François Gallet 1 - Institut des Molécules et Matériaux du Mans

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1

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Colloque PHYSMED EURO INSTITUT Micro- et nano-mécanique à l’échelle cellulaire

François GALLET

Université Paris-Diderot (Paris 7)

Principaux domaines de recherche en physique

- « Deux infinis » : cosmologie, astrophysique, physique des particules AstroParticule et Cosmologie (APC) - Physique quantique et nanophysique : nano-electronique, nouveaux matériaux quantiques Matériaux et Phénomènes Quantiques (MPQ) - Physique macroscopique et biophysique : matière molle, physique non-linéaire, physique des systèmes biologiques Matière et Systèmes Complexes (MSC)

Interface Physique-Biologie

En quoi les concepts, les outils et les méthodes de la physique sont-ils pertinents pour la compréhension des phénomènes biologiques ?

Exemple : importance de l’environnement mécanique pour le vivant

Tensio n Traction Propulsion

http://www.microscopyu.com/ moviegallery/livecellimaging/index.html

Organisation d’une cellule animale Cellule eucaryote : avec noyau Cellule procaryote : sans noyau (bactéries)

Une architecture dynamique L’architecture et les propriétés mécaniques d’une cellule vivante sont contrôlées par le Cytosquelette, réseau de polymères biologiques constitué de plusieurs types de filaments interconnectés : - actine (en rouge) - microtubules (en vert) - filaments intermédiaires

(NB : bleu = noyau cellulaire

)

Réseau dynamique :

remodelage des filaments d’actine et des microtubules - polymérisation/dépolymérisation - agents réticulants - activité des moteurs moléculaires (myosines/actine ; kinésines/microtubule)

Principales fonctions du cytosquelette

•Morphologie cellulaire Cellules sanguines, cellules de l’épithélium, cellules musculaires, neurones •Rigidité Résistance à la traction ou à la compression •Polarisation cellulaire, adhésion, migration Polymérisation/dépolymérisation du cytosquelette Dynamique du réseau (agents réticulants + moteurs moléculaires) •Mouvements rapides - Muscles = contraction du réseau d'actine - Cils, flagelles = déplacement de la cellule (microtubules) •Trafic intracellulaire – Rails pour le transport de macromolécules ou de vésicules •Mitose – Microtubules -> fuseau mitotique

Moteurs moléculaires

Mouvement directionnel le long des filaments (=rails) Energie apportée par hydrolyse de l’ATP = carburant de la cellule Génération de force et transport de charge Principales fonctions Myosines Nb de protéines chez l’homme Actine 50 Contraction musculaire Transport de vésicules Récepteur de cellules sensorielles Kinésines 75 Transport axonal Transport de vésicules Division cellulaire Microtubule 10 Dynéines

D’après cours de Tim Mitchison, Harvard Univ.

Mouvement de cils et Flagelles Transport de vésicules Division cellulaire

La myosine, un moteur pas à pas

+ -

La plupart des myosines se déplacent vers l'extrémité (+) des filaments d'actine Moteur pas à pas, pas ~ 5 nm Force générée : quelques pN In Vitro Motility Assay filament d'actine myosine substrat Ron Vale (http://valelab.ucsf.edu)

Mécano-transduction Sensibilité du vivant à l’environnement mécanique et réponse induite

Effets connus sur les tissus :

 atrophie du squelette en l’absence de gravité  calcification d’un muscle immobilisé

Et sur les cellules:

 accroissement de la tension interne  réorganisation du cytosquelette  polarisation, migration, division  synthèse de protéines   expression de gènes mécanosensibles différentiation Durotaxis soft / hard soft / hard

Lo C-M. et al. Biophys J 2000

Différentiation de cellules souches induite par la rigidité du substrat Expression d’un gène mécano sensible par application d'une contrainte sur l'embryon de drosophile

Engler Discher Cell 126, 677 –689, 2006 E. Farge, Curr. Biol. 13, 1265 (2003)

Quelques illustrations

I – Propriétés mécaniques des cellules vivantes II – Etudes sur molécules uniques III – Mécanique des membranes biologiques IV - Adhésion cellulaire V - Moteurs moléculaires et trafic intracellulaire

I – Propriétés mécaniques des cellules vivantes

Echelle d’élasticité

(Pa 10 12 10 11 10 10 10 9 10 8 10 7 10 6 10 5 10 4 10 3 10 2 10 1 diamond glass ice steel lead wood fiberglass polystyrene epoxy polypropylene rubbers foamed polymers bone actin elastin Soft glassy matter: foams, slurries, pastes, emulsions, colloids, weak gels, cells

Tissus vivants : grandes disparités

D. E. Discher et al., Science 310, 1139 -1143 (2005)

Principaux outils pour la micromécanique cellulaire Informations sur la structure et la dynamique du cytosquelette : rigidité, stockage et dissipation de l'énergie mécanique, régulation de la tension interne - Micropipette, indentation cellulaire,

microscopie à force atomique (AFM)

- Déformation de l'ensemble de la cellule

extension de la cellule entre deux plaques

- Pinces optiques et magnétiques

piégeage d'une bille attachée à la membrane

- Substrat déformables

capteurs de force ou de déplacement

- Microrhéologie passive

mouvement diffusif de traceurs dans la cellule

or optical trap

Force contrôlée par la dépression constante appliquée D P Echelle 1pN à 100nN Ecoulement viscoélastique de la cellule dans la pipette

Micropipettes

(a) (b)

Déformation observée (a) déformation locale cellule traitée à la cytochalasine D contrôle Modèle : solide de Kelvin-Voigt µ k 2 k 1 (b) déformation globale (écoulement dans la pipette) Valérie Laurent thesis, Univ Paris 6 (2000)

Un peu de rhéologie Definitions : • Contrainte : force appliquée par unité de surface s = F/S • Déformation : déplacement normalisé e = D L/L 0 L 0 • s(e) fonction de réponse - Matériau purement élastique s= E e (extension uniaxiale) E module de Young s = m d e dt = m e m coef. de viscosité E m s D L S  F s

Un système viscoélastique simple : solide de Voigt E 1 s s =  s 1 s  = s 2 E ; e 1 e  = m  e 2 = e m 2 Fonction de fluage J(t) = Réponse à une échelon de contrainte s 0 à t=0 e s 0 /E s 0 J(t) = e (t) /s 0 J(t) = 1/E [1- exp(-t/ t )] avec t = m /E 0 t = µ/E t

Rhéomètre à cellule unique Fibroblaste étiré entre deux lamelles de verre

Thoumine et Ott, J. Cell Sci.

110

p 2109 (1997) N. Desprat, A. Guiroy, and A. Asnacios, Rev Sci Inst.

77,

055111 (2006)

Fonction de fluage Contrainte constante s = F S Déformation e (t) = L ( t ) L 0  L 0 Fonction de fluage J ( t ) = e ( s t ) 0.06

y = 0.01651 * x^(0.25677) R= 0.99972 0.05

0.04

0.1

J(t) = A t a Invariance d’échelle Pas de temps caractéristique distribution continue de temps de relaxation h k h’ k' y = 0.01651 * x^(0.25677) R= 0.99972 0.03

0.02

0.01

0 20 40 60 time (sec) 80 100 0.01

0.1

N. Desprat, A. Asnacios et al., Biophys J.

88

, 2224 (2005)

J(t) ~ t a 1 time (sec) 10 100

Mesures locales : pinces optiques ou magnétiques Cellules en culture sur substrat plan Bille manipulée optiquement ou magnétiquement Ø ~ qqs µm Filaments d'actine Ligands spécifiques des récepteurs de l'adhésion fibronectine noyau Billes attachées à des récepteurs de l'adhésion cellulaire liés à l'actine, et utilisées comme poignées pour exercer une traction sur le réseau d'actine cortical. Application d’une force F (constante ou oscillante) Mesure du déplacement x  réponse viscoélastique

Pinces optiques

Laser beam focused by a microscope objective Force exercée proportionnelle au gradient de l'intensité I  E²de l'onde électromagnétique 

F

= ( ) 

E

= a

2

 

E ²

Piégeage de l’objet au point d’intensité maximale Ordres de grandeur Taille de l'objet a  1 µm Puissance laser P  100 mW Force F  50 pN

Torsion magnétique (Optical Magnetic Twisting Cytometry - OMTC) Bille spécifiquement attachée au réseau d'actine à travers la membrane d'une cellule HASM Un champ magnétique orthogonal au moment magnétique de la bille exerce un couple et provoque sa rotation

B

Moment magnétique M

Module viscoélastique F(t) x(t) piège optique (ou torsion magnétique) extra-cellular matrix actin microtubule intégrin RGD Adherence protein Silica bead Force F sinusoïdale de fréquence f  module viscoélastique G(f) F(t) = F 0 e 2i p ft x(t) = x 0 e i(2 p ft d ) G(f) = x/F = |G(f)| e i d (f)

Single C2 cell 1000 0,9 100

|G(f)| = G 0 f a

0,6

Comportement en loi de puissance |G(f)| = G 0 f a

10 1 0,1

d = cste

1 10

f(Hz)

Frequency f (Hz) 0,3 0 100

Exposant a mesure le caractère +/- élastique ou dissipatif a = 1 solide élastique a = 0 liquide visqueux Pas de temps de réponse caractéristique dans ce réseau de polymères multiéchelles Analogie avec les matériaux « vitreux mous » ( mousses, émulsions, pâtes, coulis, milieux granulaires… ) caractérisés par : - désordre structurel - état hors équilibre - métastabilité

M. Balland et al. European Biophys. J.

34,

255 (2005) Fabry et al. Phys Rev Lett.

87

p 148102 (2001) Fabry et al. Phys Rev E 68, 041914 (2003)

Rôle des moteurs moléculaires Inhibition des moteurs par une drogue : la blebbistatine  déplace l'équilibre myosine attachée-détachée vers l'état détaché

single C2-7 cell 1000

a a = 0.19  = 0.24

100 1000 100 Single C2-7 cell with blebbistatin

a = 0.05  2  0 f<10Hz Avec blebbistatine

10 10 1 0,1

Sans blebbistatine

1 10 Frequency (Hz) 100 1 0,1 1 10 Frequency (Hz) 100

M. Balland et al. Eur Biophys. J.

34,

255 (2005) M. Balland thesis (2005)

Les moteurs génèrent une tension interne Contrôle Cellule traitée à la blebbistatine Actin filament Myosin II head En présence de blebbistatine, le réseau est : - moins rigide (diminution de la tension interne) - moins dissipatif (diminution de l'activité de glissement entre les filaments) Accord avec les observations

II – Etudes sur molécules uniques

Ex 1 : Mécanique d’un brin d’ADN

ADN = acide désoxy-ribo nucléique

Structure de l'ADN

Adénine Guanine (Désoxy)ribose Thymine Cytosine 4 nucléotides (bases) Les deux brins complémentaires d'ADN sont liés entre eux par des liaisons hydrogène entre les bases A-T et G-C. La séquence des bases azotées A, C, T, G, constitue l'information génétique.

Extension d’un polymère Modèle d’élasticité pour un polymère  L’extension du polymère diminue le nombre de configurations accessibles Diminution d’entropie  coût en énergie libre Il faut fournir un travail extérieur pour étendre la molécule

Modèle du ver (Worm Like Chain – WLC) Le polymère a une flexibilité finie caractérisée par une longueur de persistance x (rayon de courbure spontané) q (s) E = Energie libre de la molécule : k B T  x 2 ( ) 2  F cos( q ( s )) ds x L L 0 Solution approchée F = k B x T   4 ( 1  1 L / L 0 ) 2   L 0   F Bustamante et al. Science

265

p 1599 (1994) Marko and Siggia, Macromolecules

28

p 8759 (1995)

Comment étirer un brin d’ADN ? Bille magnétique soumise - à un champ magnétique horizontal force verticale F - à un gradient de champ magnétique vertical =  M  B Rotation des aimants  rotation de la bille Strick et al. Biophys. J.

74

p 2016 (1998)

Courbes d’extension

Bustamante et al. Science

265

p 1599 (1994)

(pinces optiques) Comparaison avec la theorie WLC : Longueur de persistance de l’ADN x = 53 nm Strick et al. Biophys. J. 74 p 2016 (1998) (pinces magnétiques)

Surenroulement de l’ADN Torsion imposée par le champ tournant  formation de plectonèmes (raccourcissement du brin) Sous tension, le brin retrouve sa longueur initiale Asymétrie selon le sens de la torsion imposée (torsion propre de l’ADN) Strick, Croquette, Bensimon, Nature

404

p 901 (2000)

Relaxation du surenroulement en présence de topoisomérase

la topoisomérase II permet le croisement de deux brins d’ADN (en présence d’ATP)  ouverture des plectonèmes  Mesure des paramètres cinétiques de la réaction temps caractéristique du cycle : 28s T. Strick et al., Nature, 404, p901 (2000)

1

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Colloque PHYSMED EURO INSTITUT Micro- et nano-mécanique à l’échelle cellulaire (2)

Quelques illustrations

I – Propriétés mécaniques des cellules vivantes II – Etudes sur molécules uniques 1 – Etirement d’un brin d’ADN 2 – Rupture d’une liaison moléculaire (3 – Mouvement d’un moteur moléculaire) III – Mécanique des membranes biologiques IV - Adhésion cellulaire V - Moteurs moléculaires et trafic intracellulaire

Ex 2 : Rupture d’une liaison moléculaire

Système étudié : couple biotine (vitamine B) + avidine (système modèle récepteur-ligand)

(Kumar Sinniah web site)

(d'apres Moy et al. Science. 264(5157):415-417, April 15, 1994. http://edoc.hu-berlin.de/conferences/conf1/moy-v-t/PDF/Moy.pdf)

Force de rupture d'une liaison Interaction Biotin-Avidin : plusieurs événements successifs de rupture de liens (V. Moy, web site) Histogramme des forces de rupture mesurées pour le couple biotine/avidine

Adhesion Forces Between Individual Ligand Receptor Pairs.

Science. 264(5157):415-417, April 15, 1994. Rupture d'un seul lien : F = 160  20 pN

Modèle de Bell - Evans pour la rupture du lien A -E 0 B x A E b = E 0 -Fx A Paysage énergétique en présence d'une force F : Barrière énergétique E b = E 0 -Fx A Probabilité par unité de temps de franchir la barrière (rupture du lien) p(F, t) = f 0 exp (-E b /k B T) La force de rupture la plus probable est : F .

x A k B T = ln    x A r k B Tf 0    r = taux de charge (vitesse d’extension)

Ex 3 : Mouvement d’un moteur moléculaire Moteur kinésine-microtubule Block et al. (1990) Nature

348

348-352

Mesure de la force et du pas élémentaire - Force maximale exercée ~ 6 pN - Déplacement élémentaire ~ 8 nm = périodicité de structure du microtubule -Kurashi et al., in "Laser tweezers in cell biology" Academic Press, p. 126 (1998) -www.stanford.edu/group/blocklab/opticaltweezers