La raison et le réel

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Transcript La raison et le réel

« Bien traiter les pensées, c’est être
capable d’éviter la confusion, de
détecter les ambiguïtés, de rassembler
ses
idées,
de
formuler
des
raisonnements fiables, de prendre
conscience des alternatives, et ainsi de
suite.
Bref, on peut comparer nos idées et nos
concepts aux lentilles à travers
lesquelles nous voyons le monde. En
philosophie, le thème d’étude, c’est la
lentille elle-même. La réussite ne
dépendra pas tant du bagage de
connaissances finalement accumulé,
que de ce dont on est capable en cas
d’avis de tempête : quand les mers de la
discussion montent et que la confusion
fait irruption. Réussir signifiera prendre
au sérieux les implications des idées ».
Blackburn Simon, Penser, une irrésistible
introduction à la philosophie, Paris,
Flammarion, 2003.
Nous allons ainsi étudier la lentille par laquelle nous percevons
et comprenons le monde : la raison humaine, plus exactement sa
fonction cognitive.
La Raison et le Réel
La vérité
La démonstration
Théorie et expérience
Comment l’esprit humain peut-il connaître la réalité?
Avant cette question se pose une interrogation préalable: peut-on
connaître la réalité?
I- peut-on atteindre le vrai avec certitude?
1- l’homme et les croyances
2- les notions de vérité, de connaissance et de raison
Vocabulaire :
Une croyance ou une opinion peut être vraie ou fausse.
La vérité caractérise donc d’abord une croyance, une opinion, un
discours, bref: quelque chose de mental ou lié à l’esprit humain.
Il ne faut pas confondre vrai et réel:
… une opinion fausse est elle-même réelle: elle existe dans l’esprit
(comme une histoire fictive existe sur le papier ou dans le film, alors
qu’elle est fausse).
… inversement, un fait réel ne doit pas être dit « vrai ».
« lorsque, par exemple, nous voyons briller le soleil, le soleil lui-même
n’est pas vrai, mais le jugement « le soleil brille » est vrai » (Russell)
Mais en quoi consiste la différence entre l’opinion fausse et l’opinion
vraie ?
La première nous trompe sur la réalité : elle ne nous montre pas le
monde tel qu’il est, mais nous donne une apparence fausse.
La seconde nous montre la réalité telle qu’elle est
Erreur
vérité
apparences
réalité
Une vérité est donc un certain produit de l’esprit humain. Mais
contrairement à une opinion purement fausse, il lui correspond quelque
chose de réel hors de l’esprit, notamment des faits
Une vérité est une certaine correspondance entre l’esprit humain et la
réalité.
Intelligence
réalité
correspondance
On peut comparer la vérité à un tableau réaliste :
il représente bien la réalité.
Courbet, Le désespéré,
1843 [autoportrait]
Mais la vérité est-elle une connaissance ?
Non : il faut remarquer qu’on peut être dans le vrai sans pour autant
connaître ce dont on parle.
Car on peut avoir une opinion vraie sans pouvoir la justifier.
Attention: on parle souvent de connaissances au sens ce que l’on a appris –
mais à proprement parler, il n’y a connaissance que si ces informations
apprises sont vraies et que si l’on est capable de les justifier.
Il faut donc distinguer connaissance au sens ordinaire et connaissance au
sens rigoureux, selon le vocabulaire des sciences et de la philosophie.
Distinction Opinion/connaissance – Croire/savoir
L’exemple du voyageur de Platon dans le Ménon
1. Il est vrai que la route de droite
mène à Larisse et,
2. Vous croyez que c’est le cas
Conclusion : vous aviez une croyance
vraie ou une opinion droite.
Si une personne X connaît quelque chose (p) alors :
1. p doit être vraie, et
2. X doit croire p, et
3. X doit avoir une bonne raison de
croire p.
Conclusion : X a une connaissance, il
sait que p est vrai
(Thèse de Platon) Le savoir est une croyance vraie accompagnée de raison.
Distinction entre opinion droite et connaissance
Opinion droite ou vraie :
croyance que l’on a sans savoir
comment
répondre
rationnellement aux objections
Connaissance ou savoir :
croyance justifiée par des raisons
solides et la conscience de
contre-arguments valables
Connaissance ou savoir : croyance justifiée par des raisons solides.
Nous sommes apparemment capables de justifier certaines affirmations
par de bonnes raisons, qui sont compréhensibles par autrui et aptes à le
convaincre que nous avons raison.
Cette aptitude à justifier rationnellement ou à comprendre une
justification rationnelle, c’est LA RAISON, ou l’intelligence.
3- sommes-nous vraiment capables de jugement rationnel?
Mais avons-nous vraiment une telle aptitude?
Nous sommes capables de pousser autrui à adopter nos raisons
d’affirmer telle opinion.
Mais est-ce parce que nos raisons sont valables d’un point de vue
IMPARTIAL, ou autrement dit parce qu’elles sont OBJECTIVES?
Ou bien est-ce simplement parce que nous arrivons à persuader
l’autre, à le ranger à notre parti, à notre jugement SUBJECTIF comme
lorsque l’on fait appel à ses sentiments ?
On voudrait distinguer persuader / convaincre :
- Pour faire adhérer autrui à ce que nous disons, la persuasion use de
procédés qui jouent sur les émotions de l’interlocuteur ou
spectateur. C’est donc par faiblesse que l’autre acquiesce.
- Convaincre, au sens philosophique, c’est en revanche ne faire appel
qu’à la raison de l’interlocuteur, qui examine la justification qu’on lui
présente.
Les deux domaines privilégiés de l’art de la persuasion:
- la publicité
la publicité cherche à persuader que le produit venté est le bon produit
en suscitant notre désir.
… la politique
L’homme politique cherche à persuader que ses projets sont
les bons en suscitant diverses émotions, comme
La peur
L’espoir…
« yes we can »
On peut imaginer que l’individu soit capable de s’en tenir à des
jugements rationnels et à ne chercher à convaincre qu’en faisant appel
qu’à la raison (ou intelligence) d’autrui plutôt qu’à sa sensibilité
(faculté des sentiments, désirs, émotions..).
Mais en est-on vraiment capable? Déjà en ce qui concerne soi-même?
Peut-on vraiment sortir du registre de l’opinion pour s’élever à celui
du savoir? Peut-on vraiment se débarrasser de nos croyances pour
leur substituer un savoir certain et définitif ?
Trois types de réponse à ces questions : dogmatisme, scepticisme,
relativisme
4- le dogmatisme :
… version faible (définie par Sextus empiricus) : toute doctrine
affirmant la vérité de certaines opinions par opposition à l’erreur.
… version radicale : on peut accéder à des vérités définitives, voire à
une vérité fondamentale.
Exemple contemporain : Sheldon Glashow, prix Nobel de physique 1979:
« nous croyons que le monde
est connaissable, qu’il existe
des règles simples gouvernant
le comportement de la
matière et l’évolution de
l’univers. Nous affirmons
qu’il existe des vérités
éternelles, objectives,
anhistoriques, socialement
neutres, extérieures à nous et
universelles, et que
l’assemblage de ces vérités
correspond aux sciences
physiques ».
Selon Glashow, un extra-terrestre
intelligent en arriverait au même
système que celui dont nous
disposons pour expliquer la
structure des protons ou la nature
des supernovae.
- Le dogmatisme n’est pas une école mais une famille de doctrine.
(ex : le matérialisme physicaliste / le spiritualisme)
- Mais précisément parce que les personnes et les écoles ne sont
souvent pas d’accord sur ce qu’est ou ce que sont les vérités, il
existe une autre réponse concernant le problème de la recherche de
la vérité : la vérité diffère suivant les personnes, les époques, les
pays.
5- le relativisme
relativisme : la vérité serait relative à celui qui la prononce, donc
différente selon que l’on considère
… les pays (plus exactement les cultures)
… les époques (ex: géocentrisme/ héliocentrisme)
… les personnes
… une même personne à des moment différents
(ex: opinion politique passe souvent de droite à gauche
avec l’âge)
Relativisme culturel: la vérité est relative à la culture de celui qui
l’énonce.
Ainsi, les mythes ne sont pas moins vrais que les théories
scientifiques: les deux appartiennent à des cultures différentes,
et la vérité se définit par rapport à cette culture.
Exemple : question de l’origine du peuple amérindien
… mythe amérindien: les hommes descendent du peuple bison sorti
de terre
… explication scientifique: ils viennent d’Asie, passés par le détroit
de Bering il y a 10000 ans.
Les sioux revendiquent le droit de préserver leur culture
Objection:
Pourtant, il faut clarifier cette position pour qu’elle soit acceptable.
On ne peut pas affirmer « à chacun sa vérité », car
une vérité est une opinion à laquelle correspond un fait objectif.
Or ce fait ne varie pas suivant les personnes.
Si A croit que tel fait se produit et que B croit que non, les deux ne
peuvent pas être dans le vrai: le fait se produit ou pas. Il n’existe
donc qu’une opinion vraie.
La vérité est universelle, la même pour tous.
En revanche, on peut affirmer qu’il n’y a pas de moyen pour
déterminer quelle croyance est vraie.
la thèse relativiste mène ainsi à une réponse sceptique à la
question « peut-on atteindre des vérités? ».
3- le scepticisme
-Sceptique, au sens courant: fait de douter.
-la pensée sceptique radicalise cette attitude.
Elle affirme que l’on ne peut pas connaître de vérité avec certitude :
aucune procédure intellectuelle n’est capable de garantir une
connaissance. Aucune vérité n’est accessible à l’homme avec certitude.
Michel de Montaigne (1533-1592) auteur des
Essais, défend le scepticisme. Il porte un
médaillon frappé de la devise « que sais-je? »
« Philosopher, c'est douter »
Remarque: on peut être en un sens « certain » tout en se trompant ou
en ayant pas de raison valable de l’être.
Il faut distinguer deux sens d’être certain:
- Certitude subjective (sentiment de certitude)
- Certitude objective: certitude fondée sur des raisons objectives, des
preuves.
Mais le sceptique nie que nous soyons capable d’être
objectivement certain.
Quelques arguments sceptiques :
a- Concernant les vérités portant sur des faits
- L’argument des sens trompeurs
« Tout ce que j’ai reçu jusqu’à
présent pour le plus vrai et
assuré, je l’ai appris des sens,
ou par les sens: or j’ai
quelquefois éprouvé que ces
sens étaient trompeurs, et il est
de la prudence de ne se fier
jamais entièrement à ceux qui
nous ont une fois trompé ».
Descartes
- L’argument du rêve
« Supposons donc que nous
sommes endormis, et que toutes
ces particularités-ci, à savoir, que
nous ouvrons les yeux, que nous
remuons la tête, que nous étendons
les mains, et choses semblables, ne
sont que de fausses illusions et
pensons que peut-être nos mains,
ni tout notre corps, ne sont pas tels
que nous les voyons.
J. Bosch (1450-1516), Le Jugement Dernier, huile
sur bois, détail.
b- arguments sceptiques concernant les démonstrations
(arguments d’Agrippa, Ier siècle av JC)
... une démonstration repose sur des hypothèses
(ex: la démonstration de la somme des angles d’un triangle =
180° repose sur l’hypothèse de l’égalité des angles alterne /
interne)
… ou alors elle entraîne une régression à l’infini
En fait, cet argument concerne toute preuve prétendue : soit on
suppose que la preuve est valide, soit on doit la prouver elle aussi
« pour juger des apparences que
nous recevons des sujets, il nous
faudrait un instrument judicatoire;
pour vérifier cet instrument, il nous
y faut de la démonstration; pour
vérifier la démonstration, un
instrument: nous voilà au rouet.
Puisque les sens ne peuvent arrêter
notre dispute, étant pleins euxmêmes d’incertitude, il faut que ce
soit la raison; aucune raison ne
s’établira sans une autre raison: nous
voilà reculons à l’infini »
Montaigne, Essais, II, 12
Le scepticisme se nomme aussi pyrrhonisme, du nom de Pyrrhon,
fondateur de l’école.
Scepticisme radical de Pyrrhon : l’esprit n’a pas accès à autre chose
qu’à des apparences.
« quand nous cherchons si la réalité est telle qu’elle nous apparaît, nous
accordons qu’elle apparaît, et notre recherche ne porte pas sur ce qui
apparaît, mais sur ce qui est dit de ce qui apparaît »
Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes I, 10, §19
Objections au scepticisme radical
- pour vivre on suppose vraie nombres d’assertions, et l’expérience
ne nous détrompe pas toujours! De manière pragmatique, il faut
supposer certaines vérités pour vivre.
- il faut faire une différence entre les opinions injustifiées et les
hypothèses justifiées. Conjointement, il faut faire une différence entre
les pures apparences et, sinon la réalité, du moins des apparences
stables, non trompeuses.
Il est douteux que la raison soit foncièrement impuissante à nous
délivrer quelque connaissance que ce soit.
Ce qu’il faudrait, c’est trouver une troisième voie, entre
dogmatisme et relativisme ou scepticisme.
Pour cela, analysons ce que peut être une connaissance: par quels
moyens pourrions-nous établir une connaissance ?
3 prétendants : la démonstration, l’observation, l’expérimentation
II- une connaissance purement démonstrative est-elle possible ?
Aboutir à une vérité absolument certaine, une connaissance
parfaitement fondée, cela suppose justifier nos hypothèses par des
démonstrations. S’il y a une preuve véritable, alors elle aura la forme
d’une démonstration.
Mais qu’est-ce qu’une démonstration?
Existe-t-il des démonstrations absolus?
Que nous apprennent les démonstrations sur la réalité?
Nous considérerons tour à tour les domaines de la logique, des
mathématiques et de la physique.
A- la validité ou « vérité formelle »:
1- Qu’est-ce que la logique?
La logique ou logique formelle est la science du raisonnement. Elle
détermine quel type de raisonnement est valide.
Nous disposons d’un modèle du raisonnement valide : la déduction.
Une déduction consiste à tirer d’une proposition une autre proposition qui
découle nécessairement de la première: c’est le raisonnement par lequel on
tire une telle conclusion nécessaire, étant donné ce qui a été admis
Proposition : affirmation. Exprimée en français sous la forme d’une phrase
déclarative. Il s’agit plus exactement de la signification de cette phrase.
Elle est vraie ou fausse.
« le chat est un félidé »
« certains félidés sont des chats »
« the cat is a felid »
une seule et même affirmation,
ou proposition (notée p)
Cette proposition p peut s’analyser et
s’écrire de manière symbolique ou formelle:
p est de la forme A est B
La logique s’occupe principalement de déterminer les règles de déduction:
comment tirer une conséquence de ce qui a été avancé au préalable.
Deux types de déduction: immédiate / médiate
déduction immédiate: à partir d’une seule affirmation
déduction médiate : à partir de plusieurs propositions
2- Règles de déduction immédiate: exemple de la règle de conversion
« toutes les figures à 3 côtés sont des triangles, donc tous les triangles sont des
figures à trois côtés »
Ce raisonnement est incorrect, bien que les deux propositions soient vraies.
Pour rendre la fausseté manifeste, remplacer les termes par d’autres : « tous les carrés
sont des figures à 4 côtés, donc toutes les figures à 4 côtés sont des carrés ». La
fausseté est ici évidente. Or, il s’agit du même raisonnement.
On dit que les deux raisonnements ont la même forme, forme que l’on peut
exprimer ainsi :
« Tout A est B implique que Tout B soit A », ce qui est manifestement faux:
A
B
La forme correcte correspondante est : « Tout A est B implique que
quelque B est A » (où quelque = au moins un)
On voit que la logique est l’étude des propositions et raisonnement
considérés dans la forme où ils sont énoncés dans le discours,
abstraction faite de ce dont on parle (d’où l’emploi de variables).
- la forme logique est la structure « grammaticale » de la pensée ellemême (à ne pas confondre avec la structure grammaticale de la langue).
- la « matière » est le contenu : de quoi ça parle.
Considérée dans sa forme, notre pensée est comme un
système composé:
image
Élément logique
exemple
briques
Termes ou concepts
Chien, air, oxygène
Murs
Propositions
« l’air contient de
l’oxygène »
Maison
Raisonnement
« si l’animal inspire
l’air, alors il aspire
de l’oxygène »
3- règles de déduction médiates : logique traditionnelle: les syllogismes
On doit l’invention de la logique formelle telle qu’elle a été développée de
l’antiquité jusqu’au 19ème siècle à Aristote. Elle repose essentiellement sur la
théorie des syllogismes (syllogismos = raisonnement).
1. Tous les hommes sont mortels
2. Or les grecs sont des hommes
3. donc les grecs sont mortels
1- tous les oiseaux sont ovipares
2- le colibri est un oiseau
3- le colibri est ovipare
}
}
prémisses
conclusion
On voit aisément qu’il s’agit du même type de raisonnement, quoiqu’on ne parle pas de la
même chose. Les deux raisonnements ont la même forme :
1- tout A est B
2- tout B est C
3- tout A est C
A
B
C
Conséquence: pour déterminer la valeur du raisonnement en tant que
tel, peu importe de quoi nous parlons, et même si ce que nous en
disons est effectivement vrai ou non. La science du raisonnement
s’intéresse à ce que nous pouvons en tirer de manière valide. Elle
s’intéresse donc au raisonnement pur.
Ainsi on peut même raisonner à partir de prémisses fausses ou
fictives:
1- Sarkozy a lu Aristote
2- Aristote est un grand poète
3- Sarkozy a lu un grand poète
Le domaine de la logique est celui de la vérité formelle, domaine
qui a trait à l’enchaînement des propositions entre elles. Le
logicien est capable de dire si le discours tient debout ou est tissé
d’incohérences et de contradictions.
Soit p et q deux propositions. On peut formuler la vérité suivante :
« [(p implique q) et non q] donc non p ».
Cette formule est nécessairement et universellement vraie (on
parle alors de loi logique).
Mais sa vérité est une vérité simplement formelle : la formule ne
nous apprend rien sur le réel : c’est une vérité vide. Cela s’oppose
à la vérité qui porte bien sur le réel, une vérité dite matérielle.
Le passage de 1, 2, vers 3 est dit nécessaire : si on pose 1,2 on est obligé
de reconnaître 3.
La certitude que contient la proposition 3 n’a alors plus du tout rapport
avec ce dont on parle: elle est tirée logiquement de propositions admises,
en raison de la forme même de l’enchaînement (quelque soit la matière en
question: d’où l’intérêt de l’usage des variables)
C’est en cela que consiste une déduction : le fait de pouvoir tirer une
conséquence nécessaire de propositions antécédentes en vertu de leur
seule forme.
4- les raisonnements incorrects:
quelques sophismes: (cf. manuel p. 286)
- La pétition de principe:
exemple: « La nature des choses pesantes est de tendre au centre de l’univers
Or, l’expérience nous montre que les choses pesantes tendent au centre de la terre
Donc le centre de la terre est le centre de l’univers » (Aristote)
Il y a pétition de principe dans tout raisonnement où l’on se sert, dans la preuve, de ce
qui est à prouver: la conclusion est supposée vraie dans les prémisses.
- le cercle logique: prouver A par B, B par C, C par A.
- Abus de langage: raisonner en changeant le sens des termes au fur et à mesure du
raisonnement: « tout ce qui est rare est cher; un cheval bon marché est rare, … »
Montaigne, sceptique, raille les syllogisme: « Le jambon fait boire; Or, le boire désaltère;
Donc, le jambon désaltère
- l’induction: raisonnement par lequel on tire une proposition universelle de prémisses
particulières.
On affirme « tous les cygnes sont blancs ». Pourquoi?
1- les cygnes que j’ai vu jusqu’ici étaient tous blancs
2- les cygnes que les personnes que je connais ont vu jusqu’ici étaient tous blancs
3- donc tous les cygnes sont blancs
Problème…
Bertrand Russell: la dinde inductiviste
J-1« le soleil se lève. chouette, mon maître me donne à manger »
J-2 « le soleil se lève; chouette, mon maître me donne à manger »
J-3 « le soleil se lève; chouette, mon maître va me donner à manger »
J-4 « le soleil se lève; donc mon maître va me donner à manger »
J-5, J-6, etc. : le raisonnement est vérifié.
Le 24 décembre: « le soleil se lève, donc mon maître va me donner
à manger… »
Dans un raisonnement inductif, La conclusion peut être probable.
Mais elle n’est pas logiquement nécessaire, comme dans le cas d’une
déduction. On dit qu’elle est contingente.
Repère :
Nécessaire / contingent / impossible / possible (sens logique et métaphysique) :
- est dit nécessaire une proposition ou un fait qui ne peut pas ne pas être (pour un fait), ou qui
ne peut pas ne pas être vrai (pour une proposition). Supposer le contraire est impossible
(contradictoire).
- est dit contingent un fait qui existe ou une proposition qui est vraie, mais dont il est possible
(non-contradictoire) de supposer que ce ne soit pas le cas.
- Est dit possible (toujours au sens logique) une proposition ou un fait non contradictoire
(même si il n’est pas vrai).
nécessaire
contingent
possible
Remarque: on peut considérer ces modalités du point de vue métaphysique, en passant
de la forme de nos pensées (point de vue logique) à la forme de la réalité qu’elles
désignent (point de vue métaphysique).
La plupart des logiciens et philosophes s’accordent pour dire que le réel ne vérifie pas
toutes les possibilités logiques : par exemple, on peut concevoir des phénomènes
physiques qui, bien que possibles, n’existent pas, n’ont pas existé, et n’existeront pas.
Le champs des possibles est donc plus restreint que le champs du réel.
Possibles
réel
S’il y a des possibilités qui ne sont pas ou ne seront pas réalisées, alors tout n’est pas
nécessaire: il y a des faits qui auraient pu ne pas être ou être autre. Bref, il y a des
faits contingents.
3- portée et limites de la déduction
Nous avons une certitude : il est impossible de se tromper si on raisonne juste à partir de
données qui sont vraies. données vraies + raisonnement correct = conclusion
nécessairement vraies (déduction nécessaires)
Mais comment déterminer la vérité de prémisses ?
La raison ne pourrait pas connaître par elle même : elle aurait besoin de l’observation
directe ou rapportée.
Mais si l’observation était la base de la connaissance, il semble que l’idéal d’une certitude
absolue est perdue : l’observation ne nous fournit pas de preuve universelle, comme
l’induction ne fournit pas de conclusion nécessaire
Pourtant, il existe un domaine où l’établissement des preuves
et des prémisses de ces preuves ne repose pas sur
l’observation : en mathématiques, les prémisses ne sont pas
empiriques. C’est une science purement démonstrative,
semble-t-il. Contrairement à la logique, les mathématiques ne
porte pas seulement sur la cohérence du raisonnement: elles
établissent des vérités sur les nombres et l’espace.
B- Les mathématiques comme modèle de connaissance parfaite
1- de l’induction (Egypte) à la déduction (Grèce)
Les égyptiens inventent la géométrie.
Pourquoi? Pour résoudre des problèmes pratiques
Il faut savoir calculer délimiter des aires des surfaces, calculer leurs aires,
trouver des équivalences.
Dans ce contexte, l’induction suffit : on a pas besoin de prouver
parfaitement un théorème dont on voit par l’expérience qu’il est vérifié,
et dont on sent qu’intuitivement, il ne sera jamais faux, même si on ne
sait pas pourquoi.
Exemple: on veut délimiter une aire suivant un triangle rectangle: on se sert de la
mesure de la corde à 13 nœuds, dont on sait par expérience (induction) qu’elle est
efficace.
Autre Exemple: on veut construire une aire simplement triangulaire.
Pour cela, on peut se servir de la mesure des angles. On « sait » en effet que la somme
des angles d’un triangle mesure 180°.
Certes, on a pas besoin d’en savoir plus. Mais si l’on cherche la vérité,
alors on cherchera à s’en assurer et à en trouver la raison.
je peux mesurer une centaine de triangles et m’apercevoir qu’à chaque
fois la somme des angles est égales à 180°.
Mais rien ne me dit que ce doit être le cas pour les espèces de triangles
que je n’ai pas mesuré, et rien ne me dit pourquoi la somme est égale à
180°.
Les grecs, libérés des nécessités matérielles, peuvent s’adonner à une
telle recherche de la vérité. Ils inventent les mathématiques théoriques, et
cherchent donc des démonstrations à ce qui semblait évident.
Par exemple, on démontre que la somme des angles du triangle mesure
toujours, partout (universellement) et obligatoirement (nécessairement)
180° et pourquoi: l’égalité des angles alterne/interne.
Objection: on voit qu’il reste beaucoup de présupposés dans cette
démonstration… on suppose vraie les prémisses.
2-l’analyse pascalienne de la géométrie traditionnelle (Euclide)
Pascal (1623-1662) est un génie universel:
mathématicien (publie à 15 ans les Essais sur les
coniques), physicien (il prouve l’existence du vide en
montrant l’existence de la pression atmosphérique)
philosophe et grand penseur chrétien (jansénisme).
Son œuvre majeur, les Pensées, fut constituée et
éditée après sa mort.
Dans l’œuvre intitulé De l’esprit géométrique, Pascal analyse la géométrie
euclidienne, et montre qu’elle présente et prescrit les règles d’une
démonstration parfaite :
La question que se pose Pascal: que serait une démonstration absolue?
- exigence de définition complète: définir tous les termes
- exigence de démonstration complète (n’avancer aucune proposition sans
l’avoir démontrée par des propositions déjà prouvées.
« en un mot, définir tous les termes, prouver toutes les propositions »
Mais 2 problèmes se posent, qu’avaient déjà relevé les sceptiques
….la régression à l’infini
… la circularité dans les définitions (ex : le « est »)
Dans une démonstration on sera donc contraint d’admettre:
… des termes introduits sans être définis
… des propositions admises sans être prouvées : les axiomes (« notions
communes ») et les postulats (« les demandes »)
Est-ce un défaut réel ?
Non. Le traité d’Euclide est là pour en témoigner.
Mathématicien grec qui fonde l’école de
mathématique d’Alexandrie (- IIIème s.). Son
ouvrage les Eléments firent autorité jusqu’au
17ème et même en partie jusqu’au 19ème siècle,
où les principes en furent remis en cause. Mais
la méthode axiomatique qu’il invente s’impose
encore aujourd’hui, même si son sens a changé.
Dans la géométrie euclidienne, des propositions sont admises
comme point de départ. Mais ce n’est pas un défaut.
Car les propositions supposés le sont sur la base de l’évidence.
Ex: … ax 1: soit 3 grandeurs (grandeur: qui a au moins une
dimension) A,B et C:.
si A=B, et que B=C ,alors A=C
… ax 9: le tout est plus grand que sa partie
Attention: « évidence »: sens de Pascal ≈ sens ordinaire
est évidente une affirmation qui serait connue comme vraie sans que
l’on ait besoin et sans que l’on puisse la démontrer.
Ce serait une connaissance immédiate ( ≠ médiate: indirecte)
intuitive (≠ discursive: qui repose sur
un raisonnement)
On peut parler plus sobrement d’une intuition.
L’intuition dépend, selon Pascal, d’une faculté plus vaste qu’il nomme
le cœur.
Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que
les nombres sont infinis, et la raison démontre ensuite
qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit double
de l’autre. Les principes se sentent, les propositions se
concluent et le tout avec certitude quoique par différentes
voies – et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison
demande au cœur des preuves de ses premiers principes
pour vouloir y consentir, qu’il serait ridicule que le cœur
demandât à la raison un sentiment de toutes les
propositions qu’elle démontre, pour pouvoir les recevoir.
Pensées 282
LE PREMIER LIVRE DES ELEMENTS D’EUCLIDE
DEFINITIONS.
1. Le point est ce dont la partie est nulle.
2. Une ligne est une longueur sans largeur.
3. Les extrémités d’une ligne sont des points.
4. La ligne droite est celle qui est également placée entre ses points.
5. Une surface est ce qui a seulement longueur et largeur.
6. Les extrémités d’une surface sont des lignes.
7. La surface plane est celle qui est également placée entre ses droites.
8. Un angle plan est l’inclinaison mutuelle de deux lignes qui se touchent dans un plan,
et qui ne sont point placées dans la même direction.
9. Lorsque les lignes, qui comprennent ledit angle, sont des droites, l’angle se nomme
rectiligne.
11. L’angle obtus est celui qui est plus grand qu’un droit.
12. L’angle aigu est celui qui est plus petit qu’un droit.
13. On appelle limite ce qui est l’extrémité de quelque chose.
14. Une figure est ce qui est compris par une seule ou par plusieurs limites.
15. Un cercle est une figure plane, comprise par une seule ligne qu’on nomme
circonférence ; toutes les droites, menées à la circonférence d’un des points placés
dans cette figure, étant égales entre elles.
16. Ce point se nomme le centre du cercle.
17, 18… 35
DEMANDES. [« postulats »]
1. Conduire une droite d’un point quelconque à un point quelconque.
2. Prolonger indéfiniment, selon sa direction, une droite finie.
3. D’un point quelconque, et avec un intervalle quelconque, décrire une circonférence
de cercle.
4. Tous les angles droits sont égaux entre eux.
5. Si une droite, tombant sur deux droites, fait les angles intérieurs du même côté plus
petits que deux droits, ces droites, prolongées à l’infini, se rencontreront du côté où les
angles sont plus petits que deux droits.
6. Deux droites ne renferment point un espace.
NOTIONS COMMUNES. [axiomes]
1. Les grandeurs égales à une même grandeur, sont égales entre elles.
2. Si à des grandeurs égales, on ajoute des grandeurs égales, les touts seront égaux.
3. Si de grandeurs égales, on retranche des grandeurs égales, les restes seront égaux.
4. Si à des grandeurs inégales, on ajoute des grandeurs égales, les touts seront inégaux.
5. Si de grandeurs inégales, on retranche des grandeurs égales, les restes seront inégaux.
6. Les grandeurs, qui sont doubles d’une même grandeur, sont égales entre elles.
7. Les grandeurs, qui sont les moitiés d’une même grandeur, sont égales entre elles.
8. Les grandeurs, qui s’adaptent entre elles, sont égales entre elles.
9. Le tout est plus grand que la partie.
Le théorème de Pythagore est connue dès l’Egypte: ainsi, les arpenteurs égyptiens se
servaient d’une corde à treize nœuds permettant de mesurer des distances mais aussi
de construire, sans équerre, un angle droit, puisque les 13 nœuds (et les douze
intervalles) permettaient de construire un triangle dont les dimensions étaient (3 - 4 5), triangle qui s'avère être rectangle.
Mais entre la découverte d'une propriété (« on observe que certains triangles
rectangles vérifient cette propriété »), sa généralisation (« il semble que tous les
triangles rectangles vérifient cette propriété ») et sa démonstration (« il est vrai que
tous les triangles rectangles (et eux seuls) dans un plan euclidien vérifient cette
propriété »), il y a un saut, saut qu’ont effectué les grecs comme Euclide.
PROPOSITION XLVII. Dans les triangles rectangles, le carré du côté opposé à l’angle
droit est égal aux quarrés des côtés qui comprennent l’angle droit.
Soit ABΓ un triangle rectangle, que BAΓ soit l’angle droit ; je dis que le carré du côté BΓ
est égal aux carrés des côtés BA, AΓ. Décrivons avec BΓ le carré ΒΔΕΓ, et avec BA, AΓ les
carrés HB, ΘΓ ; et par le point A conduisons AΛ parallèle à l’une ou à l’autre des droites
BΔ, ΓE ; et joignons AΔ, ZΓ.
Puisque chacun des angles ΒΑΓ, BAH est droit, les deux droites ΑΓ, AH, non placées du
même côté, font avec la droite BA au point A de cette droite, deux angles de suite égaux
à deux droits ; donc la droite ΓΑ est dans la direction de AH ; la droite BA est dans la
direction ΑΘ, par la même raison. Et puisque l’angle ΔΒΓ est égal à l’angle ZBA, étant
droits l’un et l’autre, si nous leur ajoutons l’angle commun ΑΒΓ, l’angle entier ΔΒΑ sera
égal à l’angle entier ΖΒΓ (notion 4). Et puisque ΔΒ est égal à ΒΓ, et ZB à BA, les deux
droites ΔB, BA sont égales aux deux droites ΓB, BZ, chacune à chacune ; mais l’angle ΔBA
est égal à l’angle ZBΓ ; donc la base AΔ est égale à la base ZΓ, et le triangle ABΔ égal au
triangle ZBΓ (proposition IV). Mais le parallélogramme ΒΛ est double du triangle ABΔ
(proposition XLI), car ils ont la même base BΔ et ils sont entre les mêmes parallèles BΔ,
AΛ ; le carré BH est double du triangle ZBΓ, car ils ont la même base BZ et ils sont entre
les mêmes parallèles ZB, HΓ ; et les grandeurs qui sont doubles de grandeurs égales, sont
égales entr’elles ; donc le parallélogramme BΛ est égal au quarré HB. Ayant joint AE, BK,
nous démontrerons semblablement que le parallélogramme ΓΛ est égal au carré ΘΓ ;
donc le carré entier ΒΔΕΓ est égal aux deux carrés HB, ΘΓ. Mais le carré ΒΔΕΓ est décrit
Conclusion: la démonstration mathématique est une preuve
idéalement parfaite :
… les termes (concepts) sont définies ou indéfinissables.
… on dispose de propositions de départ en soi évidentes (axiomes).
… on déduit ensuite des propositions (théorèmes), dont on démontre
qu’elles peuvent se déduire des axiomes ou des propositions déjà
démontrées.
Evidence intuitive des axiomes + nécessité logique de la
déduction = connaissance parfaite et progressive.
Sujet de réflexion : la connaissance intuitive est-elle
rationnelle?
Pascal: la connaissance de la raison suppose à sa
racine la connaissance intuitive ou intuition.
L’intuition est produite par une faculté singulière,
différente de la raison : « le cœur ».
Esprit humain: dualité raison / cœur.
visée apologétique: le pouvoir de la raison humaine
reposerait en dernière instance sur la même faculté à
l’œuvre dans la foi.
Conséquence : le scientifique, et plus généralement le
rationaliste n’auraient donc pas à attaquer la foi.
267. - La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu'il y
a une infinité de choses qui la surpassent; elle n'est que faible, si
elle ne va jusqu'à connaître cela. Que si les choses naturelles la
surpassent, que dira-t-on des surnaturelles ?
277. - Le coeur a ses raisons, que la raison ne connaît point; on le
sait en mille choses.
Blaise Pascal, Pensées
3- la nature purement intellectuelle de la connaissance (Platon)
- Les concepts mathématiques sont purement intellectuels: on ne
peut pas percevoir par les sens des objets mathématiques.
On les appelle Idées ou essences.
Ce sont des concepts purs de la raison, et non des concepts
fabriquées par l’esprit à partir de ses observations.
Exemple: le concept d’égalité (Phédon) : entité purement
intelligible.
- la connaissance « innée » :
Connaître vraiment, ce n’est pas apprendre quelque chose de
l’extérieur.
Notre esprit n’est pas comme un vase vide qui recevrait ses
connaissances de l’extérieur, soutenait déjà Socrate.
L’esprit ne fait que raisonner avec ses facultés propres sur des
concepts qui sont déjà inhérents à l’esprit.
4- la réalité selon Platon
Les concepts (notions) ne sont pas dans notre esprit, ils sont hors de
notre esprit (objectifs, réels).
Mais ils n’existent pas sur le mode physique.
Remarque: cela ne concerne pas que les concepts mathématiques.
Exemple: comme il y a une Idée de la sphère différente
des sphères perceptibles, il y a une Idée de la beauté,
différente des choses belles que nous pouvons
percevoir.
Choses
belles
Sens
Intelligence
raison
Perception
sensible
(relatives)
Intellection
(perception intellectuelle)
IDEE de BEAUTE
Beauté absolue
- Conséquence : le réel se divise en deux « régions » :
… la « réalité sensible » composée des objets potentiellement
perçus par nos sens
… la « réalité intelligible » composée des objets potentiellement
appréhendés par notre intelligence ou raison.
-on peut hiérarchiser ces deux types de réalité:
la réalité intelligible est supérieure à la réalité sensible
la première est le modèle dont la seconde est l’imitation.
Le concept d’un artefact est antérieur à l’existence de ce dernier, et
plus parfait. Il en serait de même pour n’importe quel concept.
Cette thèse est appelée platonisme.
La connaissance mathématique (et pour Platon toute
connaissance possible) serait purement rationnelle: l’esprit
connaîtrait des objets purement intelligible à l’aide de
procédures effectuées par la seule raison.
C- la critique d’Aristote
Est-on bien passer de la vérité
formelle, simple validité, à la vérité
matérielle, connaissance du réel ?
Les objets mathématiques ne nous semblent
pas en tant que tels avoir la réalité du monde
physique.
Réalité = ce qui n’est pas seulement dans
l’esprit, ou construction de l’esprit.
Réalité = d’abord l’extériorité.
Connaissance du réel : connaissance de ce qui
est extérieur à l’esprit.
Or, on peut penser qu’il n’y a pas de réalité
mathématique en tant que telle.
Plus généralement, il n’y a pas de réalité en
soi des Idées.
Plus généralement, il n’y a pas de
réalité en soi des Idées.
elles sont « immanentes » aux choses
et à l’esprit, mais en aucun cas elles en
sont « transcendantes » aux uns et aux
autres.
Repère : immanent : « dans » la réalité sensible, physique ou psychologique
transcendant : extérieur à cette réalité, et souvent considéré
comme supérieur.
Ce qui est réel, ce ne sont pas les concepts ou Idées. Ce
sont les choses concrètes, perceptibles en principe.
Pour les êtres artificiels, il est normal que leur concepts
existent avant leur existence: mais ils existent dans l’esprit
humain.
Pour les êtres naturels, les concepts n’ont d’abord de
réalité que dans les choses dont ils sont les concepts ou
Idées.
L’esprit, ensuite, sépare les idées de la réalité: par le
processus d’abstraction.
Processus d’abstraction : les notions ne sont pas
aperçus par l’esprit qui les trouverait déjà là dans la
réalité (intelligible). Elles sont formées par l’esprit à
partir de la perception des choses concrètes
Le concept mathématique de cercle est formé par l’esprit à partir de la perception de
formes (quasi) circulaires dans la réalité sensible.
Fabrication par
abstraction
Notion de cercle
Mémoire et intelligence
saisie de l’identique
(forme circulaire)
soustraction du
différent (astres /
roue…) et des
imperfections
De même pour les concepts biologiques tels que les concepts d’espèces vivantes
Fabrication par
abstraction
Mémoire et intelligence
saisie de l’identique
(mammifère,
quadrupède…)
soustraction du
différent (robe,
propriétaire, etc.) et
des imperfections
Notion de cheval
De même pour les concepts de valeurs esthétiques ou morales. La beauté ne désigne
rien d’autres qu’un ensemble de propriétés des choses belles.
Fabrication par
abstraction
Notion de beauté
Mémoire et intelligence
saisie de l’identique
(harmonie,
proportion)
soustraction du
différent et des
imperfections
Les concepts sont donc des objets abstraits.
Repère : abstrait / concret
Ils désignent les espèces ou les genres, qui eux-mêmes
ne sont rien d’autres qu’un ensemble d’individus
partageant une nature commune ou essence commune,
immanente aux individus.
Repère: individu / espèce / genre
L’essence n’est pas une Idée (transcendante) elle est la
nature des individus perceptibles (ce dont ils sont
constitués, la manière dont ils sont configurés, ce qui
les caractérisent nécessairement et ce dont ils sont
capables).
Raphaël, l’école d’Athènes, 1511
Comme De Vinci et Michel-Ange, Raphaël est très inspirée de Platon: il existe une beauté
idéale intelligible que doit imiter le peintre, même s’il est impossible de l’atteindre. Mais
« par Zeus, tu ne
comprends
décidément rien
jeune entêté. Je
te dis que les
Idées sont
transcendantes!
»
« Par le chien,
elles sont
immanentes
aux choses
sensibles. Vieil
imbécile »
Conclusion :
Certes, en mathématique, il y a démonstration parfaite, donc certitude
parfaite.
Mais il n’y a donc pas vraiment de connaissance du réel : l’esprit
n’a pas rapport à des objets véritables, mais avec des
abstractions.
Descartes : les mathématiques servent à bien raisonner mais ne
nous apprennent rien sur le réel : on y a pas affaire à la réalité
extérieure.
Le sceptique est réfuté en ce qui concerne les raisonnements
logiques et mathématiques, mais pas en ce qui concerne leur
pouvoir de nous apprendre des choses sur la réalité : si seules
les propositions logiques et mathématiques étaient vraies, on
pourrait toujours douter de l’existence du monde (argument du
rêve).
La connaissance du réel, c’est la physique et les sciences de la
« les énoncés de la logique ou des
mathématiques ne nous renseignent en
rien sur le monde. Nous pouvons certes
être certain que 3 et 1 font 4, mais comme
cela resterait vrai dans tout univers
possible, cela ne nous renseigne en rien
sur l’univers que nous habitons »
Rudolph Carnap
Explication:
Logique et mathématiques ne nous apprennent rien sur notre monde
en particulier, car elles seraient vraies dans « tout monde possible »,
tout univers possible qui serait composé d’autres faits, d’autres
événements, et régis par d’autres lois physiques que ceux qui
composent notre monde.
Si cela ne nous apprend rien sur notre monde en particulier, c’est que
selon Carnap cela ne dépend en fait que de conventions linguistiques.
C’est en vertu des définitions de l’addition, de l’égalité, de 3 et de 1
que 3 et 1 font 4.
III- l’idéal d’une science physique purement démonstrative
(déductive)
Recherche d’une connaissance certaine qui soit bien connaissance du réel, qui ne
s’occupe pas d’abstractions ou de conventions mais des choses naturelles.
Si les sciences de la nature doivent tenter d’être déductive, et ce à partir de principes
purement rationnels, cela signifie que ce n’est pas l’expérience sensible qui est
source de la connaissance de ce que pourtant nous percevons... c’est l’entendement,
la raison, comme en mathématiques?
1- l’expérience sensible simple est incapable de nous faire connaître
le réel
Expérience dite du « morceau de
cire » (le morceau de cire tient
d’exemple pour tous les corps).
Scénario : qu’est-ce que je peux
connaître des corps physiques?
Est-ce ce que ma perception
sensible m’en apprend ?
Prenons en exemple un morceau de cire tout juste tiré de la ruche.
Qu’est-ce que ce corps ? Ce que nos sens nous indique:
… vue
une certaine figure (ex: cube), couleur
… toucher
une certaine dureté
… odorat
odeur du miel
… ouïe
un certain son (lorsque je le frappe)
= la cire nous apparaît comme étant
un certain ensemble de propriétés sensibles
ou « qualités sensibles » comme le dit Descartes
Mais approchons-le d’une flamme…
il perd sa figure, sa texture, son odeur, …
toutes les propriétés sensibles qui le caractérisaient sont modifiées.
Et pourtant, la cire n’a pas été annihilée mais seulement modifiée
(changement d’état).
On conçoit qu’il s’agit du même morceau de cire modifié.
La même cire demeure, elle conserve une certaine identité malgré le
changement.
Voca philosophique: il s’agit de la même SUBSTANCE (essence),
bien que ses PROPRIETES aient changées.
Repère: substance: l’être-même ou l’essence « derrière » les
apparences
propriétés: ce qui caractérise un être. caractéristiques
Deux questions :
1- qu’est-ce que la nature, l’ « essence » des corps par-delà leur
apparence sensible ?
2- qu’est-ce qui nous fait connaître cette essence des êtres physiques ?
Thèse cartésienne : la connaissance des corps
ne provient pas de la perception sensible.
La perception sensible ou l’expérience
sensible que nous faisons du monde ne nous
fait connaître que l’apparence des êtres
physiques.
L’expérience sensible (perception,
observation) ne nous fait connaître
… ni la nature (essence, substance) des
êtres physiques
… ni la cause des phénomènes: on sait que
c’est chaud (phénomène) mais on ne sait
pas pourquoi c’est chaud (cause).
Est-ce à dire que les sens ne nous apprennent rien sur le monde? Non.
« Les sens n’enseignent pas la nature mais l’utilité des choses »
« §3. Que nos sens ne nous enseignent pas la nature
des choses, mais seulement ce en quoi elles nous
sont utiles ou nuisibles.
Il suffira que nous remarquions que tout ce que
nous apercevons par l’entremise de nos sens se
rapporte à l’étroite union, qu’a l’âme avec le corps,
et que nous connaissons ordinairement par leur
moyen ce en quoi les corps de dehors nous peuvent
profiter ou nuire, mais non pas quelle est leur
nature, si ce n’est peut-être rarement et par hasard.
Car, après cette réflexion, nous quitterons sans
peine tous les préjugés qui ne sont fondés que sur
nos sens, et ne nous servirons que de notre
entendement, parce que c’est en lui seul que les
premières notions ou idées, qui sont comme les
semences des vérités que nous sommes capables de
connaître, se trouvent naturellement ».
Descartes, Principes de la Philosophie, II, §3
Les sens ne sauraient nous indiquent
quelles relations notre corps entretient
avec les choses extérieures pour préserver
sa vie.
L’expérience sensible nous fournit des
informations sur les corps extérieurs, mais
c’est une connaissance dont la finalité est
simplement pratique.
Ex : notre toucher nous indique qu’un corps est chaud et menace l’intégrité de
nos organes. (Descartes place donc dans la même catégorie les qualités sensibles
et les sensations de douleur et de plaisir )
Mais alors, comment éviter d’en rester à une connaissance
subjective et relative (à notre corps)? Comment savons-nous qu’il
s’agit de la même cire? Et qu’est-ce que cette cire?
Repères : Subjectif/Objectif ; Relatif/Absolu
Seule notre intelligence ou raison nous fait connaître ce que sont véritablement les
êtres, leur essence et leur cause.
Apparence sensible
Sens
Intelligence
raison
Perception
sensible
Qualités sensibles
Intellection
(perception intellectuelle)
Essence des êtres
physiques
2- la raison, source de la connaissance physique
La raison ou entendement est l’instrument de la
connaissance du réel par delà les apparences. Elle
nous permet notamment de connaître
… l’essence de la nature physique: la matière
… les lois qui la gouvernent
… les mécanismes par lesquelles elle produit (cause)
les phénomènes perçus (effets).
L’essence de la nature : la matière. Tout être
physique est un être uniquement matériel: il n’y a ni
forces magiques, ni esprits, ni mystérieux principes
vital ou spirituels dans la nature.
Qu’est-ce que la matière, selon Descartes ?
3- la matière, ses propriétés, sa composition
C’est ce qu’on a conçu (et non pas perçu) dans l’exemple du morceau de
cire :
- concept géométrique d’étendue. Tout corps physique est une certaine
grandeur continue tridimensionnelle. Cette étendue n’est pas une
abstraction : c’est la réalité.
- ses propriétés fondamentales : chaque être matériel a une figure (géom),
une grandeur mesurable, est capable de recevoir le mouvement d’un autre
corps (le mouvement = translation).
Galilée: « le livre du monde est écrit en langage mathématique »: Galilée a
en effet compris qu’on pouvait décrire les phénomènes à l’aide d’équations.
Descartes poursuit: fondamentalement, la matière et ses comportements
sont descriptibles par les mathématiques.
Descartes est un partisan de la division de la matière à l’infini, et s’oppose
donc à la thèse atomiste, pour qui les êtres physiques sont divisés en
éléments eux-mêmes indivisibles, les « atomes ».
Aujourd’hui, le modèle standart de la matière va bien au-delà ce que l’on
nomme pourtant atomes, qui sont loin d’être indivisibles (voir doc).
D’un point de vue physique, Descartes se trompe en partie sur les
propriétés de la matière. (par exemple, il est convaincu qu’elle se confond
avec l’espace, qui est plein).
Mais ses thèses philosophiques restent en partie vraies :
… la matière est l’essence de la réalité physique
… sa composition nous est connue par des constructions théoriques,
rationnelles, et non par l’observation.
… la mécanique classique reste encore aujourd’hui la théorie privilégiée
Les constituants élémentaires de la matière obéissent aux principes de
la physique quantique, qui ne fût développée qu’au 20ème siècle.
Laissons-donc l’univers microscopiques de côté et revenons aux
phénomènes macroscopiques, expliqués par la mécanique classique
4- Les principes de la théorie physique classique sont des
principes rationnels
- Les concepts (« espace » « force », etc) qui
permettent de penser la matière ne sont pas issus
des sens, ce sont des concepts purement
intellectuels: Ils ne proviennent que de la raison.
L’esprit les trouve en lui. L’expérience des corps
ne fait que réactiver des idées qui sont déjà dans
l’esprit, à l’état virtuel.
Argument : Ces idées sont toujours présentes,
lorsque l’on perçoit des corps, on sait déjà qu’ils
sont tridimensionnels, implicitement, bien que
l’on ai pas encore pensé explicitement l’idée ellemême. Le concept structure notre représentation
des corps. Donc si l’on conçoit ou perçoit un
corps, on a déjà l’idée de tridimensionnalité,
On dit que ce concept est inné ou a priori, indépendant de l’expérience.
Repère: a priori / a posteriori
- On lie les concepts innées que nous avons pour former les
propositions fondamentales de la physique : corps étendu,
mouvement, ligne droite, indéfini... = principe d’inertie.
les principes de la physique classique ne sont pas empiriques.
Ainsi, le principe d’inertie n’a rien d’empirique
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
À t= 0 , l’objet est lancé
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
À t= 0 , l’objet est lancé
t=t1
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
À t= 0 , l’objet est lancé
t=t1
t=2t1
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
À t= 0 , l’objet est lancé
t=t1
t=2t1
t=3t1
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
À t= 0 , l’objet est lancé
t=t1
t=2t1
t=3t1 t=4t1
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
À t= 0 , l’objet est lancé
t=t1
t=2t1
t=3t1 t=4t1 t=5t1
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
À t= 0 , l’objet est lancé
t=t1
t=2t1
t=3t1 t=4t1 t=5t1 t=6t1
L’objet ralentit et s’arrête
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
Si l’objet s’arrête, c’est que le plan horizontal exerce sur l’objet des
forces de frottement en sens inverse du sens du mouvement. On
peut les modéliser par une force f
Sens du mouvement
f
MOUVEMENT D’UN OBJET SUR UN PLAN HORIZONTAL
De plus, si l’objet ne tombe pas, c’est que la table exerce
une force notée R égale et opposée à P, le poids de l’objet
R
V
f
P
R = -P
Direction : vertical
Direction : vertical
P
Sens : vers le bas
Valeur P=mg
R
Sens : vers le haut
Valeur R = P
Mais supposons maintenant que la table n’existe plus,
Alors le mobile n’est soumis qu’à son poids P
P
S’il n’est soumis qu’à son poids P
et qu’il a une vitesse initiale,
comment se produit le mouvement?
V
P
S’il n’est soumis qu’à son poids P
et qu’il a une vitesse initiale
V
V
P
P
S’il n’est soumis qu’à son poids P,
et qu’il a une vitesse initiale
V
V
P
V
P
P
S’il n’est soumis qu’à son poids P
et qu’il a une vitesse initiale
V
V
P
V
P
P
V
P
S’il n’est soumis qu’à son poids P
et qu’il a une vitesse initiale
V
V
P
V
P
P
Son mouvement de chute
Est parabolique
À cause de sa vitesse initiale
V
P
V
Mais essayons de penser le mouvement de l’objet « en lui-même »,
si aucune force n’agit sur l’objet…
Il faut donc supposer que n’existent
ni la table ni l’air (forces de frottement)
ni la Terre (force gravitationnelle)
Maintenons cependant que l’objet possède une vitesse initiale
Vi
MOUVEMENT D’UN OBJET DANS LE VIDE
Si aucune force n’agit sur l’objet
et que en t= 0, l’objet possède une vitesse initiale
Vi
MOUVEMENT D’UN OBJET DANS LE VIDE
Si aucune force n’agit sur l’objet
et que en t= 0, l’objet possède une vitesse initiale
Vi
MOUVEMENT D’UN OBJET DANS LE VIDE
Si aucune force n’agit sur l’objet
et que en t= 0, l’objet possède une vitesse initiale
Vi
MOUVEMENT D’UN OBJET DANS LE VIDE
Si aucune force n’agit sur l’objet
et que en t= 0, l’objet possède une vitesse initiale
Vi
MOUVEMENT D’UN OBJET DANS LE VIDE
Si aucune force n’agit sur l’objet
et que en t= 0, l’objet possède une vitesse initiale
Vi
MOUVEMENT D’UN OBJET DANS LE VIDE
Si aucune force n’agit sur l’objet
et que en t= 0, l’objet possède une vitesse initiale
Vi
MOUVEMENT D’UN OBJET DANS LE VIDE
Si aucune force n’agit sur l’objet
et que en t= 0, l’objet possède une vitesse initiale
Vi
Il conserve donc sa vitesse, et le mouvement est rectiligne et uniforme
Principe d’inertie: un corps sur lequel ne s’exerce aucune force demeure
au repos ou poursuit sa trajectoire de manière rectiligne, uniforme et à
vitesse constante, indéfiniment
« tout corps persévère dans l’état de repos ou de
mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il
se trouve, à moins que quelque force n’agisse sur
lui, et ne le contraigne à changer d’état »
Le principe d’inertie est purement « idéal »:
il n’a pas été observé, n’a pas été expérimenté (hors approximation),
mais il sert pourtant à expliquer les mouvements physiques concrets, réels.
Repère: idéal / réel (ici idéal = faits d’idées ≈ conceptuel, rationnel )
Pour expliquer le mouvement d’un corps, il faut ainsi composer le principe
d’inertie avec les forces qui s’exercent sur l’objet
(la force se caractérise par une direction et mesurée en newton)
Descartes et Newton fondent la physique sur quelques principes.
Pour eux, ce sont des axiomes: ils sont nécessairement vrais et non
déduits.
Principes de la physique de Descartes :
- loi de la conservation de la quantité de mouvement (q=mv)
-principe d’inertie (deux lois pour Descartes) ;
- lois portant sur la transmission du mouvement (≈les axiomes de
Newton)
Newton découvre la loi de la gravitation universelle
3- l’entreprise rationaliste : une connaissance purement
déductive du réel
Descartes forme l’idéal d’une science unique de la nature, fondée sur
quelques axiomes.
On a là l’exemple parfait du rationalisme dogmatique: la raison, si elle
est bien utilisée, peut nous faire connaître parfaitement l’intégralité de
la réalité (et nous aider en conséquence à mieux vivre).
« après avoir trouvé les vrais principes des
choses matérielles, on examine en général
comment tout l’univers est composé ; puis
en particulier quelle est la nature de cette
terre et de tous les corps qui se trouvent
communément autour d’elle, comme de
l’air, de l’eau, du feu, de l’aimant et des
autres minéraux. En suite de quoi il est
besoin aussi d’examiner en particulier la
nature des plantes, celle des animaux, et
surtout celle de l’homme, afin qu’on soit
capable par après de trouver les autres
sciences qui lui sont utiles ».
Les concepts fondamentaux de la physique sont innés et suffisent à
construire les principes de la physique.
Mais il faut encore pouvoir démontrer de manière entièrement
rationnelle, à partir de ces principes, les autres lois, pour obtenir en
physique la certitude qu’on a dans les mathématiques.
Il faut donc procéder aux opérations suivantes:
1- établir les principes fondamentaux
2- dérivation des lois des chocs à partir des principes fondamentaux
3- explication de tous les phénomènes mécaniques par les lois des
chocs (pas de force gravitationnelle) : modèle des boules de billard.
4- réduire tous les phénomènes à des phénomènes mécaniques
notamment les phénomènes du vivant.
Explication mécanique du système nerveux ou du système sanguin.
Il s’agit de fonder les sciences de la vie sur les sciences de la matière.
Arbre de la connaissance
Physique
La totalité de la
connaissance du réel
pourrait, idéalement, être
déduite de principes
uniques
Métaphysique
4- les limites du rationalisme dans la connaissance de la nature:
le problème métaphysique
Pourquoi l’arbre a-t-il des racines métaphysiques?
Elles sont indispensables, parce qu’elles répondent au problème
fondamental de la connaissance du réel:
Pourquoi le monde est-il compréhensible, pourquoi pouvonsnous l’expliquer avec nos outils intellectuels?
« ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit
compréhensible », écrit Einstein
Plus précisément, pourquoi le livre du monde est-il écrit en langage
mathématique, comme le dit Galilée?
raison
réel
pourquoi le livre du monde est-il écrit en langage mathématique ?
En effet, si les mathématiques dépendent de notre esprit et de
conventions, comment se fait-il que la physique puisse décrire les
phénomènes de notre monde à l’aide d’équations, et puisse en
conséquence effectuer des prédictions sur les phénomènes futurs
grâce au calcul?
En 1705, Edmund Halley publia
un livre avançant que les
comètes qui étaient apparues
dans le ciel en 1531, 1607 et
1682 étaient en fait une seule
et même comète, et prédit
qu'elle reviendrait en 1758.
Cette prévision permit d'asseoir
définitivement la mécanique
newtonienne en France.
Les lois logiques et mathématiques ne semblent pas n’être que des lois
de notre esprit: elles structurent la réalité, notamment la réalité
physique, mais aussi certains phénomènes humains: démographiques,
économiques…
La réponse cartésienne peut sembler étrange à un esprit
contemporain:
Si la logique de notre esprit et la logique du monde peuvent
coïncider, c’est que les deux ont la même origine.
Nous avons une raison (intelligence) et le monde est rationnel
(intelligible) parce que tous deux sont produits originairement par
une raison suprême.
Raison suprême
Intelligence
raison
réel
5- les limites du rationalisme dans la connaissance de la nature:
le problème épistémologique :
Descartes prétend déduire les lois empiriques (lois physique qui
décrivent des régularités observables et mesurables) à partir des
principes de la mécanique.
En droit, nous pourrions nous passer de l’expérimentation et nous
baser sur la seule déduction.
Mais cela semble impossible.
Exemple de l’explication cartésienne de la réfraction (rappel: le phénomène
lui sert d’abord à montrer que les sens sont trompeurs)
Descartes établit la loi qui décrit le comportement de la lumière lors
d’un changement de milieu. Soit le schéma suivant:
Loi de Descartes : égalité des
produits des sinus des angles
d’incidence et de réfraction par
l’indice de réfraction
N1sin alpha (incidence) = N2sin
beta (réfraction)
Parenthèse: la physique explique ainsi pourquoi un bâton à demi
immergé nous apparaît brisé. La physique corrige les apparences
trompeuses.
L’argument sceptique (que Descartes s’oppose d’ailleurs à luimême) ne tient donc pas: il semble bien que la physique nous
permet de connaître
… et la réalité
… et la manière dont elle nous apparaît.
La loi de la réfraction se nomme aussi loi de Snell-Descartes.
Le physicien Snell les a trouvé lui aussi au même moment.
Mais Snell affirme tout simplement les avoir trouvé par la seule
expérimentation (variation des milieux).
Descartes, lui, prétend déduire ces lois de ses principes En fait, nous
savons aujourd’hui que sa déduction n’est pas correcte. Descartes a
établit la loi par l’expérimentation.
Les lois concrètes de la physique ne sont pas purement
rationnelles (comme peuvent l’être les principes fondamentaux
d’une théorie): il faut procéder à l’expérimentation pour les
formuler.
Les principes rationnels, non empiriques, sont nécessaires pour
donner une compréhension plus profonde de ces phénomènes:
c’est à cela que servent les constructions théoriques en
physique. Mais l’expérience est nécessaire pour trouver les lois
concrètes qui régissent les phénomènes.
Remarque: cela ne vaut pas seulement pour les sciences de la nature mais aussi pour
certaines sciences humaines:
En économie (science des échanges), les principes rationnels, non empiriques, sont aussi
nécessaires pour donner une compréhension plus profonde des phénomènes: c’est à cela
que servent les modèles théoriques. Mais l’expérience est nécessaire pour trouver les lois
concrètes qui régissent les phénomènes.
Ainsi, le modèle de l’homo economicus est nécessaire pour expliquer en partie les
comportements des agents économiques. Mais on ne peut pas dire qu’il suffise à
comprendre la réalité de ces comportements. D’ailleurs le modèle, comme tout modèle, a
ses limites.
L'Homo œconomicus est une représentation théorique du comportement de l'être humain,
qui est à la base du modèle néo-classique en économie.
L'Homo œconomicus est considéré comme rationnel. Autrement dit, cet individu
… a des préférences et qu'il peut ordonner selon certains principes rationnels (ex: la
transitivité).
… est capable de maximiser sa satisfaction en utilisant au mieux ses ressources : il
maximisera son utilité (et non pas son profit).
… sait analyser et anticiper le mieux possible la situation et les événements du monde qui
l'entoure afin de prendre les décisions permettant cette maximisation
Mais ce modèle est inadéquate par rapport à la réalité factuelle
Les recherches faites en matière de décisions économiques ont montré qu'elles ne se
conformaient que très partiellement à cette hypothèse de rationalité parfaite.
IV- la connaissance par l’expérimentation
Connaître, c’est pouvoir énoncer des propositions vraies concernant
la réalité.
Cette intelligibilité ne peut se fonder sur la seule raison : Il faut faire
appel à l’expérience que nous avons du réel pour pouvoir l’expliquer.
Intelligence
raison
réel
expérimentation
Ce qui n’implique pas qu’il faille rejeter la critique cartésienne de
l’expérience sensible : ce n’est pas n’importe quelle expérience qui rend
possible une connaissance
Rappel : l’observation simple peut être suffisante pour savoir qu’il y a
un fait. Mais
… même un fait observé est interprété (intervention de la réflexion)
… l’observation simple ne suffit pas à expliquer
… avoir de l’expérience ne suffit pas: repose sur l’observation et
l’induction
Bref: l’expérience est incapable
… d’établir des propositions universelles et nécessaires
… de déterminer les causes
1- l’expérimentation: l’expérience ordonnée par la raison
Rappel : l’expérience sensible simple est essentiellement passive:
raison
réel
En revanche l’expérimentation = modification délibérée et contrôlée
des conditions de l’enchainement naturels des phénomènes afin de
déterminer quels paramètres concourent effectivement à produire un
effet donné
L’expérimentation est donc essentiellement active, construite par
le chercheur
réel
expérimentation
Claude Bernard, physiologiste (1813-1878), est le premier à formaliser
clairement les différentes étapes de la démarche expérimentale.
la méthode « hypothético-déductive »:
1) Observation d’un fait (l’observateur ne doit pas avoir d’idées
préconçues)
2) « idée » : hypothèse explicative
3) on déduit les « implications vérifiables » : ce qui suit logiquement
de l’hypothèse et que l’on peut vérifier par l’expérience
4) expérimentation proprement dite : vérification (confrontation entre
l'hypothèse et la réalité)
Exemple : la découverte de la cause de la fièvre puerpérale
par Semmelweis (mi-XIXème), à l’origine du développement de
l’aseptisation des hôpitaux
1/constat : la maladie est plus présente dans le
service d’obstétrique A que dans le service B
2/ H= la maladie est dû à un agent infectieux provenant des
cadavres, « la matière cadavérique » (terme de Semmelweis)
3/ si H est vraie, alors une solution anti-sceptique appliquée aux
mains des médecins empêchera la contamination.
4/ on vérifie H. H est vérifié: la mortalité baisse
Revenons à la théorie. Claude Bernard nous montre comment
l’expérience des faits et la raison collaborent à la recherche
expérimentale :
- Le rôle primordial revient à la raison : c’est elle
… qui propose une explication possible (H)
… qui définit le protocole expérimental
- l’expérience a pour fonction la vérification de H.
Mais cette vérification est-elle absolument certaine?
L’expérience scientifique n’est pas subjective contrairement à
l’expérience ordinaire (simple observation ou induction grossière).
Elle a une valeur objective car :
- elle est reproduite et reproductible
-n’importe qui peut observer la même chose : les données
expérimentales sont publiques
Mais établit-elle des propositions nécessaires? Équivaut-elle à une
démonstration?
Non:
La vérification demeure fondée sur une induction: sur la répétition de
l’expérience (même si l’induction scientifique a une rigueur que n’ont
pas nos inductions ordinaires).
Le savoir expérimental n’a pas de valeur absolue. Il demeure
contingent, et toujours révisables.
2- falsification contre vérification (Karl Popper)
Thèse: on ne peut jamais prouver qu’une proposition empirique de
forme universelle (« tous les corps sont soumis à la force
gravitationnelle » « tous les agents économiques font des calculs couts /
avantages ») ou une théorie est vraie, alors qu’on peut prouver qu’elle est
fausse.
Reprenons le raisonnement de Semmelweis:
- H= la maladie est dû à un agent infectieux
provenant des cadavres, « la matière
cadavérique »
- si H est vraie, alors une solution antisceptique appliquée aux mains des médecins
empêchera la contamination.
- on vérifie H. H est vérifié: la mortalité
baisse
La conclusion est-elle certaine? Non.
La conclusion est-elle absolument vérifiée? Non: il se peut très bien
qu’un autre agent infectieux soit responsable.
D’ailleurs, c’est un agent qui se trouve dans tout corps en putréfaction
(pas seulement dans les cadavres) qui est responsable: ce qu’on a
découvert plus tard.
Il ne faut donc pas oublier le principe
logique suivant: (soit l’hypothèse p)
Il est contingent que
« [(p implique q) or q] donc p »
= on ne peut pas être certain que p est
vraie.
En revanche, un seul contre-exemple suffit à réfuter une hypothèse.
Rappel: loi logique: Il est nécessaire que « [(p implique q) or non q]
donc non p » = on peut être absolument certain que p est fausse.
- soit H: l’alimentation des patients du service A est responsable de
leur maladie.
- Si H est vraie, alors échanger leur alimentation avec celle du service
B inversera le taux de mortalité
- expérience: le taux de mortalité reste constant dans le service A.
- Conclusion : H est fausse.
On peut démontrer (par
déduction) qu’une hypothèse ou
une théorie est fausse.
Cela ne signifie pas qu’une expérience concluante n’est pas valable:
c’est une raison de retenir l’hypothèse comme probable.
Conclusion : il y a du faux dans les sciences, et du probable, mais
pas de vrai.
Cette solution, ni dogmatique ni sceptique, a le mérite d’être
compatible avec l’histoire des sciences : les théories ne sont jamais
définitives, même si elles ne sont pas nécessairement sans valeur.
La théorie dite « vraie » est celle qui est la meilleure pour
l’instant, c’est-à-dire qui
...a une portée explicative et prédictive (jusqu’ici les faits
prédits se sont réalisés)
...n’a pas pu être réfutée jusqu’ici.
Conclusion du chapitre : que nous apprennent les sciences de la
nature sur le réel ?
Par la science, a-t-on traversé les apparences pour toucher à la réalité
telle qu’elle est en soi, telle que l’appréhenderai un dieu ?
- Certaines connaissances font l’objet d’un accord de la communauté
scientifique, et sont acceptables pour quiconque accepte
d’effectuer la démarche de la preuve.
Il semble bien que cette universalité repose sur le fait que ces
connaissances soient tout simplement vraies, adéquates à la réalité telle
qu’elle est en soi, au-delà de toute perspective: la réalité serait en ellemême composée des particules élémentaires et des forces
fondamentales.
- Mais les sciences ne sont pas capable de vérité absolue
… pas de connaissance objective purement démonstrative.
… les théories sont historiques et mortelles.
Nous n’arrivons jamais à des résultats définitifs, à une image
définitive de la réalité naturelle.
Il n’y a que des perspectives.
Mais il existe une hiérarchie entre les points de vue.
Cette hiérarchie repose sur des critères objectifs tels que:
… critères logiques et mathématiques :
- cohérence interne (à la théorie)
- cohérence externe (autres connaissances)
… critère empiriques: conformité aux données observationnelles et
expérimentales, passées et futures (prédictions)