fracture occulte isolée de la fosse glénoïde

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Transcript fracture occulte isolée de la fosse glénoïde

J Radiol 2009;90:615-7
© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2009
Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
lettre
ORL
Une étiologie rare de douleur
temporo-mandibulaire :
fracture occulte isolée de la fosse glénoïde
D Bassou, A El Kharras, J El Fenni, A El Haddad, T Amil, M Benameur et A Darbi
Key words: Glenoid fossa. TMJ injury. Mandibular fracture. Imaging.
es fractures de la fosse glénoïde temporale sont rares, et presque toujours associées à l’enfoncement et/ou
à la dislocation du condyle dans la cavité
glénoïde. Les fractures isolées de la fosse
glénoïde, sans lésion du condyle et sans
enfoncement sont exceptionnelles (1, 2).
Nous rapportons un cas original de fracture isolée de la fosse glénoïde, sans enfoncement du condyle et sans fracture
mandibulaire, en insistant sur les facteurs
biomécaniques et anatomiques favorisant
ce type de fractures et sur le rôle diagnostic de l’imagerie.
L
Observation
Mots-clés : Fosse glénoïde temporale. Traumatismes des ATM.
Fractures mandibulaires. Imagerie.
bouche ouverte a retrouvé une réduction
de l’amplitude de translation condylienne
antérieure, ainsi qu’un manque de la
dentition postérieure gauche (fig. 3), sans
lésion mandibulaire ou de l’éminence articulaire.
Un traitement conservateur basé sur une
diète semi-liquide et sur la rééducation a
été instauré pendant quatre semaines. La
patiente n’avait plus de douleur à la fin du
traitement.
bouche ouverte (fig. 1) a montré à gauche
un hypersignal du tissu celluleux rétrodiscal, une lame d’épanchement dans le
compartiment articulaire supérieur, ainsi
qu’une réduction de l’amplitude de translation condylienne. Un hypersignal punctiforme postérieur non spécifique du toit
de la cavité glénoïde temporale gauche a
été également retrouvé. L’IRM n’a pas
montré d’anomalie de position ou de déplacement des disques ni de lésion du
condyle mandibulaire. La VS et le dosage
de la CRP ont été normaux. Un scanner
des ATM réalisé pour analyser l’os, a
montré (fig. 2) une solution de continuité
non déplacée de la partie postérieure du
toit de la fosse glénoïde temporale gauche. La reconstruction tridimensionnelle
Discussion
Les fractures isolées de la fosse glénoïde
temporale sont rarement décrites dans
Une patiente âgée de 36 ans a été admise pour une douleur de l’articulation
temporo-mandibulaire (ATM) gauche
datant de plusieurs mois. Dans ses antécédents, on notait il y a un an la notion de
traumatisme de la face par coup-de-poing
submentonnier, le bilan radiologique
standard n’avait pas montré de fracture
des ATM ou de la mandibule. L’examen
clinique notait une douleur rétro condylienne d’intensité modérée à irradiation
maxillo-mandibulaire, exacerbée par la
mastication et par la pression sur la région
pré-auriculaire, avec une discrète limitation d’ouverture de la bouche du côté malade, il n’y avait pas d’anomalie de l’occlusion dentaire.
Devant la persistance de la douleur sous
traitement antalgique, une IRM des
ATM a été réalisée à la recherche d’un
dysfonctionnement articulaire. La séquence de densité protonique sagittale en
a b
Fig. 1 :
Service d’Imagerie Médicale, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat, Maroc.
Correspondance : D Bassou
E-mail : [email protected]
a
b
IRM de l’ATM gauche, en densité de proton.
En bouche fermée, hypersignal punctiforme postérieur du toit de la cavité glénoïde
temporale (petite flèche), hypersignal indiquant une lame d’épanchement dans le
compartiment articulaire supérieur (flèche épaisse).
En bouche ouverte, hypersignal indiquant un œdème du tissu celluleux rétro-discal
(étoile).
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Une étiologie rare de douleur temporo-mandibulaire :
fracture occulte isolée de la fosse glénoïde
D Bassou et al.
a
b
Fig. 2 :
Scanner des ATM reconstructions sagittale (a) et coronale (b) :
solution de continuité du toit de la fosse glénoïde gauche (flèche).
Fig. 3 :
Scanner des ATM en bouche ouverte, reconstruction tridimensionnelle.
Réduction de l’amplitude de la translation antérieure du condyle gauche (flèche),
manque de la dentition molaire gauche (étoiles).
les traumatismes de l’ATM. Une revue
de la littérature utilisant Medline n’a retrouvé que trois cas publiés, mais associés dans deux cas à des fractures de la
mandibule (2, 3), et dans un cas à une
fracture de l’éminence articulaire (4),
aucune publication de fracture isolée de
la fosse glénoïde, sans lésion mandibu-
laire, et sans pénétration du condyle
dans la fosse crânienne moyenne n’a été
rapportée.
La rareté de ces fractures est liée à la
structure anatomique particulière de cette région qui protége la cavité crânienne
moyenne et les structures nerveuses adjacentes au cours des traumatismes de la face. Le col du condyle zone gracile de
moindre résistance, constitue par ses fractures dites protectrices, le principal mécanisme de protection (2). Quant au toit de
la cavité glénoïde formé par l’apposition
de deux corticales, sans trabéculations
fonctionnelles ; il constitue une faible
protection (5). Cette protection est optimisée par la situation du condyle dans
une cavité articulaire inextensible (6), par
la nature en relief des parois médiale et latérale de la fosse glénoïde qui limitent le
déplacement de la tête condylienne de
surface plus volumineuse (7), et enfin par
la présence de la dentition molaire postérieure (2).
Ces mécanismes de protection peuvent
être mis à défaut lors du mouvement de
rétropulsion extrême par un impact submentonnier, générant un vecteur force en
direction de la partie postéro-supérieure
la plus mince de la fosse glénoïde (8, 9). La
forme du condyle petite et ronde, qui pénètre plus aisément la fosse glénoïde sans
réduction de sa force d’impulsion (10-13),
le manque de la dentition postérieure ainsi que l’hyperpneumatisation temporale
favorisent également ce type de fracture
(14, 15). Notre patiente a été soumise à un
impact submentonnier de direction postérosupérieure, et avait un manque de dentition molaire du côté de la fracture. L’absence de consolidation de ces fractures est
liée à la soumission continue de l’ATM
aux mouvements de mastication empêchant l’immobilité du trait de fracture (4).
Notre patiente n’a pas reçu de traitement
après le traumatisme.
Ces fractures sont rarement rapportées et
probablement sous-estimées, car souvent
méconnues initialement sur les radiographies de routine, et à distance du traumatisme en IRM, examen réalisé souvent
pour explorer les algies et dérangements
chroniques des ATM.
La réaction inflammatoire de la synoviale
entretenue par l’absence de consolidation
de la fracture se traduit en IRM en séquence de densité protonique et en T2
vrais, par un hypersignal du tissu celluleux rétro-discal associé parfois à un
épanchement intra-articulaire. L’évoluJ Radiol 2009;90
D Bassou et al.
tion de ces phénomènes inflammatoires
est corrélée à celle des douleurs (16-18).
La fracture osseuse causale masquée en
IRM par les anomalies de la synoviale, est
parfaitement visualisée par le scanner des
ATM. Les reconstructions multiplanaires et tridimensionnelles permettent en
effet de redresser le diagnostic en montrant le trait de fracture du plancher de la
fosse glénoïde, et les facteurs anatomiques favorisants. Le traitement de ces
fractures isolées non déplacées de la fosse
glénoïde, repose sur une attitude conservatrice (2, 4).
Conclusion
En présence d’antécédent traumatique de
l’ATM même lointain, la présence d’une
algie chronique de l’ATM doit faire rechercher par l’interrogatoire et par l’examen clinique les facteurs biomécaniques
et anatomiques favorisant les fractures de
la fosse glénoïde temporale, le scanner est
alors l’examen de choix pour poser le diagnostic.
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