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Spectrométrie d’émission des rayons X. Fluorescence X par Jacques DESPUJOLS Ingénieur E.C.P., Ingénieur-Docteur, Docteur ès sciences Ancien Professeur à l’Université de Reims-Champagne-Ardenne 1. 1.1 1.2 1.3 Principes de la spectrométrie d’émission X..................................... Raies d’émission X ...................................................................................... Différents types de spectromètres X.......................................................... Procédés d’excitation des spectres X ........................................................ 2. 2.1 2.2 Spectromètres de fluorescence X usuels ......................................... Constitution des spectromètres à dispersion de longueur d’onde ......... Constitution des spectromètres à dispersion d’énergie .......................... — — — 7 7 8 3. 3.1 3.2 3.3 3.4 Pratique de l’analyse............................................................................... Analyses qualitative, quantitative et semi-quantitative ........................... Préparation des échantillons ...................................................................... Étalonnage et corrections ........................................................................... Opérations automatiques et manuelles..................................................... — — — — — 10 10 11 11 12 4. 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 Que peut-on attendre de la spectrométrie des rayons X ?........... Éléments envisageables, matrices, teneurs .............................................. Interférences possibles dues à la superposition de raies ........................ Précision et sensibilité................................................................................. Durée et coût................................................................................................ Comparaison avec les autres méthodes.................................................... — — — — — — 13 13 13 14 14 15 5. 5.1 5.2 5.3 5.4 5.5 5.6 5.7 Exemples .................................................................................................... Industrie minière et cimenteries................................................................. Métallurgie ................................................................................................... Chimie et géologie....................................................................................... Biologie et médecine................................................................................... Études de pollution...................................................................................... Analyses de surfaces et de couches minces ............................................. Microscopie X analytique ........................................................................... — — — — — — — — 15 15 15 15 16 16 17 17 6. Conclusion ................................................................................................. — 18 Pour en savoir plus ........................................................................................... P 2 695 - 2 — 2 — 4 — 5 Doc. P 2 695 D epuis 1895, date de la découverte du rayonnement X par W. Röntgen, les nombreux travaux concernant aussi bien l’émission de ce rayonnement que son interaction avec la matière ont conduit au développement de puissantes méthodes d’analyse, utilisables en laboratoire de recherche ou de contrôle, et même dans certains cas in situ. ■ La diffusion des rayons X par la matière permet, notamment par l’observation de phénomènes d’interférence (diffraction), de connaître l’organisation interne de celle-ci, et d’étudier la structure des cristaux et des molécules ; elle permet aussi la détection et l’étude des contraintes et des défauts dans de nombreux matériaux. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 1 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ ■ L’absorption du rayonnement X dépendant non seulement de la nature et, dans une moindre mesure, de la structure des matériaux constituant l’absorbant, mais aussi de la longueur d’onde du rayonnement, les techniques spectrométriques sont utilisées avec profit pour l’analyse chimique élémentaire (analyse par spectrométrie X d’absorption) ainsi que pour l’analyse de structure des molécules (Extended X-ray Absorption Fine Structures, ou EXAFS et X-ray Absorption Near Edge Structures, ou XANES). ■ Mais ce sont les spectres d’émission qui ont conduit aux techniques les plus performantes pour l’analyse qualitative et quantitative élémentaire de la matière solide ou liquide ; les appareils correspondants diffèrent suivant le procédé d’excitation des spectres : — l’excitation électronique (on dit aussi cathodique) est utilisée actuellement, essentiellement, dans les microsondes électroniques et dans les microscopes électroniques analytiques, notamment dans les microscopes électroniques à balayage (voir les articles correspondants dans ce traité) ; — l’excitation à l’aide d’un tube à rayons X ou de radioéléments a donné lieu à toute une constellation d’appareils d’analyse que nous étudierons dans cet article. Nous verrons que ces appareils, utilisés tout d’abord principalement dans les industries métallurgiques, minières, pétrolières et dans les cimenteries, sont devenus maintenant universels ; — enfin d’autres procédés d’excitation, demandant des installations plus lourdes [79] [80], sont aussi utilisés avec succès pour l’analyse. 1. Principes de la spectrométrie d’émission X Les énergies des niveaux internes sont très peu modifiées par la liaison chimique. 1.1.2 Transitions entre niveaux Concernant les études de structures par rayons X, le lecteur pourra se reporter aux articles [76] [77] [78] [79]. 1.1 Raies d’émission X On trouvera la description des spectres d’émission X dans l’article [81] de ce traité. Nous nous contenterons de rappeler ici ce qui est nécessaire pour la compréhension de la suite de cet article. 1.1.1 Niveaux d’énergie des électrons atomiques Les électrons constituant le cortège électronique des atomes libres sont situés sur des niveaux d’énergie bien définis, correspondant aux différentes couches (K, L, M, etc.) et sous-couches : — deux électrons, au maximum, sont sur la couche K (la plus énergétique en valeur absolue) ; — huit, au maximum, se trouvent sur la couche L, subdivisée en sous-couches L1 , L2 et L3 ; — dix-huit, au maximum, remplissent la couche M, subdivisée en sous-couches M1 , M2 , M3 , M4 , M5 , etc. Ces niveaux ont une certaine largeur, en général négligeable sauf pour les sous-couches les plus externes (c’est-à-dire les moins énergétiques en valeur absolue) qui interviennent dans la liaison chimique. P 2 695 − 2 Sous l’influence d’un événement venant de l’extérieur (arrivée d’une particule chargée ou d’un rayonnement d’énergie suffisante), un électron du cortège électronique d’un atome, situé sur un certain niveau d’énergie Ex (rappelons que cette énergie est négative), peut être arraché de la couche à laquelle il appartient. La place libre est susceptible d’être comblée par un électron situé sur un autre niveau d’énergie Ey > Ex , avec émission d’un rayonnement électromagnétique ; la fréquence ν de celui-ci, est telle que : hν = Ey – Ex = |Ex| – |Ey| avec h (6,626 × 10–34 J · s) constante de Planck. ν étant donc bien défini, cette émission donne lieu à une « raie ». À chaque couche correspond une « série » de raies (tableau 1). Les transitions correspondant aux raies les plus intenses sont celles qui obéissent aux règles de sélection optiques. Le lecteur pourra se reporter utilement à l’article [83] dans le traité Constantes physico-chimiques. On désigne les raies soit par la dénomination des niveaux Ex et Ey (par exemple, K-L3 [18]), soit par un symbole débutant par la dénomination de la série (K, L, M...) dont il fait partie ; les raies les plus intenses des séries K et L sont les raies Kα1 et Lα1. 1.1.3 Longueurs d’onde. Loi de Moseley À chaque raie, pour un atome donné, correspond une fréquence ν, donc une longueur d’onde λ = c/ν bien définie, c étant la vitesse des ondes électromagnétiques dans le vide. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X Tableau 1 – Spectres d’émission K et L du molybdène (Z = 42) Série K λ Raie (1) Série L E I Raie (1) λ E (pm) (keV) (nm) (eV) K – L2 Kα2 71,36 17,37 52 L3 – M 1 Lᐉ 0,6151 2 016 K – L3 Kα1 70,93 17,48 100 L3 – M 4 Lα1 0,5414 K – M2 Kβ3 63,29 19,59 8 L3 – M 5 Lα1 0,5407 K – M3 Kβ1 63,23 19,61 17 L3 – N5 Lβ2 K – M4, 5 Kβ5 62,70 19,77 L3 K – N2, 3 Kβ2 62,10 19,97 K – N4, 5 Kβ4 62,01 K 61,98 abs. I Raie (1) λ E I (nm) (eV) 4 L2 – M1 Lη 0,5848 2 120 1 2 290 11 L2 – M4 Lβ1 0,5177 2 395 43 2 293 100 L2 – N4 Lγ1 0,4726 2 623 2 0,4923 2 518 4 abs. L2 0,4718 2 628 0,4913 2 524 L1 – M2 Lβ4 0,5049 2 456 3 19,99 L1 – M3 Lβ3 0,5013 2 473 5 20,00 abs. L1 0,4299 2 884 abs. 5 (1) abs. K, abs. L3 , abs. L2 , abs. L1 : discontinuités d’absorption On a souvent besoin de la relation entre la longueur d’onde et l’énergie E d’une raie ; celle-ci est presque toujours mesurée en électronvolts (eV) : 1 eV = 1,602 × 10–19 J. Tous calculs faits, cette relation est : λ (nm) = 1 239,85/E (eV) ; la relation approchée λ (nm) = 1 240/E (eV) est en général suffisante. Les longueurs d’onde de presque toutes les raies des éléments connus ont été mesurées avec précision et tabulées (cf. article [82] dans le traité Constantes physico-chimiques) ; on les exprime souvent encore en angströms (Å) ; l’unité X (uX) n’est plus utilisée [18] : 1 Å = 10–10 m = 0,1 nm 1 uX = 1,002 1 × 10–4 nm À titre d’exemple sont consignées dans le tableau 1 les longueurs d’onde, les énergies et les intensités relatives des principales raies des séries K et L du molybdène (Z = 42) ; ne figurent pas dans ce tableau les raies L dont les intensités relatives sont inférieures à 1 %, la raie la plus forte Lα1 étant prise comme référence. Sont notées aussi dans ce tableau les énergies et les longueurs d’onde correspondant aux niveaux K, L1 , L2 et L3 ; ces dernières constituent des limites inférieures pour les longueurs d’onde des raies de la série K et des sous-séries L1, L2 et L3 ; notées « abs. » dans le tableau 1, elles correspondent aux discontinuités d’absorption étudiées au paragraphe 1.3.3. On peut remarquer que les longueurs d’onde des raies Kα1 et Kα2 sont très proches l’une de l’autre ; elles ne sont en général pas séparées par les spectromètres usuels et constituent le doublet Kα1, 2 , appelé simplement Kα ; cette remarque est valable pour tous les éléments, le rapport des intensités des deux composantes de ce doublet est toujours voisin de 2. D’autres doublets sont aussi observables. Les énergies, donc les longueurs d’onde, de toutes les raies, peuvent être reliées au numéro atomique Z des éléments (figure 1) à l’aide des nombres quantiques et de constantes d’écran ; la relation approchée la plus simple avait été trouvée par H.G.J. Moseley en 1913 : ν = k (Z – σ ) Figure 1 – Longueurs d’onde et énergies des raies d’émission Kα1, Lα1 et Mα, ainsi que des discontinuités d’absorption K, L1 et M3, pour les différents éléments en fonction de leur numéro atomique Z avec k Z ν σ constante, numéro atomique, fréquence, constante d’écran voisine de l’unité pour la série K. 1.1.4 Effet de la liaison chimique Nous avons parlé jusqu’à présent de l’atome libre ; la liaison chimique déplace légèrement les niveaux atomiques dans les composés ; ce phénomène est utilisé notamment dans l’ESCA. Le changement de configuration des électrons de valence conduit en effet à des modifications d’énergie de l’ordre de quelques électronvolts : l’énergie de liaison est augmentée quand des électrons sont perdus et diminuée quand des électrons sont ajoutés ; cela se traduit par des déplacements des discontinuités d’absorption, qui se font, dans le cas des métaux, vers les grandes énergies et croissent approximativement proportionnellement à la valence du cation (règle de Kunzl), à moins d’être supprimés par le caractère covalent de la liaison ou augmentés s’il se forme une liaison métalmétal. Les niveaux de chaque atome sont en général déplacés dans le même sens ; les plus affectés sont ceux des électrons qui partici- Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 3 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ pent à la liaison : ce sont les moins profonds ; les transitions partant de ces niveaux correspondent aux raies proches des discontinuités d’absorption. On peut donc mesurer les déplacements de certaines raies, notamment dans le domaine des grandes longueurs d’onde, avec des spectromètres de résolution suffisante [16]. De nombreuses applications, notamment en chimie analytique, en découlent (cf. § 5.3). 1.2 Différents types de spectromètres X L’analyse d’un faisceau de rayons X polychromatique exige la présence d’un système dispersif ; deux types de systèmes se font concurrence : l’un utilise les phénomènes de diffraction des rayons X par les cristaux (dispersion en longueur d’onde), et l’autre la sensibilité de certains capteurs à l’énergie des photons détectés (dispersion en énergie, appelée encore, de manière plus correcte, sélection d’énergie). Certains appareils combinent ces deux types de dispersion (on parle alors de fluorescence multidispersive) ; la dispersion en énergie est alors employée de préférence pour les éléments de numéro atomique élevé (Z > 20). Sont commercialisés aussi des appareils utilisant un seul type de dispersion mais configurés en vue d’analyses spécifiques (minerais, céramiques, huiles et produits pétroliers, plaquettes de silicium...). 1.2.1 Spectromètres à dispersion en longueur d’onde Le sigle anglais correspondant est WDS (Wave-length Dispersive Spectrometry ). Leur principe repose sur la réflexion sélective d’un faisceau de rayons X par un cristal avec utilisation de la loi de Bragg : n λ = 2d sinθ avec d distance réticulaire du cristal analyseur pour la réflexion utilisée, λ 2θ longueur d’onde, n (nombre entier positif souvent égal à l’unité) ordre de la réflexion. angle du faisceau réfléchi avec le faisceau incident, Ces spectromètres peuvent être à cristal plan ou à cristal courbé [19]. 1.2.1.1 Spectromètres à cristal plan Le principe en a été donné il y a fort longtemps par W.L. Bragg. Le cristal analyseur est taillé de manière que les plans réticulaires utilisés soient parallèles à sa surface utile. Le faisceau incident étant fixe, le balayage en longueur d’onde est effectué à l’aide d’une rotation du cristal à vitesse angulaire ω, constante, associée à une rotation du détecteur à vitesse angulaire double 2ω. La direction du faisceau incident et très souvent celle du faisceau réfléchi sont définies à l’aide de canaliseurs dits fentes de Soller constitués par des ensembles de lames absorbantes parallèles et équidistantes, plus ou moins resserrées suivant la précision désirée sur l’angle θ. Ce sont des considérations sur le pouvoir réflecteur, la résolution désirée et surtout le domaine de longueurs d’onde exploré qui déterminent le choix du cristal ; pour les très grandes longueurs d’onde, celui-ci peut être remplacé par un système formé par un empilement de monocouches orientées de sels d’acides gras (couches de Langmuir-Blodgett) ou de couches constituées alternativement d’éléments de numéros atomiques très différents, par exemple, du carbone et du tungstène (systèmes « multicouches »). Des spectromètres de très grande résolution peuvent être obtenus à l’aide de deux cristaux ; le premier cristal est fixe, et les fentes P 2 695 − 4 de Soller sont alors inutiles ; le domaine de longueurs d’onde exploré et la luminosité sont relativement faibles, et les réglages sont délicats ; les spectromètres à deux cristaux sont donc réservés à des études de spectrométrie fine. 1.2.1.2 Spectromètres à cristal courbé Conçus à l’origine pour des enregistrements de spectres sur des émulsions photographiques, sans aucune pièce mobile, ils ont été modernisés et sont utilisés notamment dans les microsondes. Le cristal est courbé suivant une portion de cylindre de rayon R, ce qui permet une focalisation du rayonnement réfléchi sur un cylindre de rayon R/2, analogue au cylindre de Rowland bien connu en spectrométrie optique. Les faisceaux incident et réfléchi peuvent être du même côté du cristal (spectromètres de Johann et de Johansson) ou de part et d’autre (spectromètre de Cauchois). Ces spectromètres sont lumineux et possèdent une très bonne résolution. Leur réalisation est cependant moins simple que celle des spectromètres à cristal plan, car la distance entre cristal et détecteur doit être asservie à l’angle θ. Un cristal courbé suivant un arc de spirale logarithmique donne une focalisation rigoureuse ; mais à chaque longueur d’onde doit correspondre alors un pas de spirale différent ; on a alors affaire à un monochromateur plutôt qu’à un spectromètre. Cependant, dans certains appareils, le cristal est à courbure variable. 1.2.1.3 Détecteurs Ces spectromètres sont toujours équipés d’un détecteur (compteur) de photons. Le compteur Geiger, bien que peu coûteux et d’emploi facile, n’est plus guère utilisé ; on lui préfère le compteur à scintillations et surtout le compteur proportionnel ; celui-ci peut être soit de type scellé (pour les longueurs d’onde faibles ou moyennes), soit à flux gazeux (pour les grandes longueurs d’onde). Les détecteurs linéaires ne sont pas encore utilisés de manière courante en spectrométrie X. Les impulsions électriques issues du compteur sont préamplifiées, puis traitées comme un signal par une électronique associée. 1.2.2 Spectromètres à dispersion d’énergie Le sigle anglais correspondant est EDS (Energy Dispersive Spectrometry ) ; ces spectromètres sont aussi quelquefois appelés spectromètres non dispersifs. Ils ne comportent pas de pièce mobile. L’organe essentiel est le détecteur ; celui-ci est sensible non seulement au flux mais encore à l’énergie hν des photons reçus : il délivre des impulsions électriques de hauteur proportionnelle à hν ; un sélecteur d’amplitude permet donc l’analyse en énergie du rayonnement. Les détecteurs les plus utilisés actuellement sont le compteur proportionnel et surtout le « silicium-lithium » (monocristal de silicium compensé partiellement au lithium), en abrégé Si (Li) ; ce dernier doit être conservé de préférence au réfrigérateur en dehors des périodes de fonctionnement et refroidi à l’azote liquide pendant les périodes de fonctionnement. On peut cependant se contenter souvent d’un refroidissement par effet Peltier. La résolution du spectromètre dépend essentiellement de la résolution énergétique du détecteur ; soit E0 l’énergie nécessaire pour ioniser (ou créer une paire électron-trou dans le cas d’un semiconducteur) la partie active du détecteur ; un photon d’énergie E absorbé par celle-ci crée en moyenne N = E/E0 charges ; la distribution du nombre de charges créées n’est pas tout à fait poissonnienne, car elle est adoucie par le facteur de Fano F < 1, qui tient compte des corrélations entre événements. L’écart type σN de la distribution des charges ainsi que l’écart type σ pour l’énergie sont donnés par : 2 σN = FN et σ 2 = FEE0 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X Figure 3 – Comparaison des courbes de distribution spectrale des anticathodes de tungstène, de molybdène et de chrome (45 kV) (d’après [11]) 1.3.1 Tubes à rayons X Les tubes à rayons X sont universellement utilisés ; ils sont constitués par une enceinte vidée, dans laquelle un faisceau d’électrons, accélérés grâce à une tension électrique continue V, donc d’énergie W = e V (e = valeur absolue de la charge de l’électron), frappe une cible métallique. Cette cible est appelée « anode » parce qu’elle est portée à un potentiel positif par rapport à la source d’électrons (« cathode ») ; elle est aussi appelée « anticathode », en souvenir des premiers tubes à rayons X (tubes de Crookes modifiés). Figure 2 – Élargissement ∆E des raies, en fonction de leur énergie, en spectrométrie par sélection d’énergie, pour différents détecteurs Les électrons sont ralentis dans la cible, en émettant un rayonnement de freinage (Bremsstrahlung), dont le spectre est continu et dont l’énergie maximale est W. Ce rayonnement est d’autant plus intense que le numéro atomique du métal constituant la cible est plus élevé (figure 3). Pour une répartition gaussienne, la largeur à mi-hauteur est égale à 2,355 σ. Dans le cas du compteur proportionnel, le gain interne apporte un facteur supplémentaire f qui s’ajoute au facteur de Fano, en en réduisant le bénéfice : on a alors à peu près F + f = 1. Le rapport entre l’énergie émise sous forme de rayonnement et l’énergie fournie au tube (produit de la tension V appliquée par l’intensité du faisceau électronique) est approximativement égal à : Il faut tenir compte aussi du bruit de l’électronique associée qui contribue à l’élargissement de la raie par un terme ∆Eel qui dépend de la température. Finalement l’élargissement ∆E d’une raie gaussienne dû à l’appareillage est tel que : (∆E )2 = (2,355 σ )2 + (∆Eel )2 La résolution varie donc avec l’énergie E du rayonnement (figure 2). 1.3 Procédés d’excitation des spectres X Pour provoquer l’émission d’une raie d’énergie hν = |Ex| – |Ey|, il faut fournir à l’atome concerné une énergie au moins égale à |Ex| ; cela peut être fait notamment au moyen de particules chargées (des électrons dans le cas des tubes à rayons X) ou d’un rayonnement X « primaire ». 1,1 × 10–9 ZV avec Z numéro atomique de l’élément constituant l’anode, V tension appliquée en volts. Ce rendement est faible (0,4 % pour une anode de tungstène et une tension de 50 kV). L’énergie restante est dissipée sous forme de chaleur, et l’anode doit donc être refroidie, en général par une circulation d’eau. Si l’énergie W est suffisante pour extraire des électrons atomiques de la cible, le spectre caractéristique de celle-ci est également émis. Le rayonnement issu d’un tube à rayons X comprend donc à la fois un rayonnement continu, dont la longueur d’onde minimale est λ (nm) = 1 240/W (eV), et un spectre de raies. Le rapport entre l’intensité contenue dans les raies et l’intensité totale émise par le tube augmente d’abord rapidement quand la tension appliquée V croît à partir de |Ex|/e, puis ne varie plus guère à partir d’une certaine valeur de V (voisine de 3 |Ex|/e dans le cas du cuivre). Ce rapport vaut environ, pour V = 40 kV, 38 % pour le tungstène, et 72 % pour le chrome. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 5 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ 1.3.2 Utilisation d’un rayonnement primaire : phénomène de fluorescence X Si le rayonnement issu d’un tube à rayons X, ou d’une source radioactive γ, est absorbé par un matériau, il peut provoquer l’émission par celui-ci de son spectre X ; les raies de la série K sont excitées par la partie du rayonnement primaire d’énergie supérieure à EK , c’est-à-dire de longueur d’onde inférieure à : λK = 1 240/EK ; il en est de même pour les séries L, M, etc., avec des longueurs d’onde limites égales à λL1 , λL2 , λL3 , λM 1, λM2 , etc. Le spectre émis est dit « de fluorescence » (en anglais : X-Ray Fluorescence, XRF), par analogie avec le phénomène bien connu en lumière visible : un rayonnement blanc peut, grâce aux radiations bleues, violettes, ou même ultraviolettes qu’il contient, exciter la fluorescence d’une peinture spéciale (appelée « fluorescente ») jaune ou verte par exemple, correspondant à des énergies plus faibles, donc à des longueurs d’onde plus grandes. L’énergie maximale du rayonnement primaire étant plus grande que |Ex|, le surplus d’énergie sert à communiquer une certaine vitesse aux électrons extraits de la couche correspondante ; ces électrons sont appelés « photoélectrons » et le phénomène global n’est autre que l’effet photoélectrique. L’étude de ce phénomène nécessite la connaissance des lois gouvernant l’absorption des rayons X par la matière. 1.3.3 Absorption du rayonnement X par la matière Pour un rayonnement parallèle monochromatique, la loi de BeerLambert est applicable. Soit µ le coefficient d’atténuation linéaire d’un échantillon homogène d’épaisseur x et I0 l’intensité du rayonnement à l’entrée de l’échantillon ; l’intensité I à la sortie est : I = I0 exp (– µx ). On utilise de préférence les coefficients d’atténuation massiques µ/ρ = µij, ρ désignant la masse volumique du matériau, i sa nature et j la longueur d’onde du rayonnement [22]. On peut écrire, si l’énergie du rayonnement est inférieure à 1 024 keV (ce qui sera toujours le cas dans le cadre de cet article) : µij = τij + σij avec τij = τ/ρ σij = σ/ρ coefficient massique de photoabsorption, coefficient massique d’absorption due à la diffusion, souvent négligeable devant le premier qui joue un rôle essentiel dans le phénomène de fluorescence. Les coefficients τ/ρ et µ/ρ correspondant aux différents éléments dépendent essentiellement de leur numéro atomique et de la longueur d’onde ; ils sont connus et tabulés ; on les exprime en général en cm2/g. Un exemple de variation de µ/ρ avec la longueur d’onde est donné sur la figure 4. On utilise aussi les sections efficaces σ liées aux coefficients d’absorption par des relations du type : σ = µA/ρNA A masse atomique, NA nombre d’Avogadro. Les discontinuités (ou seuils) d’absorption (en anglais : absorption edges ), notées abs. K, abs. L1 , abs. L2 , abs. L3 , correspondent aux longueurs d’onde λK , λL1 , λL2 , λL3 considérées plus haut. En effet, un rayonnement incident monochromatique ne subit de photoabsorption en couche K, par exemple, que s’il est susceptible avec P 2 695 − 6 Figure 4 – Variation du coefficient d’absorption massique µ/ρ du molybdène en fonction de la longueur d’onde λ d’extraire un électron de la couche K, c’est-à-dire si sa longueur d’onde λ est inférieure à λK ; de même si λ < λL1 , il peut ioniser les couches L , M ,... On appelle saut d’absorption j (en anglais : absorption jump factor ) le rapport (supérieur à l’unité) entre les valeurs de µ/ρ mesurées pour des longueurs d’onde situées juste en dessous et en dessus d’une discontinuité. Entre deux discontinuités, le coefficient τ/ρ relatif à l’élément de numéro atomique Z est sensiblement proportionnel à Z 3 λ3. L’effet d’absorption est additif : si un échantillon est composé de n éléments i dont les teneurs massiques sont Ci , on a : n ∑ µ ⁄ ρi Ci µ /ρ = i=1 Exemple : absorption de la radiation Kα du chrome (λ = 0,2291 nm) par 20 cm d’air (dont la masse volumique est 0,0013 g/cm3). Pour 75,5 % d’azote, on a : (µ/ρ )1 = 23 cm2/g ; (µ/ρ)1 C1 = 23 × 75,5/100 = 17,37 cm2/g ; Pour 23,2 % d’oxygène, on a : (µ/ρ )2 = 33,5 cm2/g ; (µ/ρ)2 C2 = 33,5 × 23,2/100 = 7,77 cm2/g ; Pour 1,3 % d’argon, on a : (µ/ρ)3 = 320 cm2/g ; (µ/ρ)3 C3 = 320 × 1,3/100 = 4,16 cm2/g ; soit au total : .................................................................... µ/ρ = 29,30 cm2/g et I/I0 = exp (– 29,3 × 0,0013 × 20) = 0,47. 1.3.4 Intensités des raies de fluorescence X 1.3.4.1 Cas de l’atome isolé Considérons un atome ionisé : la probabilité pour qu’un électron issu d’une couche extérieure vienne prendre la place vacante en émettant une raie X est appelée rendement de fluorescence ω ; ce rendement est inférieur à l’unité, par suite de l’existence d’autres phénomènes, notamment l’effet Auger (cf. articles [83] [84] des Techniques de l’Ingénieur) ; il est toutefois proche de l’unité pour l’ionisation en couche K et pour les valeurs élevées de Z ; il est plus faible pour les ionisations L et M et il diminue rapidement quand Z diminue (figure 5) ; l’intensité d’une raie est donc a priori propor- Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X s’il n’y a pas d’effets secondaires, le rapport R = I/I0 dépend naturellement de C, mais aussi de l’absorption de la matrice (figure 6). Des effets secondaires peuvent apparaître, par exemple, si la matrice comprend des éléments susceptibles d’émettre des raies sous l’effet du rayonnement primaire ; ces raies peuvent en effet à leur tour, si leur énergie est suffisante, exciter l’élément recherché donc augmenter l’intensité de la radiation qu’il émet (effet d’exaltation ou excitation préférentielle, appelé aussi effet de fluorescence secondaire), en étant partiellement absorbées. Ces effets d’excitation et d’absorption préférentielles sont appelés effets interéléments ; ils peuvent se combiner si plusieurs éléments sont en jeu et changer les valeurs des intensités relatives ; les rapports apparents des concentrations sont alors modifiés. On conçoit aisément que ces effets peuvent être extrêmement gênants ; la principale difficulté de l’analyse quantitative par spectrométrie de fluorescence X réside en leur atténuation ou leur correction. Figure 5 – Variation du rendement de fluorescence ω en fonction du numéro atomique Z des éléments 2. Spectromètres de fluorescence X usuels Les appareils que nous allons décrire sont destinés essentiellement à l’analyse chimique élémentaire qualitative et quantitative ; ils sont dits séquentiels si, dans le cas où plusieurs éléments sont à rechercher ou à doser, l’analyse se fait un élément après l’autre. Ils sont dits simultanés (ou multicanaux) si l’analyse de plusieurs éléments peut se faire en même temps. 2.1 Constitution des spectromètres à dispersion de longueur d’onde 2.1.1 Spectromètres séquentiels courbe I matrice légère courbe II matrice lourde Figure 6 – Variation de l’intensité relative R d’une raie de fluorescence X d’un élément en fonction de sa concentration C dans une matrice neutre tionnelle au rendement de fluorescence qui est le même pour chaque série ou sous-série. On a pu, d’autre part, mesurer et souvent calculer, de manière approximative, les rapports entre les intensités des raies d’une même série (tableau 1) (cf. article [83] dans le traité Constantes physico-chimiques). On a presque toujours intérêt à se servir, pour l’analyse chimique, des raies les plus intenses de chaque série : — la raie Kα1 ou le doublet (en général non résolu) Kα pour la série K ; — la raie Lα1 ou quelquefois la raie Lβ1 pour la série L. 1.3.4.2 Influence de l’environnement : effets de matrice Soit C la concentration pondérale d’un élément présent dans un milieu (appelé matrice) constitutif d’un échantillon homogène, I l’intensité d’une raie de fluorescence X de cet élément, mesurée dans certaines conditions, I0 l’intensité de la même raie, mesurée dans les mêmes conditions, mais pour l’élément à l’état pur, Ils comprennent une source de rayonnement X primaire, un porte-échantillon, un système dispersif à cristal, un détecteur, ainsi que l’électronique et l’informatique associées (figure 7). 2.1.1.1 Source La source est constituée par un tube à rayons X de grande puissance (1 à 4 kW), refroidi à l’aide d’une circulation d’eau. Le choix de la nature de la cible est important ; le domaine de longueur d’onde le plus favorable à l’excitation d’un élément se trouve immédiatement au-dessous du seuil d’absorption correspondant, mais le rayonnement issu d’un tube à rayons X est complexe et, de plus, il faut veiller à ne pas trop augmenter le rayonnement diffusé (qui constitue un bruit de fond) ni les effets de matrice. On emploie souvent un tube à cible de rhodium, qui permet d’exciter les éléments légers grâce à son spectre L et les éléments plus lourds grâce à son spectre K ; pour les éléments légers, une cible de scandium est souvent le meilleur choix. La précision et la reproductibilité des mesures d’intensité dépendent de la stabilisation du générateur : la haute tension et l’intensité du courant électronique dans le tube sont stabilisées en général à mieux que 0,01 %. 2.1.1.2 Porte-échantillon Le porte-échantillon doit permettre le passage, éventuellement automatique, d’un échantillon à un autre, certains échantillons pouvant être constitués par des étalons. La surface utile est de quelques centimètres carrés mais peut être réduite dans certains cas à quelques millimètres carrés ou même moins. On peut aussi avoir affaire Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 7 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ Figure 8 – Principe d’un spectromètre de fluorescence X simultané à dispersion en longueur d’onde ; seuls deux canaux sont représentés 2.1.2 Spectromètres simultanés 2.1.2.1 Source et monochromateurs Figure 7 – Constitution d’un spectromètre de fluorescence X séquentiel à dispersion en longueur d’onde à des échantillons liquides. L’absorption de l’air est un obstacle à l’analyse des éléments légers (Z < 24) et de certains éléments plus lourds pour lesquels on utilise les raies L ; il faut alors opérer sous vide et un banc de pompage est prévu ; le vide est quelquefois remplacé par une atmosphère d’hélium, beaucoup moins absorbant que l’air. 2.1.1.3 Système dispersif, détecteur et électronique de mesure Le cristal analyseur est en général plan (spectromètre de Bragg) ; il est interchangeable ; on trouvera dans [6] une liste détaillée des cristaux utilisables avec leurs spécificités ; le fluorure de lithium est très souvent employé, ainsi que certains cristaux organiques [PET (pentaérythritol), KAP (phtalate acide de potassium)] ; les systèmes multicouches sont utiles pour l’analyse des éléments légers et très légers. Les compteurs proportionnel et à scintillations sont souvent montés l’un derrière l’autre, en tandem, de manière à détecter aussi bien les rayons X durs que les mous. L’électronique de mesure constitue un sous-ensemble comprenant les alimentations des compteurs, les organes de traitement des impulsions (préamplification, discrimination d’amplitude, mise en forme, amplification, comptage, intégration), les organes de commande souvent pilotés par un microprocesseur, l’enregistreur graphique ou l’imprimante, éventuellement l’interface avec un système informatique. Dans le cas de l’analyse quantitative, le calcul des concentrations à partir des résultats de comptage ou d’intégration des impulsions peut se faire à la main ou à l’aide d’un micro- ou d’un miniordinateur ; les programmes sont fournis par les constructeurs d’appareils. Le calcul manuel repose sur la mesure de l’intensité N de la raie choisie, exprimée souvent en cps (counts per second ) fournie par le détecteur ; on lui soustrait l’intensité N0 du fond continu correspondant ; une courbe (ou une famille de courbes), préparée à l’avance, permet de déduire de N – N0 la teneur en l’élément recherché, en tenant compte éventuellement des corrections décrites au paragraphe 3.3. P 2 695 − 8 Les cristaux assurant la dispersion (monochromateurs) sont disposés en couronne autour de l’échantillon ; à chacun correspond un canal de mesure. Le tube à rayons X primaire est alors souvent à anode frontale, ce qui facilite le montage géométrique de l’ensemble, qui est plus symétrique (figure 8) ; la cible est quelquefois du type transparent, ce qui permet d’abaisser considérablement la puissance dissipée dans le tube (on passe de 3 kW à 300 W par exemple). La plupart des canaux sont préréglés, en général par le constructeur, sur des longueurs d’onde bien déterminées correspondant aux éléments à analyser. Comme ils sont fixes, ils sont souvent équipés de cristaux courbés de manière à augmenter la luminosité. Un ou même plusieurs canaux sont mobiles : montés sur des goniomètres, ils permettent l’analyse séquentielle des éléments ne correspondant pas aux canaux préréglés. 2.1.2.2 Détecteurs et électronique de mesure Chaque canal est équipé d’un détecteur choisi suivant la longueur d’onde correspondante : compteur à scintillations, proportionnel scellé ou proportionnel à flux gazeux, et suivi d’une chaîne de mesure analogue à celle décrite au paragraphe 2.1.1.3. Les spectromètres simultanés étant destinés principalement aux analyses industrielles et de routine, leur automatisation ainsi que le traitement informatique des résultats sont très poussés. 2.2 Constitution des spectromètres à dispersion d’énergie De par leur conception même, les spectromètres à dispersion d’énergie sont du type simultané (figure 9). Leur résolution étant moins bonne que celle des spectromètres à dispersion de longueur d’onde, la séparation des raies correspondant à différents éléments n’est souvent assurée qu’au prix de certaines complications dont nous parlerons au paragraphe 4.2.2. Les éléments essentiels de ces spectromètres sont la source, le porte-échantillon, le détecteur et, naturellement, le système de traitement du signal. 2.2.1 Source Plusieurs types de source peuvent être employés : Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X — un tube à rayons X de faible puissance (quelques dizaines de watts par exemple) émettant un rayonnement continu (figure 11 a ) ; — un tube à rayons X de plus forte puissance excitant les raies caractéristiques d’un élément constituant une source secondaire ; cet élément est choisi de manière à n’exciter à son tour que certains éléments de l’échantillon à analyser ; cela permet de distinguer des éléments de numéros atomiques voisins (figure 11 b ) ; — un radioélément (figure 10) ; les activités de ces sources sont comprises entre 50 et 4 000 MBq et le flux de photons émis est de 106 à 5 × 107 par seconde et stéradian (tableau 2). 2.2.2 Détecteur Le détecteur procurant la meilleure résolution est le siliciumlithium ; c’est le plus utilisé actuellement, il a cependant plusieurs inconvénients : — si le flux de photons issus de l’échantillon et frappant le détecteur est trop élevé, la résolution est affaiblie ; il faut s’arranger pour limiter ce flux à moins de quelques dizaines de milliers de photons par seconde ; Tableau 2 – Principales sources isotopiques pour spectromètres à dispersion d’énergie Émission Isotope Période Nature Énergie (ans) 55Fe Figure 9 – Constitution d’un spectromètre de fluorescence X à sélection d’énergie 244Cm 109Cd 241Am Numéros atomiques des éléments excités Spectre K Spectre L (keV) 2,7 Mn K 5,9 14 à 23 41 à 58 17,8 Pu L 14,3 22 à 34 57 à 82 Ag K et γ 22,1 et 87,7 24 à 42 65 à 92 γ 59,6 30 à 60 72 à 92 1,3 458 Échantillon a source annulaire b source centrale c source latérale Source radiative Détecteur Protection a utilisation du rayonnement continu Échantillon Source radiative Protection Détecteur Échantillon Source radiative b Détecteur utilisation d'une source secondaire Protection Figure 10 – Spectromètre à dispersion d’énergie : excitation par un tube à rayons X (d’après [10]) Figure 11 – Spectromètre à dispersion d’énergie : excitation par une source radioactive (d’après [10]) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 9 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ — le refroidissement du détecteur demande soit la fourniture d’azote liquide, avec un réservoir assez encombrant, soit un dispositif thermoélectrique (effet Peltier), mais dans ce dernier cas la résolution en énergie est un peu moins bonne. On emploie souvent, pour les appareils portables, des détecteurs moins exigeants. Le compteur proportionnel est connu depuis longtemps ; il est bien au point, plus sensible que le silicium-lithium au rayonnement X mou et ne se sature que pour de très hauts flux. Il exige par contre une alimentation haute tension (1 000 à 2 000 V) bien stabilisée et sa résolution est mauvaise. Le compteur à scintillations (cristal d’iodure de sodium activé au thallium associé à un photomultiplicateur) est aussi quelquefois utilisé pour les éléments de numéro atomique supérieur à 20 ; son manque de résolution est compensé par l’usage de filtres équilibrés (cf. § 4.2.2). Recherches et expérimentations sont en cours pour obtenir des détecteurs utilisables à température ambiante et possédant une bonne résolution ; certains d’entre eux sont commercialisés : les cristaux de germanium de haute pureté, donc intrinsèques, n’ont pas besoin d’être conservés à basse température ; comme ils absorbent bien les rayons X durs, leur rendement est meilleur que celui du silicium-lithium au-dessus de 25 keV (spectres K d’éléments lourds) ; les cristaux d’iodure de mercure HgI2 sont aussi très prometteurs et sont utilisés dans certains appareils portables. Les compteurs proportionnels à scintillateur gazeux ont une résolution supérieure (d’un facteur 2) à celle des compteurs proportionnels classiques à argon, mais ils sont encore très onéreux. 2.2.3 Porte-échantillon Pour les appareils de laboratoire, le porte-échantillon est analogue à celui déjà décrit au paragraphe 2.1.1.2 ; certains appareils acceptent des échantillons de grande taille (jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres). Les appareils portables pouvant opérer in situ possèdent une sonde, comportant la source et le détecteur, applicable directement sur la surface à analyser, sans qu’il soit nécessaire de prélever un échantillon. 2.2.4 Traitement du signal et calcul des concentrations Le cœur du système est analogue aux spectromètres gamma multi-canaux utilisés en physique nucléaire ; le traitement du signal est très élaboré : filtrage numérique, lissage, soustraction du fond continu, recherche de pics... ; il bénéficie de tous les perfectionnements apportés depuis quelques années à l’électronique et à l’informatique des microsondes et microscopes à balayage : le spectre est visualisé sur un écran oscilloscopique, en général en couleurs, avec identification automatique de pics et comparaison possible avec des spectres de référence ou étalons. Pour l’analyse quantitative, des programmes de calcul sont fournis par les constructeurs, l’utilisation de micro- ou mini-ordinateurs étant la règle. La miniaturisation imposée à l’unité centrale des appareils portables conduit à un traitement du signal moins poussé, mais suffisant tout de même pour obtenir une lecture facile des résultats : identification des éléments et valeur approchée des concentrations. 2.2.5 Spectromètres à réflexion totale L’indice de réfraction des rayons X dans la matière est légèrement inférieur à l’unité ; un faisceau à peu près parallèle de rayons X arri- P 2 695 − 10 Figure 12 – Principe du spectromètre de fluorescence X à réflexion totale (d’après document Seifert) vant sur la surface plane d’un échantillon sous incidence rasante (quelques millièmes de radian, c’est-à-dire un à deux dixièmes de degré) subit la réflexion totale ; l’angle critique dépend de la longueur d’onde ; il peut être assez grand pour les très grandes longueurs d’onde, mais reste voisin de 0,2o pour les longueurs d’onde usuelles ; la fluorescence X de l’échantillon est alors due à l’onde évanescente ; les rayons X incidents pénétrant très peu dans l’échantillon, seule une petite tranche de celui-ci contiguë à sa surface contribue à son émission. Des spectromètres utilisant ce phénomène (TRXRF : Total Reflection X Ray Fluorescence ) ont été commercialisés depuis quelques années par plusieurs firmes. Le faisceau fin de rayons X incident est obtenu à l’aide d’un tube à rayons X de grande puissance, souvent à anode tournante, et d’un premier miroir à réflexion totale ; l’échantillon peut être sous forme massive (alors seule sa surface est analysée), ou sous forme de couche mince, ou encore déposée en micro-quantité sur un substrat de quartz poli ou de plexiglass. Le détecteur (en général du Si (Li)), situé tout près de l’échantillon, lui fait face (figure 12) ; la portion du faisceau incident non absorbée par l’échantillon, donc inutile, est réfléchie totalement et n’atteint pas le détecteur ; le fond continu est minimisé et les effets de matrices sont faibles [23]. 3. Pratique de l’analyse 3.1 Analyses qualitative, quantitative et semi-quantitative L’application principale de la spectrométrie de fluorescence X étant l’analyse chimique élémentaire, aussi bien qualitative que quantitative, les appareils et les protocoles d’emploi ont été conçus pour faciliter la tâche des utilisateurs, en général chimistes. Comme dans toute opération d’analyse, on peut ici distinguer trois phases successives : — la préparation et la mise en place de l’échantillon ; — les mesures, portant sur l’échantillon mais aussi éventuellement sur des étalons ; — la conversion du résultat des mesures en bulletin d’analyse. 3.1.1 Analyse qualitative Les spectres X sont simples et bien connus ; les raies d’émission sont donc facilement identifiables si le pouvoir séparateur de l’appareil est suffisant, ce qui est presque toujours le cas, tout au moins en dispersion de longueur d’onde ; les ambiguïtés (recouvrement de pics) peuvent être levées en recherchant, automatiquement ou manuellement, plusieurs raies caractéristiques du même élément. L’analyse qualitative résulte donc d’un simple balayage en longueur d’onde ou en énergie, la préparation de l’échantillon ne nécessitant Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X pas de soins particuliers, du moins si les éléments recherchés sont en quantité suffisante ; la recherche de traces peut être délicate. 3.2.2 Réduction de l’effet de matrice et homogénéisation des échantillons pulvérulents par la méthode des perles 3.1.2 Analyse quantitative Les fluctuations de composition de la matrice constituent des sources d’erreur. L’effet de matrice est considérablement atténué si l’on introduit en proportion importante, mais connue, et de manière homogène, un composant neutre dans l’échantillon ; on peut mettre à profit pour cela la préparation et l’homogénéisation de l’échantillon, notamment si celui-ci est au départ sous forme pulvérulente. La sensibilité est améliorée si le diluant est peu absorbant. Cela donne un intérêt supplémentaire à la méthode des perles : on emploie souvent comme produit vitrifiant le tétraborate de lithium, avec un dosage de 4 à 10 g de diluant par gramme d’échantillon ; il existe dans le commerce des « perleuses » automatisées. Exemple : Le système automatique de préparation des perles IAX [24] comprend quatre modules : un module de pesée, un module de stockage des échantillons et des perles, une machine automatique de préparation des perles PERL’X 3 et un module de nettoyage des creusets, toutes les manipulations étant assurées par un robot, depuis l’arrivée de l’échantillon jusqu’au chargement du spectromètre. On obtient ainsi, pour un temps de fusion de 4 min, une perle toutes les 6 min. Pour être précise, l’analyse quantitative nécessite une préparation soigneuse des échantillons, identique pour tous les échantillons de même espèce. L’étalonnage est parfois très simple mais peut souvent présenter des difficultés, étant donné l’influence de l’effet de matrice, surtout si la série d’échantillons à analyser n’est pas homogène ; nous en parlerons longuement au paragraphe 3.3. 3.1.3 Analyse semi-quantitative Assez souvent, on peut se contenter d’une valeur approximative de la concentration des éléments recherchés. C’est le cas, par exemple, d’une exploration géologique, l’analyste se trouvant confronté à un afflux considérable d’échantillons. Ce peut être aussi le cas de la recherche d’identification d’un alliage métallique in situ. Quelquefois encore, n’étant pas maître de la préparation d’échantillons disparates, on est bien obligé a priori de tolérer une grande imprécision des résultats. Des protocoles d’analyse semi-quantitative ont donc été élaborés et ont donné lieu à l’écriture de programmes utilisables sur les spectromètres automatisés. Certains spectromètres, de volume réduit, tels que ceux qui permettent l’analyse sur le terrain, sont même prévus spécialement pour l’analyse semi-quantitative. 3.3 Étalonnage et corrections 3.3.1 Étalons 3.3.1.1 Étalons externes 3.2 Préparation des échantillons 3.2.1 Dimensions et état physique des échantillons L’échantillon doit offrir au rayonnement primaire une surface plane de quelques centimètres carrés de manière à bien utiliser le faisceau incident. Cette surface peut cependant être réduite dans certains cas jusqu’à une fraction de millimètre carré. On admet que le produit de l’épaisseur de l’échantillon par son coefficient d’absorption linéaire moyen doit être supérieur à 3 pour que le rayonnement primaire soit bien absorbé, et on opère en général avec des épaisseurs de plusieurs millimètres. On peut cependant étudier des couches minces. En première approximation, l’intensité des raies X est indépendante de l’état physique de l’échantillon, qui peut donc être sous forme liquide, pulvérulente, ou solide. Cependant, des précautions, concernant essentiellement l’homogénéité et l’état de surface, sont à prendre si l’on désire une bonne précision. — Si l’échantillon est à l’état liquide, il faut tenir compte de la possibilité de radiolyse et d’un échauffement local, avec formation éventuelle de bulles ; pour les grandes longueurs d’onde (supérieures à 0,2 ou 0,3 nm), la mise sous vide étant hasardeuse, on peut opérer en atmosphère d’hélium. — Si l’échantillon est pulvérulent, on a intérêt à le comprimer sous forme de pastille, avec intervention éventuelle d’un liant ; la granulométrie joue un rôle important. — En fin de compte, les meilleurs résultats sont obtenus pour des échantillons à l’état massif. Les minerais, entre autres, peuvent être amenés à cet état par fusion vitrifiante avec du borax ou un composé analogue, ce qui donne aux échantillons l’aspect de perles. — Le cas des couches minces (solutions absorbées par du papier filtre ou poussières déposées sur une membrane) est aussi très intéressant, car l’effet de matrice est très faible ou nul ; de plus, la quantité de matériau nécessaire est minimisée. L’idéal est de pouvoir disposer d’échantillons étalonnés de matrice identique à celle des échantillons à analyser ; le tracé de la courbe d’étalonnage est alors facile. Mais, en général, le problème n’est pas aussi simple, par suite de la variation de la composition de la matrice, et l’effet de matrice doit être atténué ou corrigé par une des méthodes décrites au paragraphe 3.3.2. Naturellement, le nombre d’étalons nécessaires dépend de la précision demandée ; il peut être très réduit ou même nul pour l’analyse semi-quantitative. Il est bon, quelle que soit la méthode d’étalonnage utilisée, de vérifier à intervalles de temps réguliers l’absence de dérive de l’appareillage ; ce peut être fait commodément à l’aide d’étalons externes. Souvent un des canaux des spectromètres à dispersion de longueur d’onde simultanés est réservé à cet usage. 3.3.1.2 Étalons internes On peut comparer l’intensité d’une raie de l’élément recherché à l’intensité d’une raie d’un élément présent en quantité connue dans l’échantillon. Ce second élément doit être choisi de manière qu’il n’interfère pas avec le premier tout en étant influencé de façon identique par la matrice ; les longueurs d’onde correspondant l’une à l’élément recherché, l’autre à l’étalon ne doivent donc pas être séparées par une discontinuité d’absorption d’un élément constitutif de la matrice. L’étalon interne peut aussi être constitué par l’élément recherché lui-même ; il faut faire alors deux mesures de la même raie, l’une sur l’échantillon d’origine, l’autre sur l’échantillon modifié : — soit enrichi par incorporation d’une quantité connue de l’élément recherché ; — soit appauvri par dilution ; si l’échantillon d’origine est déjà dilué, cette méthode est dite « de double dilution » ; elle s’applique commodément aux perles. 3.3.1.3 Utilisation du rayonnement diffusé À concentration constante de l’élément recherché, l’intensité d’une de ses raies de fluorescence et l’intensité du rayonnement primaire correspondant à une longueur d’onde voisine sont affectées à peu près de la même manière par la variation de composition de la Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 11 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ matrice. On peut donc se servir de ce rayonnement diffusé comme d’un étalon interne : — soit en prenant le fond continu (constitué principalement de rayonnement diffusé) au voisinage de la raie mesurée ; — soit en utilisant une raie du rayonnement primaire diffusée de manière incohérente (raie Compton), à condition qu’une discontinuité d’absorption ne s’intercale pas entre les deux raies, comme dans le cas d’un étalon interne. 3.3.2 Traitement des données 3.3.2.1 Modélisation de l’effet de matrice Si l’élément recherché est noyé dans une matrice de composition constante (c’est le cas notamment des composés binaires), s’il n’y a pas d’effet de fluorescence secondaire, et si le rayonnement excitateur est monochromatique, on a, avec les notations du paragraphe 1.3.4.2 : R = C /[1 + α (1 – C )] le coefficient α traduit la différence relative entre les coefficients d’absorption massiques de la matrice et de l’élément recherché : α < 0 correspond à la courbe I et α > 0 et à la courbe II de la figure 6. Pour des matrices plus complexes, on peut introduire des coefficients de type αij traduisant l’influence de chaque élément j sur l’élément i. Nous examinerons un peu plus loin quelques-unes des formules proposées. Ces coefficients d’influence sont soit déterminés empiriquement, soit calculés. Une autre approche consiste à obtenir par calcul les concentrations en combinant les résultats des mesures avec les paramètres concernant aussi bien les conditions d’excitation (distribution spectrale du rayonnement primaire) que les phénomènes d’absorption et de fluorescence secondaire ; c’est la méthode dite des paramètres fondamentaux. 3.3.2.2 Coefficients d’influence Une des formules les plus simples est celle de Lachance-Traill : pour l’élément i : C i = R i 1 + ∑α ij C j j≠i Cette formule est correcte dans le cas d’une excitation monochromatique et en l’absence d’effets d’exaltation dus à la fluorescence secondaire. Dans le cas d’un composé binaire, i = 1, j = 2 et Cj = 1 – Ci, on retrouve la formule donnée au paragraphe 3.3.2.1. Les effets d’exaltation peuvent être traités approximativement comme des effets d’absorption négative. Claisse et Quintin [11] ont montré que les coefficients αij ne sont pas des constantes si l’excitation est polychromatique. La formule qu’ils proposent pour corriger ce défaut contient des termes du second ordre en Cj ; tous les coefficients sont constants et peuvent être calculés si l’on connaît le spectre du rayonnement primaire : ( Ci = Ri 1 + ∑α ij Cj + ∑α ijj Cj 2 i≠j i≠j + ∑ ) Rasberry et Heinrich [11] d’un autre côté ont traité séparément les effets d’exaltation, avec des coefficients β : on utilise le coefficient αij si l’effet principal de l’élément j sur l’élément i est l’absorption et le coefficient βik si l’effet principal de l’élément k est l’exaltation : C i = R i 1 + ∑α ij C j + ∑ β ik C k ⁄ ( 1 + C k ) j≠i k≠i On peut noter encore que De Jongh a développé une expression analogue à celle de Lachance et Traill, mais dont les coefficients ne P 2 695 − 12 Les modèles de Lucas-Tooth et Price et de Lucas-Tooth et Pyne conduisent à des équations du même type, mais ici les termes correctifs sont proportionnels aux intensités Rj (et non aux concentrations Cj ). 3.3.2.3 Paramètres fondamentaux Si l’on connaissait parfaitement le spectre du rayonnement primaire et si l’on pouvait mesurer l’intensité des raies de tous les éléments constitutifs de l’échantillon, on pourrait — théoriquement — déterminer toutes les concentrations. En fait, on procède par approximations successives ; la composition de l’échantillon est estimée en supposant les intensités relatives Ri proportionnelles aux Ci ; on calcule alors les intensités théoriques correspondantes d’où l’on tire par interpolation une nouvelle estimation des Ci, et ainsi de suite. On a besoin pour cela : — de la distribution spectrale du rayonnement X primaire ; — des rendements de fluorescence (tabulés, cf. article [83], dans le traité Constantes physico-chimiques) ; — des coefficients et des sauts d’absorption (tabulés). La distribution spectrale du rayonnement primaire étant un facteur de complication des calculs et n’étant pas toujours connue avec suffisamment de précision, on peut quelquefois définir une longueur d’onde efficace et utiliser des paramètres, tels que les coefficients d’absorption, correspondant à cette longueur d’onde, donc connus. Une autre approche consiste à calculer, à partir des paramètres fondamentaux, et pour chaque échantillon, des coefficients de type α (appelés alors « coefficients d’influence fondamentaux »). 3.3.2.4 Logiciels de calcul La plupart des constructeurs d’appareils fournissent des ensembles de logiciels utilisables sur mini- ou micro-ordinateurs. Les coefficients d’influence sont soit déterminés par des méthodes de régression à plusieurs variables à partir d’étalons, soit calculés ; un programme dû à De Jongh, dont nous avons parlé, permet d’obtenir les coefficients α à partir des paramètres fondamentaux. Certains logiciels combinent la méthode des paramètres fondamentaux avec des techniques de régression, en ajustant, pour les étalons, les intensités prédites aux intensités mesurées. La méthode des paramètres fondamentaux peut être aussi appliquée en analyse semi-quantitative en ne s’aidant éventuellement que d’un ou deux étalons. Les programmes d’analyse semi-quantitative sont maintenant très développés et permettent d’obtenir les concentrations avec des erreurs relatives inférieures à quelques pour-cent pour toutes sortes d’échantillons. 3.4 Opérations automatiques et manuelles α ijk C j C k i≠j≠k + termes d’ordre supérieur sont plus empiriques et peuvent être calculés à partir des paramètres fondamentaux. La spectrométrie X a bénéficié, comme les autres méthodes physico-chimiques d’analyse, de tous les progrès de l’électronique, de l’automatique et de la micro-informatique. Nous avons vu qu’en analyse qualitative, des programmes permettent l’identification automatique des pics. Certaines opérations, telles que le prélèvement et le choix des échantillons semblent difficiles à automatiser. Par contre, leurs préparations et leurs passages successifs dans le spectromètre sont bien maîtrisés ; par exemple, dans le cas des minerais, la fabrication et la manutention des perles peuvent être faites sans intervention de l’opérateur. Il est possible de contrôler l’ensemble des opérations à l’aide d’un système superviseur ; de Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X même l’exploitation des résultats par un système expert peut permettre la conduite automatique d’une unité de production. La mise en route d’une série d’analyses, ou encore le travail courant d’un laboratoire de recherches peuvent demander la mise hors circuit de tout ou d’une partie de l’automatisme ; cependant les logiciels d’analyse semi-quantitative facilitent l’obtention des premiers résultats. De plus, les cristaux analyseurs pouvant diffracter le rayonnement X suivant différents ordres, correspondant aux différentes valeurs de n dans l’équation de Bragg (§ 1.2.1), on peut observer des superpositions de longueurs d’onde multiples les unes des autres. Cela se produit notamment pour des éléments chimiquement voisins : les cas les plus classiques sont ceux qui mettent en jeu le zirconium et le hafnium, ou encore le niobium et le tantale. Le tableau 3 donne quelques exemples caractéristiques. Sur les appareils anciens les plus simples, la plupart des commandes et des opérations sont manuelles. Signalons enfin que certains constructeurs assurent à distance, par voie téléinformatique, le contrôle systématique et périodique du bon fonctionnement des appareils, ainsi que le diagnostic des pannes et défauts. Tableau 3 – Exemples de coïncidences entre raies spectrales, mettant éventuellement en jeu des réflexions du deuxième ordre Élément 4. Que peut-on attendre de la spectrométrie des rayons X ? 4.1 Éléments envisageables, matrices, teneurs La recherche et l’analyse quantitative de tous les éléments est possible, sauf pour les trois premiers de la classification périodique (H, He, Li) ; le dosage du béryllium est exceptionnel et ne peut être effectué que sur certains appareils très récents. Le dosage des quatre suivants (B, C, N, O) est difficile dans le cas des basses teneurs et n’est faisable que sur certains spectromètres, spécialement pour l’azote, dont les raies d’émission sont absorbées par l’oxygène présent dans la fenêtre du détecteur ; enfin, pour les huit suivants (jusqu’au soufre), la facilité est d’autant plus grande que le numéro atomique est plus élevé. Les spectromètres à dispersion d’énergie ne permettent pas, sauf exception, l’analyse des éléments très légers (Z < 10). Toutes les matrices sont envisageables ; la sensibilité pour les basses teneurs est d’autant plus grande que la matrice est plus légère, c’est-à-dire composée d’éléments de faible numéro atomique. Les teneurs limites détectables sont de quelques dixièmes de ppm (en masse) ou de quelques ppm pour les éléments de numéro atomique supérieur à 14 ; elles sont de quelques ppm ou quelques dizaines de ppm pour les éléments plus légers (14 > Z > 8). Naturellement, ces teneurs sont abaissées si l’on peut enrichir l’échantillon avant la mesure ; des montages particuliers, tels que ceux utilisant la réflexion totale, permettent d’abaisser encore la limite de détection. 4.2 Interférences possibles dues à la superposition de raies 4.2.1 Cas de la dispersion en longueur d’onde Les raies d’émission X sont beaucoup moins nombreuses que les raies optiques ; cependant, la résolution de la plupart des spectromètres utilisés en analyse (spectromètres de Bragg) reste limitée, nous l’avons vu au paragraphe 1.2.1.1. ; elle ne peut être améliorée qu’au dépend de la luminosité ; d’autre part, la séparation des raies Kα1 et Kα2 n’offre en général pas d’intérêt, l’intensité du doublet étant égale à une fois et demie l’intensité de la composante la plus forte. Dans ces conditions, des raies provenant d’éléments différents, mais de longueurs voisines, risquent de ne pas être séparées. Raie λ (nm) nλ (nm) Hf Lβ1 0,13741 0,13741 Zr Kβ2 0,06899 0,13798 (1) Hf Lα1 0,15696 0,15696 Zr Kα1 0,07859 0,15718 (1) Bi Lt 0,12748 0,12748 Au Lα1 0,12765 0,12765 W Lβ1 0,12818 0,12818 Ir Lη 0,12846 0,12846 Ta Lβ2 0,12846 0,12846 Ta Lβ1 0,13271 0,13271 Nb Kβ1 0,06658 0,13316 (1) Ta Lα1 0,15220 0,15220 Nb Kα2 0,07504 0,15008 (1) Pb Lα1 0,11751 0,11751 As Kα1 0,11759 0,11759 (1) Ordre de réflexion n = 2 La superposition de raies réfléchies en différents ordres peut être le plus souvent efficacement combattue par l’utilisation d’un compteur proportionnel et d’une fenêtre étroite pour la discrimination d’énergie des impulsions. Des solutions peuvent toujours être trouvées dans les autres cas, par exemple, par le choix d’autres raies, mais en général au détriment de la sensibilité. 4.2.2 Cas de la dispersion en énergie Même avec un détecteur en silicium-lithium opérant à basse température, la sélection d’amplitude, si elle permet de séparer les raies Kα d’éléments voisins, est impuissante devant les très nombreuses possibilités d’interférence mettant en jeu les raies Kβ ou les raies de la série L. On peut apporter plusieurs remèdes à cette situation : — l’utilisation de filtres sélectifs ; une bonne méthode consiste à effectuer deux mesures, chacune avec un filtre différent, la raie mesurée étant encadrée par les discontinuités d’absorption K relatives à ces deux filtres qui sont « équilibrés » (figure 13) : leurs absorptions, de part et d’autre du domaine de longueur d’onde intéressant, sont identiques et la différence des deux mesures donne l’intensité de la raie mesurée ; — l’excitation sélective des éléments cherchés, à l’aide de sources monochromatiques ; un des meilleurs montages met en jeu une fluorescence secondaire (figure 11b ) ; — la déconvolution de raies se chevauchant ; une des méthodes consiste, connaissant la position d’une des raies, à calculer sa forme Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 13 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ Facteur de transmission (%) 100 Fenêtre 80 Filtre de cuivre Filtre de nickel 60 40 20 0 0 2 4 6 8 10 12 14 16 Énergie (keV) Figure 13 – Transmission du rayonnement X par des filtres équilibrés (pouvant encadrer, par exemple, le doublet Kα du zinc) (d’après [10]) — manque de fidélité de l’appareil dû principalement à un changement de l’environnement (variation de température par exemple) ; son influence ne se fait sentir que pour les mesures de haute précision ; — manque de fiabilité de la préparation des échantillons ; — étalonnage insuffisant : imprécision sur les étalons euxmêmes, nombre d’étalons insuffisant, méthode de correction insuffisamment performante, variations inopinées de la matrice... ; — incertitude statistique de comptage, prédominante pour les très faibles concentrations et au voisinage de la limite de détection ; on peut calculer cette incertitude : soit N le nombre d’impulsions, mesuré pendant l’intervalle de temps t , au niveau d’une raie ; N correspond au sommet du pic dans le cas de la dispersion en longueur d’onde ou à la somme des impulsions accumulées dans le petit nombre de canaux correspondant au pic dans le cas de la dispersion en énergie ; soit Nc le nombre d’impulsions correspondant, pour le même intervalle de temps (et le même nombre de canaux s’il y a lieu), au fond continu ; l’intensité (ou la surface) du pic est proportionnelle à N – Nc ; l’écart type sur (N – Nc ) est égal, en valeur relative, à: N+N ---------------------cN – Nc 4.3.2 Justesse Les sources d’erreur prédominantes, dans le cas de raies d’assez forte intensité, concernent en général l’étalonnage et la préparation des échantillons. Dans les cas optimaux, les incertitudes peuvent être inférieures à 0,1 % en valeur relative ; dans le cas des faibles teneurs, ainsi que pour les éléments légers, l’incertitude statistique peut aussi intervenir. Mo + S Si S 1,20 keV 4.3.3 Sensibilité 3,76 keV Figure 14 – Spectre, obtenu en sélection d’énergie, d’un échantillon contenant du silicium, du phosphore, du molybdène et du soufre ; le doublet Kα du soufre peut être dégagé du fond continu, du pic d’échappement et du doublet Lα du molybdène (document Kevex) (courbe de Gauss par exemple, ou même courbe asymétrique), que l’on peut soustraire du spectre obtenu (figure 14) ; de nombreux algorithmes ont été proposés, utilisant en général des lissages par la méthode des moindres carrés, et souvent des bibliothèques de spectres de référence. Il faut se méfier aussi des « raies d’échappement » (escape peaks ) : les raies de fluorescence normales d’énergie hν peuvent s’accompagner des raies d’énergie hν – Wd , Wd étant l’énergie correspondant à un seuil d’absorption du détecteur. De toute manière, le traitement du signal issu du détecteur est très élaboré, et les logiciels permettant la recherche et la déconvolution des pics, le calcul de leur surface, avec éventuellement des effets de « zoom », etc., sont en général fournis par les constructeurs d’appareils. 4.3 Précision et sensibilité 4.3.1 Sources d’erreur en analyse quantitative Mis à part les facteurs humains (mauvais choix d’échantillons ou de méthode de correction, erreurs de procédure ou de manipulation...), les erreurs peuvent provenir de plusieurs sources : P 2 695 − 14 La sensibilité dépend de l’appareillage, de l’élément recherché (notamment par l’intermédiaire du rendement de fluorescence) et de la matrice. On peut l’exprimer en nombre d’impulsions par seconde et par pour-cent de l’élément recherché. La concentration limite décelable Clim peut être reliée à la sensibilité aux basses teneurs S et au taux de comptage Rc pour le fond continu (Rc = Nc /t ) par la relation approximative : Clim = (K/S ) Rc ⁄ t K est un coefficient égal à 3 pour un taux de confiance de 95 % : cela signifie que si, à la suite d’une mesure dont le résultat est Clim , on suppose la présence dans l’échantillon de l’élément recherché, cette hypothèse est vraie dans 95 % des cas. Le temps t est souvent pris égal à 100 s. Par exemple, si le fond continu correspond à Rc = 100 cps pour S = 1 000 cps par %, on a Clim = 3 × 10–5. Une formule plus élaborée a été proposée par L.A. Currie ([9], p. 289). 4.4 Durée et coût La durée d’une mesure peut varier entre quelques secondes et quelques minutes ; la durée d’une analyse est donc comprise entre une dizaine de secondes et quelques dizaines de minutes, suivant l’appareil utilisé (séquentiel ou simultané), le nombre d’éléments à doser, et le procédé d’étalonnage. Par exemple, une notice de constructeur indique qu’un spectromètre simultané à dispersion de longueur d’onde peut effectuer des mesures sur 28 éléments différents, appliquer les corrections et imprimer les concentrations, le tout en moins de 90 s. L’investissement à prévoir est relativement élevé, souvent supérieur à 1 MF pour les appareils à dispersion angulaire, notamment pour les simultanés qui, plus rapides, sont plus onéreux ; on peut Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X cependant trouver des appareils anciens d’occasion, mais en état de marche, à des prix bien inférieurs ; un tube à rayons X de grande puissance de rechange vaut environ 80 000 F. Les spectromètres à dispersion d’énergie sont nettement moins chers, notamment les portables ou ceux qui sont conçus pour une utilisation bien définie ; on peut en trouver à 120 000 F environ, avec excitation par source radioactive. 4.5 Comparaison avec les autres méthodes De nombreuses études ont été conduites, il y a quelques années, dans le but de comparer la spectrométrie X avec d’autres méthodes d’analyse ; nous en citerons seulement quelques-unes dont les résultats sont caractéristiques, bien qu’un peu anciens. ■ Dans les aciers, la fluorescence X est supérieure, au point de vue précision, à l’analyse chimique et à la spectrométrie d’émission pour la plupart des éléments recherchés [25]. ■ Dans les ciments, la fluorescence X est la méthode de choix pour le dosage de Si, Al, Fe, Ca et Mg ; elle est comparable à l’absorption atomique pour Al, Fe et Mg, mais nettement supérieure pour Si et Ca [26] ; l’émission en plasma induit par haute fréquence (ICP) lui est équivalente pour Si et Al [27]. ■ Dans l’étude des produits végétaux [28], la fluorescence X est parfaitement adaptée aux dosages de P, S, Cl, Ca et K ; P et Cl ne sont facilement dosés ni en absorption atomique ni en spectrométrie d’émission de flamme ; les dosages par spectrométrie X de Mg, Fe, Cu, Zn, Rb et Sr sont possibles, mais il vaut mieux, pour ces éléments, utiliser d’autres méthodes comme l’absorption atomique. ■ Plus récemment, la fluorescence X a été comparée à l’ICP-MS (plasma à couplage inductif-spectrométrie de masse) pour le dosage de traces dans le polyfluorure de vinylidène ; les deux techniques sont complémentaires, l’ICP-MS est meilleure pour la détermination des éléments plus lourds que le gallium, mais la fluorescence X permet d’accéder aux éléments plus légers, avec une limite de détection allant de 1 à quelques ppm [58]. 5. Exemples 5.1 Industrie minière et cimenteries La spectrométrie de fluorescence X est une méthode de choix pour l’analyse de minerais et de minéraux, les échantillons étant mis sous forme de pastilles ou de perles. Pour les minerais à faible teneur, une préconcentration, avec mise en solution préalable, est parfois nécessaire : c’est le cas notamment de l’or qui peut être ainsi dosé pour des teneurs inférieures à 1 ppm [29]. La limite de détection est de 0,035 ppm pour une prise d’essai de 1 g. L’analyse en continu de boues et de pulpes est possible [30] [31]. Le contrôle automatique de production de cimenteries peut être assuré grâce à la spectrométrie X [30], le matériel nécessaire pour l’analyse pouvant être fourni par certains constructeurs [32]. D’autre part, l’analyse de traces est même possible pour des échantillons bruts simplement pastillés, avec un spectromètre à dispersion de longueur d’onde simultané (tableau 4) ; le temps de mesure est de 100 s, et la durée totale de l’analyse, y compris la préparation de l’échantillon, est de 5 min par échantillon [33]. L’analyse simultanée des principaux oxydes par fluorescence X et de la chaux libre par diffraction X est même possible avec certains appareils. Tableau 4 – Dosage de faibles teneurs en industrie cimentière (d’après [33]) Composé recherché Raie Domaine de concentration Sensibilité Fond continu (%) (kcps/%) (kcps) TiO2 Ti Kα 0,01 0,3 37,8 0,23 Cr2O3 Cr Kα 0,0003 à 0,0040 135,5 0,77 MnO Mn Kα 0,0004 à 0,04 109,7 1,29 FeO2 Fe Kα 0,03 0,03 159,3 2,97 à à Domaine de concentration des autres composés (%) Al2O3 0 à 30 SiO2 0 à 100 CuO 0 à 70 K2 O 0à 5 MgO 0à 2 SO3 0à 2,5 Na2O 0à 0,1 5.2 Métallurgie Les aciers peuvent être analysés de manière complète, y compris le carbone ; pour cet élément, un canal spécial est souvent utilisé ; l’analyse des métaux et alliages non ferreux est également aisée [34]. Quels que soient les métaux en jeu, les effets interéléments sont importants, et il faut en tenir compte dans le programme de correction des mesures. Comme exemple d’application, on peut citer l’installation d’un spectromètre séquentiel sur une plate-forme de fonderie, utilisable par des personnes non qualifiées ; l’analyse, en fin de fusion, des alliages élaborés (laitons, laitons HR, cupro-aluminiums), avec un temps de réponse de l’ordre de 2 min 30, permet la correction de charge des fours de fusion et des fours de coulée [35]. Le lecteur trouvera dans l’article [84] des exemples relatifs à l’aluminium. On peut rattacher à l’étude des alliages la caractérisation des matériaux ou des composants de la microélectronique, comportant notamment des composés des colonnes III-V ou II-VI [36]. 5.3 Chimie et géologie La spectrométrie de fluorescence X est utilisable dans presque toutes les branches de l’industrie chimique, spécialement en pétrochimie : dosage du plomb et du brome dans les essences, même celles dites « sans plomb » [37] ; il existe des appareils spéciaux pour doser le soufre dans les pétroles. Carottes et boues de forage sont naturellement concernées par la spectrométrie de fluorescence X ; on a réalisé des sondes pour examiner les parois des trous de forage ([14], p. 338-40). Les éléments majeurs (Si, Al, Fe, Ca, Mg, Ti, Na et K) ainsi que des éléments en trace (Ba, Mn, Cr, V, Cu, Zn, Sr, Ni, Co, As et Rb) ont été analysés dans des cendres volantes, broyées et pastillées [38] ; la durée du broyage nécessaire était de 10 min, la taille finale des particules était inférieure à 38 µm ; les erreurs relatives étaient inférieures à 1 % dans le cas des éléments majeurs et à 10 % pour la plupart des éléments en trace (tableau 5). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 15 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ Tableau 5 – Analyse de cendres volantes étalons (standard NBS 1633 a), basée sur cinq préparations séparées d’échantillon (d’après [38]) Élément Valeur certifié Valeur trouvée (1) Écart Écart type type relatif absolu (2) (%) Clim (ppm) Si 22,8 ± 0,8 % 22,3 % 0,04 0,17 72,0 Al 14 % 13,9 % 0,05 0,36 66,0 Fe 9,40 ± 0,10 % 9,22 % 0,04 0,43 65,0 Mg 0,455 ± 0,001 % 0,497 % 0,004 0,85 Ca 1,11 ± 0,01 % 1,05 % 0,008 0,76 Na 0,17 ± 0,010 % 0,16 % 0,0014 0,82 K 1,88 ± 0,06 % 1,84 % 0,01 0,53 2,2 Ti 0,80 % 0,81 % 0,004 0,49 2,0 Pb 72,4 ± 0,4 ppm 70 ppm 6,7 9,59 11,8 Sr 830 ± 30 ppm 846 ppm 5,6 0,67 8,5 Rb 131 ± 2 ppm 128 ppm 2,6 2,07 7,8 As 145 ± 15 ppm 154 ppm 2,5 1,63 22,5 Zn 220 ± 10 ppm 234 ppm 2,9 1,23 11,2 Cu 118 ± 3 ppm 128 ppm 1,5 1,17 15,5 Ni 127 ± 4 ppm 131 ppm 3,1 2,36 9,7 Co 46 ppm 54 ppm 0,11 0,20 6,3 Mn 190 ppm 163 ppm 2,1 1,28 5,2 Cr 196 ± 6 ppm 178 ppm 3,5 1,96 7,3 Ba 1400 ± 200 ppm 1 347 ppm 44,9 3,33 60,9 V 300 ppm 307 ppm 4,8 1,55 11,0 Th 24,7 ppm 26,1 ppm 0,2 0,74 2,1 Zr 370 ± 50 ppm 276 ppm 0,4 0,15 9,0 528 Sujets normaux Diabétiques 2 768 ± 134 5 931 ± 260 2 346 ± 113 5 163 ± 240 2 416 ± 117 8 437 ± 246 2 415 ± 116 7 128 ± 298 2 257 ± 115 7 069 ± 310 2 107 ± 102 7 417 ± 315 3,7 45 (1) Valeur moyenne (2) Écart type relatif sur plusieurs préparations L’effet chimique, dont il a été question au paragraphe 1.1.4, peut être utilisé : la variation de la longueur d’onde des raies Kα du soufre en fonction de l’état chimique de cet élément, mise en évidence dès 1931 par A. Faessler [16], et dont une application pratique est indiquée en [7] p. 208-11, a été utilisée avec succès pour la séparation des sulfates et des sulfures dans les ciments [39] et dans les végétaux [40] ; il est même possible de déterminer le degré d’oxydation du fer dans les oxydes mixtes de types spinelle [41]. Toutes sortes de roches peuvent être analysées [42] [43] ; les analyses de terrain et la prospection minière font aussi un large appel à la spectrométrie de fluorescence X [44]. On peut analyser des traces sans concentration préalable [45]. Dans le cas de solutions, le dépôt sur feuille de polypropylène permet d’obtenir des limites de détection de quelques ng/mL [46] [53] et l’utilisation de la réflexion totale (cf. § 5.6.1) donne la possibilité de descendre aux pg/mL. P 2 695 − 16 Tableau 6 – Concentration (en g · g–1) du potassium dans le sang de sujets normaux et diabétiques (d’après [49]) 5.4 Biologie et médecine Les biologistes et nutritionnistes utilisent dans de nombreux cas la spectrométrie de fluorescence X [40] [47] [48], qui est utile aussi en recherche médicale : le potassium s’est révélé, par spectrométrie de fluorescence X à sélection d’énergie [49], plus abondant dans le sang des diabétiques que dans celui des sujets normaux (tableau 6). La spectrométrie à sélection d’énergie permet de suivre au cours de la grossesse la variation de concentration d’éléments en trace (Cr, Mn, Fe, Cu et Zn) dans les cheveux de femmes enceintes [50]. L’analyse directe des milieux biologiques desséchés est possible [51] ; elle est utilisable pour déceler les intoxications aiguës par l’analyse du sang en toxicologie clinique ou par celle des viscères en toxicologie médico-légale ; d’autre part, le dosage des éléments toxiques après minéralisation en milieu humide et enrichissement peut s’appliquer à tous les domaines de la toxicologie. Comme application dans l’industrie agroalimentaire, on peut citer notamment le dosage des glucosinolates, par l’intermédiaire du soufre, dans les graines de colza [52]. 5.5 Études de pollution Les progrès en analyse de traces de la spectrométrie de fluorescence X se sont répercutés dans les études de pollution. L’analyse des particules en suspension dans l’air est en effet très facile : ces particules sont recueillies sur une membrane par simple filtrage de l’air [53]. L’analyse de l’eau peut être effectuée soit directement [53] soit à l’aide de membranes échangeuses d’ions [54] [55] ; les échantillons étant alors en couche mince, les effets de matrice (mais non les effets interéléments) sont supprimés. Grâce à cet enrichissement, les limites de détection peuvent être de quelques ng/g et les plus petites quantités décelables sont de l’ordre de quelques ng par cm2 de substrat. Les études de pollution peuvent revêtir des formes variées [56] [57]. Elles sont maintenant souvent effectuées avec des spectromètres à réflexion totale, car les limites de détection sont fortement abaissées [59] (figure 15) ; à titre d’exemple, le tableau 7 donne une partie des résultats obtenus, avec un appareil commercial muni d’un tube à rayons X de 2 kW, pour des réseaux d’eau potable situés au Portugal [60]. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation Limite de détection (pg) _______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X Tube à rayons X 1 000 Raies K Cristal analyseur Échantillon 100 Porte-échantillon Fente Fente 10 Détecteur muni de fentes de Soller Raies L Figure 16 – Schéma d’un spectromètre GXERF [64] 1 0 20 40 60 80 100 Numéro atomique Rayonnement excitateur : raies WL raies Mo K ([74] cité dans [59]) 5.6 Analyses de surfaces et de couches minces fond continu W 5.6.1 Analyses en incidence rasante Figure 15 – Limites de détection par TXRF des différents éléments dans les résidus de solutions aqueuses Tableau 7 – Analyse d’eau potable par TRXRF [60] Concentration (µg / L) Élément LD (µg / L) A B C K 11,0 2,0 ± 0,1 2,0 2 950 Ca 7,0 10,3 ± 0,5 10,0 19 700 V 5,0 р 5,0 5,1 Cr 1,7 11 ± 1 Mn 1,2 25,6 ± 0,5 25 21 Fe 1,0 109 ± 6 100 137 Co 0,8 2,3 ± 0,2 2,5 3,1 Ni 0,6 2,1 ± 0,3 2,5 4,5 Cu 0,6 24,9 ± 0,7 25 12 Zn 0,5 52 ± 2 50 430 As 0,5 24 ± 1 25 2,2 Se 0,5 9,5 ± 0,7 10 1,6 Rb 0,8 10 5,0 Sr 0,9 51,4 ± 0,3 50 4,9 р 4,9 5 Sb 8,0 Ba 9,0 53 ± 2 50 Hg 0,8 2,6 ± 0,7 Pb 0,9 24 ± 1 95 4,9 8,0 2,5 25 En augmentant l’angle d’attaque, on accroît l’épaisseur explorée, ce qui permet, dans certains cas, de tracer les profils d’implantation [63]. On a construit aussi des spectromètres à émission de fluorescence X rasante (GEXRF : Grazing Emission X-ray Fluorescence ) [64] (figure 16) ; l’échantillon étant irradié par un faisceau X primaire largement ouvert, l’intensité du rayonnement de fluorescence est assez forte pour que l’on puisse utiliser la dispersion en longueur d’onde ; ces appareils sont bien adaptés à l’analyse des eaux potables. 1,7 6,4 Cd Les spectromètres utilisant la réflexion totale sont naturellement particulièrement adaptés à l’analyse de surface ; on notera en particulier la détection des substances contaminant les matériaux semiconducteurs [61] [62]. 40 5.6.2 Détermination de l’épaisseur et de la composition de couches minces La mesure de l’épaisseur des revêtements constitue une application importante de la fluorescence X ; des appareils spéciaux ont même été conçus et commercialisés dans ce but. Une attention particulière a été portée sur les plaquettes de silicium en forme de disques (wafers), matériau de base en électronique. Elles peuvent être étudiées, éventuellement en salle blanche et en continu, lors du processus de fabrication des circuits intégrés, par des appareils conçus à cet effet ; peuvent être ainsi contrôlées, entre autres, l’épaisseur, la composition, la stœchiométrie, l’uniformité des matériaux déposés ; des cartographies sont possibles. D’autre part, l’analyse mathématique des processus d’émission et d’absorption des rayons X par des couches minces a conduit à l’écriture de logiciels permettant d’obtenir à la fois l’épaisseur et la composition de revêtements constitués par des alliages binaires, les mesures étant faites à l’aide d’un spectromètre. 0,8 3,8 LD : limite de détection A : concentration mesurée pour un échantillon d’eau étalon B : valeur certifiée pour un échantillon d’eau étalon C : valeur moyenne des résultats obtenus en quinze endroits situés dans un certain district du Portugal 5.7 Microscopie X analytique De très nombreux prototypes de microscopes X ont été construits et quelques-uns commercialisés, mais sans avoir le succès des microscopes électroniques. L’optique X est difficile, puisque l’indice de réfraction de la matière pour les longueurs d’onde X est très pro- Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 695 − 17 SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________ Générateur de rayons X Détecteur de rayons X de fluorescence refroidi à l'azote liquide Guide tubulaire Tube à rayons X Microscope optique Cible Échantillon Moteur Filament Électrons Porte-échantillon Écran de visualisation Détecteur de rayons X pour le faisceau transmis La surface intérieure du guide a la forme d'un paraboloïde de révolution Faisceau de rayons X Processeur d'impulsions Unité centrale de l'ordinateur qui contrôle l'analyse et les opérations Contrôleur de balayage Unité centrale de processeur d'image Échantillon Foyer Figure 17 – Schéma d’un microscope X analytique avec détail du guide en forme de paraboloïde (Document Oxford Instruments) che de l’unité. Les lentilles sont donc remplacées par des diaphragmes ayant la forme de zones de Fresnel ou par des miroirs en incidence rasante permettant la réflexion totale [65]. Les systèmes les plus simples sont basés sur des tubes à rayons X à microfoyer et ne comportent pas d’éléments optiques. Pour constituer des instruments d’analyse, ces appareils doivent comporter un élément dispersif, un cristal par exemple, permettant la réflexion de Bragg, taillé ou courbé suivant un cylindre, une sphère ou un tore, ou encore un détecteur à Si (Li). On peut ainsi déterminer la distribution d’un élément à la surface d’un échantillon par balayage de celui-ci, mais avec une résolution très inférieure à celle de la microsonde électronique. Plusieurs appareils sont déjà apparus sur le marché [66], utilisant un tube à microfoyer, un tube capillaire, et un détecteur Si (Li) ; le capillaire, utilisant le phénomène de réflexion totale, peut focaliser le pinceau de rayons X incident sur l’échantillon, s’il a la forme d’un cône ou même d’un paraboloïde de révolution (figure 17) ; la limite de résolution latérale peut descendre à 10 µm. Dans d’autres réalisations [66], le faisceau incident est constitué de rayonnement synchrotron, de manière à améliorer la luminosité ; la limite de détection peut alors être inférieure au ppm avec une résolution latérale inférieure à 10 µm. Une autre possibilité, mettant en œuvre l’absorption X et non la fluorescence [67], consiste à utiliser, dans un microscope électronique à balayage, une cible transparente aux rayons X ; la source X ainsi obtenue est quasi ponctuelle ; l’échantillon, placé au voisinage immédiat, est exploré en transmission et bénéficie du balayage de P 2 695 − 18 la cible ; l’analyse quantitative élémentaire exige l’emploi de plusieurs cibles (autant de cibles que d’éléments à analyser). 6. Conclusion Les techniques de spectrométrie d’émission X, et particulièrement celles utilisant l’excitation par fluorescence, sont très bien adaptées à l’analyse chimique élémentaire aussi bien qualitative que quantitative de pratiquement tous les matériaux, naturels ou artificiels, y compris les objets de musée (voir, par exemple, [7], p. 413-81) et les éléments d’architecture, ainsi que de nombreux produits chimiques ou biologiques notamment végétaux [69] [70]. Elles permettent maintenant le dosage de traces et sont de plus en plus utilisées en biologie, médecine et études de pollution. Ces techniques sont en progrès constant [71] [72] [73] : elles font l’objet d’environ 500 articles par an dans des revues scientifiques et techniques (dont plus de la moitié concernent les spectromètres à dispersion d’énergie, qui ne représentent cependant actuellement que le cinquième de la population totale des spectromètres X [71]) ; elles font l’objet aussi de nombreux congrès et colloques dont notamment aux États-Unis celui de Denver (Colorado) qui a lieu tous les ans au mois d’août et dont le compte rendu est publié sous le titre « Advances in X-ray Analysis » ; on peut noter, en France, les réunions et colloques organisés par l’ENSAIS (École Nationale Supérieure des Arts et Industries de Strasbourg) et les principaux constructeurs de spectromètres. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation