Vers le renouvellement urbain des ZAE ?

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novembre 2014
URBANISME
Vers le renouvellement
urbain des ZAE ?
Par Nicolas Gillio, Cerema, Direction technique Territoires et ville, département Urbanisme-habitat, Groupe Planification et stratégie urbaine et foncière
L’urbanisme monofonctionnel de zones des années 1960 et 1970 a encouragé
l’aménagement de zones d’activité dont le nombre n’a fait que croître et dont la qualité
urbaine est souvent problématique. Désormais, les collectivités cherchent les solutions
techniques et financières favorables à la requalification des ZAE dans ce nouveau
contexte né de la crise économique et de la transition écologique.
L
es ZAE existantes représenteraient entre 24 000 et 32 000
espaces d’activités selon les
chiffres recueillis pour la préparation
du Grenelle de l’environnement en
2007. Lors d’une estimation plus récente conduite par le Certu en 2013, les
ZAE étaient évaluées à 17 000 environ,
soit l’équivalent d’une zone pour deux
communes en moyenne.
Outre cette offre de ZAE parfois
qualifiée de pléthorique, ces zones
consomment un espace significatif,
car elles nécessitent souvent à la fois
des aménagements et une desserte
routière spécifique. Pour mémoire, le
logement représente environ 50 % des
surfaces urbanisées (lire graphique cidessous), l’autre moitié correspond aux
activités économiques et commerciales (30 %) et aux infrastructures (20 %).
Ces constats présentés brièvement
mettent en évidence la nécessité de
concevoir des espaces économiques
!
L’ESSENTIEL
– Les ZAE sont nombreuses à l’échelle nationale et plusieurs
deviennent obsolètes.
– Les collectivités ont besoin de trouver des solutions pour
conserver des entreprises sur leur territoire et veiller
à une utilisation optimale du foncier disponible.
– Le coût de la requalification peut être mutualisé
entre la collectivité et les entreprises.
qui consommeraient des surfaces
moins importantes. Désormais, de
nombreuses ZAE sont confrontées au
risque de leur obsolescence. Si les ZAE
créées il y a quelques décennies sont
aujourd’hui les premières concernées,
celles aménagées plus récemment
seront face au même problème si la
consommation de terres agricoles
et naturelles continue d’alimenter la
production de nouvelles zones. L’enjeu
majeur est, pour ces zones récentes,
de les entretenir avant qu’elles ne
© Association pour les Études Foncières. in S. Petitet et D. Caubel, 2010
Utilisation des sols en France (1992-2008)
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Surfaces en milliers d’hectares
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Surfaces estimées à l’échelle nationale à partir des données Teruti et Teruti-Lucas
Réseaux de transport
Activités industrielles et services
Sources : MAAP, Teruti (données 1992 à 2003) et Teruti-Lucas (données 2006 à 2008)
Habitat
deviennent des friches tout en limitant
les extensions et les créations de zones
nouvelles.
LA FISCALITÉ LOCALE
SUR LES ENTREPRISES
La fiscalité locale économique peut
avoir des incidences à la fois positives
et négatives sur les perspectives de
requalification des ZAE.
Les ZAE aménagées et développées
par les communes l’ont été dans les
années 1980 et 1990 pour la plupart. Ce
sont ces dernières qui génèrent à la fois
les ressources fiscales pour les communes et qui nécessitent des opérations
de requalification pilotées par les EPCI.
Actuellement, et malgré la suppression
de la taxe professionnelle remplacée
par la cotisation économique territoriale, les collectivités continuent à
« raisonner » en termes d’emplois et
d’économie productive au-delà des
enjeux de ressources fiscales.
Il est possible que les territoires
industriels, principaux « perdants »
de cette réforme, soient tentés de
privilégier la construction de logements au détriment de projets d’implantation d’activités si le retour fiscal
de ces dernières devient insuffisant.
Cette perspective peut aussi inciter
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CAHIER TECHNIQUE INGÉNIERIE
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© Groupement des Industries de la Haute Vallée de l’Arc (GIHVA), 2013
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QU’EST-CE
QUE C’EST ?
– AFU :
association
foncière
urbaine.
– Consommation
d’espace par
urbanisation :
peut être
définie comme
le passage d’un
sol naturel,
agricole ou
forestier à un
sol artificialisé.
– ZAE : zone
d’activités
économiques.
les collectivités à mettre en œuvre
une gestion plus économe de l’espace
lorsqu’elles sont en position d’aménageur. La mutation de la fiscalité locale
pourrait ainsi favoriser la densification
des ZAE existantes afin d’accroître leur
rendement fiscal alors que l’ouverture
de nouvelles zones deviendrait moins
intéressante d’un point de vue financier
pour les collectivités.
UN AMÉNAGEMENT
ÉCONOMIQUE QUALITATIF
La qualité des aménagements fait
partie des critères de choix de localisation des entreprises. Les ZAE
aménagées avec des critères de qualité
urbaine et paysagère ont évidemment
un coût plus élevé pour la collectivité.
Cependant, les résultats obtenus montrent que le coût global de l’opération
peut être compensé à moyen terme par
une attractivité plus forte de la zone.
En effet, les entreprises maintenues
sur place grâce à la requalification et/
ou aux aménagements qualitatifs sur
la zone d’activité seront à l’origine de
ressources fiscales et d’emplois pour la
collectivité à moyen terme.
LES OUTILS ET LEVIERS
L’identification et la valorisation du
potentiel de densification sont un
premier levier de la requalification. En
effet, le potentiel identifié est estimé
en fonction des réserves foncières,
des possibilités de transfert des entreprises hors des ZAE et en fonction
de l’implantation du bâti sur la parcelle.
Dans le cadre des ZAE étudiées, le taux
d’occupation du bâti sur les parcelles
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apparaît relativement faible compte
tenu des réglementations et de la
législation en vigueur (la loi sur l’eau
est souvent considérée comme contraignante pour l’imperméabilisation des
sols lors de l’extension de la surface
bâtie). Le potentiel de densification
offre la possibilité d’estimer le taux
d’occupation du bâti sur les parcelles
et la proportion des surfaces cessibles
sur la surface cessible totale. Cependant, les contraintes réglementaires
(stationnement et implantation de
bâtiments) et l’organisation propre des
entreprises (emplacements en milieu de
parcelle du bâtiment initial) constituent
des freins au potentiel théorique de
densification.
DES DÉMARCHES
DE QUALITÉ
En matière d’action publique, la première étape d’une démarche de requalification consiste souvent à promouvoir des parcs qualitatifs et à inciter
les collectivités (EPCI et communes) à
un questionnement sur l’ensemble de
leurs zones d’activités avec un référentiel qualitatif. À l’instar du référentiel
conçu par Bretagne Qualiparc, l’objectif
est de proposer un ensemble de thématiques sur lesquelles les collectivités
intéressées pourront s’interroger sans
pour autant que ces thématiques
conduisent à une hiérarchie et à des
critères prioritaires. Cette démarche
permet de construire le dialogue
autour d’un référentiel commun et
d’identifier les marges de progrès. Il est
alors plus facile de mobiliser les leviers
financiers disponibles.
LES SERVICES
AUX ENTREPRISES
ET AUX SALARIÉS
Dans plusieurs zones,
la qualité des services aux
entreprises et aux salariés
est un critère pris en compte
pour la mutation de la zone.
La réflexion sur
la mutualisation de certaines
fonctions, sur l’amélioration
du fonctionnement de la
zone est jugée indispensable.
La gestion s’effectue à partir
d’une structure dédiée, par
exemple une association
d’entreprises. Elle contribue
à requalifier de manière
permanente les locaux, les
espaces privés et publics de
la zone. Les entreprises et les
salariés se voient aussi offrir
des services de proximité
qui peuvent favoriser les
échanges professionnels sur le
site ou développer un « centre
de vie » sur la ZAE.
LES LEVIERS
DE L’ACTION PRIVÉE
Les associations foncières urbaines
de propriétaires peuvent jouer un rôle
intéressant en matière de modération
des prix. « Une association foncière
urbaine (AFU) est une « collectivité de
propriétaires » réunis pour exécuter
et entretenir, à frais communs, les
travaux qu’elle énumère. Elle peut avoir
l’un des objets suivants :
- le remembrement de parcelles et les
travaux et aménagements nécessaires ;
- le regroupement de parcelles en vue
de la mise à disposition ou la vente
à un tiers ;
- la construction et l’entretien d’équipements d’usage collectif (voirie,
chauffage, espaces verts…) ;
- la conservation, la restauration et
la mise en valeur d’immeubles en
secteur sauvegardé ou périmètre de
restauration immobilière. •••
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ZOOM LOCAL
LA REQUALIFICATION
DES PALUDS
••• L’AFU constitue une prise en charge
de l’urbanisation par les propriétaires,
suite à une réflexion en amont menée
dans une réelle concertation avec eux.
Elle offre la possibilité de modifier un
parcellaire morcelé (remembrement) ou
de l’effacer (groupement de parcelles).
Les coûts de l’aménagement sont pris
en charge par les propriétaires qui, en
contrepartie, valorisent financièrement
leurs terrains grâce à une viabilisation
globale réalisée par l’AFU » (fiche Alur,
ministère de l’Égalité des territoires et
du Logement, mai 2014).
Cette forme juridique favorise une
gestion urbaine de la ZAE avec des
services urbains développés et mutualisés par les propriétaires (collecte
des déchets avec tarification unique ;
installation d’un chauffage centralisé
pour la ZAE desservant l’ensemble
des locaux, etc.) qui fi nanceront les
équipements déployés à partir des
cotisations versées.
Le rythme et le degré de rénovation des locaux sont porteurs d’effets
d’entraînement sur la ZAE et pour le
territoire concerné (SCoT, intercommunalité, etc.). Les entreprises peuvent
être réellement associées aux choix
d’aménagement par l’intermédiaire
de clubs d’entreprises animés par des
organismes consulaires. Dans ces caslà, la gestion urbaine et la réhabilitation
des espaces publics et surtout privés
de la part des entreprises implantées
sont souvent plus rapides.
Le dynamisme de la ZAE favorise
la requalification et permet d’envisager rapidement les opportunités
de mutation des espaces d’activités
(adaptation à la demande des entre-
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Créée il y a plus de 45 ans, la
zone industrielle des Paluds
est un site productif important
avec une forte densité
d’emplois (60 emplois par
hectare). Mais le manque de
foncier, la présence de mitages
commerciaux et les difficultés
de circulation au sein de cette
zone, malgré une connexion
au réseau autoroutier,
limitent actuellement
son développement. La
communauté d’agglomération
du Pays d’Aubagne a donc
réalisé une étude pour évaluer
le renouvellement du potentiel
économique, avec une approche
globale (aménagement,
circulation, transport…).
L’objectif est « de donner
un nouvel élan à ce poumon
économique, en répondant
aux besoins des entreprises
déjà présentes et en attirant
de nouvelles à forte valeur
ajoutée », indique Martine
Thérond, directrice du service
économie au Pays d’Aubagne.
Les premiers travaux ont été
lancés, notamment sur le volet
circulation et transport (mode
vélo/mode doux). « On se
donne désormais dix ans pour
réussir à faire des Paluds une
zone productive renouvelée qui
soit une référence en région
Paca », précise-t-elle.
prises, implantations de nouveaux
établissements) et participe au maintien des activités et des emplois sur le
territoire. Par conséquent, il convient
de ne pas raisonner uniquement en
termes d’équilibre financier d’opération mais aussi d’apprécier les effets
qu’une opération de requalifi cation
peut créer durablement en matière
d’attractivité économique.
QUELLES PERSPECTIVES ?
Comme pour le renouvellement urbain
résidentiel, la requalification des espaces d’activité n’échappe pas à la
mobilisation de fonds publics dans la
mesure où les mécanismes de marché
ne permettent pas d’assurer spontanément l’équilibre financier de l’opération.
La reconstruction de la ville sur ellemême reste un enjeu d’avenir tant les
espaces urbanisés dans les années 1980
et 1990 sont frappés d’obsolescence à
un rythme accéléré. Les collectivités
sont contraintes d’imaginer des solutions de financement innovant basées
notamment sur la réversibilité et la
capacité à créer de la densité urbaine
et de la mixité fonctionnelle là où elles
étaient pourtant absentes.
L’intervention publique et privée
est nécessaire pour faire évoluer ces
espaces d’activité, mais les risques
financiers sont élevés pour les entreprises qui hésitent alors à engager
des dépenses ou à initier des projets
collectivement. Le rôle des collectivités
consiste alors à impliquer les entreprises suffisamment en amont dans le
processus de requalification. Celui-ci
ne pourra en effet aboutir sans leur
adhésion à la démarche et sans leur
participation aux travaux nécessaires.
Derrière la requalification, c’est bien
la nécessité de développer la gestion
urbaine des sites économiques qui doit
s’imposer pour y intégrer des fonctions
urbaines nouvelles et progressivement
réintégrer les ZAE dans la ville et développer, par exemple, des réflexions
sur les besoins énergétiques de leurs
occupants.
POUR EN SAVOIR +
« Zones d’activités économiques en périphérie : les leviers
pour la requalification », Cerema, 2014 (à paraître).
« Requalification des espaces commerciaux. Retours
d’expériences et premiers enseignements », Certu, 2013.
« Scot et développement économique des territoires »,
Certu, 2012 (en partenariat avec Etd).
« Mesure de la consommation d’espace à partir des fichiers
fonciers », série de fiches, Certu, 2013.
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