Transcript Syrie - Russophilie
Les relations russo syriennes
Premier cours :
1 – Introduction 2 – Brève histoire des relations russo syriennes jusqu’en 2011 3 – Bref rappel de la situation en Syrie depuis 2011 4 – Les raisons du soutien russe à Damas
1 – Introduction
1.1
– Géographie et démographie
• Il convient de distinguer la Syrie d’aujourd’hui de la Syrie historique, beaucoup plus vaste et comprenant le Liban, une partie de la Jordanie, de l’Irak et de la Turquie.
• Si la première occupe seconde
180 000
s’étend sur près de kilomètres carrés, la
300 000
kilomètres carrés.
• Ces chiffres
tiennent compte du plateau du Golan
, sur lequel Damas n’exerce plus son autorité depuis 1967, occupé par Israël après la Guerre des Six-jours.
• Le territoire Syrien
est peu fertile
, sauf dans certaines régions : au nord-ouest, au-delà de l’Euphrate, où coule deux affluents de ce dernier et quelques oasis.
• Sur la côte méditerranéenne, la terre est plus fertile mais le relief
ne permet pas une agriculture intensive
. Le reste du territoire est pour l’essentiel désertique.
•
La Syrie est un pays aride
cubes d'eau par habitant par est de la Turquie, qui (moins de 1 000 année) et réduit le débit de l’Euphrate.
mètres
la situation se détériore
, à cause de la perte de contrôle des sources du Jourdain et du développement de l’agriculture au sud • Le territoire syrien a vu un constant brassage de population, la route conséquence de sa position stratégique sur séparant l’Europe de l’Asie.
• • La population syrienne est autres ethnies
essentiellement arabe
, les présentes sur le territoire de la grande Syrie se trouvant pour la plupart en zone libanaise.
85 % des 23 millions de Syriens sont Arabes
appartenant à différents groupes indo-européens : Kurdes (10 %), Assyriens (2 %) et Arméniens (1 %).
Plus certaines populations , le reste turkmènes et adyguéennes.
• Une
forte majorité de la population est musulmane sunnite
(près de 80 %), on compte une importante minorité chiite (dont les plus importants, les
Alaouites, forment 10 % de la population
) et une minorité chrétienne significative (près de 7 %), témoins de la christianisation du territoire et du passage des Croisés.
• En 2012, la Syrie se classait sur
l’indice IDH à la 116e
position mondiale, en hausse de quelques places depuis quelques des années, ce qui situe le pays dans le groupe
pays moyennement développés
, avec un niveau comparable à celui de l’Ouzbékistan, des Philippines ou du Botswana.
• Cette faiblesse relative
d’alphabétisation faible
s’explique (84 %, 120 e par un taux rang mondial) et un
faible PIB PPA par habitant
de 2 900 $ (112 e rang mondial en 2010), car
est relativement l’espérance de vie, à 75 ans, y élevée
(70 e rang mondial en 2013).
1.2
– Système politique
• La Syrie a
peu connu le pluralisme politique
.
Dominée par XXe différents empires au fil des siècles, elle entre au siècle sous la domination ottomane, laquelle prend fin avec le traité de Sèvres, qui dépèce ce dernier.
• Certaines composantes C’est le cas des issues de l’Empire vont connaître une indépendance immédiate, d’autres non.
territoires syriens et libanais, qui passent sous le mandat de la France
. La division de la Syrie et du Liban date de cette époque.
• En 1936, les élites syriennes entament avec la France des pourparlers visant à établir l’indépendance du pays.
La guerre ralentit le processus, mais
1943 une semi indépendance, indépendance complète en 1946.
Damas obtient en transformée en
• • En 1943, le pays organise des élections et pendant 20 ans, des élections se tiendront sporadiquement, mais avec divers degrés de pluralisme, alors que le pays connait de grandes turbulences politiques.
En 1949, trois coups d’État
se succèdent (aboutissant à l’instauration d’un régime militaire, renversé en 1954), puis d’autres coups d’État surviendront en
1961 et 1963
.
• En 1963,
le Baas parvient au pouvoir
, mettant fin tentatives de pluralisme, mais pas à l’instabilité.
à ces • À l’intérieur du Baas, les factions continuent de lutter, ce qui conduit à un
autre coup d’État en 1966, puis un autre, en 1970
, qui se solde par l’arrivée au pouvoir
d’Hafez el-Assad
, qui restera au pouvoir jusqu’en
2000
, année de sa mort.
Son fils Bachar lui succède
.
• L’histoire récente du pays est donc
coups
par
d’État
et la stabilité politique ne fut atteinte que l’instauration d’un système très autoritaire, centralisé et personnalisé.
une succession de
•
Théoriquement pluripartiste
, le système politique est dominé par le Front national progressiste, coalition de six partis dominé par le Baas, lequel décline depuis 2000 au profit des autres partis de la coalition, Bachar cherchant à se distancer du parti dominant.
• La stabilité politique syrienne des quarante dernières années repose sur
la domination alaouite à la tête de l’État et des services de sécurité
, aussi conclu même si le Baas a différents accords avec les élites des autres groupes ethniques et confessionnels, qui disposent d’une certaine représentation.
• • Dans ce pays en
état d’urgence depuis 1963
, les décisions sont prises par un cercle étroit entourant le président et dont un grand nombre de membres sont des officiers supérieurs de l’armée.
La constitution oblige le président à être musulman
mais il n’y existe
pas de religion d’État
. La Syrie est dominée par le baasisme, laïc, socialiste et pan-arabiste.
,
• Le
fondamentalisme musulman est très mal vu
, mais la monopolisation du pouvoir par les Alaouites a par effet de rejet un accroissement des signes suscité extérieurs du fondamentalisme sunnite.
• Si le système prévoit une
assemblée parlementaire (le Conseil du peuple)
, où siègent depuis 2011 des partis d’opposition, celle-ci ne peut proposer de lois (domaine exclusif de chambre l’appareil présidentiel) et ne constitue qu’une d’enregistrement des propositions de l’exécutif.
• Constitutionnellement, toute loi doit obtenir l’approbation du Conseil du peuple pour entrer en vigueur.
1.3
– Économie
• La proximité avec l’URSS a fait évoluer
l’économie dans un sens dirigiste
, les grandes orientations économiques étant élaborées dans le cadre de plans quinquennaux.
• Les choses étaient en train de changer avant que la crise politique ne vienne remettre en question et ralentir les efforts pour faire évoluer le pays vers une économie de marché.
• En 2011,
de dollars le PIB de la Syrie
(70 e
s’établissait à 65 milliards
rang mondial sur 195).
• • Le
secteur agricole
, qui fruits, représente
occupe 17 % de la population active
suffit aux besoins du pays et permet .
L’agriculture l’exportation de légumes, coton, blé et viande.
17 % du PIB, Avec 27 % du PIB pour 16 % de la population active
le
secteur secondaire
connait une bonne productivité.
,
• • Ces chiffres s’expliquent par
premières l’exportation des matières
(pétrole, produits pétroliers et minerais), alors que les
entreprises de transformation sont peu performantes
et ne suffisent pas aux besoins du pays.
Le secteur tertiaire (47 % du PIB pour 67 % de la population active
) peu performant, illustre bien le niveau de développement de l’économie syrienne.
• • Avant la crise, le
tourisme
était en forte hausse depuis la fin des années 1990 et contribuait significativement à la croissance économique.
• Celle-ci s’est située autour
de 2-3 % tout au long des années 2000
, figure relativement faible pour un pays en développement, sans être un mauvais résultat.
Le taux de chômage
s’établissait à un peu plus de
9 %
de la population active (2009),
12 % de la population vivait sous le seuil de la
(2009),
pauvreté l’inflation était forte
, sans (2006) et à 4 % être catastrophique.
• •
Mais la crise a eu un impact l’économie
: le PIB du pays
dévastateur sur
s’est contracté de 2,5 % en 2011 et de près de 110 milliards
de 20 % en 2012
, le PIB PPA passant à 86 milliards depuis 2010.
L’inflation a bondi à 120 % en 2012
;
atteint aujourd’hui 18 % le chômage
de la population active et la dette publique en pourcentage du PIB est 30 % à plus de 52 % de 2010 à 2012.
passée de • Ces statistiques placent la Syrie dans la catégorie des puissances économiques moyennes et en voie de développement (jusqu’en 2011), mais ce qu’il convient de retenir, c’est
la forte concentration des richesses et surtout des pouvoirs mains d’une classe dirigeante
, issue pour l’essentiel d’un groupe minoritaire et qui dirige en outre l’armée et les services de sécurité.
économiques entre les
• La crise actuelle tient pour beaucoup au fait que la
majorité de la population est tenue à l’écart de cet ensemble de leviers
l’accès.
de pouvoir et en revendique • Bachar l’a compris, mais les réformes, dans un tel système politique, sont extrêmement lentes, toute remise en question économique entraînant une remise en question de l’ordre politique.
• Et le président syrien, tout autoritaire qu’il est,
un dictateur absolu
et doit tenir compte des
n’est pas
intérêts du clan dirigeant auquel il appartient.
2 – Brève histoire des relations russo-syriennes jusqu’en 2011
•
L’URSS a toujours été pragmatique
dans ses relations internationales et on constate malgré ses déclarations de principes, qu’elle accordait
peu d’importance à la question du place système politique et économique en
dans les pays avec lesquels elle établissait des relations.
• L’exemple le plus convaincant,
Nasser
: alors
c’est l’Égypte de
même que le raïs interdisait le parti communiste et faisait emprisonner ses chefs, Moscou octroyait à l’Égypte l’aide technique et le financement nécessaires (à un taux de 1 % annuellement) pour la construction du barrage avait d’Assouan, aide que Nasser d’abord tenté d’obtenir en Occident.
Le bloc soviétique et ses alliés (1970)
• L’URSS n’exigeait pas un alignement sur ses positions, se contentant de demander que ses partenaires ne s’alignent pas sur les positions occidentales :
« Qui n’est pas contre nous est avec nous ».
• Cela ne veut pas dire que Moscou ne cherchait pas à favoriser l’instauration incliner la direction du d’un système politique et économique proche du sien, mais
le rapprochement économique et l’aide financière suffisaient
pour faire développement d’un État vers le modèle soviétique.
• De sorte que
l’influence économique
Moscou lui permettait de trouver des exercée par alliés fidèles et de les inciter à suivre la voie soviétique.
• L’axe fondamental des constitué par les
relations russo-syrienne questions sécuritaires
.
est • Le rapprochement de Tel-Aviv et de Washington a eu pour effet d’éloigner Moscou et de
rapprocher l’URSS des États arabes.
•
Au milieu des
commencent
années 1950
, Moscou et Damas à tisser des relations étroites. Compte tenu de la situation dans la région, la coopération militaire s’impose et dès cette époque, les principes de celle-ci sont posés :
fourniture d’armes et de conseillers, formation du personnel, transfert technologique et construction d’usines d’armements
.
• Le schéma de l’évolution des relations entre les deux États suit une logique assez simple :
plus les tensions au Proche-Orient s’accroissent, plus Israël se rapproche de Washington, et plus l’URSS le fait de ses alliés arabes : Irak, Égypte et Syrie.
• À la veille de la
Guerre des Six Jours
, les livraisons soviétiques vont croissantes et sur les champs de bataille de cette guerre, les armements américains et soviétiques s’affrontent par pays interposés.
75 % des armes utilisées par les armées arabes proviennent d’URSS et il en sera de même en 1973.
• • Cette guerre laisse les adversaires exsangues et de 1974 à 1978, leurs parrains leur livrent des quantités croissantes d’armes : en
1974
soviétiques vendues à Damas , la valeur des armes
dépasse le 2 milliards et de 1975 à 1978, elles totalisent 4 milliards
.
Les accords de Camp David
et la volte-face de l’Égypte déstabilisent la politique soviétique au Proche Orient et incitent Moscou à établir des relations encore plus étroites avec Damas, malgré certaines difficultés éprouvées par l'URSS dans ses relations avec Assad.
• • Le rapprochement se concrétise
en 1980 avec la signature
aider son d’agression.
d’un traité
par lequel Moscou s’engage à allié dans le cas où il serait victime
L’accord pose les bases d’une intensification de la coopération militaire
dans le contexte d’un accroissement des tensions entre les États-Unis et l’Union soviétique.
• Le nombre de conseillers militaires soviétique en Syrie passe de 1
000 en 1980 à 6 000 en 1983
et les deux pays multiplient les signes de leur rapprochement, comme lors des
exercices navals conjoints
région de Lattaquié en 1981.
dans la • • Mais le rapprochement soviéto-américain, la Perestroïka et l’effondrement de l’URSS vont remettre en question ce partenariat.
Dès 1986, Moscou entame son retrait des affaires internationales
et réduit ses dépenses à l’étranger afin de faire face aux difficultés intérieures.
La détente au Proche-Orient étant nécessaire
au rapprochement avec Washington, Gorbatchev informe Assad en 1987 de son désir de normaliser les relations avec Israël,
ce qui implique de se au moins sur les questions détacher de Damas, sécuritaires.
• De même,
la dette de 15 milliards de Damas envers l’URSS commence à poser problème à Moscou
.
• • La fin de l’URSS sonne la fin de la présence directe de Moscou en Syrie et
la transformation des relations entre les deux pays sur des bases commerciales
, le principal problème à résoudre étant la dette que Damas refuse d’acquitter, puisque son créancier n’existe plus…
En 1994
sont posées les bases de cette nouvelle coopération économique, commerciale et technique par un protocole qui met en place une commission de coopération. Celle-ci accouche en 1998 d’un rapport identifiant les domaines de cette irrigation et transport.
Exit la
coopération : énergies,
coopération militaire
.
•
De 2000 à 2005
, des entreprises russes les secteurs impliquées dans définis s’implantent sur le territoire syrien.
• À partir de cette date,
la Russie et les le renouveau des tensions entre États-Unis
et le désir de Poutine de redonner à la Russie un rôle international modifie des relations qui, tout en demeurant économiques, se voient
redonner un volet militaire et technique
.
• Les deux capitales parviennent à un accord concernant le remboursement de la dette (
l’ardoise est effacée à 90 % par Moscou
), la vente d’armement de Moscou à Damas reprend de façon active.
• Le symbole le plus remarquable de ce renouveau de la coopération militaire est
le retour de la flotte russe à la base de Tartous,
alors que les navires de la flotte méditerranéenne de Moscou multiplient leur présence à partir de 2007.
3 – Bref rappel de la situation en Syrie depuis 2011
• Le système politique semblait stable au début de 2011.
Alors que le « printemps arabe » a fait tomber Ben Ali et menace Moubarak, les choses sont calmes en Syrie.
• En mars, à Deraa, bourgade agricole du sud,
l’arrestation et la torture d’une quinzaine de jeunes, accusés d’incitation à la révolte
pour des graffitis embrase la région. Des manifestations pacifiques se développent, réprimées par les forces de l’ordre, ce qui provoque des
protestations
dans d'autres régions.
• D’abord
politisent
économiques, . Le pouvoir
les revendications se
répond par la répression, fédérant une grande partie de la population en dehors des clivages religieux, tribaux, politiques,
même si les jeunes
prennent une place importante.
• • La police laisse place à l’armée, surtout aux
unités d’élite, composée principalement d’Alaouites
. Les membres de l’armée régulière désertent en grand nombre et vont former rapidement l’ASL.
Le nombre de victimes augmente rapidement
(1 500 dans les premières semaines de l'été de 2011, 8 000 après un an, plus de 180 000 aujourd’hui) et
le conflit s’internationalise
, la violence ne pouvant laisser indifférents les voisins de la Syrie, d’autant que certains ont de vieux comptes à régler avec Damas.
• Rapidement,
Ankara commence à jouer un rôle
dans la consolidation de l’opposition militaire,
réfugiés
l’impliquant de facto, d’autant que l’autonomisation des Kurdes syriens fait ressurgir le spectre d'un
conflit au Kurdistan turc
.
l’afflux de
C’est à Istanbul que sera formé en automne 2011 le Conseil National Syrien, sur le modèle du Conseil National Libyen.
•
À l’été 2011, Qatar et Arabie Saoudite rappellent leurs ambassadeurs
, avant de rompre les relations diplomatiques. La Ligue arabe propose une médiation et un plan de sortie de crise en novembre 2011, ce qui conduit au déploiement d'observateurs arabes en décembre, mais ils sont retirés un mois plus tard.
• Devant ce qui leur semble être une stratégie de Damas pour gagner du temps,
activement au sein de Doha et Riyad s’impliquent l’opposition
, ce qui exacerbe les divisions, les intellectuels mauvais laïcs du CNS voyant d’un œil l’influence des théocraties du Golfe.
• À
l’automne 2011, les ambassadeurs américains et français sont rappelés
.
Le Conseil de sécurité s'empare du dossier, mais les sanctions sont résolutions assorties de bloquées par la Russie et la Chine.
• Compte tenu de ce blocage diplomatique,
États occidentaux décident de fournir une aide non létale.
de nombreux
• Alors que le
rébellion Qatar et l'Arabie Saoudite fournissent la
en armes,
Iran et Russie continuent d’en faire autant pour Damas
.
• Quant à la contribution des divers
islamistes, elle est difficile mouvements à préciser, mais son importance croît
au fur et à mesure où le conflit prend une dimension religieuse, ce que probablement il n’avait que peu à ses débuts.
• Avant 2014,
Damas avait repris une bonne partie des positions perdues
, favorisé en cela par l’environnement international et puissance de particulièrement le développement de la l’État Islamique.
• Depuis le début de l’année, cependant, une
significative du territoire de la Syrie est portion passée sous le contrôle de Daech
, affaiblissant de ce fait autant l’État syrien que les forces d’opposition modérées
4 – Les raisons du soutien russe à Damas
• Dans quelle mesure Moscou soutient Assad? Si les résolutions contraignantes ont été bloquées au Conseil de Sécurité, c’est que
pour Moscou, celles-ci étaient « déséquilibrées
condamnaient que le
»,
c’est-à-dire qu’elles ne régime syrien, Moscou réclamant la condamnation de toutes les violences.
• Si la
position russe est dictée par ses intérêts
, la Syrie constituant cela l’un de ses rares alliés indéfectibles,
ne veut pas dire que Moscou aime le régime
et n'a pas hésité à critiquer à de nombreuses reprises le recours nettement excessif à la force.
• De même,
quant Moscou ne s’est pas montré intraitable à la question de la survie politique
du président, affirmant que c’est aux Syriens de décider.
• Ce point de vue difficilement applicable à un État peu démocratique à l’avantage de souligner ce qui importe pour la Russie : le maintien de sa position
Bachar peut passer, les
à Damas.
intérêts russes en Syrie restent
.
• Ces intérêts sont variés et touchent à deux domaines particuliers (
intérêts stratégiques et préoccupations sécuritaires
qui ), en plus de concerner dépassent le problème syrien et d’autres questions
concerne la place de la Russie dans le monde.
4.1
– Intérêts stratégiques
• On a beaucoup écrit sur russe.
l’importance stratégique de la base de Tartous
, sans jamais vraiment analyser ce qu’elle est réellement, quelles sont ses capacités et quelle est sa pertinence pour le déploiement stratégique
• • Tartous n’est pas une base, mais un
logistique naval ».
Il
« point d’appui
s’agit de petites installations (2 quais flottants) ne pouvant accommoder que quelques navires de surface de bonnes tailles à la fois. Même l’escadre méditerranéenne de la Russie n’est pas en mesure d’y accoster longtemps.
• Les traités concernant Tartous
ne permettent pas le déploiement d’un personnel militaire
suffisant pour assurer une rotation du personnel naval et n’autorisent que le
hommes maintien d’une équipe d’entretien de 300
(ce qui est d’ailleurs la fonction principale des installations). Ce point de relâche n’est ainsi pas fondamental, ne pouvant remplacer une véritable base.
Utilisée depuis 1971
, Tartous remplissait une fonction dans la stratégie soviétique, alors que l’URSS se voulait une puissance globale. La mission de en Syrie était l’escadre basée
d’assurer une présence permanente
de la puissance soviétique en Méditerranée orientale.
• Elle permettait aux navires soviétiques de relâcher dans un port méditerranéen et de
ne pas avoir à franchir les détroits du Bosphore et des Dardanelles
, contrôlés par la Turquie pour revenir à leurs bases.
• Avec ses autres « bases » en Méditerranée (
Lattaquié et Mersa-Mathru
) et dans le cas d’un conflit avec l’OTAN, l’URSS disposait de la possibilité de relâcher certains de ses navires, d’autant que dans ce cas, les capacités de Tartous auraient pu être augmentées.
• La situation est aujourd’hui très différente, les enjeux ayant sensiblement évolué. Mais
la question des détroits est toujours d’actualité
, Tartous permettant aux navires
de ne pas systématiquement retourner à Sébastopol pour le ravitaillement
. Au plan logistique, le point d’appui est avantageux • Ainsi, le maintien d’un point d'appui en Méditerranée permet à Moscou de
compenser sa faiblesse causée par le verrouillage de la Mer Noire
.
• Mais comme la Russie n’a plus les moyens de se projeter loin de ses côtes, Tartous a des fonctions tout autres que celles des années 1970-1980.
• Les objectifs et la zone opérationnelle de la Marine russe ont évolué et elle
opère surtout au large de la Corne de l'Afrique, contre la piraterie
.
accès à des installations portuaires au Yémen et en Éthiopie, ce que la Russie n’a pas.
L’URSS disposait d'un • La proximité de Tartous avec le canal de Suez permet à la Marine russe de
renforcer sa présence dans l'océan Indien
et de tenter d’y projeter sa puissance, alors que la Russie cherche à nouveau à se présenter comme l’une des grandes puissances navales du monde.
• À Tartous,
récent
et
le retour « massif » de la flotte russe est
c’est seulement à partir de 2007 que les navires russes recommencent à fréquemment y faire escale. Depuis 2011, la Russie dispose d’un moyen de pression pour accroître sa présence.
• Mais pour faire du « point d’appui logistique naval » de Tartous une base navale
, la Russie devrait y ses moyens défensifs
, entre autres en installant des systèmes antinavires de surface, ce qui déplait à Israël et aux autres puissances navales de la
accroître
Méditerranée.
• Cela soulève la
question du commerce des armes entre Moscou et Damas
. Depuis longtemps, la Syrie est l’un des commandes,
très bons clients
du complexe militaro industriel soviétique, puis russe. La valeur des ventes d’armes à la Syrie, en tenant compte du carnet de s'élève à plus d’un milliard d’euros.
• La Syrie est un client très fidèle,
syriennes 50 % des importations d’armes provenant de Russie
.
• Si la Russie affirme
ne pas fournir
elle ne cache pas avoir vendu des très avancés technologiquement.
d’armes offensives
, systèmes de défense • En 2005,
pays les échanges commerciaux entre les deux s’établissaient à 500 millions de dollars
.
• La Syrie fait partie des
partenaires privilégiés de Moscou
et depuis 2010, des négociations ont lieu afin
d’intégrer la Syrie dans l’Union douanière.
• • En ce qui concerne les questions stratégiques il y a un élément qui est peu discuté
: le gaz.
L’aspect économique ne constitue qu’une facette de la politique gazière de Moscou
et ce n’est pas un hasard si, dès son arrivé au Kremlin, Poutine s’est employé à reprendre le contrôle de Gazprom.
• La Russie ne dispose
d’influence pas d’immenses moyens
sur les affaires internationales, de sorte que ses réserves de gaz et la forte dépendance de l’Europe à ses exportations ont fait de la politique gazière un élément fondamental de la doctrine stratégique russe.
• Le
maintien de la domination russe du et le contrôle des prix constituent une priorité
politique de la étrangère russe et tout ce qui peut remettre en question cette domination doit
marché gazier
être combattu.
• Si les
réserves de gaz syrien prouvées sont modestes
le potentiel des réserves de la méditerranée orientale est pouvant très important et on parle de réserve s’élever à plus de
10 000 milliards de m3
.
• Les
eaux territoriales syriennes
présentent le plus d’intérêt, avec
près de 25 % de ces réserves
. Si on ajoute à cela les
2,5 milliards de barils de pétrole
s’y trouvent, l’intérêt pour la Russie de conserver d’excellentes relations avec Damas semble évident.
qui • • La Russie a tout intérêt à
capter et conserver toute source de gaz naturel alternative pour l’Europe
, ce qui lui permet de conserver sa place de premier fournisseur. Les efforts de Moscou pour faire échouer Nabucco s’inscrivent bien sûr aussi dans cette logique.
En décembre 2013
, un accord a Damas et Moscou par lequel la
ans un droit de prospection
première confie pour
25
à la Russie sur les plateaux été conclu entre océaniques des eaux territoriales syriennes.
4.2
– Situation sécuritaire
• La Russie s’efforce de zone
maintenir le statu quo
dans une d’importance stratégique pour elle : un coup d’œil sur la carte du Proche-Orient permet de constater la
proximité relative des territoires syriens et russes
, qui ne sont séparés que par la Turquie et des petits territoires, dont l’un est un allié stratégique,
l’Arménie
.
• Malgré les relations cordiales entre Moscou et Ankara, la première
s’inquiète de voir la Turquie s’impliquer activement dans la rébellion
, comme le démontre la destruction syriennes d’un Phantom turc au large des côtes à l’été 2012.
• Il va de soi que pour la Russie,
est en tout point le régime syrien actuel préférable à une alternative mal définie
, dans laquelle visiblement le
musulman
jouerait un rôle important.
fondamentalisme
• La Russie craint le fondamentalisme musulman comme la peste et c’est un des éléments qui expliquent l’invasion soviétique de l’Afghanistan.
La Russie compte une très forte minorité musulmane d’au moins 15 %,
et elle est en hausse.
• Très minoritaires au sein de la communauté musulmane de Russie,
les fondamentalistes sont très actifs, particulièrement dans le Caucase
. Si la guerre de première Tchétchénie fut pour l’essentiel un conflit politique, la seconde était elle-même présentée par ses instigateurs comme une guerre de civilisation.
• Ce qui reste de la mouvance le fait de ces musulmans fanatiques.
rebelle tchétchène s'affiche clairement djihadiste
qui ont et les multiples attentats ensanglanté la Russie depuis 2000 ont tous été • À l’ouest, on explique la présence des fondamentalistes en Syrie par le
refus de Damas de discuter et par l’effet de radicalisation provoquée par la répression.
• Et en effet, les États occidentaux ont dès le départ pris langue avec les représentants de l’ASL et du CNS, tous deux composés
pour l’essentiel de musulmans modérés ou de gens clairement laïcs
.
• De plus, dans le « Printemps arabe » qui
en 2011
menace les régimes autoritaires arabes,
fondamentaliste
,
l’élément
présent, n’apparait pas comme le courant le plus important.
• Le
gouvernement syrien (et son allié russe) a toujours affirmé qu’il luttait contre des fondamentalistes
.
Sans rébellion dès le départ.
exclure la caractéristique « autoréalisatrice » de cette affirmation, on peut croire, qu’il y avait des éléments fondamentalistes dans la • De même, rapidement, le
Qatar et l’Arabie Saoudite
ont soutenu la jamais révolution syrienne et ceux-ci ne se sont gênés pour
instrumentaliser le fondamentalisme sunnite.
• La Russie, très craintive quant à la présence parmi les opposants à Damas de fondamentalistes, considère la situation en Irak et en Libye comme un argument supplémentaire pour soutenir son allié.
• Pragmatique, le gouvernement russe
préfère ainsi le régime actuel à un autre régime, qui serait sans doute tout autant autoritaire, sans nécessairement bien disposé à son endroit être
et qui pourrait appui être en plus fondamentaliste et constituer un supplémentaire à la mouvance djihadiste de Russie.
• Toujours lié à la question sécuritaire, il y avait en 2011 2014
le Damas.
problème des armes chimiques du régime de
Indépendamment de l’opinion que l’on peut avoir du régime, il est préférable que ce soit lui qui contrôle un des stocks d’armes chimiques les plus importants au monde, plutôt qu’un régime de fanatiques.
• En dépit du fait que la quasi-totalité de ces armes ait été détruite aujourd’hui, l’actualité dans la région semble donner raison à la position russe en qui concerne l’aspect sécuritaire : la simple idée que les dirigeants de Daech puissent disposer d’armes chimiques fait en effet froid dans le dos.
• Comme si cela ne suffisait pas,
Daech en faveur de la les récents appels de libération du Caucase musulman de la domination russe
se sont clairement ajoutés comme argument à la ligne suivie depuis 2011 par Moscou.
• Enfin, il convient
d’évacuer un argument
conséquemment, la question envenimée par ce soutien.
souvent par les critiques de la position russe, selon lequel
été du soutien russe, le régime Assad se serait effondré
rapidement et
un n’eût régime laïc, ou à tout le moins modéré, aurait pu s’installer
à Damas et que sécuritaire a utilisé été
• Sans nier que Moscou avait tout intérêt à soutenir un régime ami,
l’évolution des révolutions arabes suffit à rejeter cet argument
.
• Car si la Tunisie, s’en sort bien, c’est là l’exception, car en Irak ou en Libye (ou en fondamentaliste a Égypte, ou la dérive été mise en échec par un coup de force de l’armée),
le « printemps arabe » n’a pour le moment pas démontré de grands succès en matière de démocratie ou de droits humains
, ce qui constitue souvent le prétexte évoqué par les adversaires de Damas en faveur d’un changement de régime.
• Ainsi, pour Moscou, à Damas
, le mieux est en effet l’ennemi du bien.
4.3
– Défense de principe
• À l’heure du conflit ukrainien, il semble délirant d’affirmer que
la Russie est la principale puissance à défendre le principe de la non ingérence dans les affaires intérieures des autres.
Mais c’est la principale ligne de partage entre Occidentaux, agitant la question des droits de l’homme pour justifier des interventions et la Russie qui considère qu’aucun État ne peut se mêler de la politique intérieure des autres.
• Il y a des aspects pragmatiques à cette position de principe (qui souffre bien sûr des exceptions notables), l’expérience des vingt dernières années
n’ayant pas apporté de preuves du caractère positif des interventions au nom des droits de l’homme
• Le rejet de toute intervention dans les affaires syriennes s’appuie sur le
refus de voir croitre l’instabilité mondiale au nom de normes morales.
• Pour la Russie, les interventionnistes n’ont
connaissances pas les nécessaires pour naviguer dans des situations complexes
et qui mettent en opposition des clivages sociaux, culturels et religieux anciens, qui ne sauraient de bonne être transcendés par une simple manifestation volonté.
• De sorte que, accompagner, discuter, aider, oui; intervenir, s’immiscer, régir, non.
• Cette position de principe est défendue avec d’autant plus de vigueur (en général…) que
la Russie
, dont le complexe d’assiégé constitue un élément fondamental de la politique étrangère,
craint que cette politique d’ingérence au nom des droits humains ne justifie une opération de ce genre chez elle ou dans son étranger proche
, ce qui aboutirait à la mise en place de gouvernements potentiellement hostiles à ses frontières.
• Enfin,
la Russie est puissance comparable
elle a
à celle qu’avait l’URSS
, mais hérité de son siège au Conseil de Sécurité, ce qui lui permet de jouer un
très loin de disposer d’une
rôle fondamental dans les affaires internationales.
• De sorte que
(comme toute marginalisation de cette institution l’opération en Irak, par exemple) est vue à Moscou comme une atteinte à son pouvoir
.
• C’est pourquoi en Syrie comme ailleurs,
systématiquement pour la suprématie du Conseil de Sécurité Moscou plaide
(même lorsque la situation fait de celui-ci une organisation complètement impotente.)
4.4
– Politique de prestige
• Moscou prétend jouer un rôle important sur la scène internationale et c’est pourquoi, bien qu’elle condamne l’ingérence (en général…), elle croit en
son rôle de pôle d’opposition à ce qui est perçu en Russie
(et ailleurs) comme le renouveau de l’impérialisme occidental.
• Que ce soit par son rôle diplomatique fondamental dans la constitution des BRICS ou dans d’autres organisations multilatérales dont les puissances occidentales ne font pas partie (comme
positionner
l’OCS),
comme le la Russie chef de cherche file des à se États « révisionnistes »,
c’est-à-dire de ceux qui réclament une redistribution des cartes à l’échelle mondiale.
• Pour ce faire, la Russie se dote peu à peu
idéologique,
pas toujours solide et pas toujours cohérent, afin de faire avancer sa puissance en se portant
d’un cadre
à la défense des valeurs conservatrices.
• La montée de l’islamisme radical au Proche-Orient permet à Moscou de se présenter
comme le défenseur des valeurs chrétiennes et de défendre sa position en Syrie sur la base de la nécessité de protéger la communauté chrétienne du pays
.
• Moscou prétend que
est en mesure seul le pouvoir actuel d’assurer cette protection à Damas
et que tout doit être fait pour lui permettre de mettre en échec le fondamentalisme musulman.
• La puissance internationale d'un État ne peut se déployer qu’en tissant des liens avec différents partenaires et en travaillant au maintien de sa à l’échelle mondiale.
La Syrie
réputation
étant un ami de longue date de Moscou, l’abandon de Damas par Moscou aurait porté un coup très dur à sa réputation
en tant qu’allié fiable, d’autant que la question libyenne avait montré à ce titre la Russie sous un jour peu favorable.
• La politique étrangère de tout État s’appuie aussi sur des
facteurs intérieurs
. La longue russo-syrienne a donné lieu à un échange de population et la Russie compte près de
200 000 habitants d’origine syrienne
, ce qui peut aussi expliquer le soutien de la Russie.
• Beaucoup plus importante est
la perception que les Russes ont de leur gouvernement et du rôle international de la Russie
. Et l’effondrement de la popularité d’Eltsine dans les années 1990, et celle toujours croissante de Poutine depuis les ne reposent pas que sur la situation années 2000, intérieure.
• Autant Eltsine était critiqué, pour avoir abandonné les positions internationales de la Russie, autant
président est loué pour ses efforts visant à redonner à l’État russe son rôle de puissance mondiale.
l’actuel
• Là aussi, soutenir coûte que coûte le régime de Damas
permet à Moscou de démontrer sa fiabilité et sa puissance sur la scène internationale
.