Le Monde du dimanche 14 septembre 2014

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Transcript Le Monde du dimanche 14 septembre 2014

« YES OR NO » : EN ÉCOSSE,
L’ULTIME MOBILISATION
Israël: l’armée en accusation pour
ses actions à Gaza et en Cisjordanie
INTERNATIONAL – LIRE P. 3
CULTURE – LIRE P. 11 DÉBATS – LIRE P. 17 ENQUÊTE – LIRE P. 19
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014 - 70e année - N˚21666 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Fondateur : Hubert Beuve-Méry
Consensus
gauche-droite
sur la loi
antidjihadistes
L’opération reconquête de Sarkozy
t Le projet, examiné lundi
et mardi à l’Assemblée,
renforce l’arsenal législatif
L
t Nicolas Sarkozy
se prépare à annoncer
sa candidature à la
présidence de l’UMP
t L’ex-chef de l’Etat
promet qu’il fera
l’inventaire de
son quinquennat
e texte est un peu musclé. Je conçois
que ce ne soit pas facile pour certains
députés socialistes. » Le député PS
Sébastien Pietrasanta, rapporteur du projet de loi antiterroriste, examiné en procédure d’urgence lundi 15 et mardi 16 septembre par l’Assemblée nationale, est
conscient que le texte fait grincer quelques dents dans les rangs de la majorité : il
renforce significativement un arsenal
antiterroriste déjà largement engagé sur
la voie de la judiciarisation préventive. Et
l’une de ses mesures-clés, le blocage administratif des sites Internet, a été vigoureusement combattue dans un passé récent
par les élus socialistes. Mais, face à l’intensification de la menace terroriste, le curseur a bougé dans le délicat arbitrage
entre défense des libertés individuelles et
devoir de réduction du risque : le projet de
loi présenté par le ministre de l’intérieur,
Bernard Cazeneuve, a été adopté à l’unanimité en commission des lois et devrait faire l’objet d’un très large consensus, tant
dans les rangs du PS que de l’UMP.
Nicolas Sarkozy,
à Paris, le 10 février 2014.
LIRE PAGE 6
Soren Seelow
LIONEL CHARRIER / MYOP POUR « LE MONDE »
a LIRE LA SUITE PAGE 8
AUJOURD’HUI
La télévision à la papa, c’est fini !
I
l terrorise les chaînes de télévision,
inquiète le monde du cinéma, mais
est attendu avec impatience par les
Français les plus « accros » aux
séries américaines. Netflix, fort de ses
35 millions d’abonnés aux Etats-Unis,
arrive lundi 15 septembre en France. Il
UK price £ 1,90
ÉDITORIAL
offrira sur abonnement un accès illimité
à son catalogue de films et de séries.
L’ouverture de Netflix France a vite pris
un tour politique, dans un pays où le
financement de la culture, et plus particulièrement du cinéma, est un sujet sensible et hautement régulé. Tout le secteur de l’audiovisuel s’émeut de l’arrivée
de ce nouveau qui menace de casser les
règles. Son siège sera aux Pays-Bas, premier signe qu’une discussion sur la participation du service au financement de la
création audiovisuelle française, sera
longue et complexe.
Netflix va-t-il réellement changer les
règles du jeu ? Il n’a pas toutes les cartes
en main pour réussir. Il n’est pas parvenu à un accord avec les fournisseurs d’accès pour être proposé sur les box des opérateurs. Son catalogue, qui contient peu
de séries très récentes, pourrait laisser
pas mal d’utilisateurs sur leur faim.
Enfin, le géant américain arrive dans un
pays, la France, où les offres de VoD
(vidéo à la demande) sont, certes, éclatées, mais très simples d’accès, grâce aux
box ADSL.
S’il est impossible de préjuger des
effets de l’arrivée de Netflix, on peut déjà
constater l’impact du streaming sur un
autre secteur culturel : la musique, où les
forfaits permettant l’écoute illimitée
d’un large catalogue sont désormais courants. En quelques années, les revenus
issus du streaming sont devenus une
part significative du chiffre d’affaires du
secteur.
En musique comme en cinéma ou en
séries télévisées, une évolution de fond
s’est produite : le consommateur prend
la main sur les programmes qu’il regarde. C’est ce changement de comportement qui tétanise les grandes chaînes,
habituées à imposer leur choix au
public. Les plus jeunes, notamment, se
moquent de savoir à quelle heure sont
diffusés « Secret Story » ou « Le Petit Journal ». Le replay (télévision de rattrapage)
et la vidéo à la demande comblent leurs
Faut-il s’abonner à Netflix?
attentes.
Bien avant Netflix, YouTube et Dailymotion ont permis l’émergence d’autres
modes de consommation de vidéos, et,
plus important, donné leur chance à des
artistes qui n’auraient jamais pu passer
les portes d’un studio de télévision. L’arrivée de Netflix en France est aussi une
piqûre de rappel pour les industries
culturelles : les offres légales qui ont
connu le succès sont toutes basées sur
quelques critères simples : innovation
technologique, accessibilité sur tous les
supports, prix bas, riche catalogue…
La solution contre le piratage viendra
de la créativité et de l’adaptation aux usages des internautes. Dommage qu’il ait
fallu attendre l’arrivée d’un mastodonte
américain pour s’en rendre compte. p
LIRE LE CAHIER ÉCO
Ukraine : le geste de l’Union
européenne vers la Russie
L’accord de libre-échange avec
l’Ukraine, qui doit être ratifié le
16 septembre, n’entrerait en vigueur
que fin 2015. INTERNATIONAL – PAGE 4
Vif rejet du PS dans
les quartiers sensibles
Les promesses non tenues
du candidat Hollande provoquent
la colère du monde associatif.
FRANCE – PAGE 10
L’engagement de la France
contre l’Etat islamique
A Bagdad puis au Kurdistan irakien,
François Hollande réaffirme l’appui
militaire de la France à la lutte contre
les djihadistes.
INTERNATIONAL – PAGE 2
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t «Le Monde Télévisions» compare les différentes offres d’abonnement
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Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA
2
international
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
M. Hollande affiche son soutien à l’Irak contre l’EI
A Bagdad, le chef de l’Etat a réaffirmé la disposition de la France à participer à des frappes contre l’Etat islamique
Bagdad et Erbil
Envoyé spécial
D
ès sa descente d’avion
après une courte nuit à
bord de l’Airbus présidentiel, François Hollande a pris le chemin de la « zone verte », vendredi
12 septembre à Bagdad. Un parcours ultrasécurisé, ponctué de
checkpoints, de blindés et de miradors, le long d’une route vidée de
toute circulation. Bagdad est en
état de siège depuis le début de l’offensive, en juin, de l’Etat islamique
(EI), qui a conduit le mouvement
djihadiste aux portes de la capitale
irakienne.
La première visite éclair du président français en Irak visait à affirmer l’engagement de la France
dans la lutte contre l’EI, alors
qu’une conférence internationale,
qui doit rassembler une trentaine
de pays, s’ouvre lundi à Paris. Et
permettre d’obtenir chercher une
couverture légale à de possibles
bombardements français en Irak.
A Bagdad, François Hollande
s’est d’abord rendu au palais présidentiel, surmonté de multiples
bulbes dorés, l’un des nombreux
bâtiments fastueux érigés par le
défunt dictateur Saddam Hussein.
Après un passage en revue des
troupes irakiennes, mises à rude
épreuve par les raids éclairs et la
François Hollande
a assuré qu’une
quatrième livraison
d’armes aux autorités
du Kurdistan irakien
était en cours
François Hollande en compagnie du premier ministre irakien, Haïdar Al-Abadi, le 12 septembre, à Bagdad. ALAIN JOCARD/AFP
violence scénarisée des djihadistes, François Hollande a entamé
des entretiens dont le déroulé a respecté les délicats équilibres communautaires du pays : le Kurde
Fouad Massoum, président de la
République, suivi du sunnite
Salim Al-Jabouri, président du Parlement, et du nouveau premier
ministre chiite, Haïdar Al-Abadi,
dont le gouvernement a été investi lundi 8 septembre.
Au terme d’une heure de discussion, le président irakien, d’une
voix posée et lente, a remercié la
France d’avoir « pris l’initiative » de
la conférence de Paris. M. Hollande
en a décrit l’objectif : d’abord,
apporter une caution « politique »
aux nouvelles autorités de Bagdad,
«carl’Iraka puformerun gouvernement où toutes lesfamilles sont présentes », même si les postes-clés de
la défense et de l’intérieur n’ont
toujours pas été attribués. Ensuite,
a poursuivi M. Hollande, cette réunion vise à « coordonner les aides,
lessoutiens et lesactions» pour préserver l’« unité de l’Irak » contre la
« menace barbare » de l’EI. L’enjeu,
a-t-il souligné en se tournant vers
M. Massoum, dépasse le cadre irakien, car « vous affrontez un groupe terroriste qui veut faire la
guerre, pas seulement à l’Irak, mais
à tous les peuples du monde qui ne
partagent pas cette vision fondée
sur la terreur ».
Le soutien de la France ne sera
pas seulement politique, il sera
aussi « militaire », a affirmé François Hollande, sans toutefois en
préciser les contours. C’est au siège
du gouvernement, aux couloirs de
marbre aussi larges que des boulevards, que le sujet a été abordé au
grand jour. Lors d’une conférence
de presse, le premier ministre irakien a pris les devants. « Ce qui
nous manque, ce sont des capacités
aériennes », a-t-il souligné, alors
que les Etats-Unis ont déjà mené
plusde 150 frappes contre des positions de l’EI depuis le 8 août. « Le
président français nous a promis
que la France allait participer à cet
effort », a dévoilé Haïdar Al-Abadi.
« Nous n’avons pas besoin de
troupes au sol, a-t-il poursuivi,
mais d’une couverture aérienne de
la communauté internationale. »
La réponse de François
Hollande fut millimétrée. « Je suis
venu ici pour dire la disponibilité
de la France pour aider encore
davantage militairement l’Irak
dans sa lutte contre le terrorisme »,
a relevé le président. « Nous ne
disons pas non à une participation
à des frappes, à condition d’être
certains de leur efficacité »,
décrypte l’entourage du chef de
l’Etat. Autrement dit : la France
veutdes garanties sur le renseignement avant de s’engager plus
avant. En sachant, cependant, que
le gros de l’opération militaire
repose sur les Etats-Unis, déjà en
première ligne.
Quant à savoir si cet engagement peut s’étendre à la Syrie,
comme ne l’a pas exclu le président Obama, François Hollande
n’a rien fait pour dissimuler une
pointe d’irritation. « Il y a un an,
j’avais alerté sur la gravité de la
situation en Syrie », a-t-il souligné,
mais « la communauté internationale a choisi de prendre un autre
chemin ». Une allusion à la volteface de M. Obama qui avait renoncé, à la fin de l’été 2013, à intervenir
militairement contre le régime de
Bachar Al-Assad à la suite d’une
attaque massive à l’arme chimique près de Damas le 21 août 2013.
Un refus qui a remis en selle le pouvoir syrien, redevenu un interlocuteur inévitable à la faveur du
démantèlement de son arsenal
chimique, mené sous l’égide de
l’ONU.
D’où la réticence de la France à
cautionner des frappes contre les
positions de l’Etat islamique en
Syrie, dont la réussite repose, là
encore, sur la coopération du régime de Damas. De plus, « si l’on tape
l’EI, qui occupera le terrain ? », s’interroge une source française,
avant de répondre : « C’est
Bachar », en évoquant l’affaiblissement, depuis un an, des rebelles
modérés de l’Armée syrienne
libre, soutenus par l’Occident. A
ces réserves s’ajoute aussi la
volonté de ne pas être perçu comme un supplétif des Etats-Unis. La
France, a insisté M. Hollande, agit
« en souveraineté et en
indépendance » sur le dossier
syrien.
Après Bagdad, François Hollande s’est rendu à Erbil, devenant ainsi le premier président français à
visiter la capitale du Kurdistan irakien. Il y a reçu un accueil enthousiaste de Massoud Barzani, le président du gouvernement régional,
quil’a accueilli avec une Marseillaise tonitruante. Les livraisons d’armes de la France, en août, à son
gouvernement ont eu « le plus
grand effet » et permis de « faire
reculer » les djihadistes, s’est
félicité le dirigeant kurde.
De son côté, François Hollande
a assuré qu’une quatrième livraison d’armes était en cours et a
aussi plaidé pour la mise en place
d’un « véritable pont humanitaire» pour aider le Kurdistan à absorber l’afflux de réfugiés fuyant
l’avancée de l’EI dans le nord de
l’Irak. A cet effet, l’avion présidentiel français a déchargé quinze tonnes d’aide humanitaire sur place.
La mobilisation n’en est qu’à ses
débuts. p
Yves-Michel Riols
Barack Obama prêt à engager les Etats-Unis dans la guerre sans passer par le Congrès
Washington
Correspondant
C’est un point juridique lourd de
sens. Pour mesurer la portée du
revirement auquel l’essor de l’Etat
islamique (EI) en Irak et en Syrie a
contraint le président des ÉtatsUnis, Barack Obama, il faut revenir à la disposition qui lui permet
aujourd’hui d’engager son pays
dans un conflit délicat, lequel risque de se compter en années, sans
solliciter pour autant un feu vert
explicite du Congrès.
Le 10 septembre, le président a
assuré disposer de l’« autorité »
nécessaire pour répondre à la
menace posée par le mouvement
djihadiste, ajoutant qu’il ferait
néanmoins bon accueil « à un soutien du Congrès », « pour montrer
au monde que les Américains sont
unis » dans cette lutte. M. Obama
estime en effet pouvoir bénéficier
des dispositions prévues par
l’Autorisation de recourir à la
force militaire (Authorization for
Use of Military Force, AUMF). Ce
texte, adopté trois jours après les
attentats du 11-Septembre 2001,
accorde au président un véritable
blanc-seing.
Il lui permet en effet de pouvoir attaquer «des nations, organisations ou personnes » dont il a
déterminé « qu’elles ont planifié,
autorisé, commis ou aidé les attaques terroristes du 11 septembre
2001 ou qui ont abrité de telles
organisations ou personnes, afin
de prévenir tout acte futur de terrorisme international contre les
Etats-Unis par ces nations, organisations ou personnes». Une formulation longtemps jugée trop
vague par le juriste Barack Obama. Le 23 mai 2013, ce dernier
avait d’ailleurs annoncé son intention de demander au Congrès
d’envisager son abrogation, au
cours d’une intervention à la
Berlin bannit toute activité de soutien à l’EI
L’Allemagne a interdit, vendredi
12 septembre, toute activité de
soutien, de recrutement et de
propagande pour l’organisation
djihadiste de l’Etat islamique
(EI). Cela signifie que sont interdits les signes et symboles de
l’EI dans les rassemblements
publics, mais aussi dans toute
communication par texte, image
ou son, notamment sur les
réseaux sociaux. Sont
également interdits les recrutements de combattants pour le
djihad ainsi que les activités de
financement de cette
organisation, a précisé le ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière. Juridiquement, cette
mesure se fonde sur une « loi sur
les organisations » qui sanctionne notamment les activités des
groupements agissant « contre
l’ordre constitutionnel » et
contre « le principe de l’entente
entre les peuples ». Les services
de renseignement estiment à
400 le nombre d’Allemands
combattant aux côtés de l’EI.
Par ailleurs, Berlin a annoncé
l’envoi de 40 instructeurs militaires au Kurdistan irakien.
National Defense University.
C’est conformément à cette
nouvelle approche que le président avait estimé devoir demander un feu vert du Congrès, fin
août 2013, lorsqu’il avait voulu
ordonner des frappes contre le
régime de Bachar Al-Assad en
représailles de l’utilisation d’armes chimiques contre la rébellion
syrienne. Un peu plus d’un an
plus tard, une interprétation
extensive du texte de 2001 a été
longuement défendue jeudi par le
porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest. Ce dernier a estimé qu’il s’appliquait à la situation
actuelle et qu’il dispensait donc la
présidence, selon son point de
vue, d’un feu vert du Congrès.
M. Obama a-t-il voulu éviter le
camouflet de 2013, lorsqu’il avait
finalement renoncé, comprenant
que le Congrès ne lui donnerait
pas son aval ? Pour une fois, ce dernier n’a pas jalousement défendu
ses prérogatives. Après avoir vivement critiqué l’attentisme du président américain au cours des dernières semaines, dans un contex-
te plus général de guérilla entre
les pouvoirs exécutif et législatif,
les responsables républicains de
la Chambre des représentants et
du Sénat lui ont, cette fois-ci,
publiquement apporté leur soutien. Pas, cependant, au point de
se lier les mains par le truchement d’un vote solennel, a fortiori à moins de deux mois des élections de mi-mandat, à l’occasion
desquelles le Parti républicain
espère ravir aux démocrates le
contrôle du Sénat.
Interrogations
Dans ce contexte, le soutien
attendu du Congrès devrait se
limiter à l’intendance, à savoir
une participation au financement
de l’équipement et de l’entraînement des groupes de l’opposition
armée syrienne sur lesquels les
Etats-Unis comptent s’appuyer au
sol dans leur offensive contre
l’Etat islamique. Ce feu vert ponctuel pourrait survenir rapidement. Les élus républicains, qui
ont reçu mardi la visite de l’ancien vice-président Dick Cheney,
l’architecte de l’invasion de l’Irak,
en 2003, peuvent difficilement
demander au président de s’engager encore plus énergiquement
sans lui accorder ce qu’il demande pour mener à bien ses projets.
Mais un vote en ce sens, sans doute la semaine prochaine, ne lèvera
pas toutes les interrogations.
Elles sont très diverses. Des parlementaires démocrates ont déjà
fait part de leur crainte de voir des
armes fournies par les Etats-Unis
aux opposants syriens tomber
finalement dans les mains de
l’Etat islamique. Ils rappellent que
c’est précisément ce qui s’est passé en Irak au cours de l’offensive
des djihadistes. A l’opposé, les
élus républicains jugent la réponse encore trop timorée au regard
de la menace que constitue selon
eux l’EI. Un vote ponctuel, sur une
disposition technique, permettrait de conserver à l’avenir la
possibilité de se démarquer de
l’administration Obama si la stratégie dévoilée mercredi s’avérait
inefficace. p
Gilles Paris
0123
international
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
3
Après la guerre
de Gaza, l’armée
israélienne sous
le feu de la critique
Une ONG accuse Israël de «crimes de guerre»,
des réservistes du renseignement s’interrogent
Jérusalem
Correspondant
D
epuis que les armes se sont
tues, le 26 août, dans la bande de Gaza, le gouvernement israélien se trouve confronté à un défi sensible, à la fois judiciaire et politique. Il concerne le
comportement des forces armées
au cours des cinquante jours de
l’opération « Bordure protectrice », et plus généralement dans les
territoires palestiniens. Alors que
la droite nationaliste considère
que le gouvernement n’a pas poussé assez loin sa supériorité militaire sur le Hamas, le débat s’engage
sur le prix humain et moral de cet
engagement.
L’union sacrée, scellée sous les
roquettes du Hamas, ne semble
plus d’actualité. Ici et là, des voix
se font entendre pour réveiller un
vieux débat : l’incapacité de l’armée à se policer, c’est-à-dire à
conduire des enquêtes rigoureuses sur les abus dont elle est soupçonnée. La première salve a été
adressée, lundi 8 septembre, par
deux organisations non gouvernementales israéliennes de renom,
B’Tselem et Yesh Din. Elles refusent dorénavant de collaborer
avec la justice militaire, considérée comme partiale.
Mercredi, les forces armées prétendaient donner des gages de
transparence en annonçant
l’ouverture de 99 enquêtes – dont
cinq à caractère criminel – concernant des actes commis pendant
« Bordure protectrice». La guerre a
fait 2 127 morts côté palestinien,
dont 616 combattants identifiés,
selonIsraël. Parmi lesépisodessou-
mis à une investigation figure le
bombardement d’une école à Beit
Hanoun, le 24 juillet, dans lequel
quinze Palestiniens sont morts.
Ce drame a également retenu
l’attention de Human Rights
Watch (HRW). Jeudi, l’ONG a accusé Israël de « crimes de guerre ».
HRW a publié un rapport sur les
bombardements militaires visant
l’enceinte ou les abords de trois
écoles dans la bande de Gaza,
ouvertes aux réfugiés sous l’égide
des Nations unies. Au total, 45 personnes, dont 17 enfants, sont mortes lors de ces trois épisodes, les 23
et 30 juillet, puis le 3 août. Les forces armées israéliennes ont expliqué que les combattants du
Hamas entreposaient leurs armes
Dans une lettre
ouverte, 43 militaires
refusent de participer
à toute action
«portant atteinte
à la population
palestinienne»
dans des bâtiments civils et s’en
servaient comme bases de tir.
Le rapport de HRW pourrait inspirer l’Autorité palestinienne, si
elle décidait de mettre ses menaces
judiciaires à exécution. Son président, Mahmoud Abbas, a affiché
son intention deratifier le Statutde
Rome, fondateur de la Cour pénale
internationale – et donc de réclamer des poursuites contre Israël –
si les négociations sur la reconnaissance de l’Etat palestinien dans les
Soldats israéliens en poste à la frontière de la bande de Gaza, fin août. ODED BALILTY/AP
frontières de 1967 n’aboutissaient
pas dans les trois ans.
La semaine s’est achevée par la
publication, vendredi, d’une lettre
retentissante provenant de l’Unité 8200, l’une des fiertés militaires
d’Israël, spécialisée dans le renseignement. Quarante-trois réservistes, dont dix officiers, ont exprimé
leur refus de participer à toute
action qui « porterait atteinte à la
population palestinienne » en Cisjordanie. Le document accuse
l’état-major de détourner l’Unité 8 200 de sa mission première, la
sécurité du pays, pour organiser la
surveillance généralisée et intrusive de la société palestinienne. Les
signatures ont été rassemblées
pendant un an. L’initiative n’est
donc pas liée à l’opération « Bordure protectrice ».
A l’instar de la NSA américaine,
l’Unité 8 200 est chargée de stocker
et de traiter de vastes quantités de
données électroniques, d’écoutes
et d’imageries satellite. Elle fournit
lamatière première pour toutes les
opérations militaires. Mais l’unité
Une rentrée des classes marquée
par le drame des déplacés palestiniens
Gaza
Envoyée spéciale
Ils ne sont pas venus éteindre un
incendie mais effacer les cicatrices de la guerre, quelques jours
avant la rentrée scolaire de dimanche. Dans la cour d’une école du
centre-ville qui servit d’abri de fortune durant le conflit à des milliers de Gazaouis fuyant les bombardements, des employés municipaux déploient des lances à
incendie et commencent à nettoyer les lieux à grandes eaux.
Près de 474 000 enfants de la
bande de Gaza reprennent, le
14 septembre, le chemin de l’école,
auxquels s’ajoutent 30 000 étudiants dans les universités. La rentrée devait avoir lieu le 13 août,
mais les combats ont laissé le territoire exsangue et défiguré, jusque
dans les salles de classe.
Les écoles de la bande de Gaza
–celles de l’agence onusienne pour
les réfugiés palestiniens (UNRWA)
et les établissements scolaires du
gouvernement– ont servi de refuge à plus de 300 000Gazaouis. A la
veille de cette rentrée des classes
singulière, les employés de l’UNRWA doivent gérer une opération
ingrate: libérer suffisamment de
refuges afin de les consacrer de
nouveau à leur fonction première :
l’accueil scolaire.
«Cette semaine, nous avons
réussi à “récupérer” dix écoles pour
la rentrée. Mais notre objectif est
encore de réduire le nombre de
refuges à quinze dans toute la bande de Gaza », explique Adnan Abu
Hasna, porte-parole de l’UNRWA
dans l’étroite enclave, confronté à
un casse-tête douloureux. « Il faut
convaincre des familles qui ont
tout perdu de bouger à nouveau.
Cela provoque de nouvelles souffrances.» L’équation est d’autant
plus ardue que plus de 70 sites scolaires de l’ONU ont été endommagés, auxquels s’ajoutent 22 écoles
gouvernementales en ruine.
A Jabaliya, dans le nord de la
bande de Gaza, l’école primaire de
filles ne fera pas sa rentrée. Plus de
5 000 Gazaouis occupent toujours
les lieux dans la promiscuité et
l’abattement. A l’entrée, des gra-
« L’école est devenue
pour les enfants un
endroit de terreur où
l’on peut se faire tuer»
Souhad Abou Samra
psychologue à l’UNRWA
vats viennent rappeler la terrible
nuit du 30 juillet, lorsqu’un missile israélien s’est abattu sur une pièce bondée, tuant seize habitants.
Dans un recoin d’une salle de
classe au sol crasseux, abritant à la
nuit tombée près de 50 personnes,
Tawrah Hesham Salha reste sur le
qui-vive, les yeux en alerte. Depuis
le cessez-le-feu, le 26 août, cette
habitante de Jabaliya, mère de quatre enfants, a déjà connu quatre
refuges. Pour s’assurer une place
dans les écoles, l’UNRWA demande
désormais aux déplacés un certificat prouvant que leur maison a été
totalement détruite. Mais Tawrah
est dans une situation kafkaïenne :
«Je n’arrive pas à obtenir le certificat. Les autorités refusent de me le
donner car ma maison avait été
construite sans permis. »
Dans un territoire dévasté, la
rentrée accentue les difficultés
financières de l’agence onusienne,
qui présentait cette année, avant
même le conflit, un déficit de
50millions de dollars (39 millions
d’euros). Début septembre, le commissaire général de l’UNRWA, Pierre Krähenbühl, a sollicité auprès
de la Ligue arabe une aide d’urgence de 47 millions de dollars afin de
couvrir les dépenses à Gaza pour
les quatre prochaines semaines.
Outre les immenses besoins
matériels, la reprise des cours
devra tenir compte du traumatisme psychologique de très nombreux enfants. Selon l’ONU, ils
seraient plus de 370 000 à souffrir
de désordres post-traumatiques.
En plus des innombrables maisons
détruites, trois établissements de
l’UNRWA ont été touchés par des
frappes israéliennes, faisant
45morts parmi les déplacés et laissant des images insoutenables.
Dans les écoles, les deux premières semaines seront donc exclusivement consacrées à l’assistance
psychologique: «La guerre a complètement brisé les repères des
enfants, en particulier pour les milliers qui continuent à vivre dans les
refuges, explique Souhad Abou
Samra, psychologue à l’UNRWA.
L’école est devenue pour eux le symbole de la guerre, un endroit de terreur où l’on peut se faire tuer. » p
Hélène Jaffiol
sert aussi pour le renseignement
classique dans les territoires palestiniens. Elle représente également
un réservoir de talents pour le secteur des nouvelles technologies.
Au nom de la morale et de leur
conscience, les signataires expliquent que les renseignements collectés par l’unité « portent atteinte
à des innocents ». « Ils sont utilisés à
des fins de persécution politique et
dans le but de susciter des divisions
dans la société palestinienne, en
recrutant des collaborateurs et en
braquant des parties de la société
palestinienne contre elle-même »,
écrivent les auteurs. Ils citent
tion rassemblant les témoignages
de soldats sur leurs missions à
Gaza et en Cisjordanie – ne prend
pas position sur le refus de servir.
Mais il considère que le message
des réservistes est « très important ». « Pendant des années, dit-il,
on leur a dit qu’ils pouvaient dormir tranquilles, qu’ils n’avaient pas
de responsabilité directe dans ce
qui advenait, car ils n’avaient pas le
doigt sur la gâchette. Or ce n’est pas
vrai. Ce qu’on leur demande de faire pose la question du fonctionnement de l’occupation et de la nécessité de rendre des comptes. » p
notammentl’utilisationd’informations sur les préférences sexuelles,
les infidélités ou les situations
financières pour exercer des pressions sur des individus.
Dans un communiqué, l’armée
a écarté l’existence des pratiques
mentionnées dans la lettre. « Se
tourner immédiatement vers la
presse au lieu de ses officiers ou des
autorités compétentes éveille le
soupçon ainsi que des doutes sur le
sérieux des affirmations », est-il
expliqué.
Tel n’est pas du tout l’avis de
Yehuda Shaul. Le fondateur de
Breaking the Silence – organisa-
Piotr Smolar
“ÉPATANT, DRÔLE,
ÉMOUVANT, INTELLIGENT”
LE MONDE
“CE FILM DEVRAIT
ÊTRE REMBOURSÉ PAR LA SÉCU !”
LE FIGARO
“POLISSE CHEZ LES BLOUSES BLANCHES”
FIGARO MAGAZINE
VINCENT
LACOSTE
REDA
KATEB
JACQUES
MARIANNE
GAMBLIN
DENICOURT
HIPPOCRATE
UN FILM DE THOMAS LILTI
ACTUELLEMENT
AU CINÉMA
4
0123
international
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
Ukraine: l’Union européenne
fait un geste envers Moscou
L’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange entre Bruxelles et Kiev
est reportée à la fin de l’année 2015
Bruxelles et Berlin
Correspondants
A
ider l’Ukraine tout en faisant un geste de bonne
volonté à l’égard de Moscou : c’est à cet exercice difficile
que s’emploie désormais l’Union
européenne, qui a sorti, vendredi
12 septembre, toute la panoplie de
ses astuces diplomatiques.
Alors que José Manuel Barroso,
président de la Commission,
dénonçait, à Kiev, le « comportement inacceptable » de Moscou, le
commissaire au commerce, Karel
De Gucht, annonçait, à Bruxelles,
que l’accord de libre-échange entre
Kiev et l’UE, qui doit être ratifié le
16 septembre par le Parlement
ukrainien, n’entrerait pas en
vigueur avant fin 2015. D’ici là, des
discussions auront lieu avec Moscou qui, selon des sources allemandes, aurait demandé… 2 370 modifications au projet d’accord.
M. De Gucht avait présidé dans
la journée une réunion tripartite
UE-Ukraine-Russie,précédéedel’officialisation d’un nouveau volet de
sanctionseuropéennescontreMoscou. La décision des Européens est,
en tout cas, une évidente concession. Selon un diplomate, elle était
d’ailleurs incluse dans le récent
accord de cessez-le-feu dans l’est de
l’Ukraine, conclu le 5 septembre.
Jusqu’à présent, la Commission
avait assuré que la zone de libreéchange serait créée en totalité et
au plus vite – après, toutefois, la
nécessaireratificationparlesVingtHuit. C’est ce projet qui est gelé. Le
symbole est lourd, puisque c’est le
refus de l’ex-président Viktor
Ianoukovitchd’entérinerlerapprochement avec l’Europe qui avait
déclenché la révolte de la fin 2013.
Que le report ait été
subi ou voulu par
Kiev, ces contorsions
sont dangereuses
pour le président
ukrainien
En résumé, le volet politique de
l’accord Europe-Ukraine sera
concrétisé, mais le volet libreéchangerepoussé, mêmesi, d’iciau
31décembre 2015, la réduction des
taxes douanières sur certains produits ukrainiens destinés au marché européen sera prolongée. Soit
une aide annuelle de quelque
500 millions d’euros, selon
M. De Gucht. L’instauration de la
zone de libre-échange rapporterait
de deux à trois fois plus à l’économie ukrainienne.
En deux jours, la diplomatie
européenneaurafaitundoublegeste à l’égard de Moscou : elle a indiqué clairement, jeudi, que les sanctions pourraient être levées si la
Russierespectaitleplandepaixtandis que, vendredi, elle prenait pour
la première fois en compte les critiques et les inquiétudes russes
quant aux conséquences de l’accord d’association Kiev-Bruxelles.
Moscou estime notamment que
l’Ukraine ne peut négocier avec
l’UEtoutencontinuant àbénéficier
de ses liens commerciaux avec la
Russie. Celle-ci a néanmoins fait
une concession aux Ukrainiens,
vendredi, en acceptant le principe
d’une prolongation des droits de
douane préférentiels qui leur sont
accordés par la Russie et d’anciennes républiques soviétiques.
Comment expliquer le revirement de laCommission? Undiplomateendétaillelesraisons:lesdivisions naissantes entre les VingtHuit en raison des possibles conséquences économiques des sanctions, la crainte de contre-mesures
Petro Porochenko et José Manuel Barroso, vendredi 12 septembre, à Kiev. VALENTYN OGIRENKO/REUTERS
russes – notamment le déclenchement d’une véritable guerre du
gaz – et la peur d’une remise en
question du cessez-le-feu.
L’Allemagne, réservée depuis le
début sur l’accord d’association,
aurait joué un rôle-clé dans le
report annoncé. Selon Angela
Merkel, l’Ukraine ne peut faire
partie de deux unions douanières.
Berlin aurait donc défendu la fermeté en matière de sanctions, tout
en indiquant à Vladimir Poutine
que la porte de la négociation restait ouverte.
A Kiev, les officiels ont rapidement adapté leur discours. Un res-
ponsable du ministère des affaires
étrangères convenait, vendredi
soir, que le report constituait bien
uneconcession à Vladimir Poutine.
Mais il assurait que l’entrée en
vigueur rapide du volet économique du texte aurait été coûteuse
pour le pays, qui affronte une crise
majeure. Le report serait donc
« une bonne nouvelle ». Le même
conseiller expliquait pourtant,
plus tôt, que le rapprochement de
l’Ukraine avec l’UE ne pouvait en
aucun cas faire partie des sujets
mis sur la table dans la discussion
engagée entre Kiev et Moscou
depuis le cessez-le-feu. Le report
Les sanctions américaines
s’étendent à Sberbank
DSK critique la politique de sanctions à l’égard de la Russie
Les Etats-Unis ont annoncé, vendredi 12 septembre, avoir ajouté
la principale banque de Russie,
Sberbank, à la liste des entreprises faisant l’objet de sanctions
en raison de la crise ukrainienne.
Sberbank abrite un quart des
actifs financiers du pays. Six
banques publiques déjà sanctionnées voient les mesures durcies. Par ailleurs, les Etats-Unis
interdisent la vente de biens, services et technologies à cinq
entreprises du secteur énergétique et pétrolier (dont Gazprom,
Lukoil, Transneft et Rosneft).
Enfin, ils bloquent les avoirs
détenus sur leur territoire par
cinq sociétés publiques de l’armement (dont le conglomérat
Rostec) et leur interdisent les
financements de long terme.
P
endant que quatorze parlementaires français faisaient
le voyage à Moscou pour
apporter leur soutien à la Russie,
Dominique Strauss-Kahn, lui, se
trouvait à Kiev, vendredi 12 septembre, où il a fait passer à peu
près le même message, bien que
de manière plus subtile.
Invité à participer à la conférence annuelle « Yalta European
Strategy », organisée par la fondation du milliardaire ukrainien
pro-européen Viktor Pintchouk,
l’ancien directeur général du
Fonds monétaire international,
aujourd’hui à la tête d’une société de conseil en investissement
(LSK), a fait valoir que, si les sanctions occidentales à l’égard de responsables et de sociétés russes
commençaient à être efficaces,
elles « ne changeraient rien à l’attitude de la Russie ».
« Elles vont être néfastes pour
l’économie russe, mais elles vont
être aussi néfastes pour l’économie
européenne », a-t-il poursuivi. Les
éventuelles mesures de rétorsion
russes sur la fourniture de gaz ne
« feront qu’empirer les choses pour
l’Ukraine». « Ce que les sanctions
vont changer, en revanche, c’est
qu’elles vont pousser la Russie vers
la Chine », a-t-il poursuivi.
Selon les médias officiels russes, M. Strauss-Kahn siège depuis
juillet 2013 au conseil de surveillance de deux banques russes, le fonds des investissements
directs de Russie, filiale de la Vnechekonombank (l’équivalent de
la Caisse des dépôts) et la Banque
russe pour le développement des
régions, qui appartient au géant
pétrolier Rosneft. Rosneft est
l’une des entités aujourd’hui
visées par les sanctions de l’UE et
qui n’aura, de ce fait, plus accès
aux capitaux européens.
« Mal gérée par l’Europe »
M. Strauss-Kahn s’est aussi
étonné de « la force et l’imagination » déployées par l’UE pour
« sanctionner la Russie », au lieu
d’en faire autant pour aider
l’Ukraine. « Toute cette affaire a
été très mal gérée par l’Europe et
c’est vous, Ukrainiens, qui en
payez le prix », a-t-il dit.
« Si vous voulez changer le
cours de l’Histoire, ça ne me gêne
pas, mais faites-le plutôt par la
négociation que par la guerre (…).
Parce que, évidemment, les Européens ne sont pas prêts à mourir
pour l’Ukraine : vous êtes seuls. Ici,
les gens me demandent : “Mais où
est l’argent ?” Car les discours sont
les discours, mais pendant ce
temps, vous, les amis, vous êtes en
train de vous noyer. »
Traditionnellement organisée
à Yalta, en Crimée, depuis onze
ans, cette conférence s’est déplacée cette année à Kiev, puisque la
Crimée est à présent occupée par
la Russie. Contrairement aux
autres intervenants, M. StraussKahn s’est abstenu de dénoncer
cette annexion. p
Sylvie Kauffmann
(Kiev, envoyée spéciale)
annoncé par Bruxelles cause des
remous à Kiev. Le vice-ministre des
affaires étrangères ukrainien a
démissionné samedi matin, qualifiant l’annonce de « surprise » et de
« mauvais signal à l’agresseur
[russe], aux alliés de l’Ukraine et à
ses citoyens ».
Pour ajouter à la confusion, le
président Petro Porochenko avait
annoncé vendredi matin, au côté
de M. Barroso, que l’accord d’association entrerait en vigueur le
1er novembre… Le président ne faisait alors aucun distinguo entre les
volets politique et économique.
Dans la soirée, la présidence ukrainienne a précisé que l’ensemble du
texte serait soumis comme prévu,
mardi, à la ratification des députés.
Que le report ait été subi ou voulu par Kiev, ces contorsions sont
dangereuses pour le président
ukrainien qui, à un mois et demi
d’élections législatives anticipées,
doit montrer qu’il tient le cap européen face à la Russie. A Kiev, samedi matin, le ton n’était pas à l’apaisement : le premier ministre, Arseni Iatseniouk, a accusé Moscou
d’être « une menace pour la paix
mondiale et pour la sécurité de toute l’Europe » et de chercher à
« conquérir la totalité de l’Ukraine
[pour] reformer l’Union soviétique. » Dès vendredi soir, des appels
ont été lancés à descendre sur la
grande place de Kiev, d’où étaitpartie la « révolution de Maïdan ». p
Frédéric Lemaitre,
Jean-Pierre Stroobants
et Benoit Vitkine
(envoyé spécial à Kiev)
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Angela Merkel participe dimanche, avec d’autres figures politiques, à une manifestation à Berlin
Berlin
Correspondant
S
ous la bannière « Debout !
Plus jamais de haine des
juifs », le Conseil central des
juifs en Allemagne organise ce
dimanche 14 septembre à Berlin
une manifestation qui apparaît
déjà comme un succès politique.
Tous les partis, de la CDU à Die Linke, la gauche radicale, ainsi que la
grande Confédération allemande
des syndicats (DGB) soutiennent
ce rassemblement. Le président de
la République, Joachim Gauck, ainsi que de nombreux responsables
politiques seront présents.
La chancelière, Angela Merkel, y
prendra la parole, tout comme le
cardinal Reinhard Marx et Nikolaus Schneider, plus hautes autorités des Eglises catholique et protestante allemandes, ainsi que Ronald
Lauder, président du Congrès juif
mondial, et bien sûr Dieter Graumann, président du Conseil central des juifs en Allemagne.
S’ils ne prendront pas la parole,
plusieurs responsables de la communauté musulmane ont envoyé
un message de soutien à Dieter
Graumann. L’idée de ce rassemblement date de cet été, lorsque des
manifestations anti-israéliennes
ont dégénéré. A Essen (Rhénaniedu-Nord - Westphalie), des mani-
festants ont tenté de s’en prendre à
une synagogue, à Berlin un imam a
appelé à « les compter [les juifs] et à
les tuer jusqu’au dernier » et on a
entendu des slogans du genre
« Hamas, Hamas, gazons les
juifs ! ». Dieter Graumann avait
alors dit que « c’était la pire période
pour les juifs depuis le nazisme».
Selonles responsablesdelacommunauté juive, on assisterait en
Allemagne à la montée d’un « nouvel antisémitisme ». Selon une
enquête publiée par le Bundestag
en 2011, près d’un quart des Allemands font preuve d’un antisémitisme larvé. Dans la communauté
musulmane, ce pourcentage grimperait à 50 %. Le rabbin berlinois
DanielAlter,qui a lui-mêmeétévictime d’une agression, note que
« l’antisémitisme a longtemps été
tabou en Allemagne et que ce n’est
plus le cas».
Dans certains milieux intellectuels, l’antisémitisme deviendrait
même « tendance », se plaignent
les responsables du Conseil central des juifs d’Allemagne, faisant
notamment référence aux virulentes critiques de l’écrivain Günter
Grass contre Israël.
Par ailleurs, en ce moment, les
salafistes multiplient les provocations. Ainsi, début septembre, certains radicaux ont défilé dans les
rues de Wuppertal (Rhénanie-du-
Nord - Westphalie), revêtus de vestes orange portant la mention
« Police de la charia ». Ils disaient
aux clients de discothèques de ne
pas boire d’alcool ni d’écouter de
musiqueetàceux dessalles dejeux
denepas jouerd’argent.Une action
qui a suscité des réactions hostiles,
tant dans les médias que chez les
responsables politiques.
«L’antisémitisme
a longtemps été tabou
en Allemagne, mais
ce n’est plus le cas»
Daniel Alter
Rabbin berlinois
Mais y a-t-il pour autant un
« nouvel antisémitisme » en Allemagne ? La réponse n’est pas évidente. Un jeune Berlinois de 23 ans,
Armin Langer, qui fait des études
pour devenir rabbin, estime même
que ce sont « les musulmans qui
sont les nouveaux juifs ». Vivant
dans le quartier berlinois de
Neukölln, décrit par Daniel Alter
comme une « no-go area » pour les
juifs – zone où il ne faut pas aller –,
dénonce cette vision catastrophiste. Il a fondé à Neukölln, en début
d’année, l’association SalaamSchalom,quiregroupejuifs, musul-
mansetlaïcs pouryfavoriser ledialogue interculturel et religieux.
Selon lui, il y a une montée du
racisme en Allemagne et pas spécialement de l’antisémitisme. Il
note que si plusieurs milliers de
jeunes juifs ont quitté l’Union
européenne,notamment l’Allemagne, ces dernières années, c’est
autant pour des raisons économiques qu’en raison du climat d’insécurité qui y régnerait. D’ailleurs,
fait-il remarquer, il y a également
des milliers de juifs qui quittent
Israël pour s’implanter en Europe,
notamment à Berlin.
La communauté juive d’Allemagne, qui comptait 560 000 personnes en 1933 lors de l’arrivée des
nazis au pouvoir, n’en comptait
plus que 15 000 après la guerre.
Aujourd’hui, il y aurait un peu plus
de 120 000 juifs en Allemagne, ce
qui en ferait la troisième communauté en Europe, après la GrandeBretagneetla France.Unetrèsgrande majorité d’entre eux sont arrivés de l’est de l’Europe, notammentde Russie,danslesannées qui
ont suivi la réunification. C’est
notamment parce que la communautéjuiveenAllemagneestla seule à se développer en Europe que le
Congrès juif mondial tient à Berlin,
les 15 et 16 septembre, son assemblée annuelle. p
F. Le.
0123
international & planète
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
Le président du Parlement
nigérien soupçonné d’être
mêlé à un trafic d’enfants
Hama Amadou, candidat à la présidentielle
de 2016, crie à un complot du pouvoir en place
E
t dire qu’ils furent alliés. Au
Niger, la bataille politique à
laquelle se livrent depuis un
an le chef de l’Etat, Mahamadou
Issoufou, et le président de l’Assemblée nationale, Hama Amadou, en vue de la présidentielle de
2016, a franchi un cap. Soupçonné
de « complicitéde supposition d’enfants », autrement dit d’avoir acheté ses jumeaux de 2 ans au Nigeria,
le second accuse le premier d’avoir
monté un complot contre lui pour
tenter de l’assassiner.
« Plusieurs fuites m’ont fait
savoir que l’objectif du pouvoir
était de me mettre en prison, même
uncourt moment, pourm’administrer un poison qui aurait des effets
trois mois après, ou en me maintenantdans une situation où ma santé allait se dégrader jusqu’à ma
mort », avance Hama Amadou, en
exil à Paris depuis la fin août.
« C’est grotesque, complètement
ridicule. C’est la troisième fois qu’il
dit qu’on veut le tuer et jamais il
n’apporte la moindre preuve. Tout
le monde en rigole à Niamey »,
rétorque Hassoumi Massaoudou,
le ministre de l’intérieur.
Le chef des députés nigériens,
qui fait aujourd’hui figure de principal opposant, avait dénoncé en
février des tirs sur son domicile
puis, en mai, une première tentative d’empoisonnement.
La justice suspecte la
femme de M. Amadou
d’avoir acheté ses
deux jumeaux dans
«une usine à bébés »
au Nigeria
Mais, désormais, sa carrièrepolitique est hypothéquée par une
affaire privée. Sa seconde épouse,
Hadiza Hama, est sous les verrous
depuis fin juin. Comme onze
autres femmes placées en détention provisoire, la justice la suspecte d’avoir acheté ses deux
jumeaux dans « une usine à
bébés » du Nigeria. Un trafic présumé où des couples stériles payent
pour obtenir des nouveau-nés
dans des « cliniques » spécialisées.
Les ramifications de ce sinistre
commerce s’étendraient au Bénin
et au Burkina Faso.
Révélé en janvier par L’Evénement, un bihebdomadaire nigérien, le scandale a depuis éclaboussé le ministre de l’agriculture, un
ancien directeur de banque, un inspecteur de police… Dix-sept personnes ont jusque-là été interpellées à Niamey et cinq à Cotonou, la
capitale économique béninoise,
où de faux certificats de naissance
auraient été délivrés dans une clinique de la place. « Les investigations se poursuivent et d’autres
arrestations sont attendues prochainement », raconte Moussa
Aksar, le directeur de publication
de L’Evénement.
Hama Amadou a préféré quitter le Niger avant de courir ce risque. Aucun juge ne l’a convoqué
mais, lorsque le bureau de l’Assemblée nationale s’est réuni le
26 août pour autoriser son audition, il a pris, dans les heures qui
ont suivi, la fuite pour le Burkina
Faso avant de s’envoler pour
Bruxelles, puis Paris.
« Je veux que la justice nigériennelance un mandat d’arrêt international et une demande d’extradition. Ma stratégie est de contraindre mes adversaires à internationaliser le dossier pour qu’ils transmettent à la justice française, qui ne
peut être ni manipulée, ni influencée,les preuves des accusations portées contre moi et ma femme. Leurs
efforts pour discréditer ma personne seront alors anéantis », dit-il.
Selon lui, le dossier monté pour
l’éliminer de la course à la future
présidentielle ne comporte que
« des interrogatoires et des photos
d’une émission télé sur des usines à
bébés au Nigeria en 2011, alors que
mes enfants sont nés un an plus
tard à Lagos [la capitale économique du Nigeria]. »
Pourquoi alors ne pas pratiquer
des tests ADN pour lever toute
ambiguïté ? « Devant le juge d’instruction, ma femme s’est spontanément dite prête à le faire. Le juge a
répondu que ce n’était pas le
moment et il l’a placée en prison.
Nosavocats nousdisent : “Vouscourez un risque. Ne le faites pas car il
n’y a aucun encadrement juridique
au Niger!” C’est à l’accusation d’apporter despreuves de ce qu’elle affirme et non à mon épouse de prouver
son innocence », répond Hama
Amadou. Il avance également une
justificationreligieuse. «L’islam dit
que les enfants nés dans les liens du
mariage sont réputés être les
enfants du mari. Point. Vous n’avez
pas le droit de mettre ça en doute, ni
de vérifier. Un homme politique de
mon envergure aurait des problèmes s’il viole ces prescriptions. »
Des explications quine convainquent guère le ministre de la justice, Marou Amadou : « Tous ceux
qui veulent se disculper peuvent faire des tests ADN dans l’institut de
leur choix, mais la femme de Hama
Amadou, comme toutes les autres,
a refusé. » p
Cyril Bensimon
SOMALIE
Le chef chabab Ahmed Godane
éliminé sur renseignement
français, selon «Le Point»
PARIS. Les informations qui ont permis aux forces américaines
d’éliminer le chef chabab somalien Ahmed Abdi Godane, le 1er septembre, ont été transmises au Pentagone par la DGSE «sur ordre
explicite du président de la République française», affirme, vendredi 12 septembre, Défense ouverte, le blog spécialisé du point.fr. L’assassinat ciblé de Godane, à 170km au sud de Mogadiscio, a été exécuté par des drones américains grâce à «l’identification précise de
son pick-up et de la route qu’il devait emprunter », indique l’hebdomadaire, précisant qu’« un ou plusieurs missiles antichars AGM-114
Hellfire et au moins deux bombes GBU-12 Paveway II » ont été tirés.
Le 14 juillet 2009, Godane avait enlevé deux agents de la DGSE :
Marc Aubrière, qui était parvenu à s’évader, et Denis Allex, mort
aux côtés de deux soldats français au cours d’un raid raté, conduit
le 11janvier 2013 à Mulo Marer, pour tenter de le libérer. p
Canada Rob Ford se retire de la course
pour sa réélection à la mairie de Toronto
TORONTO. Le controversé maire de Toronto, Rob Ford, 45 ans, a
annoncé, vendredi 12 septembre, qu’il se retirait de la campagne
pour une éventuelle réélection en octobre, deux jours après la
découverte d’une tumeur abdominale. Depuis 2013, il provoquait
le scandale en raison de sa consommation d’alcool et de stupéfiants, des vidéos l’ayant montré en train de fumer du crack. – (AP.)
5
«Nous prévoyons une chute de 2,5 points
du PIB pour les pays frappés par Ebola»
Le président de la Banque africaine de développement annonce le déblocage de 150millions de dollars
A Monrovia, le 11 septembre. TANGO POUR « LE MONDE »
Entretien
L
e Rwandais Donald Kaberuka,
économiste de formation,
effectue son deuxième mandat de président de la Banque africainededéveloppement(BAD).Cetteinstitutionmultilatéralededéveloppement, qui comporte 78 pays
membres dont 53 Etats africains,
financedes projetsdestinésàréduire la pauvreté sur le continent africain. M. Kaberuka s’est rendu, pour
le compte de la BAD, en Sierra Leone et au Liberia, les 26 et 27 août.
Quelle est l’urgence dans ces
pays ?
Elle est partout et concerne les
moyens financiers, humains et en
matériel. D’autant qu’il n’y a pas
que l’épidémie Ebola, d’autres
maladies tuent des gens dans ces
pays, comme la malaria ou le sida.
Les services de santé de Sierra Leone et du Liberia – deux pays fragilisés par les guerres du début des
années 2000 – sont les plus faibles
du continent et ils n’ont pas pu
gérer les débuts de l’épidémie.
La réponse internationale vous
semble-t-elle à la hauteur ?
Tout le monde a sous-estimé
cette maladie au départ, la crise a
été minimisée, considérée comme
un problème local, et la réponse
internationalea été lente et insuffisante. Médecins sans frontières a
été le seul présent dès le début, pre-
DR
nant des risques alors que de nombreux personnels sanitaires ont
été tués.
Si cette épidémie avait été déclarée comme crise humanitaire dès
les premiers jours, comme cela a
été le cas par exemple après le séisme à Haïti en 2010, on n’en serait
pas là. Aujourd’hui, la prise de
conscience internationale se fait,
les pays agissent, mais il faut encore davantage de mobilisation.
Ce retard ne concerne-t-il pas aussi les pays africains et la BAD ? Au
début, les Etats de la région n’ont
pas agi de concert…
Je ne partage pas votre analyse :
la BAD est la première organisation à avoir versé 4 millions de dollars [3 millions d’euros] à l’OMS dès
le mois d’avril [l’épidémie a été officiellementdéclarée fin mars enGui-
née et au Liberia, en mai en Sierra
Leone]. Le 26 août, ce sont 60 millions de dollars qui lui ont été à
nouveau transférés de façon à
aider les pays à mobiliser des personnels soignants, à leur acheter
des équipements, à s’occuper de la
logistique et à assurer la subsistance des personnes en quarantaine.
Lacrise a été sous-estimée régionalement comme au niveau mondial, et beaucoup d’Etats ont répondu en se protégeant. Mais l’épidémie n’a pas de frontières : nous
avons besoin de coopération, pas
de compétition entre les pays. Et
de nombreux médecins africains
sont présents sur le terrain, dans
les pays touchés.
Avez-vous révisé à la baisse vos
prévisions de croissance pour
les trois pays touchés, mais aussi pour l’Afrique de l’Ouest ?
Nous maintenons nos prévisions de croissance pour les économies de cette région qui n’ont pas
été frappées par l’épidémie. Pour
le Liberia, le plus touché, mais aussi pour la Sierra Leone et la Guinée,
la Banque africaine de développement prévoit, pour le moment,
une chute du produit intérieur
brut de l’ordre de 2 à 2,5 points.
Ces trois pays font face à un
choc macroéconomique d’envergure : leurs recettes publiques chutent car les économies sont à l’arrêt,leursdépensesaugmentent for-
tement et leurs réserves fondent.
L’épidémie risque-t-elle de compromettre les stratégies de développement de ces trois pays ?
Je ne le pense pas. Cette crise ne
devrait pas durer plus d’un an ou
deux. Dans six mois au maximum, nous devrions en avoir fini
avec cette épidémie. Les grandes
entreprises, souvent des compagnies minières, implantées en Sierra Leone, au Liberia ou en Guinée
n’ont pas déserté ces pays. Elles
ont pris des précautions, appliqué
les protocoles de l’OMS et réduit
temporairement leurs effectifs.
Mais elles ne sont pas parties car
leurs investissements dans ces
pays sont de long terme. Elles ne
cèdent pas à la psychose.
Quelles devront être les priorités économiques et sociales,
une fois l’épidémie vaincue ?
L’urgence sera de restabiliser
lesfinances publiques. La BADs’apprête à débloquer 150 millions de
dollars pour aider le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée à consolider
leur budget et leur monnaie. Nous
discuterons des clés de répartition
de cette aide budgétaire avec les
Etats concernés. Mais elle sera
conditionnée à l’effort supplémentaire qu’ils feront pour améliorer
leur système de santé et la sécurité
alimentaire. p
Propos recueillis par
Rémi Barroux et Claire Guélaud
Lesentreprises françaises tentent de maintenir leurs activités
LA SECRÉTAIRE D’ETAT au développement, Annick Girardin, devait,
samedi 13 septembre, rencontrer
les entreprises françaises présentes en Guinée, lors d’un déplacement à Conakry. Dans les trois
pays touchés par Ebola, l’inquiétude grandit dans la communauté
d’affaires française.
Au Liberia, la mauvaise nouvelle était tombée le 8 août. Le géant
indien de l’acier Arcelor Mittal
annonçait que le chantier d’agrandissement de son site de minerai
de fer de Yekepa et du terminal
portuaire de Buchanan était fortement « perturbé » en raison du
virus Ebola. Autrement dit, mis en
sommeil. L’épidémie, partie de la
Guinée voisine, redoublait de virulence, s’ajoutant à la chute mondiale du marché du minerai de fer.
Arcelor précisait que les entreprises sous-traitantes ayant déclaré
un cas de « force majeure » avaient
évacué leurs employés par crainte
de la propagation du virus.
«Le problème, explique un
entrepreneur français, c’est que
nous sommes tous plus ou moins
des sous-traitants d’Arcelor Mittal,
ils sont la locomotive » de ce pays
d’Afrique de l’Ouest de 4,2millions d’habitants.
L’économie portuaire a plongé,
à cause du gel des activités d’un
certain nombre d’investisseurs
étrangers, mais aussi de la maladie. Les pays épargnés par le virus
(Cameroun, Togo, Côte d’Ivoire…)
ne veulent plus recevoir de
bateaux avec des marins libériens
à leur bord. Les affréteurs évitent
Monrovia, sous peine de ne pouvoir accoster aux escales suivantes. Le trafic de conteneurs au port
de Monrovia, un marché pour Bolloré et Delmas, a chuté de 10 % à
20%, et les prochains mois
devraient accentuer la tendance.
Autre effet de la maladie : le
ralentissement des mouvements
de population à l’intérieur du
pays. Les ventes d’essence
auraient baissé d’un tiers, dans un
secteur où Total contrôle 40 % du
marché. «Ce n’est pas encore dramatique, mais ça peut le devenir»,
dit Jean-Michel Macia, secrétaire
général du Club Affaires à Monrovia et directeur de la filiale libérienne de Bolloré Logistics Africa.
Sécurité des personnels
Pour Florence Arnoux, directrice des grands comptes de Catering
International &Services, une société de services travaillant pour les
sociétés minières en Guinée et en
Sierra Leone, « la démobilisation
d’un certain nombre d’entreprises
a entraîné une baisse d’activité ».
«La suspension des vols par certaines compagnies aériennes, dont
Air France, British Airways…, en Sierra Leone s’est traduite par un net
ralentissement de notre activité,
déplore aussi Marc Lemaître, directeur adjoint d’Europe HandlingCRIT, qui assure la logistique aéroportuaire. A la crise sanitaire risque
de s’ajouter la crise économique. »
Pour le moment, les entreprises
françaises présentes en Guinée, en
Sierra Leone et au Liberia maintiennent leurs activités.
Aucun salarié n’a, semble-t-il,
été contaminé. Et les quelques
dizaines d’expatriés français ont
rejoint leur poste après la coupure
des vacances. Les entreprises ont
installé des points de désinfection
à l’entrée de leurs locaux, distribué des kits sanitaires, informé
leurs salariés, dont la très grande
majorité sont des nationaux.
Pour répondre aux inquiétudes
de ses personnels navigants et
limiter les refus de vol, Air France
a sollicité des médecins. «La sécurité des personnels est la priorité »,
dit le Medef International, qui a
réuni 120 entreprises à Paris le
5 septembre, avec un spécialiste de
l’Institut Pasteur. p
Rémi Barroux
et Christophe Châtelot
(envoyé spécial à Monrovia)
france
6
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Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
NicolasSarkozy sonne l’heure du rassemblement
L’ancien chef de l’Etat veut rebaptiser l’UMP, ménage les clans et promet de «transcender le clivage droite-gauche»
P
our Nicolas Sarkozy, c’est
comme si c’était fait. Son
retour imminent n’est plus
qu’une question de détail : trouver
le ton juste pour annoncer qu’il brigueralaprésidencedel’UMP.Lereste sera, il en est convaincu, une formalité. Dès lors qu’il sera candidat,
il ne doute pas un seul instant de sa
victoire, même s’il jure qu’il fera
campagne « à fond ». Et se projette
déjà dans l’après.
Ces derniers jours, il a exposé à
ses visiteurs, dirigeants politiques
et journalistes, reçus à la chaîne
dans ses bureaux de la rue de Miromesnil, son plan de reconquête en
vue de 2017. Il n’entend rien laisser
au hasard pour «refonder » un partienmiettes,puiss’imposerencandidat naturel contre la gauche.
Sa principale préoccupation est
de rassembler une UMP rongée par
lesguerres internesdepuisl’affrontement entre Jean-François Copé et
François Fillon, fin 2012. Depuis
quelque temps, celui qui n’a pas de
mots assez durs pour qualifier les
responsables de la droite s’est subitementtransformé engentil Bisounours. « Il aime tout le monde »,
s’amuse un de ses proches lieutenants. Son message : réunir tous les
clans, toutes les chapelles, toutes
lessensibilités,toutesles personnalités, même celles qui ont tout fait
pour l’empêcher de revenir.
Dans sa grande mansuétude, il a
demandé à ses fidèles de ménager
Alain Juppé, qu’il a récemment
reçu et qui est pour l’heure son
concurrent le plus dangereux pour
la présidentielle. Il fait mine de ne
pas prendre cette menace au
sérieux : « Juppé, ce n’est pas un
sujet », lâche-t-il en soulignant que
le maire de Bordeaux aura 71 ans en
2017.
Il se délecte de voir certains qui
le conspuaient récemment encore
le rallier, comme Laurent Wauquiez, Jean-François Copé et bientôt Jean-Pierre Raffarin. Il a peu de
doutes sur le fait que les soutiens
vont continuer à affluer. Sa seule
véritable incertitude affichée
concerne M. Fillon, avec lequel les
relations sont polaires et qui n’a
pas, pour l’instant, répondu à son
invitation à venir le voir.
M. Sarkozy pense déjà au futur
organigramme du parti qui comportera à la fois fillonistes, copéistes, représentants de la droite forte
etcentristes, dirigeantshistoriques
et jeunes pousses. Dans cet objectif
de rassemblement, l’ex-président
demandera à ses soutiens de dissoudre l’Association des amis de
Nicolas Sarkozy, présidée par Brice
Hortefeux et créée eu lendemain
de la défaite de 2012 pour entretenir la « sarkonostalgie ».
Autre grand chantier de l’exlocataire de l’Elysée : redorer l’image d’un parti discrédité et ruiné.
Cela passera par un changement de
Au bureau politique de l’UMP, à Paris, le 8 juillet. CYRIL BITTON/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
nom. A ses yeux, cette solution
auraitl’avantage dedonnerunevirginité au parti englué dans l’affaire
Bygmalion et de renvoyer à l’ère
Copé les turpitudes judiciaires de
cette bombe à retardement.
M. Sarkozy songe également à un
déménagement du siège du parti,
histoire de tourner la page des
années noires. «On changera tout,
nouveau projet, nouvelle équipe,
nouveau fonctionnement », répète-t-il.
Une fois élu à la tête
de l’UMP, il compte
garder de la hauteur
et confier la gestion
quotidienne du parti à
une équipe restreinte
Celui qui confiait en janvier 2012, à quelques mois de sa
défaite : « Vous voulez que j’anime
des sections UMP ? Je ne mérite pas
ça », semble résolu à reprendre la
tournée des fédérations pendant la
campagne. Une fois élu, il compte
Ce dimanche à 12h10
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Secrétaire Général adjoint de l’ONU
répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE),
Sophie Malibeaux (RFI), Rémi Barroux (Le Monde).
Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr
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garder de la hauteur et confier la
gestion quotidienne du parti à une
équipe restreinte dont ferait partie
Luc Chatel, actuel secrétaire général du parti.
S’iljurenepasrechigneràretourner sur le terrain auprès des militants de temps en temps, il veut
cultiver sa stature d’ex-chef de
l’Etat en raréfiant sa parole. « Il ne
va pas commenter la hausse du prix
du tabac sur France 3 », sourit un de
ses amis. Dans l’idée d’apparaître
en « président bis », il projette de
multiplier les déplacements à
l’étranger, s’affichant avec ses
anciens homologues. Il a aussi l’intention de poursuivre son cycle de
conférences grassement rémunérées. Au risque de raviver les critiques sur son rapport à l’argent.
La question de l’image reste
pourtant essentielle pour celui qui
reste massivement rejeté dans
l’opinion et qui suscite encore de
fortes réticences jusque dans son
propre camp. Pour surmonter ce
handicap, il mise sur ses « qualités », son énergie, son dynamisme,
son autorité et la légitimité que lui
procure son statut d’ancien président, face à un François Hollande
démonétisé. Mais il est conscient
que cela ne suffira pas.
Il envisage, pour atténuer son
côté clivant, de faire enfin le mea
culpa promis pendant des mois
pendantlacampagne de2012etqui
n’est jamais vraiment venu, ainsi
que l’inventaire de son quinquennat. « Il sait ce qui n’a pas fonctionné et notamment qu’il n’a pas été
assez rapide dans la mise en place
des réformes en début de mandat »,
explique un de ses proches.
Reste la question du positionnement politique, qui reste la clé de la
reconquête.PatrickBuisson,l’inspirateur de la tonalité droitière de la
campagne de 2012, étant hors jeu
depuis le scandale des enregistrements, et M. Sarkozy étant dans
une logique de rassemblement, il
s’engage à adopter une ligne plus
modérée.Maislescontoursdecelleci restent flous. Pour l’heure, l’ancien président se contente de promettre, sans davantage de précision, qu’il entend « transcender le
clivage droite-gauche ». p
Alexandre Lemarié
et Vanessa Schneider
«Sarkozy voulait revenir en sauveur de
laFrance. Il revient en sauveur de l’UMP»
Entretien
Christian Delporte est historien,
et auteur de Come back ! Ou l’art
de revenir en politique (Flammarion, 320 p., 19 ¤).
Comment analysez-vous la
façon dont Nicolas Sarkozy opère son retour sur la scène politique, deux ans après sa défaite ?
Nicolas Sarkozy a un contremodèle : Valéry Giscard d’Estaing.
Depuis 2012, il fait tout le contraire de ce que celui-ci avait fait après
sa défaite. D’abord, il a veillé à réussir sa sortie. Le 6 mai 2012, Sarkozy
est allé à la rencontre de ses partisans devant lesquels il a prononcé
un discours sobre et digne. VGE,
lui, est introuvable au soir de son
échec, le 10mai 1981. Il ne fait aucune déclaration et se contente
d’une allocution télévisée assez
ratée, neuf jours plus tard, avant
de disparaître des radars.
Sarkozy et ses amis ont ensuite
su installer l’idée qu’il n’avait pas
vraiment perdu en 2012, que son
score du second tour (48,36 %)
était très honorable, voire que
quelques jours de campagne en
plus lui auraient permis de l’emporter. VGE n’était pas dans cette
situation. Sa défaite était incontestable, alors même qu’il avait fait
presque le même score que Sarkozy (48,24 %). Il était le perdant et,
après son départ de l’Elysée, son
parti, l’UDF, a tiré un trait sur lui.
Deux ans après son départ, Sarkozy, lui, reste très populaire auprès
de la base UMP et personne ne l’a
remplacé à la tête du parti.
Enfin, Sarkozy n’a pas répété
l’erreur de Giscard qui, pour revenir au sommet, décida de repartir
de la base en se faisant élire
conseiller général, en 1982, puis
député, en 1984. Parallèlement, il
était intervenu dans de grandes
émissions télévisées en adoptant
la posture de l’ancien président.
Cette stratégie avait brouillé son
image. Deux ans après son départ,
Sarkozy reste perçu comme un
ancien président. Mais il court également le risque de banaliser son
image et d’apparaître comme un
homme politique ordinaire en
replongeant dans le marigot.
Vous distinguez plusieurs types
de come-back. Auquel de ces
types rattachez-vous Sarkozy ?
Il y a deux modèles de comeback. Dans certains cas, le retour
est avant tout provoqué par une
situation exceptionnelle, qui crée
un besoin d’homme providentiel,
comme pour Clemenceau, en
1917, ou de Gaulle, en 1958.
Mais la plupart des come-back
n’obéissent pas à cette logique. Ils
sont moins spectaculaires et se
«Nicolas Sarkozy
aurait rêvé d’un
retour à la De Gaulle
ou Clemenceau»
font parfois sur des années. François Mitterrand en est un bon
exemple. Dix-sept fois ministre
sous la IVe République, il voit son
avenir compromis en 1958, lorsqu’il se retrouve sans mandat
après avoir perdu aux législatives.
Pour se reconstruire, il va patiemment tisser sa toile, d’abord, en se
créant un réseau, puis en se faisant élire député, en 1962. La tribune de l’Assemblée lui permet alors
d’apparaître comme le premier
opposant à de Gaulle, et de s’imposer comme le candidat de la gauche à la présidentielle de 1965.
Sarkozy, lui, aurait rêvé d’un
retour à la de Gaulle ou Clemenceau. Son idée, à l’origine, était de
revenir en sauveur de la France.
Or ce n’est pas le scénario qui se
dessine, puisqu’il s’apprête à ne
revenir finalement que comme
sauveur de l’UMP. C’est pour lui
une vraie difficulté car cela le
ramène au niveau d’un homme
politique comme les autres.
Vous écrivez que, pour réussir
son retour, il faut aussi réussir
sa « traversée du désert ». Qu’en
est-il de Nicolas Sarkozy ?
C’est son autre grand problème. Depuis 2012, il ne s’est pas
donné ce temps de retrait, qui lui
permettrait de revenir en disant :
« J’ai pris du recul, j’ai réfléchi et
j’ai changé. » La meilleure façon
de préparer son retour, c’est de
dire ou de faire croire que l’on ne
reviendra jamais en s’engageant
résolument dans une autre carrière. C’est ce qu’a fait de Gaulle en
devenant mémorialiste sous la
IVe République, ou Juppé en allant
enseigner à Montréal dans les
années 2000. Sarkozy, lui, n’est
pas vraiment sorti du paysage
politique. Il revient sans être
jamais parti. Il ne s’est pas donné
ce temps de pénitence qui peut
permettre de susciter le pardon.
C’est pour lui un handicap.
Que pensez-vous des appels qui
se sont multipliés ces derniers
jours de la part de plusieurs dirigeants de l’UMP se disant favorables au retour de Sarkozy ?
C’est un grand classique. Pour
réussir un retour, il faut préparer
les esprits. Souvenez-vous de De
Gaulle. Fin 1957, seulement 11 %
des Français interrogés par l’IFOP
se disaient favorables à son
retour. « Autour de moi, personne
ne croit au retour du Général de
Gaulle », confiait encore François
Mauriac début 1958. C’est alors
que les proches du général se sont
activés, à coups de comités et de
déclarations pour annoncer l’inévitable effondrement de la
IVe République et la nécessité du
retour d’un homme à la hauteur
de la situation. Ils ont compris
qu’il fallait tirer profit des circonstances pour forcer le destin. C’est,
d’une certaine façon, ce que font
les sarkozystes aujourd’hui. p
Propos recueillis par
Alexandre Lemarié
et Thomas Wieder
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france
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
Soixante-quatre«hollandais»
pourconjurerla«poisse»
L
a semaine de la poisse », comme ils l’appellent entre eux,
leur a servi de cri de ralliement. Jeudi 11 septembre au soir,
alors que François Hollande commençait tout juste à émerger du
double chocTrierweiler-Thévenoud, ils se sont donné rendezvous dans un des salons du restaurant Chez Françoise, à deux pas de
l’Assemblée, pour renouveler leur
« amitié» au président.
Soixante-quatre au total, parmi
lesquels une poignée de «voltairiens», ces camarades de l’ENA restés fidèles au chef de l’Etat, mais
aussi des chefs d’entreprise, des
membres de la société civile et
même un gaulliste à la retraite.
Des hommes et des femmes qui
avaient adhéré pendant la campagne présidentielle à l’association
Démocratie 2012, avaient versé
leur obole au candidat et qui
depuis, « même s’ils râlent parfois,
gardent le contact », comme l’explique l’ancien député Jean-Marie
Cambacérès, fondateur du club.
Micro en main, ce descendant
du deuxième consul de Bonaparte
n’a pas son pareil pour détendre
l’atmosphère : « J’ai déclaré mes
impôts, je les ai payés ; je n’ai pas
de “love story” avec une ministre;
je ne suis pas membre d’un club
social-libéral, alors, pourquoi suisje là ? » Sourires et rires au-dessus
des tablées. La soirée ne sera ni
une veillée funéraire ni une
veillée d’armes, juste un dîner
amical pour se tenir chaud et tenir
bon, appeler au « respect», fustiger « l’irresponsabilité» des
anciens ministres qui « crachent
dans la soupe », et remettre à leur
place les frondeurs – « trente mecs
qui font le buzz en voulant envoyer
tout le monde dans les rizières »…
Au bout de la table, Bernard Poignant, le conseiller du président,
prend des notes car la remobilisation n’est pas exempte de mises
en garde, notamment sur la réforme territoriale qui s’effiloche : « Si
ça continue, on aura un niveau de
plus sans rien avoir supprimé»,
s’inquiète M.Cambacérès. Depuis
que l’association existe, l’ancien
député se targue d’avoir alerté le
président sur des sujets graves,
comme « les Chinois qui se faisaient dévaliser à la sortie de l’aéroport» ou le marché de l’immobilier « sinistré de chez sinistré ».
Nila Mitha, une jeune chef d’entreprise qui a fondé sa société de
conseil en gestion, n’est pas tendre avec la communication présidentielle. « Pourquoi vend-on aussi mal ce qu’on fait? Il faut mettre
en avant la France ! », s’exclame-t-elle. Mais sur le fond, elle n’a
aucun doute : « La méthode est la
bonne.» Elle compare la France à
un « gros paquebot qu’il faut faire
bouger un peu à gauche, un peu à
droite, pour ne pas risquer de tout
casser, et se dit persuadée que le
pays est sur la bonne voie».
« De la patience »
L’avocat fiscaliste Dominique
Villemot, voltairien et coprésident de l’association, tient le
même langage. Dans son livre
La gauche qui gouverne (Privat,
190p., 9,80 euros), il défend le cap
et la méthode, explique que la
bataille pour la compétitivité est
une « bataille de gauche » faite
pour « préserver le modèle français
dans la mondialisation ».
L’ami du président demande
« de la patience » et assure que « la
bonne réforme est celle qui est
endossée par tout le monde». En
même temps, il observe que « les
Français n’ont pas envie d’être responsables de la décision » et préfèrent « avoir un roi qu’ils décapitent
s’il ne réussit pas ».
Il pense qu’une partie des
ennuis de M. Hollande vient de ce
qu’il n’est pas un « monarque»
parce que « ce n’est pas sa nature »,
mais, assure-t-il, « il ira jusqu’au
bout et s’il n’est pas réélu, s’il ne se
représente pas, ce ne sera pas un
problème; il aura fait ce qu’il avait
à faire». A ces mots, un lourd silence s’est abattu sur la salle. p
Françoise Fressoz
RETRAITES
Les petites pensions
ne seront pas revalorisées
Les pensions de retraite inférieures à 1200 euros ne seront finalement pas revalorisées au 1er octobre en raison de « la très faible
inflation », a annoncé, vendredi 12 septembre, le ministère des
affaires sociales. Alors que les retraités les plus modestes devaient
être épargnés par le gel annoncé dans le cadre du plan de 50 milliards d’économies, ceux-ci seront finalement logés à la même
enseigne que les autres. Le gouvernement s’attendait à une inflation de 1,1% qui aurait représenté une hausse mensuelle d’environ
5 euros. Les «minimum vieillesse » (792 euros) bénéficieront en
revanche «d’un coup de pouce en octobre prochain». p – (AFP.)
Affaires Nicolas Sarkozy et son avocat
contre-attaquent
Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, ont déposé, vendredi 12 septembre, leurs requêtes en «nullité de la procédure » dans
l’affaire de trafic d’influence où ils sont mis en examen pour trafic
d’influence actif, corruption active et recel de violation de secret
professionnel. Me Herzog avait déjà prévenu qu’il attaquerait la
procédure, notamment à cause des écoutes téléphoniques dont a
fait l’objet M.Sarkozy et dont il conteste la légalité. – (AFP.)
Fait divers 1,8 million d’euros retrouvés après
un vol de billets à la Banque de France
Un paquet de 500 000 euros enterré dans un jardin ainsi qu’un
sac contenant 1, 3 million d’euros ont été retrouvés lors de perquisitions dans l’affaire des vols de billets usagés à la Banque de
France, à Vic-le-Comte (Puy-de-Dôme), vendredi. Les deux suspects et leurs épouses ont été placés en détention provisoire et
mis en examen pour vol et recel de vol aggravés. – (AFP.)
7
En campagne dans la Drôme, le sénateur
Guillaume parle de tout sauf du Sénat
«Si on était élus au suffrage universel direct, on s’en prendrait une belle», estime l’élu socialiste
Didier Guillaume, candidat à sa réélection aux sénatoriales, à Moras-en-Valloire (Drôme), le 12 septembre. BRUNO AMSELLEM/SIGNATURES POUR « LE MONDE »
Drôme
Envoyée spéciale
B
ien sûr, ce n’est pas le seul
sujet mais, tout de même, «si
le gouvernement n’était pas
revenu sur la suppression des
conseilsgénéraux enzone rurale,on
allait au désastre ». Didier Guillaume, sénateur PS de la Drôme, peut
souffler: en campagne pour sa réélection lors des sénatoriales du
28 septembre, il a au moins une
bonne nouvelle à annoncer aux
1350grands électeurs deson département, composé de plus de
300communes rurales.
« Cela a été décidé par le gouvernement, personne ne peut dire le
contraire, alors rassurez-vous »,
expose le président du groupe
socialiste au Sénat à chaque maire,
adjoint ou conseiller général qu’il
rencontre tout au long de ce vendredi 12 septembre. Une journée à
sillonner les routes du nord du
département – la « Drôme des collines » –, entre inaugurations d’école
et tête-à-tête avec des maires pour
défendresa candidature et sonprojet. Les élections sénatoriales ont
ceci de particulier qu’elles ne se
passent pas au suffrage direct ; pas
de tractage sur les marchés, pas de
porte-à-porte et, surtout, moins de
promesses en l’air ; les grands électeurs (députés, sénateurs, élus
municipaux, conseillers généraux
et régionaux) connaissent le
métier. Et mettront de toute façon
tous un bulletin dans l’urne, puisque le vote est obligatoire.
Mécaniquement,
il est impossible
que le PS conserve ses
troissièges drômois
En veste bleue légère, ouverte
sur une chemise blancheet un pantalon beige, Didier Guillaume,
55 ans, ne veut pas « raconter des
histoires ». « Non, au début, nous ne
ferons pas d’économies avec la
réforme territoriale, elles se feront
sur la durée. Les conseils généraux
sont essentiels pour assurer la solidarité entre les territoires mais il
faut clarifier leurs compétences,
leur en enlever certaines. Si nous
continuons à faire du surplace,
nous allons tous mourir, il faut bou-
Quatre hommes pour un « Plateau »
A deux semaines des élections
sénatoriales du 28 septembre,
au cours desquelles 178 des
348 sièges du Sénat doivent être
renouvelés, quatre candidats
sont sur la ligne de départ pour
en être le président et prendre la
succession du socialiste JeanPierre Bel, non candidat à sa réélection. Dernier en date : JeanPierre Raffarin, sénateur UMP de
la Vienne depuis 1995, qui s’est
officiellement déclaré vendredi
12 septembre. La candidature de
l’ancien ministre, âgé de 66 ans,
s’ajoute, à droite, à celles de
Gérard Larcher (Yvelines),
64 ans, déjà président de 2008 à
2011, et de Philippe Marini
(Oise), actuel président de la
commission des finances, 64 ans
également. Pour ne pas réitérer
les déchirements de 2008,
quand M. Raffarin avait été battu
par M. Larcher alors qu’il était
donné gagnant, une primaire
interne aux sénateurs UMP sera
organisée le 30 septembre, veille
de l’élection du président. A gauche, seul le patron des sénateurs
socialistes, Didier Guillaume, est
dans la course.
ger », explique-t-il aux maires
venus pour l’inauguration des
aménagements des entrées du village d’Hauterives, 1 720 habitants.
L’élu est d’autant plus concerné
qu’il est président du conseil général de la Drôme, ce qui lui facilite
d’ailleursles chosespour sa campagne. Conseiller général depuis
1998, président du département
depuis 2004 et sénateur depuis
2008, ce père de deux enfants,
natifdela communeBourg-de-Péage, dont il fut le maire (1995-2004),
est solidement implanté.
Raison pour laquelle ce maire
divers droite, qui a souhaité rester
anonyme, votera pour lui, comme
il l’avait déjà fait il y a six ans. « Je
ne vote pas pour le parti mais pour
l’homme. Il est moteur pour notre
région, on peut compter sur lui, il
est présent sur le terrain au quotidien. Nos collègues de droite sont
eux plus attentistes, ils nous disent
de freiner des deux pieds et d’attendre de voir », regrette l’édile.
En face, la liste d’union UMPUDI-MoDem tente surtout de faire
porter la campagne sur le plan
national. « Nous avons une chance
unique de faire basculer le Sénat
pour faire évoluer la France et exercer un vrai rôle de contre-pouvoir »,
déroule ainsi François Pegon,
numéro 3 sur la liste. Mécaniquement, au vu des scores de la droite
aux municipales – qui a mis la
main sur les six plus grosses villes
du département –, il est impossible
que le PS conserve les trois sièges
drômois qu’il possède actuellement. D’autant que le vote dans le
département se fait désormais à la
proportionnelle, «un scrutin beaucouppluspolitisé», expliqueuncollaborateur de Didier Guillaume.
Et c’est un euphémisme de dire
que le climat national n’aide pas.
« Je n’ai jamais fait une campagne
aussi difficile que celle-là : si on
était élus au suffrage universel
direct, on s’en prendrait une belle »,
certifie le sénateur, en avalant sa
centaine de kilomètres quotidiens
au volant de sa voiture.
Sans même parler des dernières
révélations d’ordre fiscal, il continue par exemple de pester sur la
façondontont étéimposésles rythmes scolaires aux maires, autre
sujet systématiquement abordé
« dans 100 % des communes » où il
passe, en général à cause du coût.
Dans la petite commune de
Saint-Barthélemy-de-Vals, c’est
35 000 euros par an que doit désormais débloquer le maire, dont seulement 8 000 euros apportés par
l’Etat. Pourtant, Pierre Montagne,
élu sous l’étiquette divers droite,
votera également pour Didier
Guillaume, « parce qu’il est proche
des élus et fait avancer les choses ».
Et parce qu’il a « la ruralité chevillée
au corps », comme le répète à qui
veut l’entendre le très enthousiaste jeune maire socialiste de Morasen-Valloire, Aurélien Ferlay.
C’est dans ce village d’environ
600 habitants que le sénateur,
venuinaugurerl’extensiondel’école,delabibliothèqueetduréaménagement d’une rue, livrera sa plus
belle ode à la ruralité de la journée :
« C’est dans nos villages que l’on se
parle, que l’on se retrouve, et que le
vivre-ensemble se passe aussi
bien.» Numéros deux et trois sur sa
liste, Marie-Pierre Monier et Bernard Buis sont les maires de communes de respectivement 1 100 et
56 habitants.
Il n’y a qu’une chose dont il est
finalement assez peu question
dans le discours tenu par
M. Guillaume à ses électeurs : le
Sénat. A peine rappelle-t-il qu’il est
candidat pour le présider, dans le
cas – très peu probable – où celui-ci
resterait à gauche. p
Hélène Bekmezian
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france
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
Gauche et droite à l’unisson contre les djihadistes
La loi antiterroriste, débattue à l’Assemblée nationale les 15 et 16 septembre, renforce fortement l’arsenal législatif
aaa Suite de la première page
Le texte s’articule autour de quatre mesures fortes, qui répondent
aux différents aspects de l’évolution de la menace. L’« interdiction
administrative de sortie du territoire », prévue par l’article 1, vise à
entraver le nombre exponentiel
de départs de jeunes Français vers
les zones de djihad. Il pourrait
théoriquement concerner quelque 200 personnes.
Avec 349 combattants, la France est aujourd’hui le premier
contributeur du contingent européen présent en Syrie, et la tendance ne fait que s’accentuer. Depuis
le début de l’année, le nombre de
Français « impliqués » dans une
Avec349combattants,
laFranceest
lepremier
contributeurdu
contingenteuropéen
présentenSyrie
filière djihadiste a crû de 75 %, passant de 550 à 950, et « le chiffre
aura doublé dans un an si on ne
faitrien », assure-t-on dans l’entourage du ministre.
Afin de sanctionner plus durement les recruteurs de ces candidats au djihad, l’article 4 prévoit de
déporter de la loi sur la presse vers
le code pénal les délits de « provocation à la commission d’actes terroristes» et d’« apologie du terrorisme ». Pour le gouvernement, le
« djihad médiatique » ne se résume plus à un « usage abusif de la
liberté d’expression » : il constitue
un acte terroriste à part entière.
La création d’un délit d’« entre-
prise terroriste individuelle », prévu par l’article 5, vise à combler les
failles du délit d’« association de
malfaiteurs en relation avec une
entreprise terroriste », au cœur de
l’arsenal antiterroriste depuis
1996. Il s’agit cette fois de poursuivre plus efficacement les passages
à l’acte d’individus isolés, comme
l’auteur présumé de la tuerie du
Musée juif de Bruxelles du 24 mai,
Mehdi Nemmouche.
Cette mesure avait été écartée il
y a deux ans par le prédécesseur de
Bernard Cazeneuve, Manuel Valls,
lors de la rédaction de la première
loi antiterroriste de la mandature,
votée en décembre 2012. Le juge
antiterroriste Marc Trévidic
dénonçait alors une « judiciarisation massive » coupable d’engorger la « machine judiciaire ». La justice antiterroriste est actuellement saisie d’une soixantaine de
procédures impliquant plus de
300 personnes.
Mais le magistrat a récemment
changé d’avis, et les responsables
politiques ont convenu qu’il fallait « boucher les trous dans la
raquette », comme l’explique Loïc
Garnier, responsable de l’Unité de
coordination de la lutte antiterrorisme : « Dans certaines affaires, il
fallait tordre le texte sur l’association de malfaiteurs. Ce sera plus carré avec la nouvelle loi. »
Si ces trois articles font l’objet, à
quelques voix dissonantes près,
d’un large consensus, une mesure
concentre à elle seule les tensions
d’unepartie des élus de la majorité.
Le blocage administratif de sites
Internet prônant le terrorisme est
la seule disposition du projet de loi
à être visée par des amendements
de suppression, l’un déposé par
huit députés socialistes, l’autre par
quatre députés écologistes.
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Quatre dispositions-clés
L’article 1er prévoit une interdiction administrative de sortie du
territoire de six mois, renouvelable indéfiniment, lorsqu’il existe
des « raisons sérieuses » de penser qu’un individu projette de participer à des activités terroristes
à l’étranger, susceptibles de le
conduire à porter atteinte à la
sécurité publique à son retour. Il
se verra retirer son passeport et
sa carte nationale d’identité
contre un récépissé. Et pourra
contester cette interdiction
devant un juge administratif.
L’article 4 sort du périmètre de la
loi sur la presse les délits de « provocation aux actes de terrorisme » et d’« apologie du terrorisme », et les intègre dans un article
spécifique du code pénal, considérant qu’il ne s’agit pas « d’abus de
la liberté d’expression (…) mais de
faits qui sont directement à l’origine d’actes terroristes ».
Photo publiée sur le compte Facebook de Mourad Fares, un Français soupçonné d’être un recruteur
du djihad en Syrie. Arrêté mi-août en Turquie, il a été mis en examen jeudi 11 septembre. E-PRESSPHOTO
Une résistance résiduelle, mais
compréhensible, car cet article est
la réplique d’une mesure qui avait
fait bondir l’ensemble des députés
PS, alors dans l’opposition, lors de
l’examen de la loi sur la sécurité
intérieure (Loppsi 2) en 2011 : le blocage des sites pédopornographiques. Jugeant cette mesure « inefficace » et « contre-productive », les
parlementaires socialistes avaient
à l’époque saisi le Conseil constitutionnel. « Vouloir bloquer les sites
pédopornographiques en bloquant l’accès à Internet revient à
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vouloir bloquer des avions en plein
vol en dressant des barrages routiers au sol », avaient-ils clamé lors
des débats en séance. Ce même dispositif ne déclenche plus guère
aujourd’hui les passions que
d’une poignée d’élus de tous bords
spécialisés dans les problématiques de l’économie numérique.
« Le clivage traditionnel sur les
questions touchant au terrorisme
et aux libertés individuelles s’est
déplacé : il n’est plus réductible à
l’opposition gauche-droite, explique un député de la majorité. Il
existe dans l’Hémicycle une opposition idéologique entre une majorité de députés conscients de l’urgence de la menace mais relativement
ignorants du fonctionnement du
Net, et une minorité de techniciens
trop attachés à la liberté du Web
pour consentir à la rogner face au
danger. » Un glissement d’autant
plusnaturel que la propagande djihadiste s’est en grande partie réfugiée ces dernières années vers la
sphère numérique, lieu de toutes
les libertés et de tous les dangers.
Pour le président socialiste de la
commission des lois, Jean-Jacques
Urvoas, opposé il y a encore quelques mois au blocage des sites
pédopornographiques et à la création d’un délit d’« entreprise individuelle terroriste », l’exercice du
pouvoir a agi comme un puissant
révélateur pour les socialistes portés aux responsabilités : « Nous
avons accès à des informations que
nous n’avions pas dans l’opposition », résume-t-il.
Aux yeux du rapporteur Sébastien Pietrasanta, ce dépassement
du clivage partisan est avant tout
la conséquence de l’intensification du risque d’attentat, alimentée par la proximité du théâtre de
guerre syrien et la professionnalisation de la propagande en ligne :
« Il n’y a pas d’évolution idéologique au PS. Ce qui a évolué depuis
2012, c’est la menace terroriste. » p
Soren Seelow
L’article5 crée un délit d’entreprise terroriste individuelle défini
comme le fait, lorsqu’un individu
est en relation avec une entreprise terroriste, « de détenir, de
rechercher, de se procurer ou de
fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Cette intention
devra être matérialisée par un
des éléments suivants : repérages ; formation au maniement des
armes, à la fabrication d’engins
explosifs ou au pilotage ; consultation habituelle de sites Internet
incitant au terrorisme.
L’article 9 permet aux autorités
de demander à un éditeur ou à un
hébergeur Internet de retirer un
contenu incitant au terrorisme ou
en faisant l’apologie sous 24 heures. Passé ce délai, le blocage du
site pourra être demandé aux
fournisseurs d’accès. Une personnalité désignée par la CNIL, chargée de contrôler le processus,
sera habilitée à donner ses recommandations. En cas de désaccord, elle pourra saisir la justice
administrative.
Le blocage des sites Internet critiqué pour
son inefficacité et ses effets collatéraux
UN ARTICLE du projet de loi présenté par le ministère de l’intérieur cristallise à lui seul le débat
dans les rangs de la majorité. Il
s’agit de l’article 9, qui prévoit le
blocage administratif des sites
Internet incitant aux actes de terrorisme ou en faisant l’apologie.
Le texte permet aux autorités
administratives de demander à
l’éditeur ou à l’hébergeur d’un site
Internet de retirer un contenu illicite sous 24 heures. Passé ce délai,
le blocage du site pourra être
demandé aux fournisseurs d’accès (FAI). Pour des raisons d’efficacité, le gouvernement a opté pour
le blocage administratif, au détriment du recours classique à un
juge, tel que la loi le prévoit déjà.
Sur les 122 sites djihadistes
répertoriés par la plate-forme Pharos de signalement des contenus
illicites sur Internet, une bonne
dizaine de sites francophones
pourraient être concernés par cette mesure, selon un haut responsable de la lutte contre le terrorisme.
Mais sur le plan technique, ce
dispositif est un véritable cassetête, quelle que soit la solution utilisée. Les FAI peuvent en premier
lieu procéder au blocage des adresses IP, sans lesquelles il est impossible de trouver un site sur le
réseau. Cette méthode pose plusieurs problèmes : beaucoup de
petits sites se partagent un seul et
même serveur et donc une uni-
que adresse IP. Dans ce cas de figure, de nombreux sites licites pourront être les victimes collatérales
du blocage d’un site.
Une alternative peut être celle
du blocage dit « DNS ». Les serveurs DNS (pour « Domain Name
Server ») sont les annuaires d’Internet, ce sont eux qui transforment une adresse URL (Google.fr)
en adresse IP. Lorsqu’un internaute saisit dans son navigateur l’URL
d’un site bloqué, son FAI peut ainsi lui opposer une fin de non-recevoir. Là aussi cette technique comporte des limites : elle oblige à bloquer l’intégralité d’un site (y compris s’il contient du contenu licite).
Dispositifs contournables
Une troisième technique
consiste à faire inspecter par les
FAI le contenu des pages qu’ils
délivrent à leurs clients. Cela
implique à la fois l’installation de
dispositifs extrêmement intrusifs
et coûteux et fait courir une menace pour la stabilité du réseau.
Outre le risque de bloquer des
sites qui ne devraient pas l’être,
ces dispositifs sont très facilement contournables, à la fois par
leurs tenanciers et par leurs visiteurs. Un risque souligné dès 2011
dans un rapport des députées Laure de La Raudière (Eure-et-Loir,
UMP) et Corinne Erhel (Côtes-d’Armor, PS).
En raison de ces différents
écueils, cette mesure phare du projet de loi a été fraîchement
accueillie par les députés, de droite
comme de gauche, siégeant au
sein de la commission droits et
libertés à l’âge du numérique. Lors
d’un colloque organisé le 10septembre, Guillaume Poupard, le
directeur de l’Anssi, l’organisme
chargé de la sécurité informatique
de l’Etat, a lui-même expliqué être
«très réservé sur ces mesures d’un
point de vue technique». Des amendements supprimant le blocage
administratif ont été déposés par
plusieurs députés, principalement
écologistes et socialistes.
Internet constitue également
un bon moyen de repérer et de suivre les candidats au djihad. Le blocage risque donc de priver les services d’une partie de leurs
moyens. Au ministère de l’intérieur, on assure qu’un arbitrage
sera fait entre l’intérêt des services de maintenir des sites en ligne
et le danger qu’ils font peser sur
les Français.
L’argument de l’inefficacité et
des effets collatéraux est balayé
par le rapporteur (PS) du projet de
loi à l’Assemblée, Sébastien Pietrasanta : « On ne peut pas laisser les
pouvoirs publics interdire un spectacle et laisser une vidéo de décapitation sur Internet, c’est de l’ordre
de la volonté politique. » p
Martin Untersinger
LE PROGRAMME
SAMEDI 20 SEPTEMBRE 2014
OPÉRA BASTILLE
DIMANCHE 21 SEPTEMBRE 2014
AMPHITHÉÂTRE
10 H 00 – 11 H 20
COMMENT ÊTRE DISSIDENT AUJOURD’HUI ?
Table ronde avec Liao Yiwu - Svetlana Alexievitch
animée par Nicolas Truong
12 H 00 – 12 H 50
CONVERSATION AVEC JACQUES-ANTOINE GRANJON
14 H 00 – 15 H 20
L’EUROPE DE DEMAIN
Table ronde avec Heinz Wismann- Sylvie Goulard - Ian Buruma - Daniel Cohn-Bendit
animée par Nicolas Weill
16 H 00 – 17 H 20
INFORMER LE MONDE DEMAIN, UNE PRESSE SANS PAPIER
Table ronde avec Jill Abramson - Paul Steiger - Antonio Caño
animée par Sylvie Kauffmann
18 H 00 – 18 H 50
CONVERSATION AVEC MIKHAÏL KHODORKOVSKI
animée par Piotr Smolar
STUDIO
9 H 30 – 10 H 50
LA BEAUTÉ MONDIALISÉE
Table ronde avec Jean-Paul Agon - Farida Khelfa - Georges Vigarello
animée par Michel Guerrin
11 H 30 – 12 H 50
L’INNOVATION, FACTEUR DE PROGRÈS
Table ronde avec Bernard Salha - Laurent Alexandre Dominique Méda - Hélène Langevin - Cédric Villani
animée par Annie Kahn
14 H 00 – 15 H 20
ENTREPRISE, LE BIG BANG NUMÉRIQUE
Table ronde avec Stéphane Richard - Alain Lévy - Christine Balagué Alexandre Bompard - Stéphane Distinguin
animée par Vincent Giret
16 H 00 – 17 H 20
LA SANTÉ, MAIS À QUEL PRIX ?
Table ronde avec Thierry Beaudet - Jean-Claude Ameisen - Martin Hirsch - Jean-Paul Moatti
animée par Cécile Prieur
18 H 00 – 18 H 50
10 H 00 – 11 H 20
RÉINVENTER L’ÉDUCATION
Table ronde avec Marc Prensky - François Taddéi
animée par Maryline Baumard
12 H 00 – 12 H 50
SÉANCE À CONFIRMER
Intervenants à confirmer
14 H 00 – 14 H 50
CONVERSATION AVEC MANUEL VALLS
animée par Thomas Wieder
15 H 30 – 16 H 20
LA POLITIQUE À LIVRE OUVERT
Confrontation avec Christiane Taubira - Virginie Despentes
animée par Jean Birnbaum
17 H 30 – 18 H 20
FOOT CONTRE RUGBY : QUEL SPORT ROI POUR DEMAIN ?
Confrontation avec Raymond Domenech et Mourad Boujdellal animée par Stéphane Mandard
10 H 00 – 10 H 50
CONVERSATION AVEC DIÉBÉDO FRANCIS KÉRÉ
animée par Frédéric Edelmann
11 H 30 – 12 H 50
D’OÙ VIENDRA LA PROCHAINE CRISE ?
Table ronde avec Emmanuel Roman - Jean-Pierre Mustier - Hélène Rey
animée par Marc Roche
14 H 30 – 15 H 20
SÉANCE À CONFIRMER
Intervenants à confirmer
16 H 00 – 16 H 50
CONVERSATION AVEC ALAIN BADIOU « COMMENT VIVRE SA VIE ? »
animée par Nicolas Truong
17 H 30 – 18 H 50
LES PRODUCTEURS DE CINÉMA, VERSION FRANÇAISE
Table ronde avec Pierre-Ange Le Pogam - Anne-Dominique Toussaint Edouard Weil - Olivier Wotling
animée par Thomas Sotinel
LES MUTATIONS DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Confrontation avec Jean-Pierre Bourguignon et Mathias Fink
animée par David Larousserie
SAMEDI 20 SEPTEMBRE 2014 // GRANDE SALLE // 20 H 30
LE MONDE EN SCÈNE CONCEPTION ET MISE EN SCÈNE DE ROBERT CARSEN
PALAIS GARNIER
SAMEDI 20 SEPTEMBRE 2014
9 H 00 – 9 H 50
LES MÉTAMORPHOSES DE LA FAMILLE
Confrontation avec Irène Théry - Xavier Lacroix
animée par Anne Chemin
10 H 30 – 11 H 50
COMMENT RÉPONDRE À L’URGENCE ÉCOLOGIQUE ?
Table ronde avec Valérie Masson - Eric Piolle - Thierry Salomon
animée par Stéphane Foucart
13 H 00 – 13 H 50
CONVERSATION AVEC AKHENATON
animée par Jean Birnbaum
14 H 30 – 15 H 20
CONVERSATION AVEC BENJAMIN MILLEPIED
animée par Rosita Boisseau
16 H 00 – 16 H 50
CONVERSATION AVEC ERRI DE LUCA
animée par Raphaëlle Rérolle
DIMANCHE 21 SEPTEMBRE 2014
10 H 00 – 11 H 20
POURRA-T-ON ENCORE CROIRE EN DIEU ?
Table ronde avec Jean-Luc Marion - Gilles Kepel - Thomas Römer - Delphine Horvilleur
animée par Nicolas Weill
12 H 00 – 12 H 50
CONVERSATION AVEC EDGAR MORIN
animée par Nicolas Truong
13 H 30 – 14 H 50
LA GASTRONOMIE DE DEMAIN
Table ronde avec Thierry Marx - Carlo Petrini - Olivier Roellinger - Gilles Fumey
animée par JP Gené
15 H 30 – 16 H 50
UN MONDE D’ENTREPRENEURS
Table ronde avec Jean-Marc Borello - Frédéric Mazzella - Bruno Bonnell - Rania Belkahia
animée par Philippe Escande
17 H 30 – 18 H 20
CONVERSATION AVEC DANIEL BARENBOÏM
animée par Marie-Aude Roux
À L’OLYMPIA
MARDI 23 SEPTEMBRE 2014 // 19 H 30
CONCERT CHRISTINE AND THE QUEENS // JEAN-LOUIS MURAT // ARNAUD FLEURENT-DIDIER ET UN ARTISTE SURPRISE EN PREMIÈRE PARTIE
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10
0123
france
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
En banlieue, la colère contre
la «trahison» de Hollande
Le sentiment domine que le Parti socialiste ne tient pas ses promesses.
Une coordination citoyenne s’est créée pour peser dans le débat politique
Reportage
O
n n’avait pas voté pour ça. »
A la sortie de la toute nouvelle agence Pôle emploi
de Clichy-sous-Bois (Seine-SaintDenis), inaugurée en février, la
réaction est unanime. Comme un
cridu cœur. En cette rentrée délétèrepour le gouvernement etassassine pour le président de la République, elle résume bien le ressentiment des habitants de cette ville
de banlieue de gauche, qui avaient
voté massivement pour François
Hollande (72 % au second tour).
Deux ans après l’élection présidentielle, la désillusion politique
est profonde dans les cités. Les 6 et
7 septembre, à Nantes, 150 organisations de quartier, collectifs
contreles discriminations,associations culturelles, épaulés par des
centres sociaux, des sociologues et
desurbanistes,ont créélacoordination citoyenne « Pas sans nous »,
sorte de syndicat des banlieues,
bien décidés à s’imposer dans les
conseils citoyens mis en place par
la loi Lamy sur la ville.
A Clichy-sous-Bois, devant le
petit immeuble neuf situé à deux
pas du quartier du Chêne-Pointu,
Karim Lefevre, grand gaillard de
26 ans, qui cherche un emploi de
cuisiner, résume : « C’est la même
chose que sous Sarkozy mais en
pire car il y a plus de chômage ! »
Lui a voté Hollande, mais c’est la
dernière fois : « A part faire la
guerre, qu’est-ce qu’il a fait ? Rien
pouraméliorer la vie des gens», justifie-t-il.
« Il avait pourtant promis de faire des jeunes sa priorité, de sortir de
la crise, on n’a rien vu de tout ça »,
glisse Fouad Mekrouk, 18 ans et
son bac pro en poche. Olivier
Klein, maire PS, reconnaît que le
sentiment de défiance et la colère
n’ont jamais été aussi forts. Tout
comme son adjoint à la politique
de la ville, Mehdi Bigaderne, selon
qui « les habitants n’attendent plus
rien, c’est le désespoir ».
Dans cette ville symbole des
banlieues déshéritées et reléguées
«Hollande n’a même
pas eu le courage de
poserle débat du droit
de vote des étrangers»
Nassim Lachelache
adjoint à la politique de la ville
à Fontenay-sous-Bois
du « 9-3 », le gouvernement a pourtant mis le paquet. Aucune commune n’a autant attiré les faveurs
officielles : deux visites présidentielles, une de Jean-Marc Ayrault,
six des deux derniers ministres de
la ville… A chaque fois, des crédits
sont annoncés, des postes promis
et de nouveaux chantiers engagés.
En dix ans, le visage de la ville
s’est métamorphosé avec son centre-ville profondément rebâti, des
petits immeubles pimpants sur le
plateau, un centre social tout neuf,
un collège… La municipalité se
démène aussi pour réhabiliter ses
copropriétés dégradées ou ouvrir
une maison de santé.
Mais le quotidien ne s’améliore
pas et l’urgence sociale n’a jamais
été aussi prégnante : le chômage
atteint 40 % dans certains quartiers, la pauvreté s’accroît. Le
constat se répète dans toutes les
zones urbaines sensibles de l’Hexagone. Le fossé entre ce peuple des
banlieues et leur champion semble
désormaisbéant. Et del’amertume,
on est passé à la colère et à la rage.
Nicky Tremblay, fondatrice de
l’association Dell’Arte à Toulouse,
n’attendait pas grand-chose des
socialistes. Elle a déjà connu la gauche au pouvoir, les années Mitterrand et ses promesses oubliées.
Mais elle s’était mobilisée pour
que Nicolas Sarkozy s’en aille, pensant que, au moins, la situation
sociales’améliorerait.«Ily aun sentiment de trahison général. Avec la
crise, le chômage, on est en train de
broyer des générations entières et
personne ne fait rien. Les jeunes ont
la haine, ils pètent les plombs »,
explique cette éducatrice de 55 ans.
« On a l’impression que le changement, pour nous, c’est jamais »,
renchéritNabil Koskossi, responsable d’un collectif d’habitants à Sarcelles (Val-d’Oise). Pour Yasmina
Abid, responsable de la scop nantaise Les Petites Mains, « c’est un
gouvernement qui manque
d’audace, on l’a vu avec l’abandon
du droit de vote des étrangers ». La
M. Hollande en campagne à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 7 avril 2012. OLIVIER CORET POUR « LE MONDE »
jeuneentrepreneuse résumele ressentiment général. Cette vieille
revendication demeure le totem
politique des quartiers, toutes
générations confondues.
Le renoncement du gouvernementàcettepromesse aacté larupture, entend-on en boucle d’une
banlieue à l’autre. Plus encore que
l’abandon du récépissé lors des
contrôles policiers. « Hollande n’a
même pas eu le courage de poser le
débat. Alors droite-gauche, qu’estce que ça signifie maintenant ? »,
grince Nassim Lachelache, adjoint
au maire de Fontenay-sous-Bois
(Val-de-Marne). « Ils n’ont fait que
traiter des sujets bling-bling comme le mariage pour tous. C’était
pasunepriorité», ajoute M.Koskossi, qui avait pourtant fait campagne pour le candidat Hollande.
La loi autorisantle mariage pour
les homosexuels n’est décidément
pas digérée dans les banlieues. «S’il
avait fait voter le droit de vote aux
étrangers, cela aurait fait la balance. Il joue sur le tableau de l’égalité
des sexes mais pour ceux qui sont
stigmatisés à cause de leurs origines, rien », s’énerve Moussa Camara, président d’une association de
quartier à Cergy (Val-d’Oise).
Même ceux qui s’étaient engagés aux côtés du PS pour la présidentielle, et qui ont longtemps préconisé l’indulgence à l’égard de la
gauche, sont pleins de rancœur.
Les plus jeunes sont les plus virulents, « dégoûtés d’avoir voté Hollande ». « Il a détruit le rêve d’une
génération, assure Karim Ziabat.
Quand il dit aujourd’hui que les
pauvres, c’est sa “raison d’être”, il
fait ricaner. C’est inaudible. » On ne
les y reprendra plus à voter PS,
répètent-ils. Ils ne veulent plus lui
servir de « réservoir de voix ». « Moi
qui allais chercher les jeunes pour
aller voter, je n’irai plus », lâche
Daniel, militant d’un collectif
jeune du quartier la Roseraie à
Angers. Cet ouvrier métis d’une
usine alimentaire assure qu’« un
point de non-retour a été atteint ».
« Même si c’est Hollande contre Le
Pen, je ne me lève pas », lance de
son côté M. Camara.
Comme des centaines d’autres,
ces militants de quartier ont la certitude de refléter l’esprit des habitants qu’ils côtoient : ils n’attendent plus rien des pouvoirs
publics,du PS, de la politique. Comme le résume Laetita Nonone, de
Villepinte (Seine-Saint-Denis) :
« La désillusion s’est transmise
d’une génération à une autre. » p
Sylvia Zappi
Forte contestation à droite après
la suppression des bourses au mérite
Des maires annoncent leur intention de financer eux-mêmes
des aides. Un collectif d’étudiants a déposé une requête au Conseil d’Etat
2014
Emmanuel Carrère
L/ Roy.um/
pRix LittéRaiRe
F
ace à la grogne soulevée par la
suppression des bourses au
mérite versées aux bacheliers
titulaires d’une mention très bien,
la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a dû
monteraucréneau jeudi 11 septembre pour défendre l’idée que ce dispositif était «moins efficace» pour
«la réussite du plus grand nombre »
qu’une augmentation du nombre
de boursiers. Mardi 9 septembre,
un collectif d’étudiants avait déposé une requête devant le Conseil
d’Etat. Et quelques maires ont fait
connaître leur intention de reprendre à leur charge le versement de
cette bourse au mérite.
Annoncée en 2013, la suppression de l’aide au mérite a été confirmée par la publication d’une circulaire le 24juillet 2014.Cette subvention, créée sous le gouvernement
de Lionel Jospin (1997-2002), a été
généralisée par un décret de 2008
sous le gouvernement Fillon
(2007-2012). Elle bénéficiait à quelque 8 000 étudiants par an, ceux
ayant décroché au moins 16 sur 20
au bac et touchant une bourse sur
critères sociaux. L’aide de
1800 euros par an était renouvelable jusqu’en master en fonction
des résultats du jeune.
Ce soutien financier « n’est pas
efficace », justifie Geneviève Fioraso, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur. « Depuis la création de l’aide, la part de bacheliers
avec mention très bien est passée de
3 % à 12 %. Mais, parmi eux, la part
de boursiers sociaux n’a pas bougé.
Cela montre bien que cette bourse
n’a pas eu d’effet levier », souligne-t-elle.
Le gouvernement a donc décidé
de basculer les 39 millions d’euros
que représente la bourse au mérite
dans le budget des aides sociales à
touslesétudiants.Car«lebut, explique Mme Fioraso, c’est que de plus en
plus de jeunes issus de milieux défa-
vorisés poursuivent leurs études ».
Et la secrétaire d’Etat de rappeler
que 458 millions d’euros ont été
dégagés sur deux ans pour soutenir les étudiants les plus modestes.
La suppression de l’aide fait
vibrer une corde sensible : la méritocratie républicaine. Pour la droite, c’est une valeur cardinale, qui a
inspirébeaucoupdes mesureséducativesdeNicolasSarkozy.EricCiotti, maire de Nice et président UMP
duconseilgénéraldesAlpes-Maritimes, a annoncé, le 8 septembre,
qu’illaprendrait àsachargeàlaplace de l’Etat. D’autres élus feront de
même, comme Brigitte Barèges,
maire UMP de Montauban, et Pierre-Henri Dumont, maire UMP de
Marck (Pas-de-Calais).
«C’est une volonté
d’égalitarisme
forcené, le rejet
par une certaine
gauche de toute
forme de mérite»
Eric Ciotti
maire UMP de Nice
M. Ciotti dénonce « une volonté
d’égalitarisme forcené, le rejet par
une certaine gauche de toute forme
de mérite». Un argument non recevable pour Mme Fioraso : « C’est un
faux débat totalement instrumentalisé, s’agace-t-elle. Nous n’avons
rien contre le mérite ! Je rappelle que
nous avons décidé de réserver aux
10% desmeilleurs bacheliersde chaque lycée une place dans les voies
sélectives du supérieur. »
Autre angle d’attaque : la droite
relève le caractère dérisoire de la
redistribution des aides. « On va
empêcher 8 000 étudiants de poursuivre leurs études pour revaloriser
de 15 euros par an l’ensemble des
bourses ! », s’est insurgé M. Ciotti
sur Twitter le 10 septembre.
Guillaume Thomas, 15 ans, fait
partie des 8 000 jeunes concernés.
Bachelier depuis juin, il comptait
sur cette aide pour financer ses études en prépa à hauteur d’un tiers.
«Quand on a appris la suppression,
on a eu un moment de flottement,
confie Christelle Thomas, sa mère.
On s’est vraiment posé la question
de son orientation. »
C’est ce désarroi, rapporté par la
presse locale, qui a convaincu
Mme Barèges d’agir. La maire de
Montaubanadécidé depuiser dans
le budget qui sert à aider les jeunes
à passer le permis de conduire,
quelque 100 000 euros, pour
financer une bourse au mérite
locale. Eric Ciotti, lui, met entre
130 000 et 150 000 euros sur la
table, prélevés sur les subventions
jusque-là versées à des services
publics spécialisés dans la documentation pédagogique et l’orientation.
Le maire de Marck n’a pas ces
moyens. Mais Pierre-Henri
Dumont souhaite faire un geste.
Les 19 bacheliers méritants de sa
commune recevront « 150 à
200 euros par an » pour les aider à
poursuivre leurs études. L’idée
n’est pas de soulager l’Etat d’une
dépense, mais de faire pression
pour qu’il la rétablisse. « Je prends
cette initiative pour essayer de faire revenir le gouvernement sur sa
décision », souligne Eric Ciotti.
Aidépar l’UNI, organisation étudiante de droite, le collectif « Touche pas à ma bourse, je la mérite »,
fourbit d’autres armes. Leur pétition rassemble près de
10 000 signatures. Le collectif a
également introduit une requête
devant le Conseil d’Etat. Il estime
en effet qu’une circulaire ne peut
abroger un dispositif prévu par un
décret, qui a une valeur juridique
supérieure. p
Benoît Floc’h et Emma Paoli
culture 11
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
En Ecosse, le rock plus que jamais indépendant
De Franz Ferdinand à BelleandSebastian, les musiciens locaux soutiennent majoritairement le oui au référendum
Musique
qu’un nous dise ce qu’il fallait faire.
Nous sommes restés à Glasgow, et y
avons fait de la musique. C’est là
que les gens sont venus à nous. »
Dimanchesoir,lesEcossaisécouteront Franz Ferdinand, dont la
chanson Take Me Out (2004) a fait
le tour du monde. Si les membres
du groupe ne souhaitent pas s’exprimer dans les médias sur le référendum, leur soutien à l’indépen-
F
ranz Ferdinand, Mogwai, Frightened Rabbit : c’est avec
ces prestigieuses têtes d’affiche que le camp du oui à l’indépendance de l’Ecosse joue sa dernière
carte dimanche 14 septembre : celle du rock. Quatre jours avant le
scrutin du 18 septembre, alors que
l’écart entre le oui et le non se resserre dans les sondages, A Night
for Scotland (Une nuit pour l’Ecosse), concert de soutien à l’indépendance, vise à emporter le vote des
indécis, et à galvaniser les autres.
Pour 15 livres sterling (environ
19 euros), debout dans la plus grosse salle de spectacles d’Edimbourg,
le Usher Hall, près de 3 000 spectateurs pourront assister à une dizaine de prestations. « C’est davantage un meeting musical qu’un
concert », commente l’organisateurde lasoirée,Tommy Sheppard,
qui affirme avoir vendu toutes les
places en quarante-huit heures.
Certes,les partisans dunon peuvent se targuer de compter dans
leurs rangs un Rod Stewart, une
Susan Boyle ou encore une Annie
Lennox (même si la chanteuse
d’Eurythmics,quin’estpasrésidente écossaise, ne pourra pas voter,
pas plus que Rod Stewart, qui a
quitté la Grande-Bretagne en 1975
pour des raisons fiscales). Mais que
dire des autres ? Comment expliquer que cette scène rock écossaise
des années 1980 et 1990, de Belle
and Sebastian à Franz Ferdinand
en passant par Mogwai ou The
Vaselines, se prononce très majoritairement pour le oui ?
Ces musiciens se disent d’emblée hostiles à toute forme de
nationalisme. Stephen McRobbie,
chanteur du groupe pop-rock The
Pastels, se souvient d’avoir été,
dans les premiers temps, particulièrement attentif au discours du
Scottish National Party (SNP, séparatiste) et au message qu’il véhicule. « Je suis contre le nationalisme.
J’ai commencé par être proche du
non, parce que j’associais le oui au
SNP. Mais j’ai changé d’avis. Je me
«Nos députés sont
tous allés à Oxford
ou à Cambridge ; nous
ne nous sentons pas
représentés »
Stephen McRobbie
chanteur de The Pastels
Deux membres du groupe Franz Ferdinand, après un concert en 2005. SOREN SOLKAER STARBIRD/RETNA PICTURES/DALLE
suis rendu compte que la chose
n’était pas forcément politique. »
« Je hais le nationalisme, renchérit
StuartMurdoch, chanteur du groupe de rock indépendant Belle and
Sebastian, qui a fait ses débuts à
Glasgow. Mais à mesure que j’évoquais la question avec mon entourage, je me suis rendu compte que
mes arguments devenaient “proindépendance”. » Frances McKee,
chanteuse du groupe de rock alternatif The Vaselines – dont Kurt
Cobainétait fan –, soutient elle aussi le SNP. Elle s’enthousiasme : « Le
temps du changement est venu. »
Comme les tenants du oui, ces
musiciens rejettent le gouvernement britannique au pouvoir
–d’autant que l’Ecosse vote majoritairement pour le Parti travaillis-
te. On perçoit également dans leur
discours ce sentiment de ne pas
être « entendus ». Stuart Braithwaite, leader de la formation postrock Mogwai, argumente : « Nous
sommes gouvernés par des gens
pour lesquels nous n’avons pas
voté. Il faut dire non au système,
non à Westminster ! »
Pour ces musiciens, généralement issus de milieux ouvriers, le
divorce d’avec Londres est une
façon de dire non à l’establishment, et oui au peuple : « Westminster semble bien loin de l’Ecosse. Nos députés sont tous allés à
Oxford ou à Cambridge ; nous ne
nous sentons pas représentés »,
ajoute Stephen McRobbie, qui se
sent plus proche de certaines villes britanniques à forte culture
première génération à ne pas aller
à Londres. Nous étions obstinés. Fièrement indépendants. Nous étions
contre les traditions, contre l’hégémonie de l’industrie de la musique.
Nous n’avions rien contre Londres
ni contre les Anglais : simplement,
nous ne voulions pas que quel-
ouvrière, telles que « Manchester,
Liverpool, Bristol ».
PourStuart Murdoch, l’indépendance a même commencé dans les
années 1990, lorsque son groupe,
Belle and Sebastian, décide de rester en Ecosse au lieu de faire carrière en Angleterre. « Nous étions la
dance est clair : ils ont joué cet été
derrière une bannière pour le oui,
et, comme les autres formations
invitées, ils se produisent dimanche à titre gracieux. Ilsseront suivis
par le groupe de hip-hop local Stanley Odd et leur chanson Son, I voted
Yes, dont le refrain est sans équivoque : « Fiston, ce sont mes mots/Je
me suis dit que tu voudrais
savoir/Que j’ai choisi le “oui”/Parce
que le “oui” c’est l’espoir. »
Tout aussi optimiste est le ton
de la lettre ouverte pour le oui,
publiée début septembre sur le site
collaboratif National Collective.
Signée par 1 300 artistes écossais
elle se conclut par ces mots: « Nous
votons oui, car nous avons imaginé
un pays meilleur. Désormais, nous
voulons le construire. » p
Johanna Luyssen
“BENOIT JACQUOT FILME L’AMOUR TEL UN THRILLER HITCHCOCKIEN.” TÉLÉ CINÉ OBS
“UN DES SOMMETS DE SA FILMOGRAPHIE.” POSITIF
★★★
★★★★
L’EXPRESS
STUDIO CINÉ LIVE
RECTANGLE PRODUCTIONS
PRÉSENTE
Michel Legrand offre une nouvelle
jeunesse à ses «Parapluies»
Au Théâtre du Châtelet, le compositeur propose une version
symphonique inédite du film de Jacques Demy, avec Natalie Dessay
C
inquante ans après la consécration du film de Jacques
Demy au Festival de Cannes
(Palme d’or 1964), Les Parapluies
de Cherbourg sont à l’affiche du
Théâtre du Châtelet, à Paris, dans
une version inédite. Rien à voir
avec le lifting subi, en 2003, par Les
Demoiselles de Rochefort, au Palais
des congrès. Cette fois, la partition
de Michel Legrand n’a pas connu
d’extensions soumises au goût du
jour mais un simple recadrage
symphonique.
Comme dans le générique du
film, les bois exposent en petit
comité le thème principal de
l’œuvre.Toutefois, jeudi 11 septembre (soir de la première), l’ambiance intimiste est vite rompue. Des
personnages munis de parapluies
entrent gaiement sur le plateau.
Parmi eux, Michel Legrand. Le
compositeur de 82 ans se débarrasse de son imper, lance un baiser à
la salle et s’en va diriger l’Orchestre national d’Ile-de-France qui
occupe le fond de scène.
Impossible d’entendre la reprise du thème par les cordes tant
l’ovation du public est longue et
forte. Qu’importe, il réapparaîtra
une bonne douzaine de fois pour
accompagner les méandres amoureux du couple central formé par
Guy (le mécano enrôlé pour la
guerre d’Algérie) et Geneviève (la
jeunette de la boutique de parapluies, qui l’aime mais ne l’attendra pas).
Le parti adopté dans la nouvelle
production du Châtelet fait la part
belle à la musique, sur un plan tant
visuel qu’esthétique. Celle-ci donne le ton et même davantage. Le
style de Michel Legrand, du Bach
mâtiné de jazz, ne se fixe pas autrement que dans la mémoire. Sa
signature, reconnaissable entre
mille, est d’essence volatile.
La délicate mise en espace
conçue par Vincent Vittoz est de
même nature. Elle refuse tout
ancrage et se déploie en usant avec
habileté de décors en noir et blanc
à peine esquissés par le dessinateur Sempé. Là encore, la légèreté à
son meilleur.
Mimiques impayables
Dans ce ballet de panneaux
éphémères actionnés par des
marins au pied dansant (clin d’œil
aux Demoiselles de Rochefort), les
personnages évoluent en apesanteur. Leur présence est avant tout
vocale et le défi qu’ils doivent relever n’est pas mince. Sous cette forme, éminemment séduisante, Les
Parapluies de Cherbourg inaugurent un genre indéfini et autonome. Ni adaptation de film ni ersatz
d’opérette et, encore moins, de
comédie musicale. On manque
toutefois d’y basculer lors du
grand duo qui marque la sépara-
tion de Guy et Geneviève, et pas
par la faute de la sonorisation.
La très jeune Marie Oppert
(17 ans) abuse alors d’un phrasé
appuyé qui rend momentanément anonyme son joli travail
d’appropriation du rôle… de Catherine Deneuve. Vincent Niclo lui
oppose un Guy très homogène
mais aussi très « standard ». Natalie Dessay, qui surjoue (surtout
des mains) dans des poses de théâtre de boulevard, heureusement
compensées par des mimiques
impayables, donne la meilleure
voix qui soit à la mère de Geneviève, nuancée, ferme et non datée.
Laurent Naouri incarne, lui, à la
perfection Roland Cassard, le diamantaire qui consent à épouser
Geneviève alors qu’un autre l’a
engrossée. Quant à Louise Leterme (excellente Madeleine, celle
vers laquelle Guy finit par se tourner), elle est le pendant vocal du
Michel Legrand… des années 1960.
Celui de 2014 ne chante pas au Châtelet mais il y provoque une standing ovation. Ses Parapluies ne
sont pas près d’être démodés. p
Pierre Gervasoni
Les Parapluies de Cherbourg. Paroles
de Jacques Demy, musique de Michel
Legrand. Création mondiale de la version symphonique. Théâtre du Châtelet,
1, place du Châtelet, Paris 1er. Jusqu’au
14 septembre. Tél. : 01-40-28-28-40.
chatelet-theatre.com
BENOIT
POELVOORDE
PHOTO : THIERRY VALLETOUX
Spectacle
CHARLOTTE
GAINSBOURG
CHIARA
MASTROIANNI
3COEURS
UN FILM DE BENOIT JACQUOT
AVEC
ANDRE MARCON PATRICK MILLE
SCENARIO JULIEN BOIVENT ET BENOIT JACQUOT PRODUIT PAR EDOUARD WEIL ALICE GIRARD ET COPRODUIT PAR CHRISTOPH FRIEDEL CLAUDIA STEFFEN GENEVIEVE LEMAL
UNE COPRODUCTION RECTANGLE PRODUCTIONS WILD BUNCH PANDORA FILM PRODUKTION SCOPE PICTURES ARTE FRANCE CINEMA ARTE DEUTSCHLAND/ WDR RHONE-ALPES CINEMA
© 2014 RECTANGLE PRODUCTIONS WILD BUNCH PANDORA FILM PRODUKTION SCOPE PICTURES ARTE FRANCE CINEMA ARTE + WDR RHONES ALPES CINEMA CANAL + CINE + SOFICINEMA 10 PALATINE ETOILE 11 CINEMAGE 8 REGION ILE DE FRANCE FILM UND MEDIENSTIFTUNG CNC FILMFORDERUNGSANSTALT
Soficinéma 10
AU CINÉMA LE
17 SEPTEMBRE
CATHERINE
DENEUVE
12
0123
culture
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
«Yerma», intense mais
sans la brûlure de Lorca
Au Théâtre 13, Daniel San Pedro met en scène
la pièce de l’Espagnol, jouée Audrey Bonnet
Théâtre
D
ésormais, le Théâtre 13 a
deuxsallesàParis:celle,historique, du boulevard
Auguste-Blanqui, qui rouvrira le
1er septembre 2016 après sa rénovation, et celle, toute neuve, qui a été
édifiée rue du Chevaleret, sur l’ancien emplacement du Théâtre du
Lierre. C’est là qu’on peut voir Yerma, de Federico Garcia Lorca. C’est
une bonne nouvelle, parce que cette pièce n’est pas si souvent jouée.
Elle date de 1934, se passe en Andalousie et brosse un portrait sans
pitié du monde paysan, verrouillé
par la tradition, le catholicisme et
l’honneur.
Au centre de la pièce, il y a Yerma,ce qui signifie « désert », « stérile ». Mariée depuis deux ans à un
homme que son père a choisi, elle
se languit de l’enfant qui ne vient
pas. Autour de Yerma, il y a Jean,
son mari, qui s’accroche au travail,
et veut que sa femme reste à sa place, dans sa maison. Puis, il y a les
voisines, soumises ou révoltées,
gentilles parfois, souvent affreusement méchantes. Enfin, il y a Victor, le seul homme qui ait fait frissonner Yerma. Mais c’était bien
avant le mariage arrangé.
Dans le programme du spectacle, Daniel San Pedro explique que
Lorca a éprouvé la frustration de
nepouvoir vivre son homosexualité comme il l’aurait voulu, et que
Yerma incarne aussi une frustration: celle d’une femme qui n’arrive pas à s’autoriser à être aimée.
C’est vrai, mais ce qui compte
avant tout dans la pièce, ce sont les
mots pour le dire, ces mots de Lorca si durs, si beaux. Pierreux et
solaires, ils frappent au cœur. On
les entendrait dans leur plénitude
si le spectacle du Théâtre 13 n’était
pas desservi par un plateau sur
lequel il semble flotter.
Longue silhouette
Au centre se trouve une maison.
Autour, rien. Désireux d’échapper
à tout ce qui pourrait rappeler un
folklore andalou et d’ancrer la pièce dans une réalité qui pourrait
être d’aujourd’hui, Daniel San
Pedro joue finement sur la lumière
et les corps.
A Yerma, Audrey Bonnet offre
sa longue silhouette mince, qui
semble, au fil du temps, se dessécher comme un sarment. Impeccable dans ce rôle difficile, elle est
bien accompagnée par Daniel San
Pedro lui-même, en Jean. Les
autres aussi tiennent bien leurs
rôles. Mais on sort du théâtre en se
disantque, malgrésa tenue, lespectacle souffre d’un manque : on n’y
sent pas assezla brûlure de Lorca. p
Brigitte Salino
Yerma, de Federico Garcia Lorca.
Adaptation et mise en scène : Daniel
San Pedro. Avec Aymeline Alix,
Audrey Bonnet, Christine Brücher,
Yaël Elhadad, Stéphane Facco, Juliette
Léger, Daniel San Pedro, Claire
Wauthion. Théâtre 13/Seine, 30, rue
du Chevaleret, Paris 13e. Mardi, jeudi et
samedi à 19 h 30 ; mercredi et vendredi,
à 20 h 30 ; dimanche, à 15 h 30. De 6 ¤ à
24 ¤. Durée : 1 h 15. Jusqu’au 5 octobre.
L’immontrablehorreurdelaCentrafrique
Les photoreporters n’ont pas exposé leurs images les plus atroces à Visa pour l’image
Photographie
Perpignan
Envoyée spéciale
J
’ai rencontré le diable. » C’est
ainsi que Jérôme Delay résume
sa traverséedu conflitcentrafricain. Une phrase qui surprend
dans la bouche de ce reporter
aguerri, chef des photographes de
l’agence Associated Press pour
l’Afrique, rompu aux tragédies.
Mais nulle part ailleurs qu’en Centrafrique, dit-il, il n’a vu d’aussi
près la haine et la vengeance saisir
les foules comme dans une transe
collective. « C’est la première fois
que j’assiste à cette nonchalance
chez les tueurs, capables de découper des gens sous les yeux des photographes comme s’ils n’étaient
pas là. »
Ils sont une petite dizaine de
photoreporters à avoir couvert le
basculement du pays en 2013 et
2014, et restent marqués. Au printemps 2013, la prise du pouvoir
des rebelles musulmans de la Séléka traîne dans son sillage exactions et pillages, poussant les habitants chrétiens à former des milices d’autodéfense. En décembre, le
rapport de force s’inverse : la défaite des nouveaux dirigeants sonne
le signal d’une vengeance aveugle
contre la minorité musulmane du
pays, rendue responsable des troubles passés. Un règlement de
comptes généralisé s’opère, parfois sous les yeux des soldats français et de la force africaine envoyés
sur place.
Les photos de Jérôme Delay ont
été projetées lors du festival Visa
pour l’image, qui a aussi rendu
FOLAMOUR PRÉSENTE
PASSIONNANT
L’Humanité
DRÔLE
Metronews
TOUCHANT
Gala
Le quotidien d’un quotidien.
Comme si vous y étiez.
Les cadavres appartenant à la communauté musulmane de Bangui sont disposés
dans la mosquée Ali Abu Aba. MICHAEL ZUMSTEIN/VU POUR « LE MONDE »
hommage à la jeune photographe
Camille Lepage, tuée en Centrafrique. La manifestation expose, jusqu’au dimanche 14 septembre, le
travail de trois photographes qui
ont passé du temps sur place,
Michaël Zumstein, Pierre Terdjman et William Daniels. Des images sanglantes et éprouvantes, où
les tueurs à machette partent en
chasse le cœur léger, mais qui restent en deçà de ce que les reporters
ont vu – démembrement, émasculation, voire cannibalisme. « J’ai
mis le soft du soft », explique Pierre
Terdjman, qui a titré son exposition « Ils nous mettent mal à
l’aise», reprenant l’expression utiliséepar les populations musulmanes terrorisées.
Le photographe William
Daniels, qui a publié ses photos
dans le magazineTime et retournera sur place grâce à une bourse de
l’agence Getty, parle de la « force de
la rumeur », capable de transporter
des foules entières dans un sens ou
dans un autre : « Nous avons vu des
gens superéduqués, en costumecravate, perdre tout à coup toute
humanité et se transformer en
bourreaux. »
Les photographesont tous résisté à la tentation de publier les images atroces. « Ce sont des scènes que
nous avons photographiées pour
enregistrer les faits, souligne Jérôme Delay. Pas pour les diffuser. »
William Daniels est le seul à avoir
inclu dans son exposition à Perpi-
gnan un corps démembré, la tête à
côté du tronc. Pour Michaël Zumstein, qui a travaillé en Centrafrique pour Le Monde, « l’horreur
détourne le public du sens des photos ». Il a préféré la suggérer, avec
des images élégantes qui jouent
sur la panique dans les regards.
Sur une de ses images, au lieu de
cadrer sur les cadavres alignés, il a
montré les curieux, séparés des
morts par un voile noir qui mange
l’image.
Lesphotographes
ontatténué les scènes
deviolence pour
nepas alimenter
les clichéssur une
Afrique de« sauvages»
Les photographesont aussiatténué les scènes de violence pour ne
pas alimenter les clichés sur une
Afrique de « sauvages » où tout le
monde s’entre-tue. « Le sang n’explique rien », raconte Pierre Terdjman. Il a préféré insister sur les scènes de pillage et la spoliation des
maisons musulmanes : « Cette
volonté de terroriser, voire d’exterminer, une minorité, me rappelle
les violences contre les juifs dans les
années 1930. Beaucoup de musulmans possédaient des boutiques…
ce sont des jalousies très anciennes
qui se sont réveillées. »
A Bangui, les photographes se
sont serré les coudes, travaillant
ensemble, partageant le même
hôtel ou la même voiture. Et outrepassant souvent leur rôle – « Il y a
unmoment oùc’est notre responsabilité en tant qu’être humain qui
est en jeu », explique Michaël
Zumstein. Il évoque une famille
musulmaneencerclée par deschrétiens. « On savait que, dès notre
départ, elle allait se faire massacrer. On est allés voir les militaires
français pour qu’ils les évacuent. »
Confrontés aux tueries et aux
intimidations systématiques, les
musulmans ont finalement fui
par centaines de milliers, dans un
nettoyage ethnique que n’ont pas
réussi à empêcher les forces de
maintien de la paix. Les photographes, qui ont la sensation d’avoir
lancé l’alerte, regrettent que la
mobilisation internationale ait été
si tardive et timide. « C’est comme
si c’était un problème uniquement
français, regrette William Daniels.
Mon agence, qui est britannique,
n’a vendu quasiment aucune image en Grande-Bretagne. » Une
impuissance et une indifférence
souvent plus difficiles à supporter
queles souvenirs des atrocités auxquelles ils ont assisté. p
Claire Guillot
Visa pour l’image. Différents lieux
de Perpignan. Entrée gratuite,
tous les jours, de 10 heures à 20 heures,
jusqu’au 14 septembre.
Un «one-man-Bosnie-show» signé BHL
Jacques Weber ne parvient pas à sauver la pièce de Bernard-Henri Lévy
Théâtre
T
UN FILM DE
CRÉATION :
- PHOTOS : © FOLAMOUR
YVES JEULAND
AVEC DAVID REVAULT D’ALLONNES ARIANE CHEMIN ARNAUD LEPARMENTIER CAROLINE MONNOT DIDIER POURQUERY ÉRIK IZRAELEWICZ RAPHAËLLE BACQUÉ NABIL WAKIM THOMAS WIEDER FLORENCE AUBENAS UN FILM DE YVES JEULAND
MONTAGE LIZI GELBER MUSIQUE ORIGINALE ÉRIC SLABIAK MIXAGE AMÉLIE CANINI ÉTALONNAGE ÉRIC SALLERON COPRODUCTEURS MARIE GENIN ET DAMIEN MAURA PRODUIT PAR FOLAMOUR DISTRIBUTION REZO FILMS VENTES INTERNATIONALES REZO WORLD SALES
WWW.REZOFILMS.COM
/LESGENSDUMONDE
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
outes les tribunes sont bonnes pour Bernard-Henri Lévy
(membre du conseil de surveillanceduMonde). Aprèsunepremière tentative peu concluante en
1992 (la pièce s’appelait Le Jugement dernier, elle avait été mise en
scène par Jean-Louis Martinelli), le
voilà qui revient au théâtre avec
cet Hôtel Europe dont on est sortie
rêveuse, jeudi 11 septembre, à l’issue de la première, où le roi BHL
avait réuni l’ensemble de sa cour,
Arielle Dombasle en tête.
Rêveuse, oui, se demandant
comment la surface médiatique de
certainspersonnages de notre petite comédie intellectuelle française
peut être à ce point inversement
proportionnelle à leur talent. Dans
Hôtel Europe, Bernard-Henri Lévy
se met en scène (Non ? Si…), sous les
traits d’un écrivain qui, cloîtré
dans sa chambre d’hôtel à Sarajevo, a deux heures pour écrire un
discours sur l’Europe, à l’occasion
du centenaire du déclenchement
de la guerre de 1914. Installé devant
son ordinateur, son esprit divague,
passant d’une considération et
d’un personnage à l’autre, pratiquant de manière illimitée le
« name-dropping ».
L’impression de malaise s’installe rapidement, face à ce monologue qui brasse les anecdotes
dénuées de sens, voire sordides
(sur Pamela Harriman, ancienne
ambassadrice des Etats-Unis en
France,ou la sexualité de Silvio Berlusconi), et des considérations certes humanistes, mais d’une banalité confondante sur le destin de
l’Europe.
Cabotinage
Le théâtre a ses lois, même – et
surtout– quandils’agit d’unmonologue et, ici, la pauvreté de l’écriture, son absence totale de pouvoir
performatif,son simplismedénonciateur ne laissent aucune chance
au théâtre d’advenir.
Malaise, aussi, devant la façon
dont BHL met en scène son personnage, chemise déboutonnée sur la
poitrine, sous forme d’une photo
projetée sur l’écran de fond de scène, lors de la guerre en Bosnie, au
début des années 1990. Et malaise
encore plus prégnant, lorsque sont
balancéesauspectateur, sans aucuneréflexion surle statut et l’utilisation de ces images, des photos des
charniers de Srebrenica.
Ne parlons pas de la mise en scène (signée par le metteur en scène
bosniaqueDinoMustafic), indigente, notamment dans sa manière
d’utiliserles technologies d’aujourd’hui, qui sont depuis longtemps
orchestréesavecmaestriapar nombre de troupes de théâtre. Reste Jacques Weber. C’est peu de dire qu’il
« fait le job », dans un cabotinage et
une faconde qui évoquent plus
Michel Galabru qu’André Malraux.
Dansson genre, c’estune performance : le one-man-Bosnie-show.
Qu’il nous soit permis de trouver
cela obscène, en plus d’être boursouflé. p
Fabienne Darge
Hôtel Europe, de Bernard-Henri Lévy.
Mise en scène : Dino Mustafic. Avec
Jacques Weber. Théâtre de l’Atelier,
1, place Charles-Dullin, Paris 18e.
Mo Anvers. Tél. : 01-46-06-49-24. Du
mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à
15 h 30. De 15 ¤ à 39 ¤. Durée : 2 heures.
0123
culture & styles
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
Le coup de matraque de Lloyd Newson
Présenté en ouverture de la Biennale de la danse de Lyon, «John» crée un électrochoc
Gastronomie Saveurs méditerranéennes,
basques et espagnoles au menu du bistrot parisien
La cuisine de «mama»
de «la mère Brazier
de Belleville» au Baratin
A
A la Maison de la danse, à Lyon, le 10 septembre. LAURENT PHILIPPE/DIVERGENCE
Danse
Lyon
D
es histoires d’amour. Des
histoires d’amour de mecs.
C’est cequ’annonçaitle chorégraphe Lloyd Newson, réputé et
apprécié pour sa noirceur et sa crudité rentre-dedans. Alors, à quoi
s’attendait-on vraiment en découvrant, mercredi 10 septembre, en
ouverture de la 16e édition de la
Biennale de la danse de Lyon, John,
son nouveau spectacle pour neuf
danseurs-acteurs ? Sûrement pas à
un thé à l’eau de rose, mais pas non
plus à ce jus sombre, nauséeux, à
avaler cul sec pendant une heure
quinze.
Passé la première gorgée, c’est
ce qu’on a fait sans hésiter (ou presque !), tant le scénario projeté sans
précaution par Newson sur le plateau de la Maison de la danse vaut
comme un électrochoc, rappel violent des marges d’une société qui
fonce dans le mur sans que personne n’en fasse le constat, sauf la
rubrique faits divers. Quelques éléments de ces histoires d’amour
qui font mal partout : viol, brutalité familiale, obésité, drogues, alcool, sida, prison… Rien ne manque
au tableau, véritable coup de
matraque sur la nuque d’un monde nombriliste. Sa virulence et sa
lucidité ont emporté l’adhésion
du public.
John – prénom du personnage
central inspiré par un homme
dont on entend la voix en off à la
fin de la pièce – vaut comme l’histoire d’un survivant qui veut encore croire qu’il trouvera l’âme sœur.
Il s’inscrit dans la lignée des spectacles les plus récents de Newson,
dans le même esprit dénonciateur
comme dans le processus d’élaboration documentaire.
Pour Can We Talk about This ?
(2011-2012), sur le thème de l’islam
et de l’extrémisme en Angleterre,
où vit depuis trente ans cet Australien aujourd’hui citoyen britannique, comme pour To Be Straight
with You (2008), sur l’homophobie,Newson arassemblé des témoignages – une cinquantaine pour
John – qu’il a remixés. Il a pêché ses
interlocuteurs dans un sauna gay
londonien, ce qui nourrit une longue – trop longue – partie du spectacle, et en brise malheureusement l’équilibre.
L’agressivité de ce brûlot, que
l’on imaginerait plus facilement
au cinéma que sur un plateau de
théâtre, trouve une réalisation
spectaculairefine etadéquate, quasi filmique d’ailleurs.
Newson a incrusté sa pièce et
ses éclats de vie dans un plateautournette découpé en multiples
espaces qui fouettent les séquences et les lieux de l’action. Le système de portes ouvertes et fermées
permet de basculer d’un salon à la
chambre en donnant même par-
Une danse des nerfs
qui cherche sa voie
pour sortir de soi
et met ceux du
spectateur à rude
épreuve
fois un effet « split screen » et une
profondeur de champ épatants. Et
toujours ce minimalisme des
décors qui fait surgir une prison
ou un incendie au revers d’un
même mur, cette écriture par
effraction qui saisit et serre le ventre.
La maestria horlogère de la
mise en scène de Lloyd Newson,
avec les exigences spécifiques de
cette tournette qui n’est pas juste
un passe-plat, exige des interprètes ultradoués et d’une imparable
humilité. Surtout quand il faut en
plus jouer et danser sur ce ton très
insolite de fiction-documentaire,
curieusement monocorde, particulier à Newson. Six cents personnes ont auditionné pour le spectacle : quatre seulement ont été retenues, les cinq autres étant déjà des
collaborateurs du chorégraphe.
Le style parlé-dansé de Lloyd
Newson assène ses coups en racontant tranquillement, de façon
dédramatisée,des événements terribles. Il s’adresse au spectateur
comme on récite un texte tout en
gesticulant sans arrêt. Pour John,
le mouvement est cassé, instable,
sec, vivant origami d’un corps mal
dans sa peau, habitué à se plier en
quatre pour résister à tout.
Une danse des nerfs qui cherche sa voie pour sortir de soi et met
ceux du spectateur à rude épreuve, mais c’est très bien comme
cela. Créateur lent mais fécond,
présent en France tous les deux ou
trois ans, Lloyd Newson est un
oiseau trop rare. p
Rosita Boisseau
Biennale de la danse, Lyon, jusqu’au
30 septembre. Tél. : 04-27-46-65-65.
GALERIES
Yves Bélorgey
Galerie Xippas
La Mémé/Architecte/Lucien
Kroll. GALERIE XIPPAS
Quand on se demandera, dans
quelques décennies, quel était le
paysage parisien, on se reportera
à la photographie et au cinéma. Ou à Yves Bélorgey qui,
depuis les années 1990, constate
ce que deviennent les rues, les
façades, les immeubles, leur accumulation. Ses œuvres récentes
rendent compte de l’évolution
des XVIIe et XXe arrondissements,
avec excursion jusqu’à Aubervilliers. Bélorgey photographie,
monte les clichés, puis il dessine
au fusain sur papier ou peint sur
la toile. L’une des conséquences
de ce processus de montage, transposition et agrandissement est
que, sous une apparence de justesse impeccable, l’œuvre recèle
d’insidieuses distorsions de la
perspective, de légères altérations
de l’espace, des brisures imperceptibles des lignes et plans. La géométrie orthogonale qui gouverne
l’architecture, et donc la ville, est à
la fois exaltée et pervertie. Dans
les peintures, Bélorgey use de surcroît de manières distinctes de
poser les couleurs, ce qui accentue le trouble. Les fusains, d’une
vertigineuse adresse, ont un pouvoir de fascination durable. p
Philippe Dagen
La Mémé, la Maladrerie, Bois-le-Prêtre, Spinoza, rue des Pyrénées.
Galerie Xippas, 108, rue Vieille-du-Temple, Paris, 3e. Tél. : 01-40-27-05-55.
Du mardi au vendredi de 10 heures à
13 heures et de 14 heures à 19 heures,
le samedi de 10 heures à 19 heures. Jusqu’au 4 octobre.
Thomas Schütte
Galerie Cahiers d’art
Aquarelle. THOMAS SCHÜTTE/CAHIERS D’ART
On avait pris il y a un peu moins
d’un an (Le Monde du 29 novembre2013) la mesure de l’artiste allemand Thomas Schütte (né en
1954), à l’occasion d’une grande
exposition que lui avait consacré
près de Bâle la Fondation Beyeler :
un des sculpteurs les plus inventifs – parce que parmi les plus
cultivés – de sa génération. Mais à
évoluer d’une citation de la sta-
tuaire antique romaine à une
variation sur le Balzac de Rodin,
on avait négligé les dessins qui y
étaient aussi montrés. La présentation, à la galerie Cahiers d’art, à
Paris, d’une vingtaine d’aquarelles réalisées entre 2012 et 2013, et
d’une série de gravures réunies en
portfolio, mais aussi d’un livre édité aux Cahiers d’art, Watercolors
for Robert Walser and Donald
Young, montre que nous avions
eu tort. Le dessin a chez lui la
même importance et la même
indépendance par rapport à la
sculpture qu’il eut pour Rodin.
Schütte rend ici un hommage
flamboyant et tendre au poète
suisse Robert Walser (1878-1956),
qui donne envie aussi de le lire,
ou de le relire, ce que fit en son
temps Donald Young, un galeriste
de Chicago qui se démena pour
populariser l’œuvre de l’écrivain
auprès des jeunes artistes. p
Harry Bellet
Thomas Schütte. Galerie Cahiers d’art,
14, rue du Dragon, Paris 6e. Tél. :
01-45-48-76-73. Jusqu’au 11 octobre.
Watercolors for Robert Walser and
Donald Young, Editions Cahiers d’art,
114 pages, 68 illustrations.
En anglais et en allemand, 65 ¤.
13
ujourd’hui, on va au bistrot
comme on va au restaurant,
regrette Philippe Pinoteau,
alias « Pinuche », pour les intimes,
patron du Baratin, à Belleville.
Autrefois, on venait sans réserver,
en fumant, le bistrot était un lieu de
vie, il y avait du bruit, du désordre,
des taches de vin sur la nappe et du
plomb dans le gibier… Maintenant,
tout est beaucoup plus réglementé,
protocolaire.»
Du bistrot des origines, Le Baratin, toutefois, a su perpétuer l’esprit viril et fraternel, quitte à froisser certains clients, peu habitués à
ce qu’on leur dise leurs quatre vérités. Tout droit sorti d’une pièce de
Samuel Beckett, dont le portrait
souriant est accroché au mur,
« Pinuche» trône ainsi derrière son
zinc, l’œil aux aguets, scrutant et
humant la salle de son petit théâtre. L’homme passe pour bougon,
mais derrière le masque, c’est un
tendre aux yeux de biche.
Vingt-cinq ans après sa création,
Le Baratin demeure l’un des antres
des vins naturels. « Des vins fragiles, sans intrants, mais qui, pour
moi, expriment parfaitement leur
origine et leur millésime. Quand je
les ai découverts au milieu des
années 1980, se souvient “Pinuche”, ces vins étaient marginaux et
méprisés. »
A l’époque, leur leader en était le
charismatique Marcel Lapierre
(1950-2010), vigneron à Morgon,
dansleBeaujolais,etdiscipledubiologiste Jules Chauvet (1907-1989),
qui lui avait appris à vinifier sans
soufre ni levures industrielles ni
sucre ajouté, à la seule force de ses
raisins, récoltés sains et bien mûrs.
«Maisle premier vin naturelque j’ai
goûté, c’était le poulsard de Pierre
Overnoy à Arbois. Un vin rouge du
Juratrès finetfrais, aussipâleet délicat qu’une groseille. Après l’avoir
bu, je me suis débarrassé de tous les
bordeaux qui encombraient ma
cave!»
Par son refus de l’ordre établi,
son absence de calcul et de concession, Le Baratin s’inscrit naturellement dans l’histoire de Belleville.
Faubourg rouge et rebelle dont les
rues portent encore les noms des
officiers de la garde nationale parisienne qui combattit l’armée prussienne le 30 mars 1814… Bastion de
la Commune et berceau du musichall de la grande époque, Belleville
a trouvé dans Le Baratin l’une de
ses voix, rue Jouye-Rouve, ancien
fief des Arméniens ayant fui la Turquie en 1918…
Mais que serait Le Baratin sans
Raquel Carena ? Avec son chignon
noir et ses yeux malicieux, cette
Argentine de Buenos Aires, haute
comme trois pommes, n’avait
jamais tenu une casserole de sa vie
avant d’arriver ici, « par hasard ».
Surnommée « la mère Brazier de
Belleville » par ses admirateurs,
Raquel délivre une cuisine de
« mama », lente et mijotée. « Au
début, je n’y connaissais rien. J’ai
appris la cuisine française grâce au
livre de Paul Bocuse La Cuisine du
marché, mon livre de chevet. »
De son enfance à Buenos Aires,
ellesesouvientdel’odeurdela braise sur laquelle on faisait griller la
viande de bœuf bien rouge et persillée de la Pampa. « Ici, à Paris, c’est
interdit… » Elle aime par-dessus
toutles saveurs méditerranéennes,
basques et espagnoles : huile d’olive,pimentdelpiquillo,pimentd’Espelette, morue, légumes secs, particulièrement le pois chiche, «le plat
du pauvre », qu’elle associe aussi
bien au poisson qu’aux légumes,
au riz et aux pâtes. L’une de ses
recettes préférées est la soupe de
pois chiches à la morue de SaintJean-de-Luz, avec des tripes gélati-
On traverse Paris
pour les calamars
en ragoût à l’encre
de seiche
et au piment doux
de Raquel Carena
neuses et fondantes, de l’oignon,
du concassé de tomates fraîches,
des herbes et de l’huile d’olive.
Influencée par Olivier Roellinger, à Cancale, Raquel aime aussi la
délicatesse et la magie des jus
légers, des bouillons, des infusions,
des goûts extraits sans réduction, à
l’image de sa nage de langouste
qu’elle rend presque translucide.
Enentrée, onsedélectedesontartare de maigre aux fraises des bois,
aux petits pois et à l’huile d’olive,
maisontraverseParispoursescalamars en ragoût à l’encre de seiche
et au piment doux. On imagine
Raquelnostalgiquedestangosd’AstorPiazzolla,maisellepréfèreécouter Les Oiseaux tristes de Maurice
Ravel : « Mon histoire est française,
désormais.» Pour elle, le problème
des grands chefs, c’est qu’ils sont
dans la compétition : « Ils veulent
démontrer quelque chose, moi, je
pense que l’important, c’est de cuisiner pour les autres. » p
Emmanuel Tresmontant
Le Baratin. 3, rue Jouye-Rouve, Paris
20e. Tél. : 01-43-49-39-70. Menu à 18 ¤
le midi, carte à 50 ¤ le soir.
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0123
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Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
prêt-à-porter new york | printemps-été-2015
Le numérique imprime sa marque
La porosité entre l’univers digital et le monde de la mode est forte dans la cité américaine, ultraconnectée
New York
Envoyée spéciale
F
orêts d’écrans de smartphones en action dans les salles
de défilés, shows à suivre en
ligne sur des plates-formes numériques spécialisées ou les réseaux
sociaux, décors choisis pour leur
« instagramogénie » : Internet a
changé la configuration des
fashion weeks. Cette relation entre
la mode et la high-tech évolue en
continu au rythme des innovations technologiques et des idées
des designers. Et ceux-ci ne se
contentent plus de signer des étuis
pour téléphone ou tablette.
Diane von Furstenberg a dessiné une série limitée de « Google
glasses » des lunettes numériques
qui permettent notamment de
prendre des photos ou de s’orienter. Tory Burch vient de relooker le
bracelet numérique destiné aux
sportives, Fitbit, tandis que le dernier défilé Diesel Black Gold présentait aussi les montres numériques Samsung rhabillées par la
maison.
Ci-contre : Proenza Schouler.
JOHN MINCHILLO/AP
Ci-dessus : Ralph Lauren.
JOSHUA LOTT/AFP
Ci-dessous : Hugo Boss.
KIM WESTON ARNOLD/INDIGITALIMAGES.COM
On assiste
à une démonstration
d’architecture
vestimentaire,futuriste
et intemporelle à la fois
Deux univers esthétiques commencent à dialoguer. Cette porosité est particulièrement forte à
New York, ville ultraconnectée
dont les habitants promènent leur
ordinateur portable aussi naturellement qu’un sac à main.
Le lancement, au milieu de la
Fashion Week, des deux dernières
créations d’Apple (l’iPhone 6 et
une montre connectée) a attiré au
moins autant de monde que les
défilés. Dans ce contexte, il est
naturel que l’esthétique de la hightech finisse par contaminer la
mode. Si l’on ajoute à cela le penchant pour le minimalisme de
nombreux créateurs locaux, l’influence omniprésente de l’architecture contemporaine qui pousse vers le ciel de Manhattan, on
obtient un luxe futuriste, ambiance Bienvenue à Gattaca, mais qui
ne manque ni d’élégance ni de
modernité.
La preuve chez Proenza Schouler, devenue en dix ans une des
marques d’élite de la jeune génération. Longue robe polo contrecollée de python et de cuir blanc,
jupes de peau fluide à taille élastique portées avec la chemise assortie, mosaïques de couleurs abstraites, robe de cuir rainurée de noir
comme une balle de base-ball,
effets franges ou filets : tout est à la
fois évident et radical, chic et dur.
Un mix parfait pour la mode du
futur qui trouve écho chez Calvin
Klein. La ligne dessinée par Francisco Costa, le directeur artistique,
est nerveuse et gracieuse, à condition de ne pas confondre grâce et
fragilité. Une longue tunique
débardeur ou un long manteau
ceinturé de métal sur une jupe
mi-mollet semi-transparente : le
designer parvient à séduire en
jouant sur ce répertoire volontairement restreint. Effets de texture,
mélanges de soie, cuir, Lurex et
cachemire, sandales à plateau verni et cranté au profil sculptural :
on assiste à une démonstration
d’architecture vestimentaire, futuriste et intemporelle à la fois.
Chez Boss, le créateur améri-
cain Jason Wu signe sa deuxième
collection et confirme la réussite
de cette collaboration. Si la marque qui porte son nom décline les
robes de cocktail ultraféminines et
très typées « sortie à l’américaine », son travail chez Boss, temple
de la rigueur germanique, montre
qu’il est aussi capable d’épure radicale mais maîtrisée. Robes chemises aux lignes abstraites, voile de
mousseline sur robe tailleur, broderies en échelle, entre l’algorith-
me et la façade de gratte-ciel : cette
élégance n’est pas complètement
austère.
Cette esthétique néofuturiste
s’exprime toujours mieux dans
des formules tranchées où le point
de vue esthétique est clairement
choisi et exprimé. L’armée des clones de Marc Jacobs ne manque
pas de radicalisme : coupe au carré
à frange sur cheveux noirs pour
tous les mannequins et uniformes
à gros boutons dans une parade un
Andrew appartient à la même école que Manolo Blahnik, élevé au
rang de chausseur culte par la série
« Sex & the City» : celle des allergiques aux grosses semelles.
fait – enfin – une jolie cheville ou
la cuissarde chic qui a emprunté
son nom à une résidence royale britannique, Sandringham (tous les
modèles de la collection hiver portent le nom d’un lieu de GrandeBretagne), Paul Andrew propose
une sorte de vestiaire de pieds
idéal qui réconcilie avec les talons
hauts. p
Paul Andrew, talons à suivre
ARRIVÉ À NEW YORK quinze ans
avant la colonie britannique qui
secoue actuellement la mode américaine (Stuart Vevers chez Coach
et le duo Katie Hillier/Luella Bartley chez Marc by Marc Jacobs), Paul
Andrew est en train de devenir
une star du stiletto. Avant de lancer sa marque en 2013, ce créateur
anglais discret et concentré a travaillé dans l’ombre chez Alexander
McQueen, Narciso Rodriguez et
Donna Karan. Il a eu le temps d’y
peaufiner son goût de la forme
précise.
Ses escarpins sans plateau, sexy
mais pas clinquants et qui plus est
confortables ont tout de suite
séduit les exigeants mais prestigieux grands magasins américains. Et conquis les collectionneuses à l’œil acéré qui ont compris
que pour réaliser des souliers aux
lignes aussi simples et légères, il
fallait une maîtrise technique
au-dessus de la moyenne. Paul
Cuissarde chic
Le « bon escarpin» élégant
et rock (avec un rehaut de métal
or) ou graphique (avec des découpes bien placées), la sandale de
soirée très couture fermée d’un
bracelet de plumes, la bottine qui
C. Bi.
www.paulandrew.com
peu surréaliste. Même le public est
en mode « bataillon » : tout le monde a enfilé le casque fourni pour
écouter une bande-son narrative
associée au show. Ici aussi, tout est
dans les détails ; les volumes
amples et/ou géométriques, les
maxipoches, les énormes cabochons ton sur ton assortis aux
broderies rondes donnent à ce
vestiaire l’étrangeté fascinante
d’une utopie réussie. Un bon cru
« jacobsien ».
Cette saison graphique aurait
pu être celle de Narciso Rodriguez : ses signatures – des compositions de couleurs abstraites et
des silhouettes aux graphismes
nets – sont en phase avec cette
esthétique. Mais sa collection
d’été manque d’une forme de tension. Maxi décolleté en V, pièces
tailleurs double face, minirobes
aux broderies façon ondes sont
indéniablement chics mais pas
assez chocs.
Cette hésitation est encore plus
marquée chez Reed Krakoff. Le
créateur a opté pour une présentation avec projection en 4D des images des mannequins. On peut
donc admirer ses jupes porte-
feuilles graphiques, ses blousons
et chemises en patchwork de peau
et ses manteaux aux lignes effilées.L’abondance de détails décoratifs affaiblit parfois le propos. On
peut concevoir que cette mode
minimale puisse, aux yeux de certains, frôler la frigidité.
Pour Ralph Lauren, la mode est
synonyme de luxe à l’américaine :
glamour, bon genre et esprit sportif. Et doit le rester. Sa collection
d’été égraine pantalons et vestes
tailleurs façon treillis, hauts drapés en soie colorée, maxiplastron
bijou et long fourreau de crêpe
blanc cassé. Une rêverie à l’indienne pleine d’une opulence maîtrisée. Même penchants solaires
chez Michael Kors. Les filles sont
belles, saines et heureuses dans
leurs tenues d’été : robes à fleurs,
pulls marins, coton frais, sandales
de cuir naturel. Le créateur a fait
fortune en s’appuyant sur cette
vision optimiste et fédératrice.
Elle offre un contrepoint humain à
l’esthétique high-tech qui ne peut
de toute façon pas se désincarner :
la mode est un art appliqué, pas
une expression virtuelle. p
Carine Bizet
0123
Leader protestant
d’Irlande du Nord
àY 1~+3Y(
-1) U+~3[) õ$õ3Y6Y3()
Ian Paisley
Û~Q))~3^Y)• |~/(ó6Y)• 6~+Q~UY)
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AU CARNET DU «MONDE»
Naissance
Le lundi 8 septembre 2014, est né,
à Nogent-sur-Marne,
Renzo, Eric, Djamel
JARRY DEMURE.
Décès
Maubeuge (Nord).
Marvejols (Lozère).
Mme Henri-François Barbaste,
sa mère,
M. Pascal Barbaste,
M. et Mme Jean-Michel Barbaste,
Roxane et Alix Barbaste,
ses frères, belle-sœur et nièces,
Les familles Barbaste, Derache, Faure
et Olivier,
ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Geneviève BARBASTE,
En 1969. AP
L
ongtemps, deux notions le
définissaient, quasi synonymes. Il était loyaliste à la couronne d’Angleterre ou orangiste, et
protestant bien sûr. Les deux avec
la même passion et une identique
absencede doute.Aux yeuxdufougueux révérend Ian Paisley, mort
vendredi 12 septembre à Belfast
(Irlande du Nord), à l’âge de 88ans,
figure pendant soixante ans de la
politique nord-irlandaise, rien n’allait au-delà de ses deux fidélités.
Pour ses admirateurs, Ian
Richard Kyle Paisley, né à Armagh
le 6 avril 1926, était le « Big Man », le
chefdefiledelamajoritéprotestante des six comtés britanniques. Il
déclarait professer la vraie foi qui
ne va pas sans les œuvres, comme
le prescrivent les Ecritures. Ce tribun hors pair avait voué sa vie à la
défense de la cause protestante la
plus « musclée » et au maintien de
l’Ulster au sein du Royaume-Uni.
En revanche, pour ses adversaires,
la minorité catholique mais aussi
les protestants modérés et les gouvernements de Londres et de
Dublin, il avait été longtemps
« Docteur No », l’homme du refus
du partage du pouvoir, de
l’œcuménisme religieux, de la libéralisation des mœurs.
6 avril 1926 Naissance
à Armagh (Irlande du Nord)
1970 Election à la Chambre
des Communes
12 septembre 2014
Mort à Belfast
Fils d’un pasteur baptiste, Ian
Paisley avait prononcé son premier sermon à l’âge de 16 ans,
avant d’être ordonné prêtre quatre
ans plus tard. Il avait étudié la théologie à l’université fondamentaliste Bob Jones, en Caroline du Sud. En
1951, il avait créé à Belfast-Est, au
cœur du ghetto protestant, sa propre Eglise, affiliée au courant chrétien le plus intransigeant : l’Eglise
presbytérienne libre d’Ulster.
Dans ses discours prononcés
d’une voix de tonnerre révélant
une considérable érudition biblique, le pasteur s’en prenait régulièrementaupape,qualifiéde«prostituée écarlate de Rome ». En 1963, il
s’était opposé à ce que la mairie de
Belfast hisse le drapeau britanniqueaprèsla mortdeJeanXXIII.Lors
des manifestations des catholiques
en faveur des droits civiques à partir de 1966, son leitmotiv était: « Ils
doivent être maintenus à leur place ! » Quand avait éclaté la guerre
civile en 1969, ses diatribes et la violence de ses supporteurs avaient
radicalisélecampcatholique.«Paisley est notre meilleur recruteur »,
15
disparitions & carnet
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
déclarait un dirigeant nationaliste
de l’Irish Republican Army (IRA), le
mouvement armé partisan de la
réunification de l’île Verte.
Elu à la Chambre des Communes britannique en 1970, Paisley
avait fondé un an plus tard le parti
démocratique unioniste (DUP).
Entre 1979, au plus fort des troublesinterconfessionnels,et 2004,il
avaitsiégéà l’Assembléeeuropéenne. Son mot d’ordre « No Surrender » (pas de reddition) trouvait un
fort écho auprès de la classe ouvrière protestante. Et s’il désapprouvait les assassinats de catholiques
par les milices loyalistes, les défilés
qu’il organisait dégénéraient souvent en batailles rangées.
Contribution à la paix
Le chef de file des ultras s’était
opposé jusqu’au bout aux accords
entre Londres et Dublin visant à
mettre fin à la violence et à instaurer un partage du pouvoir entre les
deux communautés : l’arrangement anglo-irlandais de 1985 donnant pour la première fois un droit
de regard de l’Eire dans les affaires
nord-irlandaises, le traité de paix
du Vendredi Saint de 1998 et l’accord de Saint-Andrews de 2006
mettant en place une assemblée et
ungouvernement régionauxsemiautonomes.
Après avoir laminé les « traîtres », comme il appelait les unionistes modérés aux urnes, lors des
élections de 2003, il avait, en bon
pragmatique, infléchi progressivement son discours. Une mutation
facilitée par l’annonce en 2005 par
l’IRA de la fin de la lutte armée et
par les sympathies affichées du
gouvernement de Tony Blair pour
les nationalistes catholiques. En
2007, Ian Paisley était devenu le
chef d’un gouvernement régional
de coalition avec le Sinn Fein, la
branche politique de l’IRA, aux
côtés de son ancien ennemi juré,
Martin McGuinness. Contre toute
attente, la cohabitation avait été
un succès, au point que les deux
hommes avaient été surnommés
« les frères rieurs ».
Toutefois, en mai 2008, alors
que son mandat courait jusqu’en
2011, il quittait le pouvoir et la présidence du DUP. Le poids de l’âge
et des combats passés, une santé
déclinante et la démission de son
fils Ian Paisley Jr pour avoir entretenu des rapports troubles avec un
homme d’affaires véreux avaient
ébranlé son autorité. « La contribution de Ian Paisley à la paix, après
toutes ces années de divisions et de
divergences, a été décisive et déterminante », déclarait alors Tony
Blair. Une page de l’histoire nordirlandaise s’était tournée. p
Marc Roche
ingénieur EPF
(Ecole polytechnique féminine),
ancien commandant de bord
de l’aviation civile,
survenu à Maubeuge, le 6 septembre 2014,
dans sa cinquante-quatrième année.
Ses funérailles religieuses ont eu lieu
dans l’intimité.
L’inhumation a eu lieu dans le caveau
de famille au cimetière de Marjevols
(Lozère).
Mme Henri-François Barbaste,
Le Danemark,
22, avenue de la Porte-de-Bavay,
59600 Maubeuge.
Elisabeth Duhamel,
sa femme,
ses enfants, ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants,
Simon Duhamel,
son fils,
sa femme et ses fils,
ont l’immense chagrin d’annoncer
la disparition de
Antoine DUHAMEL,
compositeur
survenue le 11 septembre 2014.
La cérémonie aura lieu le mardi
16 septembre, à 14 h 30, en l’église
de Valmondois (Val-d’Oise).
Gisèle Gastine,
sa mère,
Olivier Girard,
son mari,
Angela Girard,
sa fille,
Julie Girard-Boukhamsa,
sa fille ainée
et son mari Saïd,
Leila, Sihame et Anaïs Boukhamsa,
ses petites-filles,
Marco Gastine,
son frère
et son épouse, Argyro Vlastou,
Thémis et Orphéas Gastine-Vlastou,
ses nièce et neveu,
Sophie Gastine-Fischer,
sa sœur
et son mari, Pierre Fischer,
Anaita Gohari, Alban Fischer, Alex
Gohari et Théo Fischer,
ses nièce et neveux,
Sébastien et David Gastine,
ses demi-frères,
Ali Gohari
Et tous leurs amis,
ont la tristesse de faire part de la disparition
de
Edith GIRARD,
architecte,
professeur de l’Ecole d’architecture
Paris-Belleville,
décédée à l’âge de soixante-cinq ans,
le samedi 6 septembre 2014, à l’Institut
Curie, des suites d’une longue maladie.
La cérémonie funéraire aura lieu
le lundi 15 septembre, à 13 h 15, en la
Coupole du cimetière du Père-Lachaise,
Paris 20e.
Philippe Prost,
président du conseil d’administration
François Brouat,
directeur,
Les enseignants,
Les personnels
administratifs et techniques,
Les étudiants
de l’Ecole nationale supérieure
d’architecture de Paris-Belleville,
ont la profonde tristesse de faire part
du décès de
Edith GIRARD
architecte,
professeure
à l’Ecole nationale supérieure
d’architecture de Paris-Belleville,
chevalier de la Légion d’honneur,
chevalier
dans l’ordre des Arts et des Lettres,
survenu le samedi 6 septembre 2014,
à Paris
et s’associent à la peine de la famille.
Antoine de Galbert,
président de La maison rouge,
Ariane de Courcel,
présidente de l’association des amis
de La maison rouge,
Le conseil d’administration
de l’association des amis
de La maison rouge,
De la part
Des familles Duhamel, Saglier, Bloit,
Turksma, Chiquet, Occhipinti, Ketchum
Et de Patricia Bourdon.
(Le Monde du 13 septembre.)
ont la grande tristesse de faire part
du décès de
Nelly Gelly-Cornillié,
son épouse,
Flora et Olivier,
ses enfants
et leurs conjoints,
Anaïs, Lucas et Raphaël,
ses petits-enfants,
Véronique et Jean-François,
ses beaux-enfants
et leurs familles,
survenu à Paris,
le lundi 8 septembre 2014.
ont la tristesse de faire part du décès du
a la très grande tristesse de faire part
de la disparition de sa mère,
docteur Pierre GELLY,
médecin généraliste,
psychanalyste,
survenu à Nanterre le 11 septembre 2014,
dans sa quatre-vingt-deuxième année.
La cérémonie d’adieu aura lieu le mardi
16 septembre 2014, au funérarium
de Nanterre, à 11 heures.
Plutôt que des fleurs, un don
à Médecins sans Frontières
http://www.alvarum.com/pierregelly#
Kenneth Sjöström,
son compagnon,
Fanny et Pierre Giqueaux,
ses enfants,
Jean Paul,
son frère,
Frédérique,
sa belle-fille,
Pauline, Marie, Marine et Antoine,
ses petits-enfants,
Les familles Giqueaux, Durban
et Chatelat,
Ses amis français et suédois,
ont la tristesse de faire part du décès de
Luce GIQUEAUX,
survenu le 30 août 2014.
Elle a rejoint son mari,
Paul,
disparu le 29 juin 1981.
Elisabeth de LAAGE de MEUX,
administratrice,
La cérémonie religieuse a eu lieu
le samedi 13 septembre, à 9 h 30,
en l’église Saint-Pierre du Gros-Caillou,
92, rue Saint-Dominique, Paris 7e.
Orit Mizrahi
Rachel MIZRAHI,
écrivain,
qui s’est éteinte à son domicile du Pradet,
le lundi 8 septembre 2014,
à l’âge de quatre-vingt-deux ans.
L’inhumation aura lieu au cimetière
parisien de Pantin, entrée, 164, avenue
Jean-Jaurès, à Pantin (Seine-SaintDenis), le lundi 15 septembre,
à 11 heures.
André et Michèle Rey,
ses parents,
François Rey,
son frère,
Ses grands-parents
Et toute la famille,
ont la douleur de faire part du décès de
Éric nous a quittés le 1er juillet dernier.
Nous l’accompagnerons au cimetière
de Morthemer (Vienne), le 20 septembre.
Rendez-vous sur place, à 13 heures.
Nicole Bourdillat - Le Forestier,
sa mère,
Jean Loup Le Forestier,
son père
et son épouse, Florence Le Forestier,
Nicolas Le Forestier et Cécile Godet,
Perrine et Laurent Benichou,
Chloé Le Forestier et Emilio Hirel,
ses frère et sœurs et leurs conjoints,
Emma et Lucie Le Forestier,
Salomé, Eliott, Timothé Benichou,
Basile et Zoé Lepoutre,
ses neveux et nièces,
Philippe, Martine Bourdillat
Et tous ceux qui l’aiment.
Le Forestier,
La Genêtelle,
03360 Saint-Bonnet-Tronçais.
Charnay (Rhône). Lyon. Marseille.
Mme Albert Rondot,
née Jacqueline Guez,
son épouse,
Louis et Christèle Rondot,
Pierre Rondot,
Ghislaine Rondot,
Gilles Rondot,
Philippe Rondot,
Cyr-Igaël et Véronique Rondot,
ses enfants,
Ses dix-sept petits-enfants,
Ses huit arrière-petits-enfants,
font part du rappel à Dieu de
M. Albert RONDOT,
le jeudi 11 septembre 2014,
dans sa quatre-vingt-huitième année.
Il repose au funérarium de Chazayd’Azergues.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 17 septembre, à 9 h 30,
en l’église de Charnay.
survenu tragiquement, à Paris 15e,
le 6 septembre 2014,
à l’âge de trente-et-un ans.
Un dernier hommage lui sera rendu
le mardi 16 septembre 2014, à 16 heures,
à la salle Mauméjean du crématorium du
cimetière du Père-Lachaise, à Paris 20e.
Sa famille,
Ses confrères,
Ses collègues
Et ses nombreux amis,
sont invités à se rassembler pour une
cérémonie de mémoire et d’hommage à
Bernard LANOT,
29 avril 1929 - 21 juillet 2014,
journaliste,
le vendredi 19 septembre 2014,
à 18 heures, en l’église Notre-Damed’Auteuil, Paris 16e.
Conférence
« Apaiser la société
pour mieux vivre ensemble ? »
Un colloque organisé par le CRIF,
le mercredi 17 septembre 2014, à 17 h 30,
à l’Espace Rachi, 39, rue Broca, Paris 5e,
métro Censier Daubenton
ou Les Gobelins.
Deux tables-rondes se succéderont :
« Agir dans la société civile »,
avec François Dagnaud, maire du 19e
arrondissement de Paris,
Jean-Philippe Moinet, auteur,
fondateur-directeur de la Revue Civique,
Anne Rebeyrol,
chargée de mission laïcité,
rectorat de Créteil,
Jean-Louis Sanchez,
président des Ateliers
du Vivre ensemble et de la Fraternité.
« Comment le message religieux
peut-il aider à vivre avec l’Autre ? »,
avec le pasteur François Clavairoly,
président
de la Fédération Protestante de France,
Marie Stella Boussemart,
présidente
de l’Union bouddhiste de France,
Fatima Messaoudi,
rectrice de la mosquée d’Antony,
le rabbin Michel Serfaty,
président
de l’Amitié judéo-musulmane de France,
le père Antoine Guggenheim,
directeur
de recherches au collège des Bernardins.
Inscription obligatoire :
www.crif.org
Cours
Le personnel de
Franconyx
A. & L. Rondot SA
a la tristesse de faire part du décès de
M. Albert RONDOT,
ancien président,
survenu le 11 septembre 2014.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 17 septembre, à 9 h 30,
en l’église de Charnay.
L’association Parler en Paix,
organise à Paris, un enseignement
simultané de l’arabe et de l’hébreu.
Toutes informations disponibles
sur le site
www.parlerenpaix.org
ou par tél. : 06 70 71 61 79.
Communication diverse
Anniversaires de décès
« Je voulais désunir la vie
Je voulais partager la mort avec la mort
Rendre mon cœur au vide
et le vide à la vie
Tout effacer qu’il n’y ait rien
ni vitre ni buée
Ni rien devant ni rien derrière
rien entier.
Tu es venu la solitude était vaincue
J’avais un guide sur la terre je savais
Me diriger je me savais démesuré.
La vie avait un corps
l’espoir tendait sa voile ».
Le corps nu, allongé sans vie sur une
table d’hôpital, couvert d’un drap jusqu’à
mi-épaules.
La tête enrubannée, un pansement blanc
sur la tempe gauche, les yeux fermés.
Mèche de cheveux coupés et volés,
des vertiges et de la nausée.
A ce garçon beau et brillant loin de qui
je grandis, au
docteur Jean-Louis FRASCA,
6 février 1960,
tué à trente-six ans, le samedi 14 septembre
1996, il y a six mille quatre cent soixante
six jours.
Merci à celles et ceux, connus ou
inconnus qui font vivre son nom.
Jean-Jacques Baudouin-Gautier,
son ami.
[email protected]
A l’occasion du dixième anniversaire
de la mort de
Noëlle AUDIBERT,
que ceux qui l’ont connue et aimée,
aient une pensée pour elle.
Souvenir
Julien REY,
auteur dramatique,
metteur en scène et comédien,
Hommage
Éric LE FORESTIER,
29 mai 1960 - 1er juillet 2014.
In memoriam.
Il y a cent ans, le 14 septembre 1914,
Antoine LACUBE,
vigneron à Gardie (Aude),
soldat au 4e régiment
d’infanterie coloniale,
disparaissait dans les combats autour
de Massiges (Marne).
Claude Vivier Le Got, présidente
du Groupe EAC, remercie les membres
des jurys MBA médiation culturelle :
Agnès Violeau, commissaire d’exposition
indépendante et Maria RidelbergLemoine, directrice adjointe de l’Institut
suédois, pour « Les instituts culturels
étrangers à Paris » de Aurore D.
Vous aussi êtes intéressés par
les métiers de la médiation culturelle,
du marché de l’art et du luxe ?
Venez nous rencontrer lors de notre
journée portes ouvertes, le samedi
13 septembre 2014, de 9 h 30 à 17 h 30,
à Paris et Lyon.
33, rue la Boétie,
75008 Paris
Tél. : 01 47 70 23 83
[email protected]
11, place Croix- Paquet,
69001 Lyon
Tél. : 04 78 29 09 89.
[email protected]
www.groupeeac.com
www.ingemmologie.com
Société éditrice du «Monde » SA
Président du directoire, directeur de la publication
LouLs DJOyfus
Directeur du « Monde», membre du directoire
GLllOs vaK KoNO
Directeur des rédactions JéJômO FOKoglLo
Directrice déléguée à l’organisation des rédactions
FJaKçoLsO Tovo
Directeurs adjoints des rédactions Lu� BJoKKOJ,
AJKaud LOpaJmOKNLOJ, Cé�LlO PJLOuJ
Directeurs éditoriaux GéJaJd CouJNoLs, AlaLK FJa�hoK,
SylvLO KauffmaKK
Rédactrice en chef «M Le magazine du Monde »
MaJLO-PLOJJO LaKKOloKguO
Rédacteur e0 &!#") ,#+./0+('-# %# -( ,$%(&*1/0
numérique VLK�OKN FagoN
Rédacteurs en chef et chefs de service
ChJLsNophO Ayad (IKNOJKaNLoKal),
Thomas WLOdOJ (FJaK�O), VLJgLKLO MalLKgJO (E�oKomLO),
AuJélLaKo ToKON (CulNuJO)
Rédacteurs en chef «développement éditorial»
JulLOK LaJo�hO-JoubOJN (PJojONs),
3incent �iret (DLvOJsLfL�aNLoKs, EvéKOmOKNs,
PaJNOKaJLaNs)
Chef d’édition ChJLsNLaK Massol
Directeur artistique AJLs PapaNhéodoJou
Photographie NL�olas JLmOKOz
Infographie EJL� BézLaN
Médiateur Pas�al GalLKLOJ
Secrétaire générale du groupe CaNhOJLKO Joly
Secrétaire générale de la rédaction ChJLsNLKO LagON
Conseil de surveillance PLOJJO BOJgé, pJésLdOKN6
:489,=</2 79.-92<106 vice-président
16
0123
météo & jeux
0 à 5°
-5 à 0°
5 à 10°
10 à 15°
14 20
11 22
15 23
10 22
13 23
12 22
PARIS
Rennes
1005
13 21
Poitiers
35 km/h
11 23
6 21
Lyon
0
12
101 23
A
14 26
Montpellier
Nice
Marseille
15 28
18 25
16 28
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Materne
Coeff. de marée 77
Les nuages resteront fréquents voire
dominateurs du coté des frontières
allemandes. Ailleurs, notamment des
Ardennes au Lyonnais en passant par
l’Ile-de-France et le Centre, le ciel sera
souvent variable après la dissipation de
grisailles matinales. Plus on ira vers
l’Atlantique et la Méditerranée, plus le
soleil dominera avec toutefois un petit
risque orageux sur les Pyrénées. Les
températures resteront estivales au sud.
Jours suivants
Mardi
Nord-Ouest
Ile-de-France
Nord-Est
Sud-Ouest
Sud-Est
Ajaccio
30 km/h
16 27
Lever 23h16
Coucher 13h45
Lundi
10 23
13 21
15 24
15 26
12 24
11 27
14 30
13 27
17 28
14 27
17
27
15
27
15
26
15
27
16
27
11
25
13
27
14
26
16
30
19
29
19
30
16
29
18
28
18
26
3
4
5
6
Thalweg
Beyrouth
Tripoli
Tripoli
Jérusalem
Le Caire
assezensoleillé
15
soleil,oragepossible 26
soleil,oragepossible 23
pluiesorageuses 15
averseséparses
13
belleséclaircies
12
bienensoleillé
13
averseséparses
16
assezensoleillé
16
averseséparses
15
assezensoleillé
13
enpartieensoleillé 11
9
beautemps
23
beautemps
11
assezensoleillé
25
beautemps
soleil,oragepossible 19
8
assezensoleillé
enpartieensoleillé 13
13
assezensoleillé
18
bienensoleillé
11
averseséparses
26
beautemps
7
beautemps
14
averseséparses
11
pluiemodérée
20
28
27
22
20
19
21
19
26
20
17
17
18
26
26
25
24
23
22
21
30
15
32
19
20
13
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
bienensoleillé
bienensoleillé
soleil,oragepossible
bienensoleillé
beautemps
soleil,oragepossible
assezensoleillé
enpartieensoleillé
bienensoleillé
couvertetorageux
12
18
15
12
10
20
15
13
12
11
18
26
25
18
17
27
26
19
21
20
Alger
beautemps
Amman
bienensoleillé
Bangkok
pluiesorageuses
Beyrouth
beautemps
Brasilia
beautemps
Buenos Aires averseséparses
Dakar
assezensoleillé
Djakarta
pluiesorageuses
Dubai
beautemps
Hongkong pluiesorageuses
Jérusalem bienensoleillé
Kinshasa
soleil,oragepossible
Le Caire
bienensoleillé
Mexico
pluiesorageuses
Montréal
assezensoleillé
Nairobi
assezensoleillé
23
20
25
26
17
12
28
26
28
27
18
25
23
13
4
14
32
29
33
31
29
18
28
31
37
31
26
36
35
21
15
25
Dans le monde
New Delhi soleil,oragepossible
bienensoleillé
New York
assezensoleillé
Pékin
beautemps
Pretoria
bienensoleillé
Rabat
Rio de Janeiro bienensoleillé
assezensoleillé
Séoul
Singapour pluiesorageuses
bienensoleillé
Sydney
beautemps
Téhéran
beautemps
Tokyo
beautemps
Tunis
Washington bienensoleillé
Wellington averseséparses
Outremer
bienensoleillé
soleil,oragepossible
averseséparses
soleil,oragepossible
soleil,oragepossible
assezensoleillé
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
26 37
11 22
18 26
12 29
20 29
20 29
15 26
27 32
13 23
23 33
18 26
24 31
11 23
10 12
25
28
19
25
28
22
32
28
22
25
29
26
Météorologue en direct
au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
N° 1245 du 11 au 17 septembre 2014
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France : 3,70 €
NUMÉRO SPÉCIAL
Le 18 septembre,
l’indépendance ?
Ecosse
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M 03183 - 1245 - F: 3,70 E
3’:HIKNLI=XUX\U^:?b@m@e@f@k";
Mots croisés n˚14-218
2
Front froid
Occlusion
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Budapest
Bucarest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
Les jeux
1
Rabat
Front chaud
1010
Athènes
Tunis
Tunis
Chaque jeudi,
l’essentiel
de la presse étrangère
Mercredi Jeudi
13
27
Istanbul
Dépression
En Europe
Lever 07h24
Coucher 20h05
Aujourd’hui
Alger
D
1015
“KALMAEGI” LE TYPHON FRAPPERA LE NORD DES PHILIPPINES
Perpignan
18 28
Bucarest
7
9
Solution du n˚14-217
10 1 1 12
Série. Violence conjugale. Retour de bâton
(S2, 7 et 8/21). Avec C. Meloni (100 min) U.
FRANCE 2
20.50 Le Plus Grand Cabaret
du monde.
Divertissement. Invités : Gérard Jugnot, Alizée,
Bénabar, Chantal Ladesou, Michaël Gregorio...
23.05 On n’est pas couché.
Invités : Bruno Le Maire, Isabelle Mergault, Shaka
Ponk, Jean-Michel Ribes, Patrick Besson (180 min).
V
VI
FRANCE 3
VII
20.45 Disparus.
Téléfilm. Thierry Binisti. Avec Claire Borotra,
Vincent Perez. [1/2] (France, 2014, audio.).
22.15 Météo, Soir 3.
22.45 A tort ou à raison.
Série. L’Affaire Saint-Maxime [1-2/2]
(saison 1, 3 et 4/8). Avec Marianne Basler U.
0.30 Les Carnets de Julie.
Le Pays d’Uzège, dans le Gard (65 min).
VIII
IX
Euro Millions
X
I. Porcelainier. II. Elargi. Inca.
III. Né. Irène. Nos. IV. Dauba.
Orvets. V. Ugolin. II. SA.
VI. Li. Enoncée. VII. Encrera. Cei.
VIII. Ter. Empaillé. IX. Tuer.
Apicole. X. Exemplarités.
Samedi 13 septembre
Episode 4. Divertissement.
IV
Horizontalement
[email protected] ; http ://mediateur.blog.lemonde.fr
23.30 New York unité spéciale.
III
Solution du n° 14 - 217
J’ai lu avec le plus grand intérêt la tribune de Mario Vargas Llosa
« Confessions d’un libéral » (Le Monde du 8 septembre). Un parallèle
m’est aussitôt venu à l’esprit concernant le fait religieux. Nos religions
occidentales ne nous parlent que de paix, d’amour, de tolérance. La réalité, celle que les hommes ont façonnée, est tout autre : massacres, exclusion, intolérance, c’est ce que la religion apporte lorsqu’elle se met au
service des dictatures. Lorsque l’on parle de libéralisme, au nom luimême si positif, on pense bien sûr (comme la phrase par laquelle Le
Monde résume le contenu de la tribune) liberté, progrès, initiative, création de richesse... La constatation est identique : la rapacité humaine
génère un monstre s’il n’est pas régulé. Pour un Etat démocratique, tempérer le fait religieux se nomme neutralité, ou laïcité, notion qui est à
nouveau contestée par les fanatiques de tout bord. Pour l’économie, la
régulation s’impose aussi face aux excès. Hélas, là aussi on est bien loin
du compte ! Le propos du « nouveau converti » mérite donc d’être pour
le moins nuancé…
Patrice Chevy, Garches (Hauts-de-Seine)
TF 1
II
I. N’aura pas trop de problèmes
d’adaptation. II. Ses morceaux
ne manquent pas d’audace. Lâché
pour soulager. III. Pièce du calice.
Grande dépression. IV. Mit de
côté. Refroidit brusquement.
V. Propriétaire d’un titre. Cité
antique. VI. Mémoire de
l’audiovisuel. Son os ne manquait
pas de moelle. Greffa. VII. Assure
la liaison. Carnassier arboricole.
Préposition. VIII. Signée par le
maître. Fait grand étalage de sa
prétention. IX. Un Corse un peu
corsé. Pense faire plaisir aux
dieux. X. S'intéressent aux apodes
et aux anoures.
Société Un plaidoyer libéral à nuancer
20.55 The Voice Kids.
I
Horizontalement
« Crise économique, crise morale, crise politique », juge Le Monde dans
son éditorial du 6 septembre, en constatant les dégâts causés par le livre
de Valérie Trierweiler et la démission forcée d’un secrétaire d’Etat fraîchement nommé. Il est vrai que la situation de l’exécutif n’est pas flambante et que la gauche devrait porter un cierge à de Gaulle pour nous
avoir donné des institutions solides. Mais le brûlot agité par certains
d’un nécessaire retour aux urnes ne tient pas. Qui en tirerait profit ? Certainement pas la droite, quoi qu’en pense François Fillon, mais plutôt
l’extrême droite. Et pour quoi faire donc ? Dans son entretien au Monde
du 6 septembre, Marine Le Pen déclare que son premier geste serait « le
chantier de la sécurité et de l’immigration ». La belle affaire ! Comme si le
désir des Français actuellement n’était pas d’abord la lutte contre le chômage qui est la vraie plaie actuelle dans toute l’Europe. « La solution
démocratique » (entendez le retour aux urnes) n’est pas la potion magique dont rêvent certains. C’est, chacun à son niveau, dans sa commune,
dans sa région et au niveau national, de travailler énergiquement pour
une France plus solidaire, plus humaine et plus juste. La solution démocratique, c’est de respecter les échéances et ensuite de laisser aux Français la liberté de choisir, pour le meilleur ou pour le pire, leur destin.
Yves Le Gall, Saint-Germain-en-Laye (Yvelines)
Les soirées télé
Sudoku n˚14-218
8
Petite suggestion à l’intention de nos députés de la majorité parlementaire, toujours friands de leçons de morale : compléter le dispositif législatif dit de la « transparence de la vie publique », qui a manifestement
échoué à atteindre son objectif par une exigence très simple de transmission annuelle à la haute autorité de l’avis d’imposition adressé par
les services fiscaux. Les récalcitrants, ou ceux incapables de les produire
(M. Thévenoud à titre d’exemple), étant automatiquement déchus de
leurs mandats, tant il semble évident qu’un élu de la nation ne saurait
se soustraire à un devoir auquel sont astreints tous les citoyens !…
Dominique Brun, Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
La solution démocratique, pas la potion magique
Odessa
Ankara
Séville
Anticyclone
Kiev
Sofia
Rome
Barcelone
Barcelone
1010
11 23
12 28
Budapest
Zagreb
Belgrade
Milan
Lisbonne
Lisbonne
Grenoble
Toulouse
Berne
Munich Vienne
Madrid
13 29
Biarritz
Minsk
Amsterdam Berlin
Varsovie
Prague
1015
D
Chamonix
Bordeaux
20 km/h
100
5
Moscou
Copenhague
Bruxelles
Paris
13 22
T
Clermont-Ferrand
12 25
1025
Londres
13 23
13 25
Limoges
Dublin
Strasbourg
1020
Dijon
St-Pétersbourg
Riga
Edimbourg
Besançon
H
14 25
Helsinki
Oslo
Stockholm
1030
14 22
14 23
Nantes
Courriels
> 40°
A
Metz
Orléans
13 23
35 à 40°
Politique Une « transparence » encore assez opaque…
www.meteonews.fr
990
Amiens
5
100
12 22
ChâlonsRouen
en-champagne
Caen
Brest
30 à 35°
Reykjavik
D
12 20
35 km/h
25 à 30°
14.09.2014 12h TU
Lille
45 km/h
20 à 25°
En Europe
Dimanche 14 septembre 2014
Plus nuageux au nord
Cherbourg
15 à 20°
Afrique CFA 2 800FCFA Algérie 450DA
Allemagne 4,20€ Andorre 4,20€
Autriche 4,20€ Canada 6,50 $CAN
DOM 4,40 € Espagne 4,20€
E-U 6,95$US G-B 3,50£ Grèce 4,20€
Irlande 4,20€ Italie 4,20€
Japon 750¥ Maroc 32DH
Norvège 52NOK Pays-Bas 4,20€
Portugal cont. 4,20€ Suisse 6,20CHF
TOM 740CFP Tunisie 5DTU
< -5°
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
Verticalement
1. Belle, noire et vitreuse.
2. Fait étalage. 3. Echangea sans
grand intérêt. Il n’y a pas mieux.
4. Quatre arcs de cercle. Recouvre
la patène. 5. Fiancé de la belle
Aude. Lâché discrètement.
6. Met à terre. Ramassé dans un
coin. 7. Demi tour. Peut faire un
bel ouvrage. 8. Membre de la
famille. Pour ne pas oublier.
9. Donna son accord. Anglaise
sportive et nerveuse. 10. Sous le
sabot d’un cheval. Pas toujours
facile de la conserver.
11. Réservé aux proches. Relative
au corps jaune.
12. Incroyables mais vraies.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Pendulette. 2. Oléagineux.
3. Râ. Uo. Crée. 4. Cribler. Rm.
5. Egrainée. 6. Lie. Normal.
7. Nô. Nappa. 8. Eric. Air.
9. Ni. Vie. Ici. 10. Inné. Eclot.
11. Ecots. Elle. 12. Rassasiées.
Résultats du tirage du vendredi 12 septembre.
9, 13, 26, 31, 33, 7 e et 11 e
Rapports : 5 numéros et e e : pas de gagnant ;
5 numéros et e : 278 515,10 ¤; 5 numéros : 46 419,10 ¤ ;
4 numéros et e e : 3 815,20 ¤ ; 4 numéros et e : 164,70 ¤ ;
4 numéros : 82,30 ¤ ;
3 numéros et e e : 61 ¤ ; 3 numéros et e : 12,60 ¤ ;
3 numéros : 10,30 ¤ ;
2 numéros et e e : 20,20 ¤ ; 2 numéros et e : 7,30 ¤ ;
2 numéros : 3,60 ¤ ; 1 numéro et e e : 11,60 ¤.
CANAL +
20.55 World War Z
Film Marc Forster. Avec Brad Pitt, Mireille Enos,
Daniella Kertesz, Elyes Gabel (EU, 2013) V.
22.50 Jour de rugby. Top 14 (5e journée).
23.25 Jour de foot. Ligue 1 (55 min).
FRANCE 5
20.35 Echappées belles.
En longeant la côte vendéenne. Magazine.
22.10 Nus et culottés.
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00
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Toulouse
(Occitane Imprimerie)
Montpellier (« Midi Libre »)
[6/6] Objectif Paris. Documentaire (2013).
23.00 L’Œil et la Main.
L’Ecoute du cœur. Magazine (25 min).
ARTE
20.50 L’Aventure humaine Femme de viking.
[1-2/2]. La Fuite de Sigrun. L’Héritage de Jova.
22.35 Pop légendes. Amy Winehouse.
23.20 Amy Winehouse.
Live in Dingle, en 2006. Concert (45 min).
M6
20.50 FBI : duo très spécial.
Série. La Bourse aux voleurs. A la poursuite du
diamant bleu (S5, 12 et 13/13) ; Liberté chérie !
(S3, 16/16) ; Ennemi public n˚1. Veritas W
(saison 4, 1 et 2/16). Avec Matthew Bomer.
1.10 Supernatural.
Série (saison 6, ép. 6 et 7/22, 95 min) W.
Dimanche 14 septembre
TF 1
20.55 Cloclo p
Film Florent-Emilio Siri. Avec Jérémie Renier,
Benoît Magimel (France, 2012, audiovision).
23.45 Esprits criminels.
Série. L’Homme à l’affût. Une affaire de famille
(saison 1, 6 et 7/22, 95 min) U.
FRANCE 2
20.50 Les Invités de mon père pp
Film Anne Le Ny. Avec Fabrice Luchini, Karin
Viard, Michel Aumont (Fr., 2010, audiovision).
22.25 Un jour, un destin.
Jean Rochefort, cavalier seul (120 min).
FRANCE 3
20.45 Disparus.
Téléfilm. Thierry Binisti. Avec Claire Borotra,
Vincent Perez. [2/2] (Fr, 2014, audiovision) U.
22.15 Commissaire Montalbano.
Série. Le Champ du potier (audiovision, 95 min).
23.50 Météo, Soir 3.
0.17 L’Aîné des Ferchaux p
Film. Jean-Pierre Melville. Avec Charles Vanel,
Jean-Paul Belmondo (France, 1962, 115 min).
CANAL +
21.00 Football.
Ligue 1 (5e journée) : Evian-Thonon-Gaillard - OM.
23.15 L’Equipe du dimanche.
0.05 Journal des jeux vidéo (30 min) W.
France 5
20.35 La Grande Aventure
des petits zoos.
21.30 Les Rois de l’escargot.
22.20 14-18, la Grande Guerre
en couleur. [2/3] Dans l’enfer des tranchées.
23.20 La Grande Librairie.
Invités : Paul Veyne, Emmanuel Carrère (60 min).
ARTE
20.45 Mariage à l’italienne pp
Film Vittorio De Sica. Avec Sophia Loren,
Marcello Mastroianni (It. - France, 1964).
22.25 Pain, amour, ainsi soit-il p
Film Dino Risi. Avec Sophia Loren (It., 1955).
0.00 et 0.50 La Flûte enchantée.
Opéra de Mozart. Avec Albert Pesendorfer,
Norman Reinhardt, Laura Claycomb (130 min).
M6
20.50 Zone interdite.
Jeunes en dehors du système : le coup de pouce
qui va changer leur vie.
23.00 Enquête exclusive.
Vols, gangs et trafics : tensions à la frontière
franco-allemande (85 min).
décryptages 17
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
L’Ecosse s’apprête à voter pour ou contre sa sortie du Royaume-Uni.
Deux écrivains débattent de la pertinence du projet indépendandiste
Quel nationalisme écossais?
A
Irlande du Nord, ne sont toujours pas remises de ce choc.
l’occasion du référendum
sur l’indépendance de l’Ecosse qui se déroulera le 18 septembre, Le Monde a invité
deux auteurs écossais à
débattre de l’avenir de leur
pays. Alison Louise Kennedy voit dans cette consultation un espoir pour relancer le
dialogue démocratique. John Burnside se
montre plus méfiant envers ce retour du
nationalisme.
Faut-il craindre le retour d’une politique identitaire ?
L’Ecosse devrait-elle être
indépendante ?
Alison Louise Kennedy : Oui, mais je ne
pourrai pas prendre part au vote, car j’habite Londres, et seules les personnes résidant
en Ecosse pourront s’exprimer. Depuis
mon installation en Angleterre en 2011, je
suis frappée par l’apathie politique qui
règne ici. Le discours économique libéral
n’est plus contesté. En Ecosse, il y a une
recherche active d’un autre modèle économique et politique. Le projet indépendantiste ne vient donc pas d’un rejet ni d’une
hainedes Anglais,maisplutôt dela volonté
de rompre avec l’austérité, le mépris pour
l’environnement et le régime profondément inégalitaire qui permet à un peu plus
de 200 familles de posséder près de 90 %
du territoire écossais.
Un vaste mouvement populaire s’est
mis en branle pour soutenir l’indépendance, il a réussi à remettre au cœur du débat
certaines questions fondamentales : dans
quel pays voulons-nous vivre, quel système politique adopter, selon quelles
valeurs? J’y vois une grande source d’inspiration pour le monde entier, car l’Ecosse
n’estpasseule àsubirlesaffresdu capitalisme. Le changement se prépare sans qu’un
coup de feu ne soit tiré.
Celaétantdit,sileouil’emporte,lamobilisationdevrasepoursuivre.L’indépendance ne mettra pas fin aux dérives politiciennes. La campagne référendaire en est malheureusement l’illustration. Les deux
camps tentent de convaincre en affirmant
cequeserait l’avenir économiquede l’Ecosse si elle faisait sécession, le débat perd
alors tout sérieux, puisque chacun se sent
obligé de faire dans la surenchère. Ces gestes désespérés montrent bien que la classe
politique est ébranlée. Elle se voit rappeler
l’originedesonautorité,lavolontépopulaire et, en cela, le référendum est d’ores et
déjà une victoire.
John Burnside : Je suis favorable à une
Ecosse indépendante, mais je voudrais
aller plus loin, vers une indépendance
régionale et une démocratie directe. Mais
revenons-en à l’Ecosse.
La question a été formulée de deux
manières pour ce vote. Le texte qui a été
retenu pour le 18 septembre reste dans un
flou théorique : « L’Ecosse devrait-elle être
un pays indépendant ?» Qui peut vraiment
s’opposerà cette idée ? L’ambiguïté de cette
question me paraît problématique. La première version était plus claire, elle demandait aux électeurs : « Etes-vous d’accord que
l’Ecosse devrait être indépendante ? » On
peut alors se demander êtes-vous d’accord
avec qui ? Si le oui l’emporte, le premier
ministre écossais Alex Salmond y verra un
soutienensafaveur, etje neveuxpasparaître l’appuyer. Il ne propose pas le type de
changement dont parle Mme Kennedy. Au
lendemain du référendum, peu importe le
résultat, la classe politique qui voit au
maintien des inégalités et des dérèglements de notre société sera toujours là.
Alex Salmond ne propose rien de radical et
ne se montre guère empressé de donner
aux citoyens davantage de pouvoir. Son
bilan en la matière est clair.
Il y a encore deux ans, il courtisait le milliardaire américain Donald Trump, afin
qu’il construise un golf ans le nord-est de
l’Ecosse dans des zones protégées. Le projet
estallédel’avant,endépitd’uneforteoppositionlocaleetdesdommagescausésàl’environnement.Avantcetteaffaire,jemesouciais peu du référendum. Mais céder ainsi
desterresécossaisesàunrichehommed’affaires fut pour moi un signe révélateur du
type d’homme politique qu’est Alex Salmond: impossible de lui faire confiance.
Prenons un autre exemple, avant son
arrivée au pouvoir en 2007, les commissionsdétenaientun certainpouvoirauParlement écossais. Il les a affaiblies au point
qu’il peut désormais les ignorer et faire ce
qui lui plaît. Cette concentration du pouvoirm’inquièteauplushautpoint.Pourfaire oublier de telles turpitudes, on évoque
donc des figures, tel Robert Ier d’Ecosse
(1274-1329), en prétendant qu’il aurait lancé
la résistance contre la couronne anglaise.
Cela donne une justification historique au
vote. Mais Robert d’Ecosse était un souverain comme les autres, régnant pour son
seul profit, loin d’incarner l’émancipation
populaire.
Plustristeencore, onaégalementembrigadé le grand poète écossais Robert Burns
(1759-1796) dans ce combat. Les nationalistes revisitent notre passé pour le rendre
conforme à leur idée de cette glorieuse
nation se battant pour son indépendance
depuis 700 ans, l’Ecosse.
La dévolution promise par les dirigeants des trois grands partis politiques britanniques peut-elle permettre
de réconcilier l’Ecosse et l’Angleterre ?
J.B.:En1979,lorsduréférendumquiportait sur la création d’unParlement écossais,
j’étais dans le camp du oui. J’ai cru à l’idée
que l’on pouvait renforcer notre démocratie en investissant davantage l’espace politique écossais. J’espérais qu’un gouverne-
AFP
Alison Louise
Kennedy
Romancière britannique
née à Dundee, en Ecosse,
Alison Louise Kennedy débute
sa carrière en 1990 avec
son premier roman, « Night
Geometry and the Garscadden
Trains » (non traduit).
« Tauromachie » a été publié
en France par les éditions
de L’Olivier (2010).
ment travailliste soit ensuite élu. Mais le
Parlement écossais s’est avéré aussi décevantqueleParlementbritanniqueetlestravaillistes écossais se sont convertis à la
« troisième voie » de Tony Blair. Je n’attends donc rien d’un nouveau plan de
décentralisation.
Je me méfie d’autant plus que ce projet
neferaitquerenforcerlepouvoird’AlexSalmond. Son grand projet économique est de
remplacer la rente pétrolière tirée des gisements offshore de la mer du Nord par les
revenus tirés des multiples champs d’éoliennes qu’il souhaite construire. L’Ecosse
pourrait ainsi vendre de l’électricité à ses
voisins. Mais cette idée est ridicule. Le vent
nesoufflejamaisdemanièrecontinue,l’éolien n’est pas une source d’énergie fiable et
continue de dépendre des subventions
qu’on lui verse.
A. L. K. : Les promesses de dévolution
manquent de sincérité. Le premier ministre britannique David Cameron fera face
aux urnes l’année prochaine et redoute les
effets du oui sur sa candidature. Il joue
donc son va-tout dans l’espoir que l’Ecosse
ne quitte pas le giron du Royaume-Uni.
Mais lors des élections britanniques, il fera
PHILIPPE MATSAS
John Burnside
Né en 1955 dans le Fife, en Ecosse,
John Burnside est un poète
et romancier britannique.
En 2011, il a obtenu deux des plus
prestigieux prix de poésie pour son
recueil « Black Cat Bone ».
Il est également l’auteur de plusieurs
romans, dont « L’Eté des noyés »
(Métaillé, 320 p., 20 ¤).
John Burnside enseigne
l’écriture littéraire à l’université
de St Andrews.
sans doute alliance avec la droite radicale
de l’United Kingdom Independence Party,
hostile à la dévolution. Il est donc peu probable que M.Cameron réalise ce programme s’il est réélu.
Admettons tout de même que ce projet
voie le jour, ce ne serait rien de plus qu’une
séparation qui ne dit pas son nom. Les parlementaires anglais ne pourraient plus
voter certaines lois qui toucheraient aux
compétences de l’Ecosse et il en serait de
même pour les parlementaires écossais
concernant l’Angleterre. Un tel système
seraitd’unecomplexitéinutileetalimenterait de part et d’autre un ressentiment qui
n’existe pas encore.
Tout cela ressemble à de l’improvisation et constitue un aveu, les responsables
politiques britanniques admettent ainsi
ne pas connaître les attentes du public. La
défiance à leur encontre est largement partagée en Grande-Bretagne et ne s’arrête pas
aux frontières de l’Ecosse. Alex Salmond
n’ignore d’ailleurs pas qu’il doit sa réélection en 2011 à un vote protestataire contre
la politique conduite à Londres. Il y a peutêtre malgré tout une toute petite chance
pour que les dirigeants nationalistes
valent un tout petit peu mieux que la
moyenne et peut-être parviendrons-nous
à les contraindre de s’améliorer.
J.B. : Je me souviens être allé à Brooklyn
peu après l’élection de Barack Obama et de
m’être arrêté devant un graffiti écrit sur le
mur qui disait « Obama va nous sauver ». Je
suis soudainement senti très triste, on a
cru que les choses allaient changer parce
queleprésidentétaitnoir.Hélas !lesévénements ont montré qu’il n’en était rien.
La même chose est en train de se passer
en Ecosse. Les Ecossais sont très attachés à
leurpaysetAlexSalmondjouedecepatriotismeémotionnelpourfairecroirequel’indépendance va tout changer. Les promesses faites ne sont que du vent.
Si l’indépendance est aujourd’hui vue
comme une solution par beaucoup, c’est
que la colère couvait depuis les années
1980. La politique menée par Margaret
Thatcher lorsqu’elle était premier ministre
de la Grande-Bretagne a brisé l’économie
de plusieurs régions partout dans le pays.
J’habitais à l’époque dans ce que l’on appelait la petite Ecosse, à Corby, une ville au
centre de l’Angleterre où 77% de la population était écossaise. Les aciéries fournissaient du travail à un grand nombre de
gens. Mais peu après son élection en 1979,
Margaret Thatcher a ordonné la fermeture
d’usines qui avaient été nationalisées. Les
anciennes régions industrielles de GrandeBretagne, en Ecosse, au Pays de Galles et en
A. L.K. : La presse a beaucoup insisté sur
cette idée, mais les Ecossais n’en sont plus
là. J’ai assisté à plusieurs réunions publiques et j’y ai plutôt entendu l’expression
d’un nationalisme progressiste et inclusif.
Certes le SNP était à l’origine, dans les
années 1930, une formation xénophobe,
antisémite, mais le parti et le pays ont tourné ledos à ces idées. Il y a eu dans les années
1980 un regain d’intérêt pour l’histoire de
l’Ecosse qui a permis d’en assumer les réussites, mais aussi les errances. Puis l’identité
écossaiseacesséd’êtredéfiniepardesorigines, mais par le simple fait d’habiter ce
pays.Lesdifférents déplacementsdepopulation en Ecosse décidés par Londres entre
le XVIIIe et le début du XXe siècle ont diffusé
le sentiment qu’habiter un lieu suffit à
vous en faire un résident légitime sans que
l’on puisse vous en contester le droit.
Le Parlement écossais s’est montré actif
pour combattre les préjugés, et l’Ecosse se
montre généralement ouverte à la diversité et connaît l’apport de l’immigration à
son économie.
Les « nouveaux Ecossais » se sentent
concernés par le débat référendaire. Ils
pourraient même décider de l’issue du
vote tant les sondages sont serrés.
J.B. : Un nationalisme beaucoup moins
bénin sévit hélas ! en Ecosse. J’ai passé une
partie de mon enfance en Angleterre, ma
femmeestanglaise,j’ysuisdoncparticulièrement sensible. Ma femme et moi avons
vu le nationalisme s’emparer de l’Ecosse.
On aainsivu apparaître sur lesvoitures des
autocollants disant « Je suis un vrai Ecossais».Al’écolefréquentéeparmon fils,soudainement, tout est devenu écossais. Si on
demandaitaux enfantsdefaireunerecherche sur un scientifique, ce devait être un
scientifique écossais. Idem dans tous les
domaines.
Qu’est-ce que ce référendum signifie
pour le Royaume-Uni et l’Europe ?
J.B. : Deux risques menacent la GrandeBretagne si l’Ecosse fait sécession. D’autres
régions du Royaume-Uni seront tentées
d’en faire autant, notamment le Yorkshire,
les Cornouailles et le Pays de Galles. Ce chacun pour soi va pousser l’Angleterre dans
sesretranchements etl’amener àdurcir ses
positions, alors qu’il s’agit déjà d’une terre
conservatrice.
L’Europe a aussi à craindre les effets
négatifs du oui. L’euroscepticisme anglais
ne sera plus tempéré par l’Ecosse, où l’on
est généralement attaché à l’Union européenne. David Cameron sera davantage
enclinàécouterla droiteradicale etla Grande-Bretagne pourrait bientôt quitter
l’Union.
Bien qu’elle ait beaucoup de défauts,
une politique monétaire stupide et l’habitude d’accorder des subventions à ceux qui
enontle moinsbesoin, l’Europe représente
le type de projet pour lequel il faut se battre. Elle peut offrir un autre modèle que
celui provenant des Etats-Unis.
A. L. K. : Les Britanniques en arrivent à
une prise de conscience tardive. Il y a encore peu, l’indépendance de l’Ecosse nourrissait simplement la crainte de voir l’Angleterre basculer durablement à droite, la gauche britannique perdant l’un de ses fiefs,
l’Ecosse. Aujourd’hui, cette peur est dépassée par une interrogation qui s’est lentement installée : peut-être ce vote est-il le
moment de se poser la question de ce que
nous voulons faire, de ce que nous voulons
pour notre pays, que l’Ecosse en fasse partie ou non.
C’est peut-être aussi le moment qui permettra d’en terminer avec la nostalgie de
l’empire qui persiste au sein de nos élites.
Nos responsables politiques ont du mal à
cacher leurs préjugés et se sont montrés
condescendants pendant la campagne. De
vieillesrengainessontréapparues:lesEcossaisseraientarriérés,incapablesdes’ensortir sans l’Angleterre, etc.
Quant à l’Europe, la peur suscitée par ce
référendum a fait prendre conscience de
l’urgence qu’il y avait à la défendre en
Angleterre. La gauche ne peut plus simplement se reposer sur l’Ecosse. p
Propos recueillis par
Marc-Olivier Bherer
18
0123
analyses
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
Roumanie, une histoire allemande
ANALYSE
par Mirel Bran
Bucarest, correspondance
P
etite minorité, grandes ambitions.
Klaus Iohannis, 55 ans, maire – d’origine allemande – de Sibiu, ville
située au centre de la Roumanie,
s’est inscrit dans la course à la présidentielle qui aura lieu le 2 novembre. Elu maire en 2000, M. Iohannis a su transformer le petit bourg érigé par des colons allemands au XIIe siècle en unjoyau de la Transylvanie, au centre du pays, dans les contreforts des
Carpates. En 2007, Sibiu a été désignée « capitale de la culture », et la bonne réputation du maire a été médiatisée à l’échelle nationale.
A la recherche d’un chef capable de lui assurer la victoire à la prochaine élection présidentielle, le Parti national libéral, dans l’opposition,
a élu M. Iohannis à sa tête. Le 11 août, ce dernier a
annoncé sa candidature à la présidence. « Sibiu
est la preuve vivante qu’en Roumanie on peut
avoir une administration saine et efficace, que
l’onpeut faire une politique décente sans scandales et sans injures, que l’on peut encourager les
investissements qui créent la prospérité, a-t-il
affirmé. Si nous avons pu le faire à Sibiu, on peut
le faire dans toute la Roumanie. »
C’est au XIIe siècle, à la demande du roi Géza II
de Hongrie, que les colons allemands arrivent
en Transylvanie. Ils sont alors chargés de défendre la frontière orientale du royaume de Hongrie contre les incursions des Tatars et, plus
tard, des Turcs. Une fois installés sur le territoire de Dracula, ils construisent des villes fortifiées et des châteaux qui leur permettent de
repousser les invasions barbares.
Les villes de Sibiu (Hermannstadt), de Brasov
(Kronstadt) et de Sighisoara (Schässburg),
situées au centre de la Roumanie, témoignent
de cette période par leur architecture. Les cités
médiévales et les églises fortifiées vont pousser
comme des champignons dans cette région
aux paysages magnifiques.
En 1930, la Roumanie compte une communauté de 745 000 Allemands, mais la seconde
guerre mondiale mettra fin à ce conte de fées
transylvain vieux de huit siècles. Hitler s’érige
en protecteur des Allemands qui vivent hors
des frontières du Reich et enrôle ceux de Transylvanie dans la Wehrmacht, lesquels combattront en Russie.
Après la défaite de l’Allemagne, plus de
100 000 d’entre eux fuient dans leur pays d’origine. Parmi ceux qui restent en Roumanie,
80 000 sont arrêtés par l’armée soviétique et
trouveront la mort en Sibérie.
Une fois installé en Roumanie avec l’appui
de l’Armée rouge, le régime communiste nationalise tous les biens des Allemands et les pous-
se à émigrer dans la mère patrie. Mais le dictateur Nicolae Ceausescu, arrivé au pouvoir en
1965, voit là un moyen de faire du business. En
1968, les officiers de la Securitate, la police politique, sont chargés de négocier avec l’Allemagne
fédérale la « vente » des Allemands.
Le marché secret
Prétextant que tout Allemand qui veut émigrer doit payer les études qu’il a faites en Roumanie, la Securitate impose aux autorités allemandes une grille de tarifs qui prévoit le paiement de 5 500 deutschemarks (2 700 euros)
pour un étudiant en début de cursus, de
7000 deutschemarks (3 500 euros) pour un étudiant en fin d’études, et de 11 000 deutschemarks (5 500 euros) pour un étudiant diplômé.
Des tarifs qui ne cesseront d’augmenter.
« Le pétrole, les Allemands et les juifs sont les
marchandises les plus recherchées pour l’exportation », n’hésitait pas à déclarer à l’époque
Nicolae Ceausescu. Selon le négociateur allemand de cette opération, Heinz Günther
Hüsch, un ancien député chrétien-démocrate,
plus de 200 000 Allemands auraient quitté la
Roumanie communiste grâce à ce marché
secret avec la Securitate.
La chute du Conducator, en décembre 1989,
provoquera une hémorragie humaine en Transylvanie,les Allemands ayant déserté leurs villages. Sur les 745 000 que comptait la Roumanie
en 1930, il n’en reste plus que 35 000 aujour-
d’hui. Mais ceux qui restent continuent de marquer l’histoire du pays. A Sibiu, ville qui ne
compte plus que 1 500 Allemands, c’est-à-dire
1 % de la population locale, les Roumains ont
choisi d’élire comme maire, en 2000, Klaus
Iohannis, professeur de physique. Dès son installation à la tête de la mairie, M. Iohannis a su
attirer des investissements allemands qui ont
changé le visage de l’ancien bourg que ses ancêtres avaient bâti à leur arrivée au XIIe siècle.
Ces dernières années, de plus en plus d’Allemands reviennent en Transylvanie, rénovent
leurs maisons et reprennent les affaires. Grâce à
eux et à l’apport de capitaux, la Transylvanie
renaît de ses cendres et est devenue une destination touristique à la mode.
Les Allemands peuvent-ils renouer avec leur
conte de fées en Transylvanie ? « C’est la première fois qu’un citoyen appartenant à une minorité ethnique est désigné pour la course présidentielle, a déclaré Klaus Iohannis à l’occasion de sa
candidature. Cela prouve que la société roumaine est mûre. Nous ne pouvons pas demander le
respect des autres si nous ne nous respectons pas
nous-mêmes. Dans ma vision des choses, la Roumanie sera un pays occidental. »
M. Iohannis croit en sa bonne étoile. Et quelle
meilleure revanche sur l’Histoire pour la communauté allemande que de briguer la présidence du pays qui l’avait chassée ! p
DE PLUS
EN PLUS
D’ALLEMANDS
REVIENNENT
EN TRANSYLVANIE ET
REPRENNENT
LES AFFAIRES
[email protected]
LE LIVRE DU JOUR
Le rêve et les regrets
de Robert Hue
I
l y a deux Robert Hue dans ce
livre bien enlevé, celui de l’ancien secrétaire général du Parti
communiste (1994-2001) qui se
raconte et celui du président du
Mouvement unitaire progressiste
(MUP) en quête de « nouvelles
constructions collectives » pour
remplacer des partis moribonds.
Elevé dans le moule communiste, il a vu son père pleurer à la mort
de Staline. Infirmier en psychiatrie, faute d’avoir pu être médecin,
il loue « l’outil irremplaçable d’épanouissement » des écoles du Parti –
son « ascenseur social ». Dans sa
jeunesse, il a joué du rock et a vite
appris la partition de la place du
Colonel-Fabien quand il a succédé
– par surprise – à Georges Marchais.
Un mois
sous
les mers
© N. Guibert
Reportage exclusif de Nathalie
Guibert, première femme
journaliste à avoir vécu
à bord d’un sous-marin
nucléaire d’attaque : le « Perle ».
MAKING OF - GUERRES SOUS-MARINES - GIBRALTAR - UNE FAMILLE - QUITTER LA MER
lescence des structures des partis et
des appareils politiques ». « L’envie
de politique de nos concitoyens est
quasi intacte, assure-t-il, mais c’est
l’offrepolitiquequiesteninadéquation évidente. » L’ancien « patron »
du PCF se borne à esquisser un
modèle alternatif : « La mise en
œuvre de nouveaux modes d’organisationpolitiqueimpliqueuneprédominance des structures horizontales facilitant la démocratie directe. » Il dessine un « mouvement
e-progressiste », s’appuyant sur
Internet – « une catalyse de l’intelligence collective » – tout en mettant
en garde contre les «multiples dérives » de « la démocratie du Web».
Avec une passion intacte de
convaincre, M. Hue dévoile son
rêve d’une « révolution progressiste», avec «la construction d’un rassemblement majoritaire des forces
progressistes et écologistes, des
démocrates, de toutes celles et tous
ceux, hors mouvement politique,
qui sont attachés au changement ».
La « mutation » du PCF était une
utopie, avec la «révolution progressiste », M. Hue en a sans doute
inventé une nouvelle. p
Michel Noblecourt
0123
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L’investiture
de Barack
Uniquement
2009
Fondateur
Le nouveau président
américain a demandé
la suspension
: Hubert Beuve-Méry
En plus du «
en France
- Directeur
Monde »
métropolitaine
: Eric Fottorino
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Avec espoir et dû. Elle doit se mériter.
avait lui même King ou John Kennedy,
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(…)
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placé la barre
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passera probablement
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glacials et endurons
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Pages 6-7
les tempêtes à
postérité, mais
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page 2
et l’éditorial
de 47 ans.
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Harry Belafonte… Bacall,
du discours
ce qu’il a
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miste Alan Greenspan.
Lire la suite
et l’écono- a It’s the economy...
des Etats-Unis.
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Il faudra à la
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3
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page 13
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19
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14
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UN RÉCIT DE
L’« e-progressisme »
Comme Gorbatchev en URSS,
Robert Hue a échoué dans la mutation du PCF. «Les Partis communistes étaient-ils réformables ?, écrit-il.
L’Histoire a répondu et son verdict
estimplacable.C’est non. »Lorsqu’il
quitte, en 2001, la direction d’un
parti dont la « normalisation » est
en marche, il songe à une « scission» mais abandonne vite l’idée.
Aujourd’hui sénateur, celui qui
aux législatives de 1997 avait battu
Manuel Valls dans le Val-d’Oise est
proche de la majorité. Il met en
avant son « amicale complicité »
avec François Hollande. Et il récuse
avec énergie « la faible pertinence
de la thèse des “deux gauches”, chèreàla gauchedite radicale,pour qui
l’une va définitivement dériver à
droite, l’autre représentant alors la
seule alternative de gauche authentique ». Robert Hue, c’est l’antiMélenchon.
Mais l’essentiel du livre est dans
sonconstat dedécès des partispolitiques.RobertHuedénonce«l’obso-
Les partis vont mourir...
et ils ne le savent pas !
Robert Hue
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0123
enquête
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
19
Christian Allard, député SNP
au Parlement écossais, prône
l’indépendance du pays.
Le travailliste Richard Baker
dénonce les dangers du non.
COLIN MCPHERSON/DOCUMENT SCOTLAND
POUR « LE MONDE »
Aberdeen
«Yesorno»aupétrole
La ville du nord-est
de l’Ecosse, «capitale
européenne de l’or
noir», est divisée
par le référendum
sur l’indépendance,
le 18septembre.
Dire oui revient
à croire à la pérennité
de la manne
pétrolière, voter non
signifie en douter
Philippe Bernard
Aberdeen (Ecosse)
Envoyé spécial
P
ar rafales, le vent marin s’engouffre entre les minuscules
maisons de granit du quartier
de Footdee, dont les toits d’ardoise tournent le dos à la mer
du Nord. Des bâtisses basses
aux jardins fleuris bordent la plage, dernier vestige de la petite cité radieuse née
au XIXe siècle pour loger les pêcheurs.
Au bout d’unerue pavée,lamagie s’arrête : un mur hérissé de barbelés entoure
une forêt de citernes. Il protège les installations pétrolières d’Aberdeen, aujourd’hui
capitale économique de l’Ecosse britannique et poumon vital d’un pays indépendant, si le « yes » l’emporte au référendum,
jeudi 18 septembre. Derrière les maisonnettes, l’horizon offre un spectacle saisissant : telle une armada à l’attaque, une
quinzaine de navires de ravitaillement des
plates-formes pétrolières attendent en
permanence leur tour pour entrer au port.
Les pêcheurs ont disparu d’Aberdeen
depuis le boom pétrolier des années 1970,
et les petites maisons de Footdee se vendent à prix d’or. Bulle de prospérité et de
frénésie économique, la ville de
230 000 habitants, devenue ultracosmopolite, connaît une inquiétante fièvre
immobilière et ignore pratiquement le
chômage (moins de 2 %). Au dos des bus
fleurissent des offres de recrutement
pour ingénieurs, et les immeubles de
bureau pour sociétés spécialisées dans les
énergies offshore poussent comme des
champignons. « L’Ecosse est un des pays les
plus riches d’Europe : 60 % des réserves de
pétrole de l’Union européenne, 25 % de son
potentielen énergies renouvelables !», martèle Alex Salmond, le chef de file du oui,
pour galvaniser les hésitants et démontrer la viabilité du projet indépendantiste.
Assis sur un banc face à la mer, Robert
Kane, 81 ans, ancien menuisier et syndicaliste dans un chantier naval, n’y croit pas.
« J’aimerais bien que l’Ecosse trace sa propre route, mais ce n’est pas possible économiquement. Plus de chantier naval, plus de
charbon. Ce n’est pas avec le whisky qu’on
va s’en sortir ! » Et le pétrole ? « Mais ce ne
sont pas des Ecossais, c’est BP et compagnie, intervient son épouse Winifred,
86 ans. Jamais un gouvernement écossais
n’arrivera à mettre la main dessus. Je n’y
crois pas. » Toute sa vie, le couple a voté
Labour et, jeudi, ils suivront la consigne
du parti et diront non à l’indépendance.
Tout en pestant contre « ces politiciens
anglais qui arrivent de Londres pour nous
dire comment voter dans ce référendum
qui est purement écossais ».
Croire ou ne pas croire à l’indépendance,telleestla question.«Pendant desdécennies, Londres a répété aux Ecossais qu’ils
étaient pauvres et vivaient aux crochets de
l’Angleterre [« too wee » – « trop petit », en
langue scots –, « too poor, too stupid »],
selon une formule qui fait florès dans la
campagne. Aujourd’hui, les Ecossais découvrent qu’ils sont riches, et les Anglais leur
prédisent la faillite ! », raille Christian
Allard, dont la double identité de citoyen
français né à Dijon et de député au Parle-
ment écossais du Scottish National Party
(SNP) symbolise le projet indépendantiste
d’un nationalisme ouvert et civique. Venu
dans les années 1980 à Aberdeen pour travailler dans le négoce des produits de la
pêche, ce quinquagénaire affable y a fondé
unefamilleet a embrasséla cause du nationalisme écossais pour « montrer au monde qu’on peut avoir une identité forte et
être ouvert, régénérer la démocratie en
témoignant du fait que tout le monde peut
devenir un responsable politique».
«Bâtir l’économie
d’une Ecosse isolée
sur une ressource
unique, dont le prix est
volatil, n’est pas
responsable»
Richard Baker
député travailliste
au Parlement écossais
Mais à Aberdeen, le clivage creusé par le
référendum passe nécessairement par
l’or noir. Croire à l’indépendance suppose
d’être convaincude la pérennité de lamanne pétrolière. S’y opposer revient à en douter. Le débat oppose principalement deux
partis de centre gauche : le SNP, écossais,
qui milite pour l’indépendance, et le
Labour, qui défend l’appartenance au
Royaume-Uni. Pour le SNP, 95 % de la production pétrolière et 50 % du gaz de l’actuel Royaume-Uni tomberaient dans l’escarcelle d’une Ecosse indépendante. Ces
revenus, garantis pour des décennies,
s’ajouteraient aux économies budgétaires liées à l’abandon du nucléaire militaire, pour autoriser une audacieuse politique de solidarité sociale, de défense des
services publics et de relance de l’emploi.
Dans sa permanence du centre-ville
aux murs chargés d’affiches « No thanks »,
Richard Baker, 40 ans, député travailliste
au Parlement écossais, doute de cet avenir
radieux. Avec conviction, il joue le rôle du
rabat-joie qui, selon les sondages, fait la
fortune du camp adverse. « Quand les prix
du pétrole se sont effondrés dans les
années 1980, rappelle-t-il, le chômage a
explosé à Aberdeen et l’immobilier s’est
effondré. Qui sait si ces temps ne reviendront pas ? Bâtir l’économie d’une Ecosse
isolée sur une ressource unique, dont le
prix est volatil et la pérennité incertaine,
n’est tout simplement pas responsable. »
Sur le volume des réserves de la mer du
Nord – 24 milliards de barils, selon les
nationalistes, seulement 15 à 16,5 milliards, selon certains industriels –, la
controverse fait rage évidemment.
Expert reconnu sur la question, Alexander Kemp, professeur d’économie du
pétrole à l’université d’Aberdeen, se garde
bien de trancher en faveur de l’un ou
l’autre camp, mais il estime que la manne
devrait se tarir aux alentours de 2070. Le
camp du non insiste sur la chute récente
de la production, mais d’énormesinvestissements récents – en particulier ceux de
Total dans les champs gaziers de Laggan et
Tormore – devraient la relancer. Les compagnies sont « nerveuses » à l’approche du
référendum, reconnaît M. Kemp, car
« elles n’aiment pas l’incertitude, notamment en matière fiscale » et redoutent les
frais consécutifs à la coexistence de deux
systèmes juridiques et comptables différents. Mais la « capitale européenne du
pétrole » qu’est devenue, selon lui, Aberdeen a de beaux et longs jours devant elle,
avec la concentration de savoir-faire sousmarins accumulés par les entreprises locales et transférables dans le domaine des
énergies renouvelables – marine et éolienne offshore.
Le pétrole n’est pourtant pas le seul
sujet qui divise les protagonistes du référendum de jeudi, à Aberdeen. Les promesses des nationalistes sur la relance des services publics laissent sceptique le député
Richard Baker : « L’Ecosse reçoit du budget
britannique 8 milliards de livres [10 milliards d’euros] de plus par an qu’elle n’y
contribue. Défendre les services publics,
c’est rester dans le Royaume-Uni. »Une rhétorique que les sévères coupes budgétaires imposées par le gouvernement Cameron affaiblissent, au bénéfice des nationalistes. Mais Richard Baker a d’autres arguments : voter oui, c’est risquer de perdre
son emploi : « Pourquoi se couper du pays
qui achète 85 % de ce que nous produisons ? » Le jeune élu ne cache pas que sa
fébrilité s’est accrue depuis qu’un sondage a, pour la première fois le 7 septembre,
donné le oui gagnant.
C
omme s’il cherchait à conjurer la
rage qui l’a saisi ce jour-là, Robbie
Tennent, 24 ans, ingénieur dans
une compagnie pétrolière, participe à une
tournée de porte-à-porte de la campagne
« No thanks », trois jours plus tard, dans
un lotissement de Cove, une banlieue
d’Aberdeen dont les modestes pavillons
abritent surtout des employés du secteur
pétrolier. Alors que les affichettes « Yes »
sont largement les plus visibles partout
ailleurs, les fenêtres de Cove en sont
dépourvues. « Quand on est salarié du
pétrole, on vote non », résume une femme,
qui refuse cependant d’apposer un autocollant anti-indépendantiste « pour qu’on
ne me casse pas mes vitres ».
Quant à Robbie, « écossais et britannique », il paraît tétanisé par la perspective
d’une Ecosse indépendante : « Le Royaume-Uni, c’est quatre pays qui ont fait de
grandes choses ensemble comme l’empire,
avec une reine pour chef d’Etat ! C’est unique au monde et c’est mon patrimoine.
J’aurais le cœur brisé si cela venait à disparaître. »
Le porte-à-porte des partisans du non
paraît bien artisanal comparé à celui de
leurs adversaires. Ces derniers militent
pour l’indépendance depuis des années et
ont constitué au fil des campagnes une
base de données sur les sensibilités politiquesdes habitants. Bryan Lucas, un professeur de piano de 46 ans, frappe aux portes
« pour la toute première fois de [sa] vie »,
car il se sent « très contrarié ». « Je ne veux
pas assister en spectateur à l’éclatement
du Royaume-Uni, explique-t-il. Cela changerait l’équilibre des pouvoirs dans le monde occidental. »
A l’université d’Aberdeen, une des plus
anciennes d’Ecosse, un référendum blanc
organisé au printemps avait donné 64 %
de voix au non et le campus reste très divisé sur l’indépendance. « L’Ecosse indépendante, ce serait un pays étriqué, étroit d’esprit », estime Jonathan Waddell, étudiant
en économie, qui dit ne pas croire aux
nationalités et veut vivre dans « quelque
chose de plus grand ». Longtemps partisan
du non, Andrew Page, 21 ans, étudiant en
troisième année d’histoire, a, lui, changé
d’avis : « J’ai longtemps été aveuglé par le
prestige international du Royaume-Uni.
Maintenant, je me dis que j’aimerais
mieux vivre dans un pays indépendant où
l’UKIP [populiste, europhobe] est presque
inexistant et qui restera dans l’Union européenne, même si Londres en divorce. »
Courtois, pacifique, le débat sur l’indépendance pourrait se raidir lorsque les
urnes auront parlé. Déjà, toutes les opinions ne sont pas nécessairement bonnes
à exprimer. David, 24 ans, étudiant en français né dans le Kent, dit ne pas avouer son
vote à ses amis et parents anglais. Il s’apprête à dire oui à l’indépendance de l’Ecosse pour être certain de demeurer dans
l’UE, « un meilleur cadre que le RoyaumeUni ». Mais « je le garde pour moi »,
confie-t-il. « Sinon, ils me prendraient pour
un traître » à l’Angleterre. p
20
0123
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 septembre 2014
Planète | CHRONIQUE
par Stéphane Foucart
Ces nitrates que je ne saurais voir
L
NOUS
POUVONS
DISCUTER
AVEC NOS
CRÉANCIERS,
PAS AVEC
LES LOIS DE
LA NATURE
orsqu’un enfant présente une forte fièvre, deux solutions s’offrent à ceux qui
en ont la charge. La première consiste à
consulter le personnel médical, à identifier le
mal et, le cas échéant, à envisager un traitement. La seconde solution est bien plus séduisante : à chaque prise de température, il suffit,
par convention, d’inscrire « 37 ˚C » à l’endroit
où s’arrête le mercure. En changeant la graduation du thermomètre, les choses deviennent
tout de suite beaucoup plus simples.
S’agissant de la qualité de l’eau, c’est à peu
près cette stratégie – ignorer ou corrompre la
mesure – qui est fidèlement suivie par les
autorités françaises depuis de nombreuses
années. Elle vient d’être à nouveau sanctionnée, début septembre, par la Cour de justice
de l’Union européenne, qui a condamné Paris
pour non-conformité avec la directive de 1991
visant à protéger la ressource en eau des nitrates d’origine agricole, issus de l’azote des fertilisants, des effluents des exploitations, etc.
La réaction du gouvernement a été immédiate. En déplacement à Saint-Jean-d’Illac
(Gironde), Manuel Valls assistait, le 6 septembre, à un rassemblement européen organisé
par le syndicat des Jeunes agriculteurs et c’est
de là qu’il a réagi à l’arrêt de la Cour européenne, rendu deux jours plus tôt. « Nous travaillerons à une adaptation de cette directive Nitrates dont l’approche normative a clairement
montré ses limites », a-t-il déclaré sous les
applaudissements.
La phrase, dont George Orwell se serait probablement délecté, procède d’un remarquable
renversement de la réalité. Ce ne sont pas les
taux excessifs de nitrates qui doivent être
abaissés, mais la réglementation qui doit être
« adaptée » ; ce ne sont pas les plans d’actions
successifs mis en œuvre par la France qui sont
en échec, c’est l’objectif fixé qui a « montré ses
limites »… Des études scientifiques, rapporte
l’AFP, seront conduites aux fins d’appuyer l’as-
souplissement espéré. Là encore, l’aveu est
éclatant : pour une large part du monde politique, les « études scientifiques » ne sont pas
tant des outils destinés à mettre en évidence
des faits sur lesquels la réglementation doit se
fonder que des instruments qui permettent
de légitimer une décision prise d’avance.
La sortie de Manuel Valls n’a suscité que de
rares protestations. A droite comme à gauche,
on semble s’accommoder sans trop de peine
de la stratégie d’évitement prônée par le premier ministre. Seul Europe Ecologie - Les Verts
(EELV) a dénoncé la réponse de l’Etat sur le
sujet, l’estimant « irresponsable tant d’un
point de vue économique que de santé publique », rappelant que « chaque année, les ménages français paient entre 1 et 1,5 milliard d’euros de dépollution de l’eau ».
Trente années de laxisme
Par une cruelle ironie, c’est Stéphane
Le Foll, sans doute l’un des ministres de l’agriculture les plus intimement convaincus de la
nécessité de faire évoluer le modèle agricole
dominant, qui a dû s’expliquer, mercredi
10 septembre, dans l’Hémicycle. « Dans le projet d’agroécologie, plus on développera la
matière organique des sols, plus on y développera les micro-organismes, plus on aura
besoin d’azote pour les sols, a expliqué le porteparole du gouvernement, dans une casuistique de haute voltige. Donc le sol absorbera
mieux l’azote, et moins de nitrates ruisselleront dans les eaux de surface ou jusqu’aux nappes. » Ainsi, a-t-il poursuivi en substance, si
l’agriculture française s’oriente vers l’agroécologie, les limites fixées voilà trente ans par la
directive de 1991 « doivent être renégociées à
l’échelle européenne ». CQFD.
Il y a cependant une probabilité raisonnablement forte pour que l’agroécologie reste de
nombreuses années encore une pratique très
marginale – la loi d’avenir sur l’agriculture,
adoptée le 11 septembre, n’ayant sur le sujet
aucun caractère contraignant. Il risque ainsi
d’advenir du projet agroécologique cher à
M. Le Foll ce qu’il est advenu du plan Ecophyto lancé en 2008. Ce dernier avait pour
objectif de réduire de moitié l’utilisation des
pesticides en dix ans mais, depuis son lancement, les quantités de matières actives épandues n’ont cessé d’augmenter…
L’argument du gouvernement, à propos de
ces encombrants nitrates, peut donc se résumer ainsi : « Nous pouvons accroître nos dérives, car des vertus nouvelles viendront spontanément les corriger. » Il ressemble à s’y
méprendre à celui selon lequel le creusement
des déficits publics va relancer la croissance,
donc la machine économique. Quoi qu’on pense de sa validité en sciences économiques, l’argument ne s’applique pas aux questions environnementales.
Les dettes que nous contractons à l’égard de
l’environnement finissent toujours par être
réglées. Nous pouvons discuter avec nos
créanciers, pas avec les lois de la nature. Elles
s’appliquent et s’appliqueront avec entêtement, quoi qu’il arrive.
Sur la question de la qualité de l’eau, nous
sommes d’ailleurs, en réalité, déjà en train de
payer la dette de trente années de laxisme
réglementaire et d’accumulation forcenée
d’azote dans l’environnement. « En passant de
plus de 38 000 captages d’eau potable en 1998
à 33 500 aujourd’hui, ce sont ainsi près de
5 000 captages qui ont été abandonnés en
quinze ans, explique un rapport interministériel rendu fin août. La principale cause, rencontrée dans 41 % des cas, est la mauvaise qualité
de l’eau du fait des pollutions diffuses. » Alors
que, ces dernières années, les concentrations
baissent dans les cours d’eau bretons, les proliférations d’algues vertes – principalement
causées par les nitrates – ne faiblissent pas
réellement. Elles ont même commencé, cet
été, à gagner la Normandie et la Vendée.
Renégocier la directive de 1991 ne changera
rien au coût économique et au fardeau sanitaire de cette dégradation de l’environnement.
Peut-être pourra-t-elle permettre, en revanche, d’éviter les fortes amendes européennes
dont, à défaut, la France devra bientôt s’acquitter. p
[email protected]
Algues vertes à Douarnenez (Finistère),
en mai 2010. AFP
p Tirage du Monde daté samedi 13 septembre 2014 :
320 193 exemplaires.
2