Victor Hugo, Ruy Blas, 1838 Le dénouement de Ruy Blas Quelle

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Transcript Victor Hugo, Ruy Blas, 1838 Le dénouement de Ruy Blas Quelle

Victor Hugo, Ruy Blas, 1838
Le dénouement de Ruy Blas
Quelle image de l'amour Hugo montre-t-il aux spectateurs ?
I. Un amour qui rapproche des êtres exceptionnels :
1. Ruy Blas
a) Un héros romantique admirable, exemplaire :
"Triste flamme, éteins-toi !"
 Métaphore de la flamme : sa vie et son amour ardent –
conceptions romantiques.
+ Il choisit le suicide et non la fuite, que lui avait proposée don
Salluste : son amour est total, son dévouement est absolu, aucun calcul
égoïste. Aucun aveuglement non plus : la fuite n'aurait pu être qu'une
solution provisoire, la reine aurait fini par tout savoir…
+ Il reste lucide, et pense à l'avenir de la reine : "Tout restera
secret"…
+ Le mot final, "Merci", la mort n'est rien par rapport à l'amour.
b) Une dimension religieuse, et même christique :
Attitude de la prière : Ruy Blas "à genoux", "joignant les mains",
"levant les yeux au ciel.
Le paragraphe dans le commentaire composé
Un paragraphe est une démonstration.
Si je veux prouver que le personnage de Ruy Blas, dans le dénouement de
la pièce qui porte son nom, revêt une dimension christique, je dois chercher des
arguments – ce sont des citations commentées.
Citations
"J'ai senti vaguement, à travers mon délire,
Une femme du peuple essuyer sans rien dire
Les gouttes de sueur qui tombaient de mon
front".
"Ayez pitié de moi, mon Dieu !"
"mon cœur crucifié".
Commentaires
// Sainte Véronique, le chemin de croix.
// "Mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné",
paroles du Christ sur la Croix.
La
métaphore
évoque
explicitement
la
"La reine le soutient dans ses bras."
"Montrant la porte.
Fuyez d'ici !
– Tout restera secret. – je meurs".
Crucifixion. Allitérations en C, R – douleur,
certes, mais aussi initiales de… Croix !
Cf. Mater Dolorosa (Mère de Douleur), Pietà
(Vierge de Pitié).
 se sacrifie pour sauver la reine // Le Christ
meurt pour sauver les hommes.
Il faut à présent classer les arguments, en essayant d'aller du plus simple au
plus compliqué.
On pourrait proposer :
a) Le mot "crucifié".
b) Le sacrifice accepté (Ruy Blas est le "sauveur" de la reine).
c) Du chemin de croix à la mort : un parallélisme.
A présent, il s'agit de rédiger des phrases correctes, en insérant les
citations.
Dans le dénouement de Ruy Blas, Victor Hugo a conféré au personnage
éponyme une dimension christique, que plusieurs indices rendent manifestes. Le
héros lui-même parle de "[s]on cœur crucifié", et la métaphore qu'il emploie pour
exprimer sa douleur fait référence explicitement à la Crucifixion ; on pourrait même
avancer que les allitérations en [k] et en [r] présentes dans l'expression suggèrent les
sonorités initiales du mot "croix". Le comportement de Ruy Blas le rapproche aussi
de Jésus : il accepte de mourir pour sauver la reine, de même que le Christ a donné
sa vie pour assurer la rédemption des hommes. D'une manière encore plus décisive,
nous soulignerons le parallélisme entre la dernière journée de Ruy Blas et celle du
Christ, puisque le personnage de Hugo a
"senti vaguement, à travers [s]on délire,
Une femme du peuple essuyer sans rien dire
Les gouttes de sueur qui tombaient de [s]on front".
Cette femme anonyme et compatissante fait songer à sainte Véronique, et les
paroles de Ruy Blas : "Ayez pitié de moi, mon Dieu !" semblent être l'écho du cri
poignant : "Mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ?" Ajoutons que la reine qui
"soutient [Ruy Blas] dans ses bras" devient une Mater Dolorosa, une Pietà qui donne
à voir aux spectateurs l'image d'une Vierge de Douleur.
 Il s'agit d'une mort sublime, caractéristique du drame
romantique.
2. La reine
La reine est aussi un personnage exceptionnel :
a) Par sa situation sociale – qui ne l'empêche pas d'avouer son
amour pour un valet, reconnu comme tel : "Je t'aime !", "Ruy Blas !".
b) Par son dévouement :
"Auprès de l'hôpital que vous avez fondé"
 Charité, souci du peuple.
Apostrophe de Ruy Blas : "pauvre ange".
c) Par sa capacité à enfreindre tous les interdits : non seulement
les préjugés sociaux (les différences de classe sociale), mais aussi le
sacrement du mariage, son devoir de fidélité envers le roi ;
symboliquement, elle commet un adultère.
Cette transgression en fait un personnage aussi exceptionnel que
Ruy Blas, qui passe outre à l'interdiction chrétienne du suicide (et
surmonte la peur de la mort). Paradoxalement, les deux personnages
sont quasiment sanctifiés (Ruy Blas appelle la reine "mon ange") alors
qu'ils ne respectent pas la morale chrétienne.
3. Les deux personnages sont soumis à un destin exceptionnel
Tout ce qui, normalement, aurait dû éloigner les personnages
contribue au contraire à les rapprocher.
Les deux personnages appartiennent à des milieux sociaux
radicalement différents : noblesse / peuple, reine / laquais, pouvoir /
soumission.
En outre, le laquais de don Salluste est l'instrument de sa
vengeance contre la reine.
Et si on connaît l'intrigue, on sait que don Salluste a offert à Ruy
Blas la possibilité de s'enfuir avec la reine…
L'amour a donc pu naître en dépit de tout ce qui, rationnellement,
aurait pu l'empêcher ; ce sont même tous les obstacles qui ont fait
éclater, a contrario, les qualités exceptionnelles de Ruy Blas.
 Transition : Ce destin, c'est évidemment la volonté de Hugo, qui
a mis en scène un amour exceptionnel.
II. Un amour plus fort que tout ?
1. Un obstacle vaincu : La faute de Ruy Blas.
Je sens, ma trahison, comme vous la voyez,
Doit vous paraître horrible. Oh ! Ce n'est pas facile
À raconter. Pourtant je n'ai pas l'âme vile,
Je suis honnête au fond. – cet amour m'a perdu. –
Je ne me défends pas ; je sais bien, j'aurais dû
Trouver quelque moyen. La faute est consommée !
La "trahison" de Ruy Blas : il n'a pas dit la vérité à la reine…
Ce qui excuse sa "faute" :
a) Il l'avoue ;
b) Il la justifie par son amour.
2. Un obstacle vaincu : La fierté de la reine
Il est facile de repérer une progression, de la froideur affichée à
l'amour avoué.
 Monsieur...
Que voulez-vous ?
Que vous me pardonniez, madame !
Jamais.
 Don César !
Qu'avez-vous fait ? Dis-moi ! Réponds-moi ! Parle-moi !
César ! Je te pardonne et t'aime, et je te croi !
Du poison ! Dieu ! C'est moi qui l'ai tué ! – je t'aime !
Si j'avais pardonné ? ...
 Ruy Blas !
La fierté de la reine a cédé devant la fierté de Ruy Blas :
"Je m'appelle Ruy Blas."
3. Un rapprochement visible : voir la gestuelle.
 il tombe à deux genoux, l'œil fixé à terre, comme s'il n'osait
lever les yeux jusqu'à elle.
 Ruy Blas, toujours à genoux.
 Ruy Blas, joignant les mains.
 La Reine, se levant et courant à lui.
 La Reine, éperdue.
 La Reine, l'entourant de ses bras.
 Ruy Blas, Tenant la reine embrassée et levant les yeux au
ciel.
 La reine le soutient dans ses bras.
 La Reine, se jetant sur son corps.
Conclusion :
a) Bilan : la peinture de l'amour dans un drame romantique.
b) La mort de Ruy Blas : Pourquoi ?
Nécessité dramatique, historique : une liaison entre Ruy Blas et la
reine est impossible.
+ Symbole : La situation du peuple sous la monarchie… mais, en
même temps, la grandeur du peuple, capable de sentiments sublimes…