LE MONDE DU MARDI 22.04.2014

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Transcript LE MONDE DU MARDI 22.04.2014

LES RÉSIDENCES-SERVICES,
PIÈGES TAILLE SENIOR
PRINTEMPS RAP
À BOURGES
Le téléphone portable,
ce nouveau porte-monnaie
CAHIER ÉCO – LIRE PAGES 6-7
FRANCE – LIRE PAGE 8
CULTURE – LIRE PAGE 9
Mardi 22 avril 2014 - 70e année - N˚21542 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Commenttrouver
50 milliards:
des députés PS
proposent une
«autretrajectoire»
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
LES QUATRE FRANÇAIS SORTIS DE L’ENFER SYRIEN
t Dix mois de détention aux mains d’un groupe islamique qui a multiplié les rapts LIRE PAGES 2-3
t « Le Monde » révèle la note qu’un groupe de travail
de la commission des finances doit remettre à M.Valls
J
e sais les attentes, je sais les doutes »,
avait commenté Manuel Valls, le
16 avril, en présentant son plan pour
réduire les dépenses publiques de 50milliards d’euros entre 2015 et 2017. Probablement ne mesurait-il pas encore l’ampleur
des doutes dans les rangs de sa majorité.
Le Parti socialiste, après la débâcle des
élections municipales, le remaniement
précipité à tous les étages du pouvoir et la
désastreuse affaire Aquilino Morelle,
est à bout de nerfs.
Nul, aujourd’hui, n’est en mesure
de garantir que le programme de stabilité, qui fixe les prévisions financières de la France et doit être voté le
29 avril à l’Assemblée nationale,
recueille une majorité.
Patrick Roger
a LIRE LA SUITE PAGE 6
Sur la base aérienne de Villacoublay (Yvelines), dimanche 20 avril. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
L’Algérie, un système de pouvoir voué à l’échec
I
l ne marche pas, il ne parle pas, il n’apparaît presque jamais en public. D’une certaine façon, Abdelaziz Bouteflika est l’incarnation parfaite du système politique
algérien : opaque, verrouillé, fermé, secret,
n’ayant pas de comptes à rendre à la population. M. Bouteflika, le président sortant, n’a
pas fait campagne. Mais il a gagné l’élection
du jeudi 17 avril. A 78 ans passés, il commence un quatrième mandat.
A en croire les résultats officiels, le patron
du Front de libération nationale (FLN) a reçu
81,53 % des suffrages du premier tour d’un
scrutin qui aurait mobilisé un peu plus de 51%
des électeurs (74,1% en 2009). L’opposition et
sonprincipalcandidat,l’ancienpremierministre Ali Benflis, dénoncent une fraude massive.
Ce qui est vraisemblable, c’est que l’abstention a été substantielle. Lassés d’un régime
usé, souvent accusé de corruption, à tout le
moins d’incompétence, nombre d’Algériens
ne sont pas allés voter.
LE REGARD DE PLANTU
Le renouveau
de l’Atlético
Madrid
slogan du président sortant était simple : « la
stabilité ou le chaos ».
L’Etat algérien est riche, mais 97 % de ses
recettes proviennent des hydrocarbures. Le
pays ne fabrique pas grand-chose ; il importe
massivement. Avec des réserves de change
de l’ordre de 200 milliards de dollars, l’Etat
se sert de la rente pour acheter une paix
sociale toute relative.
Dans ce pays de plus de 38 millions d’habitants, dont 75 % ont moins de 30 ans, il y
aurait, chaque année, plusieurs milliers
d’émeutes : révoltes et jacqueries contre la
gabegie d’une administration tatillonne, le
mal-logement,la brutalité policière, etc. Signe
d’un gros malaise social, les jeunes Algériens
sont très nombreux à n’imaginer leur avenir
quedansl’immigration– enEurope,auxEtatsUnis, au Canada, dans les Etats du Golfe.
Le pouvoir compte sur les traumatismes
profonds laissés par dix années d’une terrible
guerre civile (1994-2004) et sur les échecs des
« printemps arabes » pour s’assurer encore
quelques années de calme politico-social. A
terme, c’est une politique vouée à l’échec. p
Abdoulaye
Wade
de retour
au Sénégal
Les Illuminati,
conspiration
à la mode
Le rival du Real joue
mardi face à Chelsea en demi-finales
de la Ligue des
champions. Mais
le leader du championnat espagnol
de football
est surendetté.
Dans un entretien
au « Monde»,
l’ancien président,
battu en 2012 par
Macky Sall, dénonce un acharnement
politique contre
lui et ses proches.
Parmi des lycéens
se propage la
croyance en une élite secrète mondiale.
Les professeurs
sont désarmés face
à ce phénomène
qui fait irruption
dans leurs cours.
SPORTS – P. 12
INTERNATIONAL – P. 4
ENQUÊTE – P. 17
« Un noUveaU soUffle
dans le cinéma américain »
The New York Times
LIRE NOS INFORMATIONS PAGE 5
DÉCRYPTAGES
La rhétorique guerrière
de Vladimir Poutine
En dénonçant le « coup d’Etat
fasciste» à Kiev et « l’insécurité
des citoyens russes » de Crimée,
la Russie fabrique un discours
en dehors de toute réalité,
estime l’historien américain
Timothy Snyder.
LIRE P. 15 ET NOS INFORMATIONS P. 4
PLANÈTE
Mines contre pandas, un
combat inégal en Chine
Au Sichuan, le traitement infligé à
une zone de protection du panda
témoigne du double langage
de Pékin sur l’environnement.
Officiellement, les autorités
centrales se disent intraitables.
Au niveau local, les industriels
dictent leur loi. LIRE PAGE 5
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UK price £ 1,80
ÉDITORIAL
Cela fait des années qu’une société civile
dynamique et talentueuse a érigé la
débrouillardise au rang d’art de survie.
Depuis longtemps, les Algériens ne comptent plus sur leur Etat. Ils ont appris à vivre
sans ou presque. Ils se désintéressent de la
politique. Ils boudent une démocratie d’apparence où la décision revient, in fine, à un
petit groupe de civils, de militaires et de
chefs des services de renseignement, qui
décide seul de la répartition de la rente gazière et pétrolière.
Alors, la victoire de M. Bouteflika, visiblement mal remis d’un cancer et d’un grave
accident vasculaire cérébral, n’a étonné personne. Elle était programmée par le « système », dès lors qu’il ne s’était pas mis d’accord
sur un autre candidat appartenant au groupe dirigeant.
Ses partisans n’hésitent pas à comparer
M. Bouteflika à Franklin Roosevelt
(1882-1945), le président américain qui, lui
aussi, devait se déplacer en fauteuil roulant.
Alors que la télévision d’Etat diffusait à longueur d’antenne des images de violences
politiques en Syrie, en Libye et en Egypte, le
AUJOURD’HUI
au cinÉma le 23 avril
Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,
Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA
2
international
0123
Mardi 22 avril 2014
Libération des quatre Français otages en Syrie
Les journalistes ont été détenus dix mois sans voir le jour par les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant
Sur la base de Villacoublay, le 20 avril : Pierre Torres, François Hollande, Didier François, Edouard Elias, Laurent Fabius, et Nicolas Hénin. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »
Récit
I
l y avait de la joie, du bonheur, bien sûr, dimanche
matin 20 avril, à 8 h 55, sur
le tarmac de Villacoublay,
quand un hélicoptère a
déposé les quatre ex-otages
français détenus en Syrie. Edouard
Elias, 23 ans, Didier François,
53 ans, Nicolas Hénin, 37 ans, Pierre Torres, 29 ans, ont été accueillis
par le président de la République,
François Hollande, et par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius.
Puis, ce protocole, du moins cet
usage français des retours de captivité, respecté, ils ont embrassé la
vingtaine de membres de leurs
familles présents. Les effusions se
sont poursuivies loin des caméras
et des micros, dans le salon d’honneur, chaque clan entourant son
proche, et François Hollande évoluant de l’un à l’autre. Parfois,
l’émissaire d’une famille partait
s’enquérirauprès d’un autre cercle.
«Le nôtre a l’air bien. Et le vôtre?»
Mais, hésitant entre rires et larmes, ces épanchements ont gardé
quelque chose de contenu, voire
d’un peu gêné. Didier François,
grand reporter à Europe 1, a sans
doute donné l’une des clés de cet
embarras lors d’une brève prise de
parole faite au nom des quatre
journalistes libérés : « Ça a été
long, mais on n’a jamais douté. De
temps en temps, on avait des bribes, on savait que tout le monde
était mobilisé. On a cette chance
d’être français. »
Nulle envolée patriotique dans
cette remarque. Plutôt quelque
chose comme un injuste sentiment de culpabilité.L’ancien otage
avait en tête le sort des quinze à
vingt autres détenus. Quand leurs
ravisseursles ont relâchés,vendredi, les quatre Français laissaient
derrière eux des Occidentaux, des
Libanais ou des Turcs, sans parler
des Syriens, qui ne bénéficient pas
forcément de la même sollicitude
de leurs compatriotes et du même
intérêt de leur gouvernement. La
semaine dernière, Diane Foley, la
mèrede James,unjournalisteaméricain enlevé le 22 novembre 2012
et officiellement porté disparu,
était venu le dire à Paris, racontant
son sentiment de solitude aux
membres du comité de soutien
des otages, leur demandant comment faire pour mobiliser une opinion publique et un gouvernement américains atones, presque
indifférents à son sort.
La détention
Ces hommes encore retenus en
otageétaientlà,telsdesombres,sur
le tarmac de Villacoublay. La menacequipèsesureuxcontraignaitforcément le discours. Les quatre libérés se sont donc montrés très peu
diserts sur leurs conditions de
détention et sur leurs geôliers. « Ça
n’apastoujoursétéfacile»,asimplement dit Nicolas Hénin, qui a ajouté n’avoir « pas toujours » été bien
traité, notamment après une tentative d’évasion, une nuit passée à
courir avant d’être repris, trois
jours plus tard, par ses ravisseurs.
Enlevés en juin 2013, les ex-otages ont passé dix mois enfermés
dans des sous-sols, sans voir le ciel.
Ils ont été durant un mois et demi
enchaînés les uns aux autres. Et
ont été déplacés à une dizaine de
reprises « dans des conditions un
peu abracadabrantes», a expliqué
Didier François. Ce dernier avait
été privéde ses lunettes. En partant
en reportage, il avait emporté un
livre : Notre guerre secrète au Mali,
d’Isabelle Lasserre et Thierry Oberlé (Fayard). Edouard Elias lui faisait
donc la lecture. Le photographe
avait, lui, emporté L’Iliade, qui lui a
été confisqué par les ravisseurs.
Lundimatin,sur Europe1, Didier
François a raconté que, après leur
rapt,ilsn’ontnimangénibudurant
quatre jours et sont restés quatre
mois sans pouvoir prendre de douche. Ils ont subi « des interrogatoires », « des coups» et « des simulacres d’exécution, pistolet sur la tempe». Dans un registre plus léger, ils
étaient parvenus, à l’insu de leurs
geôliers, à se fabriquer un jeu
d’échec avec des boîtes de fromage.
Mais il leur est aussi arrivé de faire,
avec leurs gardiens, une bataille de
boulesdeneige dans leur cellule.En
fin,l’insupportablepromiscuitén’a
pas manqué de créer tensions et
coups de gueule entre les reclus.
La libération
Les quatre hommes n’ont pas
été prolixes non plus sur les conditions de leur libération. Y a-t-il eu
versement d’une rançon ou une
contrepartie ? Laurent Fabius a
donné une réponse sur Europe 1,
dimanche matin : « L’Etat français
ne paie pas de rançon. C’est une instructiondu président de la République que nous respectons. » Ce qui
n’exclut pas l’intervention de pays
amis,notammentdes Etats du Golfe,quiont desrelais parmiles groupes djihadistes. « Tout est fait par
des négociations, des discussions, a
insisté le ministre des affaires
étrangères. Je ne veux pas être plus
précis», motivant sa discrétion par
les négociations encore en cours
pour libérer les deux otages fran-
Bachar Al-Assad conforté dans sa rhétorique antiterroriste
LE RÉGIME SYRIEN n’a pas fait le
moindre commentaire sur la libération des quatre journalistes
français. Bachar Al-Assad a passé
le dimanche de Pâques dans les
ruelles de Maaloula, un village
chrétien récemment reconquis
par son armée, où il a visité un
monastère endommagé par les
combats et exalté la « résilience »
du peuple syrien.
Mais on peut penser, sans trop
risquer de se tromper, que le spectacle donné sur le tarmac de Villacoublay n’a pas déplu au despote
de Damas. Pas parce que la liberté
d’informer ou le bien-être des
reporters français lui tiennent à
cœur. Mais parce que le calvaire
enduré par Nicolas Hénin, Didier
François, Pierre Torres et Edouard
Elias conforte la rhétorique antiterroriste dont il a toujours usé pour
discréditer la révolution syrienne.
La publicité que se sont offerte
leurs ravisseurs, les djihadistes de
l’Etat islamique en Irak et au
Levant (EIIL), face à une forêt de
caméras et de micros français, ne
peut que ravir les autorités syriennes. Pendant ce temps, depuis
Maaloula, un pope orthodoxe à
ses côtés, Bachar Al-Assad avait
beau jeu de stigmatiser « l’obscurantisme» des rebelles, accusés
d’avoir vandalisé certaines églises
de ce haut lieu de la chrétienté.
L’opération est d’autant plus
bénéfique pour Damas que, parmi
les geôliers des quatre journalistes, se trouvaient, selon toute vraisemblance, des ressortissants fran-
çais. Un paradoxe qui risque de
brouiller encore un peu plus l’image du soulèvement syrien dans
l’opinion publique et parmi les responsables politiques hexagonaux,
malgré les 150000 morts causés
par la répression et les combats.
« Complot international »
Conscient de ce danger, Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, s’est efforcé, sur
Europe 1, dimanche matin
20avril, de rétablir quelques vérités, trop souvent englouties dans
le maelström syrien. Il a affirmé
« qu’il y a une espèce de complicité
objective» entre le régime Assad
et les miliciens de l’EIIL, qui,
depuis leur apparition sur le terrain syrien au printemps 2013,
n’ont cessé de semer la discorde
au sein de la rébellion.
Assassinats de chefs rivaux,
exactions systématiques dans les
territoires sous leur contrôle, décapitation de soldats alaouites… Au
début de l’année, une coalition
hétéroclite de brigades nationalistes, salafistes et même djihadistes
a fini par lancer un assaut frontal
contre Da’ech, le forçant à se
replier dans l’est du pays. « Nous
soutenons l’opposition modérée,
ce qui est très difficile puisqu’elle
est l’objet des attaques des deux
côtés», a rappelé Laurent Fabius.
Une troisième voie de plus en
plus étroite. Sur le terrain, les forces régulières progressent, galvanisées par l’approche de l’élection
présidentielle, prévue probable-
ment en juin. Un nouveau sacre
garanti pour Bachar Al-Assad, qui
aimerait célébrer à cette occasion
l’échec définitif du «complot international» visant à le faire tomber.
Son espoir se fonde sur le sentiment de découragement croissant qui habite les diplomates
occidentaux depuis le fiasco de la
conférence de paix de Genève, en
janvier-février. A peine annoncée,
la dernière initiative en date de la
France – une saisine de la Cour
pénale internationale par le biais
du Conseil de sécurité des Nations
unies – paraît déjà promise à un
veto de la Russie. Sur le terrain
militaire comme sur la scène
diplomatique, l’opposition et ses
parrains sont à la peine. p
Benjamin Barthe
çaisdétenusau Sahel,Serge Lazarevic et Gilberto Rodrigues Leal.
Peu de précisions ont filtré sur
les circonstances de la remise en
liberté. Les médias turcs affirment
que les quatre hommes ont été
retrouvés, samedi matin, errant,
ligotés et les yeux bandés, dans le
no man’s land entre la Syrie et la
Turquie,à Akçakale.« C’estcomplètement faux, a affirmé Nicolas
Hénin. Nous avons, tous les quatre,
traversé la frontière avec la tête
tout à fait découverte et les mains
dans les poches, et nous avons été
dirigés par nos ravisseurs vers une
position de l’armée turque qui
nous a pris en charge. »
Les services français, notamment la DGSE, très impliqués dans
la négociation, étaient-ils présents
à ce moment-là ? Y a-t-il eu quiproquo avec les autorités turques ?
Mystère. Les quatre hommes ont
été retenus quelques heures dans
un commissariat, avant d’être
conduits vers la ville de Gaziantep.
L’annonce
Unechoseestavérée.Lacommunication officielle à Paris a été
contrariée par un tweet émanant
d’un proche du premier ministre
turc,RecepTayyipErdogan,annonçant la libération des otages. Habituellement,les autorités françaises
attendent que l’avion du retour ait
décolléetque les otagessoientdéfinitivement en sûreté pour confirmer un heureux dénouement.
La fuite a obligé Paris à anticiper
l’annonceetaperturbéensuitel’organisation du rapatriement, d’où
le sentiment d’un flottement
durant tout l’après-midi du samedi. Dans la soirée, les quatre hommes ont enfin embarqué dans un
avionendirectiondelabasemilitaire d’Evreux. François Hollande a
remercié les autorités turques
pour leur aide et avait pris soin
d’appeler lui-même les familles,
dès samedi matin. Il est tombé à
chaque fois sur des répondeurs…
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international
Mardi 22 avril 2014
3
Ersal, base arrière de la rébellion syrienne
dans la vallée libanaise de la Bekaa
Les ravisseurs
En fait, le véritable tournant
pour les otages est intervenu en
janvier, lorsque des groupes apparentés à l’Armée syrienne libre
(ASL), le bras officiel de l’opposition syrienne, mais aussi des formations salafistes plus modérées
ounationalistessontpassésà l’attaque contre l’Etat islamique en Irak
et au Levant (EIIL), un groupe dissident d’Al-Qaida qui rêve d’instaurer un califat à cheval sur la Syrie et
l’Irak – Da’ich en arabe.
Lassésdes exactionsde cetteformation, fondée par des Irakiens et
rejointepar de nombreuxdjihadistes étrangers, notamment européens, mais aussi tchétchènes ou
en provenance du Maghreb et des
pays du Golfe, ils l’ont chassée des
provinces d’Alep et d’Idlib.
Il est vrai que l’EIIL passe plus de
temps à attaquer les autres groupes rebelles, volontiers taxés
d’apostasie, plutôt que le régime
de Bachar Al-Assad. En échange, ce
dernier, qui a libéré de prison certains des cadres djihadistes de
l’EIIL – qui avaient participé à la
guérilla contre les forces américaines en Irak après 2003 – peu après
le début de la révolution syrienne
en 2011, se garde bien de bombarder les positions de Da’ich.
LaurentFabius y voit une « complicité objective » entre le régime
syrien et ce groupe terroriste. Agitil pour autant sur ordre et ses commanditaires sont-ils à Damas? Nul
n’en a la preuve.
Lors de sa fulgurante montée
en puissance en Syrie tout au long
de l’année 2013, l’EIIL a passé son
temps à racheter, récupérer et
prendre de nouveaux otages occidentaux. Jusqu’à aboutir au chiffre stupéfiant d’une trentaine. Du
jamais-vu, même au Liban dans
les années 1980, ou plus récemment en Irak et en Afghanistan.
D’autant que, dans les premiers
temps,les ravisseursne communiquent pas : ils ne demandent rien,
ne revendiquent rien, ne disent
rien. Ils se content de « stocker »
des otages, entretenant une stratégie de terreur silencieuse.
Face à ce cas inédit, les services
de renseignement de plusieurs
pays européens mettent en commun leurs informations et leurs
contacts. Même les Américains et
les Britanniques sont là, bien qu’ils
s’abstiennent de toute action pour
faire libérer leurs otages. Au début
de l’automne, des contacts sont
noués, plus ou moins soutenus.
A
La négociation
Les défaites de l’EIIL dans la fratricide guerre avec les autres factions rebelles – qui a causé plus de
1 500 morts à ce jour – contraignent le groupe à se replier sur son
fief de Rakka, où Pierre Torres et
Nicolas Hénin avaient été pris.
C’est là aussi qu’avait été enlevé le
père jésuite italien, Paolo Dall
Oglio, très respecté pour son soutien à la révolution syrienne : il
étaitvenutenterunemédiationfin
juillet avec les desperados de l’EIIL.
Un deuxième facteur fragilise
le groupe: début janvier aussi, l’armée irakienne lance une offensive
dans la province d’Anbar, en particulier à Falloujah, dont l’EIIL a fait
un bastion. Les cadres irakiens du
mouvement quittent précipitamment la Syrie pour retourner se
battre dans leur patrie d’origine.
Dans cette situation de repli, les
otages sont devenus un poids plus
qu’un précieux butin. Ils mobilisent énormément de gardiens, de
logistique, de communications.
« On sent bien que les ravisseurs
sont entrés dans une logique classique de négociation », précise le
comité de soutien des otages français,quia été actif toutau longdela
détention, alternant manifestations publiques et lobbying plus
discretauprès d’un exécutifqui n’a
cessé de suivre de près l’affaire.
Tous les mardis, François Hollande, qui connaissait personnellement Didier François en raison de
son passé de fondateur de SOSRacisme, s’entretenait avec Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian
du sort des otages. p
Christophe Ayad
et Benoît Hopquin
Un rebelle islamiste syrien, à Ersal, le 24 mars. D. KHAMISSY POUR « LE MONDE »
SYRIE
Mer
Méditerranée
A
Laboué
LIBAN
KA
«Onsavaitqu’ilyavaitunprocessus
en cours et qu’on avait des raisons
d’y croire », raconte Nicolas Hénin.
Malgré les mauvais traitements.
Des preuves de vie sont régulièrement envoyées sous la forme de
vidéos dans lesquelles les otages,
en tenue orange à la manière des
détenus de Guantanamo, déclinent leur identité à tour de rôle. « A
un moment, raconte une source
proche des services de renseignement, on s’est demandé si leur projet n’était pas de bâtir un Guantanamo à l’envers. » D’autres pensent que les otages servent de boucliers humains.
La situation est d’autant plus
compliquée que, parmi les ravisseurs, « il y a des Français, il y a des
Belges, il y a des Italiens, enfin, il y a
toute une série d’Européens (…) qui
sontpartis,commeils disent,fairele
djihad en Syrie », a expliqué Laurent Fabius dimanche matin. Nicolas Hénin l’a confirmé dans un
entretien à Arte le soir même : « On
avait clairement la présence de
gens qui se présentaientcommedes
djihadistes qui parlaient très bien le
français pour certains, ou l’anglais. » Dans ces conditions, le
moindre faux pas peut avoir des
conséquences dramatiques. Tout
en confirmant ces informations,
Didier François n’a pas voulu donner de détails supplémentaires
qui pourraient nuire au sort de
ceux qui restent en captivité.
BE
Serge Lazarevic et
Gilberto Rodrigues Leal sont les
deux derniers otages français
dans le monde. Le premier a été
enlevé le 24 novembre 2011 et le
second le 20 novembre 2012,
tous deux au Mali.
vec ses maisons de parpaing souvent inachevées,
Ersal ressemblait, il n’y a
pas si longtempsà uneville frontalière libanaise, comme tant
d’autres. Forte de 40 000 âmes,
installée en altitude dans la Bekaa,
elle se présentait comme une masse grise à l’air désolé, dominée par
les crêtes rocailleuses de l’AntiLibanquimènentà laSyrie.Les tentes des camps où s’entassent les
familles syriennes qui ont fui les
combats s’étalent désormais entre
les bâtisses de béton, en de grandes taches de couleur blanche et
bleue.Des barragesde l’armée libanaise encerclent la bourgade.
Avec l’aide du Hezbollah,
Damas est en passe de chasser les
insurgés du Qalamoun, massif
syrienà l’estde la Bekaa.Base arrière des rebelles, Ersal retient son
souffle, inquiète des contrecoups
dela bataille.Depuis mars, seshauteurssont bombardéespar l’aviation syrienne. Et plusieurs incidents
ont secoué la ville.
Ersal a conservé des allures de
bourg rural. Des hommes se promènent coiffés du keffieh traditionnel. D’autres partent aux
champset vers lescarrièresde pierre en pick-up ou en vieille moto.
Mais avec l’afflux de réfugiés
syriens (50 000 selon le HautCommissariat aux réfugiés (HCR),
100 000 selon les autorités locales), plus nombreux que les habitants d’Ersal, les commerces ont
décuplé. Un hôtel a ouvert, ainsi
qu’une clinique, grâce à des fonds
koweïtiens. Inaugurée en février,
elle a aussitôt été submergée par
les blessés du Qalamoun.
Dès 2011, les responsables d’Ersal, ville sunnite, ont pris fait et
cause pour le soulèvement syrien.
Les habitants sont fiers de leur
esprit frondeur. Ali Al-Hojeiri, président de la municipalité, en souligne le caractère ancien, évoquant
le climat de sédition du temps du
mandat français (1920-1943). Rares
sont les images témoignant de l’allégeance à un parti (la coalition de
l’ex-premier ministre Saad Hariri
est la plus populaire) ou à un leader, contrairement à une pratique
courante au Liban. Les habitants
déplorentleurisolementet lemanque d’infrastructures.
C’est parce que l’Etat les a
oubliés, disent-ils, qu’ils se sont
lancés dans la contrebande en tous
genres avec la Syrie. Les gens d’Ersal connaissent les moindres
secrets de cette frontière poreuse,
qu’ils mettent au service de la
rébellion contre Bachar Al-Assad.
LA
Le seul à avoir décroché fut José
Torres. « Qui êtes-vous ? Votre voix
me dit quelque chose », a demandé
l’interlocuteur, craignant un
pitoyable canular.
Depuis quelques semaines, les
familles des otages et le comité de
soutien, présidé par Serge July,
pressentaient une accélération
des tractations.La libérationrécente des trois otages espagnols
– d’abord Marc Maginedas (El
Periodico), le 2 mars, puis Ricardo
Garcia Vilanova et Javier Espinosa
(El Mundo), le 29 mars – semblait
de bon augure. Les Français
seraient les prochains sur la liste.
Pierre Torres, 29 ans, est océanographe de formation et photographe. Il a été kidnappé avec Nicolas Hénin, le 22 juin, à Raqqa.
Ersal (Liban)
Envoyée spéciale
Beyrouth
Ersal
DE
Nicolas Hénin, 38 ans, travaille
Reportage
NE
Edouard Elias, 23 ans, photographe indépendant, a été enlevé
avec Didier François, le 6 juin, au
nord-est d’Alep, peu après avoir
franchi la frontière turque.
régulièrement pour Arte et Le
Point. Spécialiste du monde arabe, il est basé à Addis-Abeba.
AI
Didier François, 53 ans, est
grand reporter à Europe 1. Après
être passé par la Ligue communiste révolutionnaire et avoir cofondé SOS-Racisme,
il a travaillé au Matin de Paris,
puis à Libération comme reporter
de guerre.
L’afflux de combattants et de réfugiés syriens déstabilise la bourgade sunnite
PL
Deux reporters et deux photographes libérés
10 km
SYRIE
Damas
Dès 2011, le trafic passe par des terres agricoles qui jouxtent la Syrie,
situées à plusieurs kilomètres au
nord d’Ersal et en grande partie
exploitées par des paysans locaux.
La frontière, invisible, se franchit à
moto. Entre avril et juin 2013, la
bataille de Qoussair fait rage au
nordde cette zone,devenue impraticable. Vivres, armes et combattants syriens affluent désormais
vers le Qalamoun, par l’est d’Ersal.
Si Damas tente aujourd’hui de verrouiller la frontière, « l’appui d’Ersal n’a pas cessé», atteste AbouBrahim, un rebelle.
« Nous soutenons nos frères
avec le cœur et l’esprit », affirmait,
déjà en 2011,MohammedAl-Hojeiri, un élu d’Ersal, insistant sur la
proximité entre sunnites libanais
et syriens. Des hommes ont aussi
pris les armes en Syrie, raconte un
ancien élu, « tout comme en 2003,
après l’invasion américaine,
d’autres sont partis se battre en
Irak », ajoute-t-il.
L’aide ne s’est pas limitée aux
seuls insurgés. Très vite, des habitants ouvrent ou louent leurs maisons aux réfugiés. Le premier
camp informel est érigé en 2012
sur les terres d’un dévot local. Des
ONG arabes et occidentales tentent aussi de parer les besoins,
plus pressants depuis 2013 avec
l’afflux de réfugiés de Qoussair
puis du Qalamoun. Mais l’aide est
mal coordonnée. Le ministère des
affaires sociales admet que le
contrôle des financements parvenant à Ersal lui échappe.
« La ville est saturée. Nous souhaitonsinstaller un camp horsd’Ersal», explique Jean-Paul Cavalieri,
numéro2 du HCR. Pour cela, il faut
le feu vert de Beyrouth, qui refuse
d’officialiser l’installation des
camps syriens. Le projet du HCR
répond aussi à des préoccupations
sécuritaires: les violences empêchent parfois l’accès à Ersal. L’infiltration de combattants compromet en outre le caractère civil des
camps.
Si Damas tente
aujourd’hui
de verrouiller
la frontière, «l’appui
d’Ersal n’a pas cessé»,
atteste un rebelle
Dans la Bekaa, région à majorité
chiite et acquise au Hezbollah,
allié à Bachar Al-Assad, Ersal a vite
été perçue comme une menace.
Avec la bataille du Qalamoun, les
tensions se sont accrues. Plusieurs
villages chiites ont été visés par
desroquettes,attribuéesaux rebelles. Deshabitantsd’Ersal sontaccusés d’être complices de ces attaques. L’armée dit aussi traquer des
individus suspectés de participa-
tion aux récents attentats qui ont
frappé le Liban.
Au sein des camps, le débat est
lancé. « La plupart des déplacés
refuse que des unités insurgées
s’établissent,pour ne pas devenir la
cible des bombardements de
Damas»,rapporteMerhiFliti,coordinateurd’Amel, une ONG libanaise. Abou Anwar, un déplacé syrien,
constate qu’« une partie d’Ersal
penseque lastabilitéestcompromise par la présence des réfugiés ».
Les chemins menant au jurd
– les terres agricoles dans la
montagne –, autrefois sillonnés
par les chasseurs et les cultivateurs, sont désormais bouclés par
les soldats libanais. Depuis la
mi-mars, les militaires tentent de
contenir le flot de combattants
syriens– plusieurs centaines selon
un militant pro-rebelles – qui se
sont repliés dans le jurd. Selon une
source sécuritaire, inquiète
d’« actions au Liban », les derniers
arrivés appartiennent « en majoritéau FrontAl-Nosra affilié à Al-Qaida ». Ils sont déployés sur une bande de terre entre Ersal et la Syrie,
large de 15 à 20 kilomètres. L’armée libanaise ne se rend pas dans
ce no man’s land.
Les militaires bénéficient de
l’appui des autorités locales. Mais
des habitants les critiquent : « L’armée protège-t-elle Ersal, ou fait-elle
le jeu du Hezbollah ? », demande
Abou Omar, militant pro-rebelles.
En contrebas de la ville sunnite,
dans le village chiite de Laboué, les
rondes de miliciens du Hezbollah
attisent la colère d’Ersal. Seules les
relations anciennes contiennent
pour l’instant ces tensions. p
Laure Stephan
Rivalitésaiguiséesàl’approchedelaprésidentielleturque
Le président Gül exclut un scénario à la Poutine-Medvedev avec le premier ministre Erdogan
Istanbul
Correspondance
A
bdullah Gül ne sera pas le
Medvedev de Recep Tayyip
Erdogan. A quatre mois de
l’élection présidentielle prévue en
août,la candidaturede l’actuelpremier ministre et chef incontesté
du Parti de la justice et du développement (AKP) depuis douze ans,
ne fait guère de doute. Mais pour
garder les mains libres à la tête du
régime turc, de type parlementaire, M. Erdogan aura besoin d’un
chef de gouvernement docile. Un
rôle que l’actuel président, M. Gül,
refuse d’endosser.
Un échange de postes, à la
manière de Vladimir Poutine et
Dmitri Medvedev en Russie en
2008, hypothèse souvent avancée,
ne semble pas d’actualité. « La for-
mule n’est pas nécessairement
adaptée à la Turquie », a déclaré,
vendredi18 avril, l’actuelprésident
de la République, au cours d’une
visite dans la ville de Kutahya. « Je
n’ai pas de projet politique dans les
conditions actuelles», a-t-il ajouté.
Risque d’implosion ?
La stratégie présidentielle de
M. Erdogan a été renforcée par la
large victoire de l’AKP aux élections municipales du 30 mars. Un
succès conquis dans les urnes, en
dépit des affaires de corruption
qui le cernent depuis décembre et
des scandales révélés grâce à des
écoutes clandestines. Sûr de sa
popularité, le premier ministre ne
cache plus ses ambitions et devrait
briguer le fauteuil présidentiel.
Reconduit trois fois consécutivement à la tête du gouvernement,
les statuts internes de son parti lui
interdisent, a priori, un nouveau
mandat. Mais la présidentialisation du régime qu’il envisageait
ces derniers mois paraît difficile à
mettre en œuvre d’ici à l’été.
M. Erdogan devra donc placer
un homme de confiance à la tête
de son cabinet. Depuis vingt ans et
leur ascension au sein de la mouvance islamiste turque, c’est
Abdullah Gül qui a, le plus souvent, joué ce rôle de numéro deux.
Ce fut le cas en 2003, pour assurer
l’intérim comme premier ministre lorsque M. Erdogan était encore sous le coup d’une peine d’inéligibilité. Mais en 2007, il a su s’imposer pour la présidence de la
République. Un poste qu’il se verrait bien conserver aujourd’hui.
L’indépendance revendiquée
par M. Gül accentue la rivalité
entre les deux hommes, déjà perceptible depuis les manifestations
de la place Taksim, au printemps
2013. Une situation qui pourrait
conduireà une implosionde l’AKP.
Pour le politologue Ali Carkoglu, professeur à l’université Koç
d’Istanbul, l’hypothèse paraît peu
probable. Et les déclarations d’Abdullah Gül, qui a indiqué qu’il
allait s’entretenir avec M. Erdogan
à ce sujet, « pourraient être le
signal qu’ils ont déjà décidé de
maintenir un statu quo ». « Ils ont
toutesles raisonsde continuerà travailler ensemble. S’ils se divisent, ils
y perdront tous les deux », complète-t-il. Pour couper court aux spéculations, l’AKP a annoncé qu’il
tiendrait une réunion au mois de
mai pour désigner son candidat
pour la présidentielle. p
Guillaume Perrier
4
0123
international
Mardi 22 avril 2014
Abdoulaye Wade: «Mon retour
est hautement politique»
L’ancien chef d’Etat sénégalais, qui doit se rendre mercredi 23avril à Dakar,
deux ans après avoir perdu l’élection présidentielle, fustige son successeur
Entretien
P
résident de la République du
Sénégal de 2000 à 2012,
Abdoulaye Wade vit, depuis,
en France. Après deux ans d’absence, il se rendra, mercredi 23 avril, à
Dakar. Son élection avait mis fin à
quarante années de présidence
socialiste au Sénégal. Il a été battu
en 2012 par l’actuel président, Macky Sall. Son fils et ancien ministre,
KarimWade,a étéemprisonnéil ya
un an pour « enrichissement illicite », dans le cadre d’une série d’enquêtes lancées par le nouveau pouvoircontre d’ancienshauts responsables. Abdoulaye Wade, 87 ans,
dénonce depuis un acharnement
politique contre lui et ses proches.
Quel est l’objet de ce déplacement à Dakar ? S’agit-il d’un
retour politique ?
J’ai été président de la République pendant douze ans, avant de
perdre les élections; je rentre dans
mon pays après deux ans d’absence; et je suis resté, à la demande des
militants, le secrétaire général de
mon parti, le Parti démocratique
sénégalais (PDS). Tout cela fait que
mon retour est hautement politique, surtout dans les circonstances
actuellesoù il y abeaucoupde difficultés au Sénégal. Il y a un fort
mécontentement: les Sénégalais
ont comparé le régime actuel avec
le mien et ont tiré les conclusions
qui s’imposent.
Deux ans après l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, quel message
voulez-vous délivrer ?
Je vais remercier les électeurs
qui ont voté pour moi en 2012 et se
sont battus jusqu’au bout. Je
m’adresserai à la jeunesse sénégalaise qui souffre de la hausse du
chômage et qui manifeste. Quand
j’étais président, il y avait du chômage, mais j’ai créé beaucoup
d’emplois,attiré degros investissementsqui ont fait de Dakarune ville moderne avec des infrastructures remarquables. Aujourd’hui, on
assiste au départ des entreprises
étrangères que j’avais fait venir.
Mon deuxième message ira à
mes sympathisants : à l’heure
actuelle, le PDS est le parti majoritaire, même s’il est dispersé du fait
de l’absence d’un leader capable de
fédérer tout le monde.
Mon troisième message s’adressera à Macky Sall. Il est le président.
Il est donc responsable des tensions actuelles, notamment politiques. Dès le lendemain de son élection, il a commencé à faire campagne pour être réélu en 2017. S’il a
mis mon fils Karim en prison, c’est
parce qu’il voyait en lui le seul rival
capable de l’affronter. Je vais lui
dire que je ne souhaite pas qu’il y
ait un affrontement pour le pouvoir au Sénégal, mais que, pour
cela, la démocratie doit revenir.
«Le président
Macky Sall a pratiqué
une chasse
aux sorcières contre
mes collaborateurs
et moi»
Macky Sall est conscient de la
dégradation politique, économique et sociale du Sénégal. Il faut y
mettre fin. Je veux la paix et la
démocratie mais, s’il persiste à
maintenir des innocents en prison,
j’utiliserai tous les moyens légaux
pour combattre son régime.
Votre fils Karim, en détention préventive depuis un an, sera renvoyé devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite
(CREI) et jugé dans les deux mois.
Comment avez-vous réagi ?
J’ai été satisfait de cette annonce. On reprochait à mon fils Karim d’avoir dissimulé 800 milliards
de francs CFA [1,2 milliard d’euros].
Le procureur a ramené cette sommeà350 milliards.Puis,lacommission d’instruction de la CREI l’a
encore ramenée à 117 milliards de
FCFA. 80 % des accusations sont
déjà tombées, non pas du fait des
avocatsde Karim,maisparceque la
commission d’instruction, en examinant les documents, a vu que ça
ne pouvait pas être mis à la charge
de Karim. Nous allons balayer facilement les dernières accusations.
La traque des biens mal acquis
lancée par le gouvernement du
président Macky Sall n’est-elle
pas une initiative importante ?
Lutter contre les détournements est important. J’ai moimême mis onze inspecteurs des
financesenprisonquandj’étaisprésident. Mais ce n’est pas une raison
pour accuser des innocents. Macky
Sall a utilisé l’idée de la traque des
biens mal acquis pour combattre
Karim,lefairecondamner,lepriver
de ses droits civiques pour qu’il ne
se présente pas en 2017. Pour servir
cette cause, il a ressuscité la CREI,
une cour créée en 1981, qui n’avait
pas été activée depuis trente ans et
qui avait disparu de l’architecture
judiciaire du Sénégal. Il a pratiqué
une chasse aux sorcières contre
mes collaborateurs et moi.
Vous êtes très critique du bilan
de votre successeur. Mais votre
dernier mandat a été marqué par
un fort mécontentement social.
Certainsnecomprenaientpasce
que j’étais en train de faire :
construire des routes, des infrastructures, une université. Je
construisais des fondations solides
pour le Sénégal. Mais le mécontentementa aussiétéamplifiéparmes
adversaires. Ils ont réussi à mobiliser contre moi, à Dakar, mais pas à
l’intérieurdupays. Globalement,la
population était satisfaite.
Le Sénégal reste un îlot de stabilité dans une région agitée. Craignez-vous que la crise malienne
puisse le déstabiliser ?
Non, je ne crois pas que le Sénégal soit menacé. Les marabouts
[les confréries musulmanes] ont
un poids très important dans la
population. Or, ils pratiquent un
islam tolérant. Ils sont des garanties contre l’extrémisme.
En un an, la France a mené deux
interventions militaires en Afrique : au Mali et en RCA. S’agit-il
Abdoulaye Wade, le 20 avril, à Paris. LIONEL CHARRIER/MYOP POUR « LE MONDE »
de néocolonialisme ?
L’intervention au Mali était une
bonne chose. Elle était demandée
par le gouvernement malien. En
Centrafrique, les affrontements
étaient tels qu’une intervention
était aussi nécessaire. Mais on
aurait dû procéder autrement :
organiser une conférence internationale pour dégager la nécessité
d’une intervention extérieure et
ensuite saisir le Conseil de sécurité
de l’ONU. Cela aurait donné une
légitimité à la France.
François Hollande avait annoncé
une rupture dans les relations
entre la France et l’Afrique.
A-t-elle eu lieu ?
La Françafrique n’existe plus,
mais la France n’est pas indifférente à ce qui se passe en Afrique. Vu
ses intérêts économiques, elle ne le
peut pas. Les déclarations officielles sont une chose, mais les réalités
sont là. Pour intervenir en RCA, la
France n’a demandé l’autorisation
d’aucun Etat africain.
Les interventions françaises ne
signent-elles pas l’échec des
Etats africains ?
Nous aurions dû être capables
de résoudre nos propres conflits.
Malheureusement, l’organisation
que nous avons aujourd’hui ne
permetpas de le faire. L’Unionafricaine n’a aucun pouvoir. Nous
serons pris au sérieux quand nous
pourrons peser sur la politique
mondiale, quand nous aurons formé les « Etats-Unis d’Afrique».
Nourrissez-vous des ambitions
politiques ?
J’ai dépassé l’âge d’avoir une
ambition politique. Briguer un
poste au Sénégal, c’est fini. Ce qui
ne veut pas dire que je sors de la
politique. Je dirige le parti le plus
important du pays. J’ai aussi créé
un bureau à Dubaï, Wade International Consulting, pour transmettre mon expérience à d’autres
chefs d’Etat africains. p
Propos recueillis par
Charlotte Bozonnet
Rumeurset manipulationsaggraventla criseen Ukraine Le désarroides proches
Trois prorusses et un nationaliste auraient été tués dans un incident controversé, samedi à Sloviansk desdisparusdu «Sewol»
Reportage
Donetsk (Ukraine)
Envoyé spécial
A
ttaque d’un groupe proukrainien extrémiste, comme l’affirment les miliciens
prorusses ? Bavure ou dispute
entre ces mêmes miliciens,
maquillée ensuite en attaque ? Ou
encore mise en scène complète
destinée à accroître la tension ?
La fusillade survenue dans la
nuit du samedi 19 au dimanche
20 avril aux abords de la ville de
Sloviansk, la seule intégralement
contrôlée par les séparatistes dans
l’est de l’Ukraine, est entourée
d’un mystère.
Selon la version des prorusses,
une vingtaine d’assaillants à bord
de quatre voitures auraient attaquévers1heure du matinunbarrage à la sortie ouest de la ville.
L’échange de tirs aurait fait au
moins quatre morts (trois prorusses et un assaillant).
Mais dimanche, les miliciens
prorusses qui tiennent la ville ont
empêché les journalistes d’accéder à la morgue et à l’hôpital, autorisant seulement l’accès aux carcasses calcinées de deux voitures.
Ils n’ont pas plus montré les preuves qu’ils disent détenir de l’implication de Pravy Sektor, l’un des
groupes les plus nationalistes à
Kiev: une carte de visite du chef de
cemouvement,des papiersd’identité ou encore des armes « de fabri-
cationétrangère». Le chef desséparatistes locaux, Viatcheslav Ponomarev, a en revanche été très précis dans la demande qu’il a adressée à Vladimir Poutine : « Nous
vous demandons d’étudier au plus
vite la possibilité d’envoyer des forces de maintien de la paix pour
défendre la population contre les
fascistes.»
S’il venait à se répéter, l’incident pourrait fournir au président
russe un prétexte pour intervenir
plus ouvertement encore dans la
crise ukrainienne, au nom de la
défensedespopulationsrussophones. Dimanche, Moscou s’est dit
« indigné» par l’attaque, qu’il attribue aussi à Pravy Sektor. Kiev
craint de son côté que ces événements ne servent « à poser les
bases d’une invasion de l’Ukraine».
L’épisode est aussi révélateur
de la guerre de l’information à
laquelle se livrent les parties en
présence. Il y a les outrances des
télévisions russes, regardées par
une partie de la population de
l’Est, mais aussi, en Ukraine
même, une guerre des mots qui
exacerbe tensions et rancœurs.
« Terroristes » prorusses contre
« fascistes» de Kiev : la terminologie employée dans les médias laisse peu de place à la nuance. Pourtant, la réalité est plus complexe.
Selonun sondageréaliséparuninstitut fiable, 69,7 % des habitants du
sud-est russophone s’opposent à
un rattachement à la Russie (15,4 %
sont pour). Mais la défiance
vis-à-vis des événements de
Maïdan est profonde (74 % jugent
illégitimes les nouvelles autorités)
etvoir leurscrainteset leurs aspirations balayées d’un revers de main
par les télévisions ukrainiennes
accentue le sentimentde ces populations d’être marginalisées.
La plupart des médias ukrainiens, qui ont gagné leur indépendance avec la « révolution orange»
de 2004, ne connaissent qu’une
seule façon de travailler, partisane. Ce fut le cas pendant l’insurrec-
L’épisode est
aussi révélateur
de la guerre
de l’information
à laquelle se livrent
les parties en présence
tion de Maïdan, ça l’est encore plus
à l’heure où le pays est au bord de
l’explosion.Chaque jour,des dizaines de sites d’information locaux
ou nationaux relaient – ou inventent– des rumeurs visant à discréditer l’adversaire.
A Sloviansk déjà, un milicien
séparatiste nous montrait vendredi sur son iPad, en tremblant
d’émotion, une vidéo tirée d’un
site prorusse et intitulée « L’Armée ukrainienne tire sur son peuple ». On y voyait une colonne de
blindés légers passant à proximité
de civils ; en bande-son, grossière-
ment surajouté, le bruit d’une
intense fusillade.
Le camp antirusse n’est pas
exempt.ToujoursconcernantlavilledeSloviansk,etpourlaseulejournée de samedi, deux fausses nouvelles étaient relayées: les autorités prorusses auraient officiellement ordonné aux habitants de
dénoncer leurs voisins parlant
l’ukrainien. Des «pogroms» contre
les Roms y auraientlieu, menés par
des séparatistes en armes.
Il y a aussi l’affaire du tract antisémite de Donetsk, résultat, elle,
d’une manipulation plus orchestrée et qui a fait réagir jusqu’à la
Maison Blanche. Mercredi, à la sortie de la synagogue de Donetsk,
trois hommes masqués ont distribué un document appelant tous
les juifs de plus de 16 ans à s’enregistrer auprès du « commissariat
pour les nationalités de la République populaire de Donetsk » – l’entité fantoche prorusse de la ville – et
à payer une taxe de 50 dollars
(environ 36 euros) pour les punir
de leur soutien présumé à Kiev.
Ceux qui refuseraient seraient
expulsés du territoire et verraient
leurs biens saisis.
Le tract évoquait une décision
du « gouverneur populaire» Denis
Pouchiline,le chef des séparatistes
à Donetsk. Mais le tampon utilisé
ne correspond pas à celui des prorusses. M. Pouchiline a démenti, et
le rabbin de la ville a lui-même
conclu à une « provocation». p
Benoît Vitkine
L’équipage du navire sud-coréen ayant fait
naufrage le 16avril est gravement mis en cause
Séoul
Correspondance
L
e tempspasseet l’espoirs’évanouit. Sur l’île de Jindo, à quelquesencabluresdelacôtesudouest de la péninsule sud-coréenne, les familles des disparus du
ferry Sewol assistent, impuissantes, à un triste décompte. Celui des
corps extraits avec difficulté de
l’épave du navire gisant désormais
par 35mètres de fond, par les plongeurs de l’armée, des garde-côtes
ousimplementdescivils :64 morts
étaient confirmés lundi matin
21 avril. Le ferry, avec à son bord
476 passagers dont 325 lycéens, a
sombré le 16avril. Plus de 200 sont
toujours portés disparus.
Dans le gymnase de Jindo où
sontrassembléslesprochesdesdisparus, l’attente est insoutenable.
« Conduisez prudemment, il pourrait se réveiller à l’hôpital », a
demandé une mère effondrée aux
ambulanciers qui emmenaient le
corps de son fils qu’elle venait de
reconnaître. Une autre a découvert
son enfant mort en regardant
l’écran installé dans le gymnase.
Elle n’y a pas cru: son nom figurait
sur de fausses listes de survivants
envoyées sur les réseaux sociaux.
Toutcelaalimentecolèreet frustration. Les familles sont furieuses
à cause des informations contra-
dictoires, des rumeurs infondées
et des retards des secours.
L’équipage du Sewol est la premièrecibledes critiques.Le capitaine fut l’un des premiers à quitter le
bord, violant les règles les plus élémentaires de la navigation. Il a été
arrêté le 19 avril, tout comme le
troisième lieutenant et le timonier à la manœuvre au moment
du drame, ainsi que quatre autres
membres de l’équipage. L’enquête
a révélé que le troisième lieutenant n’avait jamais barré dans cette zone dangereuse. Des marins
ont dit n’avoir participé à aucun
exercice de sécurité. Le 21 avril, la
présidente Park Geun-hye a qualifié de « meurtrier » le comportement de l’équipage.
Renflouement
Une centainedeproches des victimes a décidé, dimanche, de parcourir à pied les 400 km séparant
Jindo de la Maison Bleue, la présidence sud-coréenne, pour rencontrer Mme Park. La police les a stoppés après quatre heures de marche. Certains criaient : « Sauvez
mon enfant ! » Treize d’entre eux
ont pu s’entretenir avec le premier
ministre Chung Hong-won. Ils lui
ont demandé d’attendre encore
avant de lancer les opérations de
renflouement du navire. p
Philippe Mesmer
0123
international & planète
Mardi 22 avril 2014
EnAlgérie,« ceuxqui
parlentde transitionvont
trouverle FLNcontreeux »
Pour M. Saadani, secrétaire général de l’ex-parti
unique, l’opposition est tombée avec l’élection
Alger
Envoyée spéciale
S
itôt le quatrième mandat du
président Abdelaziz Bouteflika surlesrails, le Front de libération nationale (FLN) réclame son
dû. L’ex-parti unique qui domine
la scène politique algérienne
depuis l’indépendance a été « la
locomotive» de la victoire du président sortant, a assuré devant la
presse, dimanche 20 avril, son
secrétaire général, Amar Saadani.
« Du début de la campagne jusqu’aujourde l’élection»,a-t-il insisté. La bataille pour la succession
du chef de l'Etat malade, au sein
même du clan présidentiel traversé par plusieurs courants, commence sans doute ici. Trois jours
après le scrutin du 17 avril.
Alors que M. Bouteflika était
absent physiquement tout au long
des21 joursde lacampagneofficielleetqu’iladonnéprocurationàplusieurspersonnalitésdu FLNpour le
représenter, l’ex-parti unique
prend ses marques. Il réclame le
poste de premier ministre dans le
futur gouvernement, sinon celui,
très hypothétique, de vice-président, parfois évoqué dans les plans
de révision de la Constitution. « Le
président a un programme et cela
va commencer par la révision de la
Constitution », a-t-il déclaré. Il ajoute, pour être sûr d’être bien compris: « Nous sommes sans doute le
seul pays au monde où le gouvernement n’est pas issu de la majorité.»
Aupassage,M.Saadanisouhaitefaire le ménage. « Les partis doivent
être représentatifs, certains ne sont
que des appareils vides.»
Ce faisant, le FLN prône la création d’un véritable statut pour l’opposition, inscrit dans une future
Constitution appelée à être
« consensuelle », dans l’espoir
d’apaiser les fortes tensions apparues pendant la campagne. « S’il n’y
a pas de débat contradictoire, il n’y
aura pas de stabilité, a admis le
patron du FLN. Le peuple doit être
Onze militaires tués
en Kabylie
Onze militaires algériens et trois
assaillants ont été tués en Kabylie, dans la première attaque
contre les forces de sécurité
depuis l’élection présidentielle
du 17 avril, a annoncé le ministère de la défense sur son site
Internet. L’attaque, qui a eu lieu
dans la soirée du samedi 19 avril,
visait, selon le ministère, « un
détachement de l’Armée nationale populaire relevant du secteur
opérationnel de Tizi-Ouzou,
alors qu’il revenait d’une mission
de sécurisation de l’élection présidentielle ».
5
Dans le Sichuan, la protection du panda
sacrifiée à l’exploitation minière
Le sort de la réserve naturelle de Jiuding illustre le double langage de Pékin sur l’environnement
encadré. En ce moment, l’Algérie
n’a pas besoin de divisions, mais
d’unifier les rangs. »
Il est cependant resté plutôt
vague sur les conditions de ce
«débat»,notammentavecleprincipal rival de l’élection, l’ancien premier ministre Ali Benflis, arrivé en
deuxième position avec un peu
plus de 12 % des voix. Ce dernier,
qui a annoncé vouloir rassembler
dans un « cadre politique », a crié à
la fraude et clamé qu’il ne reconnaissaitpasl’électionetdonclalégitimité de ce pouvoir. L’ouverture
La bataille pour
la succession
du président, malade,
commence
risque fort de s’arrêter net. « Ceux
qui parlent de fraude le font pour
masquer leur échec », a noté M.Saadani. Quant à la période de transition réclamée par des opposants
poursortirlepaysd’unrégimepolitique à bout de souffle, elle est vite
évacuée : « Le président a été élu à
81 %, ceux qui parlent de transition
vont trouver le FLN contre eux.»
Quant au front opposé à un
quatrième mandat, « Barakat [“ça
suffit”, un collectif né pendant la
campagne], les généraux à la retraitequi s’expriment,lesémeutesdans
certaines wilayas [préfectures], des
mouvements sociaux… tout ça est
tombé avec l’élection », a prévenu
M.Saadani.
Interrogé sur la violente répression dont ont été victimes les militants de Barakat, lors d’une tentative de rassemblement le 16 avril à
Alger, le chef du FLN a vivement
répliqué : « Est-ce que ce mouvement est agréé ? Qui est derrière ?
Barakat en Egypte et en Algérie, estce que ce ne sont pas des
jumeaux ? » Puis, poursuivant :
« Celui qui veut importer le “printemps arabe” ne connaît pas bien
l’Algérie. » Aucune condamnation
des attaques virulentes, comparables à de véritables appels au lynchage, qui ont ciblé des figures de
Barakatdanscertainsmédiasconsidérés comme proches du pouvoir.
Le sujet a été évité.
Pour le FLN, les choses sont claires. L’élection du 17 avril a été
« transparente »,
« l’affluence,
importante », la faible participation, balayée d’un argument :
« 51 %, en Occident, c’est un grand
taux de participation.»
Et, quand un journaliste a
demandé à quel moment
M.Bouteflika s’adressera aux Algériens pour leur parler et les remercier,la réponsea fusé: « C’estle peuple qui a félicité le président.» p
Isabelle Mandraud
UE: le
Luxembourgveut
uneréponserapideà la Turquie
Interrogé dimanche 20avril dans l’émission « Internationales»
sur TV5 Monde, organisée conjointement avec Le Monde et RFI, le
premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a estimé qu’il
était temps d’«arrêter de faire languir» la Turquie, candidate à l’adhésion européenne. «S’ils n’étaient pas musulmans, ils seraient
membres depuis trente ans, donc décidons si nous voulons, ou non,
des musulmans dans l’Union.» Le chef du gouvernement grandducal a toutefois jugé que, en ce moment, les Européens auraient
«du mal à comprendre» de nouveaux élargissements. Interrogé
sur les récentes déclarations de Laurent Wauquiez au sujet du
caractère «artificiel» de son pays, le premier ministre libéral a ironisé et invité l’élu UMP à expliquer aux 100000 Français actifs au
Luxembourg que leur travail est « artificiel». p
Yémen 40 morts dans des attaques de drones
ADEN. Trois membres présumés d’Al-Qaida, dont un chef du
réseau, ont été tués par une attaque de drones dans la nuit du
dimanche20 au lundi 21avril dans le sud du Yémen. Il s’agit de la
troisième opération menée par des drones américains en deux
jours, portant le bilan à plus de quarante victimes dans la province de Chabwa, où Al-Qaida est fortement implanté. – (AFP)
La mine de phosphate de Qingping, dans le sud-ouest de la Chine. GILLES SABRIÉ POUR « LE MONDE »
Reportage
Qingping (Chine)
Envoyé spécial
A
près des heures à progresser
péniblement sur la piste
boueuse qui grimpe au
flanc des falaises verdoyantes, les
chauffeurs de camion ne prêtent
aucune attention, lorsqu’ils le
dépassent, au panneau indiquant :
« Restauration de l’habitat du panda géant, un écoprojet de la réserve
naturelle provinciale du mont Jiuding ». A chacun des cols les plus
périlleux, un gigantesque embouteillage se crée entre les bennes qui
montent vers les mines de phosphate et celles qui redescendent
surchargéesverslaplaineetses usines d’engrais.
Impensable d’apercevoir dans
ces conditions l’animal préféré des
Chinois. Casque sur la tête, une
femme chargée de l’intendance
sur un campement d’ouvriers dit
voir des signes de temps à autre.
« Mais ils prennent peur, surtout
avec le bruit des explosions», précise-t-elle,haussantle tonpoursefaire entendre, alors qu’un petit tracteur tirant un chariot de caillasses
de phosphate ressort de la bouche
noire creusée dans la montagne.
A Pékin, le gouvernement central a beau répéter sa détermination à se montrer intraitable sur la
protection de l’environnement, le
sort de cette réserve naturelle de la
province du Sichuan, dans le sudouest de la Chine, prouve l’inverse
dès lors qu’une région possède une
Près de 17 % des sols
du pays sont pollués
Après avoir longuement résisté,
le ministère chinois de la protection de l’environnement a rendu
publique, jeudi 17 avril, une étude sur la pollution des sols du
pays. Selon cette enquête,
16,1 % des sols chinois et 19 %
des terres agricoles sont pollués
au cadmium, au nickel et à l’arsenic, par les activités industrielles, minières et agricoles.
Ces recherches avaient été lancées en 2005. Un premier rapport avait été rendu au gouvernement en 2011, mais le ministère
de l’environnement avait opposé le « secret d’Etat » à l’avocat
pékinois Dong Zhengwei qui, en
janvier 2013, en avait exigé une
copie.
« La situation nationale en matière de pollution des sols n’est pas
positive », a finalement reconnu
jeudi le ministère chinois de l’environnement.
ressource de valeur. Et ce, même si
le 15 avril, Cao Mingde, un universitairespécialistedudroitenvironnemental, a révélé que l’Etat s’apprêtait à adopter une nouvelle loi
fixant une « ligne rouge écologique » empêchant certaines industries polluantes de s’implanter à
proximité de zones protégées.
Les mines de phosphate sont
une manne non négligeable dans
cette zone dévastée par le séisme
demai2008.Lespuissants producteurs d’engrais fabriqués à base de
phosphate ont simplement su
trouver les arguments pour
convaincre les autorités locales de
leur attribuer de nouveaux périmètres afin d’exploiter les gisements, en toute légalité, au milieu
de la réserve consacrée, en principe, aux pandas.
A l’été 2012, le groupe Hongda
est ainsi parvenu à faire exclure la
zone de Suopengzi – 325 hectares
au cœur de la réserve montagneuse –, en échange de l’inclusion d’un
autre morceau de terrain dans la
zone protégée, dont la carte ressemble de plus en plus à un gruyère. « La compensation sert uniquement à maintenir la superficie initiale sur le papier mais n’a aucun
sens du point de vue de l’habitat du
panda », dénonce Pan Wenjing,
une militante de Greenpeace.
Comme l’impose la loi, un rapport d’impact environnemental a
bien été commandé à des chercheurs de l’université du Sichuan,
mais il a été réalisé après seulement deux visites de terrain. Il
indique toutefois que l’échange de
parcelles s’effectue « au bénéfice
de la partie utilisant les ressources », le groupe Hongda. De toute
façon, tranche le géologue Yang
Yong, qui se rend chaque année
danslaréservedeJiudingpouranalyser les changements induits par
les mines de phosphate, « les scientifiques n’ont aucun pouvoir de
décision, ils sont convoqués parce
que la procédure l’impose».
Un universitaire participant à
certaines réunions d’experts
consultés sur les réserves naturelles dans la province du Sichuan
reconnaît que ces demandes de
modification sont fréquentes et
«Les scientifiques
n’ont aucun pouvoir
de décision»
Yang Yong
géologue
que le problème est connu de longue date au plus haut niveau.
«Pékin est bien conscient du problèmepuisqu’ilreçoit, luiaussi,chaque
jour,desdemandesdemodification
de ce type», raconte-t-il. S’il y a bien
des « partisans du renforcement
des lignes rouges », il juge qu’au
regard de la situation, des nombreux conflits d’intérêts, « cela
prendra beaucoup de temps».
Or l’opinion publique chinoise
s’impatiente. Malgré les déclarations de volonté politique – le premier ministre, Li Keqiang, déclarait en mars une « guerre contre la
pollution» –, la transparence n’est
pas au rendez-vous. Ceux qui s’en
plaignent subissent la répression.
A Maoming(sud-est), des manifestants s’opposant à l’ouverture
d’une usine pétro-chimique au
cours de la première semaine
d’avril ont été frappés à coups de
matraque par la police.
Pour Yang Yong, l’exploitation
des mines de phosphate représente aussi un réel danger pour les
hommesvivantaupied desmontagnes, car la région marquant la fin
du bassin du Sichuan et le début
du plateau tibétain, fut la plus
durement touchée par le tremblement de terre.
Le creusement des galeries a
déjà contribué à l’effondrement
d’un pan entier de la montagne
Banpengzi, exploitée de longue
date par un autre producteur
chinoisd’engrais,Lomon.Leschantiers renforcent également les risques de glissement de terrains
l’été, lors de la saison des pluies.
Ye Jinghuo, un mineur, se souvient comment, en mai 2008, un
de ses collègues a été tué net par
une chute de pierre et comment
d’autres de ses camarades ont été
ensevelis lorsque la terre s’est
mise à trembler.
L’homme a bien entendu parler
de la réserve naturelle mais s’étonne qu’on l’interroge à ce sujet.
« Tout ce coin appartient aux
mines », affirme-t-il, sans douter
un instant. p
Harold Thibault
n Sur lemonde.fr
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LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20
JUILLET 1972 - ARTICLES 44
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6
france
0123
Mardi 22 avril 2014
Des députés PS pour un autre plan d’économies
Des parlementaires socialistes s’inquiètent d’une crise frontale entre l’exécutif et sa majorité
aaaSuite de la première page
Les mises en garde, ces derniers
jours, se sont accumulées, les
signes de défiance se sont multipliés. Tout au long de cette fin de
semainepascale,lesprincipauxresponsablessocialistesontpuconstater que, en l’état, la version actuelle
du programme d’économies ne
passe pas dans le parti.
Pour éviter le « clash», quelques
députés du PS membres de la commission des finances, sous l’impulsion de Karine Berger (HautesAlpes), ont planché tout le weekend sur des scénarios alternatifs
qui puissent permettre de rassembler la majorité sur le vote du programme de stabilité.
Ces propositions devaient être
transmises, lundi 21 avril, au président du groupe socialiste, Bruno
Le Roux, et à la nouvelle rapporteure générale du budget, Valérie
Rabault. Cette dernière doit être
reçue mardi à 15 heures, avec M. Le
Roux, par le premier ministre
pour lui faire part de ses analyses.
« Il y a des oppositions très claires,
explique Mme Rabault, jointe par Le
Monde. L’objectif est de trouver un
point d’équilibre entre l’exécutif et
la majorité.»
Jusque tard dans la nuit de
dimanche à lundi, ce groupe de travail informel de la commission des
finances – même si le président du
groupe a été informé de la démarche – a travaillé à la finalisation de
cesscénarios.Dansunenotedequatre pages dont Le Monde a pris
connaissance, il envisage « une
autre trajectoire d’économies».
Pour ces députés, « le pouvoir
d’achat des Français a déjà été touché par les efforts budgétaires, il
n’est pas possible de demander
plus ». Les solutions alternatives
qu’ils proposent visent à éviter le
gel des prestations sociales de base
– soit 1,3 milliard d’euros pour les
pensions du régime de retraite de
base et 0,7 milliard pour les autres
prestations (logement, famille,
invalidité) –, ainsi que le gel du
point d’indice de la fonction publique.
« Les ménages aux revenus
moyens et modestes ont déjà participé aux efforts de redressement
budgétaire», notent-ils. Ils rappellent l’ensemble des mesures qui
ont affecté le pouvoir d’achat de
ces foyers : gel du barème de l’impôt sur le revenu, suppression de
la demi-part pour les personnes
isolées, hausse des cotisations
retraite, hausse de la TVA et suppression de l’exonération fiscale
de la majoration de 10 % pour les
retraités ayant eu trois enfants.
Pas question, donc, pour eux, de
leur infliger « un nouveau choc de
pouvoir d’achat ».
Le groupe de travail de la commission des finances se démarque
des onze députés PS qui, au lendemain de la déclaration du premier
ministre, plaidaient pour une limitation des économies à réaliser en
trois ans à 35 milliards d’euros au
lieudes 50 prévus.Pources onze-là,
s’exprimant au nom de la centaine
deparlementairesquiavaientréclamé un «contrat de majorité» avant
levotedelaconfianceaugouvernement de M.Valls, « l’objectif de passer sous la barre des 3 % pourrait
être maintenu mais décalé dans le
temps». Mais le gouvernement,lui,
est tenu par ses engagements.
revient à accélérer le calendrier de
correction du déficit, deux
options sont envisagées: soit améliorer de 1 milliard d’euros le solde
public en 2015, soit augmenter de
0,5 % le point d’indice de la fonction publique.
Scénario no 3 Il ramène la réduction de la fiscalité des entreprises
de 38 à 33 milliards d’euros en
engageant un plan de lutte contre
l’optimisation et la fraude fiscales, avec pour objectif de parvenir
à un taux apparent d’impôt sur
les sociétés identique en 2017
pour les PME et les grands groupes. Dans ce scénario, l’investissement des collectivités territoriales serait protégé pour 2 milliards
d’euros, l’impôt sur le revenu
réduit de 2 milliards, le gel des
prestations serait abandonné, et
le point d’indice de la fonction
publique revalorisé de 1 %. p
Marge de manœuvre étroite
La note rédigée par Mme Berger
s’inscrit, elle, dans le cadrage général des 50milliards d’euros de limitation de la dépense. Mais, insiste-t-elle, « ces économies de dépenses ne doivent pas aller à l’encontre
de notre reprise économique et de
celle de l’emploi, qui ont été jusqu’à
présent freinées par les efforts budgétaires».
L’objectif de réduction du déficit public en deçà de 3 % du produit
intérieur brut n’est pas remis en
cause. Toutefois, analyse la note,
« de 2012 à 2014, la résorption de
2,6pointsdudéficitstructurelse solde par une baisse nette du déficit
Les trois scénarios proposés
LES MESURES FISCALES et les économies de dépenses annoncées
par le gouvernement prévoient
un impact de 28 milliards d’euros
en quatre ans (2014-2017) sur le
déficit structurel. D’un côté, les
ménages voient leurs prélèvements augmenter de 10 milliards
d’euros tandis que ceux des entreprises diminuent de 38 milliards –
soit une réduction globale des prélèvements de 28 milliards d’euros.
De l’autre, les économies de
dépenses s’élèvent à 56 milliards:
26 pour l’Etat et les agences, 13 sur
l’assurance-maladie, 4 sur les prestations autres que la maladie, 13
pour les collectivités locales. Les
trois scénarios proposés par des
députés PS de la commission des
finances respectent l’objectif de
28 milliards.
Scénario no 1 Il propose d’appliquer le pacte de responsabilité
pour les très petites entreprises,
les petites et moyennes, et celles
de taille intermédiaire dès 2015,
mais de décaler à 2016 son application dans les grands groupes. Cela
dégagerait 3 milliards d’euros en
2015. « Cela permet de ne pas geler
les prestations sociales et de garder le même effort de réduction du
déficit structurel d’ici à 2017 », indique la note. Dans ce scénario, qui
Scénario no 2 Il consiste, en priori-
té, à bloquer l’évolution de certaines dépenses fiscales. Le seul plafonnement du crédit impôt
recherche à son niveau de 2014
dégagerait 3 milliards d’euros.
Cela permettrait d’abandonner le
gel des prestations sociales et
d’augmenter de 1 % le point d’indice de la fonction publique en 2015.
P. Rr
public de seulement 1,3 point, car
l’impact négatif sur la croissance
creuse la partie conjoncturelle du
déficit». Lestrois scénarios alternatifs proposés respectent l’objectif
de 28 milliards d’euros d’effort
structurel sur quatre ans fixé par
le plan du gouvernement.
Les économies proposées doivent, recommande la note, obéir à
un objectif de pérennité, « ce qui
n’est pas le cas lorsque l’on gèle des
indices car cela ne permet pas de
dégager des économies structurelles ». Enfin, elle précise bien que,
« du fait des efforts considérables
déjà réalisés en 2012 et 2013, aucun
scénario alternatif ne doit comporter une hausse supplémentaire du
tauxeffectifdeprélèvementsobligatoires entre2015 et 2017».
Les députés socialistes sont
conscients que les marges de
manœuvre sont étroites. Alors que
la fronde gagne dans les rangs de la
majorité, le gouvernement a tout
intérêt,pouréviterunecrisefrontale, à trouver un accord. C’est ce que
défendront devant M. Valls, mardi,
le président du groupe et la rapporteure générale du budget. p
Patrick Roger
La majoritédes présidentsde régionredoutentles fusionsà venir
Au 1er janvier2017, la France devrait réduire de moitié le nombre de ses conseils régionaux. Ils devraient passer de 22 à 11 en métropole
L
es 21 présidents socialistes de
conseils régionaux métropolitains accusent le coup. Le
premier ministre a indiqué dans
sa déclaration de politique générale, le 8 avril, les grandes lignes de
l’allégement du millefeuille territorial. Les conseils départementaux sont appelés à disparaître
d’ici à 2021 et les régions verront
leur nombre divisé par deux d’ici à
2017. Les patrons des exécutifs
régionaux ont quelques mois
pour trouver des accords. Dans le
cas contraire, le gouvernement
redessineralui-mêmeunenouvelle carte des régions. « Elle sera établie pour le 1er janvier 2017 », a
annoncé Manuel Valls.
Si quelques régions réfléchissentàleurrapprochement,la majoritérechigne.Dèsle14avril, laBourgogne et la Franche-Comté ont
annoncé leur mariage. Les deux
Normandies sont prêtes à faire un
pas l’une vers l’autre. La Lorraine
est disposée à dépasser les clivages
politiques. « Avec Philippe Richert,
président UMP de la région Alsace,
nous sommes prêts à mettre en
œuvredesexpérimentations»,affirme le socialiste Jean-Pierre Masseret, président de Lorraine.
Mais ces bonnes volontés mises
à part, les autres régions – toutes
présidées par la gauche– affichent
leur scepticisme. « Il n’y a pas de
source d’économie de fonctionnement à attendre de la fusion des
régions », estime Alain Rousset,
président d’Aquitaine et de l’Association des régions de France. Et
d’énoncer les surcoûts potentiels
de dépenses publiques du projet
gouvernemental: mise en place de
nouveaux outils de gestion, création d’un nouveau siège, de nouvellesantenneslocalessur unterritoire élargi… « Ce n’est pas en doublant la surface d’une région que
l’on fait des économies », souligne
Jean-Paul Bachy, président de la
région Champagne-Ardenne.
Pour ces réfractaires, l’heure est
à la décentralisation. « Les régions
doivent se défaire de la tutelle de
Bercy et gérer l’ensemble des compétences liées au développement
économique : la formation, l’université, l’emploi, l’investissement.
L’Etat doit mettre un terme aux
doublons et faire le ménage dans
ces agences », suggère M. Rousset.
Depuis 2011, les régions ne perçoivent plus la taxe d’habitation ni
d’impôt dynamique. « La région
est un nain fiscal », reconnaît JeanPierreBalligand,présidentde l’Institut de la décentralisation.
Le gouvernement, qui prépare
un nouveau coup de rabot de
11 milliards d’euros sur les collectivités locales, ne semble pas disposé à accorder davantage de pouvoir fiscal aux régions. Il menace
même d’imposer de nouvelles
baisses dans les budgets : « Les
régions qui ne feront pas la démarche de fusionner verront leur dotation globale de fonctionnement
baisser. Elle sera juste maintenue
en état pour les autres », avance un
conseiller ministériel. Pour le gouvernement, le temps n’est plus à la
négociation. « La France meurt de
sa rigidité. Il faut mettre fin à l’empilement territorial coûteux », plaide François Patriat, président de
Bourgogne.
« Vente à la découpe »
Chaque région a une idée précise du redécoupage à venir. Tant
des espaces dont il faudra se séparer que de ceux qu’il faudra
accueillir. Au nord de Paris la petite Picardie a déjà reçu une proposition de rapprochement de la Haute-Normandie, sur son aile ouest,
tandisque, côté est, la Champagne-
Ardenne lorgne sur le département de l’Aisne. Claude Gewerc,
présidentinquiet de Picardie, refuse ce « démembrement».
Dans le même registre, Jacques
Auxiette, président des Pays de la
Loire, s’inquiète d’une « vente à la
découpe » de sa région, qui pourrait bien se retrouver divisée en
trois blocs dispatchés entre la Bretagne, une nouvelle région Val-deLoire et à une Aquitaine élargie.
Alain Rousset, pourtant peu
convaincu par le projet gouvernemental, reconnaît toutefois que le
département de la Charente vit
davantage en lien avec Bordeaux
qu’avec Poitiers.
Au centre, René Souchon, président auvergnat, verrait bien l’éclosion d’une région Massif central,
aspirant au passage une partie de
la Creuse à son voisin limousin,
chapardant le Lot et l’Aveyron à
Midi-Pyrénées, l’Ardèche au Lan-
guedoc-Roussillon, la Loire à Rhône-Alpes…
Un projet qui fait sourire JeanJack Queyranne, président de la
région Rhône-Alpes : « Economiquement, Clermont-Ferrand est
tourné vers nous, pas vers l’ouest.»
Le démantèlement du LanguedocRoussillon est également évoqué
–supposant la créationd’une granderégion couvrant lelittoral méditerranéen. « Mais il faut une communauté de destin à un territoire,
tempère Michel Vauzelle, président de PACA. Il est déjà difficile de
faire marcher ensemble Nice et
Marseille. Comment fera-t-on en
ajoutant Montpellier ? » Selon lui,
en matière de réorganisation territoriale, l’exécutif a dit tout et son
contraire. Aussi, l’ancien ministre
de la justice appelle le gouvernement à la modération dans le redécoupage du puzzle régional. p
Eric Nunès
0123
france
Mardi 22 avril 2014
Les Français réclament davantage
deproximité avec leurs élus
Une enquête de Viavoice révèle la défiance d’une majorité de citoyens vis-à-vis des gouvernants
L
e diagnostic dressé par Viavoice – pour France Inter,
Le Monde, LCP-Assemblée
nationale, Terra Nova et La Revue
civique – est, hélas ! sans surprise,
tant il confirmede précédentssondages : deux Français sur trois
(64 %) estiment que la démocratie
fonctionnemal en France actuellement. Au-delà du constat, l’intérêt
de cette enquête est d’explorer les
remèdes capables d’améliorer le
fonctionnement démocratique
du pays.
Les deux causes principales de
ladéfiance sont connues: l’impuissance des gouvernants face à la crise économique et la déconnexion
des élites par rapport aux préoccupations des citoyens. Et c’est bien
dans ces deux directions que se
concentrentles améliorationssouhaitées : les Français réclament
davantage d’efficacité de l’action
publiqueet davantagede proximité des gouvernants et des élus.
Beaucoup plus que des réformes
institutionnelles.
L’efficacité, d’abord. Le contrôle, par les citoyens, de la pertinence et des résultats de l’action publique est plébiscité. Et il prend, dans
leur esprit, des formes multiples.
Ainsi, 86 % des personnes interrogées souhaitent que les dirigeants
présentent davantage le bilan de
leur action, et 85 % qu’ils en expliquent davantage le sens.
De même, plus de quatre sur
cinq (81 %) préconisent de « rendre
systématique l’évaluation des politiques publiques deux ou trois ans
après leur mise en œuvre ». Et un
pourcentage similaire (82 %) estime que l’on devrait « permettre à
une assemblée de citoyens de
démettre des élus qui ne respectent
pas leurs engagements », mesure
radicale inspirée de la procédure
américaine de recall permettant
de destituer un gouverneur d’Etat,
par exemple en Californie.
Autrement dit, la restauration
du crédit des gouvernants passe
par le respect des engagements et
le contrôle de qualité de la politique qu’ils conduisent. Et par un
rapport moins abstrait à la démocratie, davantage conçue comme
une relation contractuelle entre
des responsablespublics prestatai-
Selon vous, pour vraiment améliorer la démocratie en France, chacune des solutions
suivantes serait-elle...
...très bonne ou assez bonne
Sans réponse
...assez mauvaise ou très mauvaise
Elections
Introduire davantage de proportionnelle
dans les assemblées élues
64
Permettre le vote par Internet
22
54
Rendre le vote obligatoire
52
14
39
7
41
7
Institutions
Donner davantage de pouvoirs
aux collectivités territoriales
69
Supprimer le Sénat
48
Donner davantage de pouvoir au Parlement
43
Supprimer la fonction de premier ministre
Supprimer la fonction de président
de la République
24
19
20
12
32
20
38
19
58
64
18
16
Source : sondage Viavoice réalisé pour Terra Nova, Le Monde, France Inter, LCP et La Revue civique, interviews effectuées en ligne du 11 au
16 avril 2014, sur un échantillon de 1 011 personnes, représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas).
res de services et des citoyensclients, y compris au moyen de
référendums (pour les deux tiers
des sondés).
La proximité, ensuite. tous les
moyens sont envisagés pour combler le fossé entre gouvernants et
gouvernés. Cela suppose, en premier lieu, d’ouvrir les institutions
et les partis politiques sur la société. La généralisation de « primaires
ouvertes aux citoyens pour choisir
Le contrôle,
par les citoyens,
de la pertinence
et des résultats
de l’action publique
est plébiscité
lescandidatsauxélections»est préconisée par 63 % des personnes
interrogées. De même, 64 % souhaitent que l’on introduise
« davantage de proportionnelle
dans les assemblées élues », afin de
favoriser une représentation plus
diversifiée et conforme à la réalité
économique et sociale du pays.
Quant aux partis politiques,
dont on sait qu’ils ne suscitent
désormais la confiance que d’une
très maigre minorité de Français,
ils sont jugés opaqueset peu représentatifs: 88 % des sondés veulent
rendre « leur fonctionnement plus
transparent », et 75 % qu’ils
s’ouvrentdavantagesur la société.
D’ailleurs, deux sondés sur
trois (66 %) sont favorables à
l’émergence de « passeurs » entre
la société et le monde politique :
au plus près des habitants, sur le
terrain, ces relais auraient pour
vocation d’« expliquer la démocratie et d’inciter les citoyens à participer aux élections et à la vie démocratique ». Cruel constat pour les
élus locaux !
Quant aux dirigeants politiques eux-mêmes, les Français formulent deux souhaits. D’une part,
pour 77 %, qu’ils « échangent directement en face-à-face avec les électeurs » (réunions publiques, marchés, porte-à-porte) ou sur Internet (61 %). D’autre part, qu’ils
soient renouvelés plus fréquemment. Ainsi, 84 % des sondés sont
favorables à ce qu’on « impose aux
élus de ne détenir qu’un seul mandat à la fois », soit un strict noncumul de mandats, et 75 % recommandent qu’ils ne « puissent détenir que deux mandats successifs
d’une même fonction ».
En revanche, les Français n’attendent pas grand-chose de réformes strictement institutionnelles.
S’ils sont 69 % à souhaiter que les
collectivités territoriales voient
leurs pouvoirs renforcés, seule
une minorité (43 %) préconise un
renforcementdes pouvoirsdu Parlement et une petite minorité la
suppression de la fonction de premier ministre(24 %), une plus petite encore la fonction de président
de la République (20 %).
Comme le note François
Miquet-Marty, président de Viavoice, les Français ne souhaitent
pas « changer de République »,
mais« assurerune meilleure souverainetéet une meilleurereprésentation du peuple ».
Bref, de réconcilier démocratie
« légale » et démocratie « réelle ».
Vaste programme. p
Gérard Courtois
PatriceBessac,nouveaumaire de Montreuil,
veutdéfinitivementtournerla pageVoynet
Cet ancien collaborateur de Mme Buffet a pris la tête d’une des plus grandes villes communistes
P
our son deuxième conseil
municipal, jeudi 17 avril, le
nouveau maire PCF de Montreuil, Patrice Bessac, n’est pas
encore totalement rodé, s’en excuse mais s’en débrouille. L’ambiance semble apaisée, du moins normale – une nouveauté pour cette
ville de Seine-Saint-Denishabituée
aux querelles intestines à gauche.
Les vacances scolaires, qui ont
dépeuplélesrangsdes éluscomme
ceux du public, n’y sont sûrement
pas pour rien.
Douzejoursplus tôt, lorsdupremier conseil, la salle était comble.
De nombreux partisans de JeanPierre Brard, ancien maire lui aussi
communiste mais en disgrâce et
adversaire malheureux face à
M. Bessac, s’étaient fait entendre.
Les huées s’étaient mêlées aux
applaudissements. Un « vendu ! »
avait même fusé à l’encontre de
Jean-Charles Nègre, passé du camp
Brard à celui de Bessac.
Avec37,06%des voix, cedernier
s’est imposé, le 30 mars, au terme
d’une bataille fratricide et d’une
campagne violente face à son
ex-camarade (35,39 %). Pour y parvenir, M. Bessac a dû faire alliance
au second tour avec les écologistes
et les socialistes. Trois formations
politiques qui se sont entre-déchiréespendantlessixansde Dominique Voynet à la tête de la ville.
« On a fait le choix d’arrêter la
guéguerre qui se pratiquait», assurele nouveaumaire.«Il y aune partie de la population qui pense que
notre alliance est juste de circonstance et que ça ne marchera pas,
reconnaît Mireille Alphonse
d’EELV.Cette violenceet cette colère
doivent être entendues.» L’alliance
s’est faite à la proportionnelle :
17sièges pour le Front de gauche, 13
pour EELV et 8 pour le PS. Sur la
tabledes négociations,les communistes ont posé une condition sine
qua non : l’absence de la tête de liste socialiste et député de la circonscription Razzy Hammadi.
Désormais, le conseil municipal
est largement renouvelé. On y
retrouve la droite qui, après six ans
d’absence, a fait son retour avec
cinq sièges. « Ça évite l’entre-soi »,
note M. Bessac, ancien collaborateur de Marie-George Buffet. Mais
pour Mouna Viprey, une ex-socialiste restée dans l’opposition, « ce
qui va vraiment changer la donne,
et tant mieux, c’est que deux dinosaures ont quitté la scène ». ComprendreDominiqueVoynetetJeanPierre Brard. La première ne s’est
pas représentée. Quant au second,
il a démissionné de son mandat
aprèssa défaitefaceà sonex-protégé. « Il aurait été le doyen du conseil
municipalet ilnevoulaitpasremettre l’écharpe à Bessac», croit savoir
un élu. Dix des siens y siègent toujours et semblent peu disposés à
faciliter la tâche du nouvel édile.
« Golden parachute »
Conseiller régional – un poste
dont il a promis de démissionner,
Patrice Bessac, 35 ans, reste peu
connu dans la ville. Même ses nouveaux amis écologistes et socialistesreconnaissentne pasbienle cerner mais vantent « ses qualités
d’écoute». L’une de ses premières
décisionsaétédedivisersesindemnités quasiment de moitié (à 3 200
euros net). Celles de plusieurs de
ses adjoints vont au contraire augmenter. «J’ai souhaité que certains
soient ici en permanence et donc se
libèrentdutempspourfaireleurtravail », justifie-t-il. « Comme signal,
c’est pas très joli, grince Mme Viprey.
Ils auraient pu s’abstenir.»
Le nouveau maire a aussi fait de
l’emploi et de l’éducation ses deux
priorités. « Mais pour gouverner, il
faut avoir un minimum de convergences », tacle Mme Viprey. Par le
Lesmusulmans
restentvigilantssur la
«théoriedu genre» à l’école
L’UOIF organisait ce week-end sa rencontre
annuelle, avec comme thème la famille
C
(réponses en %)
passé, les nouveaux alliés se sont
écharpés sur le devenir du cinéma
Le Méliès, la gestion des Roms, la
mise en place des rythmes scolaires ou encore le Grand Paris. Il faudra donc à M. Bessac un certain
sens du doigté pour diriger une
majorité fragile. « Ça va le mettre
en situation de rechercher des équilibres », juge le socialiste Frédéric
Molossi.« Jeferai valoirmesconvictions mais sans autoritarisme »,
affirme M. Bessac. Une référence
discrète mais choisie à celle qui l’a
précédée à la tête de la ville que ses
détracteurs affublaient régulièrement de cet adjectif.
Pour cette dernière aussi, la
page est tournée. Mercredi 16 avril,
en conseil des ministres, Mme Voynet a été nommée à l’Inspection
générale des affaires sociales
(IGAS). Médecin anesthésiste de
formation,ellea négociéavec François Hollande ce point de chute
confortable. Un « golden parachute électoral », a déploré le président
de l’Assemblée nationale, Claude
Bartolone, qui a également dénoncé le « triste itinéraire d’une enfant
gâtée de la République ». A Montreuil, les rancœurs ont décidément la vie dure. p
Raphaëlle Besse Desmoulières
7
’est une rumeur qui a laissé
des traces. La « théorie du
genre » enseignée à l’école ?
Propagée en début d’année, elle
suscite toujours l’inquiétude et la
vigilance des musulmans pratiquants, même si leurs représentants jouent aujourd’hui la carte
de l’apaisement. La question était
inévitablement au programme de
la 31e rencontre annuelle de
l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui se tenait
du samedi 19 au lundi 21 avril au
parc des expositions du Bourget
(Seine-Saint-Denis), dont le thème
était« l’homme,la famille,le vivreensemble».
Père de six enfants et habitant
de Villepinte (Seine-Saint-Denis),
Hassan a suivi les trois appels du
mouvement des journées de
retrait de l’école (JRE) depuis janvier. Ce musulman n’a pas vu d’un
bon œil que l’école veuille « mettre
les enfants dans la pente sexuelle »
dès leur plus jeune âge. C’est ce
qu’il a retenu de la rumeur née
après le lancement dans dix académies de programmes d’éducation
à l’égalité filles-garçons, les ABCD
de l’égalité.
Quatre mois après, l’émotion
est retombée, mais une partie de la
communauté musulmane reste
préoccupée.« Parmiles parents qui
ont retiré leurs enfants de l’école,
comme moi, il n’y avait pas que des
musulmans », fait valoir Hassan.
Ceux-ci étaient pourtant la cible
principale du mouvement qui a
touché une centaine d’écoles, surtout dansdes quartiers populaires.
A l’origine de ces JRE : Farida Belghoul, quinquagénaire d’origine
algérienne, figure de la seconde
Marche des beursen 1984, aujourd’hui proche de la formation d’extrême droite Egalité et réconciliation, que l’UOIF a pris le soin de ne
pas inviter à sa rencontre annuelle.
« Nous n’approuvons pas ses
méthodes», explique le président
de l’UOIF, Amar Lasfar.« Pour nous,
pas question de demander aux
enfants de quitter l’école, ne seraitce qu’une heure, insiste-t-il. Nous
voulons qu’ils aiment l’école, pas
qu’ils la boycottent! »
L’UOIF a choisi de croire Vincent Peillon : fin janvier, l’ancien
ministre de l’éducation nationale
assuraitque cettepolémiquereposait sur une rumeur infondée.
Amar Lasfar reste pourtant vigilant : « C’était peut-être une
rumeur, mais il n’y a pas de fumée
sans feu… Une rumeur peut toujours se transformer en réalité. »
En choisissant le thème de la
famille pour la rencontre de cette
année, l’UOIF a voulu transformer
lapolémique en débat. Aucœur du
Salon du Bourget, un vaste « espace famille » était animé notamment par la Ligue française de la
femme musulmane. Sa présidente, Hela Khomsi, tient à être claire :
« A la tête d’une association qui
défend le droit des femmes musulmanes, je suis pour l’égalité hommes-femmes ! Mais ce qui m’a
inquiétée, avec les ABCD de l’égalité, c’est que l’on mêle les enfants à
tout ça. Ce n’est pas leur combat. »
La militante a néanmoins voulu éviter les sujets trop polémiques dans les conférences tenues
«C’était peut-être
une rumeur, mais
il n’y a pas de fumée
sans feu…»
Amar Lasfar
président de l’UOIF
dans l’« espace famille » : dimanche après-midi, il n’était pas question de « gender» (les études sur le
genre) ni d’homosexualité, mais
du couple musulman.
Les parents croisés dans les
allées du Salon n’ont cependant
pas tous cédé à la panique. Son fils
de 8 ans agrippé à la main, Nadia
affiche un visage détendu :
« Quand ma voisine m’a appelée
pour que je retire mon fils de l’école,
je lui ai dit : “Redescends sur terre,
la sexualité, il va l’apprendre, de
toute façon ! Si ce n’est pas à l’école,
ce sera par la télé ou Internet…” »
Aïcha, elle, veut croire que si l’un
de ses quatre enfants entend quelque chose qui l’interpelle, il viendra lui en parler. « Il faut habituer
les enfants à entendre des discours
différents,estime-t-elle.Cette société est une richesse pour nous, on ne
veut pas vivre en retrait.»
Certains parents préfèrent
néanmoins inscrire leurs enfants
dans des écoles privées musulmanes.Peu nombreusessurle territoire français, elles assurent « un
meilleur encadrement» des élèves
que dans le public, estime Souad,
qui enseigne l’arabe à l’école privéede Vitry-sur-Seine(Val-de-Marne). « Mon fils de 12 ans est scolarisé
dans un collège public. La dernière
fois, pour lutter contre l’exclusion,
on leur a passé un film sur l’homosexualité. Pourquoi cette bousculade? Laissons-leurle tempsdedécouvrir ces choses-là ! »
Le dernier appel à retirer les
enfants de l’école, le 31 mars, n’a
rencontré qu’un faible écho. p
Mélinée Le Priol
BUDGET
Une partie de la droite pourrait
voter le pacte de responsabilité
Yves Jégo, président par intérim de l’UDI, et Benoist Apparu, député UMP de la Marne, ont tous deux expliqué, dimanche 20avril,
qu’ils pourraient voter, sous condition, pour le pacte de responsabilité proposé par François Hollande, qui prévoit notamment
50milliards d’euros d’économies. « Nous voulons nous inscrire
dans une logique d’opposition constructive», a expliqué M.Jégo,
invité du Grand jury RTL/Le Figaro/LCI, en assurant toutefois que
la position de son parti n’était pas encore arrêtée. De son côté,
M.Apparu a soutenu sur France Inter que, si les contenus de la
réforme étaient « intéressants», il n’aurait, «par principe, aucun
problème pour les voter ». p
Régions Des milliers de personnes défilent
à Nantes pour la « réunification de la Bretagne »
Plusieurs milliers de personnes ont défilé, samedi 19 avril, à Nantes pour réclamer le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. L’appel à manifester avait été lancé par deux collectifs nantais, rejoints par les « bonnets rouges».
Faits divers Un homme tué et un autre blessé
à coups de couteau à La Courneuve
Une personne a été tuée et une autre blessée à coups de couteau,
samedi 19 avril au soir, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) par
un homme de 31 ans. L’auteur présumé de cette double agression, « souffrant de schizophrénie», selon une source judiciaire, a
été interpellé dans la nuit.
8
0123
france
Mardi 22 avril 2014
Au Bel Age, des familles dans le piège des résidences-services
A Tours comme ailleurs, des logements pour personnes âgées dans des copropriétés aux services coûteux se révèlent inlouables et invendables
Reportage
Tours
Envoyée spéciale
D
ans la rotonde vitrée qui
abrite le restaurant, les
tables ont été dressées, serviettes damassées en éventail dans
les verres et centres de table fleuris.
Le regard glisse peu après sur le jardin privé parfaitement entretenu
et les cèdres centenaires du parc
public de la Source tout proche.
Bienvenue à la résidence Le Bel
Age,àTours,havredepaixpourcertaines personnes âgées, source de
soucis pour bien d’autres.
Construiten 1980,Le BelAge fait
partie de ces résidences services
conçues sur le modèle des « tout en
un » très en vogues dans les
années1970 et 1980. Réservées aux
plus de 55 ans autonomes, ces
copropriétésproposentàleursrésidents, locataires ou propriétaires,
Lesservices,comme
l’assistance
paramédicaleoula
surveillancedenuit,
sontfacturésmême
sil’appartement
estvacant
desprestations commela restauration, la permanence d’accueil de
jour, une surveillance de nuit et
une assistance paramédicale. Des
services facturés aux copropriétaires, en plus des charges classiques,
même si l’appartement est vacant,
et les prestations non utilisées.
Un système qui fait monter la
facture vite, trop vite (1 000 euros
mensuels en moyenne) pour nombre de propriétaires ou leurs
ayants droit, qui n’arrivent plus à
payer. Selon des estimations, une
centaine de copropriétés sur les
380 résidences services (qui représentent 32 000 logements au total)
seraient fragilisées en raison des
défauts de paiement de copropriétaires étranglés par les dettes.
Le projet de loi sur l’adaptation
de la société au vieillissement, qui
devait être présenté le 9 avril mais
a été reporté en raison du remaniement, prévoit un certain nombre
de dispositions pour garantir les
droits des copropriétaires ou des
locataires des nouvelles résidences. La séparation des charges de
Depuis deux ans et demi, les Chesneau n’arrivent ni à louer ni à vendre leur studio de 30 m2, situé au 3e étage de la résidence du Bel Age. CYRIL CHIGO/ DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
services et de copropriété ou encore le non-paiement de celles-ci en
cas de vacance devraient devenir
obligatoires. En revanche, le texte
ne dit pas comment ce nouveau
cadre juridique pourrait s’appliquer aux établissements existants.
Une lacune qui inquiète Danielle Chesneau et son mari, qui font
partie de ces acquéreurs piégés par
un bien devenu fardeau. Depuis
deuxansetdemi,lesChesneaun’arriventniàlouerniàvendreleurstudio de 30 m2 situé au 3e étage de la
résidence du Bel Age. L’appartement est en parfait état, mais les
quelque 1 000 euros de charges
mensuelles pour un bien loué
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te de ces jeunes retraités. « Nous
avons acheté cet appartement loué
en 2008, raconte Mme Chesneau,
64 ans. Nous pensions que nos
parents viendraient y habiter plus
tard, ou au moins que nous ferions
un bon investissement.»
Le couple a déchanté. Aucun des
locataires qui s’y sont succédé n’est
resté plus d’un an. Les parents
nonagénaires
de
M m e et
M.Chesneau, encore en bonne santé, n’ont quant à eux jamais voulu
quitter leurs maisons respectives.
Un seul aïeul devenu dépendant
est parti, mais en maison de retraite. « Personne ne veut plus de cette
formule,c’estcomplètementobsolète, poursuit M. Chesneau, 65 ans,
militaire à la retraite. Aujourd’hui,
les plus âgés peuvent bénéficier de
déductions fiscales pour des aides à
domicile qui leur permettent de rester le plus longtemps chez eux.»
Incapablede s’acquitterdesfrais
avecleur retraitede 1 800eurospar
mois à deux, la totalité des charges
et le remboursement de leur prêt
immobilier, le couple a accumulé
16000 euros d’arriérés.
Dans la résidence, M. et
Mme Chesneau ne sont pas les seuls
à être en difficulté. Un petit collectif d’une douzaine de copropriétaires non-occupants s’est organisé
depuis novembre2013, à l’initiatived’OdileRousseau.Conseilen ressources humaines, Mme Rousseau a
découvert l’ampleur de la « catastrophe» il y a quelques mois. « Mes
parents ont “perdu” 45 000 euros,
entre les loyers non perçus en raison
de la vacance, les charges et les travaux qu’ils ont faits, espérant que
cela leur permettrait de mieux
louer ou de vendre leur appartement», explique Mme Rousseau.
Propriétaires d’un deux-pièces
acheté en 1991 au Bel Age, ces
anciens agriculteurs octogénaires
puisent depuis des mois dans leurs
économies pour s’acquitter des
chargesde«services»d’unappartement qui ne leur rapporte plus
rien. « Mon père en a perdu la santé,
expliqueMme Rousseau.Il culpabilise de ne pas s’être débarrassé de ce
logementàl’époqueoùilétaitencore vendable et il angoisse à l’idée
qu’il va nous transmettre un
cadeau empoisonné.»
Seloncecollectif,surles75appar-
tements répartis sur six niveaux,
une petite vingtaine seraient
vacants, un chiffre démenti par
Evelyne Cantin, la directrice du Bel
Age. « Actuellement, nous avons
seulementneuf appartementsinoccupés, en vente, en attente de location ou en travaux. Cela correspond
àuntauxderotationnormal»,affirme Mme Cantin. Selon la directrice,
les propriétaires qui ont des appartements attractifs et qui sont actifs
dans leurs démarches les remplissent sans problème.
«Personne ne veut
plus de cette formule.
Les plus âgés peuvent
bénéficier de
déductions fiscales
pour des aides
à domicile »
Jean-Luc Chesneau
propriétaire
« Quand j’ai dit à mon notaire
que j’avais un appartement à vendre ou à louer dans une résidence
services, il m’a clairement dit que ce
type de bien n’intéressait plus
grandmondeetqu’ilnes’enoccuperait pas », raconte pourtant Pierre
Soutter, qui a «sur les bras » un studio au Bel Age hérité de sa bellemère. Malgré des annonces dans la
presseetsurInternet,cet ingénieur
EDF à la retraite n’a eu depuisun an
que « quatre contacts téléphoniques», restés sans suite.
Pour Odile Rousseau, l’urgence
est déjà de faire diminuer les charges de servicesde la résidence. « Il y
a douze salariés dont deux chefs de
rang pour servir seulement
58 repas, s’insurge Mme Rousseau.
Depuis 2013, une société extérieure
d’aide à la personne nous facture
des frais obligatoires d’aide de vie,
même pour les appartements où il
n’y a personne! »
A la direction du Bel Age, Evelyne Cantin admet que le modèle
doit évoluer. « Les résidences services offrent la possibilité aux seniors
de vieillir sans être seuls et en toute
sécurité. Les services que nous proposons, qui sont pourtant des services à la personne, ne peuvent pas
être déduits fiscalement parce
qu’ils sont collectifs. Il faut que la
loi permette aux copropriétaires
de bénéficier de cet avantage, cela
permettra d’assurer l’avenir de nos
établissements.»
« Si l’on ne fait rien, le nombre de
propriétaires en difficulté va augmenter et fragiliser l’équilibre
financier de la résidence, voire la
mettre en faillite », anticipe Odile
Rousseau. Un scénario « noir » qui,
selon Bruno Audon, héritier d’un
appartement dans une autre résidence services pour seniors, elle
aussi située à Tours, s’est déjà produit. M. Audon, aujourd’hui président de l’association des victimes
Les associations inquiètes pour la loi autonomie
Préparé par Michèle Delaunay,
alors ministre déléguée aux personnes âgées dans le gouvernement Ayrault, le projet de loi
d’adaptation de la société au
vieillissement devait être présenté en conseil des ministres le
9 avril. Le remaniement a bouleversé ce calendrier. C’est désormais Laurence Rossignol, nommée secrétaire d’Etat chargée
de la famille, des personnes
âgées et de l’autonomie auprès
de la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, qui sera chargée de le défendre. Le texte n’ayant pas non
plus été présenté le 16 avril, l’inquiétude monte dans les rangs
des associations qui ont noté
l’absence de mention du texte
dans le discours de politique
générale de Manuel Valls. France
Alzheimer a ainsi réaffirmé
début avril « la nécessité d’une
réforme adaptée aux besoins
concrets des familles ». Ce projet
de loi, dont l’examen à l’Assemblée nationale était prévu du 17
au 19 juin, avait été ficelé après
plusieurs rapports au gouvernement et une large concertation
avec les associations de professionnels et d’usagers. Il contenait notamment une réforme
garantissant les droits des copropriétaires ou des locataires des
nouvelles résidences services.
des résidences seniors, qui regroupe plus de 400 copropriétaires, se
bat depuis deux ans pour faire
modifier la législation. « Les gens
ne doivent plus être obligés de
payer les charges de services quand
le logement n’est pas occupé et
qu’ils ne les utilisent pas », défend
M. Audon, qui, faute de pouvoir
vendre son bien, a accumulé
30 000 euros de dettes.
Poursuivi en justice pour nonpaiement, cet employé de banque
a gagné un premier procès. L’affairedoitêtrejugéeenappeld’iciquelques mois. « Jusqu’à présent, les tribunaux donnaient raison aux résidences, les choses commencent à
bouger », se réjouit M.Audon.
Pour les professionnels du secteur, ces problèmes ne concerneraient qu’une poignée de résidences services « ancienne génération » (les dernières ont été
construitesen2000).«Nosrésidences plus récentes et a fortiori celles
en construction ne fonctionnent
déjà plus sur ce modèle », assure
FrançoisGeorges,présidentduSyndicat national des résidences avec
services pour aînés (SNRA) et par
ailleurs patron des Jardins d’Arcadie, un des leaders du secteur. « Les
appartements sont achetés par des
investisseurs, notamment pour
bénéficier d’une défiscalisation, et
ensuite confiés à un exploitant, qui
s’occupedele louer.Lesservicessont
à la carte et tout est individualisé.
Les résidents paient uniquement ce
qu’ils utilisent», poursuit-il.
Dans le hall un rien pompeux
de la résidence du Bel Age, certains
redoutent les conséquences de la
guerre larvée entre ceux qui peuvent encore payer et ceux qui sont
prisà la gorge.« Je suisbien ici, affirme un fringant octogénaire, propriétaire occupant, qui a souhaité
rester anonyme. Si j’ai choisi de
vivre ici, c’est justement pour avoir
des services que l’on ne trouve pas
dans un immeuble “classique”. » A
la peur de devoir déménager,
« d’avoir des ennuis », ou de voir
supprimer certaines prestations,
s’ajoute la crainte de voir le prix
des services s’envoler, car supportés par moins de copropriétaires.
Le Bel Age pourrait alors devenir
celui des tourments. p
Catherine Rollot
culture
0123
Mardi 22 avril 2014
9
La relève rap
bourgeonne
au Printemps
Le festival berruyer, qui débute le
22avril, accueille des espoirs du hip-hop
Rap
T
raditionnel et fantasque, le
Printemps de Bourges inaugure, avec une belle avance,
la saison des festivals. Du mardi
22 avril au dimanche 27 avril, se
tiendrala 38e éditionde la manifestation berruyère créée en 1977, au
centre de la France, pour promouvoir la « vraie » chanson contre le
business de la variété. A tout seigneur, tout honneur, c’est la star
de l’année, Stromae, qui ouvre le
bal. Le grand chapiteau, le W (plus
de 6 000 places), est complet. Stromae mélange avec succès le hiphop, l’électro du nord de l’Europe
et la chanson à refrain. Pendant
que les générations confondues
reprendront Papaoutai, la scène
du 22, plus expérimentale, devrait
présenter la relève du rap français.
Là aussi, c’est complet.
Le Printemps a noué une longue histoire avec le rap. En 1990, le
groupe américain Public Enemy,
qui vient de publier un brûlot
contre l’Amérique blanche, Fear of
a Black Planet, y fait ses premières
armes françaises. En 1991, le festival rassemble les rappeurs français « en devenir » : IAM et NTM.
Puis le rap vit à Bourges une sorte
de traversée du désert, pour cause
de castagne systématique dans les
concerts.Les années 2000rétablissent la tendance: le rap a beau être
sulfureux, le Printemps et son
directeur, Daniel Colling, défendent ce genre populaire et diversifié, parfois contre l’avis des pourvoyeurs de subventions, comme
ce fut le cas en 2009, quand Orelsansubit l’ire, justifiée,des associations féministes – il ne sera pas
déprogrammé à la condition de ne
pas contrevenir à la loi sur scène.
« Depuis dix ans, le Printemps a
systématiquement offert une ou
deux soirées rap. Pour cette édition,
nousavonsvoulu revenirauxémergents, indique le programmateur,
Jean-Michel Dupas. C’est une vocation du Printemps, nous avons eu
Sexion d’Assaut dans la petite salle
du 22, puis, en 2013, les mêmes ont
rempli le chapiteau.» Mais la tâche
du programmateur, qui doit boucler son affiche six mois avant le
début des festivités, n’est pas
aisée : « Dans le hip-hop, tout va
très vite, les notoriétés se font et se
défont sur le Net. » Ainsi, Dinos
Punchlinovic, figure de proue de
cette nouvelle génération, a été
repéré trop tard pour être programmé à Bourges. Son premier
disque, le mini-album Apparences, est sorti le 14 avril chez Def Jam
France.
Ce jeune Français d’origine
camerounaise, âgé de 20 ans,
n’était pas né lors du concert de
Public Enemy en 1990. C’est le cas
également des autres rappeurs du
plateau rap du Printemps, comme
les deux frères de Toulouse, Bigflo
(21 ans) et Oli (17ans), ou de Georgio
(21ans).Ilsseconnaissenttous,s’envoient leurs derniers clips et morceaux sur le Web, sont beaucoup
plus solidaires que leurs aînés. Pas
de rivalité Nord-Sud dans cette
génération selon Bigflo : « On est
«Pour cette édition,
nous avons voulu
revenir
aux émergents»
Jean-Michel Dupas
programmateur du Printemps
tous des passionnés de hip-hop et
on se bat déjà contre nous-mêmes
pour faire de la bonne musique.»
Chacund’eux fait montre d’une
connaissance encyclopédique de
cette culture : « J’ai des références
mais qui ne sont pas de mon âge,
reconnaît Dinos Punchlinovic qui
a grandi à La Courneuve. Vers
14-15 ans, j’ai voulu savoir ce que
voulait dire rap – « Rythm and
poetry » ou « Riposte against police » –, pourquoi on disait ce mot et
pas un autre. Je lisais tout sur Internet, je regardaislesanciennes émissions de télé, “Rapline” ou “H.I.P
H.O.P” sur YouTube. »
Dansson disqueA l’abri, qui sortirale 24 mai, Georgiose dit lui aussi « bousillé au rap » : « Ça me tue
comme ça me fait vivre, avoue-t-il
quelques jours avant son passage
au Printemps de Bourges. Il y a eu
tellement de choses depuis le début
des années 1990 que je n’arrive pas
à écouter d’autres musiques que
celle-là.Chaqueville a sesparticula-
De gauche à droite : les rappeurs Dinos Punchlinovic et Georgio. MARGOT GABEL ET ROMAIN RIGAL
rités, et chaque quartier, ses sonorités. C’est une affaire de flow [débit],
d’instrumental, de champ lexical,
presque. Ça “bousille” car ça prend
beaucoup de temps de tout écouter, de tout étudier. Mais on le fait
avec passion et plaisir, ce n’est pas
du tout un effort. »
Dansleurs textes,tous fontréférenceà leur rapportdifficileà l’école. Dinos Punchlinovic « mettrait
bien une droite à Pythagore » dans
Déclenche l’alarme. Georgio,
découvertsur le titre Voyoude Fauve, a, lui, définitivement arrêté les
cours en 1re : « Déjà à 15 ans, j’avais
accepté d’aller voir tous les psychologues et assistantes sociales possibles pourvu que je ne retourne pas
enclasse. Mais, commec’était encore plus ennuyeux que l’école, j’ai
passé mon brevet en candidat libre
et je me suis réinscrit au lycée…
pour arrêter un an plus tard. »
Il enchaîne les petits boulots en
intérim (tri postal, vendeur), et
part dans le fin fond de l’Essonne
enregistrer des raps pour 10 euros
de l’heure dans un studio d’enregistrement improvisé dans une
caravane.
Dans ses morceaux, ce métis
raconte une jeunesse entre deux
classes sociales. Fils d’une mère
guadeloupéenne et d’un Angevin,
compositeur de musiques pour la
publicité, il a grandi dans une belle
maison à Angers jusqu’au divorce
de ses parents, « où, catastrophe,
dit-il, je me suis retrouvé à vivre
avec ma mère et mon petit frère
dans un foyer à Paris. Mon disque
ressemble à mon quartier, Marx-
Une centaine de concerts à Bourges
ORGANISÉE du mardi 22 au
dimanche 27 avril, la 38e édition
du Printemps de Bourges attend
près d’une centaine de formations, chanteuses et chanteurs,
programmés dans une dizaine de
lieux de la ville. Du W, vaste chapiteau d’une capacité d’accueil de
6000 places pour les soirées à
grand spectacle, au Palais JacquesCœur, dont la cour et le petit théâtre permettent à quelques centaines de privilégiés d’assister à des
projets intimes. Dans la logique
du succès de son album Racine carrée, publié en août 2013, le chanteur Stromae fait le plein, comme
ailleurs, lors de la première grosse
soirée du festival au W, mardi
22 avril. Une aubaine pour Florent
Marchet, en première partie.
Le W sera aussi le témoin de l’attention du public, portée à deux
formations nerveuses, Skip the
Use et Shaka Ponk (le 23), d’une
confrontation générationnelle
entre les nostalgiques de Noir
Désir avec le groupe Détroit et
une partie de la jeunesse qui se
retrouve dans les désespoirs de
Fauve (le 24). Grosse soirée reggae,
une institution au festival, le 25,
toujours au W, avec notamment
Taïro, Danakil et Alborosie. Autre
institution, celle plus récente de
la Rock’n’Beat Party, une nuit –
presque intégrale – de mélange
entre hip-hop, électronique et
rock, le 26 (Klaxons, Kavinsky,
Gesaffelstein…).
Goûteuses de mots
Au Palais d’Auron (2 500 places), salle sportive transformable
en espace de concerts, Miossec, le
23, Lisa Leblanc, Les Ogres de Barback, le 24, Emilie Simon, Julien
Doré, le 25, présenteront diverses
facettes de la chanson. La salle la
plus agréable du festival, L’Auditorium (480 places), sera un écrin
idéal pour plusieurs chanteuses,
Anna Calvi, le 23, Jeanne Cherhal,
le 24, Angelique Kidjo, le 25 ou
Melanie de Biaso, le 26.
Au Théâtre Jacques-Cœur,
Catherine Ringer avec Gotan Project présentera, à trois reprises, du
23 au 25, la transposition scénique
du récent album Plaza Francia,
exploration du tango. Au même
endroit, le 26, deux goûteuses de
mots, Sophie Maurin, récemment
découverte, et son aînée, Anne Sylvestre. Vendredi 25avril, ce sera le
concert à la cathédrale, rendezvous très couru depuis quelques
années. Cette fois, ce sera avec Tindersticks, élégance pop-soul et jazz
britannique, au prétexte d’un anniversaire des 20 ans d’existence du
groupe, comme l’annonce le programme du Printemps – un peu
dans une faille temporelle, leurs
débuts remontant à 1991. Un
ensemble de cordes et vents sera
de la partie et des invités, non
annoncés à ce jour, sont prévus.
Pas plus qu’il n’est précisé si la formation sera celle qui tourne actuellement, menée par le chanteur
Stuart Staples, le claviériste David
Boulter et le guitariste Neil Fraser,
tous trois membres fondateurs. p
Sylvain Siclier
Printemps de Bourges, du 22 avril au
27 avril, dans dix salles et lieux de Bourges. Tél. : 02-48-27-28-29. De 15 euros
(les concerts de la série Les Inouïs du
Printemps-Crédit mutuel) à 34 ¤ ; quatre scènes extérieures en accès libre.
Printemps-bourges.com
Dormoy, dans le 18e. Même si tu
habitesdansl’immeublele plus crade de Porte de la Chapelle, tu es à
deux pas du Paris bobo. Au collège,
tu fréquentes des élèves qui vivent
des situations très précaires et
d’autres plus aisés. »
Peu d’artistes de cette génération parlent de politique, mais
beaucoup d’une jeunesse qui a
trouvé « l’alcool comme solution»,
rappe Georgio. Dans Jeunesse
Influençable, Bigflo& Oli, deuxfrères algéro-argentins du quartier
des Minimes à Toulouse, décri-
vent aussi « la déprime à l’école, les
jeunes qui picolent, les larmes pour
un portable » : « Tout le monde
nous dit qu’il n’y a pas de travail,
que notre génération est pire que la
précédente…, résume Bigflo. Ce
morceau, on l’a écrit pour dire : “Allez, on mérite mieux, ne nous laissons pas avoir”.»
S’ils étrillent moins les politiques que leurs prédécesseurs, c’est
parcequ’ilsne se sentent paslégitimes, avoue Dinos Punchlinovic :
« Je ne suispas en mesure de dénoncer quoi que ce soit, je vis chez mes
parents.» Jeunes, rappeurs et honnêtes, avec ça. p
Stéphanie Binet
et Véronique Mortaigne
Georgio, Joke, Bigflo & Oli, 3010, Deen
Burbigo, S-Crew au Printemps de Bourges. Le 22 avril au 22 Ouest et Est.
Apparences, de Dinos Punchlinovic.
1CD 8 titres (Def Jam/Universal).
En concert le 22 avril au New Morning,
7-9, rue des Petites-Ecuries, Paris 10e.
Le Trac, de Bigflo & Oli. 1CD (4 titres
Polydor). A l’abri, de Georgio. 1 CD
8 titres (à sortir le 24 mai chez Believe).
10
0123
culture
Mardi 22 avril 2014
La nouvelle jeunesse du Paris-Villette
Le théâtre, qui a rouvert il y a cinq mois, renaît en misant sur des spectacles intergénérationnels
Bécaud,Lavilliers,Sanson:
desgoûts de «Schnock»
La revue trimestrielle publie un double album,
qui compile des perles oubliées de la variété
Chanson
F
« Peau d’Âne », mis en scène par Lazare Herson-Macarel, au Théâtre Paris-Villette. LOLA LUCAS
Théâtre
L
e chiffre est inattendu : depuis
sa réouverture, le 13 décembre2013, leThéâtre Paris-Villette (TPV) a accueilli plus de huit mille
spectateurspayants. Avant safermeture,en décembre2012, cet établissement municipal avait vu sa fréquentation annuelle chuter à
4 000 entrées.
Valérie Dassonville et Adrien de
Van, le nouveau duo nommé à la
tête du théâtre en juin 2013 par l’ancien maire de Paris Bertrand
Delanoë se gardent de crier victoire
trop tôt. Ils savent qu’ils ont bénéficiéde l’élan médiatique lié au renouveau de cette scène contemporaine
et de la période des vacances de Noël
propice aux sorties. Mais ils ne
cachent pas un certain soulagement
après un redémarrage qu’ils qualifient de « rock and roll ». « Malgré les
cicatrices du passé, ça s’est fait, et ce
fut même joyeux : voilà la bonne surprise », résument les directeurs, quatre mois après la réouverture.
Ont-ils un truc, une recette ?
« Nous avons tout mené de front : le
projet, la programmation, la relance
de l’activité, le retissage du lien avec
le public, les associations de quartier
et les compagnies », énumèrent-ils.
Bref, ils ont choisi l’option « électrochoc », en proposant entre décembre et mars, en journée et en soirée,
pas moins de vingt-six spectacles
(quelques créations et beaucoup de
reprises), en organisant des ateliersvisites dès septembre et en inaugurant une politique tarifaire incitative (9 euros, 15 euros ou 20 euros
maximum).
Déclinant le projet qui leur a permis d’être retenus par la Mairie, les
deux directeurs ont conçu une programmation résolument intergénérationnelle. Ainsi, ce mercredi
16 avril en milieu de matinée, une
soixantaine d’enfants de 4 à 7 ans
issus de trois centres de loisirs du
19e arrondissement et quelques
grands-mères accompagnées de
leurs petits-enfants mettent des
lunettes de piscine distribuées par
les deux comédiens de la compagnie picarde Ches Panses Vertes :
« Nous allons voir la mer », leur promettent-ils.
L’escapade prend des allures de
road-movie familial, avec un grandpère fatigué mais espiègle, une
mamie pleine d’entrain et deux
enfants qui rêvent de « devenir
grands pour faire des choses qu’[ils
n’ont] jamaisfaites ».Les marionnettes sur table d’Alors ils arrêtèrent la
mer évoluent dans une scénographie inventive. « C’était trop bien »,
lâche un petit garçon à l’issue de la
représentation. « Il existe une
demande forte sur la petite enfance
et l’enfance, cela a pris très vite, cer-
tains spectacles, comme ceux de Pauline Bureau, avaient déjà leur
public », explique Adrien de Van.
Sur les 10 000 personnes venues
découvrir ou redécouvrir cet espace
de 1 000 m2 gaiement réaménagé,
environ 4 000 spectateurs ont
moins de 12 ans. La plupart viennent
dansle cadre scolaire ou périscolaire.
« Il est important de mener une
réflexion avec les enseignants pour
tisserunlien aveclesparents,afin que
le théâtre ne soit pas seulement une
sortie avec l’école et un outil pédagogique», estime Valérie Dassonville.
Sur 10000 personnes
venues (re)découvrir
cet espace,
environ
4000spectateurs
ont moins de 12 ans
Si le pari de l’enfance semble bien
engagé, si le nouvel aménagement
des rythmes scolaires constitue une
vraie chance, en revanche, sur le
public pré-ado et adolescent, « tout
reste à construire, notamment pour
les attirer en dehors du cadre scolaire », constate Adrien de Van. « Il existe beaucoup de compagnies dans le
secteur jeune public mais les lieux
d’accueil manquent », ajoute-t-il. Le
duo de Paris-Villette veut démontrer que ces spectacles peuvent être
vus avec le même plaisir par les
parents et les enfants, comme peut
l’être un film des studios Pixar ou de
Tim Burton.
De ces premiers mois de lancement, le duo a tiré quelques enseignements : la nécessité de «prendre
des risques » – en visant des exploitations plus longues sur trois semaines ou un mois – et de « miser sur la
création » en accueillant davantage
de compagnies. Du 13 mai au 7 juin,
six jeunes équipes feront découvrir
leur projet. «Nous voulons construire des artistes TPV », souhaitent les
directeurs. Ils ont eu aussi quelques
mauvaises surprises au premier
rang desquelles un « équipement
lourd et vieillissant, qui pèse sur la
liberté de création, et un problème de
visibilité du théâtre ». Petit Poucet à
côté de la Grande halle de La Villette
et du Conservatoire national de
musique, peu repérable par les promeneurs du parc, le lieu mériterait
d’être davantage signalé.
En attendant, le duo voit comme
un signe encourageant la présence
de troisspectacles jeune public à l’affiche du prochain Festival d’Avignon. L’un des metteurs en scène
retenu, Lazare Herson-Macarel, est
d’ailleurs au programme de printemps du Théâtre Paris-Villette. p
Sandrine Blanchard
Heartsrevolutionpose des lapins sur son chemin punk
D
ans leur sac, les filles ont
des tas d’objets, mais rarement des lapins en peluche. A Paris, pour le concert, le
6mars, de son groupe électrorock Heartsrevolution – dont l’album Ride or Die (« conduit ou
meurt») est sorti le 15 avril chez
Kitsuné –, Leyla « Lo » Safai en
avait rempli son sac. Lestés d’un
petit poids, elle les lançait dans
les rues de Paris et les accrochait
aux fils électriques, de manière à
créer le buzz
avant son spectacle.
L’artiste sème ainsi ses lapins
dans toutes les villes qu’elle traverse. Elle les prend ensuite en
photo, et les poste sur son site
Internet. A Los Angeles, d’où elle
est originaire, les trafiquants de
drogue font de même, mais avec
des paires de baskets, pour indiquer où se trouve leur point de
vente. La motivation des
Heartsrevolution est plus roman-
tique: « Les peluches sont souvent
les objets auxquels nous nous attachons le plus pendant notre enfance, explique Ben Pollock, son partenaire et guitariste au sein du
groupe. Quand elles ne servent
plus, on les jette à la poubelle.
Pour nous, les accrocher ainsi
dans les rues, c’est redonner vie à
nos rêves d’enfants. »
« Le street art est encore un phénomène très masculin, renchérit
Leyla, qui dit avoir des origines
mongoles et iraniennes, et être
une lointaine descendante de
Genghis Khan. Je voulais apporter
une note féminine, en travaillant
avec d’autres matériaux que les
posters ou les bombes aérosol.»
Heartsrevolution est donc la
rencontre d’une artiste d’art
contemporain de Los Angeles et
d’un musicien de Detroit. A
14ans, Leyla aime traîner dans les
discothèques de South Central,
quartier noir et latino de L.A.
Avec une copine, elle passe ses
soirées au Jabberjaw, un club
punk rock au croisement de Florence et Normandie Avenue, épicentre des émeutes en 1992. Elle y
fait son éducation musicale,
découvre les Riot grrrl, un mouvement punk féministe.
500 000 cristaux Swarovski
Leyla et Ben travaillaient tous
les deux dans le même hôtel, le
Standard de Los Angeles, dont la
particularité est d’accueillir les
clients avec des performances
artistiques – une fille en petite
tenue lit dans un bocal au-dessus
de la réception, par exemple. Leyla faisait partie du département
design de l’hôtel, qui concevait
ces animations; Ben était le DJ du
bar. Mais c’est à un concert des
Strokes qu’ils se sont finalement
rencontrés…
Le guitariste joue alors dans
plusieurs groupes. Leyla, elle, se
lance dans l’idée de redécorer le
camion d’un vendeur de glaces.
Elle propose à Ben de remplacer
la musique enfantine de ces
camions qui circulent dans les
rues des quartiers. Il se découvre
une passion pour la production
musicale, et lui compose un
album entier. Ils s’installent
ensuite à New York, où ils mettent un point final à leurs chansons, entre énergie punk et univers oniriques.
Pendant deux ans, ils recouvrent de 500 000cristaux, fournis par le joaillier Swarovski, leur
camion, qu’ils emmènent sur
leurs lieux de concerts, mais aussi dans les quartiers de Brooklyn,
à New York, ou de South Central à
Los Angeles. Ride or Die dit le titre
de leur album… p
Stéphanie Binet
Ride or Die. 1 CD Kitsuné.
Heartstreetheart. tumblr. com
ondée en mai 2011, la revue
Schnock affichait son propos,
toujours tenu depuis, dans
l’éditorial de son premier numéro : « Explorer la culture populaire,
au sens le plus large, et en faire revivreaussibien lesœuvresles plusrespectables (mais parfois oubliées)
que les personnages les plus iconoclastes. » Des acteurs et actrices,
des musiciens,auteurs, cinéastes…
Jean-Pierre Marielle, Amanda
Lear, Jean Yanne, Miou-Miou ou
Pierre Richard auront notamment
été en couverture de ces livresrevues à parution trimestrielle et
vendus en librairie. Au sommaire
du récent numéro 10, Guy Bedos,
la série animée « Les Shadoks », le
« Top 15 » des farces et attrapes, Léo
Ferré, Yves Simon…
Et voici un double album CD,
intitulé Sur la platine de Schnock.
Le CD1, dit Face A, porte en soustitre « Vous allez les redécouvrir ».
Le CD2, dit Face B, annonce « Vous
allez les adorer ». D’une part, des
titres pour la plupart peu connus,
parfois décalés, de grands noms de
la chanson, Françoise Hardy,
Michel Fugain, Bernard Lavilliers,
Gilbert Bécaud, Véronique Sanson, Alain Bashung, Christophe…
Et, d’autre part, du pointu, mais
accessible, de l’inhabituel, des
oubliés, qui font entendre une
autre scène française.
Ce volume 1, tel qu’annoncé sur
la pochette, dessinée comme pour
la revue par Erwann Terrier, se
veut « la bande-son de la revue, son
image sonore », explique Christophe Ernault, coconcepteur et
corédacteur en chef, avec Laurence Rémila, de Schnock. « La revue
n’est pas un éloge de la ringardise,
du raté comme le font très bien
Bide et musique [webradio
associative] ou Nanarland [site
Web]. Idem pour la compilation.
Les plus mauvais titres des plus
grands, c’est une approche cynique. Et ce n’est pas parce que c’est
dela musiquepopulaire,dela chanson, de la variété, que cela doit être
traité par-dessus la jambe. On en
admetla légèreté mais on ne le traite pas avec légèreté. Comme dans
la revue. »
Pochette cartonnée, qui s’ouvre
en deux volets, livret de 24 pages
(un luxe pour une compilation),
certes succinct mais précis et soigné – les origines de chaque chanson sont indiquées, avec quelques
lignes d’explication –, collaboration avec la division française de
Rhino, compagnie californienne
régulièrement louée pour son tra-
vail d’orfèvre en matière de réédition rock et pop.
Les chansons et instrumentaux
de Sur la platine de Schnock couvrent une période allant de 1969 à
1984, avec une part majeure réservée aux années 1970. Sur le CD1, il y
a la perfection pop de L’Amour en
privé, par Françoise Hardy (JeanClaude Vannier, présent sur plusieurs titres, aux arrangements),
celle plus baroque des Fontaines
du casino, d’Yves Simon, la country
tranquille d’Eddy Mitchell, dans
Chaque matin, il se lève, l’une des
plus belles chansons d’Hugues
Aufray (Quelle heure est-il petite ?)
ou de Gilbert Bécaud (Le Bain de
minuit). Sheila, Michel Sardou ou Il
était une fois sont là aussi, mais
horsdeleurs registresplusrepérés.
Les chansons
de «Sur la platine
de Schnock» couvrent
une période allant
de 1969 à 1984
Du CD2, qui devrait être scruté
avec attention par tout amateur
de chemins de traverse, on ne
dévoilera, arbitrairement, que
trois états : l’étonnant Ile de
Pâques, de Guy Skornik, tiré de
Pour Pauwels, album psyché pop
de 1970 ; les harmonies vocales
sous influences californiennes de
WBS dans Lorsque le soleil se lèvera
demain ; La Divine Décadence,
chantée par Claude Puterflam,
autant évocatrice de Lou Reed que
décalquedu Stranger In Blue Suede
Shoes, de Kevin Ayers (par ailleurs
présent ici avec Puis-je ?, version
française de sa balade May I ?).
Point fort de la compilation,
son sens de l’enchaînement, du
contraste. Il y a là une oreille de
musicien. De fait, Christophe
Ernault, l’est aussi, sous le pseudonyme d’Alister. « Je suis très attentif à la qualité des rythmiques, aux
arrangements de cordes. Je dois
entendre que ça a été travaillé.
Qu’il y a un beau son de basse ou de
claviers. Même sur les quelques
titres “humoristiques”.» Un volume 2 est-il déjà envisagé ? Ou
accompagner chaque future parution de la revue de son illustration
sonore ? « A ce jour, non », dit Christophe Ernault. A ce jour… p
Sylvain Siclier
Sur la platine de Schnock, 1 double CD
Rhino-Warner Music.
Schnock, numéro 10, 174 p., éditions
La Tengo, 14,50 ¤. Larevueschnock.com
SÉLECTION CD
Nas
Illmatic
La culture hip-hop célèbre ses quarante ans d’existence. L’occasion
de regarder en arrière pour mesurer le chemin accompli. Après le
20e anniversaire des albums du
Wu Tang Clan Enter the 36 Chambers, ou de Snoop Dogg Doggystyle, voici celui du classique
rappeur new-yorkais Nas, Illmatic, publié en 1994. Pour fêter le
10e anniversaire de ce disque qui
l’imposait comme une des plus
belles plumes du rap américain,
Nas avait donné un concert gratuit à Central Park. Cette fois, il réédite son premier album, accompagné d’un deuxième CD de
remixes de ses classiques tels The
World Is Yours ou Life’s a Bitch, et
d’un texte remarquable du journaliste Sacha Jenkins, qui les resitue
dans le quartier du Queensbridge
(New York), le plus grand ensemble de logements sociaux américains. Fils du trompettiste Olu
Dara et d’une employée de la poste, le jeune Nasir Jones avait alors
su décrire avec acuité et mélancolie un environnement totalement
décimé par la fermeture des usines et la consommation du
crack. p St. B.
2 CD Legacy Recording/Sony.
Barcella
Puzzle
Onze chansons pour
le nouvel
album de
Barcella,
son troisième. Et
autant d’inventifs bonheurs. Ceux, sur la forme, d’une musique qui relève globalement de l’arrangement pop,
l’air faussement simple et un rien
naïve. Une pop qui fréquente par
endroits, discrètement, les cabarets et les pistes de cirque. Textes
joueurs, délicats, aux mots choisis, auxquels Barcella donne des
reliefs, des courbes. Il y a dans
Puzzle l’évidence de succès, comme Sur la route, des fantaisies
bien menées et des fragilités, des
émotions vibrantes comme dans
Caroline ou L’Epouvantail. p S. Si.
1 CD Jive-Epic/Sony Music.
0123
styles
Mardi 22 avril 2014
11
Mode AprèsParis,le directeurartistiquede Dior Homme,présentait
sa collectionautomne-hiverdansla mégalopolechinoise,éprisede luxe
Kris Van Assche, l’homme de Shanghaï
Le défilé Dior hommes, collection automne-hiver 2014-2015, à Shanghaï au Long Museum, premier musée d’art privé du pays. DR. En bas : Silhouettes de l’homme Dior. SASKIA LAWAKS
Entretien
Shanghaï
P
lus de 24 millions d’habitants,des immeublesfuturistes aux volumes vertigineux
qui se jettentvers le ciel, la plus forte concentration de grosses fortunes en Chine : Shanghaïest une ville de superlatifs. Même si l’économie du pays montre des signes de
ralentissement,elle s’imposecomme la capitale chinoise du luxe.
Les grandes marques occidentales
y ont ouvert des boutiques XXL.
La cité est une des pièces maîtresses de la géopolitique du luxe
contemporain: en 2013, le groupe
LVMH réalisait par exemple en
Asie (hors Japon) 31 % de ses ventes
mode et maroquinerie. Le
Shanghaï du XXIe siècle a retrouvé
le statut de centre d’affaires florissant reliant l’Est et l’Ouest, qui
était le sien dans les années
1920-1930. Cette expérience de la
prospérité nourrit sans doute la
nouvelleculture du luxe de la ville.
Pas d’overdose de logos ni de baroque aveuglant : le consommateur
de mode griffée échappe ici au stéréotype déjà périmé du client
chinois aux goûts peu raffinés.
A côté des boutiques des labels
multinationaux (Burberry, Dior,
Gucci, etc.), les multimarques les
plus pointus ont pignon sur rue,
qu’ils viennent d’Europe (l’italien
CorsoComo,la françaiseMaria Luisa), ou de Hongkong (Lane Crawford, un concept store prestigieux
dont l’antenne de Shanghaï s’épanouit sur 14 000m2). Une « greffe»
qui serait hors sujet sans la présence d’un public de vrais connaisseurs.
« Les clients sont curieux, confirme Cyril Rahon, directeur français
des achats du Corso Como de
Shanghaï. Ils savent mixer de grandes griffes de luxe et des créateurs
beaucoupplus pointus, ajouter pas
mal d’accessoires pour se composer de vrais looks inventifs, plutôt
dans un esprit “casual” moderne. A
ce jeu, les garçons sont presque
meilleurs que les filles. Et les magazines de mode masculine chinois
sont de grande qualité. »
Shanghaï est donc la terre d’accueil idéale pour la mode subtile,
urbaine et ultramoderne de Kris
Van Assche, le directeur artistique
de Dior Homme. La griffe est
d’ailleurs particulièrement bien
représentée sur le territoire
chinois avec trois boutiques à
Shanghaï, dix-neuf dans tout le
pays (en comptant l’ouverture au
mois de mai de Chengdu IFS), pour
un total mondial de soixante et un
adresses en nom propre.
Lamaisonsaitassurersa promotion avec beaucoup de finesse.
Après un défilé organisé en 2013 à
Pékin, Dior Homme a apporté cetteannéeà Shanghaïsa dernièrecollection automne-hiver, présentée
à Paris en janvier.
Le défilé était organisé au Long
Museum qui vient juste d’ouvrir.
Premier musée d’art privé du
pays, dont l’immense architecture
contemporaine a été commanditée par un couple de multimilliardaires shanghaïens à court d’espacepour installerunecollectionpléthorique.
Les grands volumes bruts du
lieu reflètent loin de Paris les penchants de Kris Van Assche pour les
paysages urbains. Le musée est
aussitémoinde la nouvelleprospérité de la ville : son commanditaire
est un ancien chauffeur de taxi et
vendeur de sac à mains qui a fait
fortuneenspéculant. Sousses voûtes de cathédrale en béton et granit, journalistes, bloguers et célébrités d’Asie ont pu (re)découvrir
une des collections les plus abouties et les plus riches du créateur
belge.
Costumes rebrodés de pois ou
de muguet, gilet en denim et par-
ka, manteaux tailleurs et trenchs
aux grands volumes souples
impeccables, l’ensemble tient un
équilibre idéal entre excentricité
etretenue, espritsportswearet tradition du tailleur classique. Sur le
podium, mannequins « importés » d’Europe et recrutés sur place
portent les tenues avec la même
aisance, confirmant le « style
appeal » universel de la collection.
Face aux débats sur la mondialisation du luxe, Kris Van Assche
défend sa position de designer
dans une griffe internationale.
Dans un marché global, faut-il
penser à un client spécifique ?
Danslamode,il ya unepartd’inconnu, de surprise et d’intuition.
Ce serait trop simple si on arrivait
à définir ce que veulent les uns et
les autres.On ne faitpas une collection dont on est sur qu’elle va plai-
re en Chine. Je ne fonctionne pas
comme ça et ce ne sont pas des
directives qu’on me donne non
plus. Pour moi, Dior Homme n’a
pas un type de clients mais plusieurs. Cela va d’un homme à la
recherche d’un vrai savoir-faire
traditionnel, qui peut aller jusqu’au sur-mesure, à un autre aux
goûts pointus, en quête de pièces
créatives. Sans compter toutes les
nuances entre les deux. Pour moi,
cela ne constitue pas une contrainte, au contraire. En travaillant sur
le côté institutionnel, on peut
avoir des idées pour la partie plus
« mode », et en travaillant sur la
partie « mode », on peut assouplir,
améliorer, moderniser l’institutionnel. Ces deux aspects se nourrissent mutuellement.
Que représente la Chine pour
vous ?
C’est un pays en pleine expansion,les gens sont à la recherche de
nouveautés, de modernité, de produits de luxe, donc forcément
pour nous c’est très stimulant.
Je ne conçois jamais ma collection de façon parisienne : je suis
conscient qu’elle va faire le tour du
monde, et, entre autres, aller en
Chine. C’est donc intéressant de
visiter ce pays, de rencontrer les
gens, de voir comment la collection fonctionne dans les boutiques. Mais elle reste la même, et le
défilé aussi.
«Je ne conçois jamais
ma collection de façon
parisienne: je suis
conscient qu’elle
va faire le tour
du monde»
La nationalité du client
joue-t-elle néanmoins un rôle ?
Direqu’un Chinoisseraitradicalement différent d’un Français est
un cliché. Il y a de nombreux styles
d’hommes en France comme en
Chine. On retrouve les mêmes
nuances dans des cultures différentes.
On me demande parfois si je
fais une mode belge ou française.
Je ne sais pas ce qu’est une « mode
belge » ou une « mode française ».
La réalité est beaucoup plus subtile que cela. J’ai l’impression de
m’adresser à de nombreux individus, pas à des passeports. D’autant
que les clients européens, américains ou asiatiques ne font pas forcément leur shopping chez eux.
La globalisation influence-t-elle
l’évolution de la marque ?
Je ne me pose pas ces questions.
Les collections grandissent saison
après saison. Il y a maintenant des
pré-saisons: printemps et automne. Les choses évoluent rapidement mais selon une logique organique. Le cheminement de la marque est sain, il y a quelque chose
d’évident dans les choix comme
dans les décisions. p
Propos recueillis par
Carine Bizet
12 sport
0123
Mardi 22 avril 2014
L’AtléticoMadrid,demi-finalisteauxcaissesvides
Le club, qui affronte Chelsea mardi 22 avril en Ligue des champions, a une dette estimée à 539millions d’euros
Football
geants madrilènes qui envisagent
de doter, en 2016, le club d’un nouvel écrin de 70 000places.
Juché au 20e rang du classement
de la Football Money League établi
par le cabinet Deloitte, l’Atlético a
réalisé un chiffre d’affaires de
120 millions d’euros lors de la saison 2012-2013. Les « Colchoneros »
ontnotammentrécolté52millions
d’euros grâce aux droits télévisuels. Une somme très inférieure
aux revenus qu’ont généré par ce
biais le Real Madrid (161 millions)
et le FC Barcelone (188 millions),
deux clubs qui captent la moitié
des droits de retransmission des
matches en Espagne. « Pour que
l’Atlético puisse rembourser sa det-
L
e stade Vicente-Calderon va
se muer en étuve, mardi
22 avril, lors de la demi-finale
aller de Ligue des champions
opposant l’Atlético Madrid à Chelsea. Les 55 000 supporteurs des
« Colchoneros » devraient réserver un accueil particulièrement
hostile à José Mourinho, entraîneur des Blues et ex-coach
(2010-2013) du Real Madrid,
l’autre équipe de la capitale espagnole. Les bouillants socios espèrent voir les « Rojiblancos » battre
les Londoniens et ainsi prendre
une option pour la finale, organisée le 24 mai à Lisbonne. L’Atlético
n’a plus atteint ce stade de la compétition depuis 1974.
Quarante ans après sa défaite
(4-0) contre le Bayern Munich, le
club espagnol connaît une ère de
renouveau sur la scène nationale
et européenne. Actuel leader de la
Liga à quatre journées du terme
de la saison, la formation entraînée depuis décembre 2011 par l’Argentin Diego Simeone possède six
points d’avance sur le Real
Madrid, son rival historique, et
sept sur le FC Barcelone. Si les
Merengue et les Blaugrana comptent un match en retard, l’Atlético
remet en cause cette saison la
dyarchie qu’exercent habituellement les deux titans du football
ibérique.
Disposant du budget le plus
modeste (130 millions d’euros)
parmi les clubs du top 8 européen,
les « Colchoneros » ont éliminé
(1-1, 1-0) les Catalans pour se hisser
dans le dernier carré de la Ligue
«L’Atlético a une
histoire judiciaire
mouvementée,
à cause de différends
avec les autorités
fiscales et de fraudes
diverses»
Bastien Brut
économiste
Jorge Resurreccion Merodio (à gauche) et David Villa, après leur victoire contre le FC Barcelone en quarts de finale, le 9 avril, à Madrid. REUTERS
des champions. Phalange s’appuyant sur une défense hermétique et un buteur hors normes
(l’Hispano-Brésilien Diego Costa),
l’Atlético, redevenu une équipe
pourvoyeuse de trophées (Ligue
Europa et Supercoupe d’Europe
en 2012, Coupe du roi en 2013), lor-
Le gardien Thibault Courtois jouera « gratuitement »
Prêté à l’Atlético Madrid par
Chelsea, Thibault Courtois
devrait garder les buts du club
madrilène mardi 22 avril, lors du
match contre Chelsea. Une clause de son contrat stipule pourtant que le club espagnol doit
verser une contrepartie financière de 3 millions d’euros par
match si le gardien belge affronte le club auquel il appartient.
Mais à la suite d’une mise en garde de l’UEFA, cette clause ne
sera pas appliquée. Par la voix de
leur administrateur délégué Ron
Gourlay, les Blues ont expliqué
que Thibault Courtois « pourrait
jouer ». « Faire l’inverse serait
paranoïaque et déplaisant »,
a-t-il expliqué à beIN Sports
Angleterre. Les dirigeants madrilènes avaient prévenu qu’ils
n’avaient « pas les moyens » de
payer, préférant ne pas aligner
leur gardien lors des demi-finales de la Ligue des champions.
gne légitimement le titre en Liga,
qui lui échappe depuis 1996.
Mais la réussite actuelle des
« Rojiblancos » sur les terrains ne
camoufle guère la situation financière critique d’une institution
minée par le surendettement, mal
endémique du football espagnol.
«Lasituationfinancièredel’Atlético est très mauvaise, estime l’économisteBastienDrut,auteurd’Economie du football professionnel (La
Découverte, 2011). A la fin de la saison 2011-2012, la dette totale de l’Atlético s’élevait à 539 millions d’euros; il était le deuxième club le plus
endetté d’Espagne après le Real
Madrid. Le service de la dette s’élève
actuellement à 17 millions d’euros
par an. Fin 2013, l’Atlético avait
encore 125 millions d’arriérés d’impôts. Le club a une histoire judiciaire mouvementée depuis de nombreuses années à cause de diffé-
rends avec les autorités fiscales et
de fraudes diverses. » Au bord de la
faillite et présidé alors par le sulfureux Jesus Gil y Gil, l’Atlético avait
été placé, en 2000, sous contrôle
judiciairedurantquatreansetrelégué en deuxième division (de
2000 à 2002).
« L’Atlético est en faillite. Il a une
dette supérieure à 500 millions
d’euros qui est impossible à rembourser, explique Jaume Llopis,
professeur à l’IESE business school
deBarcelone,quirappelleaupassage les dettes abyssales du Real
Madrid (plus de 500 millions d’euros), du FC Barcelone (autour de
400millions) et de l’ensemble des
clubsespagnols(4milliards).L’Atlético peut seulement sortir de cette
situation s’il remporte des titres qui
lui permettront d’attirer des sponsors. Seuls des succès prolongés
durant plusieurs années peuvent
Sur la terre de Monte-Carlo, la Suisse rafle la mise
J
ugé archaïque par certains, le
Cantique suisse devra peut-être
céder sa place en 2015 à un nouvel hymne national. En attendant,
cette mélodie adaptée d’un psaume a encore quelques occasions de
se faire entendre sur les courts de
tennis. Elle le doit aux deux tennismen les plus en vue du pays. Victorieux d’une finale 100 % helvétique au tournoi de Monte-Carlo,
dimanche 20 avril, Stanislas
Wawrinka a montré que son illustre adversaire, Roger Federer,
n’était plus le seul à pouvoir mettre en branle les fanfares.
« Ce fut un honneur d’affronter
en finale Roger, le plus grand
joueurde tous les temps », a déclaré
le vainqueur, avec une modestie
rare, à l’issue de sa victoire (4-6,
7-6, 6-2). Déférence logique : alors
que Federer, 32 ans, vient de nouveaude buter sur l’un des rares trophées qui lui manquent encore,
Stanislas Wawrinka, 29 ans, commence à peine à graver son propre
palmarès. Après un premier sacre
en Grand Chelem sur le court en
dur de Melbourne, le 26 janvier, il
s’est adjugé le premier Masters
1000 de sa carrière.
Ce type de compétition, un cran
en dessous dans la hiérarchie, lui
avait jusqu’alors échappé, déjà sur
terre battue, à Rome (2008) et à
Madrid (2013). Mais les temps ont
changé. Depuis 2014, le Vaudois a
pris possession de la place de
n ˚1 suisse et n˚ 3 mondial, juste
devantFederer,unBâlois.Unmodèle contre lequel il n’avait auparavant gagné qu’une seule fois en
quatorzematchs,déjààMonte-Carlo, en huitièmes de finale, en 2009.
« Que les deux se retrouvent en
finale, je trouve cela extraordinaire », se félicite René Stammbach, président de Swiss Tennis, la
fédération nationale. Deux Suisses en finale d’un tournoi de l’ATP,
pareille concomitance n’était plus
Le pays s’appuiera
sur ses deux stars
pour tenter de gagner
la Coupe Davis
survenue depuis l’Open13 de Marseille, en 2000. A l’époque, Roger
Federer s’était déjà incliné. Il
n’était pas encore le joueur le plus
titré de l’histoire en Grand Chelem
(17 sacres). Ni le deuxième plus
titré en Masters 1000 (derrière
Nadal), avec 21 victoires en 35 finales, dont quatre – toutes perdues –
à Monte-Carlo.
«D’avoireu à attendreautantde
tempspourunenouvellefinalesuisse, ça ne m’étonne pas plus que ça,
explique Marc Rosset, aujourd’hui
retiré des courts, qui avait battu
Federerà Marseille. Quand un pays
n’a que deux joueurs de très haut
niveau, comme c’est notre cas
aujourd’hui,les probabilitésde rencontre en finale restent minces. »
Elles le seront d’autant plus fin
mai, à l’approche de Roland-Garros. Octuple vainqueur du tournoi
parisien et de Monte-Carlo, l’Espagnol Rafael Nadal sera sans doute
plus compliqué à évincer que sur
le Rocher, où le n ˚1 mondial a craqué en quarts de finale contre
David Ferrer.
Roger Federer a laissé entendre
que la naissance de son troisième
enfant pourrait l’amener à manquer le grand rendez-vous annuel
sur terre battue. Il faut dire que,
pour lui comme pour son compatriote Wawrinka, le match à ne pas
louper aura plutôt lieu en septembre. Tombeuse de la Serbie de
Novak Djokovic, puis du Kazakhstan,laSuisseaffronteraalorsl’Italie
en demi-finales de la Coupe Davis,
prestigieuse compétition annuelle
par équipes où la France défiera
dans le même temps les Tchèques.
Ce Graal, les Helvètes ont déjà
failli le conquérir en 1992. L’équipe
de Marc Rosset, champion olympique en simple cette année-là, avait
alors échoué contre les Etats-Unis:
«Dans les années 1990, des nations
comme les Etats-Unis, l’Australie et
la Russie étaient très solides. Ce n’est
plus le cas aujourd’hui. Je pense
donc qu’il n’est pas irréaliste d’espérer un titre pour la Suisse.»
Rémi Dupré
Formule 1
Stanislas Wawrinka a battu son compatriote Roger Federer en finale du Masters 1000, dimanche 20avril
Tennis
lui permettre de réduire sa dette
astronomique.»
Alors que la masse salariale de
l’Atlético représentait plus de 90%
de ses revenus annuels lors de la
saison 2011-2012, le quotidien
El Pais avait chiffré à 565 millions
d’euros la somme dépensée par le
club en transferts entre 1996 et
2011. « Pour améliorer sa situation
économique, l’Atlético doit vendre
ses meilleurs joueurs, ce qui nuira à
la compétitivité de l’équipe. C’est le
serpent qui se mord la queue », analyse Jaume Llopis.
La vente de cadres tel le buteur
colombien Radamel Falcao, transféréenmai 2013contre 60millions
d’euros à l’AS Monaco, la signature
d’un partenariat avec l’office du
tourisme d’Azerbaïdjan et les
délais de paiement accordés par le
gouvernement et l’administration
fiscale ont offert un répit aux diri-
te, il faudrait repasser à une vente
collective des droits TV de la Liga.
Actuellement, les droits de retransmission sont vendus individuellement», indique Bastien Drut.
Figurant parmi les 22 clubs
espagnols surendettés, l’Atlético
est-il dans le viseur de l’UEFA, qui
veille au respect des règles du fairplay financier, selon lesquelles un
club ne doit pas dépenser plus que
ses revenus ? « Sa dette correspond, comme celle du Valence CF,
à plus de quatre fois ses recettes
annuelles. Or, le fair-play financier
prévoit une surveillance accrue de
la situation financière d’un club
dès que sa dette dépasse 100 % des
recettes, explique Bastien Drut.
Mais il a engagé des dépenses pour
la constructionde son nouveau stade, et ce type de dépenses n’est pas
comptabilisé dans le calcul du fairplay financier. Il est donc difficile
de savoir si le club contrevient à ce
principe. » p
Plus que jamais, la Confédération helvétique s’appuiera dans les
mois à venir sur ses deux membres
du top 5 mondial. En double, le duo
lui a déjà offert une médaille d’or
en 2008, aux JO de Pékin. Problème : pour composer le quatuor de
la sélection nationale, ce pays de
8 millions d’habitants aura besoin
de deux joueurs supplémentaires.
Il pourrait s’agir de Marco Chiudinelli, Henri Laaksonen ou Michael
Lammer, respectivement 216e, 239e
et 432e mondiaux…
Avec près de 166 000 pratiquants inscrits en club, « le tennis
est le troisième sport en Suisse,
après le football et la gymnastique», assure René Stammbach, qui
sefélicitedel’engouementquesuscitela disciplineauprèsdes nouvelles générations. « Nous avons lancé
un programme, il y a quatre ans,
auprès des écoliers, rappelle-t-il.
L’an passé, 300 filets ont été installés dans les cours d’école. Dans mon
village, près de Zurich, je vois maintenant des gamins à la queue leu
leu, à chaque récréation, pour prendre la raquette et taper des balles.»
Il y a peut-être parmi eux les
futurs Federer et Wawrinka. Ou
Martina Hingis, cette surdouée
devenueen1997laplusprécocen˚1
du tennis féminin, à 16 ans et
6mois, qui a choisi de revenir sur le
circuit à l’été 2013, au terme d’une
pause de six saisons. p
Adrien Pécout
En Chine,Hamiltonet Mercedes
confirmentleurhégémonie
Les courses se suivent et se ressemblent. Au Grand Prix de Chine,
Lewis Hamilton s’est adjugé sa troisième victoire de la saison,
dimanche 20 avril, à Shanghaï, et Mercedes-AMG s’est offert un
troisième doublé consécutif, grâce à Nico Rosberg qui reste en
tête du championnat. Il n’y a guère eu de suspense pendant cette
course. Les deux Flèches d’argent se sont imposées, malgré le
mauvais départ de Nico Rosberg, perturbé par la perte de sa télémétrie et un choc contre la Williams de Valtteri Bottas. Retombé
à la 6e place à la fin du premier tour, l’Allemand est remonté tranquillement jusqu’à la 2e place finale, pendant que son coéquipier
se « promenait» en tête. Lewis Hamilton, comme d’habitude, a
moins usé ses pneus et moins consommé de carburant que ses
adversaires, ce qui lui a permis de terminer sans être inquiété
avec 18 secondes d’avance sur son coéquipier et 25 secondes sur
l’Espagnol Fernando Alonso (Ferrari). – (AFP.) p
Football Blatter veut le Mondial au Qatar fin 2022
Joseph Blatter, président de la Fédération internationale de football (FIFA), a réitéré, dimanche 20 avril, qu’il était favorable à un
Mondial 2022 au Qatar en hiver. Il a aussi rappelé son opposition
à la vidéo et souligné que la Fédération française devait laisser
les footballeuses le désirant jouer avec un voile. Depuis que le
Qatar a été désigné comme pays organisateur, une polémique
est née sur la date de la compétition. Les températures estivales
sont jugées trop élevées en été et la période hivernale pose des
problèmes de calendrier. – (AFP.)
La 34e journée de Ligue 1
Résultats
Saint-Etienne-Rennes
0-0
Monaco-Nice
1-0
Bastia-Ajaccio
2-1
Bordeaux-Guingamp
5-1
Lorient-Montpellier
4-4
Reims-Sochaux
0-1
Valenciennes-Nantes
2-6
Marseille-Lille
0-0
Paris-SG-Evian
(mercredi)
Toulouse-Lyon
(mercredi)
Classement : 1. Paris SG :
79 points. 2. Monaco : 72. 3. Lille :
64. 4. Saint-Etienne : 57. 5. Lyon :
54. 6. Marseille : 52. 7. Bordeaux :
48. 8. Reims : 45. 9. Toulouse :
44. 10. Bastia : 44. 11. Nantes : 43.
12. Lorient : 42. 13. Rennes : 39.
14. Montpellier : 39. 15. Nice : 39.
16. Evian : 38. 17. Guingamp : 35.
18. Sochaux : 33. 19. Valenciennes : 29. 20. Ajaccio : 20.
0123
Chanteur portoricain
Cheo Feliciano
En mémoire de
en vente
actuellement
K En kiosque
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Hors-série
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Hors-série
U
3 juillet 1935 Naissance
à Ponce (Porto Rico)
1952 Sa famille s’installe
à New York
1972 Premier album
sous son nom, « Cheo »
24 février 2001 Dernier
concert parisien
17 avril 2014 Meurt au volant
de sa voiture à San Juan
(Porto Rico)
José Luis Feliciano Vega est né le
3 juillet 1935à Ponce, deuxièmeville de Porto Rico et lieu de naissance
également d’Hector Lavoe
(1946-1993), autre « caïd » de la salsa, l’une des musiques urbaines
majeures apparues au XXe siècle,
cocktail éminemment dansant,
créé dans le Spanish Harlem, à
New York, porteur à ses débuts des
messages de la révolution sociale
des années 1960, qui deviendra la
musique fétiche et l’emblème de
l’importante communauté latinoaméricaine, avant de se répandre
dans le monde.
Cheo Feliciano fait ses débuts à
San Juan, où il forme son premier
groupe avec des copains (El Combo
Las Latas) et étudie la percussion
dans une école de musique. En
1952, sa famille s’installe à New
York.Feliciano a 17 ans, une nouvelle vie pour lui va commencer.
D’abord,entantquepercussionniste, embauché notamment dans le
groupe d’un aîné portoricain, le
chanteur Tito Rodriguez, qui le présentera plus tard à Joe Cuba, égalementl’unedescélébritésportoricaines de la scène latine new-yorkaise.
Figureemblématiquedu boogaloo (fusion salsa-soul, apparu à
New York, à la fin des années1960),
JoeCuba, lui-mêmepercussionniste (superbe conguero), séduit par
le timbre de baryton de Cheo Feliciano, le recrute en 1957 pour son
sextet, mais en tant que chanteur.
CheoFelicianoy resteraunedécennie avant de rejoindre pour deux
ans le pianiste Eddie Palmieri.
C’est l’époque où la marche en
avant de la future star s’enraye
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En 2007. ARTURO RAMOS/REUTERS
n éminent salsero
est mort au volant
de sa voiture le
17 avril à Cupey, un
quartier de San
Juan, capitale de
Porto Rico. Après son décès, trois
jours de deuil national ont été
décrétés sur la petite île des Caraïbes. José Luis Feliciano Vega, mondialement connu sous le nom de
Cheo Feliciano, était l’un des héros
du pays. Il comptait parmi les plus
célèbres chanteurs et compositeurs de salsa. Il avait 78 ans.
13
disparitions & carnet
Mardi 22 avril 2014
pour cause d’addiction à l’héroïne.
Une cure volontaire de désintoxicationplus tard, le gaillard portoricain se remet au travail et, en 1972,
publie le premier album sous son
nom, Cheo, qui inclut plusieurs
titres (dont Anacaona, immense
succès de la salsa) écrits par son
ami Tite Curet Alonso, compositeur prolixe du genre, celui qui
avait su le persuader de se ressaisir après son errance dans la drogue. L’album fait mouche au sein
de la communauté latine de New
York.
La légende est en marche. Cheo
Feliciano participe à l’explosion
de la salsa, dans les années 1970. Il
est embarqué dans l’aventure
Fania All Stars, formation d’élite à
géométrie variable rassemblant
les meilleurs musiciens et chanteurs latins de New York qui
deviendra le fer de lance du label
Fania Records, créé au milieu des
années 1960 par Jerry Masucci, un
avocat d’origine italienne, avec
l’un de ses clients, le compositeur
et flûtiste dominicain Johnny
Pacheco.
Feliciano enregistre quinze
albums sur le label Fania tout en
s’offrant des digressions. Il participe à l’opéra salsa Hommy, enregistre un premier disque consacré au
romantique boléro La Voz Sensual
de Cheo, enregistré en Argentine
(qui sera suivi, dans la même veine
sentimentale, par Los Feelings de
Cheo, en 1990).
Foisonnante discographie
Il laisse une foisonnante discographie, dont Eba Say Aja, sorti en
2012, enregistré avec le Panaméen
Ruben Blades, et apparaît en tant
qu’invité sur de nombreux disques de collègues salseros. Le
Colombien Yuri Buenaventura
l’avait sollicité, par exemple, pour
son troisième album, Vagabundo,
enregistré à Porto Rico (paru en
2003).
Cheo Feliciano a parcouru le
monde, se produisant, entre
autres, à Séville pour l’exposition
universelle de 1992 et au festival
Tempo Latino, en 2006, à VicFezensac (Gers), rendez-vous estival des amoureux de la salsa.
Après un premier passage, en 1977,
avecl’orchestreTipica73, CheoFeliciano s’est produit à plusieurs
reprises à Paris. La dernière fois,
c’était le 24 février 2001, pour un
hommage à Tito Puente, avec
Eddie Palmieri.
Il devaitchanter le 18 avril à Acapulco, au Mexique, dans le groupe
Salsa Giants, avec d’autres géants
de la salsa, Oscar D’León, Ismael
Miranda et José Alberto « El Canario ». p
Patrick Labesse
AU CARNET DU «MONDE»
Hors-série
Anniversaire de naissance
André,
il y a dix ans Le Monde s’ouvrait déjà
à toi, que cela se poursuive pour tes
cinquante ans.
Très bon anniversaire !
Chaussette.
Décès
7 matières pour
réussir votre bac
Collections
---------------------------------------------------------
Robert ANTOINE,
décorateur,
nous a quittés le 4 avril 2014,
à l’âge de quatre-vingt-trois ans.
De la part de
Mme Maria-José Ballabio,
sa compagne,
M. Noël Antoine,
Mme Danielle Dutheil,
ses frère et sœur
Et toute la famille.
Les obsèques ont été célébrées au
crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e, le mercredi 9 avril
2014.
55, rue du Chef-de-Ville,
60398 Le Mesnil-en-Thelle.
Dès jeudi 17 avril,
le volume n° 2 CANNIBALES
de Philip Le Roy, illustré par Götting
0123
« Porteront rameaux ceux dont
l’endurance sait user la nuit noueuse
qui précède et suit l’éclair. »
René Char, Le Nu perdu.
Madeleine,
son épouse,
Pauline,
sa fille,
Ses belles-sœurs,
Toute sa famille
Et ses nombreux amis,
ont l’immense tristesse d’annoncer que
Pierre ARIAS,
professeur en classes préparatoires,
Dès jeudi 17 avril,
le volume n° 13
LA ROME IMPÉRIALE
Nos services
-------------------------------------------------------------Lecteurs
K Abonnements
Tél. : 32-89 (0,34 � TTC/min)
www.lemonde.fr/abojournal
K Boutique du Monde
80, boulevard Auguste-Blanqui,
75013 Paris
M° Glacière ou Corvisart
Tél. : 01-57-28-29-85
www.lemonde.fr/boutique
K Le Carnet du Monde
Tél. : 01-57-28-28-28
Professionnels
K Service des ventes
Tél. : 0-805-05-01-47
Françoise CAMBON.
L’association « Votre école chez vous »
vient d’apprendre avec grande tristesse
le décès de sa fondatrice qui, avec son
époux Gilbert Cambon, avait créé cette
école pour enfants malades ou handicapés
dès 1953. Leur œuvre se poursuit et se
développe. Leur souvenir reste vivant.
L’Association adresse ses sincères
condoléances à la famille.
Danièle Lebrun,
François de Closets et Janick Jossin,
Lucie, Mathilde et Juliette,
ses filles,
Marcel Bluwal,
Emmanuelle Bluwal-Bournoville
et Pierre Bournoville,
Régis de Closets,
Sophie de Closets
et François Delabrière,
Catherine Bluwal
et sa fille, Sarah Blamont,
et François Decaux,
Laurent Bluwal et Laurence Ferali,
Sophie Courau-Roi, Vincent Roi
et leur famille,
Anne Mondet
et sa famille,
Philippine Pierre-Brossolette-Meyer
et sa famille
Et tous ceux qui l’ont aimé,
Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).
Les familles de Michel Lefranc
et de Jenny Piquet,
ont la tristesse de faire part du décès de
Robert LEFRANC,
survenu le 15 avril 2014,
à l’âge de quatre-vingt-douze ans.
L’incinération aura lieu le mercredi
23 avril, au crématorium du MontValérien, rue du Calvaire, à Nanterre.
Eliane Malicet, née Handrich,
sa femme,
Pierre, Marianne, Jean,
ses enfants,
Cédric, Claire, Hugo, Claudie,
ses petits-enfants,
Et toute la famille,
ont la douleur de faire part du décès de
M. Michel MALICET,
professeur émérite
à l’université de Franche-Comté,
survenu le 15 avril 2014,
à l’âge de quatre-vingt-huit ans.
Sa famille
Et tous ses amis,
ont la douleur de faire part de la disparition
de
font part avec tristesse de la mort de
Serge de CLOSETS,
chevalier dans l’ordre national du Mérite,
agronome à l’IRAT puis au CIRAD,
survenue dans sa cinquantième année.
Les obsèques ont eu lieu à Bez-etEsparon (Gard).
Dépôt de condoléances sur
www.pf-atger.fr
Cet avis tient lieu de faire-part.
Babette Jaworski,
son épouse,
Sarah,
sa fille,
Philippe Jaworski,
son frère,
Catherine et Jean-Louis Meurant,
sa sœur et son beau-frère,
Corentin et Elsa,
ses neveu et nièce,
Fanny et Marc Darmon
et leurs enfants,
ses cousins et petits-cousins,
Ses amis,
ont la grande tristesse de faire part
du décès de
Michel JAWORSKI,
professeur
à l’École de traduction et d’interprétation
de Genève,
survenu le 4 avril 2014, à Genève.
La cérémonie religieuse a eu lieu dans
la plus stricte intimité.
Cet avis tient lieu de faire-part.
4, route de Malagnou,
1208 Genève.
(Suisse).
Mâcon. Fontaines.
Sarrebruck (Allemagne).
M. Pierre Joureau,
son époux,
M. et Mme Frédéric Joureau,
ses enfants,
Edouard et Jules,
ses petits-fils,
ont la douleur de faire part du décès de
Mme Janine JOUREAU,
née PROVEUX,
professeur agrégé
de lettres classiques.
nous a quittés, le mercredi 16 avril 2014
après-midi.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mardi 22 avril 2014, à 14 h 30, en
l’église de Fontaines (Saône-et-Loire).
Nous lui rendrons un dernier
hommage le mardi 22 avril, à 11 h 15, au
crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e.
Cet avis tient lieu de faire-part et de
remerciements.
Pierre SILVESTRE,
survenue à l’approche de ses quatre-vingt
douze ans, le samedi 12 avril 2014, selon
sa décision.
A Buenos Aires, le 15 avril 2014,
Eliseo VERON,
sémioticien, linguiste, sociologue
à l’EHESS, au CELSA, à Paris VIII,
nous a brutalement quittés.
Ses collègues et amis de toujours,
Carmen Bernand,
Patrick Charaudeau,
Jorge Dana,
Lucrecia Escudero Chauvel,
Paolo Fabbri,
Pablo et Sophie Fisher,
Jean Mouchon,
Jean-Loup Rivière,
Silvia Sigal.
Remerciements
Très touchée par les témoignages
de sympathie et d’affection reçus lors
des obsèques de
Odile CHAIX,
née SCHORTER,
ancien professeur de biologie
au lycée français de La Marsa (Tunisie)
et au collège Rabelais de Poitiers,
sa famille remercie toutes les personnes
qui ont pris part à son deuil, par leur
présence, leurs messages ou leurs envois
de fleurs.
1, impasse Mado Robin,
37290 Yzeures-sur-Creuse.
Profondément touchée par les
témoignages de sympathie et d’affection
reçus lors de son grand deuil, la famille de
M. Jacques FOURNIER
remercie sincèrement toutes les personnes
qui ont pris part à sa douloureuse épreuve,
par leur présence, leurs messages ou leurs
envois de fleurs.
Elle les prie de trouver ici l’expression
de sa profonde reconnaissance.
Anniversaire de décès
Brigitte RÉGIS,
décédée le 22 avril 2013,
est quotidiennement présente dans
le cœur et les pensées de sa famille.
Merci à celles et ceux qui l’ont aimée,
au cours de sa vie.
Line,
son épouse,
Alya,
sa fille,
Ses petits-enfants,
Sa proche famille
Et ses amis,
Joanna,
sa fille chérie,
Marie-José et Jean-Claude Kardos,
Sabine et Michel Antao,
Thierry et Valérie Kardos,
Lilian, Alicia, Noah
Et toute la famille,
ont la tristesse de faire part du décès,
le 18 avril 2014, à Paris, de
ont l’immense peine de faire part du décès
accidentel de
Vingt-cinq ans de transformations
démocratiques en Pologne.
Jérôme KARDOS,
Magdalena Sroda - Christine Ockrent,
le mercredi 23 avril 2014, à 18 heures,
amphithéâtre 122.
Habib BOULARES,
ancien ministre,
journaliste, écrivain.
Les obsèques auront lieu au cimetière
de La Marsa, le mercredi 23 avril.
24, rue Habib Thameur,
La Marsa,
Tunisie.
10, rue du Docteur Roux,
75015 Paris.
survenu le lundi 14 avril 2014,
dans sa quarante-deuxième année.
La cérémonie religieuse aura lieu
le jeudi 24 avril, à 10 h 30, en l’église
Saint-Joseph des Epinettes et sera suivie
de l’inhumation, à 14 heures, au cimetière
des Batignolles.
Qu’aujourd’hui soit marqué d’un beau
souvenir de Brigitte.
Débats
Michal Boni - François Bafoil,
le mardi 29 avril, à 18 heures,
amphithéâtre 122.
Centre universitaire Malesherbes,
108, boulevard Malesherbes, Paris 17e.
14
météo & jeux
< -5°
0 à 5°
-5 à 0°
5 à 10°
Cherbourg
Lille
40 km/h
7 14
6 17
Rennes
9 18
6 18
Limoges
7 18
8 16
Chamonix
Lyon
0
9
10120
A
10 19
Montpellier
Nice
Marseille
12 18
11 17
12 18
12 19
Des conditions souvent instables
prédomineront sur le pays avec
généralement de belles éclaircies le matin,
puis quelques averses parfois orageuses
l'après-midi. Elles s'annoncent plus
marquées de Rhône-Alpes à la
Basse-Normandie en passant par le Massif
Central. Sur les régions méridionales, les
pluies du matin prendront ensuite un
caractère d'averses orageuses sous un ciel
très nuageux puis changeant.
Jours suivants
Jeudi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Nord-Est
Sud-Ouest
Sud-Est
Ajaccio
35 km/h
10 20
Lever 03h00
Coucher 12h59
Lever 06h45
Coucher 20h52
Aujourd’hui
Mercredi
8 19
7 13
10 19
8 15
9 22
7 20
8 21
9 21
7 22
11 20
Vendredi Samedi
4
16
8
18
8
18
10
19
11
18
11
18
10
19
8
20
8
16
9
19
10
18
10
18
13
24
11
19
11
20
3
4
5
Thalweg
Athènes
Tunis
Tunis
A
Tripoli
Tripoli
D
Le Caire
Beyrouth
Jérusalem
averseséparses
10
assezensoleillé
16
soleil,oragepossible 14
averseséparses
12
soleil,oragepossible 9
belleséclaircies
6
variable,orageux 10
pluiesorageuses 12
soleil,oragepossible 12
bienensoleillé
8
assezensoleillé
9
faiblepluie
7
beautemps
6
bienensoleillé
14
bienensoleillé
10
cielcouvert
18
bienensoleillé
13
soleil,oragepossible 10
9
averseséparses
9
averseséparses
8
bienensoleillé
enpartieensoleillé 11
17
bienensoleillé
5
assezensoleillé
7
assezensoleillé
4
assezensoleillé
16
22
21
23
22
18
17
22
23
14
12
11
14
18
22
20
18
21
16
18
20
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25
16
22
11
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
assezensoleillé
enpartieensoleillé
bienensoleillé
beautemps
beautemps
assezensoleillé
bienensoleillé
bienensoleillé
beautemps
soleil,oragepossible
11
14
8
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7
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11
9
12
10
18
21
22
13
13
24
23
22
22
21
Alger
assezensoleillé
Amman
bienensoleillé
Bangkok
assezensoleillé
Beyrouth
assezensoleillé
Brasilia
soleil,oragepossible
Buenos Aires beautemps
Dakar
beautemps
Djakarta
soleil,oragepossible
Dubai
assezensoleillé
Hongkong enpartieensoleillé
Jérusalem bienensoleillé
Kinshasa
soleil,oragepossible
Le Caire
bienensoleillé
Mexico
pluiesorageuses
Montréal
fortepluie
Nairobi
averseséparses
12
12
28
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9
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27
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12
23
18
15
9
14
22
25
37
25
27
19
21
32
33
26
22
30
33
27
10
26
Dans le monde
New Delhi bienensoleillé
averseséparses
New York
beautemps
Pékin
bienensoleillé
Pretoria
beautemps
Rabat
Rio de Janeiro soleil,oragepossible
bienensoleillé
Séoul
Singapour soleil,oragepossible
assezensoleillé
Sydney
assezensoleillé
Téhéran
aversesmodérées
Tokyo
soleil,oragepossible
Tunis
Washington averseséparses
Wellington averseséparses
Outremer
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
soleil,oragepossible
assezensoleillé
assezensoleillé
soleil,oragepossible
averseséparses
soleil,oragepossible
24 38
8 16
15 28
11 22
14 22
22 29
8 21
27 34
14 25
19 25
14 18
15 22
9 20
14 16
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26
20
26
26
26
29
27
27
27
27
29
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au 0899 700 713
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Jean Jaurès
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Motscroisés n˚14-095
2
Front froid
Occlusion
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
Les jeux
1
Front chaud
En Europe
12 18
Istanbul
CANADA FORTES PLUIES SUR LE SUD DU QUÉBEC
Perpignan
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Dépression
Bucarest
Ankara
Séville
Alger
D
Odessa
Sofia
Rome
Rabat
Anticyclone 1020
Kiev
Budapest
Zagreb
Belgrade
Madrid
8 19
A
D
Munich Vienne
Barcelone
Barcelone
15Lisbonne
Lisbonne
10
Bordeaux
Alexandre
Coeff. de marée 47
1010
2 14
Moscou
Copenhague
Milan
Grenoble
Toulouse
Berne
1005
T
Clermont-Ferrand
Riga
Bruxelles
Paris
1000
7 19
St-Pétersbourg
Amsterdam Berlin
Varsovie
Prague
Londres
995
8 20
Dijon
p a r R ena ud Ma cha r t
Minsk
Dublin
Besançon
Poitiers
1015
Edimbourg
9 21
C’EST À VOIR | CHRONIQUE
> 40°
Helsinki
1020
7 17
11 16
1025
D
6
7
Sudoku n˚14-095
8
9
Solution du n˚14-094
TF 1
10 1 1 12
Série. Esprit de famille U. Témoin gênant.
Mourir d’aimer U (saison 1, 4 à 6/12, inédit).
23.45 New York unité spéciale.
Série. Malgré elle. Trop jeune pour toi (saison 8,
1 et 2/22). Avec Robert Vaughn (105 min) U.
FRANCE 2
III
20.47 Rizzoli & Isles :
IV
autopsie d’un meurtre.
Série. Harcèlement textuel (S3, 7/15, inédit) U ;
Tuer n’est pas jouer. Liens fraternels (S2, 5 et
12/15) U. Avec Angie Harmon, Sasha Alexander.
23.00 Après tout, si ça marche.
Pièce de Daniel Benoin. Mise en scène de Daniel
Benoin. Avec Michel Boujenah (110 min).
V
VI
VII
FRANCE 3
VIII
20.45 Tout peut changer.
Epargne, pouvoir d’achat : les bons réflexes.
22.40 Météo, Grand Soir 3.
23.50 La Case de l’oncle Doc.
Le Jardin en mouvement (50 min).
IX
Loto
X
Solution du n° 14 - 094
Horizontalement
I. Désappointés. II. Ecalure. Orne.
III. Foulée. Puits. IV. Infernales.
V. Nô. Gin. Aster. VI. Immolent.
Api. VII. Tiare. Uranie. VIII. Es.
Tian. IX. Utrecht. Arme.
X. Ressasserais.
Lundi 21avril
20.55 Taxi Brooklyn.
II
I. Pourrait donner beaucoup plus.
II. Ont dû trop consommer. Petit,
il peut prendre de l’importance.
III. Sorti des océans pour
tourbillonner un peu partout.
Conjonction. IV. Ouvre la gamme.
Odet de Foix, maréchal de France.
V. Fignolait le pièce. Cervidés aux
andouillets en palettes. VI. Le
mois d’Auguste. Souvent plaqués.
VII. A libéré les chaînes. Chef-lieu
en région. De juin à septembre.
VIII. Pas facile à résoudre. Propos
d’enfant. Dans l’erreur. IX. Cours
africain. Rogna sur les bords.
X. Passent sans trop de problèmes
du grand au petit écran.
A
vec « Chocolat, la poule aux
œufs d’or », de Sabine Paccini, France 5 n’aura pas,
dimanche 20 avril à 20 h 40, évité
aux téléspectateurs du week-end
pascal le documentaire sur les
vices et vertus du cacao.
Où l’on apprit ce qu’on savait
déjà: que deux célèbres chocolateries belges aux principes prétendument « traditionnels» proposent des bonbons industriels et
chimiques aux libellés abscons et
vaguement inquiétants. Ce qui
n’empêche pas le représentant de
ces deux marques d’affirmer que
« 280bras » produiraient à la main
les palets fourrés vendus par tombereaux à travers des centaines de
boutiques dans le monde.
Mais quand les journalistes
demandent à visiter ladite fabrique à taille humaine, on leur refuse l’accès aux lieux pour des raisons de sécurité: « Terrain glissant » affirme, en substance et
sans sourciller, le porte-parole de
l’enseigne.
Les caméras s’en vont enquêter
du côté d’une chocolaterie artisanale qui continue, depuis un siècle et quatre lustres, à maintenir
une production de qualité mais
vendue quatre fois plus cher que
son équivalent en grande surface.
Et pour cause : achat de cacao
auprès de petits producteurs
attentifs pratiquant une agriculture raisonnée, payés plus cher que
le taux du marché ; refus de la
mécanisation; emploi du beurre
de cacao et non de son ersatz, infiniment plus rentable, la lécithine
de soja. Et, bien entendu, l’affaire
marche profitablement, sans
empoisonner ses clients.
France5, 53 minutes plus tard,
enchaînait avec « Le Beurre et l’ar-
Les soirées télé
I
Horizontalement
Mardi 22 avril 2014
Tocsin pascal
Oslo
Stockholm
Metz
985
9 19
Strasbourg
990
1005
35 à 40°
1030
Châlonsen-champagne
6 19
Nantes
Biarritz
A
www.meteonews.fr
Orléans
7 17
30 km/h
30 à 35°
Reykjavik
10 19
5 17
35 km/h
25 à 30°
7 18
PARIS
Caen
7 15
20 à 25°
Amiens
Rouen
Brest
15 à 20°
22.04.2014 12h TU
9 18
40 km/h
10 à 15°
En Europe
Mardi 22 avril 2014
Instable et doux
0123
écrans
Verticalement
1. A tout faux et pourtant il peut
entraîner. 2. Très bien reçue.
3. Vieux ruminant. Découpa
sauvagement. 4. Préparât la
monture. Risque de tout bloquer.
5. Peut faire de gros volumes. Un
peu de calme. 6. Approchées au
plus près. 7. Chacun la sienne.
Lettres assommantes. Possessif.
8. Mît en bonne place. 9. Oreille
de mer. Espace de culture.
10. Doublé chez Nini. Atteint
des sommets. En guenilles.
11. Base de départ. Prendre les
bonnes mesures. 12. Accumuleras
dans un grand désordre.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Définiteur. 2. Economiste.
3. Sauf. Ma. Rs. 4. Allégories.
5. Puérile. Ca. 6. Prenne. Ths. 7. Oe.
Nuits. 8. Plâtra. 9. Noues. Anar.
10. Tristan. Râ. 11. Ent (net). Epi.
Mi. 12. Sestrières.
CANAL +
Résultats du tirage du samedi 19 avril .
20.55 Mafiosa.
Rapports :
22.35 Spécial investigation.
12, 21, 22, 40, 45 ; numéro chance : 8.
Série (S5, 3 et 4/8, inédit). Avec Linda Hardy U.
5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ;
5 bons numéros : 212 229,90 ¤ ;
4 bons numéros : 1 129,10 ¤ ;
3 bons numéros : 10,60 ¤ ;
2 bons numéros : 5,10 ¤.
Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.
Banque de France : le casse du siècle. Magazine.
23.30 L’Œil de Links. Magazine.
23.55 Le jour où je l’ai rencontrée p
Film Gavin Wiesen. Avec Freddie Highmore,
Emma Roberts, Rita Wilson (EU, 2011, 80 min).
FRANCE 5
Joker : 9 055 672.
20.39 Au bon beurre.
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00
Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;
par courrier électronique: [email protected]. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤
Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: [email protected]
Médiateur: [email protected]
Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier:
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Documentation: http ://archives.lemonde.fr
Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40
Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60
La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire
des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037
Imprimerie du « Monde »
12, rue Maurice-Gunsbourg,
94852 Ivry cedex
Président : Louis Dreyfus
Directrice générale :
Corinne Mrejen
PRINTED IN FRANCE
80, bd Auguste-Blanqui,
75707 PARIS CEDEX 13
Tél : 01-57-28-39-00
Fax : 01-57-28-39-26
Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
Téléfilm. Edouard Molinaro. Avec Roger Hanin,
Andréa Ferréol, Dora Doll. [1/2] (France, 1980).
22.13 Fiction. Invité : Laurent Joly.
22.18 C dans l’air. Magazine.
23.40 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE
20.55 Le ciel peut attendre p
Film Warren Beatty et Buck Henry. Avec Warren
Beatty, Julie Christie (Etats-Unis, 1978).
22.30 La Plus Belle Soirée
de ma vie pp
Film Ettore Scola. Avec Alberto Sordi, Michel
Simon, Charles Vanel (Italie - France, 1972).
0.15 La Lucarne - Père et fils (55 min).
M6
20.50 Top chef.
Episode 14 : la finale. Télé-réalité.
23.50 Le Chef à La Réunion.
Documentaire (2012, 80 min).
gent du beurre», un documentaire de Laure Delalex qui s’intéressait au flou de la législation pâtissière, laquelle permet de faire passer des produits industriels pour
des produits maison et de ne pas
signaler clairement que certains
gâteaux présentés par de petites
pâtisseries aux dimensions rassurantes sont en fait des articles
décongelés – avec les risques sanitaires que l’on devine en cas de
recongélation.
La loi recommande d’étiqueter
ces derniers par un logo représentant… un pingouin.
Ce à quoi se refusent beaucoup
d’artisans, au prétexte que la clientèle confondrait produit maison
congelé et produit industriel frais.
Car, ainsi qu’il fut utilement rap-
Il fut utilement
rappelé qu’il existe
du frais insipide et
du congelé savoureux
pelé (et montré par un test « à
l’aveugle»), il existe de bons produits industriels et de mauvaises
réalisations artisanales, du frais
insipide et du congelé savoureux.
L’essentiel est de s’y retrouver.
Ces deux documentaires m’ont
surpris par le fait que, chose rare,
les marques étaient non floutées
et nommément accusées. Je
connais une enseigne de produits
congelés, un pâtissier fameux
pour ses macarons faussement
artisanaux et quelques autres
marques ayant pignon sur rue
qui, s’ils les ont regardés, n’auront
pas vu d’un bon œil ces deux
documentaires accablants pour
leur prestige présumé… p
Mardi 22 avril
TF 1
20.55 Unforgettable.
Série. Une ennemie à sa hauteur. Une alliée
inattendue (S2, 3 et 12/13) ; Le Côté obscur
(saison 1, 5/22). Avec Poppy Montgomery.
23.25 La Brigade.
Episode 3/6 : le choix d’une vie V. Episode 2/6 :
la mort en face U. Magazine (145 min).
FRANCE 2
20.47 Un jour, un destin.
Anne Sinclair, le prix de la liberté. Magazine.
22.15 Infrarouge - Parents criminels:
l’omerta française. Documentaire (2014).
23.05 Infracourts. Documentaire.
23.10 Journal des sans-papiers. Documentaire.
0.20 Faites entrer l’accusé (85 min).
FRANCE 3
20.45 Dommages collatéraux.
Téléfilm. Michel Favart. Avec Victor Lanoux,
Catherine Aymerie (France, 2013, audiovision).
22.20 Météo, Grand Soir 3.
23.25 Les Carnets de Julie.
Le pays nantais, en Loire-Atlantique (55 min).
CANAL +
20.55 Mud : sur les rives
du Mississippi p
Film Jeff Nichols. Avec Matthew McConaughey,
Tye Sheridan, Jacob Lofland (EU, 2012) U.
23.00 The Grandmaster ppp
Film Wong Kar Wai. Avec Tony Leung Chiu Wai,
Zhang Ziyi (coproduction, 2013, 120 min) U.
FRANCE 5
20.35 Le Monde en face -
Berlusconi, le roi Silvio. Documentaire.
21.30 La Grèce, crise et châtiments. Documentaire.
22.20 Le Monde en face. Débat.
22.35 C dans l’air. Magazine.
23.50 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE
20.50 Le Sable, enquête sur une
disparition. Documentaire. Denis Delestrac.
22.10 Europe : quoi de neuf à l’Est ?
Magazine présenté par Andrea Fies.
23.55 Histoire - Aviatrices pendant
le IIIe Reich. Documentaire (55 min).
M6
20.50 Wall-E ppp
Film Andrew Stanton (Etats-Unis, 2008).
22.45 Le Grand Bêtisier de l’année.
0.35 A Gifted Man.
Série (S1, 14 à 16/16, inédit). Avec Patrick
Wilson, Margo Martindale (140 min).
décryptages
0123
Mardi 22 avril 2014
15
En dénonçant le «coup d’Etat fasciste» à Kiev et «l’insécurité des citoyens
russes» de Crimée, la Russie fabrique un discours en dehors de toute réalité
La rhétorique guerrière de Poutine
L
’invasionet l’occupationrusses
de la péninsule ukrainienne de
Crimée sont un désastre pour
la paix en Europe. Plus important encore est ce que le président Vladimir Poutine pense
êtreen trainde faire.Dans l’incessantepropagande des médias russes, les catégories
les plus ressassées sont le « coup d’Etat fasciste » en Ukraine et les « citoyens russes »
qui en seraient les victimes.
La justification pour occuper une partie de l’Ukraine et menacer d’envahir le
pays entier a été d’y sauver les Russes des
mains des fascistes.
Les autorités ukrainiennes actuelles
sont-elles arrivées au pouvoir à la faveur
d’un coup d’Etat fasciste ? Les manifestations contre le régime de Viktor Ianoukovitch ont rassemblé des millions de personnes, de toutes les couches de la société.
Le 20 février, les négociateurs de l’Union
européenne aboutissent à un accord par
lequel M. Ianoukovitch céderait le pouvoir au profit du Parlement. Mais au lieu
de respecter son engagement de signer le
projet de loi correspondant,l’ancien président ukrainien s’enfuit en Russie.
Le Parlement le déclare alors en abandon de responsabilités et suit les prescriptionsquis’appliquentenun tel cas. Il poursuit la réforme constitutionnelle qu’il a
entamée. Une élection présidentielle est
fixée au mois de mai, et un nouveau gouvernementest formé. Le premier ministre
intérimaire est un conservateur libéral,
l’un des deux vice-premiers ministres est
juif. Ce processus n’est pas un coup d’Etat
et n’a rien de fasciste. Réduire les pouvoirs
du président, convoquer une élection présidentielle et restaurer les principes de la
démocratie sont à l’opposé du fascisme.
Timothy Snyder
AFP
Historien américain, né en 1969, docteur de l’université
d’Oxford et professeur à Yale, il est l’auteur
du « Prince rouge. Les vies secrètes d’un archiduc
de Habsbourg » (Gallimard, 2013). Son livre « Terres
de sang. L’Europe entre Hitler et Staline » (2010) a été
traduit en français aux éditions Gallimard en 2012 et
a reçu le Prix du livre d’histoire de l’Europe en 2013.
russes et ont donc besoin de sa protection.
Ce même argument, la nécessité de protéger les Volksgenossen (« les compatriotes »), a été utilisé par Adolf Hitler en 1938
lorsqu’il a formulé les prétentions allemandes sur l’Autriche et les Sudètes de
Tchécoslovaquie. La substitution par Hitler de l’origine ethnique aux frontières
nationales a conduit au désastre de
Munich, à l’« apaisement» et à la seconde
guerre mondiale.
Même si la protection des Volksgenossen avait été légalement justifiée, il eût
encore fallu déterminer qui ces personnes
pouvaient bien être. Le fait que des Ukrainiensparlent le russe n’enfait pas des Rus-
ses. La question de la langue peut être une
source de confusion. Les citoyens ukrainiens sont généralement bilingues (ukrainien, russe). Environ 17 % de la population
ukrainienne se sentent russes. Mais cela
ne signifie pas qu’ils soient en butte à des
discriminations ou qu’ils s’identifient à
l’Etat russe. Même en Crimée, où les liens
affectifs avec l’Etat ukrainien sont les plus
ténus, seulement 1 % de la population
considère la Russie comme sa patrie.
Lors de récentes manifestations, les
Ukrainiens russophones et les membres
de la minorité ethnique russe d’Ukraine
orientale ont exprimé leur rejet de toute
allégation selon laquelle ils auraient
besoin d’une protection russe. Une pétition de russophones et de Russes résidant
en Ukraine a réclamé de M. Poutine qu’il
laisse les citoyens ukrainiens résoudre
eux-mêmes leurs problèmes. Elle a été
signée par 140 000 personnes. Chiffre
remarquable en soi puisque les signataires ne peuvent ignorer qu’ils se trouveraient en mauvaise grâce auprès des autorités russes dès lors que la Russie aurait
achevé son invasion. En fait, il est logique: à la différencedes citoyensde la Fédération de Russie, les Russes d’Ukraine
jouissent de droits politiques fondamentaux.
Pourquoi cette propagande est-elle si
importante aux yeux du régime de Poutine ? Pour un objectif : ouvrir la voie à la
guerre. Un appareil de propagande aussi
perfectionné que celui de la Russie dispose de moyens considérables pour répéter
un même message. Beaucoup de personnes en Occident diffusent la propagande
russe, tantôt pour de l’argent, tantôt par
ignorance – ou pour des raisons connues
d’elles seules.
Au cours de sa conférence de presse du
4 mars, M. Poutine a prétendu que l’Etat
Réduire les pouvoirs
du président,
convoquer une élection
présidentielle
et restaurer les principes
de la démocratie sont
à l’opposé du fascisme
Sur les dix-huit ministères créés par le
nouveau gouvernement, trois sont occupés par des membres du parti d’extrême
droite Svoboda. Dans une récente enquête
d’opinion, son chef a recueilli moins de
2 % d’opinions favorables, alors même
que le sondage était effectué après l’invasion russe de la Crimée, un événement qui
auraitpourtant dûfavoriser lesnationalistes. Quoi qu’il en soit, c’est à partir de ce
soupçon de vérité que M. Poutine a conçu
sa thèse du « coup d’Etat fasciste ».
Ladeuxième présomption,celle de l’oppression des citoyens russes d’Ukraine, ne
peut même pas bénéficier d’un tel prétexte. Au cours des derniers mois, un seul
citoyen russea été tué en Ukraine. Il se battait pour la révolution ukrainienne, et il a
été abattu par la balle d’un sniper.
Depuis que l’Ukraine n’autorise plus la
double nationalité, bien peu de citoyens
russes résident dans le pays. Une grande
partie d’entre eux sont les militaires de la
base de Sébastopol. Ils n’ont guère besoin
de protection. Une autre partie d’entre
eux est constituée par les unités masquées des forces spéciales russes qui occupent la Crimée. Une troisième partie sont
les Russes transportés par autobus en
Ukraine pour y organiser des manifestations prorusses et rouer de coups les étudiants ukrainiens dans les villes d’Ukraine
orientale. Enfin, il y a des anciens policiers
antiémeute ukrainiens qui ont pris part à
la répression des manifestations. Ayant
été récompensés de leurs actions par l’octroi d’un passeportrusse, ils ont la possibilité d’aller et venir en Russie et ne s’en privent pas. Ces quatre groupes peuvent-ils
être décrits comme une minorité persécutée réclamant assistance?
M. Poutine brouille les cartes en parlantde «compatriotes» russes,une catégorie dénuée de signification juridique. Ce
qu’il entend là, ce sont les gens que le gouvernement russe définit comme tels ou
qui, selon le Kremlin, s’autoproclament
ukrainien n’existait plus et qu’il ne pouvait donc être protégé par les traités ou le
droit. Cette disparition autoriserait toute
action militaire sans restriction juridique
aucune, dès lors que l’Ukraine serait devenue une zone de non-droit.
Lorsque le Parlement russe, par un vote
unanime à la façon soviétique bien appropriée, a autorisé M. Poutine à utiliser la force militaire en Ukraine, il a défini l’objectif
de guerre comme la restauration de la
« normalité sociale et politique». Rhétorique imparable : s’y glisse l’idée que ce qui
se passe dans le monde et que la réalité de
la politique et de la société ukrainiennes
ne sont pas normales. En outre, quelle
quantité de violences et combien de générations seraient nécessaires avant que la
société ukrainienne soit « normalisée »,
c’est-à-dire jusqu’à ce que l’idée réputée
artificielle et occidentale de la démocratie
en soit extirpée et que l’identité nationale
ukrainienne prétendument fictive soit
oubliée? Les coûts pour les Russes comme
pour les Ukrainiens seraient énormes,
presque inconcevables.
Tandis que M. Poutine restait affalé sur
sa chaise lors de sa conférence de presse, il
semblaitavoir peine à conciliertactique et
idéologie. D’une certaine façon, il s’était
montré excellent tacticien, bien plus agile
et impitoyable que la plupart de ses adversaires. Il avait réalisé son plan en Crimée
avec panache. Il avait brisé toutes les
règles dans un acte de violence qui aurait
dû ouvrir un espace pour le monde réel, le
monde qu’il désirait : intégrer à la Russie
des terres et des communautés russes.
On assiste à présent à des manifestations contre l’occupation russe dans tout
le pays, mêmedans le Sud et l’Est, où la plupart des gens regardent la télévision russe
et où l’économie est liée à la Russie. Les
Ukrainiens qui, encore récemment, se
dressaient les uns contre les autres à propos de leur révolution protestent désormais ensemble sous le même drapeau.
Il n’y a pas de politique
réelle, ni de stratégie,
juste les oscillations
d’un tyran talentueux
et torturé entre
des mondes mentaux
que ne relie qu’un tissu
de mensonges
Les «nazis juifs», thème de propagande
DANS L’ANCIENNE Union soviétique, la
propagande n’était pas une version modifiée de la réalité, mais un jalon essentiel
dans la tentative de créer une réalité différente. En comparant la propagande actuelle de la Russie à celle de l’URSS, nous comprenons mieux pourquoi ses instigateurs
se montrent si peu troublés par ce qui
pourrait apparaître comme des erreurs
factuelles ou des contradictions.
Prenons le thème des « nazis juifs», l’argument est que des nazis ont opéré un
coup d’Etat à Kiev, tandis que la réalité est
que certaines des personnes au pouvoir
sont des juifs. Il nous faut chasser tout
scepticisme si nous voulons admettre que
les juifs sont des nazis.
Dans l’idéologie communiste, l’identification des juifs avec les nazis est commo-
de pour ceux qui détiennent le pouvoir, et
c’est pourquoi les « nazis juifs » sont devenus une réalité de propagande.
Avant la mort de Staline en 1953, Israël
est apparu comme partie prenante d’un
complot fomenté par des fascistes dans
l’Occident capitaliste. Après la guerre des
Six-Jours en 1967, les Soviétiques présentèrent les Israéliens comme des imitateurs
de la Wehrmacht et des SS. Cette propagande précéda l’expulsion de juifs de la
Pologne communiste. Le fait que des juifs
quittent la Pologne pour Israël ou les EtatsUnis était la preuve qu’ils étaient des fascistes. Ces régimes trouvaient utile pour
leur avenir de cibler les juifs, et les juifs
étaient faits pour devenir nazis.
En considérant la propagande poutinienne en termes soviétiques, l’invasion
de la Crimée n’est pas une réaction à une
menace effective, mais une tentative d’activation d’une menace telle que la violence pût en sortir. La propagande fait partie
de l’action qu’elle est censée justifier. Ainsi, une invasion par la Russie conduirait à
une réaction nationaliste ukrainienne qui
rendrait pour ainsi dire l’histoire russe
sur les fascistes rétrospectivement vraie.
Si Kiev ne parvient pas à organiser des
élections, le pays s’éloignerait de la démocratie. Dès lors, comment organiser les
élections fixées en mai dans des régions
occupées par une puissance étrangère?
Grâce à l’action militaire, la propagande
prend corps. Même l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe est
incapable de remplir une mission d’observation. p
En eux-mêmes, les uniformes banalisés des forces spéciales russes en Crimée
en disent long sur cette histoire. Ils étaient
censés figurer le geste rapide qui changerait le monde. Pourtant, chaque jour qui
passe, ces masques de ski et ces uniformes
sanssignes distinctifs ressemblent davantage à des symboles de honte, d’hésitation, d’abandon de responsabilité– en fait,
de déni de la réalité. Sous le soleil de Crimée, les opérations noires virent au gris. Il
est possible que Vladimir Poutine ait
apprécié d’exécuter une opération dans
laquelle ses troupes pouvaient prétendre
n’être de nulle part. Mais il est enfantin de
sa part d’avoir nié ce que tout le monde
savait : les troupes étaient russes. C’est
comme s’il avait voulu que la partie tactique dure le plus longtemps possible, afin
de rêver encore un peu.
Le coût de l’opération russe est bien
réel pour l’Europe et l’Ukraine, comme
pour la Russie elle-même. La propagande
russe a fourni une justification des tactiques russes et défini un rêve russe pour
l’Ukraine. Mais, à terme, la propagande est
tout ce qui unit les tactiques et le rêve, et
l’unité se révèle un vœu pieux. Il n’y a pas
de politique réelle ni de stratégie, juste les
oscillationsd’un tyrantalentueuxet torturé entre des mondes mentaux que ne relie
qu’un tissu de mensonges. M. Poutine est
faceà un choix: utiliser encore plus de violence dans l’espoir qu’une nouvelle déferlantefinisse partransformerle rêve enréalité ou chercher une porte de sortie qui lui
permette de revendiquer une victoire. Ce
serait sage, mais abaissant. Il semble ressentir tout le poids de ce choix. p
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par
Olivier Salvatori
16
0123
analyses
Mardi 22 avril 2014
Quand les artistes se promènent dans les bois
ANALYSE
par Aureliano Tonet
Service culture
C
’étaientdesforêtsetdesforêts:àperte de vue, sur les collines et les montagnes, s’étendait ce superbe et sauvagemanteauvert », s’écrie,devant
lessplendeurssylvestresde l’Empire ottoman, le narrateur des Désenchantées, de Pierre Loti (1906). Un siècle plus
tard,les scrutateurslesplus attentifsde l’actualité culturelle poussent des soupirs semblables:
pas une semaine sans qu’une œuvre, un spectacle ou une exposition ne se promène dans les
bois. Ce, quand bien même l’urbanisation continue de grimper, et les arbres de tomber.
Musardez dans les bacs des disquaires : les
frondaisons pop y foisonnent, de l’élégante
Forêt, le tube de Lescop, à The Way to the Forest,
des talentueux Frànçois & the Atlas Moutains.
Les écrans de cinéma ou de télévisionsacrifient,
de même, aux charmes de la sylviculture. Dans
Prince of Texas, de David Gordon Green, comme
dans Arrête ou je continue, de Sophie Fillières,
les héros errent parmi les taillis, tandis qu’Arnaud Desplechin vient de tourner une adaptation de La Forêt, la pièce écrite en 1871 par
Alexandre Ostrovski.
Sur les planches de théâtre, du bois, encore et
toujours. Avec Re : Walden, monté à Avignon
l’été 2013, Jean-FrançoisPeyret offre une lecture
numérique du livre d’Henry David Thoreau,
quand Stéphane Braunschweig hérisse de
sapinssamise enscène duCanard sauvage,d’Ibsen. Récemment jouée au Châtelet et bientôt
adaptée par Disney au cinéma, Into the Woods,
la comédiemusicalede StephenSondheim,réunit dans un même bois les personnages de plusieurs contes populaires, dont Cendrillon, le
Petit Chaperon rouge et Raiponce.
Les cimaises des musées prennent, elles aussi, des airs de futaies. L’Ecossais Peter Doig, dont
les tableaux de jungles et de clairières sont
actuellement exposés à Montréal, fait partie
des peintres vivants les plus chers sur le marché. Moins prisés, les tenants de l’Arte Povera et
du Land Art gagnent peu à peu, cependant, la
reconnaissance des institutions. Ils ont ainsi
savouré comme une consécration la résidence
de Giuseppe Penone, en 2013, dans les jardins
du château de Versailles, qu’il a jonchés d’arbres, à sa belle et panthéiste façon.
Pareillement, leurs comparses architectes
voient de plus en plus vert. Le chantier des Halles, à Paris, laisse enfin deviner la « canopée »
imaginée par David Mangin pour recouvrir le
centre commercial. A Bordeaux, le Japonais
Junya Ishigami exposait il y a peu les maquettes d’étonnantes tours arborescentes, rompant
les frontières antiques entre la ville et la forêt.
Les librairies ne sont pas épargnées. La
Découverte vient de traduire La Guerre des
forêts (164 p., 15 euros), de l’historien britannique Edward P. Thompson, qui étudie le conflit
opposant, dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, les
propriétairesdes forêts à leursusagers– braconniers et autres Robin des bois.
Dans son court essai Le Recours aux forêts
(Galilée, 2009), Michel Onfray nous enjoint à
planter des chênes et inscrire nos destins dans
« la nécessité de la nature ». Plus touffu, et
mieux foutu, La Douceur de l’ombre (Fayard,
2013), d’AlainCorbin, célèbre les peintreset écrivains qui ont su, selon le mot de Péguy, « voir
l’arbre», et recueillir sa parole.
Etat primitif ou civilisation ?
Le vert, le vert, toujours recommencé, donc.
Mais que nous disent, au juste, ces foliations ?
Pour les artistes, la forêt pourrait n’être qu’un
prétexte, offrant une feuille blanche, une toile
vierge, un poumon bienvenu en cas de crise
d’inspiration, loin des tracas citadins. Ce serait
cependant ne pas distinguer les enjeux ambigus qu’elle soulève.
Car les bois figurent, pour nombre de créateurs, le retour à un état primitif et magique de
l’humanité : voyez Emmanuelle Devos, dans
Arrête ou je continue, s’endormir au milieu des
fourrés et retomber en enfance, s’effrayant et
s’émerveillant de l’apparition d’un cerf, tandis
que son smartphone agonise et la coupe à feu
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Que ressentez-vous aujourd’hui
avec la libération des quatre
otages journalistes en Syrie ?
je vais résumer ça en disant : la
France n’abandonne jamais les
siens.
Comment sont-ils sortis de Syrie?
Au début de tout cela, les choses
ont été très indécises parce que
c’est toujoursun trafic. N’oublions
jamais, les preneurs d’otages, c’est
un mot qui a l’air d’être une abstraction, mais ce sont des terroristes. Et quand vous interrogez nos
ex-otages, ils ont été traités extrêmement durement.
Pas ligotés, pas les yeux bandés ?
Non, c’est pour le film. Ils ont
été lâchés et sont ensuite arrivés
en Turquie. Les Turcs évidemment ne savaient pas qui c’était.
Les dizaines de fouilles effectuées chaque année en France
peuvent-elles aider à la compréhension d’un conflit vieux de
cent ans ? Les objets et les reconstitutions décrivent en tout cas le
vécu au quotidien de millions de soldats
GE
Entretien. PA
Laurent Fabius:
«La France n’abandonne
jamais les siens»
La grande règle dans ces affaires,
c’est d’être extrêmement discret et
secret. Et encore plus aujourd’hui,
puisqu’en Syrie, il reste dans les
caches où étaient nos quatre
ex-otages,d’autresotages,qui sont
d’ailleurs des journalistes. Une
vingtaine. Pas de Français, mais de
toutes nationalités. Sur la sortie
elle-même, en général, ce qu’on
raconte est faux. Ils ont été lâchés
près de la frontière turque, pas du
tout avec cet aspect romantique.
L’archéologie de
la Grande Guerre
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C’est une immense joie parce
qu’ils sont partis, ils ont été enlevés il y a maintenant dix mois. On
n’est jamais sûr de récupérer les
otages. C’est un travail très long,
très discret, très dangereux. C’est
simplement à la fin des fins qu’on
se dit : « Ils sont rentrés. »
Votre suppLément
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doux du reste du monde. C’est la forêt des
contes, pleine « de bêtes et de surprises », comme le dit Julien Gracq. Sous son ombrage, nous
sommes à l’abri des ravages de la modernité,
enfin seuls, libres et capables, ainsi que l’écrit
Thoreau, de « sucer la moelle de la vie».
Pour d’autres, au contraire, la forêt symbolise la civilisation ; ses troncs vénérables en forment les piliers. Les abattre, c’est précipiter la
fin d’uneépoque,voire d’uneclasse sociale, suggèrent Ibsen ou Ostrovski.
La propriété des bois devient ici une question politique : à qui appartiennent-ils? A tous
ou à quelques-uns ? C’est le motif central du
livre de Thompson, pour qui la forêt apparaît
comme le lieu commun par excellence. Ecrite
en 1975, sa thèse n’a rien perdu de son acuité, à
l’heure de l’épuisement des ressources naturelles et du bourgeonnementdes réseaux sociaux,
qui bousculent les approches juridiques de la
propriété.
Les linguistes hésitent entre deux étymologies pour le mot forêt : « foris » (fors, en dehors)
ou « forum » (place publique). A la fois hors du
monde et en son cœur, la forêt appelle autant la
solitude que la vie en communauté, l’innocence enchantée que la responsabilité historique.
Comment s’étonner, dès lors, qu’elle inspire les
artistes, eux qui, de l’individuel et du collectif,
ne cessent d’arpenter les lisières ? p
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Ils ne savaient pas exactement
où ça allait être fait. Donc, il y a eu
un moment où les Turcs ont
demandé à vérifier leurs identités,
les ont gardés. Du coup, j’ai appelé
mon collègue le ministre des affaires étrangères, M.Davutoglu, je lui
ai dit : « Ahmet, il y a des
Français…»
Qui les a convoyés vers la frontière ? La DGSE était-elle active
sur le terrain syrien ?
Les services français ont été,
dans cette circonstance, tout à fait
remarquables,et je veux lesremercier. Ils ont agi avec beaucoup d’efficacité, beaucoup de discrétion.
Nous avons fait le point chaque
mardi avec François Hollande sur
cette affaire, de la même façon que
le ministre de la défense et moimême avons fait notre travail
dans nos ministères. C’est vraiment une continuité. Et j’ai été
très touché quand Serge July
[ancien directeur de Libération] et
DidierFrançois[journalisted’Europe 1 libéré de Syrie] ont dit, avec
leurs mots, que vraiment la France
avait fait ce qu’elle devait faire. Et
Comment avez-vous été certain
que vous discutiez avec
les vrais groupes
qui détenaient les otages ?
Didier François a indiqué
que certains de ses geôliers
parlaient français…
Malheureusement, oui.
Ça veut dire : ils étaient
français ?
Malheureusement, il y a des
Français, des Belges, des Italiens
(…) qui sont partis, comme ils
disent, faire le djihad en Syrie.
Le président de la République
a dit : « L’Etat français ne paie
pas de rançon. »
Y a-t-il eu une rançon ?
L’Etatfrançaisnepaiepasde rançon, c’est une instruction que nous
adonnéeleprésidentde laRépublique, et que nous respectons. Pour
le reste, je n’ai pas de commentaire
à faire. Il y a évidemment des discussions, mais toujours dans les
cas de prises d’otages, sauf quand
les otages sont évacués, comme on
dit, par force. Mais là, il n’en était
pas question. p
Propos recueillis par
Jean-Jérôme Bertolus,
Jean-Pierre Elkabbach
et Arnaud Leparmentier
¶
Laurent Fabius
ministre des affaires
étrangères
¶
Le Grand Rendez-Vous
avec « Le Monde »
est diffusé
chaque dimanche
de 10 heures
à 11 heures
sur Europe 1
et i-télé
0123
enquête
Mardi 22 avril 2014
17
Lebac,option
Dans certains lycées
se propage
la croyance en
une élite secrète
qui dominerait
le monde : les
Illuminati. Les
professeurs sont
souvent désarmés
face à cette «mode»
conspirationniste
qui fait irruption
dans leurs cours
complot
ques, les clubs d’hommes politiques, les
sociétéspseudo-secrètes,les financesapatrides, les banquiers, etc. Et ce mot latin a un
parfum savant, secret. »
Voilà peut-être le plus inquiétant : le
mot« Illuminati» est souvent suivi de propos antisémites et négationnistes. Les professeurs racontent qu’au nom de la liberté
d’expression des élèves soutiennent que
lesjuifsseserventde la Shoahpoursevictimiser alors qu’on ne parlerait pas assez de
l’esclavagequia causé la mort decentaines
de milliers d’Africains. Ou encore que le
11-Septembre a été orchestré par le complot juif et donc Illuminati. « Plus que les
Illuminati eux-mêmes, ce sont ces amalgamesquim’interpellent,faitvaloirJean-BaptisteVeber,professeurà Antony(Hauts-deSeine). Lesélèvesnesontpas totalementcrédules.Ilsattendentdes réponses.Çafaitpartie de notre mission de leur en donner.»
Q
Elisa Mignot
I
ls arrivent au compte-gouttes à la
réunion du Club Journal. Dans ce
lycée de l’est du « 9-3 », les élèves
sont une quinzaine, surtout des
filles, à suivre cet atelier. Quand on
leur demandes’ils ont entendu parler des Illuminati, ils répondent en chœur:
«Bahoui! »Et enchaînent:« Moi,j’aientendu que c’était une sorte de secte composée
en majorité de personnalités qui ont signé
un pacte avec le diable. Ils sont censés nous
manipuler. » Un lycéen ajoute : « Oui, ils
veulent diriger le monde.»
Où en ont-ils entendu parler ? « Internet ! » Y croient-ils? « Moi non », « Moi non
plus. Mais elle, elle est à fond. » « Oui, j’y
crois vraiment, admet une élève de terminale. J’ai vu des vidéos sur YouTube. Il y a
des signes sur les dollars américains, sur les
emballagesdeKit-Kat,etpuisilya lesattentats du 11-Septembre. » Un garçon glisse :
«Et aussi,on en parle dansdesfilms comme
Paranormal Activity 4. » « Ils nous manipulent à travers les chansons, les films, avec
des messages subliminaux », estime une
autre élève. « Moi, j’ai arrêté de regarder
des clips où y a les symboles des Illuminati
comme l’œil, le triangle… » Et qui ferait partie des Illuminati ? « Obama » ; « Sarkozy
aussi », « Et Jay Z, Rihanna, Beyoncé, Lady
Gaga, Kanye West… », « Le Pen aussi».
«Rihanna et Le Pen !, s’exclame leur professeur, Stéphanie P. Je veux être là quand
ils se rencontrent! »
La cloche sonne pour la deuxième fois.
Les lycéens restent encore un moment
autour de la table ronde, plutôt intrigués
qu’on évoque officiellement le sujet. D’habitude, leur professeur d’histoire-géographie tente à ce propos de limiter les discussions. Depuis quelque temps, ses cours
sont régulièrement interrompus par un :
« Mais madame, c’est la faute des Illuminati! » Qu’il s’agisse des attentatsdu 11 septembre2001ou dumanqued’infrastructures en Mauritanie, de l’esclavage ou de la
pauvreté dans le monde, le mot est brandi,
commeune explicationsuprême. « LesélèvescraignentcesIlluminati,maissont incapables d’expliquer qui ils sont exactement
et pour quelles raisons ils existent», remarque StéphanieP.
A l’origine, les Illuminati ou « Illuminés
deBavière» sontunesociétéde penséenée
en1776 enAllemagne.Ilsse réclament dela
philosophie des Lumières et prônent un
gouvernement mondial dirigé par des élites intellectuelles aux idées humanistes.
La société a été bannie en 1784, mais son
fantasme a perduré dans une littérature
assez confidentielle. Les Illuminati se sont
immiscés dans le XXIe siècle grâce à des
livres de science-fiction tels que les best-
SERGIO AQUINDO
sellers de Dan Brown, des jeux de société,
des jeux vidéo et pléthore de blogs. Ils ont
trouvé,chezunefrangede lajeunessefrançaise, un terreau propice à leur développement. Impossible de quantifier le phénomène, aucune étude n’a, à ce jour, été réalisée. Mais nombreux sont les professeurs à
ne plus s’étonner quand on demande si
leurs élèves invoquent ces illuminés.
LaMissioninterministériellede vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
(Miviludes) se dit d’ailleurs « attentive et
préoccupée». Elle a été interpellée par des
parents inquiets, mais ne peut lancer d’enquête : il n’y a ni gourou, ni pratique, ni
lieu. Cette passion virale pour les Illuminati se développe sur et avec Internet.
«Nous n’avons rien de concret, mais on sait
que quelque chose monte », témoigne-t-on
à la Miviludes.
« Mes élèves m’ont plusieurs fois traitée
d’Illuminati ! La dernière fois, parce que
j’avais un collier avec un triangle,censé être
un symbole illuminati. C’est grotesque »,
raconte Bénédicte G., professeur de français et d’histoire-géographiedans un lycée
professionnel de Nanterre. Pour autant,
elle refuse de nier les idées fixes de ces adolescents. « Ils ont l’impression d’être pris au
piège d’un savoir qu’une élite voudrait leur
imposer et, en tant qu’enseignant et détenteur d’une autorité, on est représentant de
cette “élite”, dit-elle. Ils se nourrissent le soir
de ce contre-savoir et la classe devient une
tribune.»
Tout comme la mode du satanisme ou
du spiritisme dans les années 1990 et
2000, cet « illuminatisme» répond à une
volontéde chercherdesexplicationsésoté-
«Ces discours sont
très influencés par la
mouvance de Dieudonné
et d’Alain Soral»
Stéphane François
politologue
riques à un âge où il est naturel de questionner le monde dans lequel on grandit.
Comme il est courant d’être dans la provocation avec les adultes et leurs certitudes.
« Mais c’est leur conviction qui m’effraie,
poursuit Bénédicte G. Ils y croient, car ils
veulent y croire : croire que les médias, que
les politiques, que leurs professeurs mentent les déresponsabilise. Ils se fichent de
leur avenir, car tout le monde leur ment.
Autant aller chercher leur propre vérité ! »
Comme elle, d’autres enseignants
remarquent que le public le plus poreux à
cesthèsescomplotistesest souventconstitué de jeunes issus de milieux défavorisés.
C’est dans les ZEP et les lycées professionnels que les professeurs paraissent les plus
concernés. Bénédicte G. y voit également
pour des jeunes issus de l’immigration,
nombreux dans ses classes, une manière
d’affirmer une identité malmenée, au présent comme au passé. «Avec les Illuminati,
chacun défend sa souffrance. Pour les uns,
ils sont responsables de l’esclavage,pour les
autres du conflit israélo-palestinien. C’est
comme une revanche sur cette société qui
leur paraît injuste.»
Auteur de La Foire aux illuminés (Mille
et une nuits, 2005), Pierre-André Taguieff
insiste sur le côté plastique et pratique de
cette théorie. « Le récit Illuminati donne
l’impression de connaître la cause de nos
malheurs: discriminations,pauvreté,racisme, note-t-il. Pour des jeunes qui se sentent
victimisés,cegrandrécit explicatifomnipotent est séduisant: ils tiennent leurs coupables. Les Illuminati englobent les capitalistes, les francs-maçons, les juifs, les monar-
uand il ne montre pas à ses lycéens
lesliens aveclalittératurede sciencefiction, Laurent Doucet, professeur
de français à Limoges, en profite pour tenter de contextualiser: «Pourquoi cette version du complot apparaît maintenant? En
quoicelanous arrangeraitqu’ilyaitdesIlluminati? » Mais les programmes sont chargés, il n’est pas toujours aisé de prendre ce
temps-là, et les professeurs n’ont pas
réponse à tout quand leurs élèves passent
du coq à l’âne, de la religion à l’histoire en
passant par les clips de Katy Perry ou de
Lady Gaga – qui jouent délibérément avec
des symboles prétendument illuminati.
Aucun professeur, dans sa formation, ne
se rappelle avoir été préparé à détricoter
ces raisonnements faits de bric et de broc.
Aucunne s’attendaità être en concurrence
avecdes blogs. Au ministèrede l’éducation
nationale, on fait savoir qu’il a été demandé aux établissements scolaires d’afficher
une « charte de la laïcité à l’école», en septembre2013.
« Ces jeunes se font leur culture historique sur le Web et tombentsur des vidéos qui
leur expliquent le monde en vingt minutes
avec des méchants et des gentils, observe
Rudy Reichstadt, directeur du site Conspiracy Watch, un observatoire des théories
du complot. L’effet peut s’avérer très gratifiant pour des jeunes confrontés à l’échec
scolaire, ils acquièrent ainsi un discours
politique propre. » Pour le blogueur, il y a
unvrai travailà mener sur l’apprentissage,
de l’histoire notamment, ainsi que sur le
statut de l’information glanée sur la Toile.
«On a affaire à une génération très à l’aise
avec Internet, mais qui a parfois du mal à
distinguer les sources fiables des autres. Ils
ont, par exemple, tendance à prendre pour
argent comptant tout ce qu’ils lisent sur
Wikipédia, quel que soit le sujet ! », se désole-t-il.
Fréquemment cité sur Conspiracy
Watch, Stéphane François travaille sur les
droites radicales. Chercheur et professeur,
il a également observé, depuis deux ou
trois ans, l’arrivée des thèses illuminati
chezsesétudiantsenlicencequipréparent
des concours administratifs. Pour lui, le
phénomène, même s’il paraît être l’apanage d’une jeunesse dépolitisée, n’est pas
déconnecté d’une sphère politiquement
identifiée. « Ces discours sont très influencés par la mouvance de Dieudonné et
d’AlainSoral, remarquele politologue.Mes
élèves n’ont pas lu Soral, mais ils ont vu
Soral sur Internet! » Cet idéologue d’extrême droite, proche de l’humoriste condamné pour antisémitisme, professe qu’une
oligarchiefinanciaro-américano-israélienne, qu’il appelle « l’empire », domine le
monde. Les Illuminati en seraient-ils une
version simplifiée,plus abordable pour les
jeunes ? « Soral ne parle pas vraiment des
Illuminati, mais, comme d’autres entrepreneursen complot,il reprendles codesdecette contre-culture, observe Rudy Reichstadt.
Le conspirationnisme est aujourd’hui une
idéologie autant qu’un business.»
A quand le cahier, la trousse et les stylos
siglés « Sus aux Illuminati » ? p
18
0123
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Mardi 22 avril 2014
L’AIR DU MONDE | CHRONIQUE
pa r J e a n - M i c h e l B e z a t
La Russie et la malédiction du pétrole
O
LA PIRE
MENACE,
POUR
POUTINE, EST
UNE FORTE
BAISSE
DES COURS
DE L’OR NOIR
n se représente bien Vladimir Poutine,
dans son bureau du Kremlin, le visage
emprunt d’une satisfaction non dissimulée, faisant le point avec ses généraux et les
responsables du FSB (ex-KGB) sur la situation
militaire aux frontières de l’Ukraine. Mais
peut-on l’imaginer la mine assombrie à la lecture des prévisions de tout ce que la Russie
compte d’économistes sérieux sur une dégradation de l’économie qui s’amplifiera si les
Etats-Unis et l’Union européenne (UE) décident de nouvelles sanctions? Le président russe semble imperméable à cette inquiétude.
Il devrait pourtant s’en préoccuper davantage, comme son ministre de l’économie. Alexeï
Oulioukaïev souligne en effet la responsabilité de la crise ukrainienne dans un essoufflement de la croissance à l’œuvre depuis des
années, la poussée inflationniste, la fuite des
capitaux (60milliards de dollars, soit près de
43,5milliards d’euros, depuis janvier) et la chute du rouble. Le temps est révolu où la progression de la richesse nationale justifiait la place
de la Russie dans le club des BRICS, les cinq
puissances émergentes de la planète: de 8,5 %
en 2007, elle est tombée à 1,3 % en 2013 et sera
proche de zéro cette année.
Le pape furieux contre les
700m2 du cardinal Bertone
I
ls seront bientôt voisins de
part et d’autre de l’entrée sud
du Vatican. D’un côté, le pape
François qui réside dans un deuxpièces de 70m2 de la résidence
Sainte-Marthe, faisant fonction de
résidence hôtelière pour les hôtes
de passage; de l’autre, le cardinal
Tarcisio Bertone, ancien «premier
ministre» de Benoît XVI, qui s’installera bientôt, selon le quotidien
La Repubblica du 20avril, dans un
appartement dix fois plus grand
au palais Saint-Charles qui
accueille les dignitaires de l’Eglise.
La nouvelle de l’installation de
l’ancien homme de confiance du
prédécesseur de François devenu
camerlingue – un rôle crucial au
moment du décès ou de la démission d’un pape – n’est pas neuve.
Ce qui l’est davantage c’est la
« grosse colère » qu’aurait manifestée le souverain pontife lorsqu’il a appris que la future demeure de Mgr Bertone (il s’y installera
cet été lorsque les travaux seront
terminés) mesurait 700 m2.
Même en tenant compte du fait
qu’il doit héberger trois sœurs
mises à son service, ça fait de l’espace. Et surtout ça ne colle pas
avec le message « d’une Eglise des
pauvres au service des pauvres».
Si la thématique n’a pas été au
cœur du message pascal consacré
essentiellement à la recherche de
la paix en Syrie, en Irak, en Centrafrique, en Ukraine et au Venezuela
que François a adressé, dimanche
20avril, « à la ville et au monde»
(«urbi et orbi»), l’aide aux plus
démunis et la vertu de l’exemple
restent au cœur de l’action et de la
parole du pape. Lors du Jeudi
Saint, devant le clergé réuni à la
basilique Saint-Pierre, il avait
dénoncé les « prêtres onctueux,
somptueux et présomptueux» qui
au contraire devraient avoir la
« pauvreté» pour compagne.
Mgr Bertone s’est-il senti visé ?
Tout éloigne les deux hommes, le
style comme la doctrine. Italien,
ayant fait une grande partie de sa
carrière à la curie, le cardinal Tarcisio Bertone passe pour un
conservateur comme l’ont
démontré ses prises de position
associant homosexualité et pédophilie.
Dans le cadre des rivalités et
des intrigues révélées par le scandale VatiLeaks, ce salésien était
accusé d’erreurs de gestion, de
choix malencontreux, de favoritisme, sans toutefois que son honnêteté ne soit mise en cause. Son
remplacement au poste de secrétaire d’Etat, en août 2013, par le
cardinal Pietro Parolin a symbolisé la reprise en main de l’administration du Vatican par François.
« Joyeuses Pâques »
Malgré ces « résistances intérieures» qui soulignent la difficulté de la curie à se réformer et à
s’adapter, le nouveau vicaire de
Rome continue d’étonner par un
comportement qui tranche avec
celui de ces prédécesseurs.
Vendredi, alors que se déroulait le traditionnel chemin de
croix au Colisée de Rome, il a
dépêché son aumônier personnel, Mgr Konrad Krajewski, dans
les différentes gares de la capitale
italienne aux abords desquelles
de nombreux clochards élisent
domicile pour la nuit.
A tous ceux qu’il a rencontrés,
le prélat a remis une enveloppe
contenant 40 ou 50 euros. Une
centaine de dons auraient ainsi
été remis, chacun accompagné
d’un petit mot de « joyeuses
Pâques». Il parait que la caisse de
l’aumônerie a été vidée pour la
circonstance… p
Philippe Ridet
(Rome, correspondant)
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Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président
pTirage du Monde daté dimanche 20-lundi 21 avril 2014 :
373 007 exemplaires.
Premier producteur mondial d’hydrocarbures, la Russie doit, selon M. Oulioukaïev, investir davantage sa manne pétrolière dans les
infrastructures et diversifier son économie.
M.Poutine le répète aussi depuis 2000, mais
sans y croire ou s’en donner les moyens. Et ces
moyens, il en dispose: le pays exporte 5,5 millions de barils d’or noir par jour et 200 milliards de mètres cubes de gaz par an. Ce qui,
avec les minerais, représente plus de 70 % de
ses recettes d’exportation et une part importante de ses rentrées budgétaires.
La Russie est sournoisement rongée par cette malédiction du pétrole, censé lui assurer la
prospérité. Il lui faut un baril de Brent à 110 dollars pour financer ses dépenses militaires et
sociales. Depuis quelques années, le cours stagne à ce niveau certes élevé – tout comme la
production russe – alors que l’Etat est toujours
plus gourmand. La pire menace, pour M. Poutine, est une forte baisse des cours de l’or noir. Il
a préparé l’opinion en assurant aux Russes
qu’il financera ses promesses aux habitants de
la Crimée sans rogner son programme social.
Sa recette? Puiser dans le fonds de stabilisation pétrolier riche de 75 milliards de dollars.
Sauf à décréter un embargo – irréaliste – sur les
importations d’hydrocarbures russes, les Occidentaux peuvent difficilement retourner l’arme énergétique contre celui qui en a si bien
usé contre les Ukrainiens. Washington n’a pas
le pouvoir de faire baisser les prix. Tout juste
l’espoir que la forte hausse de la production
américaine, la montée en puissance de celle de
l’Irak et le retour attendu de l’Iran et de la Libye
sur le marché fassent reculer le prix du baril.
D’autres mesures de rétorsion dans les secteurs financiers et énergétiques circulent, qui
vont bien au-delà des sanctions contre une poignée d’oligarques proches du Kremlin. Pourquoi ne pas priver Moscou de technologies?
Ou empêcher Gazprom et Rosneft de vendre
leur production en dollars, en euros ou en
livres, obligeant le pays à puiser dans ses réserves de devises pour payer ses importations?
La division des Occidentaux
La Russie n’est pas l’Iran, littéralement
asphyxié financièrement. « Il n’existe pas
d’exemple de mesures punitives efficaces
contre une superpuissance nucléaire qui occupe la majeure partie de l’Eurasie, conserve une
influence dans le monde entier et possède un
gigantesque réservoir de ressources naturelles », écrivait récemment le politologue Fedor
Loukianov dans le quotidien Kommersant. La
Russie ressemble à ces grandes banques internationales « trop grosses pour faire faillite ».
M.Poutine a d’autres atouts. Le plus sûr est
la division des pays Occidentaux. Les Américains disposent de réserves de pétrole et de
gaz de schiste qui leur assurent une relative
sécurité énergétique, pas les Européens, rappelle un commissaire à Bruxelles. Leurs échan-
ges avec la Russie sont modestes (40milliards
de dollars) comparés aux flux UE-Russie
(460 milliards). Tout cela permet à Barak
Obama d’avoir le verbe plus haut et la main
plus lourde sur les sanctions.
En Europe, les lobbies anti-sanctions s’activent, du chimiste allemand BASF au pétrolier
italien ENI. Le gouvernement britannique s’inquiète pour BP, la major occidentale la plus
exposée avec 20 % du capital de Rosneft. Peuton raisonnablement inscrire le nom d’Igor Setchine, patron du géant pétrolier russe et proche de M. Poutine, sur la liste des personnalités non grata en Occident? ExxonMobil et ENI
sont aussi liés à son groupe sur des projets en
Arctique et en mer Noire. Shell est partenaire
de Gazprom, Total un actionnaire important
du gazier Novatek.
M.Poutine peut sortir le « grand jeu » énergétique. En mai, il sera en Chine où il en profitera peut-être pour mettre en scène un rééquilibrage (réel ou instrumentalisé) des échanges
avec l’Asie. Son vice-premier ministre, accompagné de dirigeants de Rosneft, Gazprom,
Rusal ou Soukhoï, a préparé le terrain à la
signature de grands accords. A la lumière de la
crise ukrainienne, l’un d’eux serait plus lourd
de sens : la vente de 38 milliards de m3 de gaz
par an sur trente ans à la Chine, négociée sans
succès depuis plusieurs années. « Le contrat
est pratiquement prêt», affirme le patron de
Gazprom, Alexeï Miller. Ce serait un joli coup
économique et politique. Mais aussi la confirmation que la Russie est plus que jamais
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