Examens et certifications en langue, une illusion évaluative

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PATRICK CHARDENET
Maître de conférences (Université de Franche Comté)
(UR ELLIADD- Édition Langages Littératures Informatique Arts Didactique Discours) Université de Franche Comté)
Associé au SYLED/CEDISCOR (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle)
Conférence
FFLCH-USP (Cursos Extracurriculares de Francês) 6ème journée de formation
Universidade de São Paulo (26/10/12)
Examens et certifications en langue,
une illusion évaluative ?
Examens et certifications
contexte sociétal.
en
langue:
Dans un contexte sociétal de mise en valeur de la compétition,
l´évaluation´est devenue un paradigme central :
dans les discours de la formation.
dans les discours professionnel.
Cette dynamique se pare de vertus :
celle de rendre des comptes de productivité,
celle de rationaliser les activités humaines.
Nous sommes tous des êtres sociaux alternativement évaluables
en permanence (évaluataires) et évaluateurs potentiels.
un
Examens et certifications en langue : être
mesuré, comparé.
Le début du XXIe siècle marque une rupture profonde.
L´évaluation passe de la responsabilité des enseignants (avec ce
que cela comportait de “mystère”), à celle des institutions qui
entendent :
éclairer et rendre objectifs les processus,
permettre de comparer les résultats.
La première étude du PISA (Programme international sur les
acquis des élèves), 2000, introduit une variable comparative
entre les systèmes éducatif des États (compétition).
Examens et certifications en langue : un double
marché.
En LE, à cette dynamique, s´ajoute celle du marché des
certifications : “l´irrésistible ascension de l´évaluation
institutionnelle certificative” (Huver, E., Springer C., 2011,
p.139).
Les certifications représentent à la fois :
un marché symbolique (enjeu entre détenteurs et non
détenteurs),
un marché économique (entre clients évaluataires, les
établissements de formation, les organismes de validation,
s´établissent de rapports marchands).
Examens et certifications en langue : le
contexte global du marché des certifications.
Dynamique du marché économique des certifications: certifier
les certifications; conquérir des marchés de certifications.
Examens et certifications en langue : densité de
l´offre.
Soade, C., Morel, P., Chardenet, P., 2004, Rapport sur
les systèmes de certifications / acréditations des
langues des trois espaces linguistiques, en
Francophonie, Agence universitaire de la
Francophonie,
http://www.3el.org/IMG/pdf/Certifications_en_langue_r
omanes_en_Francophonie-2.pdf
Les certifications
inflationniste ?
en
langue
:
une
économie
Les certifications en langue : économie inflationniste
et contexte idéologique puissant.
FINALITÉS DE LA SOCIÉTÉ LIBÉRALE GLOBALE :
 Extension des valeurs de compétition et de
concurrence dans les activités humaines.
CONSÉQUENCES :
Extension des évaluables
Limites de performances extrêmes
Examens et certifications en langue : ce qu´ils
promettent .
La question qui se pose alors est de savoir si l´impact de ce marché sur
le processus d´enseignement / apprentissage est à la mesure de ce que
ces certifications promettent : “une photographie linguistique”.
Examens et certifications en langue : ce qu´ils
promettent .
La question qui se pose alors est de savoir si l´impact de ce marché sur
le processus d´enseignement / apprentissage est à la mesure de ce que
ces certifications promettent : la rigueur scientifique.
Sur quel fondement scientifique didactique repose le principe qui fait
que l´on considére une connaissance ou une compétence acquise si
l´évaluataire réussit 60% des items ?
Examens et certifications en langue : ce qu´ils
entraînent.
Ce qui est peu analysé, c´est l´impact de ce marché sur le processus
d´enseignement / apprentissage :
rétroactions sur les objectifs (préparation aux examens vs
apprentissage);
foisonnement de supports méthodologiques centrés sur la préparation
(un nouveau marché éditorial);
gommage de cohérence entre objectifs, buts, finalités (ex: y a-t-il
cohérence en Europe, entre les procédures d´évaluation certificatives, le
CECR et l´offre pédagogique dans les établissements ?).
Examens et certifications en langue : finalités
apprentissage vs finalités certifications.
CECR : perspective actionnelle. Mettre l'accent sur l'utilisation de la
langue :
- apprendre à agir
- agir pour apprendre
Puren, C., 2008, “Perspective
actionnelle
et
perspective
professionnelle : quelques éléments
de réponse à quelques questions
sur la réforme en cours”, site APLV.
Examens et certifications en langue :rétroaction
sur les processus de formation.
Examens et certifications en langue : les discours
institutionnels et la réalité des apprentissages.
Analyse des discours institutionnels sur l´évaluation (établissements).
Examens et certifications en langue : les discours
institutionnels et la réalité des apprentissages.
Analyse des discours institutionnels sur l´évaluation (établissements).
Examens
et
certifications
en
langue
:
les
discours
institutionnels et la réalité des apprentissages.
Analyse des discours institutionnels sur l´évaluation (manuels)
Examens
et
certifications
en
langue
:
les
discours
institutionnels et la réalité des apprentissages.
Analyse des discours institutionnels sur l´évaluation (manuels)
Examens
et
certifications
en
langue
:
les
discours
institutionnels et la réalité des apprentissages.
Analyse des discours institutionnels sur l´évaluation (manuels)
La certification certifiée / certifiante : un attribut
et une norme sociale.
Qu´est-ce que la certification ?
Rose, J.,2006, “Diplômes et certifications. Les termes d´un débat et les lignes d´un programme de
recherche”, dans Tessier, J., Rose, J., La certification, nouvel instrument de la relation formation-emploi,
Relief 16., CEREQ., p.13.
Examens et certifications en langue,
illusion évaluative : quelle garantie ?
une
Si on comprend bien que :
la certification d´un chirurgien ou celle d´un mécanicien
aéronautique soit une garantie de sécurité,
que la certification d´un ingénieur, d´un traducteur ou d´un
expert comptable soit une garantie d´efficacité,
il est plus difficile d´imaginer qu´une certification en langue
garantisse des compétences précises d´usage de la langue dans
l´ensemble des contextes langagiers.
C´est qu´il y a une différence fondamentale entre des activités
sociales spécialisées et l´activité langagière en LE.
Examens et certifications en langue,
illusion évaluative : un facteur inhibiteur ?
une
Nous connaissons tous des personnes qui ont des compétences variables
dans plusieurs langues et qui les utilisent sans aucune certification (les
diplômes ne valident jamais des compétences à échelles variables).
Comme nous connaissons également des personnes titulaires de
diplômes en langue dont les compétences réelles ne semblent pas
toujours cohérentes avec la certification.
La certification ne joue-t-elle pas comme un inhibiteur : “si je
n´ai pas la certification dans cette langue,
c´est que je ne peux pas la parler,
l´écrire, interagir ...”
Examens et certifications en langue,
illusion évaluative : quelle utilité réelle ?
une
Les documents officiels certifiant une formation sont des repères forts dans le
fonctionnement social des sociétés marchandes :
pour les personnes individuellement qui recherchent un
positionnement social,
pour les organisations (administrations, entreprises, associations)
qui recrutent.
Cependant, plusieurs facteurs rendent aujourd´hui, cette condition
insuffisante :
le niveau d’éducation croissant des populations (quand la plupart des gens
ont le même diplôme, sa valeur diminue)
les tensions du marché du travail (plus la main d´oeuvre est disponible,
moins la sélection est rationnelle);
la plus grande complexité des organisations, rend le diplôme peut-être
nécessaire mais aussi insuffisant.
Examens et certifications en
illusion évaluative : quel statut ?
langue,
une
Le recruteur d´un titulaire de diplôme professionnel (technicien,
ingénieur, chirurgien, pilote, d´un traducteur, d´un interprète …), fait a
priori confiance au diplôme connu.
Le recruteur d´un employé parlant le français et l´espagnol, d´une
assistante bilingue, d´un professeur de LE non natif, ne se contentera
pas d´un diplôme de langue, il le mettra en situation pour apprécier
rapidement ses compétences.
La certification en langue n´a pas le même statut que les autres
certifications. Il y a toujours un doute potentiel ou un potentiel de
doute qui ne vaut peut-être pas la somme des investissements qu´elle
demande.
Quelle est la valeur d’une certification en général et en
quoi s´applique-t-elle aux langues ?
Valeur emploi et valeur employabilité :
La certification certifie l’appropriation de connaissances et de
compétences (valeur emploi).
 Elle traduit aussi un potentiel de compétences à travers le parcours
de formation réalisé (valeur employabilité).
Elle repose sur la réputation de l’organisme qui la délivre.
Valeur réseau :
Le réseau issu de l’appartenance à une communauté de certification
peut contribuer à la valeur emploi et employabilité du diplôme pour
chaque individu.
C´est de plus en plus actif aujourd’hui par les réseaux sociaux virtuels
qui démultipilent les relations potentielles.
Ces valeurs sont-elles actives pour les certifications en langue ?
Examens et certifications en langue : construire
des alternatives ?
La simple certification peut être remise en question :
au profit de la formation tout au long de la vie et de la validation des
acquis de l’expérience dans un portfolio permanent (de connaissances,
compétences, expériences),
par la notion d´efficacité prouvée en contexte (le plus souvent le cas
car il y a moins de détenteurs de diplômes de langue que de locuteurs
étrangers de ces langues),
par la contextualisation des emplois sociaux des langues,
par un portfolio global de compétences plurilingues variables.
Examens et certifications en langue, construire des
alternatives : les travaux du Conseil de l´Europe.
L´illusion évaluative des certifications, une
alternative : la contextualisation des usages.
L´évaluation doit pouvoir porter sur les usages nécessaires (variables).
Mais on connaît mal ces usages.
La contextualisation des emplois sociaux des langues , une étude dans
le département de l´Orne en France (Etudes & Recherches Observatoires des familles,
UDAF 61 - Norme - Familles de l’Orne et Europe, 1999).
L’anglais est la langue étrangère la plus parlée par les 42,62 % des
ménages qui affirment parler une autre langue en usage dans la
Communauté Européenne.
Le niveau d’études influe sur la pratique d’une langue étrangère.
Dans les ménages où la personne de référence est titulaire du BAC ou
d’un diplôme supérieur, la proportion de ménages parlant une autre
langue est proche des 60 %.
Examens et certifications en langue, une
alternative : la contextualisation des usages.
C’est à l’occasion de voyages et des
vacances que les foyers utilisent le plus
souvent les langues étrangères (41 %), les
loisirs (informatique, cinéma) arrivent en
2ème position avec 21 %. L’emploi d’une
langue autre que le français dans le milieu
professionnel concerne 17 % des ménages.
14 % l’utilise dans le milieu familial; 21,43 %
des ménages ayant répondu à l’enquête
révèlent avoir une ou plusieurs personnes
de leur famille d’une nationalité autre que
française. Il reste 6 % des foyers qui n’ont
pas l’occasion de pratiquer la ou les langues
qu’ils connaissent.
Examens et certifications en langue, une
alternative : la contextualisation des usages.
Sur cette base on peut difficilement
admettre que la certification certifie pour
les personnes et/ou les organisations
(entreprises,
administrations,
associations), les connaissances et les
compétences utiles pour :
apprendre à agir,
agir pour apprendre.
Au développement didactique de la
contextualisation sociale des usages
dans l´apprentissage, doit correspondre
un
développement
de
la
contextualisation sociale des usages en
évaluation.
Bagnoli, P.; Dotti, E.; Praderi, R.; Ruel , V.; 2010, La
perspective actionnelle: Didactique et pédagogie par l’action
en Interlangue, 3er. Foro de Lenguas de ANEP, Montevideo.
Examens et certifications en langue, une
alternative : la contextualisation des usages.
Deux exemples d´approche didactique et pédagogique contextualisantes :
L’approche co-actionnelle (C.Puren).
les apprenants agissent, co-agissent, collaborent, s’entraident mutuellement pour
mieux progresser collectivement dans leur apprentissage.
les apprenants partagent, au cours d’activités et de tâches collectives (pas
nécessairement langagières) les mêmes objectifs.
les apprenants ont recours, pour communiquer, à des outils collaboratifs.
L’approche communic’actionnelle et le scénario d’apprentissage-action (C.
Bourguignon).
L’enseignant propose à l’apprenant un scénario (une « mission » ou « macro-tâche
» ) afin d’orienter l’apprentissage et lui donner du sens. Cette mission s´inscrit dans
un contexte relié à un domaine (arrière-plan thématique et culturel du scénario).
Examens et certifications en langue, la
contextualisation des usages : des évaluations
identiques pour tous ?
Des évaluations identiques pour tous ?
Pour pouvoir répondre “NON” à cette question, il faut
deux conditions :
Sortir du paradigme de la psychométrie qui prétend
mesurer des connaissances et des compétences à
travers des tests (car ils réduisent le lien langage /
langue(s) à un artefact qui renforce les connaissances
au détriment des compétences et doivent être
identiques pour tous.
Mieux connaître le fonctionnement de l´activité
évaluative, c´est-à-dire, le fonctionnement complexe
(cognitif, langagier et social) qui fait le l´être humain
un animal évaluateur (inter)subjectif assumé. Et
construire des actes d´évaluation :
INTÉGRÉS (co-actionnels dans l´apprentissage).
EXPÉRIENTIELS
(qui
incluent
les
répertoires
interlinguistiques, interculturels).
CONTEXTUALISÉS (qui se fondent sur la variété des
usages nécessaires).
MERCI