. Le collectionneur, propriétaire de six autres
voitures anciennes, est Américain
mais il est né en Suisse, y a vécu
jusqu’à l’âge de 6 ans, et en est fier.
Tout ce qui vient de Suisse à ses
yeux est merveilleux: les HispanoSuiza, les montres Rolex, les pistes
de ski de Davos, de Saint-Moritz,
de Flims... C’est peut-être le dernier
Américain qui nous aime encore.
«J’ai choisi cette voiture parce que
je suis Suisse, dit-il. Je voulais une
voiture fabriquée par un ingénieur suisse.»
Très peu d’Hispano-Suiza ont
été construites. Une première entreprise Castro Fábrica HispanoSuiza de Automóviles a vu le jour à
Barcelone en 1902. Le concepteur
était un brillant ingénieur suisse:
Marc Birkigt. Après quelques revers de fortune, la firme fut rachetée deux ans plus tard par deux
banquiers – Damian Mateu et
Francisco Seix – pour devenir la
société Hispano-Suiza. Marc Birkigt, engagé comme chef ingénieur, en est devenu actionnaire
(lire sur www.letemps.ch). La
firme, qui fabriquait également
des moteurs d’avion, a cessé la production de voitures en 1936.
Il fallait que Bill Kuettel ait la
passion de la suissitude chevillée
au corps pour attendre près de
vingt ans avant de pouvoir enfin
mettre la main sur sa merveille
mécanique dénichée en Ecosse.
«Hispano-Suiza est née de
l’alliance entre des financiers espagnols et un ingénieur suisse. Ma
femme est Espagnole, je suis
Suisse, nous nous sommes dit:
pourquoi n’aurions-nous pas une
Hispano-Suiza? J’ai commencé à
en chercher une qui me plaise (et
qui soit dans mes moyens) en
1980. Je l’ai trouvée en 2000. L’Hispano-Suiza Society, que j’avais
contactée, m’a aidé dans ma recherche. Le premier propriétaire
de cette voiture était un Australien
qui possédait une chaîne de
grands magasins. Il était passablement riche car c’était une des automobiles les plus chères de l’époque. Aujourd’hui, ce serait comme
acheter un bolide valant 500000
dollars. Quand je l’ai trouvée, elle
était en mauvais état: j’ai dû reconstruire le moteur, le système de
transmission et les freins», confie
le collectionneur.
Je regarde Bill Kuettel conduire
et à part les pédales, tout me semble étranger. Le volant est garni de
manettes dont l’usage me paraît
obscur. «C’est comme de conduire
un camion», dit-il. Mais avec des
subtilités en plus. «Rien n’est automatique. Depuis le volant, je dois
ajuster le carburateur et le point
d’allumage en fonction de la température, de l’altitude, de la vitesse,
afin d’obtenir les meilleures performances», confie le pilote. Au fil
de la route, il raconte l’histoire de
l’Hispano-Suiza, il explique la supériorité de ces autos. «Les Hispano-Suiza étaient les premières voitures à posséder un servofrein
dans les années 20 (un système révolutionnaire de frein assisté mécanique breveté le 13décembre
1918, ndlr), inventé par Marc Birkigt, qui sera racheté quelques années plus tard par Rolls-Royce.»
Ce n’est que lorsque l’HispanoSuiza commence à prendre de la
vitesse, à frôler les 140 km/h que
j’ai une pensée bienveillante envers ce fameux Marc Birkigt, son
ingéniosité, son sens de la précision typiquement helvétique, et
surtout son système révolutionnaire de servofrein. I. C.
Troisquestionsà:GillCampbell
DR
Issue des relations publiques, spécialisée
dans le sport automobile et la bière,
Gill Campbell a été nommée CEO et directrice
générale du circuit Mazda Raceway Laguna
Seca en 2002. Une des rares femmes
à ce niveau, dans le monde automobile
Le Temps: Est-ce difficile
de se faire une place
dans ce monde d’hommes?
Gill Campbell : Quand je suis
entrée dans le business, il y a 25
ans, les femmes avaient essentiellement des
postes de chargée de relations
publiques ou de
secrétaire. Parce
que mon prénom commence
par un «G», les
gens croyaient que j’étais un
homme. Heureusement, de plus
en plus de femmes sont entrées
dans le monde du sport automobile à des niveaux plus élevés.
D’ailleurs, la majorité des membres de mon équipe sont des
femmes, toutes des passionnées.
Quand je fais des présentations
dans les écoles, ce sont les filles
les plus intéressées. Si je pouvais
être un «role model» pour quelqu’un! Ce serait d’ailleurs la seule
fois où je pourrais l’être (rires).
Quel est l’apport de Rolex en tant
que sponsor d’un événement
comme celui de la Monterey
Classical Car Week?
Rolex apporte à cet événement
une aura de prestige, une crédibilité. Une manière de voir les
choses différente, propre à cette
entreprise. Nous aurions dû
travailler beaucoup plus dur et
sur une durée beaucoup plus
longue, pour obtenir une telle
visibilité, si Rolex n’en était pas le
sponsor. C’est un cercle vertueux.
Nos valeurs sont proches:
l’authenticité, la qualité des voitures présentées est vitale à nos
yeux et nous mettons la barre très
haut. Cet événement est unique.
Le seul qui lui soit comparable est
Goodwood en Grande-Bretagne.
Gill Campbell:
«Rolex apporte à
l’événement une
aura de prestige,
une crédibilité.
Une manière de
voir les choses
différente.»
ROLEX/STEPHAN COOPER
Est-ce que vous pilotez?
Grand Dieu non! Je suis la pire
conductrice du monde! J’ai
couru deux fois sur le circuit à
environ 25 mph (environ 40
km/h, ndlr) et cela m’a effrayée.
J’ai aussi été passagère dans une
voiture de course. La première
fois, j’avais très envie de le faire.
La seconde, pas trop. Notamment
à cause du Corkscrew (un fameux
virage en forme de tire-bouchon,
ndlr). Vous arrivez à 160 mph
(environ 260 km/h), vous avez
1,2 seconde pour tourner à
gauche et prendre un virage sans
visibilité, et ensuite, c’est comme
si vous tombiez de six étages.
Vous avez envie de mourir!
D’ailleurs j’ai une anecdote au
sujet de ce fameux virage. Quand
le circuit a été construit en 1957,
il n’y avait pas de plan
préexistant. Il l’a été en fonction
de la topographie. En haut de la
colline, le directeur des travaux a
dit aux conducteurs de
bulldozer: «Descendez cette
colline comme vous pouvez, les
paveurs vous suivront, je vais
déjeuner, on se verra plus tard.»
D’où le Corkscrew! Il a été
construit par erreur. Et c’est le
virage le plus iconique de tous
les circuits du monde!
Propos recueillis par I. C.
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14
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
PORSCHE AG
Un des tunnels
qui relient
les différents
bâtiments,
tous estampillés
du blason
de Stuttgart et
des armoiries du
Württemberg.
NOBLESSE ALLEMANDE
Porscheensonroyaume
Malgré l’importance de son fief,
Porsche est à l’étroit à Stuttgart.
La société est la plus rentable
du groupe VW et peut-être
de toute l’industrie automobile.
Excursion sur les terres du
constructeur et dans l’univers
de la marque. Par Valère Gogniat
PHOTOS: DENIZ SAYLAN
R
oute ensoleillée, presque déserte. Au volant
d’une GT3 prêtée par la
marque, le trajet BâleStuttgart s’avale en une
poignée d’heures. Presque trop rapidement, d’ailleurs,
pour voir un flash crépiter dans le
contournement de Karlsruhe,
alors que des travaux imposent un
retour à 100 km/h.
L’arrivée, quelques minutes
plus tard, dans la banlieue nord de
Stuttgart sera plus compliquée.
Mais malgré la jungle urbaine de
Zuffenhausen, le trajet pour rejoindre Porscheplatz 1 se fait sans
difficulté. Comme si la voiture savait d’instinct comment rentrer au
bercail.
Depuis son installation à Stuttgart en 1950 – après un bref passage par Gmund, en Autriche –, la
marque fondée en 1948 n’a cessé
de grandir. Malgré l’imposante
place qui lui est dédiée, Porsche est
à l’étroit à Stuttgart. «Nous achetons du terrain dès que cela est
possible», explique Lukas Kunze,
notre guide pour la journée. Presque au point d’effleurer les limites
du royaume rival, celui de
Daimler, basé à quelque 10km à
l’est – sur la Mercedesstrasse.
Conséquences de cette exiguïté,
Porsche prend de la hauteur. Et les
tentacules du constructeur s’étendent dans tout le quartier. Impossible de manquer les tunnels qui
relient les différents bâtiments
tous estampillés du blason de Stuttgart et des armoiries du Württemberg. Objectif: faire passer les
911 d’un bâtiment à l’autre en un
laps de temps record pour optimiser la production du site. Les 3500
employés qui travaillent dans la
production – pour 7500 au total
en incluant les divisions administratives – assemblent 1000 voitures par semaine. Et lorsque, au vo-
En plusieurs dizaines d’étapes de 3,7 minutes chacune, les automobiles sont promenées sur quatre étages.
lant de notre «supercar», on
négocie les virages serrés dans le
parking sous-terrain de l’empire, il
est frappant de constater qu’une
grande partie de la production
semble préférer camper dans les
entrailles de la maison mère.
Porsche porte aujourd’hui la
casquette de 12e marque de Volkswagen. Dans son rapport 2013, le
géant de Wolfsburg laissait entendre que Porsche était la marque la
plus rentable du groupe. Avec ses
18% de marge opérationnelle, il
s’agirait même de la meilleure performance de toute l’industrie
automobile.
L’une des clés de cette réussite
s’explique peut-être par le formidable coup de fouet qu’est venu
donner un certain Wendelin Wie-
deking en octobre 1992, lorsque
ce dernier a pris les commandes
du constructeur allemand. «Nous
avons besoin d’un choc radical»,
expliquait-il alors dans une interview à The Independent. Alors que
dans les années 80, Porsche écoulait environ 50000 véhicules par
an, il ne s’en est pas vendu plus de
14000 en 1993. «On a frôlé la banqueroute», relève gravement Lukas Kunze, en pénétrant dans le
premier bâtiment.
Wendelin Wiedeking a dû faire
comme ses homologues américains et anglais. Reconnaître que
«les Japonais sont les rois dans trois
secteurs: 1. La production. 2.La
production et 3. La production.»
C’est le début de l’ère «Kaizen»
pour Porsche – on dit «Kontinuier-
licher Verbesserungsprozess» dans
la région. Concrètement: faire
transiter chaque 911 d’un bout à
l’autre de l’usine sans interruption.
En plusieurs dizaines d’étapes de
3,7 minutes chacune, les automobiles sont promenées sur quatre
étages. Chacune d’entre elles possède une «carte d’identité» permettant, pour chaque étape, de disposer des pièces exactes nécessaires.
«Pour l’assemblage final, seule la
pose des vitres est réalisée par des
robots. Tout le reste est fait à la
main», explique fièrement Lukas
Kunze, en slalomant dans ce dédale de tôle et de câbles.
La mise en place de ce système
de production inspiré de Toyota va
porter ses fruits. En quelques années, la barre est redressée, ce qui
permet à Porsche, porté par un appétit mondial pour le luxe et
l’émergence de nouveaux riches,
de retrouver le chemin des profits.
A tel point que la marque, qui
produit 90 411 véhicules en 2005,
se met à lorgner sur Volkswagen –
qui, à titre de comparaison, retrouvait tout juste les chiffres
noirs en 2005 avec 5,24 millions
de véhicules écoulés.
Et Porsche finira par se lancer
dans une opération de rachat
agressif de son concurrent, qui se
soldera par un cuisant échec. Fin
juillet 2012, c’est même l’inverse
qui se produit: souffrant de la
crise financière, fortement endetté, Porsche sera racheté finalement par sa cible. Les relations
restent entremêlées puisque,
aujourd’hui, plus de la moitié du
groupe Volkswagen (50,73%) est
détenu par… Porsche Automobil
Holding SE.
L’affaire a fait couler beaucoup
d’encre en Allemagne et n’est toujours pas terminée aujourd’hui.
Fin août, on apprenait que ce
même Wendelin Wiedeking,
soupçonné de manipulation
boursière, allait devoir comparaître prochainement devant la Cour
d’appel de Stuttgart. Il aurait dissimulé «à travers au moins cinq
communiqués de presse [son] intention de grimper à 75% du capital social de Volkswagen», a indiqué
la
Cour
dans
un
communiqué… Affaire à suivre.
En quittant les terres de la marque, les six cylindres de la GT3
rugissent à nouveau sur l’Autobahn Stuttgart-Bâle. Au pas cette
fois-ci. L’amende arrivera pourtant quelques jours plus tard. A
108 km/h, il faudra payer 10 euros
aux autorités du Baden-Württenberg… comme un ticket d’entrée à
payer pour visiter le royaume
Porsche.
Automobile
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
> Porsche et Turbo, noces d’émeraude
Le début de l’ère «Kaizen»
pour la marque Porsche,
«Kontinuierlicher
Verbesserungsprozess»,
comme on dit à Stuttgart.
Concrètement: faire
transiter chaque 911 d’un
bout à l’autre de l’usine
sans interruption.
PORSCHE AG
Il connaît peut-être Porsche
mieux que personne. Passionné depuis sa plus tendre enfance, Dieter
Landenberger passe volontiers des
heures dans les couloirs du musée
Porsche à répondre aux questions.
D’abord sur ce que le directeur des
archives historiques du musée surnomme le «salon de la marque», soit
le musée à proprement parler. Cet
immense bâtiment blanc totalement
contemporain installé sur Porscheplatz 1, à Stuttgart, a ouvert début
2009, coûté 100 millions d’euros et
contient 10 000 tonnes de métal. Il
abrite plus de 500 modèles de collection et les salles d’exposition se
trouvent à 30 m du sol.
Dieter Landenberger est l’auteur
d’un livre* publié cette année sur les
quarante ans de mariage entre la marque et le turbo, cet appendice greffé
au moteur, qui récupère une partie de
l’énergie des gaz d’échappement afin
de comprimer l’air alimentant ce dernier, améliorant ainsi son rendement.
Porsche a été la première marque
à commercialiser un turbo «qui fonctionnait vraiment», relève l’historien.
Même si d’autres avaient déjà tenté
la manœuvre outre-Atlantique –
Oldsmobile Turbo Jetfire ou Chevrolet Corvair Monza, sans véritablement convaincre – ou même en
Suisse – le coureur et ingénieur Mi-
Porsche 917/10, la première de la marque équipée d’un turbo.
chael May (diplômé en mécanique
de l’EPFZ) avait déjà imaginé un kit
turbo à monter sur les Ford Capri.
En 1972, durant la CanadianAmericain
Challenge
Cup
(«Can-Am», une course «plutôt libérale», selon Dieter Landerberger, car
on pouvait y courir avec des prototypes ou des véhicules modifiés de A à
Z), la première Porsche 917/70 dotée d’un turbo y a dominé la course.
Rebelote en 1973 quand la 917/30 –
800 kilos pour 1200 chevaux! –
épate au point que les organisateurs
décident d’en revoir les règles…
Ces deux titres donneront au
constructeur le savoir-faire pour lancer la production en série d’une 911
suralimentée. Présentée au Salon de
Paris en octobre 1974, la Carrera RS
3.0 semble identique aux autres… si
l’on exclut les cinq lettres couleur
argent «TURBO» qui agrémentent
l’arrière de la voiture. Elle coûtait
alors 65 800 deutsche mark. Environ 40 000 francs suisses. V. G.
*Porsche – Turbo Stories,
Edition Porsche Museum,
224 pages.
KEYSTONE
PORSCHE AG
> Un tigre nommé Macan
A gauche: le musée Porsche, situé Porscheplatz 1 à Stuttgart, juste à côté du site de production de la marque (photo de droite).
«OnnesaitjamaiscequipeutsepasserauMans»
A
teinté d’un accent de «Berndeutsch»…
DECKBAR.DE
quelques kilomètres de
Milan, les longs camions
immatriculés à Zoug
semblent ne jamais finir
de déverser toutes les Porsche
imaginables à l’abri dans les paddocks. La marque allemande a réservé le circuit de Monza une
journée pour une poignée de
journalistes guidés par Neel Jani
et Mark Lieb, deux des pilotes qui
se sont assis au volant des 919 Hybrid aux 24 Heures du Mans cette
année.
Une édition inédite pour Porsche puisqu’elle était présentée
comme LE grand retour. Après
seize ans d’absence, la marque
plaçait en juin dernier deux bolides sur la grille de départ. Objectif officiel: finir la course. Objectif
officieux: mettre fin au règne
d’Audi qui truste la course depuis
2006 (avec une exception en
2009 et la victoire de Peugeot).
Les deux «ennemis» – qui appartiennent au même groupe, Volkswagen – ont amusé la galerie
plusieurs semaines précédant la
course. Par exemple dans une vidéo où une Audi E-tron va dessiner un «Welcome Back» sur la
Porscheplatz de Stuttgart en
usant la gomme de ses pneus.
Toutefois, le constructeur le
plus titré du Mans – 16 victoires,
contre 13 pour Audi – n’a cette
fois pas réussi à décrocher la couronne. La première 919, pilotée
par Neel Jani, a rencontré un problème d’alimentation en essence
qui lui a fait prendre d’emblée un
retard irrattrapable. La seconde a
fini la course dans les stands
suite à des ennuis mécaniques,
laissant le champ libre à Audi. Le
pilote biennois revient sur «sa»
course dans un français fédéral
Le Temps: Etes-vous déçu de votre
résultat au Mans cette année?
Neel Jani: En comparaison avec
Toyota ou Audi (dont les duels
ont animé l’épreuve ces dernières
années, ndlr),
Porsche
manquait de
pratique. On
savait que cela
allait être très
difficile. De plus,
comme Le Mans n’est pas un
circuit permanent, il n’est pas
possible d’aller s’y entraîner. On a
montré qu’on était rapides, en
terminant deuxièmes aux
qualifications et en prenant
momentanément la tête de la
course. Dans le fond, je trouve
que c’est plutôt un bon début
après seize ans d’absence.
Qu’avez-vous ressenti à l’heure
de prendre le volant?
C’est la plus grande course du
championnat. C’est l’une des trois
plus mythiques du monde avec
Monaco et Indianapolis. C’est
aussi la plus dangereuse de tout
le calendrier. C’est une course
qu’il faut énormément respecter.
Craindre, aussi?
Non. Avoir peur, c’est le plus
grave qu’il puisse se produire: tu
ne vas pas assez vite. Mais sans
respect, tu risques l’accident.
Au-delà des kilomètres parcourus,
qu’est-ce que l’on tire d’une telle
course?
Au Mans, on apprend chaque
année. Cette année, c’était lié à la
pluie. Dès le début de la course, il
fallait éviter l’aquaplaning, et se
demander quels pneus utiliser. Le
lendemain matin, c’était un peu
humide… Sur 24 heures, il faut
changer plusieurs fois de stratégie. Autre chose: il ne faut jamais
abandonner. Cette année, j’avais
une voiture assez performante
pour gagner, mais des problèmes
techniques m’ont fait très tôt
chuter dans le classement. Plus
tard, j’ai pu remonter la course et
Audi et Toyota ont aussi eu des
problèmes techniques… On ne
sait jamais ce qui peut arriver aux
24 Heures du Mans.
Vous êtes «pilote d’usine» pour
Porsche. Ça signifie quoi?
Contrairement à ce qu’on
pourrait croire, je ne suis pas un
pilote pour les exercices, c’est
surtout pour faire les courses.
Autrement, on participe à des
journées de relations publiques
comme aujourd’hui. On teste les
voitures, on essaie de nouvelles
pièces. En juillet on était au
Castellet, en août, en
Allemagne… On travaille
également notre condition
physique en faisant beaucoup de
fitness. Mon plus long tour au
Mans a duré tout de même 3h30,
à une moyenne de 240 km/h.
Pour tenir à cette vitesse sur cette
durée, il faut avoir un bon rythme
cardiaque. Le cœur tape en
moyenne à 150 pulsations par
minute.
C’est éreintant!
Après la course j’ai dormi quatre
jours d’affilée!
Comment êtes-vous devenu
«pilote d’usine»?
J’ai commencé dans le Go-Kart
quand j’avais 6 ans (en 1989). A
16 ans, j’ai changé pour la voiture
et j’ai gagné le championnat
d’Europe avec Renault en 2002. Je
courais contre Hamilton, Spengler… A 19 ans, j’ai signé un
contrat avec Sauber. En 2012, j’ai
changé pour l’endurance. Là, j’ai
roulé avec Rebellion. C’est une
équipe privée, j’avais donc peu de
chances contre des écuries
comme Audi ou Toyota. Mais
mon but a toujours été d’avoir un
volant de pilote d’usine.
Comment s’est passée la rencontre
avec Porsche?
En 2008, j’avais déjà roulé avec
une Porsche d’usine et j’avais fait
un test à Weissach (le circuit
d’entraînement de la marque,
vers Stuttgart, ndlr). Mais quand
Porsche a annoncé qu’ils voulaient revenir au Mans en 2014, il
y avait des centaines de pilotes
qui rêvaient de ce volant. Il y avait
une grande concurrence.
Comment se sont déroulés
les tests?
Il n’y en a pas eu. Les résultats que
j’avais décrochés en Endurance
avec Rebellion ont convaincu
Porsche de me faire signer un
contrat pour plusieurs années.
L’histoire de Porsche au Mans est
très liée à Jo Siffert. Que vous
inspire ce pilote suisse légendaire?
C’est vrai que c’est spécial d’être
dans la même équipe que lui.
Mais je ne me vois pas du tout
comme son héritier ou son descendant. Les pas qu’il a faits sont
certes grands, mais mon but n’est
pas de marcher dans ses traces. Je
veux tracer ma propre voie.
Propos recueillis par V. G.
«Quand Porsche lance une nouvelle voiture, cette voiture ne doit pas se faire remarquer davantage que les
précédentes», clamait le groupe allemand en 1972 dans
une publicité. La maxime est toujours de mise en 2014: le
Macan («tigre», en indonésien), dernier arrivé de la famille après la Panamera en 2009, fait incontestablement
partie du clan.
En s’attaquant au segment des SUV sportifs, Porsche
risque peut-être de tailler des croupières à son best-seller
le Cayenne (lancé en 2002). Mais les véritables cibles se
trouvent chez d’autres constructeurs allemands – BMW
X3 et Audi Q5 – voire indiens – Range Rover Evoque.
Porsche entend en écouler 50 000 exemplaires sur l’année 2014 – c’est déjà fait – et 75 000 en 2015. Un appétit
débordant puisque entre janvier et août 2014 Porsche a
écoulé 120 000 voitures en tout.
Malgré son prix – et le coût élevé des nombreuses
options presque indispensables – les ingrédients sont
réunis pour faire du Macan la nouvelle vedette de Porsche.
Sur les trois options (Diesel, Sport et Turbo), nous avons
testé le Macan S. En théorie, il couve un V6 (340 chevaux)
qui peut faire bondir le monstre à 100 km/h en 5,4 secondes. En pratique aussi.
A en croire le constructeur, l’engin crache entre 204 et
212 g de CO2 par kilomètre dans l’atmosphère et avale
environ 9 l de carburant pour parcourir 100 km. La boîte
automatique PDK à double embrayage (7 vitesses) est
fournie en série, sans option pour une boîte manuelle. En
outre, pour délaisser les freins en fonte au profit de modèles en carbone céramique (presque indispensable pour
redevenir le maître des 2 t de l’engin) il faudra débourser
11 118 francs de plus. L’une des options les plus chères.
Les apparences sont parfois trompeuses: le Macan se
révèle aussi agressif qu’agile et tient très bien la route. Une
bonne surprise notamment due à la suspension à ressorts
pneumatiques (également en option, 3660 francs).
Prix: 76 100 francs sans options. V. G.
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Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
XX (L)
Sanscommunemesure
Quand on achète une Ferrari, on achète
plus qu’une auto. On s’offre surtout du rêve.
En plus des voitures mythiques qu’il fabrique,
le Cheval cabré propose une personnalisation
poussée à l’extrême. Sortie sur circuit au
Mugello en 599XX, un prototype de course,
en compagnie d’une légende de la F1,
et visite des ateliers «bespoke» à Maranello.
Par Pierre Chambonnet
T
rente-cinq ans qu’on
lui en parle. Dijon,
1979. René Arnoux livrait alors en Championnat du monde la
fin de course la plus
spectaculaire de toute l’histoire
de la F1, contre son rival et ami
Gilles Villeneuve. Un duel pour la
deuxième place du Grand Prix de
France, qui figure au panthéon
des joutes sur bitume, toutes époques confondues. Une empoignade à l’ancienne.
A bord de sa Renault RS10, Arnoux était l’un des pilotes les plus
rapides de sa génération. V6 suralimenté à double turbocompresseur et boîte en H. En face, Villeneuve et sa Ferrari 312T4, moteur
atmosphérique de 12 cylindres à
plat. Dépassements continus, virages abordés de front, roues qui
se touchent à sept reprises. Les
deux monoplaces s’entrechoquent à des vitesses inouïes. «Une
chose possible uniquement grâce
au respect et à la confiance absolue que nous avions l’un pour
l’autre», se souvient René Arnoux.
«On est ressortis de cette course
fracassés, poursuit le pilote français âgé de 66 ans aujourd’hui. Le
levier de la boîte de vitesses avait
troué mon gant. Nos autos étaient
difficiles, brutales et éreintantes.
Gilles n’avait pas de limites et savait que j’aimais me battre…»
Dont acte. Depuis 1979, tous les
amoureux de la discipline ne se
lassent pas d’évoquer ce gymkhana d’équilibristes à la limite,
pourtant vieux de deux générations. Après son exploit dijonnais,
René Arnoux a couru trois ans
pour la Scuderia. Aujourd’hui encore, il est l’un des héros du
monde des sports mécaniques. En
Italie? Un demi-dieu. Le temps
d’une journée au Mugello, il sera
notre pilote…
«Qui est avec René?»
Le soleil de Toscane se montre timide en ce début septembre.
Mugello. Un circuit mythique, où
Ferrari teste entre autres ses monoplaces. 5245 mètres d’asphalte
qui montent et descendent en
boucle, ponctués de 15 virages,
dans une campagne de dolce vita.
Devant les paddocks, dans la rangée des 14 Ferrari en armes, préparées pour le circuit, un Cheval
cabré d’un genre spécial sort du
lot: la 599XX. Ce prototype de
course amoureusement fabriqué
par les artisans de Maranello appartient à un client de la concession genevoise Modena Cars, qui a
invité Le Temps sur place, dans
l’une des sorties réservées habituellement aux fidèles. Son prix?
1,2 million d’euros pièce.
«Qui est avec René aujourd’hui?
s’enquiert le directeur du circuit. –
Moi, réponds-je avec un sourire
crâneur qui masque difficilement
mon inquiétude. – Bon courage!
rigole le responsable.» Pour l’occa-
sion, le vétéran des années folles a
donc renfilé son casque pour une
journée de roulage sur le circuit
du Mugello, à bord de l’un des missiles les plus superlatifs du monde
automobile (lire page 19).
«Tu verras, ça fait du raffut»,
commente sobrement René
avant de mettre ses bouchons
auriculaires sous son casque.
Contact. Musique maestro. La
symphonie en 12 cylindres majeure peut débuter, avec un orchestre de 48 soupapes à diriger.
La partition? L’Ode à la joie. Le
barouf indescriptible du V12
fend tous les visages présents
d’un sourire comme on en voit
rarement sur les paddocks.
La bouche qui colle
Les quatre pneus slick sont à
chauffer, comme les quatre disques en carbone céramique. «Surtout les freins, ça, c’est important,
prévient le pilote. Après, on sera
tranquilles pour la journée. On va
monter en puissance gentiment.»
Pas vraiment, en fait. Dès le troisième tour de circuit, les sensations sont déjà à leur apogée. Enfoncé au plus profond de mon
siège baquet au moment des accélérations, je deviens très vite, côté
passager, le spectateur impuissant de l’asphalte qui défile. Un
tapis de bitume qui se déroule
sans fin sous nos roues à une vitesse improbable. La gomme des
pneus finit par coller, la bouche
aussi un peu.
Dans l’habitacle, où tout ce qui
est sans rapport avec la performance n’a pas été installé, pas
d’isolations donc, d’aucune sorte.
Le bruit et la chaleur (le moteur
est à l’avant, au bout des pieds) y
sont infernaux. Je vis une course
de voitures sur console de jeux en
grandeur nature. René a gardé le
pied lourd. «Mes adversaires en F1
m’avaient surnommé «Freinetard», rigolera-t-il à la pause. La
vitesse à l’entrée du virage du San
Donato? 295 km/h…
Au milieu des autres voitures
de course qui évoluent sur la piste,
René ne fait pas de roues contre
roues. Dieu merci. Mais la facilité
avec laquelle il se faufile est stupéfiante. Les pourtant agressives
GT3 sont reléguées dans le rétroviseur comme s’il s’agissait de karts
pour juniors. La performance est
d’autant plus impressionnante
que la 599XX est lourde (1400 kg
à vide), et donc plus difficile à freiner que ses consœurs présentes ce
jour-là.
Peu de pilotes savent tirer le
meilleur parti d’une telle voiture.
«Tu ne te relâches jamais une seconde avec la XX, commente le
vétéran. C’est difficile, il faut «piloter». Pas comme une 458 qui
elle se «conduit», comme un vélo.
La 599XX a un moteur incroyable
mais elle est lourde. Quand ça
embarque, il faut la tenir. C’est
physique.»
JÉRÔME MARCHON
18
Loin des 12 cylindres qui se
pavanent mollement devant les
palaces, traînent dans les
centres-villes et qui ne connaissent du bitume au final que celui
du parking des endroits en vue, ce
V12 n’a de toute façon pas droit
de cité. Evidemment proscrite sur
les routes car non homologuée, la
599XX est condamnée aux circuits. Son moteur est du genre
explosif, hurleur, ultra-agressif…
et jubilatoire. Un vrai V12, qui siffle dans les aigus et veloute dans
les graves: la signature acoustique unique des sorciers de Maranello. Celle qui fait dresser toutes
les têtes à son passage. Un V12 qui
vous déplace. Et surtout vous
transporte.
La 599XX est l’incarnation de
l’émotion automobile pure. Elle
donne une idée de la limite jusqu’où peut aller Ferrari dans ce que
la marque a à offrir d’exclusif. Cet
avion de chasse est le véhicule le
plus abouti techniquement jamais
produit à Maranello. Une grande
partie de sa technologie est directement inspirée du monde de la F1.
Ferrari fait directement profiter de
son expérience dans le domaine à
ses voitures de série. Les possesseurs de la XX, à condition de la
maîtriser, s’apparentent à de véritables pilotes d’essai.
Un débat sur l’art
Avec René Arnoux aux commandes, l’expérience est exceptionnelle. Pour la performance pure et
pour le rêve qui y est associé. Car le
pilote, en laissant il y a 35 ans le
monde de la F1 bouche bée, incarne une période révolue. La nostalgie d’une époque bénie où la
course se jouait sur la piste. Pas
dans les stands. Encore moins
dans les bureaux des stratèges.
Quand on achète une Ferrari,
on achète aussi du rêve, une émotion qui est la caractéristique
même de la marque, grâce à son
histoire unique dans le monde de
la course. Un ADN qui a la peau
dure. Pour preuve: la récente éviction de Luca di Montezemolo,
pourtant un excellent homme
d’affaires. Le patron de Ferrari a
été débarqué après plus de vingt
ans de bons et loyaux services,
payant l’absence de résultats de la
Scuderia en F1 depuis six ans. Sans
couronne dans la catégorie reine,
c’est l’essence même de la marque
qui s’évapore.
Revenons au Mugello. Les circuits, des zones de non-droit à
l’abri des képis? L’ambiance dans
l’arène? Le défoulement y est maîtrisé. Tout est fluide sur la piste,
chacun est respectueux de l’autre.
Aucune casse, ni fanfaronnade.
Les gentlemen drivers sont là pour
se faire plaisir. Ils trouvent sur les
circuits la liberté qu’ils ont perdue
sur la route.
Oui, les circuits sont bien des
temples de l’écologiquement incorrect. On y brûle des milliers de
litres de carburants fossiles, on y
crache du CO2 sans compter. On y
fait le contraire de ce qu’il faut
faire dans la vraie vie. Mais ces
enclos sont précisément l’une des
soupapes de notre monde cocotte-minute. Et des endroits où l’on
célèbre aussi le génie des hommes
de Maranello entre autres. Pourquoi des voitures comme la
599XX? Réfléchir à la question revient à poser les bases d’un débat
sur l’utilité de l’art.
Automobile
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
19
More is more
Ferrari propose à Maranello un service «Tailor made», lancé il y a deux
ans. Au point que «chaque voiture qui quitte l’usine est différente des
autres, tant les options de personnalisation sont nombreuses», explique Elena Fontana, qui travaille dans la petite équipe responsable
du bespoke, le sur-mesure adapté aux desiderata du client.
«Nous avons déjà des ateliers dévolus à la personnalisation,
où les matériaux en option sont proposés sur catalogue.»
L’idée avec le «Tailor made» est d’aller encore plus loin. On
vient ici comme on irait chez un tailleur. «Nous proposons
des matériaux qui appartiennent habituellement à d’autres
secteurs du luxe: le teck du yachting, le bois précieux de la
marqueterie, le jean, le cachemire et le prince-de-Galles de
la mode, etc.» Aussi des matériaux exclusifs comme des
bois mélangés à des fibres de carbone. La seule limite est
l’architecture de la voiture: «Nous ne changeons pas la
forme du modèle et nous ne touchons évidemment pas
à ce qui a trait à la sécurité.»
Les clients sont triés sur le volet. «Nous ne voulons
pas de quelqu’un qui achète une voiture pour la revendre
deux mois plus tard. Le client qui vient ici est quelqu’un
qui perçoit vraiment l’exclusivité de ce programme et qui
comprend le caractère unique de notre travail.»
Les clients? Beaucoup d’Américains (25%). Liban,
Royaume-Uni, Suisse suivent dans le classement. Prix moyen: 50 000
euros, à débourser en plus du prix de la voiture elle-même, et en plus des
options courantes (caméra de recul, capteurs, GPS, hi-fi, sièges électriques, etc.). Les prix peuvent atteindre 100 000 euros et plus. Compter
quatre à cinq mois entre la commande et la livraison.
Le club des Cavalieri
> Les sorties de Modena Cars Genève
Gino Forgione a l’enthousiasme contagieux. Le patron de la concession Modena Cars à Genève (Ferrari et Maserati) a créé le club des
Cavalieri, pour fédérer autour de lui les clients qui partagent sa
passion. Mais pour participer aux activités sur mesure qu’il
organise tout au long de l’année, aucune obligation de faire
partie de cette coterie aussi ouverte que décontractée,.
Modena Cars propose pas moins de neuf sorties par an.
«Quand on se paie une Ferrari, on achète plus qu’une auto,
explique Gino Forgione. Il y a tout le rêve qui va avec. Et ce
rêve, on le met régulièrement à portée concrète de nos
clients, comme par exemple ici au Mugello.»
La concession se greffe également sur les manifestations
gérées par la maison mère de Maranello, comme par exemple
la Targa Florio, ou la Cavalcade, un rallye de prestige réservé
aux GT de la marque. Les clients ont aussi la possibilité de visiter
les usines Ferrari, et de rouler sur le prestigieux circuit de Fiorano, à
Maranello.
Peu de concessions Ferrari dans le monde offrent autant de possibilités. En sortie sur circuit, Gino Forgione fait venir au minimum dix voitures
de course à chaque fois. Même à Abu Dhabi… Parfois, des modèles de
tourisme s’ajoutent, comme ici au Mugello où l’on dénombre deux
Scuderia et deux 458 Speciale. Des voitures polyvalentes, homologuées
pour la route et qui permettent d’être aussi très performant sur la piste.
Une sortie comme celle du Mugello coûte au client 2400 francs,
auxquels peuvent s’ajouter les frais d’acheminement de la voiture ou le
recours à un instructeur par exemple. La convivialité (hors pair), elle, est
offerte. «Le client arrive, enfile sa combinaison et se fait plaisir, dit encore
Gino Forgione. Quand je vois son sourire, ça vaut plus pour moi que
n’importe quelle publicité!»
Le bruit et la fureur
PHOTOS: PIERRE CHAMBONNET
> 599XX, catégorie «Sport-Prototypes»
La 599XX est la synthèse de la plus haute innovation technologique
actuellement disponible chez Ferrari. C’est la version ultime de la 599
GTB Fiorano, la version routière du monstre. Pour des performances
extrêmes, sur circuit exclusivement, les ingénieurs ont changé l’échappement, le conduit d’admission et les chambres à combustion du moteur, un V12 central avant de 6 litres de cylindrée. Ces modifications ont
permis de pousser ce dernier à un régime maximal de 9000 tours/min,
pour une puissance de 700 CV. La boîte de vitesses permet de changer
de rapport en 60 ms.
De nombreux composants du moteur ont été modifiés pour gagner en
poids. La fibre de carbone est utilisée pour le collecteur d’admission par
exemple. Et des pièces ont été tout simplement spécialement redessinées, comme le vilebrequin notamment.
Pour obtenir un maximum de réactivité, l’électronique n’est pas en
reste: elle gère la combinaison de la limite mécanique avec le potentiel
des systèmes de contrôle. Le mariage de la mécanique avec l’électronique offre constamment au pilote tout le potentiel de la voiture.
Sur les ailerons, des ailettes latérales augmentent la charge verticale,
tandis que des écrans, inspirés du monde de la F1, recouvrent partiellement les disques en carbone céramique et la jante, dans le but d’améliorer l’aérodynamique et le refroidissement des freins, dont la température
atteint jusqu’à 800 degrés.
Deux ventilateurs occupent l’espace arrière: ils aspirent l’air entre le
châssis et la piste et le recrachent dans le sillage de la voiture, pour
contrôler une partie des turbulences aérodynamiques. C’est la technologie «aspirateur», qui permet de coller la voiture au sol et de réduire la
résistance aux forces de frottement de l’air.
DR
> Les ateliers du sur-mesure à Maranello
20
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
JUBILÉ
QuandFordchassait
àcourredanslaSarthe
La GT40 fête ses 50 ans. Développée en Angleterre, cette yankee au sang bleu est la tueuse de Ferrari voulue par
Henry Ford, deuxième du nom. Nous l’avons suivie de l’atelier genevois qui perpétue la tradition des «gran turismo»
à l’américaine jusqu’au Mans Classic. Reportage. Par Pierre-Alexandre Sallier. Reportage photographique: Eddy Mottaz
L
es chaussures trempées
par la pluie océanique, la
progression se poursuit à
tâtons. Vers la rumeur
sourde et les raies de lumière balayant la futaie.
Torches vers le sol, deux plantons
surgis de l’obscurité avaient arrêté
notre chauffeur 500 m en amont.
Mettant fin à un trajet parti du
vacarme des stands et des baraques à frites, pour arriver à une
zone commerciale de Mulsanne
transformée en ville morte – le
tout entrecoupé de barrages de
gendarmerie. A l’arrière d’un magasin Leroy Merlin déserté, la camionnette a fini par plonger sur
une piste de sable s’enfonçant
dans les pins. Jusqu’au dernier
contrôle. Nous sommes au Mans.
La marche d’approche se poursuit. Les éclats lumineux ont disparu. Le métal noir des rails de
sécurité métalliques qui jaillit par
surprise tranche la végétation.
Derrière, rien. Lampadaires, bitume qui brille sous la pluie. Les
yeux s’habituent. Deux ombres,
des commissaires de courses. La
rumeur revient, lointaine. On attend la meute. Les mots de ce pilote, le propriétaire d’une Ford
En 1965, un 8 cylindres de 4,7 litres
au ralenti rauque
était monté sur la
Ford GT40 (ici un
modèle entretenu
par les ateliers
genevois Burgol).
GT40, reviennent en tête: «Solitude dans le grondement de la
voiture; seuls les compteurs
brillent dans la pénombre, rien ne
vous distrait.» Vol de nuit.
Il existe une épistémologie de
la course. Difficile d’apprécier la
perfection atteinte de nos jours
sans appréhender ce qu’elle a pu
signifier – en termes de risques
comme de prouesse mécanique –
il y a un demi-siècle. Sans compter
que l’inconscient du public, qui
fait encore le déplacement dans
les tribunes, est nourri de la geste
des preux. Siffert, Müller, Rodriguez. «A l’époque, ceux qui se glissaient dans ces monstres mécaniques étaient comme des pilotes
d’essai, des cobayes volontaires»,
explique Vincent Neurisse, copropriétaire genevois d’une GT40
«Scuderia Filipinetti».
«Les voitures partaient pour un
vrai raid de 24 heures. Tout était
plus fragile, la qualité des pièces
de fonderie, les boîtes. Le pilote
devait être constamment à
l’écoute de sa voiture, afin d’expliquer à son mécano ce qu’il ressentait», relate Didier Burgisser, fondateur de la société de
restauration genevoise Burgol,
qui assure la préparation de cette
Ford. «Aujourd’hui, on a réussi à
plier les voitures à nos exigences:
tourner 100 tours à bloc et piler
sur les freins au dernier moment»,
poursuit le responsable de cet atelier qui accompagne ses clients
au Mans Classic.
Depuis douze ans, l’épreuve
permet à plus de 110 000 spectateurs – trois semaines plus tôt, les
24 Heures attirent un public à
peine deux fois et demie plus nombreux – d’approfondir cette quête
du sens de la course auto. Le long
de la piste comme derrière les paddocks au milieu des estafettes à
jambon-beurre, de la maréchaussée en képi d’époque ou des combis VW qui assurent la navette.
Hétéroclite, l’événement doit
son existence à la diversité de ses
participants. Il faut un public important pour permettre aux figures en vue de la vie politique –
tiens, François Fillon, ex-premier
ministre au volant d’une Bizzarrini de 1965 – de «privatiser»
Le Mans pour y faire tourner des
véhicules d’exception de plus de
10 millions de francs. Cela permet
aussi à des artisans mécanos, économisant toute l’année pour faire
tourner Lotus, TVR et autres Marcos, qui valent au mieux
50 000 euros, de courir sur ces
13 km de légende. Les clubs de
collectionneurs et leurs escouades
de Mustang ou de Citroën DS, de
leur côté, se chargent de former le
public autant qu’ils assurent le
spectacle: contre 65 euros, ils obtiennent une place pour exposer
leur auto et un accès paddock.
«En réalité, on se considère
comme les conservateurs de cette
voiture plutôt que ses propriétaires; la faire courir c’est la faire vivre», explique Vincent Neurisse.
Originaire des Landes, ce Français
installé en Suisse avait 10 ans
quand sa GT40 ferraillait au Mans.
La fascination pour ce véhicule
– et ses concurrentes de la seconde
moitié des années 60 – ne se résume pas à une nostalgie pastel de
ce qui était alors l’événement
automobile de l’année et capable
de drainer pas loin d’un demi-million d’aficionados dans la Sarthe.
Elle reflète un âge d’or de la mécanique classique. «La logique
même de ces engins est différente», souffle Didier Burgisser, le
fondateur de Burgol. Sans électronique, la matière domine tout. Le
réglage des carburateurs d’un
8 cylindres du Michigan qui
pompe 140 litres à l’heure se fait
avec de simples vis. Une vis qui
bouge, qui doit être de nouveau
réglée à l’oreille. Pas de puce électronique qui dicte, à la milliseconde, la pulsation des jets de carburant. Tout n’est que métal, règle
de physique élémentaire, astuces
de mécano; petit ressort ingénieux par-ci, écrou crucial par-là.
Autant british que yankee, la
GT40, ce gran turismo, raconte
également la bataille entre une
dynastie d’industriels de Détroit
et la maison Enzo Ferrari, dont les
«avions» à bloc-moteur central
12 cylindres dominent insolemment la compétition entre 1962
et 1965. Ulcéré de s’être fait berner dans le rachat de la Scuderia,
qui était alors en quasi-faillite –
Enzo la précipitera dans les bras
de la Fiat des Agnelli –, l’aîné des
petits-fils d’Henry Ford décide de
construire sa propre GT afin de
conquérir l’épreuve culte de
l’époque et de se forger une
image forte hors des Etats-Unis.
Avec, en tête, le succès des Cobra,
> Suite en page 22
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Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
> Suite de la page 20
ces
cabriolets
britanniques
d’après-guerre auxquels est
greffé un méchant V8 Ford, imaginés par Carroll Shelby.
Il signe un chèque en blanc au
Texan. Il faut une usine au Royaume-Uni? Accordée, elle est construite à Slough, dans le Berkshire.
Eric Broadley, le fondateur de Lola
– sorcier des châssis –, est embarqué dans le projet, comme John
Wyer, «team manager» de la victoire dans la Sarthe d’Aston
Martin en 1959. «La GT40 reste
une voiture construite par un industriel et cela se voit», insiste Pascal Gaudard, cofondateur de Burgol. «Il y a un marbre de
construction, un ordre précis de
pièces pliées, permettant de reproduire la monocoque d’acier en
des dizaines d’exemplaires» poursuit celui qui reste sans doute l’un
des meilleurs connaisseurs – et
conducteurs – de ce modèle.
Première apparition au Mans,
en 1964. Désastre. 1965, catastrophe. Aucune, parmi la dizaine de
voitures engagées ne voit le drapeau à damiers. Excédé, Henry II
confie la voiture aux préparateurs, Shelby en tête. Ce dernier
n’hésite pas à boulonner un V8 de
7 litres de cylindrée; une locomotive qui tourne à moins de
6000 tours/minute lorsque la voiture accepte d’offrir plus de
300 km/h au bout de la ligne des
Hunaudières.
Le déclic survient en 1966. Triplé de tête, la consécration sous
les yeux de l’héritier Ford et de
Madame. En 1967, une nouvelle
version en aluminium, la MK IV,
qui mute déjà en prototype consacre la domination américaine.
La voiture, qui court sous les couleurs de l’écurie suisse Filipinetti,
arrive en 5e position. C’est le moment que choisit Ford pour tout
arrêter. La marque transfère le
programme à Wyer pour
10 000 dollars. Avec le soutien financier de la Gulf Oil – qui apposera son bleu ciel et son orange –
Un V8 de 7 litres de cylindrée
boulonné sur la GT40;
une locomotive qui tourne
à moins de 6000 tours/minute
lorsque la voiture accepte
d’offrir plus de 300 km/h
au bout de la ligne des Hunaudières.
ce dernier sabrera de nouveau
au Mans la cuvée 1968.
L’année suivante, si la GT40 apparaît dépassée face aux nouveaux prototypes – Porsche commence à tester la légendaire 917 –
Jacky Ickx sort vainqueur d’un
duel qui marquera le sommet
du Mans, devant 400 000 personnes. Tout s’arrête en 1970, John
Wyer – et Gulf – apposant leurs
couleurs sur une Porsche. Ce qui
reste du plus britannique des pursang yankees – notamment le cabinet contenant les plans originaux – est confié au chef mécano.
«Tout est consigné au millimètre, tel changement de vis ici, telle
pièce là», montre Pascal Gaudard,
dans son atelier lumineux au milieu des vignes de la campagne
genevoise. Sa clientèle bénéficie
des meilleurs artisans, seuls capables de préparer ces modèles à la
course. «Le problème dans la restauration, c’est toujours l’argent;
une fois que l’on commence, on
signe un pacte faustien», témoigne son associé, Didier Burgisser
qui, en vingt-cinq ans d’activité,
dit n’avoir «jamais fait un devis».
On parle de «métiers du patrimoine». Un mécano peut passer
quatre jours à réparer un vilebrequin.
Didier Burgisser, pour qui la
passion automobile appartient
peut-être à une autre époque, relève que «tous [ses] clients ont
plus de 65 ans». Et une certaine
aisance financière, compte tenu
des niveaux irrationnels atteints
par les récentes ventes aux enchè-
res. La GT40 verte, dans son jus, au
fond de l’atelier? Achetée
800 000 livres sterling il y a quelques années. Elle partirait
aujourd’hui «facilement» pour
5 millions d’euros. De quoi rebuter même les loups de Wall Street.
«Je me demande si c’est uniquement une question de fric», s’interroge Didier Burgisser. «Les fortunes qui se font actuellement
considèrent-elles une Ferrari
250 LM comme une œuvre d’art?»
se demande-t-il.
Retour sous la pluie du Grand
Ouest, dans les bois, au débouché
de la rectiligne des Hunaudières.
Glissant comme un spectre, le premier véhicule surgit sans prévenir.
Il accroche le regard avant d’émettre un son. Bref visuel – rouge,
coupé Grand Tourisme, italienne?
– avant la plongée dans le virage.
Glissement de hanches à peine
contrôlé. Sortie de courbe, le moteur explose. Rauque. Grave. V8.
Américaine. GT40. Le grondement
de basse s’étouffe avec un hoquet
au changement de régime. Un pilote parle de conduite «physique»,
où chaque geste doit être fait dans
un ordre précis. Troisième. Montée
en régime colérique. Pas de stridence façon F1 ou Ferrari. Quatrième. Les loupiotes rouges tremblent dans le sillage de pluie. Seul
le fléchissement de la voix de baryton donne une idée de la vitesse
avec laquelle l’objet s’éloigne. Cinquième. Charge héroïque d’une
mécanique conçue il y a cinquante
ans. Aussitôt couverte par le passage de la meute à ses trousses.
SouslestoursdeLancy,GT40àvendre
En 1964, le fondateur de l’écurie Filipinetti ouvre une concession
de «muscle cars» Ford à Genève. Retour sur cette saga, avec Claude Sage
N
uméro 1042 tatoué sur le
châssis. Les grandes heures de la Scuderia Filipinetti resurgissent de
l’atelier genevois Burgol, alors que
deux mécanos poussent une
GT40, cet intercepteur rouge
construit en 1965. Il rappelle également un épisode oublié de l’engouement helvétique pour les V8
américains des années 60.
«L’histoire de Performance Cars
a commencé à Berne, dans les bureaux de la Revue Automobile, à
l’automne 1964», se souvient
Claude Sage. Alors jeune journaliste, celui qui présidera le Salon de
l’auto jusqu’en 2005 vient de courir
quelques mois plus tôt au Mans
pour Georges Filipinetti. Il suggère
son nom quand son rédacteur en
chef, Robert Braunschweig, fait savoir que Ford cherche des distributeurs en Europe pour ses GT40, Cobra, Mustang Shelby 350 GT et
autres Cortina Lotus.
Un Grand Prix sur route
Un rendez-vous est organisé à
Saint-Prex, dans la propriété de Filipinetti, en présence de John
Hirsch, patron de Ford en Suisse,
d’un représentant de la maison
mère mais également de John
Wyer. Ancien patron de la compétition d’Aston Martin, ce dernier
est responsable des Ford Advanced Vehicles à Slough, l’atelier qui
produit les GT40 en Europe. John
Hirsch fait alors savoir que les propositions de l’homme d’affaires
genevois sont acceptées. «Filipinetti se tourne vers moi et me de-
mande si l’aventure me tente», relate Claude Sage.
Ce dernier s’installe au PetitLancy (GE), dans l’une des tours de
la Vendée inaugurées quelques
mois auparavant. La concession
Performance Cars est établie au
pied de ces immeubles avant-gardistes, œuvre de l’architecte JeanMarc Lamunière. Les premières
voitures sont importées et présentées par Claude Sage au Salon de
Genève de mars 1965.
Un visiteur de marque, le premier champion du monde de Formule 1, Nino Farina, arrive sur le
stand, accompagné du fils de
Georges Filipinetti, Jean-Pierre. Il
souhaite acquérir une Mustang
Shelby 350 GT. Un monstre. Les
trois hommes partent faire un essai sur la route de Chancy.
«Je confie le volant à Nino Farina et là commence la démonstration, un véritable grand prix;
au retour, Jean-Pierre et moi parviendrons cependant à le convaincre de porter son choix sur une
Ford Cortina Lotus de 125 chevaux», se souvient l’ancien responsable de Performance Cars.
«Affaire conclue, mais bien
triste affaire», ajoute-t-il. Un an
plus tard, Nino Farina trouvera la
mort au volant de cette voiture
près de Chambéry, en se rendant à
Reims, au Grand Prix de France.
«Jean-Pierre et moi avons quitté
Genève en pleine nuit pour aller
relever son corps dans le local des
pompiers du village voisin», se
souvient tristement Claude Sage.
Les débuts de la concession sont
difficiles. En 1965, les GT40 ne se
sont pas encore illustrées. Quant
aux Cobra, aujourd’hui objet d’un
véritable culte de la part des collectionneurs, elles attirent peu.
«Cela restait une AC britannique
d’après-guerre munie d’un gros
V8. Le châssis tubulaire datait»,
explique l’ancien associé de Georges Filipinetti.
PHOTOS: EDDY MOTTAZ
22
Sommaires, voire primitives
Concoctées par le sorcier texan
Shelby, les versions stéroïdées des
Mustang sont de leur côté «considérées comme sommaires, voire
primitives», ajoute Claude Sage.
Moteur brutal, tenue de route perfectible; ces coupés ne font pas le
poids face aux italiennes racées.
«Hormis en termes de tarif», sourit
Claude Sage. «Seules les Cortina
Lotus (une sorte de Focus RS
d’avant l’heure, ndlr) se vendaient
bien», ajoute ce dernier. La razzia
de Ford – et de Shelby – sur les
24 Heures du Mans à partir de
1966 permet de voir les ventes de
GT40 augmenter.
Mais «personne ou presque» ne
veut des Cobra ou des Mustang
Shelby. Ne parvenant pas à vivre
de ces modèles exotiques, la société rachète le Garage City sur la
rue de la Servette et cherche des
marques. Ce sera d’abord l’allemand NSU – rapidement marié à
Audi – puis Rover et, par la suite,
Volvo. Georges Filipinetti disparaît en 1973. La concession dirigée
par Claude Sage change d’échelle
et commencera à importer une
marque inconnue – Honda. PAS
Ci-dessus, de haut en bas:
Repos volé entre une GT40
et une Cobra sur le stand Burgol,
avant un vol de nuit.
Sous la pluie, peu après minuit, face
à la meute qui déboule du virage
de Mulsanne.
«Solitude, dans le grondement de la
voiture; seuls les compteurs brillent
dans la pénombre. Rien ne peut
vous distraire…»
Automobile
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
«Le problème dans
la restauration, c’est toujours
l’argent; une fois que l’on
commence, on signe un pacte
faustien. Pas un seul devis en
vingt-cinq ans d’activité. On parle
de «métiers du patrimoine».
Un mécano peut passer quatre
jours à réparer un vilebrequin.»
Didier Burgisser, fondateur et patron de Burgol
La «gran turismo» imaginée à Détroit
dans les années 60 abordant la ligne
droite des stands au Mans.
Après deux premières années
creuses, elle éclate au grand jour dans
la Sarthe en 1966. Triplé de tête.
Photo principale: La GT40 de la Scuderia
Filipinetti glougloute au ralenti avant
le départ au Mans. Le pilotage est très
physique, chaque geste doit être décomposé.
Sans électronique, la matière domine tout.
En dessous: Le Mans Classic, côté spectacle.
Clubs de collectionneurs et stands
d’autrefois, pour replonger dans une époque
où 400 000 aficionados convergeaient
vers la Sarthe en juin.
23
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
AVENIR
«Lamobilitédoitaussi
préserverl’économie»
KEYSTONE
David Cole est l’un des grands spécialistes américains des questions automobiles. Aux Etats-Unis, il fait figure
d’autorité sur les tendances de l’industrie. Pour lui, on ne peut pas résumer la mobilité à ses seuls enjeux
liés à l’environnement. Un discours que l’on entend rarement en Europe. Explications. Par Pierre Chambonnet
AKG-IMAGES
D
avid Cole est l’un des
fondateurs et le
président d’AutoHarvest, une fondation
américaine à but non
lucratif qui sert de
plateforme d’échanges centrés
sur la technologie, pour accélérer
l’innovation dans le monde automobile. Ingénieur de formation, il
est depuis plus de cinquante ans
impliqué dans les questions de
mobilité, et est aussi le président
émérite du Center for Automotive
Research (CAR).
Au service de l’industrie, AutoHarvest traite de la mobilité sous
l’angle environnemental et économique, dans le but d’aider à résoudre les problèmes posés par
les nouveaux défis. La fondation
met en lien les gens qui cherchent
des solutions et ceux qui sont susceptibles d’en trouver, ainsi que
ceux qui peuvent investir dans les
technologies de demain. S’y rencontrent les représentants de l’industrie et ceux qui y sont étrangers, les marques concurrentes,
des défenseurs de l’écologie et les
représentants du gouvernement.
Un regard d’autant plus intéressant que les Etats-Unis restent le
premier marché au monde.
Acteur et observateur privilégié
des débats, David Cole explique
que, de son point de vue, on ne
peut pas résumer la mobilité à ses
seuls enjeux liés à l’environnement, car la notion de développement durable ne repose pas que
sur des principes écologiques. Il
faut prendre en compte selon lui
la dimension économique et penser à des solutions réalistes dans
ce domaine. L’obsession de la traque aux émissions polluantes ferait même courir un risque à nos
sociétés, si elle n’est pas associée à
la notion d’économie durable.
Pour lui, les solutions concrètes
qui permettent de réduire le rejet
de CO2 sont très coûteuses et représentent un risque démesuré,
que nos économies peuvent difficilement assumer. Or dans un
monde toujours plus compliqué,
le décalage ne fait que s’accroître
entre théorie et pratique.
A gauche: une partie de l’usine robotisée Chrysler dans le Michigan. Ci-dessus: une chaîne de montage Ford aux Etats-Unis dans les années 50.
DR
24
Le Temps: Quels sont les enjeux
de la mobilité?
David Cole: Nous sommes
aujourd’hui face à bien plus
d’incertitudes
que je n’en ai
vues depuis
très longtemps.
Cela va des
questions qui
concernent les
futurs moteurs
à la façon dont les gens vont
utiliser les moyens de transport.
L’un des grands enjeux est celui
des questions environnementales. Et une chose dont je ne suis
pas sûr à ce sujet, c’est que ces
questions, telles qu’elles sont
présentées aujourd’hui, dans le
cadre du développement durable, sont elles-mêmes durables.
Expliquez-nous.
Je pense qu’il y a de sérieuses
préoccupations ailleurs. La
question des coûts qu’implique
réellement la réduction des
émissions de CO2, obtenue par
des solutions moins gourmandes
en carburants fossiles, est
capitale. Nous sommes à un stade
où faire réaliser une économie de
quelques centaines de dollars par
voiture et par an équivaut à
augmenter le coût de production
de la voiture de plusieurs milliers
de dollars. Cela pose la question
de l’adhésion du consommateur
au final.
Vous pensez que nous ne devons
pas nous préoccuper de notre
empreinte carbone?
Je ne suis pas du tout opposé à la
réduction des émissions de CO2,
qui est sans conteste un agent
polluant. Simplement, nous
sommes obnubilés par cet
impératif. Or, dans le monde
actuel, ce n’est pas réaliste. A
moins de recourir à une dictature
pour l’imposer. Nous vivons sous
la menace de phénomènes
naturels comme une éruption
volcanique d’envergure qui aurait
des millions de fois plus de
répercussions que n’importe
quelle activité humaine, en
termes de rejets de CO2. La
composante humaine à cette
échelle est si petite que peut-être
devrions-nous moins mettre
l’accent sur le dioxyde de carbone
lié à l’activité humaine.
La question de l’environnement
est donc pour vous secondaire?
Non. Mais quand nous ne
l’ignorons pas totalement, je crois
que nous sous-estimons la notion
d’économie durable. Quand on
parle de durabilité, on fait
automatiquement référence
à «l’environnement» et non
à «l’économie» durable. Or, il
y a une grande contradiction
entre la nécessité de réduire
les émissions polluantes
et les aspects économiques
de la question.
C’est-à-dire?
A cause des coûts des nouvelles
technologies censées réduire les
rejets de CO2, la mobilité risque
d’entraîner l’économie vers des
extrémités que le citoyen pourrait au final refuser, au moment
de régler la facture. C’est une
question très importante qui va à
mon sens commencer à émerger
dans quelques années, car
aujourd’hui, le citoyen lambda
voit les bénéfices potentiels et pas
vraiment les coûts. Quand la
facture à payer deviendra plus
concrète, on verra alors les choses
changer de façon assez
spectaculaire.
Il faut donc une «économie
durable»? De quoi s’agit-il?
Le progrès technologique au
service de l’environnement est
une bonne chose. Mais tout cela a
un coût. Or la mobilité doit aussi
préserver l’économie, assurer une
économie pérenne. Le problème
crucial réside dans l’équilibre qui
reste à trouver entre des performances accrues en faveur d’une
mobilité plus propre et les modèles économiques existants. Le
plus souvent, ce que nous faisons
en faveur de l’environnement se
fait au détriment de l’économie,
ce qui, je pense, est une grave
erreur.
Comment concilier cela
avec l’impératif écologique?
Nous devons être le plus écologiquement responsables possible.
Mais nous devons faire attention
à ne pas aller trop loin dans ce
domaine, de façon à ne pas rendre les choses irréversibles. Je
pense que nous sommes très près
de cette limite à l’heure actuelle.
Les choses pourraient s’aggraver
en raison même de la réaction
négative au changement, si les
consommateurs se braquent en
raison des coûts.
Vous dîtes que l’automobiliste
actuel ignore la réalité de ce que
pourrait lui coûter une mobilité
plus verte. Pour quelle raison?
J’ai vu le chef de l’EPA (l’agence
américaine de protection environnementale, ndlr) discuter
avec les représentants de l’industrie automobile. Au moment de
passer en revue les projections les
plus optimistes des économies
des coûts de carburant dans les
années à venir, nous nous sommes aperçus que les chiffres de
l’industrie étaient environ trois
fois plus faibles que ceux du
gouvernement. L’explication à ça:
les chiffres du gouvernement
sont basés sur la théorie, ceux de
l’industrie sur la réalité…
Quelle est cette réalité
pour l’industrie?
La réalité, c’est que le coût de
l’amélioration progressive des
économies de carburant ne cesse
Automobile
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
A l’heure où des motoristes
européens promettent
des consommations de l’ordre
de 1l/100 km, vous pensez
que nous sommes dans
une impasse technologique?
Je ne dirais pas ça. Nous apprenons beaucoup. Mais 1l/100 km, à
quel prix? Dans le monde entier,
l’industrie a exploré toutes les
solutions potentielles. Nous en
sommes au stade où on cherche
tous azimuts, sans savoir exactement où nous allons mais en
espérant que parmi les solutions
qu’on essaie, on finira par tomber
sur le concept gagnant. L’industrie explore tout: les matériaux,
les moteurs, le design, la conception, etc. Or, les réponses sont
loin d’être claires.
C’est une situation dangereuse,
à terme, pour l’économie?
Absolument. Les marques sont à
cran, car elles ont peur. Si elles
n’explorent pas toutes les pistes
possibles, elles ont peur d’être
dépassées. C’est le syndrome des
sociétés qui à l’heure du digital
ont refusé de suivre le mouvement de l’analogique. Elles ont
toutes disparu aujourd’hui.
Les modèles économiques de
l’industrie sont-ils à réinventer?
Quand on voit des marques
concurrentes s’associer dans des
partenariats, c’est bien que nous
sommes face à un nouveau paradigme. Les marques s’associent,
pour partager les coûts extrêmement élevés de la recherche de
nouvelles solutions. Jamais nous
n’avions vu ça auparavant, dans
l’ère de la compétition. Cela
révèle à quel point les problèmes
sont complexes et les solutions
coûteuses.
Que peut-on améliorer
dans la technologie actuelle?
Je pense que nous sommes en
train d’atteindre la limite en ce
qui concerne l’amélioration du
rendement des moteurs à combustion interne, en termes de
technologie et de coûts. Nous en
arrivons à un point de rendements décroissants. Nous approchons dans ce domaine des limites thermodynamiques de la
conversion d’énergie. Nous ignorons si le bénéfice que nous pouvons tirer d’une amélioration
future vaut le coup sur le plan
économique, par rapport à ce
qu’elle coûterait.
Que pensez-vous de la solution
du tout électrique?
Concernant l’électrification du
parc auto, qu’elle que soit sa
forme, nous sommes face au défi
qui consiste à convertir une énergie en une autre. Lorsque cela se
produit, la deuxième loi de la
thermodynamique* impose des
limites. Chaque fois que vous
KEYSTONE
d’augmenter. Les pistes d’avenir
les moins coûteuses pour parvenir
à cette diminution sont déjà
toutes connues et largement
explorées. Nous connaissons déjà,
par exemple, la technologie appliquée aux pneumatiques qui permet de réduire les forces de frottement et donc la consommation.
L’aérodynamique également, qui a
la même incidence sur la consommation. L’utilisation croissante de
matériaux plus légers, etc. Mais
nous atteignons le seuil critique
au-delà duquel toute nouvelle
amélioration technologique
devient beaucoup plus coûteuse.
Or, vouloir réduire l’impact pécuniaire pour l’usager en bout de
chaîne lié aux économies de carburant alors qu’en même temps le
coût de ces économies de carburant va précisément en augmentant est pour
le moins paradoxal. C’est ce que
j’essaie d’expliquer aux industriels.
Deux prototypes Egon Brütsch exposés au Salon de l’auto de Francfort en 1955.
convertissez une énergie en une
autre, le gaz naturel en électricité, etc. distribuer cette énergie
avec les pertes que cela implique,
et convertir ça dans des batteries
forme au final un puzzle très
complexe. Et nous ne connaissons pas encore toutes les
réponses.
Les autres technologies?
Gaz naturel, hydrogène, électrique… Le nombre de solutions
semble infini, mais quand vous
prenez en considération les promoteurs de telle ou telle technologie, ils ont tendance à ne pas
voir l’image d’ensemble. Ils ne
regardent pas le système dans
l’ensemble de sa complexité
technique. Et c’est en fin de
compte précisément ce que devrait faire l’industrie auto. Elle
devrait avoir une approche systémique de tout ça et ne pas foncer
tête baissée dans telle ou telle
direction.
Etes-vous optimiste?
Je le suis, au regard des progrès
réalisés. Mais il est capital que les
décideurs, les médias et tout un
chacun aient une compréhension
plus grande des limites économiques et physiques dont on ne
peut pas et dont on ne pourra
jamais s’affranchir, en termes de
mobilité. Je crains les élans théoriques. Je vous donne un exemple: il y a quelque temps, je parlais avec des élus de Washington
qui étaient venus me voir pour
me demander mon avis sur un
concept de nouveau moteur. Je
leur ai dit: «Il s’agit d’une violation de la deuxième loi de la
thermodynamique.» Ils m’ont
alors répondu: «Pourquoi ne pas
réécrire une deuxième loi de la
thermodynamique?»…
Le décalage entre la banalité de la
voiture et sa complexité technique
n’est-il pas devenu un problème?
La dimension technologique des
choses est devenue absolument
incompréhensible aujourd’hui.
Dans notre monde hautement
sophistiqué, il devient impossible
pour les citoyens et les politiciens
de comprendre une bonne partie
des questions essentielles, qui
sont pourtant à prendre en
compte. Si on demandait à 100
personnes dans la rue ce qu’elles
pensent de la deuxième loi de la
thermodynamique, sans doute
une seule en aurait déjà entendu
parler auparavant. Pourtant, les
implications de cette loi dans
notre façon de vivre et de nous
déplacer sont considérables.
Nous sommes en train de mettre
en place un obstacle énorme
entre le monde dans lequel nous
vivons sur un plan technique et
celui que les politiques régissent
pour les citoyens.
Cela pose la question de la
main-d’œuvre dans le secteur…
La question de la future
main-d’œuvre est très préoccupante aux Etats-Unis. Nous manquons beaucoup de gens qualifiés dans le secteur. L’un des
grands défis consiste à inciter les
jeunes à se salir les mains. La
plupart sont à la recherche d’un
travail de bureau. C’est une bonne
chose mais le risque est de se
déconnecter du monde réel à
terme. Pour comprendre comment ce dernier fonctionne, il
faut accepter aussi d’y plonger ses
mains. On manque de plus en
plus d’une expérience pratique
du monde, qui est pourtant
essentielle.
* La deuxième loi de la
thermodynamique détermine entre
autres jusqu’à quelle limite et dans
quel sens les différentes
transformations de l’énergie sont
possibles. Ainsi, certaines
transformations chimiques le sont,
d’autres pas. Quand on transforme
une énergie en une autre (par
exemple un gaz en électricité, etc.),
il y a toujours des phénomènes
physiques et chimiques qui
aboutissent à une perte d’énergie.
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25
26
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
PHOTOS: REUTERS
PATRIMOINE
ACuba,
larévolution
automobile
n’apaseulieu
KEYSTONE
Début 2014, le président Raul Castro a autorisé ses compatriotes
à acheter des voitures neuves. Aux yeux du monde et des amoureux
de beaux châssis, il devenait le fossoyeur des belles américaines
sexagénaires. Mais les vieilles Lada dansent toujours la salsa.
Et les Havanais rafistolent toujours leurs voitures, non sans
les rajeunir avec une ingéniosité toute cubaine. Par Hector Lemieux
A
ux confins de l’immense stade de la
Ciudad Deportiva et
de
Guanabacoa,
quartier
industrieux où se trament
bien des coups tordus de La Havane, il existe une petite concession automobile «Sasa Peugeot».
Les berlines y sont rutilantes. «Des
monstres merveilleux, à la technologie super sophistiquée, équipés de capteurs terriblement modernes», assure Orlando*, ancien
policier d’élite tombé en disgrâce
pour une méchante affaire de
mœurs. «Ah les femmes! Elles, elles aiment les voitures», ajoutet-il, le sourire carnassier.
Peut-être est-ce aussi le cas de
Raul Castro. Le général-président
réunit ses ministres le 19 décembre dernier. Tel un improbable
Père Noël, il autorise ses compatriotes à acheter des voitures neuves au lendemain du Nouvel An.
Dès lors, les Havanais rêvent d’une
nouvelle révolution après un demi-siècle d’embargo. Le peuple renaît à l’idée de belles mécaniques
neuves. A l’aube de la nouvelle année, les badauds se précipitent
dans les concessions automobiles,
gonflés d’espoir… pour très vite
déchanter.
Avec une précision toute policière, Orlando se souvient du prix
affiché chez Sasa pour une Peugeot
4008 de l’année 2013: 239250 CUC
(257000 francs). Soit, à l’époque,
plus de cinq fois le prix catalogue
pratiqué en Europe! Dans ce menu
salé, le chef Raul Castro propose
une Peugeot 508 de 2013 pour
262185 CUC (282000 francs) et en
entrée de gamme une 206, pour la
bagatelle de 91113 CUC (98 000
francs)! Bon camarade, le frère de
Fidel a fait la part belle aux occasions. Une Volkswagen Jetta de
2010 culmine à 51000 CUC
(55000 francs).
La faute aux taxes d’importation et au gouvernement communiste, dont le conglomérat CIMEX
contrôle l’importation, la distribution et les prix des marques
étrangères. Résultat, six mois plus
tard, selon la corporation CIMEX,
les 11 concessions automobiles
étrangères de l’île parmi lesquelles Peugeot ou Fiat n’auraient
vendu que 50 autos et quatre motos pour une valeur totale de
1,28 million de CUC (1,374 million de francs)!
Certes, les chiffres à Cuba sont
toujours à prendre avec des pincettes, mais la révolution automobile n’a pas eu lieu. Pire, elle
n’aura pas lieu avant longtemps.
«Je préfère garder ma Moskovitch
qui, avec un million de km, roule
toujours. Avec ces voitures neuves, il n’y a aucune garantie»,
confie Orlando. Le nouveau so-
cialisme de marché de Raul Castro peine sur une terrible équation. «Comment acheter une
voiture neuve avec un salaire de
20 dollars par mois?» questionne
l’ancien policier.
Mille ans pour acheter
une Peugeot 4008
Les Cubains le répètent inlassablement: «Hay que inventar (Il faut se
débrouiller, ndlr).» Voici Pedro au
volant de sa Lada 1600, le modèle
réglementaire de la police. Pedro
est médecin urgentiste. «Mon salaire mensuel a été de 575 pesos
cubanos (23 dollars) pendant
vingt ans jusqu’à l’augmentation
générale dans le secteur de la
santé, décrétée par Raul cette année. Mes revenus ont bien doublé,
mais ils restent misérables. Je suis
donc allé en mission au Venezuela
pendant trois ans pour gagner un
peu d’argent», conte l’immense
mulâtre rondouillard en torturant le démarreur.
Les passagers poussent la Lada
qui suffoque, hoquette puis démarre. Vite, il faut partir avant
qu’elle ne change d’avis. La salsa
envahit l’habitacle. La Lada danse.
«Je ne veux pas ton argent, je veux
aller à Varadero», dit le chanteur
du moment. Les effluves de pétrole noient les poumons. «Grâce
à une prime de 10 000 dollars versée à la fin de ma mission et des
Automobile
27
REUTERS
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
produits que j’ai ramenés du Venezuela, puis revendus ici, j’ai pu
acheter ma Lada.»
Cette guimbarde aux sièges
défoncés, mille fois repeinte
après trente années d’aventures,
a coûté 15 000 dollars à Pedro. Il
n’en connaît pas le kilométrage.
D’un revers de sa main de géant,
le médecin balaie l’idée d’acquérir une voiture neuve. Comment
le pourrait-il? Après avoir épargné l’intégralité de son salaire
pendant mille ans, un ingénieur
cubain pourrait acheter une Peugeot 4008.
Il était une fois
la Révolution… d’occasion
Retour vers le Vedado, le quartier
des artistes. Dans sa Plymouth Belvédère 1957 aux sièges de skaï immaculés, Yoel, la cinquantaine soignée, s’assombrit: «Acheter une
voiture neuve? Comment peut-on
acheter un modèle de plusieurs
dizaines de milliers de dollars
avec nos revenus de misère?» Yoel
n’en démord pas: «C’est une escroquerie. J’ai hérité cette voiture de
mes parents. Je fais le taxi et c’est
un métier de survie.»
Avec un peu de chirurgie esthétique, les vieilles américaines (Almendrones) sont immortelles.
Pour 10 pesos cubanos (0,40franc,
à l’instar de celle de Yoel, elles avalent les rues de la capitale. Quatre
passagers à l’arrière, trois à l’avant.
Et parfois plus!
A l’échelle du communisme déclinant, Raul Castro est pourtant
un révolutionnaire. La dernière
automobile américaine est entrée
sur l’île peu avant l’embargo de
1962. Elle repose aujourd’hui
dans un petit musée automobile
perdu près de Santiago, dans la
bien nommée «Vallée de la préhistoire». Par une loi du 31 décembre
1962, Fidel Castro a paralysé de
facto l’achat de voitures étrangères pour un demi-siècle, exception faite des Volga, Moskovitch et
Lada de l’ex-URSS. Mais dans un
pays où la débrouillardise est érigée en religion, les Cubains ont
toujours contourné les interdits et
acheté des voitures en fraude à des
résidents étrangers.
Coup de théâtre! En septembre 2011, le gouvernement autorise les habitants de la plus
grande île des Caraïbes à acquérir
des voitures d’occasion d’autres
particuliers.
Lada la meilleure
Près d’un quart de siècle après la
chute de l’URSS et à l’aube du nouveau capitalisme rouge prôné par
Raul Castro, les Moskovitch et les
Lada, mais aussi quelques rares
modèles européens et coréens,
constituent l’essentiel de la flotte
automobile. Tout comme la poi-
La boutique relève
autant de la caverne
d’Ali Baba que du
bric-à-brac. Un vieux
noir s’approche
prudemment:
«Tu cherches une pièce
en particulier?
J’ai tout ce qu’il te faut:
radiateurs, freins,
batteries…»
gnée de limousines soviétiques
ZIL, dont Fidel a fait don à l’entreprise publique Cubataxi et dont
les chauffeurs emmènent les touristes pour moins de 10 dollars.
Roulez Castro à La Havane!
Les Almendrones, elles, sont
davantage destinées au transport
collectif. Yoel se plaint, mais il est
riche aux yeux de ses compatriotes. A Cuba, l’automobile est une
rente. Le soir à la sortie des discothèques, des nuées de Lada attendent les fêtards imbibés de rhum.
Les prix des courses s’envolent. La
voiture est un revenu, mais aussi
pour de nombreux automobilistes l’occasion d’avoir une rapide
aventure
avec
une
autostoppeuse, jeune ou mère de famille, lasse d’attendre la Guagua
(le bus) toujours bondée.
Le moteur à Cuba est l’objet de
toutes les attentions. «Moteur socialiste, quand il se mouille, il ne
fonctionne plus», grogne l’un des
personnages du film Club Havana
face au moteur rebelle de sa Lada
un jour de pluie. La Lada est pourtant la meilleure aux yeux des
Cubains, elle redémarre toujours.
Elle est facile à réparer et les pièces
sont faciles à trouver.
Nissan, moteur de rêve
La Plymouth de Yoel avale la calle
23, la mythique rampa, snobe
l’hôtel Habana Libre où Fidel Castro installa son gouvernement
provisoire en 1959. Encore quelques rues et voici l’agence Sasa
Peugeot du Vedado. La boutique
relève autant de la caverne d’Ali
Baba que du bric-à-brac. Un vieux
noir s’approche prudemment: «Tu
cherches une pièce en particulier?
J’ai tout ce qu’il te faut: radiateurs,
freins, batteries…» L’homme ne
travaille pas dans la boutique
mais il vend n’importe quel carburateur ou essuie-glace.
La démarche est très fréquente
à Cuba où des revendeurs proposent avec la complicité des employés et des chefs la totalité d’un
magasin. Au menu de l’agence, des
portières
pour
200
CUC
(215 francs), des casques de moto,
des pièces de vélo électrique et des
pneus neufs et usagés. Au centre
de la petite pièce, trois moteurs
aguichent le chaland: celui d’une
Hyundai Accent et d’une Kia pour
2500 CUC (2700 francs) chacun. A
côté, un moteur de Renault pour le
même prix. «De quelle année, camarade?» s’enquiert un client. Le
vendeur hésite, consulte le chef,
qui tranche: «Au moins dix ans.»
Rares sont les voitures avec des
moteurs d’origine. Les chauffeurs
troquent dès qu’ils le peuvent le
moteur à essence pour un diesel.
Après les diesels soviétiques,
place à Nissan, la dernière mode.
«Un moteur diesel Nissan coûte
environ 2500 dollars, auxquels il
faut ajouter 1500 dollars pour la
pose», conte Raulito, garagiste du
quartier de Centro Habana. Le
jeune homme a démonté le moteur d’une Lada. «Le gasoil coûte
une misère dans la rue. Entre 4 et
9 centimes contre 1 dollar à la
pompe. Les travailleurs cubains
volent l’essence de leurs entreprises et le revendent», glisse Raulito, en clignant de l’œil. Hay que
inventar.
Un rendez-vous avec l’automobile du XXIe siècle totalement
raté? Pas tout à fait. La direction
de CIMEX assure que 75% des revenus des ventes des automobiles
neuves seront reversés à un fonds
pour améliorer le transport en
commun. De quoi acheter quelques bus chaque année. Viva la revolución, à petits pas…
* Les noms des Cubains ont été
changés pour leur sécurité
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
LES PETITES ANGLAISES
Radicalementvôtre
Un cockpit ouvert, un moteur de moto et un poids plume: les sorciers de Radical SportsCars fabriquent des voitures
de course ultimes, faciles à piloter et à entretenir. Elles allient le génie des usines anglaises à un esprit de garage, pour
le bonheur des pistards. Visite des ateliers à Peterborough et test grandeur nature à Brands Hatch. Par Pierre Chambonnet
L
es Anglais, les voitures. Les
gazons peignés du Kent.
Sud-est de Londres, sur le
circuit de Brands Hatch: un
tracé mythique aux portes
de la capitale, serti dans des
pelouses taillées avec un soin maniaque. La «pente boisée à l’entrée
de la forêt» (l’étymologie gaélique
de «Brands Hatch») s’apprête à une
pluie de météores sur gommes tendres. Autour de la piste, une ambiance de camping dans des vapeurs de kérosène.
Dans l’arène, des portions de circuit légendaires: Brabham Straight,
Paddock Hill Bend… Et des gentlemen en goguette qui en décousent
sur l’asphalte vallonné du race track.
Les plus grands ont ferraillé sur ce
grand huit bitumé. Dans l’amphithéâtre du Kent, résonnent encore
les échos du duel Jo Siffert – Chris
Amon de 1968. Lotus l’anglais contre l’italien Ferrari. Des courses mythiques en plein cœur du jardin
d’Angleterre. Jean s’apprête à vivre
tout ça.
Assis à une poignée de centimètres du sol, ce gentleman driver est
sanglé dans son baquet, adossé à un
fougueux V8 (deux moteurs de
moto additionnés) qui s’apprête à
propulser les 800 kg de l’équipage
sur orbite. Il est le propriétaire
d’une SR8 RX, fabriquée par Radical
SportsCars, à 160 km de là (lire page
29). Un cockpit ouvert, un moteur
de moto et un poids plume. En plus
MESSIEURS LES
ANGLAIS, TIREZ
LES PREMIERS
de sa voiture, il a acheté à Radical
tout le service qui lui donne l’accès
aux circuits dans le cadre d’un
championnat de pilotes amateurs.
«Gentlemen, start your engine.»
Messieurs les Anglais, tirez les
premiers. Un essaim de Radical se
titillent sur la piste. Ces frelons britanniques se mesurent sportivement dans le staccato des soupapes. «L’idée, c’est de se faire plaisir»,
explique Romain Rousseaux, le représentant de la marque anglaise
en France. Le temps d’un week-end
de course, il accompagne Jean, son
client, avec tout son staff. «Avec un
service clés en main, nous proposons un encadrement comparable
à celui d’une course pro. Jean n’a
rien d’autre à faire que de monter
dans sa voiture et se lancer sur la
piste.»
«A +», nous renseigne son casque. Pour faire les présentations
simplement, disons que Jean a l’essentiel de sa carrière derrière lui et
de l’argent. C’est bien le rêve, associé
à une logistique réduite au minimum, qu’il est venu chercher chez
Radical France. Après une carrière
chargée de responsabilités, il veut
vivre sa passion avec le moins de
contraintes possible. «Ici, je n’ai
aucune pression. Je ne m’occupe de
rien d’autre que de conduire.»
Jean ne court pas après un record
pour autant. «Mais on joue le jeu
jusqu’au bout, poursuit Romain
Rousseaux, le team manager de Radical. L’accompagnement est très
poussé, même si c’est de la course
pour amateurs. Nous sommes là
pour le guider en toute sécurité.»
PIERRE CHAMBONNET
28
Automobile
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Dans l’usine de
Peterborough.
La marque a été
créée en 1997.
Elle emploie
aujourd’hui 140
personnes et
a déjà fabriqué
et vendu
2000 voitures
dans le monde.
PHOTOS: PIERRE CHAMBONNET
Surl’établidesorciersdePeterborough
Visite des ateliers de Radical SportsCars, en plein cœur de l’Angleterre
I
ls sont obsédés par leur régime.
Pourtant ce sont des Anglais
bien en chair, qui vivent au milieu des pubs et des enseignes
huileuses fish and chips de Peterborough, au cœur de l’Angleterre.
«Ils», ce sont les 140 employés de
Radical SportsCars. Nous sommes
allés rencontrer ces sorciers dans
leur antre.
«Sorciers», car de magie il est
bien question. Les ingénieurs Radical ont inventé des voitures de
course ultra-puissantes et performantes, très faciles à piloter et à
entretenir. A l’heure où l’industrie
automobile tout entière est obsédée par le poids et la traque au
superflu, Radical a une sérieuse
longueur d’avance: l’usine produit
des blocs de 4, 6 ou 8 cylindres,
aussi performants que légers.
Prenons le V8 maison. Comparé aux 8 cylindres traditionnels,
celui de Peterborough est étique.
92 kg. Pas de surpoids, et pour
cause. Ce bloc n’est rien d’autre
que l’addition de deux 4 cylindres
Suzuki Hayabusa de 1340 cm3
chacun. Oui, des moteurs de
moto.
Puissant, léger et fiable
«On achète les moteurs à Suzuki»,
explique Roger Green. La poignée
de main virile et la coupe en
brosse, l’homme a quitté son bureau le temps de nous faire la visite. «Les moteurs sont ensuite entièrement modifiés ici, poursuitil. En version V8, ils deviennent
des blocs de 2,7 l très compacts et
de 430 CV. Le moins de poids
possible, c’est notre credo. Avec la
fiabilité en plus. Nous avons développé ce moteur il y a sept ans et
nous le connaissons parfaitement. Il est très puissant, léger et
fiable, le tout à un prix très raisonnable.»
A titre de comparaison,
ailleurs, pour offrir ce type de performances à des GT, on y associe
des moteurs jusqu’à 12 cylindres
qui flirtent avec les 200 kg pièce…
A mesure qu’on alourdit le châssis, en ajoutant confort et options,
on doit augmenter la puissance
du moteur et donc son poids. Le
serpent qui se mord la queue.
Chez Radical, la philosophie est
différente. «Se débarrasser de tout
le superflu est le postulat de départ et la raison d’être de Radical,
dit Roger Green. Le client peut demander les options qu’il veut pour
améliorer le confort, de notre modèle fermé par exemple, mais ce
n’est pas le concept de départ.»
Dans la partie d’usinage des
pièces: des ouvriers à tatouages et
aux doigts de fée. Des orfèvres qui
s’affairent dans des copeaux de
ferraille et des odeurs d’huile. Dedans et dehors, un mini Le Mans:
même ambiance, à l’échelle. Pièces de rechange des carrosseries
faites maison en fibre de verre, tas
de pneus, camions qui viennent
prendre les belles pour les amener
sur les circuits. Toute la magie des
usines anglaises associée à un esprit de garage.
Les ouvriers sont installés çà et
là au hasard des hangars. Soudain, une détonation sourde.
Un 8 cylindres bi-turbo à
l’étude. Tout nous est ouvert,
même l’atelier des prototypes,
où sont testés nouveaux moteurs et nouvelles solutions. Ici,
pas de maniaquerie de bloc
opératoire.
Les employés de Radical savent
évidemment tout faire. «Presque
toutes les pièces sont usinées ici,
poursuit Roger Green. Sauf les
moteurs – qui sont en tout cas entièrement modifiés ici –, les freins,
les roues et les pneus.» Des Gaston
Lagaffe qui bricolent des tondeuses? Pas exactement. Le niveau de
compétence technique est hors
catégorie. Ce qui n’a pas échappé à
Ford notamment, très impressionné par le travail des génies de
Peterborough. Le géant des chaînes de montage s’est associé à Radical. La marque anglaise a assuré
le développement du moteur Ecoboost pour un usage sportif, grâce
au soutien du constructeur américain. Car Radical ouvre une autre
brèche en se lançant dans le développement de voitures de route
homologuées, aussi des bêtes de
circuit. Le RXC coupé arrive sur le
marché, équipé d’un moteur de
pick-up à la base – le Ford Ecoboost –, transformé en V6 biturbo. Des sorciers.
Un prototype au Mans
Radical n’en est pas à son coup d’essai dans la cour des tout grands. En
2006, la marque anglaise alignait
sur la grille de départ des 24 Heures du Mans la SR9, un prototype
en LMP2. «Cela nous a permis de
nous faire connaître et de prouver
ce que l’on vaut», note Roger
Green. La clé du succès? 70% de la
production de l’usine Radical n’est
Radical RXC
Turbo. Deux blocs
Ford Ecoboost fusionnés
en un V6 bi-turbo de 460 CV.
pas destinée à ses voitures. La plus
grosse partie de son activité repose
sur la fabrication de pièces pour
d’autres industries, notamment
l’aéronautique.
Des moteurs de moto et de petites voitures de grande série dans
des voitures de course. Pourquoi
tout le monde ne fait pas ça? «Associer deux 4 cylindres pour faire
un V8 est compliqué, sourit Roger
Green. Il faut beaucoup de développements et une grande maîtrise technologique. Cela représente beaucoup de temps et
d’argent.» Encore plus d’enthousiasme, à la base.
Cette passion de départ, ce sont
deux gentlemen qui couraient ensemble qui la partagent. Mick
Hyde avait alors une société de
communication, et Phil Abbott
dirigeait lui une entreprise de
soudure. Ensemble, ils ont eu
l’idée de s’associer pour lancer un
châssis de voiture équipé d’un
moteur de moto. Radical était né.
Deux mille voitures ont été construites depuis 1997, et vendues
dans le monde entier. Toutes les
voitures sont produites à la demande. Les prix démarrent à
36 000 livres (55 000 francs).
RADICAL
Jean incarne parfaitement l’amateur
qui veut aller plus loin qu’avec sa
sportive de route, sans avoir à se soucier de questions de logistique. Le
client idéal pour Radical, qui propose des autos prêtes à rouler et simples à entretenir. La marque se veut
la transition idéale entre les GT et les
monoplaces, des voitures très pointues et pas du tout adaptées aux
néophytes. Elle organise aussi des
journées loisir, hors compétition.
Jean a choisi la formule complète:
voiture, piste et tout le service
autour. Jusqu’à l’instructeur qui l’accompagne sur le circuit. Radical a
aussi créé son propre championnat.
Décliné en plusieurs catégories, il
permet aux amateurs de tous niveaux de courir, sur tous les circuits
d’Europe et d’ailleurs.
«Quand tu freines, tu dois avoir la
même sensation que quand tu appuies sur l’accélérateur, lui précise
son instructeur, un pilote professionnel. Tu dois appuyer plus fort. Tu
verras, la voiture va se placer toute
seule.» Le débriefing se fait en bord
de piste, sur ordinateur, devant une
vidéo disséquée par un logiciel. Trajectoire, quantité de gaz, freinages, etc. Tout est scruté dans les
moindres détails. A la pause de
midi? L’ambiance est chaleureuse.
On parle vie personnelle et plaisante
beaucoup.
Les passionnés qui recourent à
Radical pour ce baptême sur piste
ont l’opportunité de toucher du
doigt leur rêve, à des budgets qui
restent raisonnables pour ce genre
d’activité. Alors qu’une saison en
monoplace amateur se compte en
millions, Radical propose des tarifs
bien moins prohibitifs. Sur un
Championnat d’Europe en Radical,
il faut compter à peu près
120000euros, budget hors casse,
pour sept courses dans l’année. Le
tarif inclut l’essence, le transport, la
préparation de la voiture, l’assistance sur place, les frais de participation, les pneus, les plaquettes.
Le prix de la voiture? «La SR8 de
Jean coûte 125000 euros hors taxes,
dit Romain Rousseaux. A titre de
comparaison, une Ferrari GT3
(comme une 458 préparée pour la
course, ndlr), c’est 450000 euros. Là
où Radical se démarque, c’est que la
marque propose des voitures de
course dont les performances sont
meilleures que celles des GT, et le
pilotage plus facile. Et les frais de
roulage sont bien moins importants. Il existe d’autres voitures dans
les mêmes budgets, mais beaucoup
plus dures à conduire.»
Le grand argument du constructeur britannique est cette facilité de
prise en main. Si l’on poursuit la
comparaison: à performances égales, une 458 GT3 pèse 1,3 t quand
une Radical affiche sur la balance
un poids de 670 kg à vide. Un rapport quasi du simple au double.
«Tout le secret est là, explique Romain Rousseaux. Le pilotage est
bien plus facile en raison du poids,
et de l’architecture de la voiture. Radical fabrique des châssis tubulaires, plus bas, beaucoup plus typés
course. L’appui aérodynamique est
en outre bien plus important que
sur une GT.»
Supers karts au poids plume, les
voitures Radical «n’embarquent
pas» dans les virages: le poids et
l’inertie sont réduits au minimum.
En ligne droite, elles propulsent en
revanche, dans un autre monde.
29
30
Le Temps l Samedi 4 octobre 2014
Automobile
INTERVIEW SECRÈTE
Patrick Dempsey
qu’avez-vousfaitdevosrêvesd’enfant?
P
atrick Dempsey, alias le
docteur Shepherd de
Grey’s Anatomy, est un talentueux touche-à-tout
qui a dû être Shiva dans
une autre vie. Cet homme
jongle plutôt adroitement avec les
rôles: acteur, réalisateur, coureur
automobile, copropriétaire de
l’écurie Dempsey Racing avec Joe
Foster depuis 2002, sans oublier
celui de père de trois enfants – Talula Fyfe, et les jumeaux Sullivan
Patrick et Darby Galen. Un grand
skieur aussi, qui rêvait de représenter les Etats-Unis aux Jeux olympiques quand il était enfant. Il est
également l’un des ambassadeurs
de la marque horlogère TAG Heuer
avec qui il a signé un partenariat en
juin dernier, au Mans.
L’acteur-coureur-ambassadeur
y courait les 24 Heures pour la troisième fois au volant d’une Porsche
911 GT3 RSR, où il a pris la 22e
place au classement général avec
ses deux coéquipiers Joe Foster et
Patrick Long (finissant 5e de sa catégorie), améliorant sa position
par rapport à 2013 où il avait fini
29e. Il rêve de revenir l’an prochain.
En produisant une série télévisée inspirée du livre The Limit, «qui
se déroule dans le monde de la F1,
librement basé sur les vies de Wolfgang von Trips et Juan Manuel Fangio et toute cette génération des
coureurs automobiles des années
50 et 60», comme il l’explique, Patrick Dempsey réunit deux de ses
passions. Quand on lui demande
s’il s’est prévu un rôle dans la série,
il nous rappelle son contrat avec
Grey’s Anatomy dont la 11e saison a
débuté en septembre sur la chaîne
américaine ABC. Puis il ajoute:
«Oui, évidemment que j’aimerais
faire partie du tournage! De toute
manière j’y participe en tant que
producteur. Pour l’instant, nous
sommes plongés dans l’inspiration
des personnages, nous développons les intrigues, les choix des
lieux.»
Parce que la rencontre au Mans
n’a pu se faire, c’est au téléphone,
depuis sa maison de Malibu, que
l’acteur passe en revue son enfance
et les rêves qui l’ont bercé.
Quel était votre plus grand rêve
d’enfant?
Skier! Nous habitions dans une
petite ville du Maine et tous les
matins avant de partir à l’école, je
me levais très tôt et je m’entraînais à passer des portes sur les
collines derrière notre maison. Je
voulais devenir skieur professionnel, représenter les Etats-Unis et
être sélectionné pour les Jeux
olympiques. Je voulais concourir
en descente. Les courses de Super G n’existaient pas à l’époque
(elles ont été créées au début des
années 80 et homologuées en
1985, ndlr). Ça, c’était mon premier rêve d’enfant.
Qu’avez-vous bâti à la place?
Les courses automobiles m’ont
permis de me retrouver dans un
univers proche de celui du ski:
l’entraînement intensif, le côté
athlétique, l’endurance, la discipline que cela demande. Sous
beaucoup d’aspects, j’ai incorporé
mon rêve d’enfant à ma vie de tous
les jours. Adulte, il faut savoir se
souvenir de ses rêves, leur redonner vie, s’efforcer de les réaliser, en
avoir de nouveaux et encourager
sa famille à réaliser les siens. Dans
le voyage à la poursuite de nos
rêves, je pense que le chemin est
parfois plus important que l’aboutissement.
Dans chaque numéro,
Isabelle Cerboneschi demande
à une personnalité de lui parler
de l’enfant qu’elle a été et de ses rêves.
Une manière de mieux comprendre
l’adulte qu’il ou elle est devenu(e).
Plongée dans le monde de l’imaginaire.
même une cabane dans un pommier sauvage.
Et si cette enfance avait un parfum?
Elle sentirait le lilas. A la sortie
des longs hivers de la NouvelleAngleterre, dans le Maine, nous
sentions que le printemps était
arrivé dès que les lilas étaient en
fleur.
Pendant les grandes vacances,
vous alliez voir la mer?
De temps en temps. Il nous arrivait de partir pour la journée avec
des amis et d’aller à la pêche aux
palourdes sur les plages de
l’océan Atlantique, sur les côtes
du Maine. Ou sur les rives d’un
lac. Nous n’allions pas beaucoup
en vacances, mes parents ne
pouvaient pas se le permettre,
donc nous partions pour la journée, des choses comme ça.
DR
Quel métier vouliez-vous faire
une fois devenu grand?
Petit, je ne pensais qu’au ski. Je n’ai
voulu être acteur que plus tard. J’ai
commencé à jouer dans quelques
pièces qu’à l’âge de 16, 17 ans et
c’est à partir de là que j’ai eu le
désir d’en faire ma profession.
La montagne vous manque-t-elle?
Oui, elle me manque. J’ai la chance
d’habiter la Californie. J’y suis
parfaitement heureux. Mais je
dois dire que quand je suis seul et
que je me remémore les moments
préférés de mon enfance, ce sont
ceux où les flocons de neige commençaient à tomber. Nous avions
des tempêtes de neige incroyables! Je me dépêchais de sortir les
skis pour faire du ski de fond dans
les bois. La neige est quelque
chose de magnifique, on s’y sent
enveloppé dans une couverture.
Quel était votre jouet préféré?
Encore aujourd’hui ce sont
les Lego.
Que construisiez-vous avec vos
Lego?
La conception des Lego était
différente à l’époque, il n’y avait
pas de modèles préétablis. On
était libre d’imaginer tout ce que
l’on voulait avec ces petites pièces
de plastique multicolores qui
s’emboîtaient les unes dans les
autres. Souvent c’étaient des
structures, des maisons, des
choses comme ça.
En avez-vous gardé une boîte?
Non. En fait je suis parti de la
maison à 17 ans, donc ma mère
avait gardé pas mal de choses. Et
quand ma famille a quitté notre
maison d’enfance pour emménager dans une autre, ma mère a
laissé pas mal d’objets derrière
elle. Mes enfants, plus particulièrement un de mes fils, jouent
beaucoup avec des Lego. Souvent
je m’assois, on parle et on joue
ensemble. C’est comme retourner
au bac à sable. C’est important de
retourner à ce genre de jeu,
quand on est adulte. Le grand
défi c’est de trouver le temps: faire
en sorte que le monde s’arrête
pour en profiter. C’est étrange
mais depuis mon partenariat
avec TAG Heuer, j’ai complètement revu ma notion du temps.
J’ai pris conscience de sa valeur.
Une seconde, un dixième de
seconde est plus important que je
ne pouvais l’imaginer. Si difficile
à obtenir, si facile à perdre. Ce qui
m’importe c’est de comprendre le
moment présent, de le vivre et
d’oublier le temps.
A quel jeu jouiez-vous
à la récréation?
A l’école? Le «soccer», ce que vous
appelez football. J’étais dans une
école qui proposait le baseball au
printemps et le foot.
Grimpiez-vous dans les arbres?
Comme j’habitais à la campagne,
j’ai passé énormément de temps à
grimper aux arbres. Je me rends
compte aujourd’hui combien je
suis attiré par la campagne plus
que par la ville. Quand on est
jeune, c’est différent: on est séduit
par les lumières des métropoles.
Mais maintenant j’aime la paix, la
tranquillité de la campagne. Il y a
une chose que j’apprécie
beaucoup en Europe, c’est cette
sensation que l’espace urbain a
beaucoup moins grignoté la
campagne qu’ici aux Etats-Unis.
Dans un monde idéal, j’aimerais
vivre et travailler en Europe. En
juin dernier, j’étais en France
pour courir les 24 Heures du
Mans, ma femme et ma fille
m’accompagnaient. Et tous les
trois, nous avons adoré faire de
longues balades sur une vieille
route de campagne, être en
interaction avec la nature. J’adore
aussi grimper aux arbres avec
mes fils. Il y a quelque chose
d’harmonieux, de profondément
vivant quand on entoure l’arbre
de ses bras et que l’on grimpe
jusqu’à la cime.
Que ressentez-vous quand vous
êtes en haut d’un arbre?
C’est un défi, je pense. Vous ressentez une certaine excitation
quand vous avez atteint le sommet. C’est très symbolique: vous
avez défié les éléments et vous y
êtes arrivé sans vous briser les os.
Quelle était la couleur de votre
premier vélo?
Blanc et rouge.
Quel super-héros rêviez-vous
de devenir?
Je n’ai jamais désiré devenir un
super-héros. Je n’étais pas passionné par les bandes dessinées.
De quel super-pouvoir vouliez-vous
être doté?
Je n’ai jamais pensé à cela.
Rêviez-vous en couleur ou en noir
et blanc?
Il me semble que j’ai rêvé parfois
en noir et blanc et d’autres fois en
couleur. J’essaie de me rappeler
mes rêves d’hier soir pour voir
s’ils sont colorés ou pas…
Quel était votre livre préféré?
Le premier livre que j’ai vraiment
aimé était The Outsiders (de Susan
Heloise Hinton, ndlr).
L’avez-vous relu depuis?
Non, cela fait très longtemps que
je ne l’ai pas relu. Ma fille a l’âge
de le lire mais elle est plus attirée
par les romans de science-fiction
comme Game of Thrones et Hunger
Games. J’essaie de diriger ses
lectures vers des livres plus
classiques, mais sans grand
succès.
Quel goût avait votre enfance?
Le goût de la pomme. Notre
maison était entourée de pommiers, j’en mangeais tout le
temps dans les arbres. J’avais
Savez-vous faire des avions
en papier?
(Rires). C’est drôle! Il y en a un
juste devant moi! Oui, j’en fais et
mon fils aussi, il y en a plein ici
et là dans la maison.
Aviez-vous peur du noir?
Oui, ça m’est arrivé. Nous avons
grandi dans une vieille ferme
avec des quantités de coins sombres comme l’escalier qui menait
au grenier, ou celui qui descendait à la cave et qui était particulièrement effrayant. Mes sœurs
s’amusaient à me faire peur en me
disant qu’il y avait quelque chose
d’effrayant tout en bas.
Vous souvenez-vous du prénom
de votre premier amour?
Non! Je n’ai jamais eu l’occasion
de lui parler. A l’école, nous
partagions notre cafétéria avec
un autre établissement. En classe,
mon bureau était près de la
fenêtre et tous les jours cette
incroyable fille blonde marchait
du bus à la cafétéria. Tous les
jours, assis à mon bureau,
j’attendais que le bus s’arrête et
que mon beau fantôme blond
fasse son apparition. C’était mon
premier amour et je ne lui ai
jamais parlé.
Et de l’enfant que vous avez été?
J’étais un enfant très bruyant,
plein d’énergie et turbulent,
comme mes garçons, je crois.
Est-ce qu’il vous accompagne
encore?
Encore plus aujourd’hui. Maintenant que j’ai des garçons, cette
partie de ma nature refait surface.
Je dois encore la nourrir, lui permettre d’évoluer en jouant plus.
Je l’incorpore dans ma vie quotidienne. Et cet enfant-là rencontre
plus de succès certains jours que
d’autres…
Retranscription et traduction:
Dominique Rossborough
www.volkswagen.ch
La probabilité
d’un retour des dinosaures
est d’env. 0.0000015%.
Donc pas nulle.
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Le nouveau Touareg. Avec de nouveaux systèmes d’assistance et de sécurité.
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rendement énergétique: D. Equivalent essence: 7.4 l/100 km.
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