Sport et psychopathologies

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Sport et psychopathologies

Jennifer Foucart – PhD

Laboratoire de Psychophysiologie de la Motricité Faculté des Sciences de la Motricité

• • • ‘MENS SANA IN CORPE SANO’ Lutte contre la sédentarité Reconnaissance actuelle des bienfaits somatiques, physiologiques et psychologiques du sport

• • Mais que dire du sport lorsqu’il est pratiqué à l’excès?

Et à quels autres excès le sport peut-il mener?

Le sport de haut niveau : un processus addictif ?

• • • • Investissement sans mesure Acceptation de modifications physiques Pratique intense et de longue durée Non prise en compte de la fatigue et de la douleur

Le sport? Une dépendance...

• • • De véritables symptômes anxieux et dépressifs peuvent se manifester lors d’arrêt du sport.

Disparition de la symptomatologie anxiodépressive après une période d’abstinence quand reprise du sport.

De plus, on retrouve un nombre important de sportifs de haut niveau qui laissés à l’abandon à la fin de leur carrière entrent dans des conduites de dépendance telles que l’héroïnomanie ou autres produits toxiques (Lowenstein, 2000)

Le sport? Une dépendance...

• Cliniquement, on considère que le sportif est dépendant de l’activité physique lorsque son comportement correspond à au moins trois des critères suivants (Nandrino et al., 2008): – Le besoin d’augmenter significativement la somme d’exercices pour atteindre un but visé.

– La présence de fatigue, d’anxiété pendant l’exercice auxquelles le sujet répond par une augmentation de la pratique.

– La pratique de l’activité à des fréquences ou sur des durées plus importantes que celles prévues intentionnellement par le sujet.

– – – Le désir d’exercices impérieux ou des tentatives d’arrêt vouées à l’échec.

Une focalisation des activités du sujet sur la pratique de l’exercice.

La poursuite de l’exercice en dépit de problèmes physiques ou mentaux récurrents.

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Constatations inquiétantes

• • • • Plus grande consommation de psychotropes par les sportifs de haut niveau Aspect compulsif du mouvement Dopage Pratique sportive « excessive »

Facteurs de risque

• • • • • Evolution sociologique du sport Mode de vie du sportif Traits de personnalité du sportif Monotonie du mouvement et recherche de perfection Soutien familial peu présent ou réussite par procuration

Evolution sociologique du sport

• • • L’exploit sportif n’est plus vécu comme un acte héroïque avec un surpassement du sport Le sportif est devenu l’employé, un produit au service d’un entreprise d’autrefois.

 Nécessaire pour le sportif de renoncer aux valeurs qui faisaient le sport Véritable dissociation entre l’essence de la démarche sportive initiale et la réalité de ceux qui investissent dans le sport.

• « À peine sortie de l’enfance, sans avoir eu le temps de se construire et

développer les outils nécessaires pour se protéger, ils sont l’objet d’un intérêt mercantile où ils vont, attirés par le chant des sirènes, vendre leur âme et leurs illusions perdues. »(Seznec, 2002)

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Mode de vie du sportif

• • Sentiment de déréalisation dans le sport avec rythmes et activités toujours identiques.

« errance organisée» avec perte des repères et d’identité chez ces jeunes adultes pas encore assez mûrs pour affronter cette réalité. • Vie sur les lieux de course = colonie de vacances par rapport à leur vie familiale. • Les temps de compétition n’est pas la « vraie vie » ou une vie professionnelle. On n’est plus dans la réalité avec ses lois  vacances, moment où les règles de vie se relâchent. 10

Recherche de risque en tant que trait de personnalité des sportifs?

• • • • Tous les sports, ou presque, comportent un certain degré de risque. Ne faut-il pas aimer les sensations fortes pour réussir? Sélection des athlètes de haut niveau favorise la sélection des individus chercheurs de sensations.

Trait de personnalité qui se définit par la recherche de sensations et d’expériences variées, nouvelles, complexes et intenses et la volonté de prendre des risques physiques, sociaux, juridiques et financiers pour vivre ces expériences (Lafollie et al., 2007).

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Conduite à risque ou recherche de sensations?

• Un faible taux de l’enzyme Mono Amine Oxydase caractérise les chercheurs de sensations. Cette particularité influence le fonctionnement des systèmes catécholaminergiques: le système dopaminergique.

• •

2 situations différentes:

Dans les sports dits ‘à risque’ : la recherche de sensation centrale = une sensation de plaisir induite par la libération dopaminergique (hédoniste).

Dimension de type thérapeutique: jeu avec le danger et la mort qui peut être compris comme la recherche d’une « sensation forte ».

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• Cette prise de risque de par son aspect ordalique peut rassurer l’individu, principalement les adolescents sur leur corps mais peut en plonger certains dans une quête infinie de l’effort physique avec un risque important d’épuisement. • Cette recherche de sensations, qu’elle soit hédonique ou thérapeutique, met en jeu le même système de récompense dopaminergique et risquent de conduire à des addictions. • Si la recherche de sensations à visée « thérapeutique » est problématique, celle « hédonique », doit aussi être considérée avec prudence. En plus du risque d’addiction, les « hédonistes» extravertis, généralement impulsifs, pourraient s’engager sans contrôle ni limites dans la désinhibition ou les sports à risque.

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Monotonie du mouvement

• • • • • • • Répétitivité du mouvement prend une place importante dans l’économie psychique du sujet.

Selon Carrier (2000) l’entraînement sportif intensif peut amener un lien addictif au mouvement. Répétition des entraînements et la ritualisation des gestes sont en causes Objectif du sportif : atteindre un idéal de maîtrise dans le mouvement.

– Inadéquation entre cet idéal de perfection et ce mouvement mécanique qui entretient ce fonctionnement addictif.

Mais aussi activité répétitive et monotone Subordination du sportif à l’activité physique Sport prend toute la place dans la vie du sportif 14

• • Les épreuves physiques s’inscrivent dans une dynamique de la dépense, avec augmentation de la tolérance à la souffrance. Le sujet devient dépendant d’une excitation physique, musculaire qu’il auto entretient.

Or, il a été démontré chez des rats qu’une activité compulsive régulière de course dans des roues pouvait induire une addiction à l’effort avec une véritable dépendance (Carrier, 2000). 15

L’influence parentale

• Sport = demande parentale syndrome de « réussite par procuration » qui serait une variante du syndrome de Münchausen par procuration • L’amour parental conditionné à ces expériences de succès • Ce type de comportement représente un facteur favorisant le risque de psychopathologisation du sportif (burn-out, tr. Alimentaire, toxicomanie,…) • Différents signaux d’alerte ont été décrits : le pseudo altruisme, l’instrumentalisation et la maltraitance. 16

pseudo altruisme : toute la vie familiale est subordonnée à la « carrière » de l’enfant prodige. Les parents peuvent aller jusqu’à déménager, changer de travail pour assurer leur fonction de coach vis-à-vis de leur enfant.

L’instrumentalisation, c’est le cas lorsque les parents ne font plus la différence entre leurs propres besoins de réalisation et de succès et ceux de leurs enfants. Ces derniers deviennent alors un moyen pour atteindre un objectif donné ; souvent, les parents mettent en avant l’indépendance (financière et affective) de leurs enfants ; c’est la pseudo autonomie. • La maltraitance peut correspondre à l’induction ou au renforcement de troubles du comportement alimentaire (injonctions répétées de perte de poids, etc.), à un entraînement forcé malgré des fractures, la maladie, une fatigue physique ou psychologique chronique, etc.

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Le sport: quelles pathologies?

• • • • Syndrome du burn-out Anorexica athletica Bigorexie Dopage et toxicomanie

1. Le syndrome du burn-out sportif

• • • • Surentraînement sportif intensif: de séquelles graves et définitives Près de 20 à 25 % des fractures peuvent être imputées à un entraînement intensif  burn-out sportif Caractéristiques: – – – – à partir de 3 semaines d’entraînement excédant les besoins de récupération de l’organisme.

+ fréquent dans les sports d’endurance durable des performances sportives, une fatigue chronique (physique et psychologique), une augmentation de fréquence des infections, une diminution des fonctions reproductives, des blessures et accidents à répétition pas uniquement chez les sportifs professionnels.

• • Selon Gould et al., des dimensions sociales, logistiques et individuelles apparaissent comme des facteurs vulnérabilisant au syndrome du burn out. Parmi celles-ci, les auteurs soulignent : – un faible réseau social, – un support de l’entraîneur inconsistant, – un étayage parental réduit (voire une influence négative des parents), – des relations sociales limitées, – une multiplication des compétitions avec échéance à court terme, – les voyages et déplacements fréquents,

2. Les troubles alimentaires

• • L’anorexie et la boulimie sont les troubles les plus fréquemment retrouvés associés à une pratique intensive du sport. Les troubles du comportement alimentaire subcliniques et avérés (remplissant les critères du DSM-IV) sont plus fréquents chez les sportifs comparés aux non-sportifs.

Cette prévalence des troubles du comportement alimentaire subcliniques varie de 15 à 65 % en fonction des études chez les filles et de 5 à 15 % chez les garçons.

• Disparité des chiffres : probable sous-estimation des éventuels troubles par les athlètes eux-mêmes par crainte d’exclusion de l’équipe, ainsi qu’une sous-estimation ou un déni par certains entraîneurs.

• De plus, une recherche de la performance peut aussi elle-même « nécessiter » l’encouragement à une certaine maigreur. • = l’anorexia athletica : – anorexie, – aménorrhée et – ostéoporose. • Ce trouble comprend en général des stratégies de contrôle du poids (vomissements, consommation de laxatifs et diurétiques) et des périodes de restriction alimentaire.

3. Bigorexie • • • • addiction qui concerne les personnes devenues dépendantes d'une pratique excessive du sport .

15% environ des personnes qui pratiquent entre 1 et plusieurs heures de sport par jour peuvent être touchées par la bigoréxie : le risque de dépendance est présent chez les sportifs amateurs qui dépassent environ 10H par semaine. Cette addiction oblige la personne atteinte à ne plus pouvoir se passer de sport qui ne se sent pas bien lorsqu'elle ne peut pratiquer son activité sportive. L’objectif du sport est d’augmenter la masse musculaire.

Anorexie

Bigorexie

4. La question du Dopage

• • • • • Déf.: « interdit à toute personne (…) d’utiliser des substances et procédés de nature à modifier artificiellement les capacités ».

Toutes les disciplines et tous niveaux 3 à 5 % chez les enfants et de 5 et 15 % chez les adultes (Laure, 2000).

1° prise de stéroïdes anabolisant : 8 ans et 2,7 % d’enfants de 9 à 13 ans aux Etats-Unis (Lecerf, 1999).

Pourtant, les études portant sur le dopage continuent à s’intéresser principalement à la question de la détection des produits.

Mieux comprendre le dopage?

• Les sportifs n’en viennent jamais au dopage spontanément. Il s’agit plus d’un procédé psy qui se met en place avant d’en venir à cette pratique interdite  Evolution dans la nature des produits consommés

• • • Les premières étapes concernent svt la prise de produits autorisés par la règlementation qui crée chez le sportif une croyance que ses performances sont intrinsèquement liées à l’absorption de ces produits.

Dépendance psychologique sous-jacente ‘pas de victoire sans produit’.

Complexe d’Obélix du sportif (Martinez et al., 2005)

• Motivations au dopage: – Augmentation des performances physiques et psychiques (l’endurance, la force musculaire, faire diminuer la fatigue, la douleur physique, l’anxiété). – Chez les jeunes, le goût de la transgression vis-à-vis des règles sociales établies, associé paradoxalement à la tendance au conformisme au sein du groupe de pairs, peut aussi jouer un rôle déterminant.

– De plus, pour certains jeunes sportifs, le dopage peut répondre au besoin d’exister, de se dépasser, de se montrer meilleur que les autres jeunes.

• • Chez l’enfant et l’adolescent, il est probable que l’influence des parents (+ ô adultes ) soit considérable. Les sportifs évoquent, quant à eux, le manque de confiance en eux et de parole avec leur environnement (leur isolement), la difficulté à gérer la pression.

• • • Les facteurs psychologiques et les troubles mentaux ont peu été investigués dans le domaine du dopage.

Un certain nombre de facteurs d’environnement ou de personnalité pourraient être communs au dopage et à la toxicomanie. D’autres facteurs pourraient jouer un rôle dans la consommation de substances dopantes : – une forte dépendance sociale faciliterait l’influence des pairs ou de l’entourage, – des traits narcissiques sous-tendant la prise de dopants dans le but d’améliorer l’esthétique corporelle. – Le dopage peut également être interprété comme une réponse inadaptée à un stress. Les stratégies de coping sont à évaluer, tout comme le degré de stress perçu.

En définitive, nous pouvons « considérer le dopage non plus seulement comme un moyen d’accroître les performances mais aussi et surtout comme une nouvelle forme de toxicomanie ». Dans cette perspective, le dopage serait une néo-toxicomanie spécifique aux sportifs, qui pourrait constituer à terme, pour certains jeunes sujets fragiles, une porte d’entrée à la toxicomanie tout court. • Il existe une véritable vulnérabilité des athlètes de haut niveau à développer une addiction, que cela soit pendant leur carrière sportive ou ensuite [Losson, 1997]

• • • Facteurs de risque du dopage similaires à ceux recensés dans le développement des conduites addictives dans le sport Facteurs déclencheurs (menant du passage du dopage à la toxicomanie proprement dite): – Confrontation à la réalité judiciaire pour le dopage (cf. cyclisme) (Seznec, 2002) – Influence d’un sportif leader consommateur abusif  groupe modèle dans le –

« L’addiction envahit le sportif lorsqu’il n’est plus dans la performance. » (E. Vollé, Seznec, 2006) :

• fin de carrière, • blessure sportive Facteurs d’entretien : absence d’encadrement et d’autorité efficace, ce qui accentue le sent. de toute puissance du sportif (renforce les conduites ordaliques).

Comment aider les sportifs?

Motivations au sport

• • • • Santé Maîtrise de soi Bien-être Contacts sociaux • • • • Victoire Argent Promotion sociale Propagande

Motivation intrinsèque / motivation extrinsèque

Accomplissement de soi Survie