2.6-Le cuivre de Bleïda (boutonnière de Bou Azzer

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LES MINES DE L’ANTI-ATLAS CENTRAL
2.6- Le cuivre de Bleïda (boutonnière de Bou Azzer-El Graara) /
The Bleida Copper Deposit (Bou Azzer-El Graara inlier)
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L. MAACHA1, B. MAAMAR1, M. KERSIT1, A. SAQUAQUE1 & A. SOULAIMANI2
Points clés : Gisement de cuivre situé au SE de la boutonnière
précambrienne de Bou Azzer-El Graara, au sein de la série de
plateforme du Néoprotérozoïque inférieur de Tachdamt-Bleïda.
Deux types de minéralisations sont distingués, un type nord, stratiforme et antérieur à la phase panafricaine majeure, et un type
sud, contrôlé par des accidents cassants tardi-panafricains.
Highlights : The Bleïda copper deposit is located in the southeastern part of the Bou Azzer-El Graara Precambrian inlier,
within the Lower Neoproterozoic Tachdamt-Bleïda platform. Two
types of mineralization are distinguished, a stratiform “north
type”, which predates the main Pan-African event, and a hydrothermal “south type” controlled by late Pan-African brittle
faults.
Localisation : La mine de cuivre de Bleïda est située au
SE de la boutonnière de Bou Azzer-El Graara (fig. 2.6.1).
GPS : N 30°21'39,57", W 6°27'39,37", alt. 1330 m. On y
accède par la route, mal entretenue, de 47 km qui bifurque
vers le SE à partir de la route Tazenakht-Agdz (coordonnées du carrefour : N 30°31'53.46", W6°49'35.88"). La
mine fait l’objet de l’arrêt J2-4 du circuit C5 des Nouveaux
Guides (Ouanaimi & Soulaimani, 2011).
1
2
Managem, Direction Exploration et Développement, Twin Center, Casablanca,
Maroc. [email protected] , [email protected] , [email protected] , [email protected] .
Laboratoire GEOHYD, Département de Géologie, Faculté des Sciences Semlalia,
Université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc, [email protected]
Substance exploitable : Cuivre
Etat et historique : Outre le cobalt de Bou Azzer (BouAzer), le gisement cuprifère de Bleïda a beaucoup contribué à la renommée minière de la boutonnière de Bou
Azzer-El Graara. Ce site a été actif depuis le Moyen Âge
comme en témoignent les nombreuses tranchées, scories,
traces de fours anciens ainsi que les ruines du village minier de Guelb Tassawt, à l’est de Bleïda. L’exploration moderne des indices et gisements de cuivre débuta en 1962 et
aboutit à la découverte des premiers amas par prospection
géophysique (secteur Bleïda sud) en 1967 par la Compagnie Minière d’Aït Ahmane (CMA) et le Groupe canadien
LINSLEY. En arrêt de 1968 à 1970, les travaux de recherches et de reconnaissance ont repris en 1971, menés
par le groupement BRPM - ONA. (SOMIFER) et la compagnie japonaise MITSUI. Un premier puits a permis de
traverser l’amas 5 dans la zone sud, puis un second puits
dans la zone nord a traversé des niveaux minéralisés à 50
et 100 m. Après un nouvel arrêt en 1973, la Société Minière de Bou-Gaffer (SOMIFER) a relancé l'étude du gisement de Bleïda en privilégiant les travaux de surface
(cartographie, sondages carottés et percutants), et à partir
de 1976, les deux puits se sont trouvés reliés à leur niveau
de base par un travers-banc de 800 m de long. L’exploitation minière continua de 1980 à 1997, date à laquelle la
FIG. 2.6.1 : Localisation du gisement de Bleïda sur un extrait de la carte routière Michelin au millionième.
FIG. 2.6.1 : Location of the Bleïda mine on the Michelin road map, scale 1/1 000 000.
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NOUVEAUX GUIDES GÉOLOGIQUES ET MINIERS DU MAROC - VOLUME 9
mine de Bleïda a cessé ses activités suite à l’épuisement
des stocks de cuivre rentables. Le site est toutefois maintenu et servait encore, en 2008, comme plateforme de traitement des oxydes de cuivre.
Cadre géologique : Les minéralisations cuprifères de
Bleïda sont encaissées dans les dépôts de plateforme du
Néoprotérozoïque inférieur du Groupe de TachdamtBleïda, qui fait partie du Groupe de Taghdout-Lkest défini
sur la marge nord du Craton Ouest-Africain (Bouougri &
Saquaque, 1992 ; Thomas et al., 2002). Dans la boutonnière de Bou Azzer-El Graara (fig. 2.6.2), cette série de
plateforme affleure dans les localités de Tachdamt à l’ouest
et à son extrême SE à Bleïda, où elle forme une bande allongée WNW-ESE sur environ 11 km avec une largeur
moyenne de 2 km. A la mine de Bleïda (fig. 2.6.3 A), à la
base de la série du Groupe de Tachdamt (fig. 2.6.3 B) affleure une alternance de siltites et de carbonates surmontés par la barre de grès-quartzites qui forme la ligne de
crête du Jbel Al Orf, à l’est de la mine. Ces termes sont
suivis par une alternance de grès et de pélites à niveaux
carbonatés stromatolithiques, puis par des pélites noires
sur lesquelles se place une unité basaltique. Celle-ci com-
FIG. 2.6.2 : Cadre géologique de la mine de cuivre de Bleïda sur le schéma structural de la boutonnière précambrienne de Bou Azzer-El Graara.
FIG.2.6.2 : Geological setting of the Bleïda copper mine on the structural map of the Bou Azzer-El Graara inlier.
FIG. 2.6.3 : A) Vue de l’installation minière de Bleïda ; B) Log stratigraphique de la série du Groupe de Tachdamt-Bleïda (d’après Mouttaqi, 1997).
FIG. 2.6.3 : A) Overview of the Bleïda mining plant ; B) Stratigraphic Log of Tachdamt-Bleïda Group (after Mouttaqi, 1997).
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porte un empilement de coulées à aspect massif. Sur les
basaltes repose une série volcano-sédimentaire monotone
à dominance pélitique, intercalée d’horizons pyroclastiques (cinérites et tufs). C’est à la base de ce cycle volcano-sédimentaire que se situe la minéralisation de « type
sud » tandis que celle du « type nord » se développe dans
la partie sommitale, au passage à la série schisto-gréseuse.
L’âge de cette série de plateforme a été établi indirectement à 788 ± 9 Ma (Clauer, 1976). Elle constitue l’unité la
plus ancienne de la boutonnière, étant probablement à
peine antérieure au plancher océanique néoprotérozoïque
dont les vestiges forment le Complexe ophiolitique de Bou
Azzer, associé aux différentes unités d’arc (Groupes de Tichibanine-Ben Lgrad au nord et Groupe d’Igrane-Bou
Azzer au sud). Le district de Bleïda est situé à la terminaison orientale de la granodiorite de Bleïda, datée de 579,4
± 1,2 Ma (Inglis et al., 2004).
Description du gisement : Dans le gisement de Bleïda,
on distingue deux zones, avec deux types différents de
minéralisation (Billaud, 1977) :
La zone sud regroupe, selon la nomenclature locale, le
gisement de la Palmeraie, les anomalies : A2, A3, A4, A5 et
A7, le corps D et les amas 1, 2, 3 et 4. La minéralisation y
est estimée à 700 000 t de tout venant avec une teneur
moyenne en Cu de 3 %. Elle est située à la base de la série
pélitique du Groupe de Tachdamt-Bleïda, à une dizaine de
mètres au-dessus des basaltes tholéïtiques. La masse minéralisée est réticulée et en stockwerk, sécante sur la stratification des faciès porteurs et s’injecte dans les plans de
schistosité S1. Sa puissance varie de 0,4 à 6 m et sa longueur de 50 à 100 m. La minéralisation semble se concentrer dans des failles NE-SW. Dans cette zone fortement
tectonisée, située entre les roches basiques et la granodiorite, la minéralisation primaire a été fortement remobilisée
et reconcentrée tardivement.
La zone nord contient la minéralisation la plus riche avec
une teneur moyenne en Cu de 9,34 % pour un tonnage de
1 800 000 t. Elle est localisée dans plusieurs niveaux de la
série de Bleïda, dans les pélites (amas 60), au contact entre
les pélites et la série schisto-gréseuse (amas 113, 112, 110,
107, 106 et 125), ou dans l'Unité schisto-gréseuse (amas de
Bleïda ouest). Le minerai, constitué de pyrite, chalcopyrite et bornite, se répartit en plusieurs amas de forme lenticulaire se situant dans une bande étroite, de quelques
centaines de mètres de puissance et d’une longueur de 4
km. La pyrite est stratiforme et affectée par la schistosité
panafricaine. Elle s’étend largement selon un horizon souligné par un niveau-repère de jaspes ferrugineux.
Minéralogie : La minéralisation de Bleïda est à prédominance de sulfures de cuivre et de fer exprimés sous forme
de bornite, chalcopyrite et pyrite, qui dessinent une zona-
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lité commune à tous les amas et autour des failles ENEWSW et de leurs satellites NE et NS.
Interprétation génétique : Une origine primaire a été évoquée pour la minéralisation cuprifère du district de Bleïda,
dès les premiers travaux de surface ou de subsurface. La
minéralisation primaire, dispersée dans les schistes, serait
remobilisée et reconcentrée sous l'influence de l'intrusion
de la granodiorite de Bleïda (Saadi, 1973 ; Leblanc, 1974).
Ces auteurs ont mis l’accent sur l’aspect stratiforme de la
minéralisation au sein de l’encaissant volcano-sédimentaire, tout en définissant deux types de minéralisation qui
seraient continus latéralement dans un même cadre paléogéographique : au sud un domaine de marge continentale
peu profonde à minéralisation « type sud », et au nord un
bassin marginal septentrional à minéralisation « type
nord ». Dans ce contexte, le gisement de cuivre stratiforme
de Bleïda est interprété comme un amas sulfuré mis en
place antérieurement aux compressions panafricaines.
En revanche, pour Mouttaqi (1997), l’importance des faciès hydrothermaux intercalés à différents niveaux de la
Série de Bleïda (jaspe, fer rubané, chloritites,…) montre
la permanence d’un système géothermal. La minéralisation cuprifère de Bleïda serait de type SEDEX, mise en
place dans un contexte extensif à forte activité exhalative
(Mouttaqi & Sagon, 1999).
D’après nos propres observations (Maacha, travaux en
cours), le système géothermal à exhalites (jaspes et chloritites) est responsable du dépôt de la pyrite primaire caractéristique du niveau porteur « type nord », ainsi que de la
magnétite du niveau de cinérites situé à la base de la série.
Cette pyrite est affectée par la phase majeure panafricaine
(phase « B1 » de Leblanc, 1975), ainsi que la magnétite du
niveau de cinérites à la base de la série (fig. 2.6.4, photos
1, 2). Par contre, pour les sulfures de cuivre, les minéralisations de « type sud » en stockwerk sont entièrement sécantes
sur la schistosité panafricaine S1 et s’inscrivent dans un style
de déformation cassante assistée par fracturation hydraulique. Nous proposons le scénario suivant :
➤Un premier stade, responsable du dépôt de la pyrite régionale à soufre biogénique avec des jaspes à sa base dans
des bassins confinés et en relation avec des émanations volcaniques bimodales, comme les kératophyres à magnétite,
les spilites et les tufs. Cette pyrite n’est pas exclusive au niveau porteur nord mais se trouve en dissémination dans
toute la série. Son caractère lité et presque massif au nord
serait probablement lié à des reconcentrations tectoniques
et métamorphiques postérieures. Durant cet épisode, nous
n’excluons pas l’existence de sulfures de cuivre, dont nous
ne pouvons pas confirmer le caractère économique ;
➤Une minéralisation hydrothermale contrôlée par une déformation cassante tardi-panafricaine dans un contexte ex-
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FIG. 2.6.4 : Microphotos des minéralisations de Bleïda. 1) Les sulfures primaires qui soulignent la stratification sont repris par la déformation synschisteuse panafricaine ; 2) Prédominance du litage tectonique montré par la transposition de la S0 dans la S1 ; 3) Magnétite primaire non déformée dans les cinérites de base ; 4) Un filonnet à sulfures hydrothermaux avec la chlorite associée ; 5 à 8) micrographies en lumière réfléchie ; 5)
Stéphanite (st) dans un filon et dans la bornite (bo), la chalcopyrite (ch) dans fissures, l’hématite (hem) et le quartz (qz) (x200) ; 6) Chalcopyrite
(ch) tardive par rapport à la bornite (bob, bov) éparpillée le long des bordures en petites baguettes automorphes (x200) ; 7) La bornite violette (bov)
précoce et la bornite bleue (bob) associée à la chalcopyrite rougeâtre (chr) dans une veinule de quartz ; la chalcopyrite jaunâtre occupe les périphéries (x200) ; 8) Chalcopyrite (ch) associée à la polybasite (polyb) dans les fissures (x200).
FIG. 2.6.4 : Microphotos of the Bleïda mineralization 1) The primary sulphides that emphasize the stratification are reworked by the Pan-African
deformation ; 2) predominance of tectonic layering shown by the transposition of the S0 in S1 ; 3) primary magnetite in undeformed basal tuffs, 4)
chlorite associated to hydrothermal sulfides seam ; 5 to 8) micrographs in reflected light, and 5) Stephanite (st) into a vein and in bornite (bo), chalcopyrite (ch) in cracks, hematite (hem) and quartz (qz) (x200) ; 6) Late Chalcopyrite (ch) from the bornite (bob, bov) scattered along the edges of
small sticks automorphic (x200) ; 7) Early purple bornite (bov) and blue bornite (Bob) associated with reddish chalcopyrite (chr) in a quartz vein,
yellow chalcopyrite occupies the periphery (x200) ; 8) chalcopyrite (ch) associated with polybasite (Polybius) in the cracks (x200).
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tensif. Il en résulte des lentilles minéralisées à zonalités
emboîtées et symétriques par rapport au drain, traduisant
la précipitation séquentielle des sulfures à partir d’un
même fluide hydrothermal en fonction des conditions physiques et chimiques de ce fluide et des caractéristiques cristallochimiques et de solubilité des espèces minérales. Les
couloirs de cisaillement ductile à pyrite auraient joué le
rôle de réceptacles. Cet événement serait contemporain du
volcanisme alcalin du Jbel Alougoum (base du Cambrien ;
voir fiche 2.9) et synchrone des minéralisations de cobalt
de Bou Azzer (fiche 2.4).
Références
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avec les gîtes minéraux. Coll. Sci. Intern. Eugène Raguin, Masson édit, 288-290.
PAO : Omar BELFKIRA
[email protected]